LA REVUE DELA RÉSIDENCE D’ARTISTE PLAINE DE BAUD
Nº/02
Nº/ 02 ÉTÉ - 2018 ENTRE BOOK ET MAGAZINE
Théâtre - Roman - Poésie
Illustration / Collage / Photographie / Processing / Sérigraphie
Roman / Poésie / Théâtre
LA REVUE BRETONNE DE GRANDS CONTEURS D’HISTOIRES
Copyright notice First published 2015 This edition is published 2015 by LauraDuranDesigns, Rennes, France. Concept, content and page style created from stratch and original. Cataloging information from a national library. ISBN Number 930284x92024 Designed by Laura Duran using Adobe® InDesign.® The typefaces used are Klaus FY for the body text, Miso for the chapter titles and handmade, original brush letters and symbols by LDD. The text in this work is original and not a copy, the references have been revised. Pictures in this work are not original, found on the Internet and under the Creative Commons Copyright. This work has no comercial use and is just and editorial exercise. There is no intention of making money with this work, it’s just an editorial exercise and the pictures used don’t intent to be copywrite infringed. Please adress the author in case of personal or professional use of this document.
SOMMAIRE
05/ 07/
ÉDITO ROMAN Fleurs du loisir... Max et moi Toucher à distance
35/
L’île aux enfants
POÉSIE Le lion Work in the city Coeur de Marie
53/
Ne sentir
THÉÂTRE
69/
Contre- emploi Le Soldat Perdu
CONTRIBUTEURS
Édito
ÉDITO
6 7
L
e contemporain est manifestement devenu à la mode. Depuis un quart de siècle, la valeur «contemporain» vient, au moins verbalement, concurrencer les valeurs «tradition» et «patrimoine», mais surtout relayer la valeur «modernité». C’est évidemment le cas dans la publicité et la mode, dans les secteurs des réseaux et des technologies numériques. C’est aussi le cas dans l’art et la culture à partir des années 1980. Avec les Frac (Fonds régional d’art contemporain), et autres centres d’art , le «contemporain» a fait une entrée en force dans le paysage français de la culture, et procédé à un maillage du territoire national, jusque dans ses coins les plus retirés. Dans une situation de basculement de la modernité du XXe siècle vers une nouvelle configuration du monde, le terme «contemporain» pourrait simplement affirmer que l’on est en phase avec l’époque, avec ce monde-ci. Que l’on s’inscrit dans le processus de mutation du monde, sans s’interdire de le critiquer ou d’en dénoncer certains aspects.
Publique Daniel Spoerri
pratique artistique qu’ils déploient et de la forme des œuvres qu’ils proposent. Sans, évidemment, que cela ne prétende ici à un quelconque jugement. Mais l’inflation du terme est à la mesure de ses ambiguïtés sémantiques. En art particulièrement. De nombreux artistes «vivants» se disent à tort «contemporains». S’ils travaillent et développent une œuvre cohérente, et souvent de qualité, ils le font dans des formes qui les éloignent des institutions culturelles et du marché amplement acquis au «contemporain». Revendiquer le label «contemporain» est pour eux une tentative de rentrer dans les territoires aujourd’hui les plus actifs de l’art. Tentative souvent vaine, parce qu’il ne suffit pas de produire et d’agir aujourd’hui pour être contemporain. La notion de «contemporain» n’est pas entièrement temporelle et successive. Le «contemporain» n’est pas le présent, il ne désigne pas la somme de tout ce qui se situe et se fait dans une séquence temporelle comprise entre le passé et le futur. Si les artistes «vivants», ou les galeries qui les exposent, ne sont pas contemporains, bien qu’ils créent et agissent dans le présent, c’est en raison du typede
Il ne suffit pas d’être présent pour être de son temps. Les artistes «vivants» sont certainement présents, ils ne sont assurément pas de leur temps car ils déclinent, à l’envi, des formules et des valeurs esthétiques d’un autre temps. Ils se réfèrent à des préceptes esthétiques atemporels, à des formes et des matériaux usés par l’histoire, à des conceptions de l’art largement obsolètes. Un écueil inverse, pour qui veut être «contemporain», est de coller à son temps. C’est notamment le cas, depuis quelques années, des artistes qui déploient une surenchère de technologies numériques, de matériaux nouveaux, de dispositifs sophistiqués, à partir de cette idée erronée selon laquelle être à la pointe des innovations de l’époque serait la meilleure façon d’en être «contemporain». Cette double dimension d’adhésion et d’écart avec l’époque, constitutive de la contemporanéité, exclut évidemment les nostalgiques, qui se détournent de leur époque au bénéfice d’une époque passée.
ROMAN
Fleurs du loisir... Fleurs du mal...
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Campi, Buscate Roberto Venegoni
ROMAN PHOTOGRAPHIE
Fleurs du loisir... Fleurs du mal... Martin Roges & Roberto Venegoni On se prend rapidement au jeu, nous amusant d’un phoque surgissant de l’eau, dégustant un concombre parmi cent puis terminant par quelques anecdotes aussi incongrues pour eux qu’elles sont croustillantes pour nous.
