des congrès départementaux riches et combatifs
La nation une communauté unie par des vaLeurs
le réveil Janvier 2010 - N°758 - 5 e
Le fascisme en europe
des combattants
Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix
Gennevilliers du 18 au 21 février
r u e t r o p s è r g n Un co
s e in a c li b u p é r s r u des vale Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre
LE RÉVEIL initiatives comités
La nouvelle exposition Henri Barbusse C’est à nos amis de la commission nationale de l’ARAC « Civisme et citoyenneté », notamment Isabelle Vahé et Jean Relinger et aux services municipaux de la ville de Bobigny pour la réalisation de son graphisme, que nous devons la nouvelle exposition sur la vie, l’œuvre et l’action d’Henri Barbusse. C’est un ensemble de neuf panneaux
de 150 sur 80 cm, en matière plastique rigide très légère, que comprend cette exposition, réalisée en couleurs, titres jaunes sur fond mauve, textes mauves sur fond blanc ou blanc sur fond mauve. Elle est présentée par l’ARAC et l’Association des amis d’Henri Barbusse.
Il est possible de la louer par périodes de quinze jours en prenant date et engagement auprès de Pierre Gilbert, trésorier des Amis d’Henri Barbusse. Elle a été conçue pour permettre des débats autour de la vie, de l’œuvre et de l’action d’Henri Barbusse. Paul Markidès
Appel à la souscription ! Pour la réussite du nouveau Réveil mensuel : de nouveaux moyens financiers… Ensemble, faisons vivre les valeurs de l’ARAC Le comité départemental : ......................................................................................................................................................... La section :................................................................................................................................................................................... M. ou Mme :................................................................................................................................................................................ Fait un don de :........................................................................................................................................................................ e • Joindre un chèque au nom du Réveil des Combattants • Envoyer votre souscription au Réveil des Combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif cedex
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LE RÉVEIL - N° 758 - janvier 2010
ÉDIto LE RÉVEIL ÉDIto
Un congrès
sommaIRE Actualités p. 4 Non, l’immigration n’est pas un danger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 La casquette de la mere Morano. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 La nation : une communauté de citoyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Fin de la taxe professionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 L’Histoire au lycée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 International p. 8 Afghanistan : l’ARAC pour le retrait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Obama : quand la colombe devient faucon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Pour la création d’un État palestinien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Lettonie : vers la revision du process de Nuremberg ? . . . . . . . . . . . . 21 Onduras : la démocratie piétinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Vos droits p. 22 Chômages : les operations rideau de fumée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 40 millions d’euros au privé, mais rien pour les ACVG . . . . . . . . . 24 ACVG : budget 2010, pas d’amélioration des droits . . . . . . . . . . . . . . . 25 Vie de l’ARAC p.24 Des congrès départementaux riches et combatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Le 54e Congrès national de l’ARAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Magazine p. 30 Martha Destrumeaux, une femme d’envergure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
P. 13 D o s s I E R
Le fascisme en Europe Les origines, les différentes formes et les conséquences du fascisme en Europe
LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse mensuel de l’association association républicaine a des anciens combattants et victimes de guerre. commission paritaire n° 0713-a a 06545 Édité par les Éditions du Réveil des combattants saRL au capital de 45 734,41 - siret: 572 052 991 000 39 sa 2, place du méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr Gérant-directeur de la publication : Raphaël
V HÉ • Directeur délégué : Patrick staat • Va Rédacteur en chef : Raphaël VAHÉ • Directeur promotion et publicité : Claude Delevacq • Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D communication • Impression : RIVEt P.E. - 24 rue claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9 Tirage : 60 000 exemplaires ce numéro du Réveil a été tiré le lundi 25 janvier et remis le jour même à la Poste. Il devrait donc parvenir à chaque abonné le 29 janvier au plus tard. merci de nous faire part de vos observations.
au niveau des exigences et des attentes d’aujourd’hui
À
l’ARAC, nous le savons par notre histoire et notre engagement, chaque avancée, chaque pas pour la défense des droits et des acquis démocratiques est l’objet d’un combat. Pays des droits de l’homme, de la Révolution de 1789, de la Commune de Paris, du Siècle des Lumières avec ses philosophes, et ses penseurs, forts de la devise de la Nation « Liberté, égalité, fraternité », nous ne pouvons qu’être inquiets, angoissés, face à la politique nationale menée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. La peur de l’avenir grandit. Nous assistons à une attaque en règle contre le droit au travail, à la santé, à l’éducation, contre les services publics, le logement, l’emploi. Nous assistons à la privatisation et à la délocalisation des entreprises, la France est dépecée livrée aux seules lois du profit des marchés. L’immense majorité des Français s’appauvrit alors qu’une poignée de privilégiés ne cesse de s’enrichir. Pour la première fois dans l’histoire des civilisations, des générations d’hommes de femmes et d’enfants vont vivre plus mal que leurs parents. Au plan international, la France s’aligne sur les États-Unis et y perd son rayonnement. Notre congrès se tient donc dans un moment crucial de la vie de notre pays, où le gouvernement s’attaque aux valeurs de la République, à la conception même de l’identité nationale. Nous avons la responsabilité de contribuer, d’apporter des réponses aux questions posées, d’ouvrir des débats, de rassembler, de s’opposer à la RGPP, de défendre les valeurs qui fondent la République et la Nation. Notre congrès sera le reflet de ces enjeux, de ces débats nationaux. Au moment où le gouvernement veut museler l’histoire, la mémoire, nous aurons à cœur de nous tourner vers les générations qui composent la France d’aujourd’hui et de demain pour mieux préparer, œuvrer à un monde de paix, dans une société plus juste, humaine et solidaire. Connaître l’histoire, la mémoire, le passé, les combats de la Nation, c’est s’en nourrir dans le contexte d’aujourd’hui pour construire son avenir.. Patrick Staat JaNVIER 2010 - N°758 - LE RÉVEIL
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LE RÉVEIL act actU actUaLItÉs UaLI LIttÉs
« Non, l’immigration n’est pas un danger ! » Intervention du député François a asensi, le 9 décembre 2009, à l’assemblée assemblée nationale (Extraits) a
21 février 1944, les murs de notre capitale se couvraient d’une grande affiche rouge annonçant l’exécution des 23 membres du groupe Manouchian, ces résistants communistes, juifs, d’origine arménienne, polonaise, espagnole, qui avaient fui les totalitarismes pour venir défendre dans notre pays les valeurs républicaines, contre Vichy, contre les nazis… Comment ne pas se rappeler de cette affiche, inspirée de la xénophobie de la droite nationaliste, qui présentait ces étrangers comme l’Anti-France? Ces étrangers font désormais partie du Panthéon de notre mémoire nationale… Mais de cet épisode, les prochaines générations ne sauront peut-être rien, puisque vous semblez décider à supprimer l’enseignement de l’Histoire dans certaines classes de Terminale, à ce moment si important dans la formation d’un adulte citoyen… A chaque période de crise économique, des gouvernements, singulièrement de droite, ont élevé un rideau de fumée en désignant de prétendus ennemis de la France. Ces boucs émissaires ont eu pour nom Dreyfus, ils ont eu le visage de ces étrangers internés par la République à la veille de la Seconde Guerre 4-
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mondiale, sous la pression des fascismes de droite. L’Histoire semble bel et bien bégayer, et pour masquer une politique économique et sociale en échec, pour débaucher un électorat ultra, le Président de la République sème la division dans le peuple français. Son concept d’identité nationale est un concept scientifiquement inexistant, mais politiquement dangereux. L’intrusion de l’État dans la définition de la Nation, institutionnalisée à travers la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, est un fait grave. Avec les chercheurs et intellectuels, j’en demande solennellement la suppression, car on ne peut présenter l’immigration comme une menace pour la France. Et comment accepter une telle atteinte aux principes de la République ? Le gouvernement privatise l’État, nos préfectures… Pour autant, la Nation n’est aucunement tabou pour les députés communistes et républicains. Pour nous, la Nation est une construction permanente, une volonté des citoyens de participer à un projet progressiste et émancipateur. La Nation est une Histoire, mais bien plus encore un avenir commun… Notre Nation, c’est la Nation de l’abbé Sièyes qui, en 1789, accordait la citoyenneté à tous les Français, quel que soit leur statut social. Notre Nation, c’est la Déclaration des droits de l’homme, qui faisait de la contribution à l’impôt un élément essentiel de la citoyenneté française. C’est la Constitution de l’An II, qui accordait des droits civiques identiques aux étrangers résidant en France. Au nom de quoi limiterait-on
aujourd’hui les droits civiques de ces citoyens étrangers résidant en France, alors que de riches Français s’excluent volontairement de la solidarité nationale par l’évasion de leurs revenus dans les paradis fiscaux ? Notre Nation, c’est celle de la laïcité, remise en cause par le discours de Latran. Notre Nation, c’est celle du Conseil national de la Résistance et de son pacte social. Or, du démantèlement du droit du travail à la privatisation des services publics, la politique de votre gouvernement renie cette République sociale, véritable ADN de la France. Notre Nation, c’est enfin une communauté politique ouverte sur les autres nations, dans une relation de coopération et de dialogue. Comme le rappelait Jaurès, cet internationalisme-là ne nous éloigne pas de la Nation. Il nous en rapproche, à l’inverse d’un capitalisme mondialisé qui met les peuples en concurrence, attise hier les guerres coloniales, aujourd’hui les guerres économiques et impériales… Ces élites capitalistes apatrides, dignes héritières des réfugiés de Coblence, mettent en doute le patriotisme des classes populaires alors qu’elles n’hésitent jamais à défendre leurs privilèges depuis les fourgons de l’étranger. Enfin, comment accepter que le gouvernement français caricature et stigmatise à ce point l’immigration ? Notre Nation est un creuset de cultures, une terre ancienne d’immigrés. Près d’un quart des jeunes Français a un grand parent né à l’étranger, ne l’oublions pas… Non, l’immigration n’est pas un danger. Elle est une richesse, pour peu que l’on sache lui donner une juste place.
ACTUALITÉS LE RÉVEIL
La casquette de la mère Morano Je sais, ce n’est pas poli de parler ainsi d’une ministre, ce n’est pas joli d’interpeller ainsi une dame. Mais, que voulez-vous, je suis de ceux qui assassineraient père et mère pour faire un trait d’esprit. Je ne sais si c’est un trait d’esprit, après tout. Mais une association d’idées, ça, oui. Morano, Bugeaud, rime pauvrissime, mais quand même, petit clin d’œil de l’histoire. Quand on travaille depuis quelques (dizaines d’) années sur l’implantation de l’esprit colonial en France, ce qui est mon cas, on ne peut pas ne pas avoir croisé le brave Père Bugeaud et sa casquette. Ciel ! Il est ressuscité ! Bugeaud a été continûment, de sa première mission en Algérie (1836) à la veille de la décolonisation, voire après, un des héros positifs dont l’écriture épique de l’histoire coloniale de la France n’a pas été avare. Quel écolier des IIIe, IVe et même Ve République a-t-il pu oublier qu’aux côtés de Vercingétorix, de Jeanne d’Arc et de Bara, il fut une figure emblématique de la bravoure française ? L’histoire de sa casquette a présenté un bon bougre, rigolard, un peu étourdi, mais si proche des siens : « As-tu vu La casquette, la casquette As-tu vu La casquette du Père Bugeaud ? » La vérité, pour le peuple algérien, est moins - comment dire ? - drôle. Bugeaud est celui qui a couvert et encouragé les enfumades, qui a préconisé et appliqué la guerre impitoyable, parfois d’extermination, aux indigènes d’Algé-
rie. N’oublions jamais qu’avant celle de 1954-1962, il y avait eu une première guerre d’Algérie, qui dura deux décennies. Après la publication de son recueil Actuelles III, consacré à l’Algérie(1), Albert Camus reçoit une lettre d’un instituteur kabyle, qu’il rend publique. Son interlocuteur rappelle une anecdote : « A cette époque [vers 1938], la femme du djebel ou du bled, quand elle voulait effrayer son enfant pour lui imposer silence, lui disait : « Tais-toi, voici venir Bouchou ». Bouchou, c’était Bugeaud. Et Bugeaud, c’était un siècle auparavant ! » (2). Mais, du maréchal de la France monarchiste à la sous-ministre de la France sarkozyste, quel lien ? La casquette ! La casquette ! Mme la Secrétaire d’État chargée de la Famille et de la Solidarité a donc déclaré : « On ne fait pas le procès d’un jeune musulman. Sa situation, moi, je la respecte. Ce que je veux, c’est qu’il aime la France quand il vit dans ce pays, c’est qu’il trouve un travail, et qu’il ne parle pas le verlan. C’est qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers ». Il s’agissait d’un énième débat sur l’identité nationale. La presse rapporte qu’elle a été interrogée par « un jeune homme, proche du FN » (3) sur la compatibilité entre Islam et République. Qu’une responsable politique, une de plus, accepte même de porter le débat d’abord sur l’islam est une preuve supplémentaire de la canaillerie de la façon de poser la question. Entre le jeune homme proche du FN et la jeune femme de plain-pied dans l’UMP, une même arrière-pensée, désormais même plus dissimulée : que font-ils chez nous ? La radicalisation de la jeunesse dite musulmane est, pour l’immense majorité d’entre eux, on ne le dira jamais assez, une réponse à cette hostilité montante, une protestation, même maladroite, même détestable, contre une (partie de la) France qui ne l’aime pas. Ces jeunes se sentent en état de permanente autodéfense, et la vérité oblige à dire qu’ils
ont souvent raison. Après la stigmatisation du voile, certes dérangeant mais à l’évidence bien fragile pour menacer la grande République française, après la chasse à la burqa (une vraie affaire d’État pour… 367 sur tout le territoire) (4), voici venu le temps de la traque à la casquette. Continuez, Madame la sous-secrétaire d’Etat (ou demandez à vos collègues de prendre le relais). Et la barbe ? Comment tolérer que, sur le territoire d’une société où domine l’imberbitude, des barbus à l’évidence extrémistes provoquent ainsi le bon sens ? A la tondeuse, les poils islamiques ! Et le keffieh ? Comment comprendre que des jeunes adoptent ce symbole d’un peuple enchaîné, nié, refoulé ? A la poubelle, les foulards palestiniens ! Libérez les crânes, les mentons, les cous musulmans ! Que l’on voie enfin ces gens à visage découvert ! On saura alors, peut-être, ce qu’ils ont dans le ciboulot. Quand j’étais adolescent, face aux réactionnaires forcenés qui n’appréciaient pas mes engagements, j’arborais volontiers un foulard rouge quelque peu provocateur. Et je savourais la rage de mes adversaires. Petit défaut de jeunesse. Je ne plaiderai certes pas pour que le port généralisé de la casquette à l’envers soit la seule réponse à Madame Morano. Mais avouez qu’elle le mériterait. Alain Ruscio Historien 1 - Paris, Gallimard, 1958 2 - Instituteur, Lettre, citée par Albert Camus, Revue Preuves, n° 91, septembre 1958 3 - Libération, 16 décembre 4 - Enquête du ministère de l’Intérieur, 29 juillet 2009. Même si ce chiffre est probablement minimisé, même s’il y a un millier de burqas en France, cela n’infirme pas le raisonnement.
