ARAC : CONSULTER LES ADHÉRENTS
OUVERTURE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE AU PRIVÉ ?
le réveil OCTOBRE 2012 - N°787 - 5 e
STALINGRAD LÉNINGRAD
des combattants
Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix
LES DANGERS DU FÉDÉRALISME POUR LA FRANCE AUSTÉRITÉ - DROITS - INDUSTRIE - EMPLOI VALEURS RÉPUBLICAINES - souveraineté NATIONALE
Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre
LE RÉVEIL ACTUALITé
Communiqué de l’ARAC
Nous sommes opposés à tout acte de guerre Après la déclaration du président François Hollande à l’assemblée générale de l’ONU, l’ARAC exprime son inquiétude devant la réaction présidentielle annonçant la fourniture d’un appui logistique à l’armée malienne. Inquiétude d’autant plus grande que des forces militaires françaises sont déjà sur le terrain (Le Figaro du 24 09 2012) : « Une centaine de membres des forces spéciales françaises ont déjà été déployées dans la région. Ils devraient être renforcés, notamment par les commandos de la marine nationale ». Nous sommes donc placés devant un recours à l’intervention militaire pour régler la situation au Mali, comme c’est le cas pour les différentes questions
posées précédemment au niveau de la planète. Engager une intervention dans le nord du Mali, le même jour où se développe un débat sur la Syrie et sur l’Iran, à l’ONU, c’est maintenir la volonté des puissances de l’Ouest de continuer à vouloir diriger et se partager le monde et c’est aussi mettre en péril la vie des otages français. Une partie de la région a été déstabilisée avec l’intervention en Libye, ce qui se passe en Syrie avec un soutien matériel de l’Angleterre, de la France et d’autres pays de l’Ouest, constitue une nouvelle étape de la déstabilisation dans cette partie du monde. Aujourd’hui, des quantités d’armes
énormes circulent dans le Sahel en provenance de la Libye. Il faut être prudent, réfléchi, car tout acte de guerre clairement confirmé ne ferait qu’aggraver la déstabilisation de cette région. Nous savons que tous les enjeux dans le Sahel comme au proche et moyen orient se sont des enjeux énergétiques. Prôner une politique de coopération avec les pays d’Afrique, leur donner les moyens de se développer, de maîtriser leurs richesses, serait créer les conditions de l’avancée de la démocratie et de l’entrée dans le monde moderne de ces pays. Ils auraient ainsi les moyens de répondre aux aspirations légitimes de leurs peuples. Pour l’ARAC, il faut créer des conditions de coopérations mutuelles dans l’intérêt de chaque peuple, c’est pourquoi l’ARAC est opposée à tout acte de guerre. Villejuif, octobre 2012
Grande tombola de Noël 2012 Pour soutenir notre journal Le Réveil des Combattants Cette année encore, UNE VOITURE à gagner ! C’est la 3e ! Pour participer au tirage, retournez au siège national (Réveil des Combattants - 2 place du Méridien - 94800 Villejuif), la ou les souches remplies et accompagnées de votre règlement (2 à 20 euros ou plus) et gardez vos tickets. La date butoir pour le retour des souches est fixée au 31 décembre 2012. Le tirage aura lieu début janvier 2013 !
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LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
ÉDITO LE RÉVEIL
La République est en danger
SOMMAIRE Actualités p. 4 Messages pour le 11 novembre 2012.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Bruxelles veut ouvrir la Sécurité sociale au privé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Le vote du traité de stabilité.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Le profit, toujours le profit !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Sidérurgie : un autre possible existe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 17 octobre 1961 : vérité et justice. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 International p. 10 Les frustrations du Caire.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Grandes manœuvres en Asie-Pacifique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Oliver Stone : c’est pas du cinéma !.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Libye : petit meurtre entre amis.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Vie de l’ARAC p. 21 Souscription nationale.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Vie des comités.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Consulter les adhérents.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 ATM : le mémorial de l’Essonne.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Vos droits p. 26 Forfait de pension et double cantonnement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Délocalisation de l’ONAC Meuse.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Décristallisation et inconstitutionnalité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Article L. 115 : des soins gratuits... plus si gratuits !.. . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Magazine p. 31
P. 13 D ossier
Stalingrad, Leningrad Deux combats héroïques contre la barbarie
LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 Édité par les Éditions du Réveil des Combattants SARL au capital de 45 734,41 - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 Télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr
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A
près Maastricht, Lisbonne, un nouveau pas vient d’être franchi avec le TSCG. Traité après traité, c’est une Europe fédérale que l’on veut créer, dans laquelle la France, pays des droits de l’homme, perdra son âme républicaine. La chancelière Merkel a déjà prévenu François Hollande, en juin, qu’elle demanderait d’ici quelques mois « une convention européenne » réunissant les parlementaires nationaux européens ainsi que les représentants des États membres afin de préparer une réforme des traités. Un groupe (Westerwelle) travaille sur le futur de l’Europe réunissant onze ministres des Affaires étrangères de l’Union qui plaident pour « un fédéralisme européen de grande envergure ». L’objectif vise à prendre des décisions à la majorité, de siéger dans les instances internationales chapotant ainsi la politique des États membres. C’est une réelle menace sur la démocratie et sur la souveraineté nationale. Cela porterait un coup à la politique originale de la France au plan international, tout en mettant en place une armée et une industrie européenne de la défense. De tels projets font peser une lourde menace sur l’indépendance, les valeurs républicaines et l’avenir de notre pays. Il est temps de songer, Monsieur le Président, à l’intérêt du pays, c’est-à-dire des Français. Refusez la loi des marchés, refusez l’austérité, refusez la mise sous tutelle allemande de la France. Songer, comme en 1945 et en 1981, aux nationalisations n’est pas une absurdité. Développer dans notre pays une réelle sidérurgie, une réelle industrie, n’est pas une aberration, c’est répondre à l’intérêt général. Vous le savez, tout n’est que question de choix, d’orientations et de volonté politique. La question de fond, c’est de servir l’intérêt de la nation, quelle que soit la pression du MEDEF, des sirènes de l’Europe ou de ses commissaires. Il est temps que se rassemblent en France toutes celles et tous ceux qui veulent défendre les valeurs de la république, la souveraineté nationale, pour faire obstacle aux visées de madame Merkel. Si l’Europe doit se faire, elle doit respecter l’histoire, la souveraineté de chaque État, lui garantir la liberté de décisions et l’indépendances politique. L’Europe ne se fera pas contre les peuples pour imposer l’austérité, les gouvernances communes, mais avec les nations. C’est la garantie de servir l’intérêt du plus grand nombre, de garantir la paix Patrick Staat LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
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LE RÉVEIL ACTUALITÉS
11 novembre 2012 Message de l’Union des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) Nous célébrons aujourd’hui le 94e anniversaire de l’Armistice du 11 novembre 1918. Armistice victorieux pour la France et ses alliés après quatre années de combats meurtriers face à l’Allemagne et aux Empires centraux. Il n’est pas une ville, pas un village de France qui ne garde, gravé dans la pierre d’un monument, le souvenir de ceux qui sacrifièrent leur vie pour la patrie et la liberté. Le 11 novembre 1918 déplorait : - 1 400 000 morts, - 740 000 invalides, - 3 000 000 de blessés, - des centaines de milliers de veuves et d’orphelins. N’oublions pas ce lourd bilan, ni le courage héroïque des soldats de ce conflit, appelé à juste titre « la Grande Guerre ». En ce jour de commémoration, rendons hommage aux combattants de tous grades, français et alliés, qui ont fait preuve, dans tous les secteurs du Front, d’un courage exemplaire méritant la reconnaissance de la Nation. En ce jour de recueillement, associons à l’hommage que nous rendons à nos glorieux aînés, les « Poilus », le souvenir de tous les « Morts pour la France ». Inclinons-nous devant la douleur de leurs familles, si cruellement éprouvées. L’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) et ses 44 associations nationales, fidèles au souvenir de toutes celles et tous ceux victimes de toutes les guerres, invitent la jeunesse à œuvrer pour un monde de paix, plus juste, plus solidaire et fraternel. Vive la République ! Vive la France ! L’UFAC souhaite que ce message soit lu par une jeune fille ou un jeune garçon. Il convient que la lectrice ou le lecteur ait non seulement lu le texte auparavant, mais aussi qu’il lui ait été explicité. Il appartient donc à toute instance éducative ou associative contactant la future lectrice ou le futur lecteur, d’assurer cette information au travers, entre autres, de témoignages.
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Le message de l’ARAC Le centenaire du déclenchement de la guerre 1914-1918 approche et nous remet en mémoire les motifs de cette « boucherie », ses conséquences dramatiques et ses effets sur l’ensemble des belligérants. Aujourd’hui la situation internationale se tend, l’Europe est en crise, cela conduit à l’enfermement des peuples du sud de l’Europe dans une lourde austérité. Il se dessine à travers les conflits existants et ceux qui risquent malheureusement d’apparaître, un nouveau partage du monde et un nouveau partage des richesses au détriment des populations. Il est impensable que ce 11 novembre 2012 soit seulement l’occasion de commémorer « la Grande Guerre ». Cette situation appelle un travail de mémoire à l’adresse des générations nouvelles pour les informer sur les causes politiques de ce conflit meurtrier qui a produit des millions de morts dans les 54 pays qui y ont participé. L’ARAC estime qu’il faut tout faire pour éviter que des causes politiques analogues reproduisent de nos jours les mêmes effets. Il faut donc les expliquer, les analyser, les faire comprendre afin d’écarter le risque d’une prochaine guerre mondiale qui serait à coup sûr la dernière pour l’humanité. L’ARAC appelle à faire obstacle à toute utilisation du 11 novembre 2012 pour relancer l’idée d’une journée unique du souvenir, contraire au travail indispensable de mémoire pour l’avenir ainsi que l’a reconnu lui-même Monsieur le Ministre des ACVG et sur lequel il s’est engagé devant nos représentants. L’ARAC rappelle qu’une telle démarche tournerait le dos au nécessaire besoin de se pencher sur notre passé, pour le comprendre et de donner ainsi les moyens de construire l’avenir dans un monde de paix.
ACTUALITÉS LE RÉVEIL
Bruxelles veut ouvrir la Sécurité sociale au privé Sur le coup, personne n’a rien vu. Lorsque le commissaire européen Michel Barnier a présenté, en décembre 2011, sa proposition de directive sur la «passation des marchés publics», pas un observateur n’a tiré l’alarme. À l’époque, la zone euro luttait pour sa survie, et les conseils européens à répétition monopolisaient l’attention médiatique. Ce texte (1), censé faciliter la mise en place du « marché unique européen », l’une des marottes de la Commission qui y voit une source infinie de croissance et de profits, est presque passé inaperçu. Des mois plus tard, certains conseillers et professionnels du secteur se sont résolus à lire l’intégralité des annexes, longues et fastidieuses, qui accompagnaient le document. Et, en parcourant l’annexe 16 du texte, ils sont tombés sur un « os » : l’exécutif dirigé par José Manuel Barroso propose d’appliquer aux « services de sécurité sociale obligatoire » certaines règles propres aux marchés publics. En clair, introduire des mécanismes de concurrence au sein d’un secteur jusqu’à présent régi par le seul principe de solidarité. En cela, il répond aux attentes du marché qui a déjà commencé à absorber les mutuelles, les assurances complémentaires, les caisses de retraite complémentaires, etc. Si ces dispositions étaient adoptées, ce serait la remise en cause de notre système social basé sur la solidarité. La sécurité sociale obligatoire (qui, en France, prend par exemple en charge les maladies les plus graves et les plus coûteuses) devrait faire l’objet d’un « avis de marché », chaque année, au terme duquel les pouvoirs publics choisiraient le meilleur des candidats. Aux côtés de l’opérateur historique (en France, des caisses d’assurance santé), pourraient s’inviter des opérateurs privés, par exemple des géants de l’assurance,
comme Axa ou Allianz, pronostiquent certains des observateurs les plus inquiets à Bruxelles. Dans la capitale européenne, d’autres préfèrent croire à une simple erreur de la Commission, qui aurait rédigé trop vite certaines des annexes, tant la manœuvre semble grossière. Mais les professionnels du secteur, eux, restent sur la défensive. « Nous ne pouvons accepter l’inclusion des services de sécurité sociale obligatoire (sous un régime de marchés publics)», lit-on dans une note rédigée dès fin février par les services d’experts de la Belgique. Au Parlement européen, le débat, jusqu’à présent ultra-confidentiel, est en train de prendre, à l’approche d’un vote clé. Chacun d’entre nous, devant la gravité des faits, se doit d’interpeller ses élus, députés, sénateurs, députés européens, maires, conseillers généraux, conseillers régionaux devant le danger qui nous menace. Le vote devrait avoir lieu dans les semaines à venir, en commission « marché intérieur » pour préparer le terrain à un vote en plénière à Strasbourg. Mais il incomberait ensuite aux négociations tripartites (Commission, Parlement, Conseil) d’aboutir. A Bruxelles déjà, les négociations sur le texte battent leur plein. La Commission semble vouloir, à travers une version qu’elle a envoyée début octobre, sans remettre en cause le fond, arrondir les angles sur ce point précis. Elle a proposé d’ajouter au texte un nouveau « considérant » (2), en amont de la directive, qui précise que les services de sécurité sociale obligatoire n’entrent pas dans le champ du texte, tout simplement parce qu’ils ne
nécessitent pas, au préalable, la signature d’un contrat. Puisqu’il n’y a pas de contrat, il n’y a pas de marché public, assure, en substance, l’exécutif européen. Sauf que l’annexe 16, dans le corps de la directive, n’a, elle, pas été modifiée. L’affaire continue donc de cristalliser les tensions, et d’agacer bon nombre de professionnels du secteur, qui plaident pour la suppression pure et simple de la référence à la sécurité sociale. Comme vous le voyez, le ver est déjà dans le fruit et, au nom de l’Europe, les commissaires européens veulent s’attaquer à un grand acquis du Conseil national de la Résistance, la Sécurité sociale. Une telle décision de l’Union européenne constituerait une grave menace pour la pérennité de notre système de sécurité sociale. Nous attendons du Président, de son gouvernement et des élus de la nation qu’ils s’opposent à cette directive qui remet en cause un des fondements même de notre conception de la solidarité nationale. (1) Directive du Parlement européen et du Conseil sur la passation des marchés publics (252 pages). Titre III : Système spéciaux de passation des marchés - Chapitre I : Services sociaux et autres services spécifiques – Article 74 : Attribution de marchés pour des services sociaux et d’autres services spécifiques (consultable sur : http://ec.europa.eu). (2) Un « considérant » est un rajout de texte qui ne s’attaque pas au fond mais simplement à la forme.