A
Quant à nos ficelles, c’est exactement pareil ! elles profitent que l’on ne s’occupe plus d’elles, (car il faut bien admettre que jamais personne n’a vu, de ses yeux vu, un seul fil s’emmêler) pour faire de multiples nœuds et s’emberlificoter.
vez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ?
Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler : par-dessus, par-dessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié.
Les marins eux-mêmes, pourtant forts expérimentés dans ce domaine, ont honte d’admettre et d’avouer qu’ils ignorent totalement comment ces foutus nœuds ont bien pu se nouer ! arguant au passage que toutes leurs cordes et cordages sont bien plus disciplinés. Heureusement, d’éminents chercheurs et savants vivement, spécialistes du pourquoi et comment, ont décidé de se pencher sur ce curieux phénomène qui perturbe l’humanité depuis des temps forts reculés.
Fleurs du loisir... Fleurs du mal...
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Avez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ? Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler : par-dessus, par-dessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié.
Quant à nos ficelles, c’est exactement pareil ! elles profitent que l’on ne s’occupe plus d’elles, (car il faut bien admettre que jamais personne n’a vu, de ses yeux vu, un seul fil s’emmêler) pour faire de multiples nœuds et s’emberlificoter.
Campi buscate / Hostello Roberto Venegoni
“
Les marins eux-mêmes, pourtant forts expérimentés dans ce domaine, ont honte d’admettre et d’avouer qu’ils ignorent totalement comment ces foutus nœuds ont bien pu se nouer ! arguant au passage que toutes leurs cordes et cordages sont bien plus disciplinés.
ROMAN PHOTOGRAPHIE
Triste spectacle en vérité…
Heureusement, d’éminents chercheurs et savants, spécialistes du pourquoi et comment, ont décidé de se pencher sur ce curieux phénomène qui perturbe l’humanité depuis des temps forts reculés. Saluons au passage leur immense courage et leur ténacité malgré la défection d’un des leurs. En cause : une expérience ayant mal tourné.
Fleurs du loisir... Fleurs du mal...
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ROMAN PHOTOGRAPHIE
Avez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ? Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler
Campi, Buscate Roberto Venegoni
Max et moi
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Max et moi Lise Martin & Colette Saint Yves
ès son arrivée en Chine, Paul regarde autour de lui. Des paysages sans couleur, la pollution, un ciel gris, les rues sales, une grande différence de culture, et la pauvreté ambiante lui sautent aux yeux. Quand il a quitté son pays, le printemps arrivait. Le retour des mésanges, les premières fleurs, le ciel bleu et le soleil timide qui commence à chauffer les pierres. Il est en voyage d’affaires, un long déplacement de plus dans sa vie, une expérience. Cette découverte était prometteuse et le dépaysement des premiers instants lui font un peu oublier ces dissemblances. Tout de même. Ce pays a un mode de fonctionnement qui lui parait important de comprendre. Perdu dans un environnement qu’il ne connait pas du tout, les premiers jours se passent à peu près bien,. Sauf quelques expatriés. Il remarque très vite la misère dans les rues et dans les yeux des mendiants, il ne voit que le reflet de l’égoïsme du monde actuel. Tant d’argent, pour si peu de gens. Tant de misère qui s’abat sur les mêmes individus. Ce monde est injuste.
ROMAN COLLAGE
“
Il n’a aucune idée du déroulement de la soirée, et n’ose surtout pas le demander.
Ici le contraste est saisissant. La pauvreté dans les rues, et certaines richesses en même temps si visibles. Le capitalisme qui s’installe, le trafic, la corruption et aussi le monde des affaires. Tout se passe en Chine de nos jours. Voir des Porsche neuves parcourir les grandes rues de cette ville chinoise est quelque chose d’écœurant pour lui. Il s’est d’ailleurs senti très mal le soir où le président du groupe international dans lequel il travaille lui a proposé de venir avec lui dans ce genre de véhicule. Un bizutage en bonne et due forme pour son premier voyage en Asie. Chose normale dans le groupe lui a-t-il dit. A la découverte de la culture locale, une culture dont l’alcool, les bars, les filles et la corruption font partie. Un monde de la nuit où l’on oublie que ce pays en voie de développement grandit à vitesse exponentielle. Sans aucune maitrise ni contrôle.
Collage I Colette Saint Yves
Max et moi
18 19 Arrivée en Chine, Paul regarde autour de lui. Des paysages sans couleur, la pollution, un ciel gris, les rues sales, une grande différence de culture, et la pauvreté ambiante lui sautent aux yeux. Quand il a quitté son pays, le printemps arrivait. Le retour des mésanges, les premières fleurs, le ciel bleu et le soleil timide qui commence à chauffer les pierres. Il est en voyage d’affaires, un long déplacement de plus dans sa vie, une expérience. Cette découverte était prometteuse et le dépaysement des premiers instants lui font un peu oublier ces dissemblances. Tout de même.
