L’espace public parisien au XXIe siècle Laurie BARTELDT
S5SA - Méthodologie de l’écriture 1 École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble
Introduction En ce début de XXIe siècle, nous ne sommes pas sans savoir que la population mondiale devient de plus en plus urbaine. En effet, alors que le siècle précédent a été marqué par un exode rural important, l’urbanisation des territoires et l’étalement urbain des métropoles contribuent à réduire le pourcentage de population rurale. En 2018, plus de 80% de la population française vit en ville. Ces chiffres nous amènent à réfléchir sur la question du confort de vie des citadins, et plus précisément à la réponse qu’apportent les concepteurs de la ville, architectes, urbanistes, paysagistes, à cette question d’actualité. C’est la problématique qui a animé la métropole de Paris à lancer le concours Réinventer Paris à partir de 2014, un appel à projets urbains innovants relevant des enjeux actuels de réhabilitation de la ville, qu’ils soient sociaux, environnementaux ou même économiques. Cet appel à pro- jet vise à concilier interêt public et innovations techniques tout en respectant les nouvelles normes environnementales nécessaires pour l’avenir écologique de la ville. Paris s’inscrit dans les plus grandes métropoles contemporaines et rayonne ainsi sur le monde entier. En matière de poli- tique et en tant que capitale de la 5e puissance mondiale, elle a un grand pouvoir de commandement politique dans de nombreuses organisations internationales. Le quartier des affaires de la Défense est un grand pole économique puisqu’en tant que premier quartier d’affaires du monde, il représente à lui seul 20% du PIB de l’Île-de-France. Mais Paris rayonne aussi par sa richesse culturelle reconnue de tous, elle est considérée par les étrangers comme une « ville musée » et est la première destination touristique du globe. Tous ses facteurs font naître la nécessité de conserver Paris au statut de ville-monde face à la mondialisation. Ainsi, en 2007 les pouvoirs publics ont investi dans l’aménagement et le développement de la capitale en lançant le projet du Grand Paris qui a pour but d’augmenter l’attractivité de la capitale. Depuis 2015, la démarche « Réinventer nos places » a pour objectif de réaménager sept grandes places de la capitale pour créer de nouveaux espaces de convivialité. 2
Prenant en compte tous les éléments cités précédemment, les projets présentés pour Réinventer Paris devront être complets et exhaustifs concernant ses problématiques culturelles, sociales, environnementales, économiques et politiques. Pour illustrer le propos, nous analyserons deux projets sélectionnés au concours. Le premier projet est celui de Sou Fujimoto et Manal Rachdi de l’agence Oxo Architects nommé Mille Arbres qui sera livré en 2022. C’est un projet entre architecture et nature avec un programme mixte regroupant des logements, des commerces, un parc, des parkings, des bureaux, etc. Il est construit en passerelle au dessus du périphérique et per- met de rejoindre Paris depuis Neuilly.
1 MUIS Anne-Solange, « Places et
rues, des leviers indispensables pour faire la ville », ECOLOGIK, n°60, dec-janv-fev 2018- 2019, pp.82-83. 2
TEXIER Simon, maître de conférence en art contemporain, 2006, Voies publiques : histoires pratiques de l’espace public à Paris. Cité dans le même article que la première note.
Le projet porte bien son nom car 1000 arbres vont être plantés dans l’ensemble du projet, recréant une vraie biodiversité. Oxygen, le second projet étudié, réalisé par l’agence Stephane Malka Architecture se situe au coeur du quartier de La Défense qu’elle est chargée de restructurer et dynamiser. À cheval sur la porte d’entrée sud du quartier, ce projet que Malka surnommera « habiter la nature » est composé de commerces, principalement de restauration, et de jardins végétalisés, en réponse à la demande d’un nouveau paysage des travailleurs quotidien des tours de La Défense. Pour structurer le discours, on s’interrogera sur les façons dont la végétation agit sur nos perceptions de l’espace public urbain à Paris. Ces programmes mixtes et complexes créent de nouveaux espaces publics urbains, que ce soient des places, ou même des rues qui peuvent être, selon les types d’usagers, des lieux de passages, des zones de rencontres et d’échanges, etc. Ce sont des lieux ouverts à tous qui permettent de « créer du lien et de donner de la cohérence dans l’aménagement du territoire »1. Comme le dit Simon Texier, la vocation de l’espace public « est bien d’offrir sans contraindre, d’accueillir sans diriger, de donner la possibilité de rencontre sans la forcer, de toujours ménager une place sans jamais placer, d’assurer le proche et le lointain, d’être le lieu de la main tendue comme du don d’intentions »2. Le terme « public » utilisé pour définir ces espaces partagés, vient du mot « peuple » qui signifie « nous, vous, les habitants, les citoyens » et vient en opposition à ce qui est privé. Dans une dynamique de constante amélioration de la qualité de vie de la population, on peut alors se poser plu- sieurs questions concernant le confort des usagers, quelles sont les démarches mises en place pour maintenir la santé mentale et physique des citadins? Comment retravailler les anciens espaces publics de Paris tout en respectant l’histoire de la ville et les nouvelles politiques environnementales ?