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LE RÉVEIL actualités
La nation,
une communauté de citoyens réunis par des valeurs Les révolutionnaires de 1789 ont remplacé le souverain monarchique par la nation souveraine, communauté de citoyens, jusque-là sujets, unis désormais au sein de la République. Ils se souciaient peu de disserter sur l’identité nationale : ils la construisaient dans la douleur mais avec enthousiasme. Ils se sont donné ensuite une devise « liberté, égalité, fraternité », un drapeau tricolore, un hymne La Marseillaise. Puis le XIXe siècle a nourri cette aspiration nationale de dimensions économiques et sociales ; les luttes pour l’égalité ont été nombreuses, les revendications sociales ont donné lieu à de grandes lois sur le droit du travail, les libertés publiques, la matérialisation de l’intérêt général en service public, la laïcité, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes contre le colonialisme, la résistance à la barbarie nazie. C’est cette expérience, création historique continue, qui fait ce que nous sommes aujourd’hui, étape sur la voie de ce que nous serons demain, et qu’il ne faut pas figer dans une identité à laquelle il faudrait se conformer d’autorité. Cela ne nous interdit pas, au contraire, de nous intéresser à l’héritage qui nous a été légué et que, citoyens d’aujourd’hui, nous avons la responsabilité de faire 6-
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fructifier. La nation française est tout d’abord identifiée par des valeurs : une conception de l’intérêt général qui ne se réduit pas à la somme des intérêts particuliers, une affirmation du principe d’égalité qui n’est pas seulement proclamation juridique, une éthique de la responsabilité à la fois individuelle et collective.
Une conception de l’intérêt général Une conception de l’intérêt général qui s’est toujours incarnée dans de grandes figures de notre histoire : Richelieu, Colbert, Robespierre, et bien d’autres jusqu’à de Gaulle, par exemple. Une conception qui depuis Philippe Le Bel, à la fin du XIIIe siècle avec la création du Conseil d’État du roi, distingue soigneusement ce qui relève du public ou du privé. Au point que cette conception a été théorisée en France à la fin du XIXe siècle au sein d’une « École française du service public » qui n’a cessé d’enrichir la réflexion sur le sujet jusqu’à nos jours. Cette conception a doté notre pays de services publics performants, d’une administration démocratique et efficace, reconnue dans le monde entier. Plus d’un quart de la population active française échappe aujourd’hui à la loi du marché et à ses inégalités, la plupart de ces agents publics sont couverts par des statuts. Ce service public a joué dans la dernière crise financière un rôle « d’amortisseur social » incontesté, il a constitué un atout. Cette réalité fait de
notre pays en la matière une exception qui doit être défendue dans une mondialisation qui privilégie les capitaux aux hommes et une Europe qui la méconnaît largement.
L’égalité juridique, mais aussi sociale Un principe d’égalité affirmé dès l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits… ». Mais bien vite a été affirmé que l’égalité juridique ne suffisait pas et qu’il fallait tendre simultanément à l’égalité sociale. La Déclaration de 1789 elle-même le suggère en indiquant, par exemple, qu’en matière de fiscalité tous les citoyens doivent contribuer « en raison de leurs facultés » dont on a déduit la nécessité d’une progressivité de l’impôt. Des « actions positives » sont ainsi nécessaires pour aller vers une véritable parité entre les femmes et les hommes, pour aider les plus démunis, pour encourager les régions déshéritées. L’égalité est, avec la continuité et l’adaptabilité, un principe majeur sur lequel est fondé le service public. C’est le principe d’égalité des citoyennes et des citoyens qui, avec le droit du sol, fonde le modèle français d’intégration et le distingue d’autres conceptions basées sur le droit du sang et l’attribution de droits spécifiques à des communautés minoritaires définies par des critères comme l’ethnie, la religion, la langue ou la culture.
ACTUALITÉS LE RÉVEIL
L’exercice effectif de la citoyenneté Depuis la Révolution française, la responsabilité est avant tout celle des citoyens individuellement responsables. « Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait » dit, par exemple, le Code pénal. C’est loin d’être une règle respectée dans le monde où la responsabilité est souvent celle de la famille, du clan. La responsabilité se décline aussi en responsabilité civile, administrative, politique ou morale. Le principe de responsabilité revêt une importance particulière dans la situation de perte des repères qui caractérise la situation actuelle. Elle se fonde essentiellement sur le fait que les règles de la morale sociale
ne relèvent d’aucune transcendance, d’une fatalité, d’un dogme, mais que ce sont les citoyennes et les citoyens qui les déterminent et que c’est le principe de laïcité qui le leur permet. Depuis la loi de 1905, la laïcité repose essentiellement, d’une part sur l’affirmation de la liberté de pensée, d’autre par sur la neutralité de l’État. La France est le seul pays au sein de l’Union européenne à avoir fait figurer le mot dans sa constitution si d’autres pays en ont aussi retenu les caractéristiques. Ces valeurs doivent naturellement s’inscrire dans la réalité de la vie en société et correspondre à un exercice effectif de la citoyenneté. Cela suppose, en premier lieu, le plein exercice des droits et
des libertés des citoyens, à commencer par les droits et obligations politiques. Mais, il n’y a pas de véritable citoyenneté sans respect des droits économiques : droit au travail, à l’intervention des travailleurs dans la gestion des entreprises, à la formation et à l’information, etc. Il n’y a pas non plus de citoyenneté sans respect des droits sociaux fondamentaux : à la santé, à l’éducation, au logement, à la protection sociale, à la culture. La démocratie locale doit également permettre l’intervention des citoyens au plus près des lieux de pouvoir, ce qui implique que si l’intérêt général doit être défini au niveau national en raison de l’unité de la République, les collectivités locales doivent s’administrer librement, principes mis à mal par l’actuelle réforme des collectivités territoriales. Enfin, la France qui est un grand laboratoire institutionnel (quinze constitutions en deux siècles) doit être dotée d’institutions représentatives qui permettent de la dégager du présidentialisme réducteur en vigueur. La nation française a su forger des valeurs, des règles de droit, qui pourraient constituer une contribution éminente à l’émergence de valeurs universelles permettant de progresser vers une citoyenneté mondiale. La politique actuellement conduite par le Président de la République regarde ces acquis républicains comme des anomalies à supprimer pour mettre le pays en conformité avec le libéralisme ambiant ; elle est contraire à notre identité nationale républicaine. C’est parce que le service public est attaqué, que les inégalités se développent, que le modèle français d’intégration est compromis, que la laïcité est dénaturée en étant définie par rapports aux religions et non à la raison que la présente campagne sur l’identité nationale vise à maquer les effets de cette politique et à banaliser la France… C’est aussi la voie ouverte au peuple français pour se réapproprier son histoire afin de la continuer. Anicet Le Pors Ancien ministre, conseiller d’État
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LE RÉVEIL act actU actUaLItÉs UaLI LIttÉs
Fin de la taxe professionnelle
Au bonheur des actionnaires a avec la fin de la taxe professionnelle, le gouvernement transfère de l’impôt des entreprises sur les ménages et fragilise les services publics de proximité. Après le vote au Parlement fin décembre et sa validation par le Conseil constitutionnel début janvier, c’en est fini de la taxe professionnelle. Les seuls à s’en réjouir sont les entreprises et plus particulièrement les actionnaires. En effet, s’il est vrai que la taxe professionnelle est remplacée par un nouvel impôt qui, lui, s’appuie d’une part sur la valeur foncière des terrains occupés par l’entreprise (Cotisation foncière des entreprises) et d’autre part sur la valeur ajoutée (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), c’est-à-dire sur la richesse qu’elle crée, le fait est que ce changement se fait au seul bénéfice de l’entreprise. Pour preuve, en 2010, puisque cette mesure s’applique immédiateimmédiate ment, les entreprises vont économiser 11,7 milliards d’euros. L’argument officiel du gouvernement pour justifier ce nouveau cadeau fiscal est le suivant : les entreprises ayant ainsi moins de charges, elles vont pouvoir investir pour préserver et même développer l’emploi, chose importante en cette période de crise, où le chômage s’est accru de 500 000 personnes en 2009 pour dépasser les 2 millions. Seulement, la réalité est tout autre. Jamais les exonérations fiscales dont bénéficient déjà les entreprises, par exemple celles du non-paiement d’une part importante des charges sociales (ce qui met à mal les comptes de la Sécurité sociale), n’ont jamais évité ni les plans de licenciements ni les délocalisations. En conséquence, ce nouveau cadeau de 11,7 milliards risque fort, pour l’essentiel, d’aller dans la 8-
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poche des actionnaires. Par contre, la fin de la taxe professionnelle va avoir de lourdes répercussions sur les finances des collectivités territoriales que sont les communes, les départements et les régions. Donc, par voie de conséquences, sur les populations. En effet, la taxe professionnelle représente souvent entre 30 et 40 % du budget des communes ou même l’essentiel des ressources des communautés d’agglomération (EPCI) à fiscalité propre. La remise en cause d’une large partie de ces financements placera les collectivités locales devant un choix cornélien. Soit maintenir les services publics à la population au prix d’une augmentation de la taxe d’habitation, ce qui fragilisera les populations les plus modestes. Soit réduire l’intervention publique de ces collectivités et ouvrir ainsi la voie aux entreprises privées pour répondre aux besoins que la collectivité ne serait plus en capacité d’assurer. En clair, cette réforme conduit immanquablement à transférer une part de la fiscalité dont
devraient s’acquitter normalement les entreprises sur celles des ménages. Le gouvernement, qui ne cache pas son ambition de diminuer la voilure des services publics comme le montre sa décision de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partants à la retraite ou bien même, dans le cadre de la Refonte générale des politiques publiques (RGPP), remet en cause les services publics de l’éducation, de la santé, des services publics territoriaux… est favorable à une marchandisation de large secteurs aujourd’hui assurés, ce qui est une originalité de notre pays et même une force, par l’action publique. Autre conséquence, la mise sous tutelle des collectivités territoriales. En effet, la part du nouvel impôt sur les entreprises qui concerne la valeur ajoutée, sera de la seule décision du gouvernement. Non seulement les entreprises qui font moins de 500 000 euros de chiffre d’af d’affaires seront exemptées et partiellement celles qui font 50 millions d’euros, mais la fixation du taux de ce nouvel impôt
actualités LE RÉVEIL
ne sera plus du ressort de la collectivité locale comme auparavant mais du gouvernement. Ainsi les communes n’auront plus la marge de manœuvre de fixer l’impôt en tenant compte de la réalité sur le terrain et des besoins des populations. L’argent récolté par l’État étant ensuite reversé sous forme de dotation aux collectivités. Seulement, celles-ci savent d’expérience que les dotations d’État subissent trop souvent les aléas économiques et politiques nationaux et ne correspondent pas, au final, à ce sur quoi comptaient bien souvent les collectivités. Ce n’est donc pas sans raison qu’en décembre 2009, le congrès des maires de France, association regroupant les maires de toutes sensibilités et présidée par le maire (UMP) de Lons-le-Saunier (Jura) Jacques Pelissard, avait conspué François Fillon, premier ministre, et affirmait dans une résolution : « le Congrès déplore que la réforme intervienne alors que les élus ne savent pas quels seront les champs respectifs de compétence des différents niveau de collectivités territoriales » (voir article dans le numéro précédent du Réveil sur la réforme des collectivités locales qui revient en débat mi-janvier au Sénat). L’association « se fait l’écho des plus vives inquiétudes que suscitent chez les maires et les présidents des communautés, cette réforme ». Nicolas Sarkozy et son gouvernement n’ont pour l’heure pas entendu ou voulu entendre cette inquiétude et cette colère des élus. Il revient aux citoyens de se faire entendre. Édouard Bergougnoux
L’Histoire au lycée
ou la chasse à l’esprit critique Dans quel cerveau a germé l’idée de supprimer une année d’enseignement de l’histoire et, dans le même mouvement, de la géographie, du cursus scolaire ? Était-ce dans une préfecture où quelques notables de droite sont invités à discourir sur l’identité nationale ? Il semble que, dans ces réunions, ces beaux esprits philosophes prennent de la hauteur, dans le style de ce député UMP exprimant ces interrogations métaphysiques dans un style ô combien relevé : « Ils vont nous envahir si on ne réagit pas. » Peut-être s’est-il trouvé un autre théoricien pour s’interroger gravement sur la contradiction entre la vision de l’immigration qui serait facteur de troubles dans la société telle que le posait une note préparatoire à ces débats et quelques pages d’histoire qui rappellent le rôle des immigrés dans le développement du pays et la liberté… « Ces étrangers et nos frères pourtant » célébrés par Aragon. Il n’est pas exagéré de voir dans cette mesure, annoncée par Luc Chatel, un nouvel épisode, un impromptu de cette bataille idéologique visant à discréditer la pensée. La même note évoquait ces intellectuels rétifs à jouer le rôle que le pouvoir attend d’eux. Bien au contraire, la réplique des historiens, de Jacques Le Goff à Benjamin Stora, d’André Kaspi à Jean-Pierre Azéma, et de très nombreux autres chercheurs, à la suppression de l’histoire géographie en terminale S est un camouflet pour les tenants du sarkozysme. Chacun a les soutiens qu’il mérite : Luc Chatel et Nicolas Sarkozy sont assurés de celui d’hommes et de femmes conscience de notre temps : Frédéric Lefebvre et Nadine Morano, selon toutes probabilités.