Ce pays a un mode de fonctionnement qui lui parait important de comprendre. Perdu dans un environnement qu’il ne connait pas du tout, les premiers jours se passent à peu près bien, mise à part la langue et le besoin d’interprètes et de chauffeurs quelque soit l’endroit où il doit se rendre. Il remarque très vite la misère dans les rues et dans les yeux des mendiants, il ne voit que le reflet de l’égoïsme du monde actuel. Tant d’argent, pour si peu de gens. Tant de misère qui s’abat sur les mêmes individus. Ce monde est injuste. Ici le contraste est saisissant. La pauvreté dans les rues, et certaines richesses en même temps si visibles. Le capitalisme qui s’installe, le trafic, la corruption et aussi le monde des affaires. Tout se passe en Chine de nos jours. Voir des Porsche neuves parcourir les grandes rues de cette ville chinoise est quelque chose d’écœurant pour lui. Il s’est d’ailleurs senti très mal le soir où le président du groupe international dans lequel il travaille lui a proposé de venir avec lui dans ce genre de véhicule. Un bizutage en bonne et due forme pour son premier voyage en Asie. Chose normale dans le groupe lui a-t-il dit. A la découverte de la culture lo-
ROMAN COLLAGE
cale, une culture dont l’alcool, les bars, les filles et la corruption font partie. Un monde de la nuit où l’on oublie que ce pays en voie de développement grandit à vitesse exponentielle. Sans aucune maitrise ni contrôle. Spencer a l’air de très bien connaitre ce lieu, vu l’accueil chaleureux que le propriétaire lui donne. Un grand respect. L’homme Européen ici est convoité, servi. Tout le monde est à sa disposition. Surtout s’il est riche. Paul a choisi XiangHua pour sa beauté. Elles sont toutes belles mais elle dégage quelque chose de plus que les autres filles. Son visage, son sourire, ses yeux magnifiques et profonds le rendent assez inquiet pour la suite. Il ne sait pas pourquoi mais son choix était une évidence. Elle l’a attiré, envouté. Il le saura plus tard. Sûrement une intuition. Il n’a aucune idée du déroulement de la soirée, et n’ose surtout pas le demander. La peur. Après une bonne heure de discussion, Spencer se lève et sort du jacuzzi. Etre nu près d’un directeur si puissant est une drôle d’expérience pour Paul qui n’a jamais fréquenté un tel lieu. C’est aussi difficile que d’être entouré de ces filles d’ailleurs… Elles semblent si jeunes, ça le perturbe et ses yeux fuient leur corps exhibés. Il est conduit par XiangHua, vêtue d’un joli kimono de soie blanche, dans une salle très exotique juste après que Spencer lui ait souhaité un bon massage avec un sourire en coin.
Collage II Colette Saint Yves
Toucher à distance
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Ses agitations successives ont impulsé à son corps un mouvement circulaire. Elle tourne lentement. en vérité…
Jacob’s Cave David Wicks
ROMAN PROCESSING
Toucher à distance Eric Le Goff & David Wicks
A
vez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent?
Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler : par-dessus, par-dessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié.
Toucher à distance
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Saluons au passage leur immense courage et leur ténacité...
Quant à nos ficelles, c’est exactement. Avezvous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ? Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler : par-dessus, par-dessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié.
Quant à nos ficelles, c’est exactement pareil ! elles profitent que l’on ne s’occupe plus d’elles, (car il faut bien admettre que jamais personne n’a vu, de ses yeux vu, un seul fil s’emmêler) pour faire de multiples nœuds et s’emberlificoter. Les marins eux-mêmes, pourtant forts expérimentés dans ce domaine, ont honte d’admettre et d’avouer qu’ils ignorent totalement comment ces foutus nœuds ont bien pu se nouer ! arguant au passage que toutes leurs cordes et cordages sont bien plus disciplinés.
ROMAN PROCESSING
Heureusement, d’éminents chercheurs et savants, spécialistes du pourquoi et comment, ont décidé de se pencher sur ce curieux phénomène qui perturbe l’humanité depuis des temps forts reculés.
Saluons au passage leur immense courage et leur ténacité malgré la défection d’un des leurs. En cause : une expérience ayant mal tourné (d’aucuns ont dit qu’elle était mal ficelée !). En fait, le savant concerné, avait décidé de rester éveillé afin d’observer jour et nuit une ficelle. Mal lui en a pris, car las de cette veille, notre homme s’assoupit. Durant son sommeil, ce vil et misérable bout de ficelle s’enroula autour.
Process it David Wicks
Toucher à distance
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Avez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ? Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler : par-dessus, par-dessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié.
Quant à nos ficelles, c’est exactement pareil ! elles profitent que l’on ne s’occupe plus d’elles, (car il faut bien admettre que jamais personne n’a vu, de ses yeux vu, un seul fil s’emmêler) pour faire de multiples nœuds et s’emberlificoter.
ROMAN PROCESSING
Les marins eux-mêmes, pourtant forts expérimentés dans ce domaine, ont honte d’admettre et d’avouer qu’ils ignorent totalement comment ces foutus nœuds ont bien pu se nouer ! arguant au passage que toutes leurs cordes et cordages sont bien plus disciplinés. Heureusement, d’éminents chercheurs et savants, spécialistes du pourquoi où pourquoi pas.