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LE RÉVEIL actualités
Honneur aux soixante-dix Nous publions ici une déclaration de l’économiste Jacques Sapir, du 10 octobre dernier. Cette déclaration renvoie à de tristes souvenirs de notre histoire. Soixante-dix députés ont osé voter contre le TSCG. Soixante-dix sur cinq cent soixante-huit votants, c’est peu. Soixante-dix contre quatre cent soixantedix-sept qui ont voté pour, c’est peu. Mais soixante-dix qui, venant de tous les horizons politiques, ont osé se dresser contre les consignes d’état-major, contre l’intense pression médiatique, contre le conformisme, contre les petits calculs politiciens, contre la lâcheté servile, cela, en vérité, fait beaucoup. Ce Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance contient trois mensonges pour le prix d’un. Quelle stabilité, quand on voit dans le rapport récent du FMI, posté sur ce carnet, que les mécanismes mis en œuvre depuis 2010 n’ont fait qu’aggraver la crise? Quelle stabilité encore quand on voit la dépression que connaissent certains des pays en crise ? Parler de stabilité est ici un mensonge flagrant. Quelle coordination quand on sait qu’il n’y a de coordination qu’entre des agents libres, sinon c’est à une autorité hiérarchique que l’on a affaire, et qu’il n’y a dans ce traité qu’asservissement à des agences dites indépendantes ? Ce traité organise en fait le dépérissement de la démocratie en Europe, avec la fin de l’autorité suprême des Parlements nationaux en matière budgétaire. Or, il faut s’en souvenir, c’est par le consentement à l’impôt que commence la démocratie. Quelle gouvernance enfin dans un traité qui est en fait inapplicable et qui n’a pas d’autres fonctions que d’être violé à peine signé ? Est-ce ainsi que l’on croit créer une « bonne gouvernance » dans 6-
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les mots dont on se gargarise à Bruxelles et ailleurs ? On dit aussi, et c’est un argument avancé en sa faveur, que ce traité institue une solidarité en Europe. Mais quelle solidarité, dans un traité qui condamne l’Europe à l’austérité et à la récession ? C’est la solidarité de la matraque et du bâton, de l’oppression et de la répression, comme l’expérimentent les manifestants qui, d’Athènes à Madrid en passant par Lisbonne, se sont levés contre la misère qui leur est imposée. User alors d’un tel argument revient à déconsidérer pleinement l’idée d’une possible solidarité européenne. Trouvera-t-on ces mots excessifs ? Que l’on regarde alors le rapport du Fonds monétaire international, le World Economic Outlook d’octobre 2012, qui explique bien la marche à la misère entamée au nom d’une austérité qui n’a donc pour but que de sauver un fétiche : l’euro. Que l’on regarde ce rapport, qui reste prudent dans ses projections, mais qui n’en établit pas moins que la majorité des pays ne pourront respecter les clauses de ce traité qui vient d’être ratifié. Que l’on regarde aussi la note commune à trois instituts (l’INSEE,
l’IFO et l’ISTAT) sur la récession dans la zone euro. Que l’on regarde enfin les rapports de l’UNICEF qui établissent la montée de la dénutrition et du manque de soin chez les enfants grecs. Je pense avoir, par ailleurs, montré dans de nombreux textes et notes, tous les effets pervers de ce traité. De cela, les thuriféraires du TSCG, les sectateurs de l’euro, n’en ont cure. Même l’appel des économistes hétérodoxes, avec lequel j’avais des désaccords suffisamment importants pour ne pouvoir le signer, a été scandaleusement censuré par Le Monde. Il était dit que pour faire passer cette amère pilule, on ne reculerait devant aucune bassesse, devant aucune ignominie. Le TSCG nous a donné l’exemple éclatant du cynisme en politique, quand un candidat à l’élection présidentielle se prononce pour sa réécriture et s’empresse, une fois élu, de le faire voter. Ce n’est pas le codicille sur la croissance, malheureux engagement de 140 milliards d’euros étalé sur trois ans, une aumône, qui peut en changer la nature. Même ses amis politiques le reconnaissent aujourd’hui publiquement. Ce traité ne fut pas renégocié, et d’ailleurs ce gouvernement n’a jamais cherché à s’en donner les moyens. C’est ainsi que l’on détruit la démocratie. Le mensonge électoral nourrit la colère et produit le mépris pour une classe politique qui affiche sa solidarité profonde contre le peuple. Bientôt montera le vieux cri de l’anti-parlementarisme : « Tous pourris » ! On dira, c’est le populisme qui monte. Et l’on se trompera, car ce sera alors devenu la stricte vérité.
actualités LE RÉVEIL
Oui, le fétichisme de l’euro, car c’est bien de cela qu’il s’agit avec cette transformation dans l’imaginaire d’un instrument en une fin en soi, et la volonté de pouvoir de ses grands prêtres nous condamnent à un appauvrissement généralisé, à une montée du chômage sans limites et, à la fin des fins, comme en Grèce et en Espagne, à la destruction de nos sociétés. Alors, si dire la vérité vaut que l’on soit taxé d’être excessif, je veux bien être excessif et je l’assume. Car, aujourd’hui, la raison et l’intelligence vomissent les tièdes. Honneur donc à ces soixante-dix députés ! Ils ont eu le bon réflexe et ils ont raisonné de manière juste, en refusant d’accorder leurs suffrages à ce texte inique. Qu’importe leurs raisons circonstancielles ; qu’importe d’où ils viennent et à quel parti ils appartiennent ! Quand il s’agit de résister, on ne mégote pas sur ses alliés. Il y a soixante-douze ans de cela, le 10 juillet 1940, quatre-vingts parlementaires, députés et sénateurs (57 députés et 23 sénateurs) refusèrent d’accorder les pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain. Le vote de l’écrasante majorité mit fin à la République et institua un régime de fait et non de droit. Le vote de ces quatre-vingts minoritaires fut, avec l’Appel du 18 juin, le deuxième acte fondateur de la France Libre, préparant la résurrection de la République défunte. Ce rappel est aujourd’hui nécessaire. Puissent les soixante-dix députés qui ont refusé de voter être rejoints par autant de sénateurs que possible. Puissent-ils voir leur nombre croître quand ce texte viendra en seconde lecture. Les canons furent, par le passé, l’ultime raison des rois. Les traités sont aujourd’hui l’ultime raison des élites oligarchiques. Qu’ils se rappellent que l’ultime raison des peuples reste le pavé.
Le profit, encore le profit, toujours le profit ! Voilà, la messe est dite, plus on avance et plus le système capitaliste montre son vrai visage. Il n’est pas une seule grande entreprise aujourd’hui qui ne voit son avenir par la recherche effrénée d’un toujours plus de profit dans les plus courts laps de temps possible. Cette logique conduit de plus en plus d’éclairer sur les mensonges et le réveil, d’entreprises au bord du gouffre. Les l’engagement dans des luttes fortes des financiers, qui sont aux manettes, salariés. Les sidérurgistes de Florange, exigent de plus en plus ouvertement Sanofi, PSA-Aulnay-sous-Bois, Fralib la suppression de sites de production, et beaucoup d’autres s’y sont engagés de suppression de milliers d’emplois, mais le combat est rude. Ils s’attaquent la généralisation de la flexibilité, de la à la loi des marchés. C’est dans ces précarité pour les salariés, exigent en luttes que se trouve la réponse aux même temps la casse du service public, patrons et aux atermoiements des dirila suppression du code du travail. geants socialistes. Nous avons besoin Sur ces créneaux, le MEDEF est à la de beaucoup plus d’intervention du tâche. Il est vrai que ces exigences pa- peuple, des salariés, d’actions fortes, tronales qui font trop de mal à de grèves et d’occupations notre peuple sont encouragées Le Monde d’entreprises, de réappropar les hésitations du gouver- annonce par priation par notre société de nement Ayrault-Hollande et la exemple que nos outils de travail. Nous majorité de l’Assemblée natio- l’Élysée devons obtenir le limonale. Le journal Le Monde an- envisagerait geage du capitalisme, nous nonce par exemple que l’Ély- une baisse de devons cesser la logique du sée envisagerait une baisse 40 milliards profit, rendre aux salariés, de 40 milliards d’euros de d’euros de aux Français ce qui leur apcotisations patronales au dé- cotisations partient, briser l’arrogance triment des salariés. D’autres patronales de la droite et de tous ceux exemples sont malheureuse- au détriment qui n’osent s’attaquer à la ment de cette même veine, des salariés… logique du capital. l’inscription, entre autres, de L’action, la lutte, le rassemla règle d’or du pacte européen de l’euro blement aux conditions claires et bien de Sarkozy-Merkel dans la Constitution compris des seuls intérêts de la France dont Hollande avait promis la renégo- et des Français sont de nature à renciation et qui en fait sera uniquement verser la vapeur, c’est à cela que nous voté par le parlement, sont autant d’en- devons inlassablement travailler. couragements à la droite, aux patrons, à saigner encore plus notre peuple. Hervé Corzani Il y a cependant d’autres conséquences à cette politique. Tout d’abord, celles LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
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LE RÉVEIL ACTUALITÉS
La sidérurgie Un autre possible existe Avec la fermeture de l’usine de Florange, haut fourneau à coulée chaude. Après celle de Gandrange, aciérie à coulée continue, il y a deux ans. Arcelor Mittal, après Sacilor et les barons de l’acier De Wendel montre son vrai visage. Celui d’un affairiste plus soucieux de l’épaisseur de son portefeuille que de l’intérêt des salariés, d’une région voire de l’intérêt national. Après tout, direzvous, son souci à celui-là c’est bien de faire de l’argent et exclusivement du profit et non pas de prendre en compte les aspirations des salariés et autres intérêts publics. Si ce n’est qu’après les DeWendel, Sacilor, aujourd’hui Arcelor Mittal a touché beaucoup, beaucoup d’argent public pour au bout du compte, comme ses prédécesseurs, casser ce qui reste de la sidérurgie. Évidemment, vous pourriez encore dire qu’il n’y a pas
d’autres solutions, à preuve, on a déjà essayé la nationalisation et cela n’a pas marché. C’est vrai de la nationalisation du temps de la présidence de Mitterrand sans réelle volonté politique, de mettre en place une politique industrielle qui tourne le dos au système capitaliste, voire qui donne de réels pouvoirs aux travailleurs. Mitterrand a fait l’exact contraire, résultat des milliards de cadeaux aux patrons qui ne se sont jamais autant enrichis que durant cette période. Non, vraiment non ! Le bon chemin, c’est de redonner à la nation, au peuple, le contrôle d’une industrie de base qui se devrait d’être puissante, forte. La sidérurgie pourrait en être un fleuron. Il faut donc nationaliser la sidérurgie, ce qu’il en reste du moins, en faire
un outil de réindustrialisation de notre pays, la base de toute la filière acier, dont nous avons besoin. Donner à notre peuple et aux salariés de réels moyens du contrôle des entreprises, loin des élucubrations du ministre du Redressement industriel, Arnault Montebourg, soutenu par le Premier Ministre JeanMarc Ayrault, qui rejettent toute idée de nationalisation pour ne pas s’attaquer au sacro-saint marché. La nationalisation des grandes unités de productions sidérurgiques est la solution d’avenir, qui permettrait, seule, d’ouvrir une perspective économique et sociale à des centaines de milliers de salariés, de régions entières et donnerait à notre pays un réel objectif d’engagement industriel. Hervé Corzani
Amis lecteurs, sections locales, comités départementaux, le calendrier 2013 de l’ARAC est disponible au siège de l’ARAC : 2 place du Méridien 94800 Villejuif Tél. 01 42 11 11 11
Coût : 10 e
28 pages avec des photos retraçant la vie de Che Guevara + un poster format A3 8-
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ACTUALITÉS LE RÉVEIL
17 octobre 1961-17 octobre 2012
51e anniversaire : vérité et justice Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, préfet de police de Paris. Ils défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés, notamment par la « force de police auxiliaire », ou, pour nombre d’entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes des forces de police. 51 ans après, la vérité est en marche. Cependant, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menées, en particulier la guerre d’Algérie, non plus que dans le cortège de drames et d’horreurs qu’elles ont entraînés, comme ce crime d’État que constitue le 17 octobre 1961. Certains osent encore aujourd’hui continuer à parler des « bienfaits de la colonisation », à célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République. Dans ce domaine, le changement doit être maintenant Il est nécessaire que des mesures significatives soient prises : - Redéfinition de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie (dotée de plus de 7 millions d’euros), créée en application de l’article 3 de la loi du 23 février 2005 (dont l’abrogation est demandée sous sa forme actuelle) vantant les « aspects positifs de la colonisation ». Cette fondation est sous la coupe d’associations nostalgiques de l’Algérie française qui voudraient exiger des historiens qu’ils se plient à la mémoire de « certains » témoins. - Pour être fidèles à leur mission scientifique, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper aux contrôles des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler
ensemble, avec leurs homologues de l’autre rive de la Méditerranée. - La vérité doit être dite sur l’organisation criminelle de l’OAS que certains, au sein de l’ancienne majorité présidentielle, ont voulu réhabiliter. Ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d’Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières. On ne construit pas la démocratie sur des mensonges et des occultations Après un demi-siècle, il est temps : - que les plus hautes autorités de la République reconnaissent les massacres commis par la police parisienne le 17 octobre 1961 et les jours suivants, comme un crime d’État, - que la Fondation pour la Mémoire de la Guerre d’Algérie soit redéfinie sur des bases totalement différentes, - que l’État français reconnaisse sa responsabilité dans l’internement arbitraire, pendant la guerre d’Algérie, d’Algériens dans des camps, - que l’État français reconnaisse sa responsabilité dans l’abandon des harkis,
les massacres et l’enfermement dans les camps en France en 1962, - que la liberté d’accès aux archives soit effective pour tous, historiens et citoyens, - que la recherche historique sur ces questions soit encouragée, dans un cadre franco-algérien, international et indépendant. Avec le 50e anniversaire de la fin de cette guerre d’Algérie, nous attendons des plus hautes autorités de la République qu’elles reconnaissent les responsabilités de la France afin qu’une page nouvelle s’ouvre sur l’amitié et la fraternité entre les peuples algérien et français. Signatures au 27 septembre 2012 • Associations : 4ACG (Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre), 17 Octobre contre l’oubli, Le 93 au cœur de la République, ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui), ANPROMEVO (Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS), APCV (Agence de la promotion des cultures et du voyage), ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants), Au Nom de la Mémoire, Comité vérité et justice pour Charonne, FNACA Paris (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc Tunisie), LDH (Ligue des droits de l’homme), MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), • Organisations politiques : PCF (Parti communiste français)
Déclaration du Conseil national de l’ARAC Transfert des cendres du général Bigeard
L’ARAC désapprouve la présence du ministre de la Défense pour la cérémonie du transfert des cendres du général Bigeard à Fréjus. Au moment où s’affirme la nécessité d’obtenir la signature d’un traité de paix et d’amitié entre l’Algérie et la France qui constituerait un acte de grande portée pour contribuer de manière décisive à la construction de la paix dans l’espace euro-méditerranéen, il est nécessaire que le gouvernement s’abstienne de participer à cette cérémonie. Le général Bigeard, tout en ayant été un résistant dans le maquis de l’Ariège, fut aussi un officier supérieur acteur de premier plan, durant les deux dernières guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie qui ont porté les plus détestables pratiques de l’armée française qui martyrisèrent ces peuples. C’est pourquoi l’ARAC juge inacceptable la présence d’un représentant du gouvernement de la République à Fréjus, le 20 novembre prochain. LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
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LE RÉVEIL INTERNATIONAL
Monde arabe
Les frustrations du Caire Quatre ans après le discours du Caire et le retentissant « salamaleikoum » lancé par Obama aux musulmans du monde, qu’en est-il des espoirs suscités ? Retour sur les récents événements… La diffusion de la bande-annonce du film Innocence of Muslims a eu l’effet d’une étincelle dans de nombreuses capitales du monde arabe. Les médias occidentaux ont relayé en boucle les scènes de la bannière étoilée brûlée en Égypte, des manifestations anti-américaines au Yémen, Gaza, Téhéran, Bagdad, Casablanca, Tunis, au Soudan, également devant quelques chancelleries européennes… L’ambassadeur américain en Libye a été assassiné, d’autres sont morts victimes d’un fanatisme aveugle. Les commentaires les plus alarmants ont accompagné les images. Certains imaginant le déferlement prochain de hordes islamistes sur l’occident chrétien, d’autres minimisant ces actes inexcusables, les ramenant à l’action de quelques centaines d’activistes manipulés ou pas. Sommes-nous à la veille d’une croisade anti-occidentale dont la cible principale serait Washington ? Derrière cette colère, n’y a-t-il pas en réalité l’expression du profond malaise de millions de musulmans, de dizaines d’années d’asservissement et de frustration, de récents espoirs déçus qui viennent aujourd’hui nourrir un anti-américanisme profond. Souvenons-nous. Le 4 juin 2009, Barack Obama prononce un discours qualifié d’historique au Caire. « Je suis venu ici (…) en quête d’un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier, un départ fondé sur l’intérêt mutuel et le respect mutuel et reposant sur la proposition vraie que l’Amérique et l’islam ne s’excluent pas et qu’ils n’ont pas lieu de se faire concurrence », affirme le nouveau président, après des années d’agression verbales, économiques et militaires de l’administration Bush. Il va très loin sur le dossier palestinien, conteste la légitimité de la colonisation israélienne et 10 -
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affirme : « L’Amérique ne tournera pas le dos à l’aspiration légitime du peuple palestinien à la dignité, aux chances de réussir et à un État à lui ». L’ensemble du discours suscite un immense espoir. Mais rien ne se vérifiera dans les faits. Où en eston aujourd’hui ?