Une question encore : Max Gallo, qui s’y entend si bien pour défendre le culte sarkozyste auquel il s’est converti, osera-t-il soutenir que l’on enseigne trop l’histoire en France, et que les élèves des sections scientifiques en auraient moins besoin que leurs camarades des sections littéraires ? Il est tentant, dans les milieux de droite et dans les officines du MEDEF, de vilipender un enseignement qui fait la part belle à la liberté de jugement, à la pensée critique. Tout cela est bien étranger aux règles du management de nos entreprises soumises aux pressions actionnariales. La philosophie comme l’histoire bénéficient jusqu’à maintenant d’une place plus importante que dans d’autres pays. Trouve-t-on intéressant la situation qui a prévalu longtemps en Allemagne, où des générations d’élèves n’ont rien appris sur le nazisme au motif que le programme d’histoire prévoyait l’étude de cette période une seule fois, à la fin de la scolarité et à la fin de l’année ? Tout retard dans le programme entraînait le IIIe Reich dans l’oubli. Quant à Nicolas Sarkozy, il sera bien en peine d’expliquer comment il concilie l’hommage à Guy Môquet et une marginalisation de l’enseignement de l’histoire réduite en terminale S au statut d’option, c’est-à-dire en voie de disparition. L’histoire et la géographie sont aussi des victimes des suppressions de postes (16 000 enseignants en une année), tout comme la liquidation des IUFM solde le mépris de la pédagogie. Le monde du savoir, mais au-delà, tous les citoyens doivent mesurer la gravité des attaques. C’est la bataille de l’intelligence et du progrès humain contre les conciliabules dans les préfectures. Claude Delevacq
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LE RÉVEIL INTERNATIONAL
Afghanistan
L’ARAC pour le retrait Le courage d’un État commande de tirer toutes les leçons d’une erreur. Et l’opération militaire engagée en octobre 2001 en Afghanistan en fut une. Huit ans après, il est urgent de reconnaître que les buts assignés à la coalition militaire dirigée par les États-Unis n’ont pas été atteints. Les talibans, qui avaient plongé le pays dans la nuit du fondamentalisme, s’ils ne règnent plus en maîtres sur la capitale, contrôlent toujours de vastes régions. Plus grave encore, ils ont vu leur audience s’accroître dans la population au fur et à mesure des années d’occupation militaire. Leur puissance de feu a augmenté. L’intervention de l’Otan devait aider le peuple afghan à se doter d’institutions stables garantissant les droits humains, en premier lieu ceux des femmes. Le bilan du président afghan Hamid Karzai est catastrophique, la corruption explose et sa réélection fut acquise au prix d’irrégularités massives. Si la France veut aider le peuple afghan à sortir du Moyen-Âge, ce n’est pas avec des missionnaires armés que l’on y parviendra. Huit ans de malheur en constituent une preuve suffisante. À l’heure où les députés débattent, sans vote, du bourbier afghan, il faut se souvenir du climat de l’automne 2001. L’onde de choc de l’attentat contre les tours du World Trade Center fut telle que le discours de George Bush qui s’en suivit, ses appels à une nouvelle croisade, le terrifiant concept de la « guerre des civilisations » l’emportèrent sur les invitations à la raison. Dans un moment où un éditorialiste célèbre proclamait « Nous sommes tous des Américains », le 10 -
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droit à la légitime défense fut accordé à la Maison-Blanche, sans que fût avérée de manière incontestable une quelconque responsabilité du régime taliban dans les attentats du 11 septembre 2001. De fait, l’occupation de l’Afghanistan n’a pas fait baisser l’activité terroriste de par le monde. La catastrophe était pourtant prévisible. Pour avoir donné la priorité à l’action militaire avec son cortège de victimes civiles, les États-Unis et leurs alliés de l’Otan ont perdu la bataille et réduit à néant la confiance qui a pu naître lorsque les talibans, sans coup férir, ont évacué Kaboul. Le résultat se chiffre aujourd’hui en milliers de morts, des civils afghans pour l’essentiel, mais les pertes se font de plus en plus lourdes parmi les militaires étrangers. Trente soldats français ont déjà été victimes de cette guerre. Les États-Unis n’ont pas retenu la cruelle leçon de l’expérience de l’URSS qui dut quitter l’Afghanistan en 1989 après avoir perdu quinze mille hommes dans les combats contre les fondamentalistes financés et armés par Washington. C’était l’époque où un certain Ben Laden émargeait sur les comptes de la CIA. À entendre certains défenseurs aveuglés de la poursuite de la guerre, quitter le terrain militaire ferait basculer à nouveau le pays dans la nuit talibane. Ainsi, l’Otan serait prise dans un piège dont elle ne pourrait sortir. Un processus de retrait militaire devrait évidemment s’accompagner de mesures visant à aider l’État afghan à gagner une véritable autorité. Les États-Unis ont les moyens de convaincre leurs alliés pakistanais de cesser d’être le sanctuaire des extrémistes afghans. Un tel processus ne se réalise pas en un seul jour, mais tracerait clairement des perspectives d’un Afghanistan indépendant. Claude Delevacq
Oba Quand la colombe
Le président américain, tout nouveau prix dans une nouvelle guerre? Après l’attentat manqué contre un avion de ligne US à Noël, la branche d’AlQuaïda au Yémen est la cible désignée par Barack Obama. « Nous allons utiliser tous les éléments qui sont en notre pouvoir pour intercepter, détruire et vaincre les extrémistes qui nous menacent, qu’ils soient d’Afghanistan, du Pakistan, du Yémen ou de Somalie » a déclaré le commandant en chef des armées US. Une déclaration saluée par de nombreux congressman, et pas seulement Républicains, comme le sénateur indépendant Joe Liberman qui a affirmé dans la foulée du président américain : « L’Irak c’est notre guerre d’hier et l’Afghanistan notre guerre d’aujourd’hui. Si nous n’agissons pas rapidement le Yémen sera notre guerre de demain ».
L’Amérique s’enfonce dans la guerre ? A bien y regarder il semble que les Américains n’ont pas attendu cet attentat avorté pour mener des opérations militaires dans ce coin de la planète… Selon le journal libanais L’Orient le Jour, les aides à la lutte anti-terroriste sont passées de 4,6 millions de dollars en 2006 à 67 millions en 2009. Elles pourraient atteindre les 150 millions de dollars si le Congrès américain le décide, confirmait récemment le New-York Times. Reste que les menaces répétées du locataire de la Maison-Blanche sont de plus en plus inquiétantes. Le passage à l’acte, comme les 17 et 24 décembre dernier, par le bombardement de soit disant sites yéménites ne fait qu’augmenter les tensions et accentue l’instabilité d’une région au bord de l’explosion.
international LE RÉVEIL
ma
devient faucon Nobel de la Paix, va t-il entraîner le pays « L’Afghanistan ne sera pas le Vietnam » : voilà en substance ce qu’a prétendu Barack Obama, début décembre, en annonçant le déploiement, limité dans le temps, de 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Soulignant que « l’Afghanistan n’est pas perdu » mais que la menace d’Al-Qaïda persiste, le président des États-Unis a qualifié l’envoi de ces renforts « d’intérêt national vital », dans un discours devant les élèves de la prestigieuse école militaire de West Point dont certains vont aller au front. « Je ne prends pas cette décision à la légère », a-t-il martelé concédant que ce renfort allait alourdir de 30 milliards de dollars la facture de la guerre pour les contribuables. « Les 30 000 soldats supplémentaires dont j’annonce l’envoi ce soir se déploieront dans la première partie de 2010 - au rythme le plus rapide possible - afin de s’en prendre à la rébellion et de sécuriser les grands centres de population », a-t-il souligné. Il a par ailleurs assuré « qu’après 18 mois, les troupes commenceront à rentrer à la maison », soit à partir de juillet 2011. « Si je ne pensais pas que la sécurité des États-Unis et de celle des Américains était en jeu en Afghanistan, demain je donnerais avec joie l’ordre à tous les soldats jusqu’au dernier de rentrer », a énoncé le président. Cette décision attendue peut être lourde de conséquences, alors que la guerre est de plus en plus impopulaire aux ÉtatsUnis, huit ans après l’invasion. Le contingent américain en Afghanistan atteindra environ 100 000 hommes et femmes, soit quasiment trois fois plus que lorsque Barack Obama a pris ses fonctions.
Une stratégie de l’escalade Et cela n’est pas suffisant ! Il faut maintenant que les alliés de l’Amérique, rangés comme un seul homme derrière la bannière étoilée, participe concrètement à l’effort de guerre. Pour atteindre les 40 000 soldats supplémentaires souhaités par le général Stanley McChrystal, Washington demande, selon Le Monde, 10 000 soldats supplémentaires à ses alliés, répartis ainsi : 2 000 à l’Allemagne, 1 500 à l’Italie, 1 500 à la France et 1 000 au Royaume-Uni. Obama devait également rencontrer ses homologues indiens et japonais sur ce sujet. De son côté, à Bruxelles, le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, a dit s’attendre à ce que les pays de la coalition fournissent au moins 5 000 soldats supplémentaires - peut-être quelques milliers de plus - en réponse à la demande américaine. La Norvège, membre de l’OTAN, compte actuellement 515 soldats déployés en Afghanistan et entend maintenir ce niveau d’engagement, selon le ministère des Affaires étrangères. Le contingent britannique en Afghanistan, déjà le deuxième en nombre derrière les États-Unis, va être porté ce mois-ci à plus de 10 000 hommes,
avec l’envoi d’un renfort de 500 soldats. Le chef du gouvernement travailliste a appelé tous (les) alliés à s’unir derrière la stratégie du président Obama, évoquant la « prochaine étape vitale » que sera le 28 janvier la conférence internationale de Londres sur l’Afghanistan, à laquelle les 43 pays de la coalition sont invités. Si l’Allemagne et la France ont réagi de manière moins positive aux demandes pressantes de renforts, Nicolas Sarkozy a souligné que « la France restera fermement engagée, avec ses alliés, aussi longtemps que nécessaire, aux côtés du peuple afghan ». Enfin, concernant l’Iran, selon le général américain David Pétraeus, qui s’est exprimé récemment sur CNN, Washington a mis au point plusieurs plans militaires contre les sites nucléaires iraniens, dont des attaques à la bombe… Tout confrme que l’on est bien dans une stratégie de l’escalade… Les signes d’une attitude de plus en plus belliqueuse, justifiée par la lutte contre le terrorisme, sont désormais apparents. Et le prix Nobel a beau justifier de la guerre pour obtenir la paix, la pilule est amère. Jean Pierre Delahaye
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LE RÉVEIL international
Proche-Orient
La création d’un État palestinien,
seule solution au conflit
Il y a un an, la bande de Gaza était sous le choc. Les images sont terribles : des corps mutilés, des pères qui racontent comment leurs enfants avaient été abattus, des femmes en pleurs. Des images encore de ces confettis de phosphore blanc, incandescents. Des brûlures hallucinantes, des blessures jamais vues comme l’ont révélé des médecins étrangers présents sur place.
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Des particules métalliques dans les entrailles, alors qu’apparemment il n’y avait qu’un minuscule point d’impact sur la peau. Des hurlements encore. Des bébés, des petits garçons, des petites filles, qui crient, qui pleurent. Des éclairs qui déchirent la nuit. Ils entendent la mort arriver et ils ne savent pas ce que c’est. Des sifflements, des explosions terribles. Du feu et de la fumée. Des odeurs de cadavres en décomposition, des humains et des animaux. Et des destructions comme un tremblement de terre. Des bombes, des obus et, comme si ça ne suffisait pas, des explosifs placés au pied des maisons encore intactes. Rien ne devait rester debout. Israël avait décidé d’agrandir la zone tampon entre sa frontière et les premières habitations palestiniennes. Israël a longtemps cru que le grand silence de la communauté internationale, qui a laissé passer trois semaines
de carnage avant de crier « halte au feu », lui permettrait d’enterrer sous les décombres de Gaza les crimes de son armée. Mais l’ONU, pressée par les Palestiniens et les organisations de défense des droits de l’homme dans le monde, a fini par nommer en juin une « Commission d’établissement des faits », dirigée par le juge Goldstone. Ce Sud-Africain a une solide expérience : il a conduit les enquêtes qui ont servi de base à la Commission vérité et réconciliation après l’abolition de l’apartheid et a été procureur du tribunal sur l’exYougoslavie et sur le Rwanda. Son rapport, qui accuse également le Hamas de crimes pour les roquettes tirées sur des civils désarmés, est accablant pour Israël accusé de « graves violations du droit international et humanitaire qui constituent des crimes de guerre et peut-être des crimes contre l’humanité ». Adopté par la Commission des droits de l’homme de l’ONU (la France s’est abstenue), ce rapport a donné lieu le 11 novembre à une résolution de l’Assemblée générale qui a donné trois mois aux parties pour conduire l’enquête interne qu’exige le rapport. Exigence rejetée par Israël au nom de son « droit à l’auto-défense ». Le rapport devrait être transmis en février au Conseil de Sécurité qui peut décider, si Israël continue de refuser l’enquête, de transmettre l’affaire à la Cour pénale internationale. Un an après l’offensive meurtrière sur Gaza, existe-t-il encore un espoir dans cette région du monde ? « A mon avis la création d’un État palestinien libre et indépendant, souverain sur les frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme capitale et qui vivra à coté d’Israël en paix et en sécurité est l’unique solution », explique Marwan Barghouti, le très populaire leader palestinien toujours emprisonné en Israël. « Sans la mise en œuvre de cette solution, nous assisterons à la poursuite de ce conflit et de la violence. Il ne faut pas s’y tromper : les Palestiniens ne vont pas renoncer à leur rêve et à leur droit de créer cet État quelles que soient leurs souffrances. » Pierre Barbancey
LE CAHIER MÉMOIRE
le réveil
N° 758 Janvier 2010
des combattants
Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix
ÉDITO Par Paul Markidès
Le fascisme en Europe Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12
En France, en 1939, les forces de droite clamaient « plutôt Hitler que le Front populaire ». Un grand nombre de Français n’ont pas réagi vigoureusement. A l’inverse des autres pays d’Europe où le fascisme a été imposé à leurs peuples par des dictateurs, la France a vu son Assemblée nationale, amputée des élus communistes et de quelques autres républicains, voter les pleins pouvoir à Pétain, opposant acharné au Front populaire et, ensuite, se mettant au service de l’occupant nazi, en collusion avec ces grands hommes d’affaires qui détestaient le régime républicain. Ce qui a entraîné des années de douleurs marquées par la trahison, la défaite, l’occupation, le massacre des patriotes, la chasse aux réfractaires au Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, la traque des résistants, la déportation. C’est à mettre en lumière ces événements, leurs origines, leurs effets et leurs conséquences, d’autant plus que « la bête immonde » (Bertholt Brecht) ressurgit aujourd’hui, que s’efforcent de répondre les différents articles de ce Cahier de la mémoire. Cette mémoire est en effet pour nous le moyen de faire face au présent et de construire l’avenir. De nos jours, où nous constatons, dans de nombreux pays d’Europe, une renaissance certaine du fascisme sous des formes renouvelées, en lien étroit avec les tenants du capitalisme mondialisé, nous disons plus que jamais avec Lucie Aubrac : « Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent ».