Control David Wicks
Toucher à distance
26 27 Avez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ? Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler : par-dessus, par-dessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié. Quant à nos ficelles, c’est exactement pareil ! elles profitent que l’on ne s’occupe plus d’elles, (car il faut bien admettre que jamais personne n’a vu, de ses yeux vu, un seul fil s’emmêler) pour faire de multiples nœuds et s’emberlificoter. Les marins eux-mêmes, pourtant forts expérimentés dans ce domaine, ont honte d’admettre et d’avouer qu’ils ignorent totalement comment ces foutus nœuds ont bien pu se nouer ! arguant au passage que toutes leurs cordes et cordages sont bien plus disciplinés. Heureusement, d’éminents chercheurs et savants, spécialistes du pourquoi et comment, ont décidé de se pencher sur ce curieux phénomène qui perturbe l’humanité depuis des temps forts reculés. Saluons au passage leur immense courage et leur ténacité malgré la défection d’un des leurs.
ROMAN PROCESSING
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Avez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur euxmêmes et s’emmêlent ?
Down my throat David Wicks
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Avez-vous remarqué comme les câbles et les fils s’enroulent sur eux-mêmes et s’emmêlent ? Et quand, par le plus grand des hasards on a eu le malheur d’en rassembler plusieurs, tout le monde a pu constater qu’ils prennent un plaisir extrême à s’entremêler: par-dessus, pardessous, sur le côté, vous tenez un fil et vous ne savez pas à quel appareil il est relié.
Quant à nos ficelles, c’est exactement pareil ! elles profitent que l’on ne s’occupe plus d’elles, (car il faut bien admettre que jamais personne n’a vu, de ses yeux vu, un seul fil s’emmêler) pour faire de multiples nœuds et s’emberlificoter. Les marins eux-mêmes, pourtant forts expérimentés dans ce domaine, ont honte d’admettre et d’avouer qu’ils ignorent totalement comment ces foutus nœuds ont bien pu se nouer ! arguant au passage que toutes leurs cordes et cordages sont bien plus disciplinés.
Universe David Wicks
L’île aux enfants
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L’île aux enfants Rolin Daniley &Kizue
aniel avala son verre de lait avec tant d’empressement qu’il faillit s’étrangler et ses yeux se remplirent de larmes. Son père s’en aperçut, il lui demanda dans un sourire : « Danny mon petit, t’as pas le diable aux trousses. Prends ton temps.
Les enfants Kizue
-Je veux pas être de nouveau en retard à l’école ce matin. Tu sais, M. Hartley le professeur de géographie, je crois qu’il a une dent contre moi, papa ! » répondit-il.
ROMAN ILLUSTRATION
Son père le regarda d’un air narquois, il ne croyait pas un traître mot de ce que racontait son fils. Danny n’avait que dix ans mais il était déjà très malin et surtout très turbulent : il changeait d’école pratiquement chaque année au grand désespoir de ses parents qui souhaitaient que leur fils connut une scolarité normale. Son père se demanda ce qu’il avait encore une fois fait pour s’attirer les foudres de son instituteur.
Il en prit quelques-uns qu’il croqua silencieusement, la tête baissée pour se faire oublier de son père. Au même moment, sa mère apparut. Elle se dirigea vers le réfrigérateur, lui jetant au passage un regard étonné : «
Danny, c’est pour quand la fin de ton petit-déjeuner ?
« Ne me dis pas que tu as encore fait une de tes mauvaises plaisanteries pendant son cours ? -Je t’assure papa, je n’ai rien fait. Il me déteste pou rien. » Son père haussa les épaules. Il jugea de ne pas aller plus avant, il aviserait son épouse qui se chargerait de régler cette affaire comme toutes les fois que Danny s’attirait des problèmes à l’école par ses bêtises. Danny en profita pour terminer son repas : devant lui, sur la table, dans un plat se trouvaient des beignets parmi des tranches d’ananas et d’oranges.
Bulldog Kizue
L’île aux enfants
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-Man, j’ai bientôt fini ! -Alors fais vite sinon tu seras en retard ce matin. Cela commence à devenir une mauvaise habitude chez toi Danny ! » Danny ne se fit pas prier car il craignait sa mère et sa sévérité. Alors que son père se laissait facilement circonvenir par ses explications, elle se montrait généralement inflexible,
ROMAN ILLUSTRATION
refusant de céder à ses caprices et n’hésitant pas à le corriger s’il le fallait. Ses mensonges, ses explications colorées ne l’émouvaient guère. Avec elle, Danny savait qu’il n’y avait à espérer aucune considération. Il dévora une dernière tranche d’ananas et fila chercher son sac dans sa chambre.
« Maryne, je crois que Daniel recommence à faire des siennes…dit-il a sa femme. -Comment ? demanda-t-elle. Qu’est-ce qu’il a encore fait ? -Il m’a raconté que M. Hartley l’aurait pris en grippe ! Ah, tu sais mieux que moi… -C’est quoi encore le problème ? » demanda Maryne à son fils en se retournant. La voix était sévère, n’admettant aucun mensonge. Danny se dit qu’il redoutait toujours quand sa mère prenait ce ton comme pour un interrogatoire au commissariat. « Je ne sais pas ce que je lui ai fait man, je te jure. Il doit me détester… -Daniel, cette année il était convenu que tu te débrouillerais pour ne pas être expulsé de ton établissement. Je te promets que si cela arrivait, tu aurais affaire à moi ! -Mais man, c’est pas moi… -Suffit Daniel ! »
Flower girl / Peacock Kizue
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Le ton était sans réplique. Danny n’ajouta rien, se contentant de jeter un regard vers son père ; celui-ci semblait absorbé par le volant.