Des promesses non tenues Au nom de la lutte anti-terroriste, Obama développe une politique d’assassinats ciblés, par des attaques de drones, en territoire étranger. Depuis deux ans, s’appuyant sur l’intransigeance de Téhéran, il dirige personnellement une cyber guerre contre l’Iran dans laquelle est également impliqué Israël et laisse planer la menace d’une intervention militaire. Avec Israël, au-delà des apparences, les liens sont renforcés. Obama a maintenu l’engagement de Bush de verser une aide de trente milliards de dollars sur dix ans et a aidé au déploiement du bouclier anti-missiles Iron Dome. Récemment, Washington s’est opposée à la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU. La colonisation se poursuit. En Irak, l’armée américaine laisse derrière elle 100 000 morts et le silence relatif de la Maison-Blanche sur les exactions à répétition des marines américains (corans brûlés, soldats US pissant sur des cadavres, révélations sur l’assassinat du criminel Ben Laden, massacre de villageois à Kandahar) a certainement aggravé les sentiments de défiance et de colère à l’égard de l’Amérique. Les « printemps arabes » ont été mollement soutenus par la Maison-Blanche qui est restée muette sur la répression au Bahreïn. Tous ces faits ont nourri le terreau déjà fertile de l’anti-américanisme. Aujourd’hui, des millions de musulmans
se demandent ce que sont devenues les bonnes intentions du discours du Caire il y a seulement 4 ans. Où est la main tendue d’Obama ? Il est crucial pour les États-Unis de comprendre que l’indignation du monde musulman n’est pas liée à une simple vidéo mais qu’elle est l’expression d’une colère accumulée par des dizaines d’années de dénigrement à l’encontre des musulmans et de leur religion de la part des États-Unis. Les images des exactions perpétrées dans la prison d’Abu Ghraïb sont gravées dans la mémoire des musulmans du monde entier. La colère née de dix ans de guerre contre le terrorisme ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Les musulmans demandent respect et dignité, précisément ce que la plupart d’entre eux ont l’impression de se voir refuser. Voilà le vrai défi de Washington aujourd’hui. Jean-Pierre Delahaye
Le Comité français pour le village de l’amitié de Van Canh-Vietnam, avec le soutien de l’Orchestre symphonique Divertimento, organise :
Un concert
Sous la direction de Zahia Ziouani Avec les solistes de l’orchestre
Jeudi 22 novembre 2012 à 20 h Espace Niemeyer 2 place du Colonel-Fabien 75019 Paris
Programme
- Jean-Sébastien Bach : Douze inventions - Ludwig Van Beethoven : Trio n°3 - Franz Schubert : Trio à cordes en Si Bémol D.471 - Musiques traditionnelles d’Amérique du Sud : quatre tangos argentins Prix des places : 15 e (10 e moins de 15 ans et étudiants). Renseignements et réservations : 01 42 11 11 14
international LE RÉVEIL
USA-Chine
Grandes manœuvres en Asie-Pacifique Le Pentagone déploie de nouvelles forces militaires dans la région AsiePacifique. En juin dernier, le secrétaire d’État à la Défense, Léon Panetta, a levé une partie du voile sur le dispositif au cours d’une conférence à Singapour. Édifiant… « Obama sur une ligne dure face à la Chine » : ce titre en Une du New York Times daté du 28 septembre dernier est révélateur des tensions économiques, diplomatiques et militaires qui prévalent aujourd’hui dans les relations entre les deux superpuissances. Sous la plume de Mark Landler, on apprend que « depuis des mois la patience du président Obama envers la Chine était mise à rude épreuve (…) » et que sa ligne plus dure à l’égard de Pékin pendant sa campagne de réélection se manifeste sur plusieurs fronts. Le journaliste américain constate : « La Maison-Blanche a attaqué la Chine à deux reprises devant l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en un trimestre et Léon Panetta, le secrétaire d’État à la Défense, a annoncé des projets pour aider le Japon à déployer un nouveau système de défense anti-missiles (…) » Devant la sortie de Mitt Romney qui accuse Barack Obama de ne pas en « remontrer » assez aux dirigeants chinois, la Chine est devenue un point focal de la campagne, souligne le rédacteur du Times, qui néanmoins resitue cette démarche électoraliste (?) dans le contexte de réorientation de la stratégie internationale américaine vers l’AsiePacifique, qu’il qualifie « d’initiative de politique étrangère la plus importante de la présidence Obama ». En juin dernier, dans un discours prononcé devant la Conférence sur la sécurité, à Singapour, le secrétaire d’État à la Défense a parlé plus en détail du « pivot vers l’Asie » annoncé l’an dernier par Obama où il avait indiqué que le retrait des troupes d’Irak et le début d’un
retrait d’Afghanistan permettraient à l’armée américaine de déployer davantage de ressources en Extrême Orient. « L’ensemble des services de l’armée américaine se concentre sur l’application de la directive du président de faire de la région Asie-Pacifique une priorité absolue, » a dit Panetta en ajoutant: « Alors que l’armée américaine demeurera une force mondiale de sécurité et de stabilité, nous la rééquilibrerons obligatoirement vers la région Asie-Pacifique », précisant qu’au cours de la prochaine décennie Washington déploiera la majorité de ses forces navales, notamment six porte-avions, la majorité des croiseurs, navires de guerre et sous-marins… Cette mobilisation des navires de guerre ira de pair avec une augmentation du nombre des exercices militaires pratiqués par le Pentagone dans la région, impliquant les forces aériennes, maritimes et terrestres. La plus grande partie sera effectuée conjointement avec des pays qui sont, soit ouvertement soit tacitement, alliés aux États-Unis contre la Chine, dont le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et les Philippines. En 2011, les marines ont effectué 172 exercices militaires dans la région Asie-Pacifique… Panetta s’est félicité de l’accord intervenu avec le gouvernement australien sur le déploiement de la marine américaine dans le Nord de l’Australie le qualifiant de « volet crucial » du renforcement militaire américain. « Cette Task Force en mer, dans les airs et sur terre sera capable de se déployer rapidement » a-t-il dit, entendez capable d’intervenir rapidement dans des lieux
clés comme le détroit de Malacca, vital à la Chine pour son approvisionnement en pétrole et ses exportations. Le secrétaire d’État à la Défense a toutefois affirmé que ce redéploiement ne visait aucunement un pays en particulier et surtout pas la Chine, bien au contraire, arguant « qu’une augmentation de l’implication américaine dans la région profitera à la Chine car elle accroîtra, pour l’avenir, notre sécurité mutuelle et notre prospérité partagées… » Quels autres pays pourraient bien être visés ? s’interrogeait récemment la revue Courrier International, argumentant : « La Corée du Nord dispose d’une poignée de navires côtiers qui ne constituent aucunement une menace pour la Corée du Sud et encore moins pour Washington. Dans la région, près d’un pays sur deux est soit allié officiel des USA (Japon, Corée du Sud, Philippines et Australie), soit clients (Taïwan et Singapour), soit pourrait devenir un partenaire militaire en cas de conflit avec Pékin ». Si le doute devait subsister et en dépit de ses dénégations, le chef militaire américain a levé tous les doutes possibles en évoquant en conclusion de son discours l’histoire des guerres américaines dans cette région du monde. « Au cours de l’histoire, les États-Unis ont fait des guerres, nous avons fait couler du sang, nous avons déployé nos forces maintes fois pour défendre nos intérêts vitaux dans la région Asie-Pacifique ». On ne peut être plus clair ! Jean-Pierre Delahaye
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LE RÉVEIL INTERNATIONAL international
Oliver Stone C’est pas du cinéma !
Kadhafi assassiné par un agent secret français ? Petit meurtre entre amis La sale guerre en Libye n’a pas fini de faire couler de l’encre... Révélations par la presse italienne sur la « disparition » du dictateur libyen.
Le cinéaste américain Oliver Stone (Platoon, Né un 4 juillet, Entre ciel et terre, Wall-Street, JFK, entre autres…) était de passage à Paris fin septembre pour présenter son nouveau long métrage intitulé Savages. Interrogé sur RTL à propos du film, il a répondu à la question : « Savages, qui parle d’argent, de pouvoir, de manipulation, de mensonge et de drogues, est-ce aussi un portrait de l’Amérique d’aujourd’hui ? » Oliver Stone : « La guerre des drogues, c’est une hypocrisie qui dure depuis quarante-deux ans. Déjà c’est une guerre pour de l’argent, c’est tout, des deux côtés. L’Amérique utilise la guerre des drogues pour contrôler les autres pays, pour envoyer des espions en Colombie, au Mexique, en Asie et s’ils pouvaient au Pakistan, mais en fin de compte ça ne marche pas. Ils attaquent le Panama et ils enlèvent Noriega tout d’un coup, mais Noriega travaillait pour nous depuis des années, c’est toujours la même histoire. Il faut faire très attention à ces mots, « la guerre des drogues », ça ne finit jamais, c’est comme la guerre de la terreur. J’accepte. Nous avons ce système (…) » Très engagé politiquement, le cinéaste a été un chaud partisan d’Obama, version 2008. En 2012, il le soutiendra de nouveau, mais de façon « plus lucide voire désabusée ». Oliver Stone : « C’est un système, il est dedans, il ne peut même pas fermer Guantanamo, tu comprends, c’est impossible. Il continue la guerre de Bush, il y a beaucoup d’argent et comme j’ai dit c’est très militarisé, c’est très difficile pour les politiciens de retourner. Je croyais qu’il avait le mandat mais il ne l’a pas pris. Oui j’étais déçu, mais je crois qu’il est mieux que le con qui court contre lui maintenant qui est un retour à Bush… » J-P. D. 12 -
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Les rapports des ONG ont révélé les bavures des frappes de l’OTAN sur les populations civiles, la presse anglosaxonne a démontré la présence de commando et d’experts au sol (notamment français, britanniques …) non autorisée par la résolution de l’ONU. Récemment c’est le très sérieux quotidien italien Il Corriere della Sera qui apporte un éclairage nouveau sur la mort de Kadhafi. Selon ce journal, le dictateur libyen aurait été tué par un agent secret français, avec la complicité de la Syrie. Pourquoi ? La raison en serait les menaces de révélations sur le financement de la campagne électorale de Sarkozy en 2007, proférées par le chef libyen ; pour le régime syrien, un resserrement des liens avec la France. Ce serait donc un « agent étranger », et non les Brigades révolutionnaires libyennes, qui auraient tué Mouammar Kadhafi d’une balle dans la tête le 20 octobre 2011, près de Syrte. Ce n’est pas la première fois que la version officielle de la mort du tyran libyen est mise en doute. Mais cette fois, c’est Mahmoud Jibril lui-même, ancien Premier Ministre du gouvernement transitoire et aujourd’hui pressenti pour diriger le pays après les élections parlementaires du 7 juillet, qui relance l’hypothèse d’un complot des services secrets étrangers.
Une barbouze française ? « C’est un agent étranger infiltré dans les Brigades révolutionnaires qui a tué Kadhafi », a déclaré ce dernier lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision égyptienne Dream TV, au Caire, où il participait à un débat sur le « printemps arabe ». Un agent français aurait donc été présent au moment du lynchage de Kadhafi par les rebelles. Selon le Corriere della Sera, au sein des cercles diplomatiques occidentaux dans la capitale libyenne, la théorie officieuse la plus ré-
pandue est que, si des services étrangers sont effectivement impliqués, « alors il s’agit presque certainement des Français ». Et d’ajouter : « Le fait que Paris ait voulu éliminer le colonel Kadhafi est un secret de polichinelle ». Le raisonnement est bien connu : dès les premiers signes de soutien de l’OTAN à la révolution, en grande partie sous l’impulsion du gouvernement Sarkozy, Kadhafi a menacé de révéler les détails de ses liens avec l’ancien président de la République, à commencer par les millions de dollars versés pour financer sa campagne électorale en 2007. « Sarkozy avait toutes les raisons de faire taire le raïs au plus vite », ont répété samedi 29 septembre des sources diplomatiques européennes à Tripoli.