LE RÉVEIL DOSSIER
Le fascisme,
ses conséquences et ses émules Ludmila Acone
La définition du fascisme fait l’objet de débats historiographiques toujours ouverts et fortement polémiques, notamment autour des questions suivantes : y a-t-il un ou des fascismes ? Peut-on définir ainsi uniquement le fascisme italien et le nazisme, ou bien peut-on employer cette définition pour d’autres régimes ? Doit-on qualifier de fascistes uniquement les régimes ou bien peut-on y inclure également les mouvements politiques, mais aussi culturels qui s’en réclament ? Certains historiens reconnaissent la définition de fascisme uniquement pour l’Italie. Ils contestent toute recherche d’une grille d’analyse visant à une définition générale du fascisme, se bornant ainsi à en souligner seulement les différences. Il serait impossible ici de se rendre compte de ce débat extrêmement dense, nous avons donc choisi d’exposer le point de vue d’un éminent historien italien du fascisme, Enzo Collotti (1), malheureusement non traduit en France. Il propose d’aborder le phénomène d’un point de vue comparatif, qui permette de définir les différences mais aussi les ressemblances entre régimes. Cette approche éviterait, selon lui, de tomber dans la définition chère à Renzo De Felice qui nierait en réalité l’existence même du phénomène du fascisme, le réduisant à un pur accident de l’histoire, par une version au rabais de la théorie crocienne (2) de la parenthèse. « La volonté de nier à tout prix l’existence d’un phénomène général du fascisme en Europe », ajoute Collotti, « sans démentir ni nier les différents régimes et mouvements, risque d’opérer 14 -
LE RÉVEIL - N°758 - janvier 2010
(aussi) niveau européen aa decontextualisation (le retrait de son contexte) que connaît (actuellement le débat sur) le fascisme italien ».(3) Il reconnaît le rôle majeur joué par la guerre de 14-18 dans l’émergence du fascisme par les éléments suivants : D’abord, « la crise provoquée par la première guerre mondiale ». Non seulement l’exaspération des nationalismes qui s’expriment en Italie et en Allemagne, mais tout aussi violemment dans des États mineurs comme la Hongrie et la Pologne. La perte d’un statut social et de la sécurité, la crise de confiance envers les anciennes couches moyennes, l’apparition incertaine d’une nouvelle couche moyenne, fille de la guerre. La « bureaucratisation et la tertiarisation » issues de la mobilisation pour la guerre. Tous ces faits politiques et culturels unifient la petite et la moyenne bourgeoisie européenne des villes et des campagnes, pas toujours de façon directe, mais autour de mouvements nationalistes, fascistes, « ces derniers s’opposant aux résidus des vieux états libéraux et aux perspectives ouvertes par des régimes
Ludmila Acone est doctorante en histoire. (1) Enzo Collotti, Fascismo, facismi, Milano, Sansoni, 1994. (2) Inspirée du philosophe Benedetto Croce (3) id. (4) Enzo Collotti, Fascismo, fascismi, p.15 (5) Ibid, p 14.
démocratiques et contre le socialisme et le bolchevisme ». (4) Pour lui, bien qu’il faille exclure l’idée d’une origine sociale unique du fascisme, on ne peut nier que « partout, dans les régimes et les mouvements qui soutiennent les régimes autoritaires tendanciellement tournés vers le fascisme, leur caractéristique principale est celle de trouver leur consensus essentiellement parmi les couches moyennes urbaines ou rurales, en fonction des contextes sociaux et nationaux » (…) « Le rôle de l’élément prolétarien ou sous-prolétarien est demeuré tout à fait marginal ».(5) Collotti insiste également sur l’impossibilité de séparer l’analyse du fascisme de celle des rapports de force à l’échelle internationale et de la prise en considération de son caractère intrinsèquement impérialiste. Il souligne à cet effet son influence avant même l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale par « une fascisation de l’Europe ou si l’on veut d’une européanisation du fascisme ». Il cite également la recherche de l’historien Borejsza sur la propagande et sur la réception du fascisme italien dans l’Europe centrale et sud-orientale. Cette mise au point nous semble d’autant plus nécessaire que la contrefaçon de l’histoire du fascisme atteint, non seulement en Italie, des sommets inégalées. Sur le fascisme italien il est notamment question d’une véritable réhabilitation de celui-ci et d’une relecture édulcorée tant de l’antisémitisme que des crimes coloniaux. Selon l’historien Angelo del Boca : « Il s’agit de la plus vaste et sournoise offensive visant l’effacement de la mémoire historique et le total refoulement des crimes commis en Italie, en Afrique, dans les Balkans, en Union Soviétique. Plus précisément, il s’agit d’une tentative de récriture de l’histoire contempo-
DOSSIER LE RÉVEIL
raine en Italie et en Europe, en relativisant les horreurs du nazisme et de la solution finale, en dédouanant le fascisme et sa classe dirigeante, en délégitimant la Résistance et en diabolisant le communisme. » (6) Nous allons laisser cette question ouverte mais ferons en revanche référence aux caractères propres à ces types de mouvements, partis ou gouvernements. Cela tant par le biais des influences du fascisme sur ceux-ci que sur leurs tentatives d’émulation des fascismes déjà cités. Nous aborderons certains aspects des phénomènes fascistes et de l’antisémitisme, sujets à débats ou controverses. Chacun des auteurs analyse le phénomène fasciste au sein d’un pays ou d’une aire géographique européenne, mettant en lumière le fonctionnement du ou des fascismes et de leurs émules et les mesures antisémites spécifiques qui y ont été adoptées. A ce titre peut-on parler de « fascisme français » ? Ou bien celuici n’est que l’expression de quelques ligues ultra minoritaires ou d’une politique de collaboration avec l’Allemagne force d’occupation ? Peut-on parler de fascisme en Europe orientale, où le fascisme n’est pas parvenu à conquérir le pouvoir ? Annie Lacroix-Riz et Bruno Drweski nous donnent leur avis sur la question. Qu’en est-il de l’antisémitisme sous le régime mussolinien ? Est-il une simple conséquence de l’alliance avec l’Allemagne nazie ? Enfin, si l’on veut comprendre les mécanismes et les effets du fascisme il est également indispensable d’aborder tant ses effets visibles qu’invisibles. Nous avons choisi d’aborder la question de l’Allemagne par la remarquable analyse linguistique de Victor Klemperer sur La langue du troisième Reich (LTI)(7) présenté par Sonia Combes. Cette analyse nous permet
(6) Del Boca, Angelo, La storia negata, Vicenza, Neri Pozza, 2009, p 9. (7) Klemperer, Viktor, LTI, la langue du IIIe Reich, Paris, Albin Michel, 1996. Des extraits de la préface de Sonia Combes à cet ouvrage seront publiés dans le prochain Cahier mémoire.
de saisir comment l’organisation et la mise en place de la propagande nazie empreignent tous les aspects de la société et de la vie quotidienne. Le langage finit par façonner les esprits, par induire même les opposants à s’approprier la LTI (Langue du troisième Reich) par un mécanisme de mimétisme et d’appropriation des codes linguistiques du régime nazi. Il serait d’ailleurs intéressant de rappeler également le remarquable ouvrage de Charlotte Berard Rêver sous le troisième Reich. Les deux ouvrages mettent à nu l’impact de l’idéologie nazie sur l’inconscient individuel et collectif. Elle cite le cas saisissant d’une jeune Allemande « métisse » rêvant constamment de la mort, souhaitée, de sa propre mère juive, afin de se débarrasser du poids écrasant des lois raciales et de leurs conséquences. L’auteur nous met en garde contre la tentation d’en tirer des conclu-
sions hâtives, visant à analyser ses rêves comme l’expression d’une haine latente contre sa propre mère, issue de l’inconscient de la jeune femme, cela compte tenu du clivage produit par l’existence, dans l’état, de contraintes politiques réelles. Elle nous invite, au contraire à saisir « à quelle extrémité peut conduire l’immixtion du public dans le domaine du privé, comment l’être humain peut réagir dans les zones sombres de son intimité quand il lui devient trop difficile, du fait des autorités supérieures, d’aimer son prochain, et même son tout prochain, voire de vivre avec lui. »
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Camp “de la route de Limoges” à Poitiers (Vienne). Collection Roger picard et Archives départementales de la Vienne.
Le fascisme français,
des apparences aux réalités socio-économiques Annie Lacroix-Riz Dès 1920, la fusion de la droite modérée et des fascistes Les archives donnent raison à Soucy, qui postule la fusion depuis les années 1920, à droite, entre les éléments prétendument modérés et les fascistes. Le grand capital, maître des deux groupes, finança depuis le succès électoral du Cartel des gauches d’Herriot, acquis sur la promesse d’une justice fiscale comportant l’imposition du capital, outre ses partis traditionnels, des ligues fascistes alignées sur le programme et les méthodes italiens. La venue au pouvoir de Mussolini en Italie, en octobre 1922, décision des partis 16 -
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Annie LacroixRiz est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris VII Denis-Diderot
de la droite classique, prise avec l’aval des créanciers internationaux, servit alors de modèle à ces derniers : la solution fut jugée excellente pour venir à bout de la crise (de 1920-1921) et des périls sociaux aiguisés par la Grande Guerre, la crise consécutive de reconversion et la révolution d’octobre, insupportable à double titre (exemple intérieur pour les exploités, elle lésait le grand capital qui contrôlait, avec ses pairs impérialistes, l’économie moderne de la Russie tsariste). Dès 1922 se (re)constitua la synarchie, groupe d’une douzaine de financiers (dominé par la banque Worms, le groupe de Nervo) :
noyau de la cinquantaine des décideurs de la France de 1940, sorte de conseil d’administration des « 200 familles » (les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France), Comités des houillères et des forges (UIMM incluse) et grande banque au sommet.
La débâcle planifiée pour détruire la République Ces grands hommes d’affaires détestaient le régime républicain qui concédait aux exploités des moyens de défense, tels que partis et syndicats. L’hégémonie qu’ils exerçaient sur tous leurs obligés, militaires de l’état-major, politiciens, journalistes ou « hommes
DOSSIER LE RÉVEIL
Les seuls réticents, les commude main comme les agitateurs du nistes, virent depuis août-septem6 février1934 » (liste des responbre 1939 leur parti interdit et leurs sables de la défaite de 1940 établie élus, du Parlement aux commuen 1944 par Marc Bloch), maîtres nes, invalidés (on néglige ici les apparents de la société et de la poprétextes « soviétiques » invoqués litique, dicta le sort de la France à cette fin). Les « républicains » confrontée à la crise des années avaient laissé les comploteurs, trente : la débâcle militaire et la en apparence guidés par Laval mort du régime républicain, oret le chef de la Cagoule Pétain, ganiquement liés. On ne pouvait servis par des hommes de main venir à bout de ce dernier sans comme Darnand, chef cagoulard intervention extérieure militaire niçois et futur chef de la Milice, (l’intervention des impérialismes préparer leur coup. Ils en avaient extérieurs, créanciers de l’Italie été les complices, passifs ou acet l’Allemagne, fut considérable tifs, avant de leur céder la dans l’arrivée du fascisme au place, avec Paul Reynaud, pouvoir, mais cette main de La crise de 1929 le 16 juin 1940, au prétexte fer financière demeura plus conduisait à des d’une situation militaire discrète). solutions sociodésespérée, planifiée de Guidés par leurs mentors économiques et longue date. Les conjurés financiers, les partis de la politiques radicales : installèrent donc aisément droite républicaine et les liaux légers leur nouveau régime le 10 gueurs, passés par l’Action juillet 1940 grâce à la Défrançaise et regroupés depuis pansements que la bâcle, en accord explicite 1935-1936 en Cagoule, tendi- république devait avec l’ennemi auquel ils rent à fusionner. La crise de parfois appliquer sur avaient ouvert en mai la 1929 conduisait à des solu- les inégalités sociales percée de Sedan. Le Reich tions socio-économiques et feraient place des hitlérien n’avait cessé, en politiques radicales. Les clascoups féroces pour toute liberté depuis 1933, ses dirigeantes, hantées par écraser les salaires. de renforcer, marks aidant, la crainte ou la réalité d’une les fascistes français qui le baisse du profit : aux légers serviraient bientôt sur place (le pansements que la république defascisme italien avait joui depuis vait parfois appliquer sur les inésa propre victoire de la même ligalités sociales feraient place des berté républicaine pour arroser coups féroces pour écraser les sases amis français). laires. Des chefs « républicains », avec à leur tête le radical Daladier Tuteurs du fascisme : et un leader de la droite présumée une puissance intacte républicaine, Paul Reynaud (Aldès la Libération liance démocratique), furent de Les chefs de l’économie auxquels 1938 à 1940 chargés d’accélérer Vichy avait remis le pouvoir la réalisation de ces plans, très politique exclusif négocièrent avancés dès 1933-1934 : leurs désans péril le passage de l’ère du crets-lois cognèrent sur les salaiBlitzkrieg à la Pax Americana, res, les étrangers, les antifascistes certaine depuis 1941-1942 : ils français et étrangers, les libertés avaient amorcé la transition en de toutes sortes ; ils liquidèrent pleine collaboration, particulièrele parlementarisme avec le quiment en Afrique du Nord, avec les tus des parlementaires, gauche Américains promis à la détention de gouvernement comprise dont d’une vaste zone d’influence améune fraction (néo-socialiste) flirricaine en Europe, France incluse. tait depuis 1933 avec le fascisme Ils eurent à déplorer en 1944-1945 avéré (Marcel Déat et consorts).
quelques désagréments : deux chefs du fascisme financier, liés à la banque Worms, passèrent par profits et pertes, Pierre Pucheu, un des fondateurs synarques du PPF, devenu depuis 1942-1943 agent de Washington, exécuté sur ordre de De Gaulle en mars 1944, et Jean Bichelonne, victime d’un accident médical à Berlin en décembre 1944 ; des éléments, plus nombreux dans la catégorie des « hommes de main », stricto sensu ou journalistiques, frappés du châtiment suprême, ne pourraient plus les servir. La casse fut cependant restreinte : les tuteurs du fascisme maintinrent leurs hommes et leur puissance intacts dans la France de la Libération, forts d’un soutien américain assuré même aux « hommes de sang » (avis du journaliste Pertinax (André Géraud) sur Pucheu), aussi précoce et efficace que naguère l’appui allemand. Ce fut d’abord en compagnie de de Gaulle qu’ils haïssaient mais auquel ils n’avaient pu, malgré maintes tentatives, en compagnie de Washington, faire barrage. Il fallut certes tenir compte à la Libération de l’influence de ceux que l’ère hitlérienne avait neutralisés : les communistes avaient été renforcés par leur rôle dans la résistance intérieure et par l’immense contribution militaire soviétique à la victoire contre la Wehrmacht. Mais les contrariétés durèrent peu : la synarchie sortit intacte de la Libération, ses chefs compris (sauf quelques incapacités provisoires). Vichy redressa la tête dans des délais records, des ministres, présidents du Conseil à la Pinay, président de la République à la René Coty, hauts fonctionnaires, etc., aux partis de droite. Les grands vainqueurs de 1940 réussirent dès 1958 à se ménager des institutions acceptables, pulvérisant le (modeste) pouvoir parlementaire, à nouveau sous la janvier 2010 - N°758 - LE RÉVEIL
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Italie fasciste
Bibliographie succincte
houlette d’un de Gaulle détesté mais utile. Dans la phase aiguë de la crise qui frappe le capitalisme depuis le début des années 1970 ressurgit la fusion des droites et son corollaire : la radicalisation du discours et des pratiques de dirigeants riches en descendants directs des synarcho-cagoulards, sans parler des héritiers du « néosocialisme ». Les historiens du consensus ont daté de mai 1945 la mort du fascisme et exclu sa résurrection ; mais il ne suffit pas de brocarder la « vision marxiste de l’Histoire » pour abolir les dures lois du capitalisme.