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Réinventer Paris, un appel à projets innovants : amélioration de la vie populaire urbaine ?
Pour commencer, il serait préférable de définir le terme d’ « espace public urbain » tel qu’il est entendu dans cet article, et de comprendre quelle place ils occupent à Paris en 2018. Un espace public est une zone qui est accessible à tous et est le reflet la diversité des populations et du fonctionnement de la société. Ensuite, un espace ur- bain définit tout espace qui relève de la ville, qui se situe en ville. Il peut être privé ou bien public. Aujourd’hui, les espace publics en ville sont de plus en plus végétalisés, on les appelle alors dans le langage commun des « espaces verts ». C’est une « notion apparue avec l’urbanisation car l’augmentation de la surface construite fait ressortir la nécessité absolue de disposer l’espace destiné à la détente » (Hassani, 2000). Paris est, comme dit précédemment, une ville reconnue dans le monde entier en partie grâce à la qualité de ses espaces publics malgré la diversité de ses quartiers. On peut dire que l’espace public parisien a deux visages. Un très urbain fait de voirie, de circulation, très ouvert et diffus, contrairement au côté plus humain où on retrouve les parcs, les squares, les espaces de détente et de re- pos, clos mais accessibles sous certaines conditions (horaires par exemple). Face à ce constat, nous sommes forcés de constater qu’auparavant on parlait plus de « place publique » lorsqu’on évoquait l’espace public d’une ville comme Paris, alors que maintenant, en raison de l’urbanisation massive du XXe et XXIe siècles, ce ne sont plus que des carrefours urbains, qui sont devenus des lieux de mobilité mais en aucun cas des lieux d’échange. Dans les années après guerre, on néglige ces lieux mais c’est à la fin des années 70 que les règles de composition urbaine ont « permis de redonner de l’attention à l’espace public », comme l’affirme l’Atelier Parisien d’Urbanisme. Aujourd’hui, la préoccupation de l’espace public est une réelle priorité pour les municipalités. Ainsi, de nouvelles lois sont institutionnalisées en faveur de la réhabilitation de ces places délaissées, comme celle du 4 juillet 2018 qui consiste à un plan de biodiversité et de développement de la nature en ville, avec un objectif moyen d’un arbre pour 4 à 10 habitants en ville. Ces nouvelles prérogatives influent les nouvelles constructions urbaines en obligeant les concepteurs à avoir un certain pourcentage de végétation inclus dans leur pro- jet. À long terme, le taux de végétation en ville va considérablement augmenter ce qui nous amène à réfléchir à l’entretien de ces espaces verts, ce à quoi le gouvernement a déjà apporté des réponses avec la mise en place de plu- sieurs labels environnementaux. Pour une gestion écologique et durable, les sables « Terre saine » et « Écojardins » deviennent obligatoires dès 2018.