La trahison d’El-Assad Toujours selon le quotidien italien, Rami El-Obeidi, ancien responsable des relations avec les agences de renseignements étrangères pour le compte du Conseil national de transition jusqu’à mi-2011, a révélé comment l’OTAN avait pu localiser la cachette de Kadhafi après la libération de Tripoli. « À l’époque, on pensait qu’il s’était enfui dans le désert, en direction de la frontière sud de la Libye », explique Obeidi. En réalité, il se cachait dans son fief de Syrte avec son fils, Mutassim. Obeidi ajoute : « Là, le raïs a essayé de communiquer, grâce à son téléphone satellite Iridium, avec certains de ses fidèles qui avaient trouvé refuge auprès de Bachar El-Assad, en Syrie. Parmi eux, il y avait notamment son disciple chargé de la propagande télévisée, Youssef Shakir. Et c’est justement le chef d’État syrien qui a transmis le numéro de téléphone satellitaire de Kadhafi aux services secrets français. En échange, Assad aurait obtenu de Paris la promesse de limiter les pressions internationales sur la Syrie en vue de faire cesser la répression contre le peuple en révolte ». Jean-Pierre Delahaye
LE CAHIER MÉMOIRE
le réveil
N° 787 Octobre 2012
des combattants
Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix
ÉDITO Par Paul Markidès
Deux combats héroïques contre la barbarie
Stalingrad Leningrad Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12
Stalingrad, devenue aujourd’hui Volgograd, est une ville devenue un symbole, celui du combat héroïque d’une exceptionnelle longueur de l’armée soviétique contre l’armée nazie. Le combat victorieux qui bloqua à jamais les ambitions hitlériennes, notamment celle de se saisir des pétroles du Caucase, et permit aux armées alliées et aux Résistances des pays européens de prendre le dessus sur l’armée nazie jusqu’à la contraindre à sa reddition sans condition le 8 mai 1945 à Berlin. Sans réduire l’ampleur et la portée des combats de Stalingrad, il faut aussi souligner le courage des citoyens et citoyennes soviétiques de Leningrad qui ont soutenu un siège de 500 jours, simultanément aux combats de l’armée soviétique à Stalingrad. Stalingrad et Leningrad, deux lieux et événements historiques qui sont marqués par le courage et les sacrifices des armées et des peuples de nations, alors unies dans l’union des Républiques socialistes soviétiques, qui sauvèrent le monde de la barbarie. Nous leur devons donc notre liberté. Mais rien n’est jamais acquis et personne ne peut dire aujourd’hui que le danger est définitivement écarté. Les progressions de l’influence de l’extrême droite en Europe nous le montrent. Il faut donc travailler à éclairer les consciences et suivre le conseil de Victor Hugo : « Les souvenirs sont nos forces. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume les flambeaux ».
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LE RÉVEIL dossier
8 Septembre 1941 :
le siège de Leningrad débutait… Michel Bassot Petrograd, renommée Leningrad en 1924, fut et restera à jamais la ville martyre qui, du 8 septembre 1941 au 18 janvier 1943, subi un blocus de 500 jours, un siège de 900 jours… Ami(e), profitez de votre visite dans cette ville pour vous rendre au cimetière de Leningrad-Piskarevscae. Dans ce sanctuaire reposent 1 500 000 personnes. Oui ! Un million cinq cent mille personnes victimes de la hargne, de la barbarie, d’une idéologie inhumaine : le nazisme. Leningrad, en 1941 ville de 1 500 000 habitants, a eu 1 000 000 de victimes civiles dont 632 000 mortes à cause de la famine, du froid, de divers troubles organiques dus au blocus de 500 jours et des bombardements. La population de Leningrad ne resta pas sans réaction lors des assauts des hordes nazies, elle se mobilisa, se leva à l’appel du soviet de la ville. Ils formèrent neuf divisions dites Milice du Peuple. Ces divisions ont joué un rôle de premier ordre dans la défense de la ville, bien que constituées d’éléments les plus divers : adolescents tenant un fusil pour la première fois, hommes d’âge mur qui s’étaient battus au moment de la Révolution d’Octobre de 1917. Tous subirent une période d’entraînement intensif et dès la mi-juillet 1941, trois divisions purent être envoyées au front… Le quartier général soviétique poussa simultanément à l’édification de ceintures fortifiées autour de Leningrad : plus de 500 000 personnes y travaillaient chaque jour (vingtquatre heures sur vingt-quatre), les usines produisaient des abris, des 14 -
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mitrailleuses en béton armé, des plates-formes de tirs protégés pour l’artillerie et des obstacles antichars. Le matin du 21 août, un manifeste est publié dans la ville par le conseil militaire du front Nord-Ouest, le comité du parti de Leningrad et le soviet de Leningrad des représentants du peuple. Un manifeste court et expressif, jugez-en : « Camarades leningradois, chers amis, la menace imminente d’une attaque des troupes germano-fascistes est suspendue sur notre ville natale bien aimée, l’ennemi tente de pénétrer dans Leningrad. Il veut détruire nos foyers, s’emparer de nos usines, de nos fabriques, inonder nos rues et nos places du sang de victimes innocentes, maltraiter notre paisible population, asservir les libres fils de notre mère patrie... Armé d’une discipline de fer et de l’efficacité soviétique, nous ferons face à l’ennemi avec bravoure et lui infligerons un échec cuisant »… Dès octobre 1941, Hitler et son étatmajor admettent leur incapacité de prendre Leningrad d’assaut et, en même temps, ils ne peuvent pas renoncer à l’idée de capturer la ville. Les chefs militaires sont informés d’avoir à changer leur tactique : au lieu de se livrer à une attaque massive, ils doivent faire le siège de la ville, détruire celle-ci et avec elle sa population par des bombardements terrestres et aériens. Pourtant la capture d’une immense portion de territoire n’a pas été consolidée par un succès straté-
gique. Leningrad reste entre les mains des Soviétiques et immobilise autour de la ville une armée ennemie de plus de 300 000 hommes, le terrain conquis est inondé de sang, la voie triomphale est devenue une voie funéraire. Ainsi au 29 septembre 41, plus de 190 000 officiers et hommes de troupe allemands ont été tués ou blessés, cinq cents canons et sept cent chars perdus. Le siège de Leningrad commence par un double cercle en anneau encerclant la ville afin de l’affamer, l’ordre nazi est : « Affamez-les ! Tuez-les tous ! » Dès le 1er septembre, les premiers obus de 240 mm tombent sur la ville au cours des trois premiers jours du feu d’artillerie : 53 personnes sont tuées et 101 blessées. Le 6 septembre à 18h55, l’aviation allemande attaque violemment la ville et largue 6 327 bombes incendiaires. Le même soir à 22h35, des bombardiers lourds lâchent 48 bombes explosives d’un poids de 250 à 500 kg. Les 9 et 10 septembre poursuite des attaques aériennes, ils lâchent depuis 6 000 mètres d’altitude 69 bombes explosives,
« Anéantissons les envahisseurs fascistes ! » Affiche soviétique appelant la population à prendre les armes contre l’envahisseur nazi.
dossier LE RÉVEIL
1 794 bombes incendiaires. Pour semer un peu plus la panique l’ennemi envoie sur la ville des bombes à retardement présentant un réel danger. Il fallait les désamorcer sur place afin d’éliminer aussi vite que possible le danger d’explosion, de nombreuses jeunes filles figuraient au nombre des volontaires pour désamorcer ces bombes. Une des caractéristiques de la défense de la ville, c’est que l’ensemble de la population était organisée et y prenait une part active. Chaque soir plus de 60 000 hommes et femmes des groupes d’autodéfense montaient la garde sur les toits. Ils apprirent en peu de temps comment neutraliser les bombes incendiaires et rendirent inoffensives des milliers d’entre elles… Le 13 octobre, l’aviation ennemie largue sur la ville plus de 12 000 bombes incendiaires donc deux fois plus que le 8 septembre. Il n’y eut que 40 incendies rapidement maîtrisés… Mais le grand problème reste le ravitaillement, malgré les évacuations de juillet et août il reste à Leningrad 2 544 000 âmes au 8 septembre. Dès le 2 septembre, une première restriction de la vente du pain à la population civile est mise en place : les ouvriers d’usine touchaient 600 grammes de pain par jour, les employés de bureau et les enfants, 400 grammes de pain par jour, les personnes à charge, 300 grammes de pain par jour. De toutes les questions alimentaires, celle du pain était la plus importante. On se mit à chercher des produits de remplacement qui pouvaient, dans une certaine mesure, diminuer la dépense de céréales panifiables. Le pain fut composé du mélange suivant : farine de seigle 63 %, tourteaux de lin 4 %, farine d’avoine 9 %, farine de soja 4 %, farine de malt 12 %, farine provenant de grain fermenté 5 % (il sentait le malt et le moisi). Quinze jours plus tard, on dut changer car la farine de malt tirait
à sa fin et les quantités restantes de farine de seigle ne permettaient pas qu’on élève le taux dans le pain. On suggéra l’utilisation de tourteaux de graines de coton prévu pour le chauffage des bateaux et jamais utilisé pour l’alimentation. Ils passaient pour contenir une substance, la grossypine, dangereuse pour la santé, on le fabriqua tout de même, par nécessité, avec cette substance en prenant le risque. Dès la fin novembre, le pain fut composé désormais d’après la recette suivante : cellulose assimilable 10 %, tourteau de graines de coton 10 %, balle 2 %, farine de maïs 3 %, farine de seigle 73 %. Il fut aussi extrait de la cellulose de la levure et du babeurre. Les habitants de Leningrad qui ont survécu au siège se rappellent fort bien les soupes à la levure, servie dans presque toutes les cantines. Une assiette de cette soupe étant souvent tout ce que des milliers de gens recevaient dans une journée. En levant les planchers des greniers à malt des brasseries, il fut récolté 110 tonnes de malt. La poussière de farine s’était accumulée couche par couche au cours des ans, sur les murs et planchers des moulins, cette poussière fut soigneusement recueillie, traitée et utilisée pour la cuisson du pain. L’ingéniosité des Léningradois pour trouver des nourritures de remplacement (boyaux de mouton, morue au baril, tourteaux de graines de lin, tourteaux de graines de coton, chanvre, son, seigle, pous-
Réunion à Poltava, en Ukraine. En mai 1942, Hitler convoque les principaux commandants chargés de diriger l’offensive d’été.
sière de moulin, cellulose, grain germé, détritus de la décortication du riz, pousse de maïs, déchets de cellulose, balle de céréales, saucisses de cheval). La ration de pain fut encore diminuée à plusieurs reprises jusqu’au 25 décembre 1941, date à laquelle elle augmente progressivement grâce à l’ouverture d’une « route de glace ». Pour l’anniversaire de la Révolution d’Octobre, le 7 novembre, il n’y avait rien, il faisait très froid. La fête fut quand même marquée par une distribution à chaque enfant de 200 grammes de crème aigre et de 100 grammes de fécule de pomme de terre, les adultes eurent droit à 5 tomates salées car on n’avait rien trouvé d’autre. Le nouveau plan d’Hitler était « d’avoir raison de la ville par la faim » - « Leningrad est contrainte de se rendre sans que coule le sang des soldats allemands ». Hommes et femmes dépérissaient à vue d’œil. La consommation de farine fut réduite de plus des trois quarts durant les 107 premiers jours du blocus. Pour remplir les estomacs vides et étouffer les tiraillements d’une faim qui ne peut être comparée à rien d’autre, les citadins recouraient à toutes sortes de moyens. Ils piégeaient les corbeaux, traquaient les chats et les chiens encore en vie, prenaient dans leurs boîtes à pharmacie tout ce qui pouvait être utilisé comme vivres : huile de ricin, vaseline, glycérine. Potage et gelée étaient préparés avec de la colle forte. LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
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LE RÉVEIL dossier
La mort frappait partout, un homme marchant dans la rue pouvait tomber pour ne plus se relever. Quelqu’un se mettant au lit et n’en ressortant plus. Souvent la mort terrassait brutalement un ouvrier à sa machine. Novembre : 11 085 morts. Comme les transports publics ne fonctionnaient plus, l’enterrement posait un problème sérieux. Le défunt était généralement transporté sans cercueil, sur un traîneau traîné par des proches ou des amis qui souvent n’avaient pas la force d’aller jusqu’au bout et abandonnaient le défunt à mi-chemin du cimetière… Des employés des services publics municipaux et du service de santé survivants parcouraient les rues, les places, les immeubles pour ramasser les corps… Des cadavres gelés, recouverts de neige, s’alignaient le long et aux abords des cimetières. La force manquait pour creuser le sol, des équipes de la Défense passive employaient des explosifs pour creuser les fosses communes dans lesquelles on couchait des dizaines, voire des centaines de corps sans même savoir leur nom. Ce fut le cas au cimetière Piskarevscae. Décembre : 52 881 mots. Janvierfévrier 42 : 199 187 morts. Au total, pendant le siège des 500 jours : 632 000 personnes sont mortes de faim. Durant la Seconde Guerre mondiale, Hitler a jeté au feu tous les accords internationaux. Le 14 juin 1941, juste avant d’attaquer l’URSS, il avait déclaré qu’il serait « nécessaire d’employer contre l’Union soviétique des méthodes plus brutales qu’à l’Ouest. » Keitel, au procès de Nuremberg : « Hitler a spécialement marqué qu’il s’agissait là d’une bataille décisive entre deux idéologies et que ce fait excluait la possibilité d’employer dans la guerre (contre l’URSS) les méthodes auxquelles nous étions habitués, nous autres soldats et qui d’après les lois internationales étaient
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les seules admises… » La faim révélait les caractères. Mais pour les femmes la vie se montrait le plus dure. Prenant la place des hommes, sous les drapeaux, elles travaillaient à la production et devaient en plus s’occuper de leur maison et de leurs enfants, personne ne pouvait les remplacer dans ces tâches. Elles répartissaient la maigre nourriture, se procuraient du bois, rapportaient du cours d’eau l’eau dans des seaux, blanchissaient le linge et le raccommodaient à la faible lueur d’une lampe à pétrole. La grande majorité des gens supportaient la faim, la douleur physique, le froid, la détresse morale bravement et sans broncher et continuaient leur travail honnêtement. D’autres pourtant se comportaient en parasites, ardents à construire leur mieux-être sur le malheur des autres. La faim tenaillait les gens. Tous vivaient dans l’espoir que bientôt la route serait prête et que les vivres commenceraient à arriver. Mais le lac ne gelait pas et les jours d’attente s’allongeaient. Enfin, le 22 novembre, les camions commencèrent à rouler sur la glace, plusieurs coulèrent du 23 novembre au 1er décembre, 2 journées de vivres étaient arrivées, 40 camions avaient coulé ou étaient restés en panne dans les trous d’eau. Le trafic fut réduit à cause de la fragilité de la glace, bien qu’il n’y ait plus de pain que pour six jours dans la ville, y compris le supplément fourni par la cellulose comestible. Au 9 décembre, il ne restait à la cité que neuf ou dix jours de vivres, y compris la farine entreposée de l’autre côté du lac à Novaga Ladoga. A ce moment, tourteaux, son, poussière de moulin et autres « réserves » avaient été entièrement consommés. A partir du 24 décembre 42, les conditions pour le transit de maté-
Une caravane soviétique traverse la Volga. L’armée de terre allemande et l’Armée rouge étaient essentiellement composées d’unités hippomobiles.
riel sur la glace du lac Lagoda réalisées, la route de glace fonctionne à nouveau. Il fut décidé alors d’augmenter les rations : 100 grammes de plus pour les ouvriers et le personnel technique et 75 grammes pour les employés et les personnes à charge ou les enfants… Le 25 décembre, les habitants se présentent de bonne heure aux magasins d’alimentation et apprennent avec surprise que la ration de pain avait été augmentée. La nouvelle se répandit en ville avec la rapidité de l’éclair. Bien que ce fut un jour froid, tous ceux qui étaient en état de marcher sortirent de chez eux pour prendre part à la joie générale, rues et places se remplirent spontanément de monde, des inconnues s’embrassaient, se serraient les mains, poussaient des « hourras ». Jour inoubliable. C’était la première victoire importante des défenseurs de Leningrad. C’était le premier cadeau tangible de la « route de glace »… Le 22 janvier 43, il fut décidé par décret spécial d’évacuer 500 000 personnes de Leningrad tant que la route d’hiver, sur le lac, était en mesure de servir, priorité absolue aux enfants, aux femmes, aux personnes âgées, aux malades… Tout le peuple soviétique leur apporta son aide morale et matérielle, comme en 1919 lorsque les forces d’intervention et la Garde blanche étaient en train d’essayer d’étrangler la jeune république soviétique. Les citations et chiffres sont extraits du livre de Dimitri Pavlov, Leningrad 1941 -1942, Presses de la cité.