•R obert Soucy - Le Fascisme français, 19241933, Paris, PUF, 1989
- Fascismes français ? 19331939, Mouvements antidé antidé-mocratiques, Paris, Éditions Autrement, 2004 • Annie Lacroix-Riz - L’histoire contemporaine sous influence , Pantin, Le Temps des cerises, 2004
- Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les anannées 1930, Paris, Armand Colin, 2006 - De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3e République, 19381940, Paris, Armand Colin, 2008 « L’Église de France et la reconstitution de la droite après la Libération, 19441946 », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier, dir., La recomposition des droites en France à la Libération 19441948, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 111-124 • Pierre Milza - Les fascismes, Paris, Imprimerie nationale, 1985
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Les deux mythes sur la persécution des juifs Ludmila Acone
Le 6 septembre dernier 2009, le maire de Rome Gianni Alemanno déclarait qu’il ne voulait pas condamner le fascisme d’avant l’adoption des lois raciales de 1938. Outre qu’elle passe sous silence la répression sauvage contre les ouvriers et les paysans ainsi que les assassinats d’opposants, cette affirmation perpétue deux mythes tenaces sur l’antisémitisme au cours de la période fasciste Ludmila Acone est doctorante en histoire. (1) Enzo Collotti, Il fascismo e gli ebrei. Le leggi razziali in Italia, Bari, Laterza, 2006 (2) Angelo Del Boca, Italiani brava gente ?, Bari, Laterza, 2006. (3) Voire notamment les sources de l’ANPI (Associazione nazionale partigiani d’Italia) (4) Il Nuovo Avanti. Settimanale del Partito socialista italiano, 7 juillet 1934 (5) Costatino Di Sante, I Campi di cocentramento in Italia. Dall’internameto alla deportazione ( 1940-1945), Roma, Franco Angeli, 2001 et Enzo Collotti, Gli Ebrei in Toscana tra occupazione tedesca e RSI. Persecuzione, depredazione, deportazione (19431945), Firenze, Carocci, 2007.
Le premier veut que la persécution de juifs n’ait commencé qu’à partir de 1938, après le rapprochement entre l’Italie et l’Allemagne nazie. Mussolini se serait laissé, en quelque sorte, « entraîner » par son allié sur un terrain somme toute étranger à la nature du fascisme. Il est vrai que la population civile n’a pas adhéré, d’une façon générale, à l’antisémitisme fasciste, et que le régime ne proclamait pas, au début, une politique antijuive. Cependant, l’historien Enzo Collotti montre qu’un tournant s’opère dès le milieu des années 1930 : « La politique antijuive italienne ne dérivait d’aucune pression allemande, mais fut issue d’une décision autonome du régime fasciste dans la tentative de revitaliser le régime. Il s’agissait de construire un ennemi intérieur capable de détourner l’attention face aux échecs du régime »(1). D’autre part, une politique plus générale de « défense de la race » visait à conjurer la peur d’une contamination de la « race italienne » par les populations colonisées d’Afrique du Nord « biologiquement inférieures »(2). Dès le 30 mars 1934, à Turin, a lieu une vague d’arrestations
massives de « juifs antinationaux à la solde des exilés » (3). La répression s’abat également sur des intellectuels et artistes juifs. En juillet 1934, le journal socialiste Nuovo Avanti relate avec force détails comment les journaux milanais auraient reçu l’ordre, par le Duce lui-même, de ne pas rendre compte de la tournée italienne et européenne du théâtre juif de Tel Aviv : « D’autres théâtres, notamment à Rome, ont annulé le passage de la troupe. Alors que le théâtre Ohel et le compositeur Bloch pourront être applaudis en Allemagne même, du moins dans le théâtre du Jüdischer Kulturbund, l’Italie se révèle totalement inhospitalière pour ces artistes » (4). Le deuxième mythe voudrait que l’Italie fasciste n’ait pas déporté de juifs. Or, une cinquantaine de camps ont été construits par les fascistes eux-mêmes à partir de 1940 pour y interner d’abord des prisonniers de guerre, puis surtout des juifs étrangers (5). Ces constructions ont été arrêtées par l’armistice du 8 septembre 1943 et la chute de Mussolini. La construction de camps a repris dans le cadre de la République
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sociale italienne (dans le nord de la Péninsule). Les juifs internés, notamment dans le camp de la Risiera di San Sabba (près de Trieste) ont été systématiquement livrés aux Allemands et déportés dans les camps d’extermination. En fait, selon Enzo Collotti, les massacres de l’après-septembre 43 et la comparaison avec l’extermination opérée par les nazis,
(6) Enzo Collotti,Lutz Klinkhammer Il fascismo e l’Italia in Guerra, Roma Ediesse, 1996. (7) Micromega, Appello contro il ritorno delle leggi razziali in Europa, 2 juillet, 2009.
auraient conduit beaucoup de juifs italiens, par une sorte de refoulement collectif, à minimiser les persécutions propre au régime fasciste (6). L’empressement des membres du gouvernements actuel à dédouaner le fascisme et à minimiser la portée du racisme et de l’antisémitisme ne peut s’expliquer que par la politique générale de réhabilita-
tion du fascisme et par la récente adoption de nouvelles lois raciales dans la Péninsule, visant cette fois ci les population d’immigrés, que de nombreux intellectuels italiens ont condamnées comme étant « pire que les lois raciales du régime fasciste » (7).
Fascismes à l’Est Bruno Drweski
La partie de l’Europe située entre l’Allemagne et l’URSS fut pendant la Seconde Guerre mondiale une des zones où les plus grands massacres furent menés par les occupants avec l’aide de collaborateurs locaux. Pour autant, ces pays ne donnèrent jamais naissance à des formations fascistes suffisamment enracinées localement pour qu’elles parviennent au pouvoir par leurs propres moyens. Il faut découvrir les causes de ce paradoxe apparent. En rappelant d’abord que le fascisme, sous ses diverses formes, est un mouvement de masse « moderne », nécessitant deux éléments fondamentaux pour parvenir à la puissance : l’existence d’une puissante bourgeoisie locale impérialiste menacée par la crise du capitalisme et l’existence de classes moyennes urbaines effrayées par les processus de déclassement consécutif. À cela, on doit rajouter l’existence d’un élément moteur constitué par une masse d’anciens combattants généralement issus de la petite-bourgeoisie, démobilisés et sans perspectives. En face, il faut aussi une puissante classe
ouvrière menaçant l’ordre social existant. Aucun de ces éléments n’existait à une taille suffisante dans les pays de la périphérie du capitalisme pour permettre l’accès au pouvoir des partis de type fasciste. Ces éléments existaient néanmoins et constituaient la base de partis fascisants jouissant à l’occasion, de l’appui des élites locales aux abois (1). À cause de la désagrégation accélérée du vieil ordre féodal et de l’incapacité des libéraux de créer un ordre capable de perdurer, sauf dans le cas tchécoslovaque, plus de quelques années après 1918. Dans les campagnes, on trouvait en revanche une masse paysanne de plus en plus précarisée, hésitant entre illusions agrariennes, poussées révolutionnaires et tentations fascisantes. Face à de vieilles élites terriennes menacées à la fois par l’irruption du capitalisme et le défi communiste. Ces milieux n’avaient plus les
Bruno Drweski est maître de conférences à l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales)
(1) Éric J. Hobsbawm, L’âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, Bruxelles, 1999, pp. 169, 223, 224
moyens de promouvoir leurs propres intérêts de façon autonome. Les classes traditionnelles étaient plus attachées aux conservatismes « vieille Europe » qu’aux fascismes à la fois réactionnaires et « modernes ». C’est donc dans ce vide, et par mimétisme, que les idées fascistes furent importées en Europe centrale, de façon sélective. Les mouvements fascistes y furent particulièrement virulents car, comme en Occident, la précarité des petites-bourgeoisies urbaines les poussait vers la frustration, à quoi s’ajoutaient leur faiblesse numérique et le fait de devoir copier des modèles extérieurs, italien puis allemand. Sachant aussi que, chez certains peuples comme les Polonais ou les Tchèques, la fascination éprouvée pour les « réussites » des nazis allait de pair avec la germanophobie. janvier 2010 - N°758 - LE RÉVEIL
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À partir de 1929, l’idée s’incrusta que la démocratie libérale était condamnée et que le seul choix était désormais entre Rome, Berlin ou Moscou. Déjà en 1927, un des dirigeants de la droite nationaliste polonaise écrivait : « Le libéralisme a fait son temps; il n’existe que deux courants de développement : l’un vient de Rome et l’autre de Moscou… Il nous faut donc opter pour Rome, aussi bien l’authentique que la papiste et enfin, la fasciste »(2). Les milieux conservateurs ne s’identifièrent cependant jamais totalement à une idéologie qui laissait trop visiblement de côté la religiosité chrétienne traditionnelle universalisante. L’antijudaïsme habituel leur suffisait, conforté par le fait que les juifs occupaient des positions sociales urbaines « dangereuses » pour l’ordre traditionnel : commerçants, ouvriers,
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(2) Stanislaw Grabski cité par A. Krzywoblocka, Chadecja 1918-1937, Varsovie, 1974, p. 420 (3) Ivan T. Berend, Decades of Crisis. Central and Eastern Europe before World War II, Berkeley, California University Press, 1998, pp. 50-56
chômeurs, intelligentsia, etc. (3). L’antisémitisme raciste ne toucha au début que les éléments ouvertement fascistes et urbanisés. Face au défi représenté par le voisin soviétique, les fascistes locaux firent montre d’une hargne particulière qui allait les amener pendant la guerre, en particulier dans les cas croate, ukrainien et balte, sur le terrain des crimes de masse car ils avaient trop longtemps « rongé leur frein » devant une aristocratie décadente qui éprouvait beaucoup de mépris pour eux et pour les dirigeants « plébéïens » au pouvoir en Italie ou en Allemagne. Pour faire face aux poussées révolutionnaires qui s’appuyaient sur les enclaves ouvrières locales, sur les éléments les plus conscients de la paysannerie sans terre et sur les luftmenschen (les exclus)
juifs urbanisés qui comprenaient mieux les causes sociales et économiques de leur propre misère sociale et du retard économique des pays situés à la périphérie du capitalisme, les conservateurs tentèrent de s’appuyer sur l’axe hitlérien qui n’allait utiliser en définitive les fascistes locaux que tardivement et pour les basses besognes. Entre conservatisme suranné et communisme, les sociétés d’Europe centrale vécurent donc entre 1914 et 1939 d’expédients, subissant les vents dominants de l’époque, sans pouvoir même tenter de les maîtriser.