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Fig. 1 - Carte de l’APUR, Les lieux singuliers
Fig. 2 - Carte de l’APUR, La couverture végétale
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Il paraît nécessaire de faire l’état des lieux des es- paces publics existant de la capitale française afin de pour- suivre cette analyse. Pour cela, nous nous appuyons sur le travail de cartographie ci-contre réalisé par l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) en 2017, étant l’étude la plus récente et complète que nous avons pu trouver. C’est un recueil de cartographies qui permet de recenser les lieux importants de la mobilité, du cadre de vie, des usages et de la présence de la nature en suivant leurs évolutions. Ce sont des cartes dessinées à l’échelle de Paris et qui permettent de présenter l’espace public dans toutes ses dimensions, tout en donnant quelques indicateurs essentiels. C’est un outil évolutif qui sert à alimenter toute sorte de travail concernant l’espace public. Le premier document fait le repérage (non exhaustif) des « lieux singuliers » classés dans quatre catégories : place et parvis, promenade et place jardin, rues et passages et lieu particulier. On remarque que les places ont des échelles très différentes, qu’elles soient métropolitaines ou de quartier, sont très présentes dans le centre historique et sont, pour la plupart, des endroits emblématiques de la ville (la place de l’ Étoile par exemple). Tous ces espaces sont reliés par des grands axes de circulation qualifiés de « promenades », empruntés autant par des automobilistes que par des piétons, des cyclistes ou même des transports en communs. Les promenades, les rues, les passages, sont des zones de circulation où l’on ne fait que passer pour se rendre d’un point à un autre, tandis que sur les places, les parvis, dans les jardins, on prend le temps de s’arrêter, de se reposer, de contempler, ce qui en fait des zones de destination. Ces places publiques sont conçues pour répondre aux besoins de la population : « le public souhaite que, systématiquement, les jardins soient adaptés au repos, mais aussi à la pratique d’activités de détente -ballon, jogging » (GOURLET Janic, 1990). Leurs usages sont divers et variés : il y a l’espace dédié aux enfants, ce- lui de la contemplation où l’on retrouve des bancs, celui du défoulement, celui où l’on se repose, se détend, etc. Afin de séparer ses différents usages parfois contradictoires, des dispositifs de frontière sont mis en place. Ils peuvent être traduits littéralement avec une barrière en bois, en métal, des grillages, ou bien en faisant appel à la végétation comme frontière plus ou moins poreuse. C’est d’ailleurs ce qu’exprime la seconde carte « couverture végétale », avec des pourcentages reprenant la proportion de végétation en fonction des canopées au dessus des espaces publics. Paris est une ville assez verte à côté de certaines villes françaises, mais des progrès restent à faire en terme de développement écologique. Les habitants et usagers réguliers de la ville ne sont pas de cet avis. Le ressenti général est celui d’une ville très minérale et froide, et on réclame que les nouveaux projets soient liés à la nature afin de créer des îlots de respiration. C’est la problématique qui a animé la Métropole de Paris à lancer l’appel à projet du Grand Paris. Dans une ville aussi dense, les nouveaux projets sont souvent de la réhabilitation, ce qui soulève plusieurs enjeux : il faut englober des enjeux sociaux, environnementaux, économiques afin de répondre correctement aux attentes en terme de développement durable, mais aussi et surtout optimiser l’espace là où l’espace bâti est saturé. Afin d’offrir un cadre de 6
vie confortable, attractif et de concilier attractivité économique et mixité sociale et culturelle, il faut repenser la conception des immeubles pour en faire des lieux mieux partagés et durables, comme la création d’espaces de coworking par exemple. Ainsi, on essaie de penser la ville autrement en prenant en compte le souhait populaire de la réappropriation des espaces pour des usages plus actuels, en accordant moins de place à la voiture et plus au piéton ou au transport en commun. L’homogénéité des espaces publics est capitale lorsque l’on conçoit un projet, il est important de respecter l’histoire de la ville et l’existant afin de ne pas risquer d’avoir des réalisations trop hétérogènes, ce qui pour- rait altérer la qualité de ces lieux. La dimension esthétique devient aussi importante que la dimension utile, et l’art de combiner les deux est quelques fois compliqué à mettre en oeuvre.
GOURLET Janic, « La Nature de l’espace public », Paris projet, Espaces publics, n°29, octobre 1990, pp171-174.
À la conception de ces nouveaux espaces publics vient s’ajouter le facteur temps, puisqu’un jardin mettra plusieurs années à avoir la forme escomptée : il faut raisonner « en fonction de la croissance des végétaux » (GOUR- LET Janic, 1990) et c’est une mesure souvent difficile à comprendre et à prendre en compte comme l’espacement entre les arbres, justifié par la taille de chaque essence à l’âge adulte. Les projets présentés au concours du Grand Paris devront donc prendre tous ces éléments en compte, en répondant à ces enjeux actuels de notre société. Les bâtiments doivent être porteurs de fonctions diversifiées et s’implanter à des endroits stratégiques et profiter de la dynamique des quartiers en plein essor (les gares).