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Stalingrad, le symbole du triomphe sur le fascisme Alexandre Droban
Nous tenons à remercier le professeur Alexandre Droban de l’Université de Moscou qui a bien voulu nous situer la bataille de Stalingrad dans son contexte. Son article est suivi de deux textes significatifs sur le déroulement de ce combat, empruntés au livre remarquable de l’historien britannique Antony Beevor, qui s’est appuyé sur les archives russes et allemandes et de nombreux témoignages pour réaliser son ouvrage. Nous célébrons Stalingrad avant tout comme un événement militaire, le tournant de la grande guerre patriotique du peuple soviétique contre l’agression de l’Allemagne hitlérienne durant la Seconde Guerre mondiale. Dans l’histoire militaire de la Russie, de l’Union soviétique, Stalingrad constitue l’illustrissime fait des armes. De l’autre côté du front, Stalingrad est la plus grande catastrophe des forces armées de l’Allemagne et de la Prusse militariste au cours de leur histoire. La bataille de Stalingrad se compose de deux périodes. La première période, de la retraite et de la défense des troupes soviétiques, en juillet-novembre 1942. La deuxième, période de la contre-offensive de l’Armée rouge, 19 no-
vembre 1942 - 2 février 1943. Les combattants soviétiques, durant le recul jusqu’à la Volga, ont infligé à l’adversaire des pertes énormes. Malgré les calculs et promesses aventureuses de Hitler, la guerre contre l’URSS ne ressemblait pas à la promenade de mai-juin 1940 en Ouest. L’espoir de Blitzkieg en Est était le fruit de la sous-estimation de la puissance du pays socialiste. Ni l’écrasement de l’Armée rouge, ni le krach du système politique soviétique, ni la discorde parmi les nationalités de l’URSS ne sont venus appuyer les illusions des envahisseurs fascistes. Forte et inspirée, l’URSS a défendu son existence, son honneur, ses immenses conquêtes sociales et, par cela même, l’avenir de l’humanité
Pour la défense de Stalingrad, des bataillons de volontaires armés appuient l’armée régulière.
contre le fascisme, produit de la réaction impérialiste. Stalingrad, c’est un succès des forces progressistes internationales. Inévitablement, le traitement du souvenir de Stalingrad est divers chez différentes forces politiques et sociales. Dans mon expérience de scientifique, il existe un fait vraiment frappant. Il y a quelques années à l’occasion d’un anniversaire de Stalingrad, le très honorable journal Le Monde lui a consacré un article basé sur les récits du correspondant allemand en poste à Paris. Ce personnage participait à la guerre contre l’URSS, mais loin de Stalingrad et ses récits étaient très approximatifs. Le matériel publié par Le Monde contenait très précisément 14 (quatorze) erreurs ! J’ai écrit à la rédaction demandant la publication de mes remarques et corrections. Naturellement la réponse fut un silence profond. Je me permets de croire que Le Monde de Beuve-Mery et de Fauvet ne s’abaisserait jamais de cette manière. Stalingrad c’est aussi le nom de Staline. Et ce fait était important au cours des luttes. Hitler voulait subjuguer la ville de Staline à tout prix. Il a empêché l’abandon de Stalingrad quand est venu l’encerclement des agresseurs et a condamné l’armée du feldmaréchal Paulus à une fin catastrophique. Sans embellir l’activité de Staline, il faut reconnaître objectivement que la victoire sur les rives de la Volga, la grande victoire de mai 1945, sont liées aussi à ses efforts à la tête du peuple soviétique et de l’Armée rouge.
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Stalingrad, la férocité du combat Antony Beevor Extrait du livre Stalingrad d’Antony Beevor Tandis que se poursuivaient les âpres combats pour le Kourgane de Mamai, une lutte tout aussi féroce s’était engagée pour la possession de l’énorme silo à grain en béton qui se dressait au bord du fleuve. L’avance rapide du Corps blindé XL VIII de Hoth avait pratiquement isolé cette forteresse naturelle. Les défenseurs soviétiques qui appartenaient à la 35e Division de la Garde reçurent, le 17 septembre en fin de soirée, le renfort d’une unité d’infanterie de marine commandée par le lieutenant de vaisseau Andrei Khozianov. Ils disposaient, en tout, de deux vieilles mitrailleuses Maxim et de deux fusils antichars à longs canons, avec lesquels ils ouvrirent le feu sur un char allemand qui s’avançait vers
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Les fantassins de l’Armée rouge furent les véritables héros de la bataille de Stalingrad. Ici, deux soldats défendent l’usine Octobre rouge de Stalingrad.
eux avec un officier parlementaire, un interprète et un drapeau blanc à la tourelle pour leur proposer de se rendre. S’ensuivirent de violents tirs d’artillerie allemande, préparant le terrain pour une attaque de la 94e Division d’infanterie saxonne. Durant la journée du 18 septembre, les défenseurs, qui n’étaient plus qu’une cinquantaine, repoussèrent dix assauts en règle. Sachant qu’ils ne pouvaient espérer être ravitaillés, ils devaient ménager constamment eau, vivres et munitions. Ils continuèrent à combattre deux jours encore dans des conditions abominables. Les céréales entreposées dans le silo ayant fini par prendre feu, ils étaient aveuglés et presque étouffés par la fumée et la poussière. Ils n’avaient presque plus rien à boire. Ils n’avaient même plus d’eau pour remplir les tubes refroidisseurs des mitrailleuses Maxim. (Conformément à une technique éprouvée durant la Première Guerre mondiale, ils devaient tout simplement uriner dans les tubes, mais les rapports soviétiques passent pudiquement sur ce genre de détails). Lorsque de nouveaux chars allemands vinrent les achever, le 20 septembre, ils avaient épuisé leurs grenades et leurs projectiles antichars. Les deux mitrailleuses furent mises hors d’action. La poussière et la fumée les empêchant de se voir, les défenseurs du silo ne communiquaient plus que par cris et les Allemands tiraient en se repérant au son et non à la vue. N’ayant plus que
quelques cartouches, les défenseurs finirent, au soir du 20, par se replier en abandonnant leurs blessés. Malgré l’importance tactique très limitée de cette victoire pour les Allemands, la férocité des combats amena Paulus à choisir le silo comme symbole de la bataille de Stalingrad dans l’insigne commémoratif qu’il était en train de faire réaliser. La résistance acharnée d’autres îlots semi-fortifiés dans le centre de la ville coûta beaucoup d’hommes à l’Armée allemande pendant ces quelques jours. Tel fut le cas au grand magasin Univermag de la place Rouge, tenu par le 1er bataillon du régiment de fusiliers de la Garde, ainsi qu’à un petit entrepôt connu comme « la fabrique de clous ». Dans un immeuble de trois étages, non loin de là, les gardes, épuisés et presque asphyxiés par la poussière de briques venant des murs réduits en miettes, tinrent cinq jours. Les blessés périrent dans les caves faute de soins, leur jeune infirmière ayant été frappée à mort. Sur ce qui avait été près d’un bataillon à l’origine, six hommes seulement survivaient lors de l’ultime assaut allemand. De toutes les conquêtes ainsi réalisées par la Wehrmacht dans le centre de la ville, la plus grave pour l’Armée rouge était celle de l’embarcadère central. Elle permettait aux Allemands, résolus à empêcher les défenseurs de Stalingrad de recevoir vivres, munitions et renforts de l’autre rive du fleuve, de tenir les points de passage nocturne sous le feu direct de leurs
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canons et de leurs lance-fusées. Après avoir changé quinze fois de main en cinq jours, la gare centrale, totalement en ruines, fut également occupée par les Allemands. Conformément à la politique décidée par Tchouïkov, Rodimtsev ordonna que la ligne de front soit maintenue en permanence à moins de cinquante mètres des positions allemandes, afin de rendre extrêmement difficile l’intervention de l’artillerie et de l’aviation ennemies. Chacun des soldats de sa division était fier de son adresse au tir, harcelant constamment les troupes adverses. Chaque garde, affirmait-on, est un tireur d’élite qui force les Allemands à ramper au lieu de marcher. Epuisés, les yeux rouges de fatigue et ayant perdu beaucoup plus de camarades qu’ils ne s’y attendaient, les soldats allemands, quant à eux, n’étaient plus habités par le sentiment triomphaliste qu’ils avaient connu une semaine auparavant. Tout leur semblait terriblement différent. Ils découvraient, par exemple, que les tirs d’artillerie étaient beaucoup plus redoutables et terrifiants dans une ville qu’en rase campagne. Il n’y avait pas que l’explosion même de l’obus qui se révélait dangereuse. Chaque fois qu’un immeuble était atteint, gravats, pierres et morceaux de béton venaient se joindre aux éclats. Dans ce paysage lunaire, au milieu des décombres, le Landser - le fantassin allemand - avait commencé à perdre la notion du temps. Même en plein midi, la lumière tendait à prendre une sorte de qualité fantomatique, tant l’air était, en permanence, chargé de poussière. Le Landser devenait, dans ce monde concentré, plus conscient de la guerre en trois dimensions. Et il n’y avait pas que les tireurs russes embusqués dans les étages supérieurs des immeubles en ruines. Il fallait aussi surveiller le
ciel. Quand la Luftwaffe frappait, le soldat allemand se précipitait au sol et se terrait tout comme son ennemi russe. Il y avait toujours le risque que les pilotes des Stukas ne voient pas les drapeaux à croix gammée déployés au sol pour marquer les positions, et souvent, les unités de la Wehrmacht tiraient également des fusées de repérage pour mieux indiquer leur empla-
cement. Des bombardiers soviétiques intervenaient aussi, volant si bas que les fantassins distinguaient parfaitement les étoiles rouges marquant leur fuselage. Plus haut, des chasseurs tournoyaient dans le ciel. Au dire d’un observateur, leurs mouvements évoquaient plus ceux de poissons dans un gigantesque aquarium que ceux d’oiseaux en liberté.
Stalingrad,
le combat héroïque des jeunes filles et des jeunes femmes Antony Beevor Extrait du livre Stalingrad d’Antony Beevor Le service de santé était rarement considéré comme de première importance par les chefs de l’Armée rouge. Un soldat grièvement blessé était hors de combat et la principale préoccupation de ses supérieurs était de le remplacer. Mais cette attitude ne découragea pas pour autant le personnel médical du secteur de Stalingrad, principalement composé d’étudiantes ou même de lycéennes n’ayant reçu qu’une rudimentaire formation de secouristes. Certaines de ces jeunes filles et de ces jeunes femmes furent en fait les plus authentiques héroïnes de cette bataille. La compagnie sanitaire de la 62e Armée, forte d’une centaine de personnes, était commandée par une étudiante en médecine de dix-huit ans, Zinaïda Georgevna Gavrielova, à qui l’on avait confié cette responsabilité démesurée après qu’elle eut servi avec brio au sein d’un régiment de cavalerie. Ses infirmières, dont peu étaient plus âgées qu’elle, n’hésitaient pas à aller chercher les blessés sous les tirs les plus nourris, à les traîner à
l’abri ou même à les porter sur leur dos. Il fallait être « physiquement et spirituellement forte », comme le déclara simplement Zinaïda Gavrielova. Il n’était pas question, pour le personnel médical, d’être noncombattant. La belle Goulia Koroleva, une jeune femme de vingt ans issue des milieux littéraires de Moscou, avait laissé son bébé dans la capitale pour aller se porter volontaire comme infirmière. Servant avec la 214e Division de fusiliers au sein de la 24e Armée, elle fut citée pour avoir « ramené de la ligne de feu plus d’une centaine de soldats blessés et tué de sa main quinze fascistes ». Elle fut décorée à titre posthume de l’Ordre du drapeau rouge. Ancienne étudiante en art dramatique à Moscou, devenue infirmière d’un régiment de fusiliers de la Garde, Natalia Kachnevskaïa, qui, bien que blessés à deux reprises, avait réussi à ramener vingt soldats dans les lignes soviétiques.(1) Les sacrifices faits par ces jeunes femmes étaient souvent sans objet, compte tenu de la façon dont
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LE RÉVEIL dossier
étaient traités ensuite les blessés qu’elles étaient allées chercher au péril de leur vie. Ceux-ci étaient laissés sans soins sur les bords de la Volga jusqu’au moment où, longtemps après la tombée de la nuit, ils étaient chargés comme des sacs de pommes de terre sur les bateaux qui, ayant apporté vivres et munitions, retournaient à vide de l’autre côté du fleuve. Là, ils étaient déchargés et laissés sur place dans des conditions pires encore, comme le découvrit un jour une jeune mécanicienne d’aviation. Ayant passé, avec ses camarades, la nuit dans des voies non loin de la rive orientale de la Volga, elle fut éveille à l’aube par des bruits étranges. Intriguée, elle rampa jusqu’au rivage et là, aperçut « à perte de vue des milliers de blessés » abandonnés sur le sable après avoir franchi le fleuve durant la nuit. Mourant de soif, ils « criaient et hurlaient ». Certains avaient « perdu bras ou jambes ». Les hommes et femmes du régiment d’aviation leur vinrent en aide du mieux qu’ils pouvaient, et la mécanicienne, Klavdia Sterman, qui avait été infirmière dans une maternité de Moscou, a décidé qu’elle allait demander sa mutation dans une unité médicale de première ligne. (1) En dehors de la tankiste Ekaterina Petloouk, très peu de femmes arrivent dans des unités combattantes à Stalingrad. Il y avait toutefois, dans l’aviation opérant dans ce secteur, un régiment de bombardement féminin, commandé par la célèbre aviatrice Marina Raskova. Ayant rencontré celle-ci sur l’aérodrome de Kamichine, Simonov écrivit dans son journal : « Je ne l’avais encore jamais vue de près, et je ne savais pas qu’elle était aussi jeune et aussi jolie. Si je me rappelle tout particulièrement cette rencontre, c’est peutêtre parce que, peu après, j’ai appris qu’elle avait été tuée. »
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Le point de vue de trois généraux Le général d’armées Gambiez « La défense de Leningrad est passée dans la légende. Leningrad aux glorieuses traditions révolutionnaires était le symbole de l’esprit invincible des Soviétiques, de leur volonté, en dépit de toutes les difficultés, de défendre la Patrie. Pendant le siège qui dura 900 jours, la famine fit 641 803 victimes. Devant Moscou, malgré les puissantes attaques hitlériennes, les troupes soviétiques font face partout au cours de combats acharnés. Hitler a déclaré que la ville devait être encerclée de manière à ce qu’aucun soldat russe, aucun habitant - homme, femme ou enfant - ne puisse sortire vivant. Il projette d’aménager un lac sur son emplacement : les eaux devront à jamais engloutir la capitale du peuple russe. Finalement, les attaques hitlériennes sont stoppées (…) »
Le général de Gaulle Le 30 novembre 1944, le général de Gaulle vint saluer Stalingrad… Il alla se recueillir longuement sur La retraite des armées vaincues. le texte du Mamaïev Kourgan et
s’exclama : « Quel grand peuple ! » … avant d’affirmer : « Une fois de plus, nos deux pays sont faits pour se comprendre, s’estimer et coopérer. »
Le général de Saint-Marceaux Ancien de l’escadrille NormandieNiemen « Nous raconterons à la jeunesse d’aujourd’hui comment les groupes de trois ou quatre garçons de moins de vingt ans traversaient la Manche sur de mauvais rafiots pour aller rejoindre le général de Gaulle sans autre calcul que leur refus de vivre passivement dans leur pays vaincu ; comment, dans tous les pays envahis, s’est levée spontanément la résistance à l’occupant ; comment, du tumulte lointain des gigantesques combats du front germano-soviétique, parvenait au reste du monde le fier message insoumis : « Vous allez voir comment vingt millions “d’untermenschen” se font tuer pour permettre aux survivants de reconduire chez eux ceux qui, après les avoir écrasés de leur mépris, avaient cru pouvoir les asservir par les armes ».
VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL
Souscription nationale 5e liste de souscripteurs (21 septembre 2012) Comités départementaux
CÔTE-D’OR (21)
MARNE (51)
SEINE-ET-MARNE (77)
Ain (01) : 100 € Indre (36) : 1 200 € Eure-et-Loir (28) : 100 € Lot-et-Garonne (47) : 100 €
Ianelli Lucien – 100 €.
Henry Georges – 100 €.
DORDOGNE (24)
Machet Lucien – 100 €, Roy Jean – 50 €. MOSELLE (57)
Desaimard Gérard – 20 €.
Sections
Bourbigot Tristan – 100 €.
Bourg-en-Bresse (01) : 100 € Igny (91) : 50 € Pessac (33) : 50 € Pont-d’Ain (01) : 50 € Pujols (33) : 50 €
HAUTE-GARONNE (31)
Abellan Alexandre – 50 €, Denat Georges – 50 €, Hoine-Benacquista Denise – 50 €.
PUY-DE-DÔME (63)
GIRONDE (33)
Abonnés Réveil
Mme Agostini – 15 €, Bravo Christian – 50 €.
Buret Louis – 50 €, Depierris Hélène – 100 €, Pico Georgette – 30 €. ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE (04)
Gastaud Roger – 30 €, Pin Guy – 50 €.
Davaux Georges – 50 €.
Conti Marcel – 20 €.
FINISTÈRE (29)
Maine Fernand – 30 €, Mialane Henri – 50 €, Mouret Gilbert – 50 €. ILLE-ET-VILAINE (35)
Bottero Guy – 50 €. AUBE (10)
ISÈRE (38)
Thiebaux Robert – 50 €.
Palméro Georges – 50 €.
BOUCHES-DU-RHÔNE (13)
LOIRE (42)
VAUCLUSE (84)
Bertoni Marcel – 50 €.
Coury Ghislaine – 100 €, Exposto Dominique – 50.
PYRÉNÉES-ALTLANTIQUES (64)
VIENNE (86)
Bascou Jacques – 50 €.
Sauvaget Serge – 20 €.
PYRÉNÉES-ORIENTALES (66)
YONNE (89)
Grosjean Roger – 20 €, Isen Lucien – 10 €.
Amicale des AC d’Andryes – 50 €, Fouache – 50 €.
RHÔNE (69)
SEINE-SAINT-DENIS (93)
Gomez Valentin – 50 €, Matheron Anna – 25 €.
Baroin Yves – 100 €, Béguin Pierre – 50 €, Bouteloup Palmyre – 50 €, Jouenne Edgar – 50 €, Martin Claude – 50 €.
SAÔNE-ET-LOIRE (71)
Lombard Claude – 50 €, Mazière Jeanne – 50 €. Bourgault Jean –50 €.
Garrido Joseph – 50 €, Paquet Robert – 100 €, Pitaval Louis – 30 €.
CHARENTE (16)
Salomon Jean-Claude – 50 €.
Jouve Jean-Louis – 15 €.
LOT-ET-GARONNE (47)
CORREZE (19)
Blanc-Tailleur Renée – 30 €, Delgado Guy – 20 €, Melon Yves – 40 €.
SAVOIE (73)
VAL-D’OISE (95)
Dalla-Mutta Alexandre – 50 €.
Lavedrine Geneviève – 50 €.
HAUTE-SAVOIE (74)
CONSEIL NATIONAL (99)
Lagnier Gustave – 70 €.
LOIRE ATLANTIQUE (44)
VAL-DE-MARNE (94)
Bracq Georges – 50 €, Hanoun Lucien – 50 €, Korenfeld Elie – 50 €, Wolff Jean – 50 €.
SARTHE (72)
Alcon Mireille – 25 €, Biagetti Michel – 20 €, Ferrero Henri – 200 €, Praire Laurence – 30 €, Villani Enzo – 15 €.
Thomasson André – 50 €.
Vallée Gérard – 76 €.
Vavon Henri – 50 €.
Durand Emilienne – 100 €, Leroy Roger – 50 €.
ALPES-MARITIMES (06)
VAR (83)
NIÈVRE (58)
HERAULT (34)
SOMME (80)
Bouton Claude – 100 €, Legendre Claude – 200 €.
PARIS (75)
Brabant Jean-Claude – 50 €, Darduin Jean-Claude – 30 €, Jevtitch Milorad – 50€.
Je souhaite faire un don à l’ARAC et je coche le montant souhaité :
Merci de préciser le mode de règlement : n 50 e
n 100 e
n 200 e
n Autre montant :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• par chèque à l’ordre de l’ARAC, en un ou plusieurs règlements, avec les dates d’encaissement souhaitées. • Dès réception de votre règlement, nous vous adresserons une attestation de contribution et un reçu fiscal.
Nom et prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse :
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Code postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A retourner à : ARAC - 2 place du Méridien - 94800 Villejuif
LE RÉVEIL - N°786 - septembre 2012
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LE RÉVEIL Vie de l’arac
Inauguration du Mémorial à Rennes 334 militaires d’Ille-et-Vilaine tombés au Maroc et en Tunisie Le samedi 8 septembre, une foule importante arrivait du métro rennais ou sortait des voitures. Difficile de trouver une place autour du monument ! Plus de 190 porte-drapeaux, les élus, les familles, les anciens combattants et les citoyens venus des villes et des villages du département ; au total des centaines de personnes, peut-être près d’un millier ? Une émotion régnait parmi les participants. « Dire qu’à notre retour on ne disait rien ! » se rappelait un ancien. « Heureusement leur âge a été marqué », dit une dame, « Ils avaient souvent 20 ans... 22 ans ! » D’autres rappellent le nom
Les trois blocs de granit breton où sont gravés les noms des militaires ont été dévoilés par les personnalités civiles et militaires avec les représentants de l’association créée pour ce mémorial, parmi eux Georges Ploteau de l’ARAC 35.
des copains « qui sont restés », certains montrent même leur photo. 36 associations (parmi elles, l’ARAC d’Ille-et-Vilaine) se seront regroupées pour rassembler les fonds et faire éri-
ger ce mémorial. Des classes d’écoliers se sont déjà rendues sur les lieux. La mémoire d’une guerre que certains voulaient faire oublier restera gravée dans le granit.
Val-de-Marne I Hommage à Henri Barbusse Le 29 septembre, comme depuis de nombreuses années, un hommage a été rendu à Henri Barbusse dans l’enceinte des locaux du comité départemental de l’arac du Val-de-Marne où est érigée une stèle en son honneur. Tout d’abord, une cérémonie commémorative a eu lieu avec dépôt de gerbes, en présence d’un élu de la municipalité de Fontenay-sous-Bois, de Paul Markidès, président de l’Association des amis d’Henri Barbusse, de Jacques Goutorbe, président de l’ARAC du Val-de-Marne et des membres du comité départemental
de notre association, et ceux des Amis d’Henri Barbusse. Paul Markidès a pris la parole pour mettre en avant les écrits, le rôle et la portée des valeurs républicaines d’Henri Barbusse qui conservent plus que jamais leur pertinence et leur validité. L’après-midi, après un repas convivial dans les jardins, l’Association des amis d’Henri Barbusse s’est réunie pour tenir son assemblée générale annuelle dans les locaux de l’ARAC. Ce fut une belle journée studieuse et réussie.
Gironde I Une rue Robert Vayssettes à Pessac Il y a un an, Robert Vayssettes, vice-président national d’honneur de l’ARAC, grand invalide de la guerre d’Algérie et longtemps dirigeant de l’ARAC de Gironde, nous quittait. L’ARAC de Pessac ayant demandé à ce qu’une rue de la ville porte son nom, le conseil municipal a statué en ce sens le 4 octobre dernier et adopté à l’unanimité le rapport présenté par M. Verdon, 22 -
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adjoint au maire. Celui-ci a rappelé la mémoire de Robert : « Grand invalide mutilé de la guerre d’Algérie en 1962. Malgré son handicap,il a consacré sa vie à défendre la paix et en particulier les droits des ACVG ». Puis précisé que c’est dans le cadre de la création d’un ensemble de 69 logements et 3 maisons individuelles qu’une voie nouvelle sera créée et portera le nom de Robert Vayssettes.
L’ARAC remercie la municipalité de Pessac et se félicite, ainsi que sa famille, que soit honorée la mémoire de ce grand militant humaniste qu’était Robert. La même démarche ayant été faite en son temps à Bordeaux auprès de M. Juppé, nous attendons avec impatience la décision de celui-ci.
LE RÉVEIL VIE DE L'ARAC
Réunions interdépartementales Consulter les adhérents? L’ARAC a organisé deux journées d’information, de réflexions à Villejuif (94) et Montfavet (84) les 21 juin et 5 septembre dernier, « hors de nos murs ! » Soucieux de développer la consultation des adhérents, nous avons pris l’initiative, au regard de la situation politique nouvelle issue des élections, de « prendre le pouls » de l’ARAC. Pour cela, à l’intention de tous les adhérents intéressés, des animateurs des sections et comités départementaux, deux premières journées de travail en « grande » Ile-de-France, et dans le Sud-Est, se sont tenues. Trois sont prévues avant le prochain congrès national (55e) début avril 2013. Vous serez les bienvenus… Les thèmes abordés ont été : le nouveau rôle de l’ARAC aujourd’hui (au-delà des commémorations), sa place dans le débat citoyen, son rôle spécifique, sa contribution à la réflexion, son apport irremplaçable dans la société. Lors de ces journées, le débat a posé les questions de l’activité de l’ARAC en lien avec les luttes et les attentes de la société. Sur cette base, il est nécessaire de renforcer l’organisation avec des adhésions nouvelles n’excluant personne. C’est-à-dire sans oublier tous ceux et toutes celles - adhérents aujourd’hui ou hier – qui ont pour différentes raisons pris de la distance avec l’organisation (santé, isolement, soucis). Soyons attentifs à nos adhérents. De la même manière, tournons-nous vers les OPEX, vers les jeunes, vers tous ceux, quel que soit leur âge, qui partagent nos valeurs, nos actions, nos engagements, pour la défense des droits, pour la défense des valeurs républicaines. Il s’agit aujourd’hui de faire entendre, haut et fort, le cri de nos fondateurs « guerre à la guerre », c’est-à-dire s’attaquer aux causes de la guerre. A tous ceux qui veulent, avec nous, faire ce travail de mémoire indispensable pour chaque génération, notre ARAC est ouverte à tous !
Lors de ces réunions, le débat a également porté sur : - l’insuffisance du projet de budget 2013, présenté par le ministre délégué aux Anciens Combattants, qui impose de nous mobiliser pour la défense imprescriptible du droit à réparation, - la nécessaire réflexion pour poursuivre l’ouverture de l’ARAC aux générations non ancien combattant, - l’indispensable nécessité, section par section, de sortir de nos murs, de sortir de nos habitudes, pour nous retrouver présents régulièrement sur les marchés, les lieux publics. Des expériences existent, faites-les connaître au Réveil. Nos pétitions et nos actions, comme celle sur le Traité européen, rencontrent un grand succès populaire. Soyons audacieux et volontaires dans cette démarche. Actuellement, nos comités participent aux fêtes locales, aux forums d’associations, aux conférences sur la mémoire dans les établissements scolaires, aux initiatives à l’occasion du 50e anniversaire de la guerre d’Algérie. Le débat a montré que pour aller plus loin, il y a nécessité à organiser des cycles de formation pour nos adhérents et nos responsables des comités. Ainsi nous contribuerons à avoir encore un nombre croissant de militants engagés dans l’action de l’ARAC. Avec ce travail
de formation, nous contribuerons à l’indispensable travail de rajeunissement de nos collectifs de direction. L’ARAC reste une association dynamique, avec une volonté collective profonde de continuer à transmettre sa flamme, dans l’intérêt de la République, dans l’intérêt de la Nation, pour une meilleure solidarité avec les peuples qui luttent pour leur droit à disposer d’eux-mêmes. Nous avons la volonté de rassembler hardiment les résistants d’hier et les citoyens d’aujourd’hui, les combattants pour la paix, pour l’amitié entre les peuples, pour la défense des valeurs républicaines, dont la laïcité. Déjà un « Appel aux jeunes générations », en 2004, de résistants et de déportés, dont plusieurs membres du comité d’honneur de l’ARAC, pour défendre les acquis et les principes du programme du Conseil national de la Résistance a été lancé. Cet appel reste d’actualité plus que jamais aujourd’hui. Le 27 mai 2013 sera le 70e anniversaire de la constitution du CNR. Nous ferons de l’année 2013, de cette bataille au contenu du programme du CNR un acte fort de notre activité. Ces réunions d’échanges fraternels ont été toniques et bénéfiques pour l’association. Des idées ont été apportées, débattues, mises à la disposition du Conseil national pour la préparation du Projet de texte d’orientation du 55e congrès de l’ARAC. A partir de toutes ces réunions, le document sera soumis à la discussion des congressistes et dans les congrès départementaux. Raphaël Vahé
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LE RÉVEIL Vie de l’arac
Algérie, Tunisie, Maroc Mémorial dans l’Essonne Faire vivre au présent notre mémoire active de l’histoire Évry, samedi 29 septembre 2012 : la place des Droits de l’Homme et du Citoyen. La mairie, la cathédrale Monseigneur Oscar Romero (archevêque assassiné au Salvador en 1980 parce qu’il défendait les humbles et ceux qui travaillaient leurs terres). Entre les deux édifices, descendant vers le parc des Coquibus, l’allée Kateb Yacine, écrivain dramaturge algérien, poète en trois langues, entré en résistance le 8 mai 1945 à Sétif, symbole de la révolte contre toutes les injustices, et emblème d’une conscience insoumise, déterminée à rêver, penser et agir debout… Pouvait-on espérer meilleur cadre, meilleure compagnie pour accéder au site consacré à la mémoire des 136 jeunes essonniens de 57 communes, tombés à l’âge moyen de 22 ans, durant la guerre d’Algérie et les combats au Maroc et en Tunisie ? Sous la présidence d’honneur du ministre délégué aux Anciens Combattants, le préfet de l’Essonne - entouré de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Patrick Staat, secrétaire national de l’ARAC, André Cognard, secrétaire général de la FNACA, Jean-Claude Buisset, nouveau président national de l’UF - venait se joindre à près de 250 dra-
peaux et mille personnes réunies pour donner vie mémorielle à ces 2,5 hectares de terrain offerts par la ville d’Évry à l’association créée pour l’édification, dans un superbe écrin de verdure, de ce site jalonné par les 57 colonnes communales orientées vers l’imposant mur des victimes.