international LE RÉVEIL
Lettonie
Allons-nous vers la révision du procès de Nuremberg ? Condamné par la Cour européenne des droits de l’homme en juillet 2008, la Lettonie a fait appel du jugement qui avait donné raison à Vassili Kononov, combattant anti-nazi, poursuivi et emprisonné pour son engagement parmi les partisans rouges pendant la Seconde Guerre mondiale. La Lettonie essaierait-elle, en poursuivant la procédure condamnant Kononov, de réécrire l’Histoire et de mettre en cause le rôle des peuples de l’URSS d’alors, l’URSS dans la victoire sur l’Allemagne nazie. Une conférence de presse a eu lieu le 16 novembre 2009 à Paris, au Centre d’accueil de la presse étrangère animée par maître Mickaël Joffre, directeur du Centre d’assistance juridique de Moscou, défenseur de Vassili Kononov et Robert Charvin, doyen honoraire de la faculté de droit de Nice. Chacun d’eux fit un historique des faits qui soulignent la réalité du révisionnisme pro-nazi des événements qui se développent actuellement en Lettonie, république faisant partie de l’Union européenne. Le cas spécifique concernant Vassili Kononov, combattant exemplaire dans la lutte antifasciste et contre l’armée nazie, est significatif. Cet homme a été condamné et jeté en prison à l’âge de 75 ans, il y a plus de dix ans maintenant. Il est accusé de crime de guerre alors que depuis la Libération, il était reconnu et avait été hautement décoré pour son combat anti-nazi. Les autorités lettonnes actuelles ne partagent plus les mêmes appréciations. En 2004 l’affaire est portée devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le 24 juillet 2008, celle-ci donne raison à Vassili Kononov ! Les autorités lettones refusent le verdict et font appel. Nous en sommes là ! Bientôt la Grande Chambre sous l’égide de l’actuel président en titre de la Cour européenne, le juge français Jean-Paul Costa, devra se prononcer. Aujourd’hui les manifestations prona-
zies ne manquent pas en Lettonie. Le 16 mars 1943, date de la création de la légion Waffen SS lettone, est ainsi célébré chaque année avec un faste particulier. Avec la bénédiction officielle des autorités, une manifestation concernant les anciens de la Waffen SS lettone et leurs sympathisants défilent sous les plis des drapeaux marqués de la croix gammée, à partir du centre-ville de la capitale Riga jusqu’au monument de la Liberté. Manifestation démonstrative entre toutes en l’honneur de cette légion SS qui s’est distinguée en exterminant des Polonais, des Russes, des Juifs dans les camps de concentration. Il ne faut pas oublier que sur les 80/85 000 juifs de Lettonie, seuls quelque 500 ont survécu…
Aujourd’hui l’idéologie raciste dans ce pays se manifeste par le soutien permanent des autorités en faveur de manifestations à caractère antisémite. Chaque année, régulièrement, d’anciens dignitaires nazis perçoivent une pension militaire alors que les anciens détenus politiques survivants des camps de concentrations ou d’anciens résistants au nazisme en sont privés. Pourquoi le mutisme des médias et gouvernements de l’Union européenne et d’ailleurs sur ces agissements graves ? Il est clair que si les dirigeants de la Lettonie réussissaient à faire inverser le verdict de première instance, la voie serait ouverte à une réécriture de l’histoire et particulièrement du rôle décisif de l’URSS de l’époque dans la victoire commune des peuples contre le nazisme. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la multiplication du nombre grandissant de gouvernements de droite de plus en plus autoritaires en Europe face à la crise économique mondiale pratiquement insoluble en l’état, constitue une donnée publique pour le moins préoccupante. Plus que jamais le devoir de vigilance s’impose chez tous les démocrates. Michel Kachkachian
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LE RÉVEIL international
Honduras
La démocratie piétinée Depuis le 27 janvier, Porfirio Lobo est le président du Honduras. Mais à quel titre? L’investiture du candidat conservateur n’a pas mis un point final à la crise politique du pays, née au lendemain du coup d’État du 28 juin, qui a renversé Manuel Zelaya. Le nouveau chef de l’État en est la progéniture au terme de la mascarade électorale du 29 novembre organisée par les auteurs du putsch. La reconnaissance internationale fait encore aujourd’hui défaut. Mais pour combien de temps? Quoi qu’il advienne, le précédent est là : un président démocratiquement élu a été victime d’un coup d’État, sans que les États et les institutions internationales, pourtant fermes sur la condamnation du « golpe », soient capables d’inverser le cours des événements. Les processus politiques de changements, à l’œuvre depuis une décennie dans la région, sont dans le viseur des forces militaires et oligarques, mais également du département d’État amé-
ricain, sans qui le coup d’Etat n’aurait pu être pérenne. Le changement de rapports de force, avec la montée en puissance des gouvernements de gauche, a certes fait céder du terrain à Washington, hier encore grand maître sur le continent. Mais ce mouvement fragile est soumis aux intérêts économiques locaux et états-uniens. Le président Manuel Zelaya n’était en rien un subversif. Le grand « tort » de ce grand propriétaire terrien du Parti libéral a été sa prise de conscience des écarts de richesses alors que son pays figure parmi les quatre plus pauvres de l’Amérique. Durant son mandat, il s’est attelé a augmenter le salaire minimum de 60 %. « Mel », comme le
surnomment ses soutiens, a mis son veto aux privatisations de l’énergie et des télécommunications et a instauré des aides scolaires. Il a par ailleurs initié un rapprochement avec les exécutifs socialistes de la région, en adhérant aux organismes de coopération comme l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) ou encore Petrocaribe qui a permis au Honduras d’acheter du combustible à des tarifs préférentiels. Enfin, Manuel Zelaya a voulu démocratiser les institutions, particulièrement la constitution gravée dans le marbre sur demande des États-Unis. Il a dès lors réveillé les foudres des élites politicofinancières et militaires honduriennes et états-uniennes. Car, le Honduras a toujours été l’arrière-cour par excellence de Washington : un terrain de manœuvre des contre-révolutionnaires pour anéantir les guérillas de la région, mais également un pion économique, soumis aujourd’hui à un traité de libre commerce régional (CAFTA) drastique au profit des États-Unis. Après l’avènement au pouvoir des anciens guérilleros au Salvador et au Nicaragua, le risque d’un basculement plus prononcé du Honduras s’apparentait à un danger géostratégique. Le coup d’État du Honduras est un avertissement adressé à tous les présidents de la région. Les États-Unis d’Obama n’ont pas changé les visées de la première puissance mondiale. Les récentes déclarations de la secrétaire d’État, Hillary Clinton, contre le Nicaragua et le Venezuela, témoignent des menaces imminentes. La IVe flotte US, qui patrouille dans les eaux sud-américaines depuis 2008, ou encore l’utilisation, depuis cet été, de sept bases militaires en Colombie par les États-Unis, démontrent que les objectifs de sa politique extérieure demeurent intacts. Le réveil populaire contre l’éviction de Manuel Zelaya a finalement constitué la seule donne positive du marasme hondurien face à une démocratie piétinée qui pourrait bien faire école en Amérique latine. Cathy Ceïbe
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VOS DROITS LE RÉVEIL
Chômage
Les opérations rideau de fumée Selon l’institut BVA, le chômage a été la question la plus préoccupante de l’année pour 63 % des Français. Les chiffres officiels ne peuvent masquer la réalité vécue par tous, d’une manière ou d’une autre. Ceux qui ont un travail redoutent le chômage à mesure que s’allongent les listes des fermetures d’entreprises. Il frappe la famille, les proches, la commune où l’on vit. La France ne compte pas deux millions six cent mille chômeurs, mais bien quatre millions et demi. Parmi ceux-ci, un million qui, dans les mois prochains, vont perdre leurs droits et devront s’en remettre aux minima sociaux, s’ils y ont droit. C’est une catastrophe de longue durée et elle n’a rien de naturel. On comprend mieux du même coup les opérations de diversion du chef de l’État, de son gouvernement et de l’UMP. Le débat sur l’identité nationale suscite à juste titre de vives réactions. Il prend en otage des millions d’hommes et de femmes pour des objectifs électoralistes. Il ressert, dans les conditions d’aujourd’hui, le ragoût idéologique de la droite française pour briser les solidarités, atomiser les consciences, dresser des barrières et attiser des oppositions. Il s’agit de miner le modèle social qui est le nôtre et le bien commun de tous. Mais c’est quoi l’identité nationale d’un homme ou d’une femme arrivant en fin de droits ? Car ce débat indigne vise aussi, en plus de cela, à détourner l’attention de la question du chômage. Et que dire de la nouvelle fable, à Copenhague, de Sarkozy. Le seul chef d’État qui se serait décarcassé pour sauver la planète et raconte, avec les accents de la Chanson de Roland, ce que fut la bataille et les victoires qu’elle promet. La réalité, c’est que Copenhague n’a pas abouti parce que les puissants sont plus prompts à sauver les banques que le climat et les gesticulations du chef de l’État, comme celles du G20, ne peuvent faire illusion. Il tente là aussi de détourner l’attention, en instrumentalisant les questions en-
vironnementales. C’est vrai, il y a le grand emprunt! Il doit, nous dit-on, relancer la croissance. Préparer la reprise en mettant la France en bonne place dans la compétition internationale. Á terme, il y aurait une promesse d’emplois. C’est faux. Car le type de croissance en question est celui qui a conduit à la crise. Il donne la priorité à la rentabilité financière dans quelques
secteurs prometteurs (pour qui ?), mais la recherche dans son ensemble s’appauvrit, l’Éducation nationale manque de moyens et va en perdre encore, les services publics sont menacés, les banques se servent mais ne rendent rien. Le chômage n’est pas ce qui reste de la crise. Il est le coût payé par les salariés pour la reprise capitaliste. La droite, si l’on en croit Le Figaro, veut mener la campagne des élections régionales sur les thèmes nationaux. Entendons qu’elle entend poursuivre ses opérations de diversion. La riposte, c’est de faire front à gauche contre sa politique, pour de vrais contre-pouvoirs et pour construire une alternative. CD
Marchés financiers : + 22 Emplois : - 380 000 Les marchés financiers ont clos 2009 sur une progression de plus de 22%. A mettre en relation avec un autre bilan : 380 000 emplois supprimés, la précarité fait des ravages. « Il faut moraliser le capitalisme », cette annonce incantatoire de Nicolas Sarkozy au plus fort de la crise, relayée avec conviction dans les médias, a fait long feu. Véritable leurre pour détourner la colère de l‘opinion publique, cet engagement non tenu a fait office de soupape de l’autocuiseur. Il aurait eu d’ailleurs autant d’efficacité qu’un pansement sur une jambe de bois. Que dire de la spirale folle des salaires des grands patrons (Henri Proglio, nouvellement nommé à EDF réclame une augmentation de 45 % soit 1,6 million d’euros annuels !) passée sous silence alors que l’on fustige les conducteurs de RER osant demander 120 euros de plus par mois. Les faits sont là : des sommes colossales ont été mobilisées pour sauver le système financier international par le
renflouement des banques et des plans de relance… avec des taux d’intérêt très bas pour les grands groupes. Résultat, des masses importantes de capitaux sont destinées à la spéculation… sur les actions bien souvent de ces mêmes groupes. En quelque sorte, les mêmes causes accoucheront des mêmes effets. Après l’éclatement successif de plusieurs bulles financières, le risque d’une cascade en domino est réel avec en corollaire une récession plus grave encore. La crise n’est pas un épiphénomène, un soubresaut ou encore un réajustement comme on voudrait nous le faire croire. Notre pays, l’ensemble du monde, sont bel et bien confrontés à une crise d’un système, celle d’un capitalisme mondialisé et financiarisé. Mais une finance, la plus spéculative qui soit, occupant un rôle prédominant et prédateur car au détriment des besoins sociaux d’emplois, de salaires... Et du développement de richesses nouvelles. Comme l’écrivait Jules Vallès : « Le capital mourrait si, tous les matins, on ne graissait pas les rouages de ses machines avec de l’huile d’homme ». octobre 2009 - N°756 - LE RÉVEIL
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LE RÉVEIL Vos droits
Plus de 40 millions d’euros pour les sociétés
Mais rien pour les ACVG Quand les anciens combattants et les victimes de guerre demandent des crédits budgétaires pour satisfaire leurs choix légitimes à réparation, le gouvernement leur répond que les caisses sont vides et que la crise ne permet pas de faire plus. La crise, elle a bon dos et elle ne frappe que les pauvres, pas les « puissants ». Ainsi, Didier Migaud, président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, vient, dans le journal Le Monde du 5 novembre 2009, d’exprimer ses remarques sur le rapport du ministère du Budget en matière de dépenses fiscales. Selon lui, 6 200 entreprises ont bénéficié de 20,5 milliards d’euros d’exonération d’impôts sur les sociétés sur 2 ans (mesure introduite dans le collectif budgétaire 2004 par le sénateur UMP Philippe Marini). C’est le MEDEF patronal qui se frotte les mains… tout en réclamant encore plus de cadeaux à son égard. En matière d’imposition sur le montant net des plus-values à long terme réalisées par les sociétés, le président de la Commission des finances note que cette imposition (initialement à 19 %) a été allégée au taux de 15 % à compter du 1er janvier 2005, puis à 8 % au 1er janvier 2007. Résultat des courses : l’Etat aurait ainsi perdu près de 12,5 milliards en 2008, et 8 milliards en 2009… Soit le tiers du produit de l’impôt sur les sociétés de 2008 ! Et le MEDEF d’applaudir à grands cris : « Encore ! Encore ! » Ainsi, toujours selon M. Didier Migaud : « Entre la baisse des droits de succession, la TVA à taux réduit dans la restau24 -
LE RÉVEIL - N° 758 - janvier 2010
ration et l’exonération des plus-values de cessions de titres, on aurait pu financer la sortie de crise et les dépenses d’avenir, sans grand emprunt ». Entre faire cadeau de 41 milliards d’euros au MEDEF ou rendre justice aux ACVG, l’État a choisi son camp : celui des nantis de la fortune au détriment des citoyens les plus démunis. Et ce gâchis financier n’a même pas servi à protéger les emplois existants ni à en créer de nouveaux. Sans vergogne, nombre de sociétés « aidées par l’Etat » encaissent la manne… puis délocalisent, appliquent des plans sociaux, plient boutique et licencient. Est-ce pour cette France-là que nos parents et grands-parents ont mis leur
vie en jeu il y a 70 ans ? Non, ce n’est pas pour ces requins financiers que le Conseil national de la Résistance a mis sur pied le programme qui a redressé la France ruinée de 1945. Il faut bloquer le bras de ces fossoyeurs qui saignent notre pays. Il est plus que temps de leur crier STOP ! Et de s’unir autour d’un nouveau programme social de la Résistance d’aujourd’hui. Les ACVG que nous sommes ne sauraient rester en dehors de ce « combat moderne pour la vie », pour créer la place à de véritables valeurs républicaines. André Fillère
Pupilles de la Nation
Mémoire de l’histoire, mémoire du droit Le 2 mars 1916 était créé, par arrêté interministériel, l’Office national des mutilés et réformés. Mais, très vite, se posa le cas des orphelins qui nécessitaient un traitement particulier. D’où la création d’un Office national des pupilles de la Nation en 1917. Dès décembre 1916 la Chambre des députés examina un projet de loi (déjà adopté à l’unanimité par le Sénat dans sa séance du 23 juin 1916), instituant la notion de pupilles de la Nation. Le rapporteur était Léon Bérard, député. Dans son rapport celui-ci précisa que le projet de loi était destiné à l’entretien et
à l’éducation des orphelins de guerre. L’objet essentiel de la loi était donc que l’État donne, par le moyen du secours pécuniaire, sa protection à l’enfant que la guerre aura privé de son soutien. Une des raisons d’être de la législation nouvelle était donc de créer une catégorie de jeunes Français auxquels la Nation se reconnaissait liée par des obligations sacrées. Et ces textes définissaient, de façon un peu théorique, la dette contractée par la Nation envers des orphelins qu’elle aura adoptés. Le texte adopté par le Sénat précisait que serait orphelin de la guerre les enfants de soldats tués à l’ennemi ou morts des suites de blessures de guerre, ou bien des suites de blessures reçues ou de maladies contractées en service commandé. Le sénateur Monis avait
Vos doits LE RÉVEIL
invoqué d’ailleurs certains précédents historiques. Ainsi la Convention adopta la fille de Lepelleter de Saint-Fargeau (1), Napoléon, les enfants des officiers et soldats tués à Austerlitz. En 1830, l’État français adopta les enfants des victimes des journées de juillet, en 1850 les enfants des victimes des journées de juin 1848, en 1871 la famille du général Clément Thomas (2). Selon le texte du Sénat, c’est le tribunal civil d’arrondissement qui devait être compétent pour prononcer l’adoption par la Nation des enfants en faveur desquels pourra être réclamé le bénéfice de notre loi. L’Office national et les Offices départementaux des pupilles de la Nation auront donc un statut
d’Établissements publics. Ils seront placés sous la tutelle du ministère de l’Instruction publique. La loi fut votée le 27 juillet 1917 et l’Office national des pupilles de la Nation se réunira pour la première fois le 25 mars 1918. Et M. Hébrard de Villeneuve, vice-président du Conseil d’État, fut nommé président de la section permanente. AF (1) Homme politique français. Président de l’Assemblée constituante en 1790, puis élu de la Convention en 1792, il fut assassiné en 1793 pour avoir voté la mort de Louis XVI. (2) Général républicain fusillé à Montmartre le 18 mars 1871.