Pillow Girl Kizue
ROMAN ILLUSTRATION
Superposition Kizue
Danny se replongea le cœur serré dans son livre de géographie où les images de cours d’eau parurent s’animer sous ses yeux en vagues irréelles. Il se dit qu’il détesterait toujours l’école, les professeurs et leur discipline qui l’étouffait impitoyablement.
POÉSIE
Le lion
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Le Lion Marie Stan & Quentin Gen
POÉSIE SÉRIGRAPHIE
Tant la chose en preuves abonde. Entre les pattes d’un Lion Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie. Le Roi des animaux, en cette occasion, Montra ce qu’il était, et lui donna la vie. Ce bienfait ne fut pas perdu. Quelqu’un aurait-il jamais cru Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ? Cependant il advint qu’au sortir des forêts Ce Lion fut pris dans des rets, Dont ses rugissements ne le purent défaire. Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage. Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage. Le roi Lou-is aimait la guerre. Plus que les arts ou les châteaux, Plus que les eaux et les parterres... Plus que la chasse et les chevaux.
The Crow Quentin Gen
Work in the city
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Work in the city Lucie Martin & Eric Le Goff
Il l’adorait plus que les femmes, Divinités de sa jeunesse, Plus que Dieu même qui proclame La damnation de ces diablesses. Il ne rêvait que plaies et bosses, Dragons chargeant sous la mitraille, Qu’il commandait de son carrosse Ou de son bureau de Versailles. Il assiégeait les villes fortes, Ravageait provinces entières, Balayant comme feuilles mortes Bandouli-ers et condottieres.
Run away Eric Le Goff
POÉSIE PHOTOGRAPHIE
Work in the city
42 43 Escape Eric Le Goff
Tant la chose en preuves abonde. Entre les pattes d’un Lion Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie. Le Roi des animaux, en cette occasion, Montra ce qu’il était, et lui donna la vie. Ce bienfait ne fut pas perdu. Quelqu’un aurait-il jamais cru Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ? Cependant il advint qu’au sortir des forêts Ce Lion fut pris dans des rets, Dont ses rugissements ne le purent défaire.
POÉSIE PHOTOGRAPHIE
Work in the city
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News Eric Le Goff
POÉSIE PHOTOGRAPHIE
Plus que les arts ou les châteaux, Plus que les eaux et les parterres... Plus que la chasse et les chevaux. Il l’adorait plus que les femmes, Divinités de sa jeunesse, Plus que Dieu même qui proclame La damnation de ces diablesses. Il ne rêvait que plaies et bosses, Dragons chargeant sous la mitraille, Qu’il commandait de son carrosse Ou de son bureau de Versailles. Il assiégeait les villes fortes, Ravageait provinces entières, Balayant comme feuilles mortes Bandouli-ers et condottieres. Dans les rangs de l’ordre serré, Les boulets creusaient des sillons Que les vivants devaient combler Jusqu’à leur extermination. Au galop chargeaient les housards. Sabrées, voltigeaient les têtes Des Autrichiens ou Camisards, Au son guilleret des trompettes. L’ennemi n’étant pas de reste, Des deux côtés s’entassaient les corps. Quand s’éteignait ce jour funeste Le vrai vainqueur était la mort.w
Coeur de Marie
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Coeur de Marie F.S García & Camille Moreno
On se prend rapidement au jeu, nous amusant d’un phoque surgissant de l’eau, dégustant un concombre parmi cent puis terminant par quelques anecdotes aussi incongrues pour eux qu’elles sont croustillantes pour nous.
Fille armée Camille Moreno
POÉSIE ILLUSTRATION
M
a tristesse coule sur mon âme avilie Mon corps s’échappe, ma vie s’enfuit Mon sourire s’éteint, sans un bruit Les larmes roulent, sur ma vie Et je meurs dans l’oubli Je suis meurtrie Anéantie Salie À vie…
Coeur de Marie
50 51 Ma tristesse coule sur mon âme avilie Mon corps s’échappe, ma vie s’enfuit Mon sourire s’éteint, sans un bruit Les larmes roulent, sur ma vie Et je meurs dans l’oubli Je suis meurtrie Anéantie Salie À vie…
Coeur vide / Filles au fleurs Camille Moreno
POÉSIE ILLUSTRATION
Ma peine coule sur mon corps si froid Leurs mains sur moi, horrible désarroi Leur violence, insupportable effroi Ma souffrance, tristesse, un poids Pire que ma peur, leur joie Je suis leur proie Je me noie Aide-moi Toi…
Ne sentir
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Ne sentir Laurent D’HOOP & Gabrielle Muno
Pourquoi je ne sens plus le parfum de l’aurore, le fruit de ma vertu évaporé par le feu sacré de l’or ?
Un rayon de lumière suintant par les pores salées de ma vie, un bouquet de chagrin éhonté qui m’amènera peut-être à la folie.
Eau / Femme robotique Gabrielle Muno
POÉSIE COLLAGE
Pourquoi je ne sens plus battre ma témérité, mais ce fleuve d’impudence mazouté par le produit acidulé de mes lividités ?