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Mille Arbres : un nouveau paysage dans la skyline Parisienne, Sou Fujimoto architects
Le premier projet étudié est la proposition qu’ont faite Sou Fujimoto Architects et Manal Rachdi au concours de Réinventer Paris. C’est un projet innovant construit au dessus du boulevard périphérique, reliant Paris et Neuilly, et qui joue avec l’ambiguïté entre l’architecture et la nature. Sans être dans un mimétisme de la nature, Fujimoto cherche à rendre sa place à la nature à travers ce projet qui introduit une nouvelle manière de vivre en ville, avec un riche programme de mixité. C’est un projet qu’ils veulent « tourné vers l’avenir »1 grâce à cette ambiguïté entre architecture et nature. Il s’agit de concevoir un grand ensemble regroupant un parc, des commerces, des restaurants, des logements, et des bureaux, dessinant une nouvelle skyline « unique et poétique »1 offrant une vue unique sur la capitale. Contrairement au projet étudié un peu plus loin dans l’article, celui-ci est encore en phase de travaux et n’est pas encore livré. FUJIMOTO Sou ; RA- CHDI Manal ; DE FRANCE Marie, Conférence « Mille Arbres », pavillon-arsenal.com, 14 Avril 2016 , URL : http:// www.pavillon-arsenal. com/fr/ conferences-de- bats/cycles-encours/ hors-cycle/10351-millearbres.html?fbclid=IwAR3j4IFPUAglxQgndxiY7yLuljUkE0RQx8J5o1LgKhUzy2wJKAGYlZV73cI
L’intention principale des architectes a été de faire intervenir une véritable forêt sur le bâtiment, de la même manière que Paris arrive à marier architecture et nature. Pour cela, ils conçoivent un bâtiment en pyramide inversée où un parc vient se loger à la base. Le végétal intervient comme composant architectural puisqu’il est à la base du projet, on construit avec nature, en communion avec la nature. L’architecture n’est pas plus ou moins forte que la nature, elles sont présentes à parts égales. La liaison entre ces deux éléments est pourtant très simple. Le végétal est un composant qui évolue avec le temps, qui n’est pas figé. En effet, le projet est évolutif : on plante tout de suite de très grands arbres pour créer une forêt assez remplie, qui va se densifier de plus en plus avec les années. Nos perceptions vont donc changer avec le temps, et l’architecture va se renouveler. L’évolution dans le temps permet de ne jamais voir le bâtiment de la même façon, comme un caméléon. Son image n’est jamais figée et inscrite dans un mouvement constant et permanent. Mille Arbres est un projet tourné vers l’avenir car il fait intervenir des notions jusqu’alors peu revendiquées. Il est question de créer un village flottant au milieu d’une forêt et au dessus du périphérique qui cherche à offrir une vue sur toute la ville sans dépasser la hauteur des bâtiments avoisinants. Contrairement à l’idée de vouloir toujours faire plus grand, plus haut pour montrer une certaine domination, ici les architectes ont choisi de se fondre dans le volume de la ville pour la respecter. On respecte le contexte architectural en se mettant au même niveau de toiture, en respectant l’harmonie architecturale de Paris, et l’environnement avec des maisons écologiquement innovantes au même niveau. En effet, les habitations conçues sur la toiture sont les premiers logements entièrement créés à partir de matériaux biosourcés. C’est de cette manière que Sou Fujimoto et Manal Rachdi ont voulu offrir une vue unique sur la ville, en créant une « skyline unique et poétique » (RACHDI Manal, 2016). 8
Fig. 3 - Vue d’ensemble Mille Arbres
Fig. 4 - Vue du parc Mille Arbres
Fig. 5 - Vue de l’entrée du projet
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De plus, la relation au végétal de ce projet ne se limite pas à un composant architectural, mais va bel et bien améliorer le confort de vie des usagers, dans ce qu’annonce les architectes. D’ailleurs, Sou Fujimoto nous dit lors de la conférence sur Mille Arbres qu’il existe des similitudes dans le comportement de l’homme en ville ou en pleine nature, et que de cette manière il cherche dans la totalité de ses projets à rendre sa place à la nature dans l’architecture. Du côté de Manal Rachdi, il complète en disant qu’il cherche, dans son architecture, à retransmettre un sentiment de plénitude qu’il ressent lorsqu’il se trouve dans la nature, et qui le renvoie à ses souvenirs d’enfance. Mettre de la nature dans une architecture permet de s’échapper, comme dans Mille Arbres qui est une vraie forêt au milieu d’une « jungle de béton » (FUJIMOTO Sou, 2016).
FUJIMOTO Sou ; RA- CHDI Manal ; DE FRANCE Marie, Confé- rence « Mille Arbres », pavillon-arsenal.com, 14 Avril 2016 , URL : http:// www.pavillon-arsenal. com/fr/ conferences-de- bats/cycles-encours/ hors-cycle/10351-millearbres.html?fbclid=IwAR3j4IFPUAglxQgndxiY7yLuljUkE0RQx8J5o1LgKhUzy2wJKAGYlZV73cI.