Neuf années originales d’un parcours mémoriel D’abord l’union : lorsqu’en 2003, la FNACA départementale lança l’idée de la construction d’un mémorial consacré aux ATM de l’Essonne tombés en AFN, l’ARAC répondit immédiatement favorablement, suivie par l’UF (les trois associations adhèrent à l’UDAC 91), bientôt rejointes par les ACPG-CATM et l’UNC, toutes deux non membres de l’UDAC qu’elles ont quittée. La réunion fut favorisée par le souvenir vivant et positif de ce que fut le Front uni des associations représentatives des ATM, union très active dans le département. Fondée sur le même principe d’égalité et de but commun, « écartant tout ce qui divise pour ne conserver que ce qui unit » selon la belle devise de Barbusse, l’Association se mit au travail. Ainsi naquit l’AMDAMT (Association pour un mémorial départemental de la guerre d’Algérie, des combats au Maroc et en Tunisie (1952-1962), à partir de la collecte méticuleuse menée par Maxime Bisson recensant un à un, vérifiant et re-vérifiant les 137 actes de décès et les noms avec mention « Mort pour la France » qui allaient figurer sur le mur des victimes.
Obtenir les appuis indispensables André Fillère, président de l’ARAC, vice-président du conseil de l’ONAC 91, administrateur national de l’ONAC et collaborateur mémoriel de l’école de réinsertion professionnelle de l’ONAC à Soisy-sur-Seine, proposa alors de se 24 -
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tourner vers les « jeunes » de l’ERP/ ONAC, stagiaires et enseignants, pour la recherche symbolique et la conception du site. Sa proposition acceptée par l’Association, il se mit en quête d’appuis. Il obtiendra ceux, symboliques, de tous les ministres ou secrétaires d’État aux ACVG, de M. Mekachera à M. Kader Arif. L’appui également, loin d’être négligeable, de M. Collet, alors directeur général de l’ONAC, puis de son successeur le préfet Rémi Enfrun, qui allait prendre en charge l’architecte du patrimoine, Jean-François Grevet, par ailleurs enseignant BTP à l’ERP/ ONAC.
Associer les plus jeunes André Fillère se tourna alors vers cette ERP où il obtint le feu vert de la directrice, Sylvie Charbonnier, et celui de Pascal Simon (enseignant de la filière BTP) qui allait se prendre de passion pour ce défi et l’insuffler à tous ses stagiaires, faisant d’une idée en l’air une application pratique intégrée dans l’enseignement du stage et la concrétisation de celui-ci. Une intense activité mémorielle autour de Pascal Simon et de ses stagiaires, va alors se développer avec l’appui de tous les personnels, en particulier les enseignantes d’histoire, merveilleuses et qu’il faut saluer, et s’appuyer sur l’ARAC. Chaque année, deux à trois expositions présentées, commentées, suivies d’une projection de film et d’un débat sur la mémoire, sur l’histoire, celle de la guerre d’Algérie bien sûr, mais aussi 14/18 et 39/45 et l’Indochine, la Résistance, Guy Môquet, le CNR, les irradiés, la force noire, « Afrique 50 » de Vautier et combien d’autres avec, aux côtés d’André Fillère, Alain Ruscio, Benjamin Stora, Robert Créange, Hélène Luc, Odette Nilès, Odile Roger, Maurice Gastaud, etc, vont préparer un terreau, que des visites commentées suivies de débat aux Invalides, aux différents mémoriaux AFN (quai Branly, cimetière du Père-Lachaise, Créteil), en l’île de la Cité et son Mémorial des Martyrs de la déportation enrichiront jusqu’à ce voyage à Oradour, avec au
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terme de la visite du musée et du village martyrisé, le recueillement de stagiaires bouleversés autour du drapeau de l’ARAC, au cimetière.
Le choix du projet Sous l’impulsion de Pascal Simon, trois équipes de stagiaires BTP incluront donc, dans leurs travaux pratiques, un projet de mémorial répondant au cahier des charges remis par l’AMDAMT. Trois versions furent proposées au jury composé des cinq présidents départementaux (ACPG-CATM, ARAC, FNACA, UF, UNC), du directeur national de l’ONAC (M. Collet), de représentants du ministère des ACVG, de la ville d’Evry, du Conseil général, de l’Inspection d’académie et de l’ERP/ONAC. L’une des trois, retenue, fut enrichie d’aspects jugés intéressants des deux autres. Commença alors l’étape des plans, des cotations, du choix de matériaux, de leurs coûts, de devis, de travaux d’économistes, de matérialisation graphique (plans et représentations en perspectives) et sonore (DVD) que prirent en charge avec passion, panache et efficacité Pascal Simon et son équipe. Toujours avec le souci d’associer la jeunesse et de l’intégrer au projet, Pascal Simon entra en contact avec le lycée BTP voisin, avec qui fut établi un protocole d’accord confiant aux lycéens la réalisation des 57 colonnes de béton matérialisant les communes. Malheureusement les problèmes de stockage, de transport et de coulage d’un matériau aussi lourd empêchèrent ce projet d’être mené à bien, pour des mesures de sécurité.
Associer la population, les communes, les pouvoirs publics Le projet, pris en main par Jean-François Grevet, architecte du patrimoine et enseignant à l’ERP, il fallait trouver son financement, le site ayant été offert gracieusement par la ville d’Évry. Le bureau de l’AMDAMT (composé de trois membres par association, André Fillère, Daniel Tanneveau et Lucien Lagrange pour l’ARAC) engagea alors des démarches soutenues pour trou-
ver les fonds nécessaires dont 50 % furent pris en charge par le Conseil général. La ville d’Evry, les communes comptant des victimes (matérialisées par une colonne), la solidarité d’autres municipalités, les apports financiers des sections des cinq associations et les dons personnels, des subventions de la DMPA du ministère des AC, du Souvenir français et tant d’autres s’ajoutèrent pour mener les choses au bout. Une très rude et très large étape où il fallut expliquer, convaincre, répondre aux interrogations les plus diverses, arracher les euros, les appuis, les soutiens, revenir à la charge et y revenir encore, dans l’union, sous l’impulsion du président de l’AMDAMT, Guy Le Sault. Les travaux pouvaient commencer. Entrepris début avril 2012, ils furent réceptionnés le 21 septembre pour être officiellement inaugurés le 29 du même mois. A la passion de Pascal Simon succéda celle de l’architecte JeanFrançois Grevet qui, les appels d’offre terminés, s’investit totalement dans la direction de deux entreprises de qualité jusqu’à la finalisation de ce site que ne verront pas hélas ! quelques dirigeants initiaux du projet qui nous ont quittés depuis. Une pensée pour eux.
Un témoin de l’histoire, un acteur de demain
un socle, leur base solide où s’est forgée leur volonté d’aboutir ? Saura-t-on jamais combien d’heures, de jours et de nuits prises sur leur sommeil ils ont brûlé pour aboutir à ce 29 septembre où leurs yeux de témoins devenus créateurs, acteurs, où le ton de la voix, la brillance du regard laisseraient éclater leur fierté et leur émotion quant au chemin parcouru avec nous ! Dans l’action unie, les cinq associations ont travaillé en commun, multipliant les contacts avec la population, apprenant à se mieux connaître entre elles. Aujourd’hui, les ACPG-CATM sont revenus à l’UDAC 91, et sans doute le Mémorial y a contribué. Demain et dans les années à venir, l’ERP amènera des générations de stagiaires à ce Mémorial, comme - le 19 mars prochain - il sera le lieu d’un hommage appuyé certes, mais empreint du thème central qui en a marqué la conception. « Vous qui entrez par la porte 1952, celle de la guerre, faites en sorte que sortant par celle de la paix en 1962, aucun homme ni femme n’ait plus à connaître le sort mortel des 136 dont les noms sont inscrits ici. » A l’image de Barbusse, devenez des combattants de la paix.
Par-delà l’inauguration par le préfet Michel Fuseau et son discours, ceux du préfet Enfrun, directeur général de l’ONAC, du maire d’Évry Francis Chouat, du président du Conseil général Jérôme Guedj, du président de l’AMDAMT Guy Le Saut, la présence de la foule, dont une large délégation de l’ERP autour de sa directrice et de Pascal Simon accompagnés de stagiaires à l’origine du projet, mesurera-t-on assez ce que furent ces neuf années qui virent ces jeunes ou moins jeunes, non anciens combattants ni victimes de guerre, s’immerger complètement dans un parcours mémoriel, communier totalement avec le ressenti des ACVG et faire des valeurs de la République et de l’exigence de paix, d’amitié et de réconciliation entre les hommes LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
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Forfait de pension I Confirmation du double cantonnement La règle du forfait de pension, création jurisprudentielle ancienne, a subi une limitation en 2003. Les effets de cette décision ont été précisés par la Cour administrative d’appel de Marseille dans un arrêt du 9 mai 2012. Cela offre aux pensionnés suite à une invalidité des possibilités non négligeables. Rappel historique Les pensions des militaires ont été créées par les lois des 11 et 18 avril 1831 et celles des fonctionnaires civils par la loi du 9 juin 1853. Le 21 juin 1895, le Conseil d’État a reconnu, dans un arrêt CAMES, la responsabilité sans faute de l’État à l’égard d’un ouvrier d’arsenal blessé à l’occasion de son service. Des fonctionnaires et des militaires ont alors tenté de mettre en cause la responsabilité de l’État pour obtenir une indemnisation de droit commun en cas d’accident. Dans un avis du 1er juillet 1905 confirmé par un arrêt Paillotin du 12 janvier 1906, le Conseil d’État a introduit la règle du forfait de pension : toute personne concernée par un régime de pension (de retraite ou d’invalidité) n’a droit qu’à la réparation prévue dans ce régime. Cela provoquait des iniquités ; ainsi des parents mentionnés par le régime des pensions d’invalidité, pouvaient être privés d’indemnité au titre du préjudice moral
suite au décès de leur enfant alors que la concubine de ce dernier y avait droit. Le régime du forfait de pension n’avait été atténué que par la loi concernant les appelés du contingent (article L62 du Code du service national). Depuis l’arrêt Moya-Caville du 4 juillet 2003 (req. n° 211106, Recueil des arrêts du Conseil d’État 2003 p. 323), la règle du forfait de pension a subi un double cantonnement. Tous les préjudices non couverts par les régimes des pensions (et notamment le préjudice d’agrément, le préjudice de souffrance endurée et le préjudice esthétique) peuvent être réclamés en droit commun. De plus, lorsqu’une faute a été commise par l’État, une indemnisation complémentaire est possible. Telles sont les deux limitations désormais en vigueur pour la règle du forfait de pension et qu’il convient de ne pas oublier. En cas de contentieux suite à un refus d’indemnisation par l’administration,
les juridictions administratives ordinaires sont compétentes. La Cour administrative d’appel de Marseille a fait application de ce double cantonnement (req. n° 10MA00816) le 9 mai 2012 en allouant une indemnité complémentaire à une personne blessée suite à une chute de toit. Les règles de sécurité n’avaient pas été respectées sur le chantier, entraînant la responsabilité de l’État pour faute. La règle du forfait de pension, qui concerne les fonctionnaires et les militaires, ne trouve à s’appliquer que dans les cas de responsabilité des collectivités publiques. La Cour administrative d’appel a également confirmé des condamnations au titre du préjudice d’agrément, du préjudice esthétique et du préjudice de souffrance endurée, qui auraient été dues par l’État, même en l’absence d’action fautive. Pour l’ensemble des personnes qui vont être pensionnées au titre de l’invalidité, il est donc nécessaire de s’interroger sur l’existence de tels préjudices non couverts par le régime des pensions. Thierry Poulichot - Avocat à la cour
NOS PEINES SEPTEMBRE 2012 AIN (01) Génissiat : Francis DESAYMOZ, 85 ans, AC 39-45. ALLIER (03) Saint-Germain-des-Fossés : Emile BRENON, AC ATM. André LAVRIL, Résistant. BOUCHES-DU-RHÔNE (13) Aix-en-Provence : Raymond CAMUS, Résistant, Croix CVR, Membre du bureau départemental. Saint-Barnabé : Francis GIUNTINI, AC 39-45. André SERBELLONI, AC ATM. Vellutini : André HERRERA, AC ATM. CHER (18) Saint-Saturnin : André GAURIAU, AC ATM.
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Vierzon : Fernand MICOURAUD, AC 39-45.
MARNE (51) Reims : Gérard NOMINE.
FINISTÈRE (29) Fouesnant : François BARGAIN, AC Indochine.
NORD (59) Somain : Ribert CONTART, 78 ans, AC ATM. Mme Anne-Marie DESTRAY, 76 ans, viceprésidente de la section. Clébert FOURDRINOY, 84 ans, combattant pour la paix. André PENNEQUIN, 78 ans, AC ATM. Nicolas GIANNUNZUO, 82 ans, AC ATM et Indochine.