Une tachycardie un peu plate me conduit définitivement à l’apathie de ce monde en manque de tact qui me réduit au silence, à la schizophrénie.
Pourquoi je ne sens plus l’affliction d’un destin, la commune évidence qui relie mon outrecuidance à ton sein ?
Une auréole circonspecte collationne mon degré de vésanie, l’ultime délivrance d’une âme qui se laissera condamner par le mépris.
Pourquoi je ne sens plus la suavité d’un instant, une minute inconnue qui me replongera dans mes tourments ?
Un océan de perfidie pour délacer le fil d’ivoire, l’acrimonie de ce sac de nœud dans ma mémoire qui m’a catalogué en tant qu’homme étourdi.
THÉÂTRE
Contre-emploi
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Contre- emploi Mari Cé & Kimama On se prend rapidement au jeu, nous amusant d’un phoque surgissant de i incongrues pour eux qu’elles sont croustillantes pour nous.
Collage I Kimama
THÉÂTRE COLLAGE
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Un homme se tient debout derrière un comptoir blanc.
cène passée dans une petite officine. Il y a une salle d’attente pour quatre personnes. Chaque emplacement est constitué d’un fauteuil, avec une petite tablette écran tactile de 20 pouces reliée à un coté du dossier par un bras articulé, donnant accès à Internet. Un homme se tient debout derrière un comptoir blanc. Il a sa propre tablette. Il surfe en attendant le client. D’ailleurs, un homme d’une quarantaine d’année entre. — Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous? — J’ai besoin de recharger mon dynamiseur. — Oui, Monsieur, il fonctionne avec des cartouches liquides ou avec des tablettes à dissolution lente ? — Avec des tablettes.
Contre-emploi
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— A t-il été nettoyé il y a longtemps ? Vous savez, parfois, il reste des dépôts qui peuvent gêner la diffusion de la piezomensatropine. — La quoi ? — L’hormone active pour la stimulation neuronale du centre décisionnel central. — C’est du chinois pour moi. Depuis deux jours, le voyant du dynamiseur est rouge, mais j’étais en congés avec ma femme non équipée,
car elle n’est pas une travailleuse active. Je n’avais pas besoin d’être stimulé pour augmenter mon efficacité. — Ne vous inquiétez pas, cela va vous revenir dans une petite demi-heure, dès que vous serez rechargé. Votre dynamiseur est un vieux modèle. Désirez-vous en un nouveau ? — Pourquoi faire ? — C’est cher ?
THÉÂTRE COLLAGE
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Misère, j’ai comme l’impression que ça s’ra pas du gâteau, marmonna la damme.
— Le dynamiseur en lui-même, non, mais c’est vrai que le fabricant se rattrape sur le prix des cartouches, bien plus élevé, au milligramme de piezomensatropine diffusé, que le modèle simple à tablettes. — Vous pouvez m’expliquer mieux ?
Collage II / CollageIII Kimama
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Collage III / Collage IV Kimama
THÉÂTRE COLLAGE
— Non, moi-même je ne fais qu’appliquer l’argumentation de vente qu’on m’a donné à appliquer. Je vous rappelle que je suis soumis par obligation à un QI de 80 sur 100 afin de toujours faire profil bas face à un client même déchargé. Mais sachez que si c’est plus cher, et utilisé par les postes les plus élevés de notre économie, c’est que c’est plus efficace. — Vous croyez que ce serait rentable pour moi ?
— Attendez ! ( l’homme prend une « douchette » et scanne avec un faisceau rouge le poignet de son client. La douchette vire au vert). Oui, à votre niveau socio-professionnel, Vous pouvez d’ailleurs, grâce à ce dynamiseur, devenir un élément moteur-clé de cette entreprise et ainsi sauver votre boulot. — Vous savez, je ne suis qu’un trader qui choisit l’investissement à consacrer aux propositions des analyses et des simulations informatisées. — Un maillon indispensable, ne soyez pas si modeste !
Contre-emploi
62 63 — Je n’ai pas fait beaucoup d’études vous savez.. — Non, je ne sais pas. Moi, j’en ai fait, mais dans l’écologie. Pour ce que ça m’a rapporté. Au bout de six mois de chômage, il a fallu que je prenne la première offre raisonnable proposée par Point Emploi. — Vous voulez dire Plein Emploi ? — Oui, ils ont changé de dénomination depuis qu’on les appelait « Point d’Emploi » — Il ne fallait pas être malin pour choisir la filière écologique. — J’ai essayé de choisir une filière pleine d’espoir pour améliorer le confort des gens, sauver les dernières forêts, dépolluer les océans... — Et le résultat ? — Je suis très heureux maintenant. J’ai un diffuseur qui inhibe ma sécrétion propre de piezomensatropine, et je vois le monde bien plus beau qu’avant. J’ai un boulot stable, pas prise de tête, et cela ne m’empêche pas de continuer à lire, à découvrir chaque jour de nouvelles choses après mes neuf heures de travail quotidiennes.
THÉÂTRE COLLAGE
— Vous avez de la chance ! Moi, après le boulot, c’est encore compétition avec les collègues au bar du Club Privé horriblement cher que je fréquente pour être toujours dans les bons coups. Et quand je reste chez moi, je lézarde sur le bord de la piscine tandis que ma femme me fait une gâterie. Malgré ça, je dors mal, je stresse à longueur de temps.