Le parc est assez dense, mais à travers les percées on peut observer la ville de Paris. Cette frontière végétale permet de limiter la pollution venant du périphérique, car elle crée une barrière plus ou moins perméable selon la densité du feuillage (les feuilles absorbent un pourcentage de pollution en CO2). Mais le rôle de ce « mur vivant » ne s’arrête pas là, il permet aussi de couper la relation visuelle, sonore et olfactive de l’axe routier : c’est comme si on était dans un cocon en pleine ville, coupé de toutes perceptions nocives extérieures. On peut rajouter le facteur climatique, car comme on le sait déjà la végétation rafraîchit les villes, et cela est d’autant plus vrai à l’échelle du bâtiment. « La nature peut être confortable comme un cocon à petite échelle mais aussi à une grande échelle comme dans la forêt » (RACHDI Manal, 2016). C’est un environnement qui nous protège, comme le ferait la nature. Le confort de vie des usagers est bien étudié et tend à être optimal. Ce projet a un fonctionnement écologique, il a une biodiversité riche, une faune, et c’est un lieu protégé. Le parc crée alors une intimité et une liaison entre l’architecture et la végétation. Il nous amène à avoir une réflexion sur ce qu’est une biodiversité dans la capitale aujourd’hui. Il se présente comme une ville verticale, ou la ville est à l’échelle du bâtiment : on y retrouve un hôtel, des bureaux, des logements, une gare routière et bien d’autres structures. Le but des ces architectes était de créer un lieu qui protège, qui sécurise, où l’on est déconnecté de la ville en ellemême. Ainsi, il font apparaître l’architecture de manière fragmentée et presque inexistante parfois entre les arbres: c’est la lumière qui la révèle. Mille Arbres est une réelle immersion dans la nature au dessus du périphérique. Avec cette ambition de s’implanter en hauteur, l’enjeu est réellement de créer une forêt flottante et lé- gère au dessus de la voie périphérique, et ceci n’est pas sans impacter l’espace public environnant. La figure en pyramide inversée du bâtiment est faite pour maximiser la surface de l’espace public et des espaces plantés en dessous, qui relieront les deux bords du périphérique. La volonté principale a donc été de recréer un véritable écosystème dans l’ensemble du projet. Les patios percés dans la masse du bâtiment arrosent les étages de lumière naturelle filtrée par la barrière poreuse végétale. Le projet, dans son intégralité, connecte la rue avec le ciel en offrant une vue imprenable sur la ville. Inversement, le projet sera visible de loin lorsque l’on s’élèvera un peu, et apparaîtra comme un nuage de verdure au dessus du tissu urbain. À une échelle plus resserrée, le projet crée une continuité verte avec les trois rues qui 10
Fig. 6 - Toiture jardin
Fig. 7 - Mille Arbres dans la skyline parisienne
Fig. 8 - Mille Arbres vu du dessus
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lui sont reliées. D’en bas, à la place des automobilistes qui se rendent au travail dans la capitale le matin, on aperçoit uniquement une grosse masse de végétation : le bâtiment disparait derrière le parc pour laisser vivre la nature, pour lui laisser place. Dans ce contexte urbain très dur et minéral, la présence de végétaux adoucit la vision que nous en avons, ils sont comme des respirations, des havres de paix et d’oxygène. Pour conclure avec ce projet, Sou Fujimoto reconnaît que c’est un projet ambitieux et visionnaire, il a même été très surpris d’avoir été retenu au concours. Il propose une architecture nouvelle et originale, qui est tournée vers l’avenir tout en respectant son histoire, en interagissant avec son histoire.