GARD (30) Alès : Marc MERCIER, trésorier de la section. Cévennes : Bernard VOLLE. Vallée-de-l’Auzonnet : Wilfrid NOUVEL, président de la section. HÉRAULT (34) Montpellier : Camille TREBOSC, 101 ans, Déporté à Buchenwald-Dora. LOIRE (42) Saint-Chamond : Robert BOUILHOL, AC 39-45. Mme FAY, amie.
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PUY-DE-DÔME (63) Riom : Guy EYDIEUX, AC ATM. PARIS (75) RATP : Jean FERRET, AC ATM. Roland Roger MIRAUX, AC ATM.
VAR (83) Isolés : Jean SAMMARTINO, AC 39-45. ESSONNE (91) Igny : Roger COQBLIN, 97 ans, AC 39-45. Pierre NARRADON, 73 ans, AC AMT. Les Ulis : Serge Tobias OLCHANESVSKY, 93 ans, ACPG 39-45. Membre du bureau de section. Savigny-sur-Orge : René BENOIST. Vauhallan : Jean FRABOULET, combattant pour la paix. VAL-DE-MARNE (94) Arcueil : Achille BUCHET, AC ATM. Villejuif : Delphin JANIVEL, AC ATM. Camille RAUX, AC Indochine.
VAL-D’OISE (95) Bezons : Ariette POISOT. Jules RENAUD. Mery-sur-Oise : Elie HABIB, 91 ans, AC 39-45, croix de guerre, Médaille Militaire, Chevalier de la Légion d’Honneur. Conseil National Puget : Jean SALORD, combattant pour la paix.
LE RÉVEIL VOS DROITS
Délocalisation de l’ONAC Meuse ? La CGT/ONAC inquiète Dans un courrier adressé au président national de l’ARAC, le syndicat CGT de l’ONAC s’inquiète de l’annonce faite (en interne) par la direction générale de l’ONAC de « relocalisation » (c’est plus positif que « délocaliser ») du service départemental de l’ONAC de la Meuse à Verdun… et s’interroge sur les raisons réelles de cette délocalisation. En effet, le prétexte officiellement avancé serait que : « l’implantation actuelle dans la cité administrative de Barle-Duc n’est plus adaptée aux besoins d’une mobilisation coordonnée de tous les acteurs locaux, notamment dans la perspective de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, et ne convient plus à l’évolution des ressortissants dans le département. » Par conséquent, les ressortissants seraient donc invités à « évoluer » plus loin que Bar-le-Duc (à Verdun ou ses environs) ce qui, en matière de service de proximité, paraît curieux et dont s’étonne la CGT au plan de l’action sociale et de la mobilité des ACVG. Le service départemental de la Meuse comptait deux personnes et la CGT s’interroge quant aux frais importants de cette « relocalisation » (déménagement, indemnisation des personnels, frais supplémentaires pour les usagers, effritement du contact avec les ressortissants, difficultés d’accès, etc.) Quant au motif du centenaire 19141918, la CGT souligne que, si le succès des commémorations est indispensable, les personnels de l’ONAC ont également des tâches locales et pérennes à mener sur place à Barle-Duc, tout au long de l’année et pas uniquement lors des commémorations. Enfin, la CGT s’interroge avec juste raison quant aux pratiques de rétention des informations par l’ONAC qui ne fournit aucune des informations demandées. L’ARAC, pour sa part, ne peut que s’associer aux craintes de la CGT. Elle s’interroge notamment quant au rôle du conseil départemental de l’ONAC 28 -
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de la Meuse. A-t-il été consulté ? S’est-il prononcé pour cette délocalisation ? Un tel précédent est sérieux et il est d’autant plus grave qu’il apparaît comme une décision unilatérale sans que ne soient données aux instances de dialogues les informations nécessaires et les moyens de mener à bien la réflexion. On peut craindre qu’un tel fait soit un test pour mesurer les réactions tant syndicales que des associations d’ACVG, avant de pratiquer à la délocalisation
d’autres « petits » services départementaux ne regroupant plus que deux personnes, voire leur regroupement avec le service d’un département voisin, ce qui remettrait de fait en cause le maillage départemental de service de proximité. Et il serait particulièrement indigne de s’abriter derrière le prétexte des commémorations pour « détricoter » l’ONAC et remettre en cause, à terme, son utilité et son existence. Là encore, donc, vigilance !
Décristallisation et inconst Le 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a censuré le mécanisme de cristallisation des pensions versées aux ressortissants des pays anciennement colonisés. Toutefois, par un arrêt du 20 juin 2012, le Conseil d’État vient de confirmer une jurisprudence qui restreint la portée de cette avancée. La cristallisation est un mécanisme qui a concerné les ressortissants des pays anciennement colonisés. Ceux qui étaient titulaires de pensions voyaient celles-ci être transformées en indemnités qui n’étaient pas susceptibles d’être réévaluées. Ces indemnités ne pouvaient pas non plus être reversées aux veuves après le décès de l’ayant droit. La cristallisation a été jugée contraire à la Constitution. Dans sa décision du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a relevé que ce mécanisme contrevenait à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui rappelle que la loi doit être égale pour tous. Concernant l’avenir, la portée de cette décision ne pose pas de difficulté. L’article 211
de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 met fin à la cristallisation dans tous les cas à compter du 1er janvier 2011. La question se posait de savoir ce que pouvaient réclamer, par rapport au passé, ceux qui avaient subi cette discrimination inconstitutionnelle. Dans un arrêt du 20 juin 2012 (req. 349216), le Conseil d’État a accepté que l’administration oppose à ces personnes l’article 108 du Code des pensions militaires d’invalidité. Ce texte précise que, lorsque celui qui pourrait être titulaire d’une pension tarde à la réclamer en raison de son fait personnel, il ne peut obtenir que les arrérages relatifs à l’année de sa demande et aux trois années antérieures. Le 25 octobre 2010
VOS DROITS LE RÉVEIL
Article L.115
Des soins gratuits… Plus si gratuits que cela Les articles L.115 et L.128 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre prévoient que l’ensemble des prestations médicales, paramédicales, chirurgicales, pharmaceutiques et d’appareillage relèvent des soins gratuits, dès lors qu’elles sont occasionnées par des infirmités ouvrant droit à pension d’invalidité. D’où le fameux « Carnet de soins gratuits » délivré aux bénéficiaires. Mais tous ces soins sont-ils toujours gratuits, aujourd’hui ? En effet, depuis le 1er janvier 2011 - et du fait de la disparition des directions interdépartementales des ACVG, merci la RGPP ! - c’est le département des soins gratuits de la Caisse nationale militaire de Sécurité sociale qui les a pris en charge et les remboursements des soins sont traités selon les mêmes règles de remboursement que pour la Sécurité sociale.
itutionnalité (req. 329614), soit avant la loi du 29 décembre 2010, le Conseil d’État avait eu la même position à l’égard de ceux qui ont subi la cristallisation. Un tel choix est surprenant, car il équivaut à reprocher aux personnes ayant subi une loi inconstitutionnelle de ne pas avoir contesté celle-ci à une époque où elles n’avaient aucun moyen de la faire invalider. Le respect des lois en vigueur peut-il être considéré comme une faute susceptible de nuire aux intéressés ? Les justiciables doivent-ils constamment suspecter le législateur de violer la Constitution ? La solution choisie par le Conseil d’État pousse aux réclamations et au contentieux les citoyens qui allèguent de l’inconstitutionnalité d’une loi ayant restreint leurs droits à pension. A l’heure où la justice est encombrée et manque de moyens, cette situation paraît assez paradoxale. Thierry Poulichot Avocat à la cour
Résultats : le taux de remboursement de certains médicaments évolue, tandis que la liste des affections de longue durée (ALD) étant modifiée, les pensionnés sont désormais touchés. Ce n’est pas nous qui l’inventons, c’est l’ex-secrétaire d’État aux Anciens Combattants qui l’a précisé dans sa réponse à la question écrite du député DupontAignan, fin 2011. Il a déclaré en effet : « La prise en charge des prestations de soins délivrées aux bénéficiaires des articles L.115 et L.128 est soumise aux mêmes règles qui régissent le remboursement des soins des assurés sociaux par la Sécurité sociale (…) Ainsi, sauf exception, la prise en charge des soins au titre de l’article L.115 n’intervient que si ces soins sont eux-mêmes remboursables au titre de l’assurance maladie et dans le cadre des tarifs de responsabilités définies aux différentes nomenclatures (…) Par conséquent, en cas de dépassements de tarifs conventionnels ou de prix de vente des produits ou prestations libres, le montant non remboursable reste à la charge des pensionnés. Pour que les médicaments prescrits au titre de l’article L.115 soient pris en charge, ils doivent figurer sur la liste des spécialités remboursables par la Sécurité sociale ». Mais à part cela, Mme la Marquise, poursuit M. Laffineur : « Le principe de la gratuité des soins n’est pas remis en cause ». Sauf que, selon la couleur de la vignette sur la boîte de médicament, le remboursement sera de 35 % ou de 30 % et le reste… payé par le pensionné, par exemple. Certes, il y a encore quelques « aménagements » en cas de traitements prescrits il y a longtemps et toujours
en cours. Mais n’empêche qu’au rythme où vont les choses - et la baisse du remboursement des soins - c’est l’article L.115 (voire même le code des pensions) qui resteront sur le bord du chemin, assimilant les pensionnés de guerre au seul régime de la Sécurité sociale. N’est-ce pas aussi vers cela que tend la fameuse « refonte » du code des pensions ? M. le Ministre-délégué Kader Arif, qu’en pensez-vous ? L’ARAC, le 29 juillet dernier, vous a mis en garde sur ce point. Ne serait-il pas temps que le « changement » se fasse sentir pour les ACVG, ne croyez-vous pas ? André Fillère
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Commémoration 14-18
ÉVÉNEMENT AUDIO VISUEL EXPOSITION LIVRE
Ce projet en cours d’élaboration, La Mémoire debout, consiste en : Un Opéra de pierre audiovisuel évoquant la grande guerre, utilisant comme matériau des photographies ou fragments de photographies très artistiques de Monuments aux Morts de France, des textes d’auteurs et poètes de cette époque, accompagnés d’une musique originale. Une exposition en 12 ou 18 panneaux « La mémoire debout » constituée de photos et de textes de grande qualité dans l’esprit de l’audio-visuel. Un livre–catalogue riche en documents photographiques et textes qui développe avec une force littéraire les éléments utilisés dans l’exposition et le spectacle audio-visuel.
A ce jour plus de 200 villes, communes ou communautés de communes de France, sont concernées et, une quarantaine, associées au projet. Notre objectif, au-delà de la mise en réseau de villes de France et de lieux de mémoire liés à l’art monumental, est de promouvoir la culture de Paix. Ce projet doit recevoir en 2013 le label officiel de l'Etat dans le cadre des cérémonies officielles commémoratives. Il est soutenu par le réseau français des Maires pour la Paix/Majors for Peace (AFCDRP) regroupant 120 villes de France, le Conseil Général du Val-de-Marne et l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC). Chaque collectivité le souhaitant pourra utiliser tout ou partie de ce projet réalisé en avant-première pour novembre 2013 à Vitry. Un dossier complet sera disponible à l’automne prochain.
Contact/information : Patrick Pérez Sécheret, Directeur de Cabinet du Maire de Vitry-sur-Seine, Tél. 01 46 82 83 50 - Mail : patrick.perez-secheret@mairie-vitry94.fr
Graphisme : Gilles Vidal - Photos : Philippe Prudhomme
LA VILLE DE VITRY-SUR-SEINE A PRIS L’INITIATIVE EN 2011 DE CRÉER UN ÉVENEMENT COMMÉMORATIF DU CENTENAIRE DE LA GUERRE 1914-1918.
dossier LE RÉVEIL magazine
Itinéraire d’un gardien de buffles Ky Nguyen Phuc Préface de Georges Doussin, co-fondateur et président d’honneur du Comité français pour le village de l’amitié au Vietnam Van Canh
Tout d’abord, je remercie les enfants et petits-enfants de Phuc Ky d’avoir insisté auprès de leur père et grand-père pour qu’il écrive ses mémoires. L’itinéraire d’un gardien de buffles, en tout cas celui de Phuc Ky, est comme un chemin de haute montagne. Il traverse des cols, il longe des précipices, il passe par des passages dangereux où il faut se méfier des avalanches de pierres ou de neige, où l’on y rencontre des brigands dont il faut aussi se méfier, voire même combattre pour survivre. Mais dans la marche de Phuc Ky, l’itinéraire qu’il a subi, souvent choisi, n’a fait que monter
jusqu’à un haut plateau où il jouit d’un bonheur familial nourri de l’affection de tous ses proches. Quand on ouvre le livre de Phuc Ky, on n’a plus envie de le quitter avant d’arriver à la dernière page, tant on est pris par l’histoire de cette destinée extraordinaire. Et pourtant ! Il est le reflet exact de son auteur. Le récit est plein de retenues, de discrétion, de modestie. Phuc Ky nous rapporte les faits en se gardant bien d’évoquer tout ce qu’ils recèlent de souffrances, d’humiliations, de dangers, d’épreuves, de périodes difficiles à vivre et supporter. Il laisse au lecteur le soin d’imaginer, de découvrir, de s’émouvoir sur le courage qu’il a déployé toute sa vie pour les surmonter, sur la générosité et la fraternité dont il a fait montre pour s’inscrire dans le combat de tous les jours pour le progrès social, pour la solidarité nationale et internationale.
Combien d’hommes et de femmes ont su avoir deux patries et donner à chacune son engagement citoyen, sa fidélité, son amour ? Combien d’hommes et de femmes ont vécu cette double citoyenneté, non pas en termes de contradiction plus ou moins assumée, mais en termes de complémentarité, offrant à l’une comme à l’autre un point permanent de dialogue solidaire ? Phuc Ky, par tous les actes de sa vie, démontre avec force qu’il fait partie de ces hommes exceptionnels en étant pleinement à la fois patriote vietnamien et patriote français. Phuc Ky reste aussi modeste sur ce que nous avons accompli ensemble, comme militant de l’ARAC et constructeur du Village de l’amitié de Van Canh. Et pourtant ! Voilà plus de vingt ans qu’il joue un rôle important qui nous a permis de mener cette entreprise au niveau où elle est aujourd’hui. Dès le départ, il est de la petite équipe qui, bravant le scepticisme d’un grand nombre, a cru que ce rêve de village de l’amitié, symbole vivant de solidarité internationale et de fraternité universelle, bannissant la haine et la guerre, pouvait devenir réalité. Je souhaite que tous les lecteurs de ce livre, riche de tant d’héroïsme caché et d’humanité en permanence sousjacente, perçoivent bien que le petit gardien de buffles a été, toute son existence, et demeure aujourd’hui un grand combattant pour la vie, une vie faite d’espoir et de fraternité humaine. Merci, Phuc Ky, mon camarade, mon ami, mon frère.
Itinéraire d’un gardien de Buffles peut être commandé auprès du : Comité français pour le village de l’amitié Van Canh, 2 place du Méridien 94800 Villejuif 15 euros + 3 euros de frais de port
LE RÉVEIL - N°787 - octobre 2012
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