Voilà, si vous voulez bien passer au salon pendant un petit quart d’heure. Vous n’allez pas tarder à imprimer mieux tout ce que je vous ai expliqué. Désirez-vous un café ? — Non merci. (Le client s’assoit dans le fauteuil du salon, met des écouteurs qui l’isolent du monde extérieur et commence à surfer avec la tablette Le vendeur jette l’ancien dynamiseur dans la poubelle. )
Collage IV Kimama
Le soldat perdu
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Le Soldat Perdu Jun Vincent & Anna Shulsse On se prend rapidement au jeu, nous amusant d’un phoque surgissant de l’eau, dégustant un concombre parmi cent puis terminant par quelques anecdotes aussi incongrues pour eux qu’elles sont croustillantes pour nous.
Ce matin, j’ai reçu par recommandé un carton d’invitation de mon patron. Il désirait s’enquérir en ma présence et de celle d’un employé assistant de mon choix de quelques éclaircissement à propos d’informations parvenues à sa connaissance. Une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement était évoquée. Diantre. J’eu beau me ressasser les derniers jours/nuits de travail, je ne comprenais pas trop le motif. Ayant déjà reçu ce genre de courrier quelque temps auparavant à propos d’un écrasement pas assez plat aux yeux de l’employé d’un client, j’avais pu mesurer le degré de protection dont je pouvais bénéficier en cas de problème avec un mauvais con.
THÉÂTRE ILLUSTRATION
Mais là, je ne voyais pas. La date étant un peu trop éloignée à mon goût pour satisfaire ma curiosité, je décidai de lui répondre tout aussi solennellement par une déclaration de naissance d’homme libre, à savoir une démission en bonne et due forme. Ma faute ne doit pas être bien grave puisque je ne suis pas suspendu de mon poste durant les douze jours qui me séparent de l’entretien. Et n’ayant pas eu de vacances d’été, j’ai plus de quinze jours de congés payés à prendre. J’apporterai donc avec moi les quelques éléments d’uniforme qui m’ont transformé, depuis dix-huit mois, en gardien de nuit occasionnel. Tout cela pour quoi ? Une jérémiade de client, le bisou baveux d’un collègue délateur ? Je m’en moque, l’amour est morte, et rien ne justifie que je sois ainsi agressé à domicile pour un problème professionnel.
Beard men / Tooth Anna Shulsse
Le soldat perdu
66 67 J’aimais bien ce boulot tant qu’il s’agissait d’assumer de nuit des missions de surveillance. Il est devenu nettement moins amusant quand il s’est agit de faire de l’accueil jusqu’après huit heures du matin après avoir subi quatre heures d’affilée de multiples alarmes sonores inutiles, déclenchées par les femmes de ménage circulant dans les bâtiments et douze heures de ventilateur d’ordinateur bruyant par négligence du service de maintenance. Impossible de m’endormir de la journée, et hop, encore une nuit à tirer avant vingt-quatre ou trente-six heures de repos, avec bien sûr un énervement qui ne permettait pas de dormir les premières douze heures. Je pourrais m’étendre sur l’ingratitude de mes tâches récentes, mais un simple A4 recommandé m’a libéré, enfin, avec une prise effective dans un mois. Un mois ! Je pourrais d’ores et déjà envoyer un autre A4 directement à l’actuel ministre du travail pour l’informer que, pas même encore inscrit à Pôle Emploi, je recherche à nouveau un job. Mais quand je sais ce que l’actuel président a réussi à faire pour ceux qui l’ont interpellé, que je ne supporterais pas de travailler pour son premier ministre non plus, c’est inutile. D’ailleurs, je n’irai pas m’inscrire à Pôle Emploi : j’ai déjà donné. Depuis 2008, de CDD intérim à CDD coup de chance, je me suis ruiné la santé et j’ai perdu mes anciennes compétences en diluant mes droits au chomage dans des boulots à la con.
Beard men / Tooth Anna Shulsse
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Aujourd’hui, six ans après, j’ai sauvé mon niveau de vie, mais je ne suis pas plus avancé, sinon que je suis dégouté du travail salarié, dégouté des gouvernements de merdes incapables qui se sont succédés, dégouté de la populace qui laisse les plus démunis sur le carreau tout en serrant les fesses dans son emploi pas encore menacé par les restructurations et autres mesures de compétitivité. Son job est le plus souvent devenu source de stress pour faire en trente-cinq heures ce qui se faisait en quarante à deux trente ans plus tôt.