Budget 2010
Gouvernement et majorité présidentielle s’opposent à une réelle amélioration des droits
Après l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté le budget 2010 des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre, le gouvernement et les parlementaires de la majorité présidentielle ayant rejeté systématiquement les amendements présentés par l’opposition pour améliorer le sort des ACVG. Ainsi ont été refusés le relèvement du plafond des rentes mutualistes, une allocation différentielle de solidarité pour les anciens combattants les plus démunis, le rattrapage des pensions, retraites du combattant et rentes mutualistes que l’État ne paye qu’à 50 % de leur valeur, tandis que la carte du combattant pour les OPEX, l’indemnisation des orphelins de la barbarie nazie, la campagne double pour la retraite professionnelle des anciens combattants en Afrique du Nord fonctionnaires, travailleurs de l’État et assimilés, etc. étaient reportées... à plus tard. Pour la majorité, la crise est responsable et l’argent manque pour rendre justice aux anciens combattants et aux victimes de guerre.
L’argent manque-t-il vraiment ? Selon le président de la Commission
des finances à l’Assemblée nationale, 6 200 entreprises ont bénéficié de 20,5 milliards d’exonération d’impôt sur les sociétés ; 12,5 milliards ont été offerts au titre de l’allègement, puis de la suppression de l’imposition sur le montant net des plus-values à long terme des sociétés ; 3 milliards d’euros, c’est le montant net de la perte d’impôt par l’État suite à la baisse de la TVA sur la restauration ; 100 millions, c’est le cadeau offert aux patrons des transporteurs routiers exonérés de 75 % de la taxe carbone, etc. Près de 40 millions d’euros offerts aux plus riches.... et rien ou si peu pour les anciens combattants et les victimes de guerre ! Le gouvernement prétend ne pouvoir aider que les plus démunis. On ne savait pas le grand patronat dans un tel état de misère....
Quant aux anciens combattants et aux victimes de guerre, le relèvement de la retraite du combattant de 2 points d’indice au 1er janvier 2010, c’est 7 centimes de plus par jour en 2011 ! Le plafond de ressources de l’allocation différentielle porté à 800 euros, c’est, pour les veuves d’anciens combattants, 1,64 euros de plus par jour... à condition que le RSA et l’ASPA ne soient pas revalorisés, sinon cette augmentation viendra en déduction des 1,64 euros. Quelle misère ! Toujours plus pour les uns et même pas l’aumône pour les autres... André Fillère
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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC
L’ARAC ravive la Flamme Samedi 20 février 2010 La Flamme, sous l’Arc de Triomphe, sera ravivée le samedi 20 février prochain par l’ARAC. Le Comité de la Flamme sous l’Arc de Triomphe a été fondé en 1923 et a pour but de raviver quotidiennement la Flamme sur la tombe du Soldat inconnu et plus généralement d’entretenir la mémoire de tous les combattants français et alliés, tombés au combat. Aujourd’hui c’est le général de corps d’armée Bruno Cuche, gouverneur des Invalides, qui préside ce Comité de la Flamme. Le 11 novembre dernier, pour la première fois, la chancelière allemande Angela Merkel a ravivé la Flamme aux côtés du Président de la République, Nicolas Sarkozy. Les participants au 54e Congrès national de l’ARAC viendront de Gennevilliers retrouver de nombreuses délégations de l’ARAC Ile-de-France. Emmenez vos enfants, petits-enfants, amis, voisins et sections locales disponibles. Raphaël Vahé
Annonce urgente Pour un film documentaire, je souhaite rencontrer des femmes ayant été marraines de guerre pendant la guerre d’Algérie et vivant aujourd’hui en Ile-deFrance et départements limitrophes. Contact : Contact : Rémy Collignon 61 rue Louis-Blanc - 75010 Paris Tél. 06 72 01 74 58 ou 01 42 51 88 42 26 -
LE RÉVEIL - N° 756 - octobre 2009
Des congrès départementaux
riches, combatifs, ouverts
ARAC 66
Un congrès uni sur les valeurs fondamentales de l’ARAC Cabestany : 42e congrès départemental Présidé par Pierre Vile, cheminot, FFL, ancien de la Division Leclerc, les quatrevingts participants ont échangé activement, à partir de leur expérience de terrain, sur la défense du droit, de l’ONAC, représentée par sa directrice Madame Marco. Marcel Legoallec, secrétaire général-adjoint de la Mutuelle, a souligné l’excellence des résultats en matière d’adhésions : c’est l’un des meilleurs scores au plan national. Le travail de mémoire, notamment dans le cadre de la résistance collective aux installations de stèles qui fleurissent dans la région
et qui expriment une réhabilitation de l’OAS, le Réveil dans sa nouvelle formule qui doit trouver un meilleur équilibre entre l’actualité politique générale et la défense des droits… ont rempli la très vite demi-journée prévue. Un pot de l’amitié, présidé par Jean Vila Marie de Cabestany, en présence de Pépita Leon pour les Guerilleros, Jean-Pierre Brun pour l’UFAC, et de nombreux responsables d’associations, a permis de remercier tous les militants et porte-drapeaux du comité ARAC des Pyrénées-Orientales.
VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL
22e Congrès de l’ARAC Val-de-Marne Un beau congrès préparant l’avenir : - fidélité aux valeurs de la Résistance, - é largissement de nos rangs aux OPEX, - pour une autre politique de la France dans le monde, - pour le retrait des troupes françaises de l’Afghanistan, - audace dans le passage de relais à de plus jeunes animateurs…
Colombes (92)
Un congrès studieux 22e congrès départemental des Hauts-de-Seine, les 5 et 6 septembre dernier. Une quarantaine de participants ont réfléchi sur le devenir de l’ARAC, la qualité du Réveil rénové, l’action de défense des droits, le travail de mémoire, plus spécialement concernant l’appellation gouvernementale dangereuse « mémoire partagée », la problématique de détecter de nouveaux animateurs et de leur confier des responsabilités. André Aspi (ancien de la IIe DB) a raconté avec émotion son récent voyage mémoire dans le Yorkshire et la remise de sa barrette du Souvenir, à l’occasion du 65e anniversaire du débarquement à Colleville, par le Président Obama.
Ruelle (16) Un « coup de pouce » du Crédit Mutuel apprécié Mercredi 16 décembre dernier, dans les locaux du siège de l’ARAC de Charente, Michel Roumagnac, président de la Caisse de la Madeleine du Crédit Mutuel, a remis au président de l’ARAC, Michel Lacroix, un chèque de 600 euros, pour l’achat d’un nouveau drapeau départemental. Jean-Pierre Colas, président délégué, nous signale que le drapeau datait de 1945. Bravo à notre comité pour son sens de l’initiative et merci au Crédit Mutuel pour son geste de solidarité avec le mouvement ACVG.
21e Congrès du Val-d’Oise Le Congrès s’est tenu le 3 octobre 2009 à Argenteuil. Extrait de la motion. « On le sait, l’histoire officielle ment monumentalement ! Quatre-vingt-dix ans sont passés depuis la fin de la Première Guerre mondiale et, malgré les travaux historiques considérables qu’elle a suscités, d’immenses champs d’horreur demeurent à explorer, notamment celui des fusillés pour l’exemple et, plus encore, celui des exécutions sommaires ! Pour justifier leur attitude et prendre le contre-pied de cette révolte naissante, les états-majors vont alors faire jouer les cours martiales, juger et condamner (dans une parodie de justice) de simples soldats et des sous-officiers essentiellement, ceci dans le seul but de créer la terreur en condamnant « pour l’exemple » ! Pour la seule armée française, ce fut ainsi 140 000 dossiers qui seront présentés devant la justice militaire entre 1914 et 1918, 2 500 soldats seront condamnés à mort, 550 seront passés par les armes ! Ces hommes étaient innocents, ce sont des morts inutiles et injustes, alors que cette terrible guerre en avait déjà tant et tant pourvus ! Ils sont morts dans
la dignité et sur leur famille, sur leurs pères et mères, leurs épouses, leurs enfants, leurs frères et sœurs, avec l’immense chagrin, s’est abattu l’opprobre, la honte ! Près d’un siècle après cette terrible guerre, il est temps aujourd’hui que justice soit rendue aux fusillés pour l’exemple (ainsi qu’aux victimes d’exécutions sommaires), qu’ils soient réhabilités, et rétablis dans leurs droits et leur dignité, comme l’ont déjà fait nos voisins britanniques il y a déjà plusieurs années. Et nous l’affirmons avec force et dignité, cette tâche ne peut être menée à bien que par les plus hautes autorités de l’État, et parmi elles, par le Président de la République lui-même. »
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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC
Les vœux du directeur du Village de l’Amitié Van Canh… « A l’occasion de la nouvelle année je présente aux membres du Comité français du Village de l’Amitié tous mes meilleurs vœux de bonheur et de prospérité pour 2010. Nous vous remercions beaucoup pour votre attachement profond à notre Comité. Selon le rapport du Comité Vietnam pour l’année 2009, nous avons reçu du Comité français : en avril, 5 000 euros ; en juillet, 2 000 euros ; en octobre, 2 500 euros ; en décembre, 4 000 euros, soit un total de 13 500 euros. Notre équipe adresse aux lecteurs du Réveil des Combattants ses vœux les meilleurs pour l’année 2010. » Dang Vu Dung Directeur du Village de l’Amitié au Vietnam Van Canh
Essonne sur mémoire A côté des traditionnelles commémorations du 11 Novembre dans les communes et en préfecture, toutes très suivies et, souvent, avec la participation d’enfants des écoles, l’ARAC de l’Essonne a organisé trois initiatives spécifiques dans le département. • A Saintry-sur-Seine, l’exposition de l’ARAC consacrée à la guerre de 19141918 a été présentée, la semaine durant, aux écoliers de la ville. Le 10 au soir, salle Corot, était projeté le film Pour l’exemple, suivi d’un débat portant sur les fusillés pour l’exemple. Chaque participant a reçu le dossier mémoire 14-18 du Réveil et un bulletin d’adhésion. • A Méréville, où existe un monument appelant à la paix, la Libre Pensée et l’ARAC ont déposé une gerbe, le 11 novembre après-midi, en dépit du refus grossier opposé par la municipalité d’autoriser ce geste de mémoire. • Au musée de la Résistance nationale
à Champigny (94), l’ARAC a organisé, le 14 novembre, une visite collective de 100 personnes, parmi lesquelles un groupe de jeunes étudiants de Villierssur-Orge, avec qui va s’ouvrir le dialogue dans le cadre de la préparation du 8 Mai et de la commémoration de la création du Conseil national de la Résistance (le 27 mai 1943), puis de la parution de son programme adopté le 15 mars 1944 et publié clandestinement, à partir du 24 mars, sous le titre Les jours heureux. Un succès à perfectionner et qui en appellera d’autres.
NOS PEINES décembre 2009 - janvier 2010 Le Réveil des Combattants adresse aux familles et aux amis de nos camarades décédés ses sincères condoléances. AISNE (02) Gauchy : Michel CHELAIN, 72 ans, AC ATM. ALLIER (03) Gannat : Georges TABARANT, 71 ans, AC ATM. Montluçon : Camille ROCHUT, 96 ans, AC 39-45. Saint-Germain-des-Fossés : Fernand PERICHON, AC 39-45. ARDECHE (07) Annonay : Guy BLANCHONNET, AC Indochine et ATM, président de la section. José HAYA, fils de républicain espagnol, AC 39-45 engagé à 17 ans. BOUCHES-DU-RHONE (13) Saint-Barnabé : Marcel COSSON, AC 39-45, Résistant. Saint-Chamas : Bernard BOGHOSSIAN, 71 ans, AC ATM, porte-drapeau de la section. Saint-Rémy : Silvio MINISCALCO, 82 ans, AC 39-45 et ATM.
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LE RÉVEIL - N° 758 - janvier 2010
CHARENTE (16) Fléac-Linars : Jacques MAZIERE, 78 ans, AC ATM. DORDOGNE (24) Bergerac : Joseph KERDRAMONT, AC ATM. Claude ORQUIEL, AC 39-45. Jean VENANCIE, AC 39-45. Chamiers : Gabriel PAPON, AC Indochine. Montrem : André REBIERE, 55 ans. Mussidan : Maurice DENOIS, 84 ans. Jean Marius RANOUIL, 84 ans. Périgueux : Edmond LESCURE, AC 39-45. Marc MELOT. Verteillac : Raoul CLERGAUD, AC 39-45. Alban CHEVALARIAS, AC 39-45. Villars : Roger PETIT, AC 39-45. GARD (30) Cévennes : Jean CUPISSOL, AC ATM. Alphonse MARTINEZ, 86 ans, AC 39-45. Mme Marguerite ROUSSEL, 89 ans, veuve. Nîmes : Gérard CAYZAC, 80 ans, ami.
HERAULT (34) Montpellier : Mme Paule TREBOSC, 98 ans, Déportée à Buchenwald, Médaille des Justes, Chevalier de la Légion d’Honneur. LOIRE-ATLANTIQUE (44) Sainte-Anne : Yves ARHAN. Michel CHEVALIER, AC ATM. Bernard HOSSEREL, AC ATM. Alexandre JODAR, AC Indochine. LOT-ET-GARONNE (47) Cocumont : Fernand BENABEN, AC 39-45. MOSELLE (57) Yutz : Mme Suzanne MULLER, 70 ans. PUY-DE-DOME (63) Issoire : Gustave THIOULOUSE, 73 ans, AC ATM. PYRENEES-ORIENTALES (66) Prades : Noël ASPE, 86 ans, AC 39-45.
SAVOIE (73) Chambéry : René FALQUET, AC 39-45. Jean SOUDARIN, AC 39-45. Montailleur : Jean-Baptiste MANZONI, AC ATM, président de la section. HAUTE-SAVOIE (74) Thonon-les-Bains : Jean-Léon BOUCHET, 90 ans, AC 39-45. Mme Marie-Angèle DELALEX, 98 ans, veuve. Mme FOURNIER, veuve. Henri GEORGES, 76 ans. Eugène PICOT, 76 ans, AC ATM. SEINE-Saint-DENIS (93) Les Pavillons-sous-Bois : Mme Madeleine FELIX, 75 ans. Neuilly-sur-Marne : Georges DE DUYVER, 76 ans, AC ATM, président de la section.