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Fig. 9 - Vue d’ensemble Oxygen
Fig. 10 - Perspective terrasses Oxygen
Fig. 11 - Coupe Oxygen
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« Habiter la nature : le projet Oxygen », Stephane Malka
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« La Défense rêve d’Oxy- gen pour s’aérer la tête, les soirs et weekends », 15 février 2016, batiactu.com, URL : https:// www.batiactu. com/edito/ defense-reve- oxygen-s-aerertete-soirsetweekends-43711.php
Le second projet étudié est celui de Stéphane Malka « Oxygen », livré en automne 2018. Il se situe à la fin de l’esplanade de La Défense côté Est du quartier. C’est l’entreprise Defacto qui a lancé l’appel d’offre de la réhabilitation de la dalle qui servait anciennement de parking au bout de la promenade. Le projet de Malka architecture à été retenu grâce au concept qui répond aux attentes de la population : « Avec le concept «Oxygen», l’établissement public de gestion souhaite insuffler de la vie et du vert, afin de stimuler les activités liées aux plaisirs culinaires et aux événements festifs »1. Le titre officiel donné par l’architecte pour la présentation du projet est assez parlant et introduit bien le programme : « Habiter la nature ». Ce programme une fois de plus assez riche, offre un panel de possibilités comme la restauration et l’évènementiel et un espace de travail partagé qui pourra être utilisé par les salariés du quartier et les étudiants. « Un lieu hybride et branché, ouvert à tous »1. Il s’inscrit dans la continuité des travaux entrepris dans le quartier pour devenir un vrai lieu de promenade et de vie à la sortie du travail. Defacto estime que le concept du projet de Stéphane Malka est à la hauteur de l’esplanade de La Défense, c’est ce que nous allons essayer de montrer grâce à l’analyse qui suit. Le vecteur végétal est présent sous plusieurs formes dans le projet : la structure est faite de mélange de matériaux naturels voire nobles comme le bois ou le bambou pour venir s’opposer à la minéralité du quartier, sa verticalité et son béton. La structure du bâtiment se veut légère, et très fortement végétale, de manière à apporter une touche de douceur et de légèreté dans le quartier, face à l’assise lourde de tous les bâtiments environnants. Oxygen vient compléter le quartier tout en se confrontant à la plupart des éléments qui le composent : il est assez bas et plat, avec 3 étages, contrairement aux célèbres tours de La Défense qui s’élèvent à plus d’une centaine de mètres. La nature est beaucoup présente sur les espaces extérieurs où elle forme des barrières entre les terrasses, autant visuelles qu’auditives, ou alors avec les toitures végétalisées. Face au besoin et à la demande des usagers du quartier, le projet possède sa propre politique en matière d’écologie et d’environnement : tous les commerces auront une politique biologique, et leur propre manière de traiter les déchets. C’est un fonctionnement qui se veut en accord avec l’environnement, où aucun élément ne se contredit au sein du bâtiment. Les architectes cherchent à apporter un nouveau souffle au quartier, et ce travail s’effectue autant à l’échelle du bâtiment qu’à celle de l’ensemble de la zone. Le projet Oxygen vient redynamiser la place et la transformer en un territoire accueillant et chaleureux.
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« Des terrasses pour faire respirer les salariés de la Défense », Le Parisien, le- parisien.fr, 15 février 2016, URL : http:// www.leparisien. fr/ courbevoie-92400/des- terrassespour-faire-respi- rer-les-salariesd e - l a - d e fense-15-02-2016-5548237. php.
« Les salariés et les visiteurs du quartier d’affaires le trouvent... trop minéral »2. C’est ce qui résume parfaitement l’avis des usagers quotidiens du lieu. Dans les an- nées 1970 où a été imaginé ce quartier, la vision futuriste dominait avec l’envie de grandes tours tout en béton. Aujourd’hui, ses usagers demandent du végétal et un réel re- tour à la nature pour respirer, prendre une bouffée d’air pur au milieu d’un nuage d’air pollué. On veut des jardins de partout, on veut pouvoir toucher et sentir la nature, ce à quoi Stéphane Malka porte une attention particulière avec son traitement du végétal comme composant architectural dans toutes ses formes (structurel, esthétique, 14
climatique, etc). En se baladant sur le parvis avant d’arriver dans le bâtiment, nous avons un premier contact avec la nature grâce aux bacs arborés ; mais pour les travailleurs ce n’est pas suffisant. Ils souhaitent voir autre chose qu’une immense esplanade minérale lorsqu’ils travaillent perchés dans leur bureau au trentième étage. Ils disent trouver nécessaire pour leur bien-être de ramener des couleurs dans le quartier pour pallier à cette désaturation de l’espace public. Le concept végétal défendu mêlé au programme mixte de l’architecture a pour but de favoriser la créativité, les échanges et l’ouverture d’esprit. Du côté des automobilistes qui empruntent quotidiennement le périphérique passant sous la dalle, le composant naturel les rassure, leur donne une vision plus agréable du quartier. Comme pour Mille Arbres, le projet a un gros impact sur l’espace public. Sur le plan masse, la toiture verte en arc de cercle vient terminer la promenade en douceur, sans marquer une opposition brutale avec la route qui se trouve dans la continuité (voir Fig. 13). La promenade étant de plus en plus verte, les végétaux plantés dans le projet ajoutent une touche de couleur et de vie, en accord avec les nouvelles directives du quartier. Oxygen s’implante à la fois au dessus mais aussi en dessous de la dalle symbolique. Avant les travaux, la dalle était un parking et la vue sur cette étendue n’était pas celle que l’on préfère. Face à l’ancienne vision austère que nous en avions, La Défense est aujourd’hui un quartier vivant où il est possible de se ressourcer en se promenant, en allant prendre un café ou même en assistant à des événements culturels, dans un respect de l’environnement correspondant aux moeurs actuelles de la population.