Le soldat perdu
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Tout salarié n’est plus un collaborateur, mais un coût salarial à rajouter aux coûts généraux, aux coûts d’équipement, aux coûts de maintenance, aux coûts d’approvisionnement, aux taxes, aux impôts… bref à tout ce qui ampute le bénéfice mérité des actionnaires. Ah, s’ils pouvaient vendre cher ce qu’on se procure gratuitement ! Ils ont bien confisqué l’eau, le pétrole, les mines en payant le moins possible de droits à l’État, vous savez, ce truc qui aujourd’hui leur sert à tenir les indisciplinés en laisse et de pompe à fric via la Dette. Il va me falloir cependant trouver une source de revenus, pour payer tant de choses inutiles qui plaisent à ma famille incapable de vivre en dehors de cette société de consommation ne parvenant plus à trouver les produits qui puissent enrichir une certaine caste sans polluer et piller la planète. Aux deux-tiers de l’année, les ressources produites d’une année sont déjà consommées. Ensuite on tape dans des réserves qui n’ont rien d’inépuisables tellement l’appétit des ogres est insatiablement croissant. Me rebeller ? Je suis allé poster mon A4 à 14 h 25. Le bureau n’ouvrait qu’à 14 h 30 au lieu de quatorze heures précédemment, comme il y a eu une époque bénie où on pouvait aller à cette poste entre midi et deux. La petite vieille était un peu dépitée de devoir attendre. Je lui ai donc fait passer le temps avec quelques réflexions.
« Il faut comprendre, ma pauvre dame, la Poste, c’est quasi-privatisé maintenant. Une Société Anonyme comme les autres. Prête à être vendue des cacahuètes à des actionnaires privés au moindre prétexte. Regardez donc les horaires. Pour l’affluence, du orange et du rouge. Ce n’est pas bon, même si c’est mieux qu’avant, quand il y avait encore du vert.. Pour être compétitif, il ne faut que du rouge. Le problème, c’est qu’il n’y a qu’un employé qu’on ne peut pas réduire au quatre-cinquième, même si, en dix ans d’inflation, son salaire relatif a été réduit d’autant. Mais on préfère payer des chômeurs plutôt que vous n’attendiez pas. Même vous, la cliente, vous êtes trop chère à recevoir ici. Et le distributeur automatique de timbres, il est à l’intérieur. Mais on l’aime la Poste. Ce que la Droite n’a pas osé faire jusqu’au bout, la pseudo-gauche socialelibérale le fera sans état d’âme. A moins qu’une femme blessée en colère soit plus efficace que cent révoltés… ». Et je n’accepte plus aucune des humiliations mises en place par le droit du travail manipulé par l’État et le Medef pour culpabiliser les ouvriers de n’être que des insignifiants peu rentables qu’on est encore obligé de trop payer
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Tooth nightmare Anna Shulsse
quand on n’a pas réussi à délocaliser. Un emploi au smic reste un travail au smic, à savoir une merde servant de bouée de sauvetage individuelle, à laquelle la majorité s’accroche, parce que le filet collectif est déjà percé et toujours menacé de toutes parts. Mais il ne nous empêche pas de boire la tasse avant la fin du mois : une torture « indispensable » pour que les malheureux peureux s’y accrochent encore plus, la tête bourdonnante des mots crises, économies, déflation (« ah bon ? pourtant tout augmente ma bonne dame »), pénurie, catastrophe…
CONTRIBUTEURS
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• La maison et moi- illustrations. Salamanca, Consorcio Salamanca, 2002. •Serigrafies et Photos. Museo Nacional Centro de Arte del Reina Sofía, Madrid, 2001 • Paris dans mon coeur Éditios du Jeu de Paume ; Réunion des musées nationaux, imp. 2002 • Amorós Blasco, Lorena: Abismos de la mirada : la experiencia límite en el autorretrato último. Murcia, Cendeac, 2005. • Barthes, Roland: de La cocina ornamental y El vino y la leche, en Mitologías. México, ed. Siglo XXI, 1980
• Clair, Jean: De immundo : apotafismo y apocatástasis en el arte de hoy. Madrid : Arena, D.L. 2007 • Foucault, M: El Pensamiento del Afuera. Valencia : Pre-Textos, 1993 • Korsmeyer, Carolyn: El sentido del gusto: comida, estética y filosofía. Barcelona. Paidós, D.L.2002. • Marinas, José-Miguel; La Fábula del Bazar. Orígenes de la cultura de consumo. Madrid 2001. Editorial La Balsa de Medusa • Marinetti, Filippo : una comida que evitó un suicidio. Barcelona : Gedisa, 1985.
• Martínez Artero, Rosa: El retrato : del sujeto en el retrato, Barcelona: Montesinos, D.L. 2004 • Martínez, Rosa: Catálogo de la exposición “I want to feel the way I do” Jana Sterback, Fundación La Caixa. Barcelona. 1993. • Miller, William Ian: Anatomía del asco. Madrid, Grupo Santillana de Ediciones, 1999. • Nebreda, David: David Nebreda: autorretratos. Salamanca, Ediciones Universidad de Salamanca, D.L. 2000. • Rosler, Martha: Martha Rosler : posiciones en el mundo real : [exposición], Museu d’Art
Contemporani de Barcelona, 20 octubre, 1999 - 10 enero, 2000. Barcelona : MACBA : Actar, D.L. 1999 • Salabert, Pere: Pintura anémica, cuerpo suculento. Barcelona, Laertes, 2003. • Salabert, Pere: La redención de la carne: hastío del alma y elogio de la pudrición. Murcia. Cendeac, 2004. • Sánchez, Pedro A. Cruz: La vigilia del cuerpo. Arte y experiencia corporal en la contemporaneidad. Murcia, ed. Tabularium, 2000 •Spoerri, Daniel: Textos 1960, París 1990