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VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL
e Congrès national de l’ARAC Gennevilliers (92) du 18 au 21 février 2010
Un rendez-vous attendu
Notre Congrès national va se tenir dans un climat de tensions exacerbées, une nouvelle décennie s’ouvre et, avec elle, des batailles cruciales pour l’avenir du pays : contre la mise en œuvre de la RGPP avec la restructuration des services de l’État, notamment en ce qui nous concerne avec la disparition de la DSPRS et ses effets néfastes sur nos institutions, la saignée de l’emploi public, la question des retraites… Tout cela s’est déjà traduit par le vide du budget ACVG 2010 adopté par le Parlement et la non-satisfaction des revendications du mouvement ancien combattant. Comment ne pas aussi mettre dans nos préoccupations, le problème de la réécriture inadmissible de l’histoire de la guerre d’Algérie par le secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, Hubert Falco, le 5 décembre dernier au quai Branly… en annonçant l’ouverture de la colonne centrale du Monument aux noms des victimes du 26 mars 1962. Une question se pose : sur quoi peut déboucher ce témoignage de l’affaissement républicain, en cette année du cinquantenaire
des indépendances des peuples… ? L’actualité internationale avec ses immenses tragédies comme celle que vit le peuple haïtien, la crise alimentaire mondiale, le « climat qui, s’il était une banque, vous l’auriez déjà sauvé » (Hugo Chavez à Copenhague), les guerres en Palestine ou en Afghanistan, le rôle renouvelé de l’ONU, le combat pour la paix, le combat pour la vie aujourd’hui, nourriront notre réflexion commune en vue d’engagements concrets de solidarité. Faisons grandir l’espoir que le droit devienne une arme citoyenne, aux mains de tous ceux qui entendent faire de la chose publique un vivier de victoires, de batailles progressistes dans lesquelles nous nous inscrivons depuis notre fondation en 1917. Raphaël Vahé
Jeudi 18 février
Vendredi 19 février
11h00 - Accueil des délégués 12h00 - Repas 14h00 - Ouverture du Congrès sous la présidence de Michel Bassot, Président de l’ARAC des Hauts-de-Seine • Minute de silence • Allocution de Jacques Bourgoin, maire de Gennevilliers, conseiller général des Hauts-de-Seine • Élection du bureau du Congrès • Présentation du Rapport moral d’activités par Claude Delevacq, secrétaire général • Présentation du rapport financier par Chantal Degraeve, trésorière nationale • Rapport de la Commission de contrôle financier par Christine Rolland, présidente de la Commission de contrôle financier 19h00 - Dîner 20h30 - Réunion de la Commission des candidatures sous la présidence de Raphaël Vahé, président national sortant
9h00 - Séance plénière - Défense du droit à réparation en 2010. La question de l’union, le devenir du mouvement ancien combattant. Quelles orientations de l’ARAC à venir ? 12h00 - Repas 14h00 - Séance plénière - Mémoire : quels enjeux ? 17h30 - Séance plénière - Le combat pour la paix, du « guerre à la guerre » à la culture de paix 19h30 - Dîner 20h30 - Séance plénière - élections du Conseil national et du Bureau national.
Samedi 20 février 9h00 - Séance plénière - L’action internationale de l’ARAC ; pour l’amitié, la solidarité, la coopération, l’antifascisme, la paix. Quelle conception de la politique internationale de la France ? 11h00 - Séance plénière - Le Réveil des combattants, un outil dynamique pour
informer et agir, dans une communication d’aujourd’hui. 13h00 - Déjeuner 14h00 - Séance plénière - Pour une ARAC d’aujourd’hui répondant aux besoins actuels 17h00 - Ravivage de la Flamme par l’ARAC 20h30 - Dîner
Dimanche 21 février 9h00 - Accueil des personnalités invitées et des porte-drapeaux, présentation de la nouvelle direction nationale élue - Allocution de Roland Muzeau, député des Hauts-de-Seine - Allocution de Jacques Goujat, président de l’UFAC - Allocution du directeur général de l’ONAC - Rapport de clôture du 54e Congrès 12h00 - Cérémonie patriotique 12h30 - Vin d’honneur 13h30 - Déjeuner de clôture.
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LE RÉVEIL magazine
Martha Desrumaux
Redécouvrir
une femme d’envergure Entretien avec Pierre Outteryck, auteur d’un ouvrage consacré à cette militante ouvrière. Martha Desrumaux, une femme du Nord, ouvrière, syndicasyndicaliste, déportée, féministe, de Pierre Outteryck. Geai Bleu Éditions - 166 avenue de Bretagne - 59000 Lille Tél. 03 20 73 01 03 - Mail : legeaibleu@orange.fr capitalisme. Le 7 juin 1936, lors de la signature des accords Matignon, Martha est la seule femme présente aux côtés de Léon Jouhaux et Benoît Frachon. Le Réveil : Vous venez de publier un ouvrage consacré à Martha Desrumaux intitulé Martha Desrumaux, une femme du Nord, ouvrière, syndicaliste, déportée, féministe. Qui était Martha Desrumaux ? Pierre Outteryck : Martha est aujourd’hui ignorée. Dans notre monde actuel, c’est logique, elle était à la fois ouvrière et femme. En 1906, Martha n’a que 9 ans, son père meurt tragiquement. Elle aurait dû être une de ces nombreuses Cosette. 40 ans plus tard, rescapée de l’enfer de Ravensbrück, elle est élue députée et reprend sa place de dirigeante syndicale. À la CGT dès 13 ans, elle pilote sa première grève, 7 ans plus tard. Toute sa vie fut marquée par la défense des revendications et des droits des femmes, la lutte contre le fascisme, et le combat pour la solidarité entre les peuples. Profondément communiste, Martha mène aussi le combat pour la transformation sociale. Dans les années 30, son rôle national est reconnu. Membre du Bureau politique du PCF et de la direction nationale de la CGTU puis de la CGT réunifiée, elle développe dès 1930 la stratégie du Rassemblement populaire, l’alliance de toutes les composantes de la classe ouvrière et des couches moyennes frappées par la crise du 30 -
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Le Réveil : Martha est ce que l’on appelle « une rassembleuse » ? Pierre Outteryck : Fondamentalement. Ainsi, elle s’inscrit dans la pensée de Jaurès. Le groupe ouvrier auquel elle adhère en 1912 se réfère à Jaurès, ce qui est rare sur les terres guesdistes du Nord. Pour elle, tout le monde a sa place dans le combat : les ouvriers qui peuvent voter et aussi tous ceux qui ne peuvent pas s’exprimer par le suffrage universel : jeunes, femmes, travailleurs immigrés, si nombreux dans notre région. Naturellement, elle n’oublie pas les sans travail et organisera dès 33 les marches de chômeurs entre Lille et Paris. Ainsi, cette pensée novatrice s’ins-
crit dans la conception révolutionnaire de l’identité nationale qui veut que la Nation soit l’expression du peuple. Le Réveil : Vous nous dites que Martha est une féministe. N’est-ce pas incompatible avec sa volonté de rassembler ? Pierre Outteryck : Au contraire ! Oui, Martha, toute sa vie, a eu à cœur de mettre au premier plan les revendications, la cause, la dignité des femmes et particulièrement celles des ouvrières du textile si exploitées, discriminées, humiliées par le capitalisme. Elle se bat aussi pour que les femmes aient toutes leurs places à la direction du mouvement social, des organisations politiques, syndicales ou associatives. Et elle n’avait pas sa langue dans sa poche. Elle sait inscrire ce combat singulier et spécifique dans le combat général pour l’émancipation des travailleurs.
Des hommes De Laurent Mauvignier Un roman qui nous replonge dans la guerre d’Algérie et dans la souffrance toujours présente de toutes les victimes de cette guerre. Dans le style des romanciers d’aujourd’hui, l’auteur nous introduit dans la souffrance intérieure des hommes et des femmes marqués à jamais par ce qu’ils ont vécu, par ce qu’ils ont perdu. Les soldats français, les harkis, les pieds noirs, les Algériens
combattants pour la liberté de leur peuple, les populations des Douars sont tous prisonniers des événements, sont tous des victimes qui, près de cinquante ans après, s’ils ont survécu, sont mutilés au plus profond d’eux-mêmes. Le roman est écrit à la première personne. Les dernières lignes pourraient être écrites par n’importe quel psychotraumatisé de la guerre d’Algérie ou de
VIEMagazine DE L’ARAC LE RÉVEIL
n’importe quelle guerre : « Je voudrais voir quelque chose qui n’existe pas et qu’on laisse vivre en soi, comme un rêve, un monde qui résonne et palpite, je voudrais, je ne sais pas, je n’ai jamais su, ce que je voulais, là, dans la voiture, seulement ne plus entendre le bruit des canons, ni les cris, ne plus savoir l’odeur d’un corps calciné ni l’odeur de la mort - je voudrais savoir si l’on peut commencer à vivre quand on sait que c’est trop tard. » Hélas, hier l’Algérie ! Aujourd’hui, l’Irak, l’Afghanistan, la Palestine, la Somalie, la Tchétchénie et tous les autres pays où on tue, où on viole, où on incendie, où on bombarde, où on torture ! Non ! Il n’est pas encore trop tard pour se battre pour la paix ! Mais demain ? Georges Doussin
Des hommes de Laurent Mauvignier, Les éditions de Minuit, 17,50 euros
Réponse du député François Asensi à l’
Appel de l’ARAC sur l’identité nationale C’est au nom des mêmes valeurs d’humanisme et de progrès social portées par l’ARAC que je m’associe à cet appel pour les valeurs républicaines et contre le débat sur l’identité nationale. A contre-sens de notre histoire, ce débat voulu par Nicolas Sarkozy est une négation de tout ce qui fait notre République. La République trouve ses racines dans la Révolution et dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Rappelons-le : la Iere République est celle qui accordait des droits civiques aux étrangers. Et combien d’étrangers, dans les tranchées de la Première Guerre mondiale et dans les camps des maquisards, ont versé leur sang pour cette République de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. A l’inverse, la brèche ouverte par le Président et Monsieur Eric Besson nous ramène plutôt à des heures sombres, dans ces temps où « étranger » signifiait « ennemi » et « anti-France ». C’est sur cet amalgame que repose le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale et c’est pour cela que j’ai appelé à
l’Assemblée nationale à la suppression de ce ministère. De partout, des responsables politiques de gauche et de droite, des artistes, des sportifs, des intellectuels, tout comme des milliers de citoyens dénoncent ce débat, sur le fond et dans sa forme. Une enquête d’opinion montre que ce sont en fait plus des 2/3 des Français qui en demandent la suspension. Ce débat n’est non seulement pas à la hauteur des urgences auxquelles notre pays doit faire face, chômage, inégalités sociales et territoriales, discriminations, mais pire encore il est un contre-feu utilisé pour masquer l’échec et les conséquences d’une politique qui détruit le modèle social né du Conseil national de la Résistance. Ce n’est donc pas l’identité nationale qui est à mettre en débat ce concept faux qui associe immigration à danger - mais la mise à mal de notre modèle républicain. Aucun républicain n’est dupe de la stratégie politicienne que contient le concept d’identité nationale. Par contre, tous les républicains sont conscients des dangers qu’il réveille.
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Ci-joint un chèque de 28 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants
Ci-joint un chèque de 100 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants janvier 2010 - N°758 - LE RÉVEIL
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appel de L’ARAC
Le Bureau national de l’ARAC - aux citoyennes et citoyens - le 4 décembre 2009
Pour que vivent les valeurs républicaines de la nation française
A
u nom des valeurs d’humanisme de justice sociale, de solidarité nationale, internationale et de paix que lui ont légué ses fondateurs, l’ARAC dénonce et condamne avec vigueur le concept d’identité nationale, perfidement choisi par le Président de la République. Ce qui est visé, ce sont les valeurs construites par des générations d’hommes et de femmes qui ont fait dans leurs diversités la richesse de notre nation. Ce débat, masquant les véritables enjeux du gouvernement sur la population immigrée, rappelle des moments sombres de notre histoire que nous avons payé chèrement. Avec l’objectif d’aligner la France et l’Europe sur la mondialisation capitaliste, cette opération procède de l’entreprise de démolition actuelle du modèle social français. Elle ne concerne donc pas seulement le monde combattant, mais l’ensemble de la société française. Ce discours pétainiste au relent nationaliste ne vient pas par hasard, mais à l’occasion des élections régionales où la droite sarkozyste a l’ambition de reconquérir la gestion de régions. A terme, elle vise aussi à faire accepter par les Français une pensée unique et un monde capitaliste sous la loi du plus fort. L’ARAC n’a pas la naïveté de penser que ce débat va améliorer la défense des valeurs de la République, de la transformation sociale et de la paix dans le monde. Au contraire, le gouvernement est en train de détruire les services publics, le système de santé, l’éducation, l’emploi, les droits économiques et sociaux, les programmes de recherche, les droits des anciens combattants et victimes de guerre. Il poursuit sa politique de mise en concurrence des salariés et des peuples entre eux. Le peuple de France souffre. Le MEDEF en veut toujours plus, les riches deviennent de plus en plus riches et l’immense majorité des Français est accablée. L’identité de la France résulte des luttes sociales et politiques comme l’illustrent la Révolution française, la Commune de Paris, le Front populaire, et le programme du Conseil national de la Résistance et de l’instau-
ration d’une République fondée sur les principes de Liberté-Égalité-Fraternité, sur celle de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. L’Histoire de la France et de son peuple s’est forgée dans l’accueil de tous ceux qui sont venus au cours des siècles, apportant la diversité de leurs cultures, de leurs connaissances, de leurs expériences. La France est riche de sa diversité et de sa capacité d’accueil. Le chauvinisme, lui, est dangereux parce qu’il conduit à la xénophobie, au racisme, aux discriminations. Aujourd’hui, les progrès scientifiques et techniques, les enjeux des problèmes planétaires placent les citoyens (dont les adhérentes et adhérents de l’ARAC) dans le cheminement des luttes et des combats menés, qu’il importe de poursuivre avec détermination pour plus de démocratie, plus de liberté, plus de progrès humain dans le respect de l’autre, des valeurs du vivre-ensemble républicain et d’une laïcité partagée par la confiance et dans le respect mutuel. C’est dans ce contexte et compte tenu de ces enjeux que l’ARAC estime le moment venu de jeter les bases de l’élaboration d’un projet de VIe République fondée sur la citoyenneté et d’en finir avec la Constitution de 1958 et ses modifications successives. « Les Nations sont entre elles dans l’ordre politique ce que sont les individus dans l’ordre social : leurs droits respectifs qu’un peuple ne saurait perdre quand l’occasion lui en est offert sont inviolables. La loi naturelle veut qu’on respecte ces droits, qu’on aide même naturellement à les défendre. Que l’honneur national, que la générosité française soient pour tous les peuples de la Terre les garanties certaines que vous leur devez ou que vous voulez leur rendre. » (Lazare Carnot - 1793). L’ARAC appelle toutes les forces républicaines à s’engager dans un véritable débat public pour mettre la politique actuelle du gouvernement en échec et aller de l’avant.