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Fig. 12 - Dessin perspective, le projet vu du périphérique
Fig. 13 - Dessin plan masse, Oxygen dans la continuité de la promenade verte
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Conclusion Pour conclure, on remarque que les deux projets présentés ne sont pas si différents. Il existe, dans la plupart des projets actuels de réhabilitation de la ville, des points communs assez importants dans la mise en oeuvre du végétal dans l’architecture. Les architectes cherchent à donner une importance majeure à la nature dans leurs projets, en l’utilisant de manière esthétique, structurelle et fonctionnelle. La présence de la nature dans l’architecture est un facteur qui rassure les utilisateurs, surtout en milieu urbain où on croule sous le béton. Les plantes, c’est comme un retour aux sources nécessaire pour la population qui est en demande d’air pur en ville. Les projets comme Mille Arbres et Oxygen sont des projets actuels et dans l’air du temps, qui annoncent une bonne lancée pour l’objectif de la végétalisation de Paris d’ici quelques années. On pourrait faire le parallèle avec un autre pro- jet, Paris Smart City 2050, qui nous montre les limites de cette végétalisation urbaine. Les images que nous trouvons concernant cette étude sont des images de synthèses réalisées par des architectes, nous montrant à quoi pourrait ressembler la capitale en 2050 si on continue à créer des bâtiments verts. C’est là qu’apparait la limite de ce concept puisqu’on risquerait de faire trop, à trop vouloir ramener de la nature en ville on pourrait finir par avoir un cafouillage sans nom d’espaces verts, dont on ne distinguent ni les limites ni l’utilité première. Au lieu de donner du souffle à la ville, ce trop plein de nature risque de faire l’effet contraire en nous étouffant. De plus, ceci ferait perdre toutes les qualités architecturales de ces ajouts de verdure. Dans l’avenir, il faudra prêter attention au développement à l’échelle de la ville et pas seulement à l’échelle individuelle d’un projet, pour avoir une vision d’ensemble harmonieuse.
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Bibliographie FUJIMOTO Sou ; RACHDI Manal ; DE FRANCE Ma- rie, « Mille Arbres », pavillon-arsenal.com, 14 Avril 2016 , URL : http://www.pavillon-arsenal.com/ fr/confe- rences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10351-mille- arbres.html? fbclid=IwAR3j4IFPUAglxQgndxiY7yLuljUkE0RQx8J5o1LgKhUzy2wJKAGYlZV73cI « Mille Arbres, a New Mixted-use Project », C3, Retreats and Escapes Mediation, n°384, août 2016, pp14-17. Compagnie de Phalsbourg, « Milles Arbres », compagnie- dephalsbourg.com, 2017, URL : http://www.compagniede- phalsbourg.com/portfolio_page/millearbres/ MALKA Stéphane, « OXyGen », stephanemalka.com, 2018, URL : https:// www.stephanemalka.com/portfolio/oxy- gen-i-habiter-la-nature-i-ladefense-2018/ « La place de la Défense va faire peau neuve », ladefense. fr, 10 novembre 2017, URL : https://www.ladefense.fr/fr/tra- vaux/la-place-de-la-defense-va-fairepeau-neuve PÉRINEL Quentin, « Avec le projet «Oxygen», La Défense va se mettre au vert », immobilier.lefigaro.fr,17 février 2016, URL : https://immobilier.lefigaro.fr/ article/avec-le-projet- oxygen-la-defense-va-se-mettre-au-vert_1ea754ead55c- 11e5-b55f-68af2bf15c91/ CAILLAUD Laurent, « La Défense, un quartier à vivre », Le Parisien, 2018, URL : https://www.stephanemalka.com/ portfolio/oxygen-la-defense-dans-leparisien-i-fevrier-2018/ Plans de Paris, plandeparis.info, http://www.plandeparis. info/la-defense/ plan-la-defense.html « La Défense rêve d’Oxygen pour s’aérer la tête, les soirs et weekends », 15 février 2016, batiactu.com, URL : https:// www.batiactu.com/edito/defensereve-oxygen-s-aerer- tete-soirs-et-weekends-43711.php VIDA Stephen, « Les espaces verts urbains et la santé », inspq.qc.ca, 2011, URL : https://www.inspq.qc.ca/pdf/publi- cations/ 1274_EspacesVertsUrbainsSante.pdf SANSOT Pierre, « La Gloire des Jardins, du « café riche » au jardin de l’esplanade », Les Annales de la Recherche Urbaine, Espaces publics en villes, décembre 1992 - mars 1993, n°57-58, pp164-173. Les annales de la recherche urbaine, Paysages en ville, n°85, 1999. calameo.com, Définition espaces verts, https://fr.calameo. com/read/ 000163542a3d2952a59b0 18
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Iconographie Fig. 1 - Carte de l’APUR, Les lieux singuliers Carte réalisée par l’Atelier Parisien d’Urbanisme Janvier 2017 URL : www.apur.org Fig. 2 - Carte de l’APUR, La couverture végétale Carte réalisée par l’Atélier Parisien d’Urbanisme Janvier 2017 URL : www.apur.org Fig. 3 - Vue d’ensemble Mille Arbres Image tirée d’une vidéo «Mille Arbres - Réinventer Paris» Publiée par OGIC Immobilier 21 février 2017 www.youtube.com URL : https://www.youtube.com/watch?v=rA4Df_51WoQ Fig. 4 - Vue du parc Mille Arbres Image tirée de l’article «1000 arbres au-dessus du périphé- rique parisien», © Sou Fujimoto Architects et Manal Rac- hdi - OXO Architects, Compagnie de Phalsbourg et Ogic - Morph 19
www.arcadis.com URL : https://www.arcadis.com/fr/france/ce-que-nous-fai- sons/nosrealisations/europe/france/mille-arbres-au-des- sus-du-peripherique-parisien/ Fig. 5 - Vue de l’entrée du projet mage tirée de la revue AMC, article « Les lauréats de Réin- venter Paris », © Sou Fujimoto Architects et Manal Rachdi - OXO Architects, Compagnie de Phalsbourg et Ogic - Morph 22 février 2016 www.amc-archi.com URL : https://www.amc-archi.com/photos/les-laureats-de- reinventerparis-5-22-mille-arbres-xviie-arr,4482/mille- arbres-sou-fujimoto-arc.11 Fig. 6 - Toiture jardin Image tirée de la revue AMC, article « Les lauréats de Réin- venter Paris », © Sou Fujimoto Architects et Manal Rachdi - OXO Architects, Compagnie de Phalsbourg et Ogic - Morph 22 février 2016 www.amc-archi.com URL : https://www.amc-archi.com/photos/les-laureats-de- reinventerparis-5-22-mille-arbres-xviie-arr,4482/mille- arbres-sou-fujimoto-arc.1 Fig. 7 - Mille Arbres dans la skyline parisienne Image tirée de la revue AMC, article « Les lauréats de Réin- venter Paris », © Sou Fujimoto Architects et Manal Rachdi - OXO Architects, Compagnie de Phalsbourg et Ogic - Morph 22 février 2016 www.amc-archi.com https://www.amc-archi.com/photos/les-laureats-derein- venter-paris-5-22-mille-arbres-xviie-arr,4482/mille-arbres- soufujimoto-arc.7 Fig. 8 - Mille Arbres vu du dessus Image tirée de la revue AMC, article « Les lauréats de Réin- venter Paris », © Sou Fujimoto Architects et Manal Rachdi - OXO Architects, Compagnie de Phalsbourg et Ogic - Morph 22 février 2016 www.amc-archi.com URL : https://www.amc-archi.com/photos/les-laureats-de-reinventerparis-5-22-mille-arbres-xviie-arr,4482/mille-arbres-sou-fujimoto-arc.9 Fig. 9 - Vue d’ensemble Oxygen Image tirée du site www.stephanemalka.com URL : https://www.stephanemalka.com/portfolio/oxygen-i-habiter-la-naturei-la-defense-2018/
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Fig. 10 - Perspective terrasses Oxygen Image tirée de l’article «L’Oxygen : bar à cocktails et ter- rasse végétalisée à la défense» ©Stephane Malka Archi- tecte 21 mars 2018 www.villaschweppes.com http://www.villaschweppes.com/article/l-oxygenbar-a-cocktails-et-terrasse-vegetalisee-a-la-defense_a44104/1 Fig. 11 - Coupe Oxygen Image tirée du site www.stephanemalka.com https:// www.stephanemalka.com/portfolio/oxygen-i-habiter- la-nature-i-ladefense-2018/ Fig. 12 - Dessin perspective, le projet vu du périphérique Dessin réalisé par Laurie BARTELDT dans le cadre de cet article décembre 2018 Fig. 13 - Dessin plan masse, Oxygen dans la continuité de la promenade verte Dessin réalisé par Laurie BARTELDT dans le cadre de cet article décembre 2018
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