— Numéro quatre —
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Le Dévaloir selon Ptolémée Situé entre Pégase et Cassiopée, Le dévaloir est l’une des 48 constellations identifiées par Ptolémée, astronome et scientifique grec ayant habité en Egypte au IIe siècle. Visible principalement dans l’hémisphère nord du globe terrestre, il est traversé par le soleil durant trois mois de l’année, de novembre à janvier. Il se compose de 8 étoiles, qui, reliées entre elles, forment un parallélépipède rectangle. Le Dévaloir est, avec la balance, l’un des deux seuls signes du Zodiaque à ne pas représenter un être vivant. En effet, il fut des siècles durant le symbole de la pierre taillée ou encore de la gravure comme allégorie de la parole du peuple par la création. Au fil des âges et des cultures, sa définition se transforma peu à peu, devenant tour à tour le symbole du papyrus, de l’almanach, et depuis un peu plus d’un siècle, la représentation stellaire du fanzine. Une des étoiles qui compose le Dévaloir, Portfolio, est un astre remarquable de par sa brillance spectaculaire. On dit de lui qu’il est formé de milliards de particules colorées dont les agrégats ont des aspects magnifiques. À cette période de l’année, on peut observer d’immenses masses extraterrestres qui viennent s’y écraser. Deux d’entre elles, découvertes il y a peu, sont particulièrement étonnantes. Il s’agit premièrement de Terry, un astéroïde dont la roche est presque entièrement constituée d’encre, laissant derrière lui des trainées noires sur la voûte céleste. La deuxième, Elsa, quant à elle, est une comète de nature plus légère, sa surface est entourée d’un gaz blanc qui l’enveloppe et se propage comme un voile volatile. Ptolémée a usé beaucoup d’encre à propos de cette constellation. On le traita souvent de fou, d’ailleurs, lorsqu’il venait à dire qu’il pouvait rester couché dans l’herbe des nuits entières à contempler le ciel et qu’il voyait se dessiner dans le Dévaloir d’étranges formes. Certains dirent qu’il tint même un carnet dans lequel il croquait rigoureusement des centaines de dessins et de symboles observés durant ces nuits de frénésie. Malheureusement, il ne fut jamais retrouvé. Approchant l’apogée de notre ère, aux portes d’une ère nouvelle, d’un alignement planétaire sans précédent, signifiant peut-être la fin de tout, le début de rien, il est plus que jamais temps de rendre hommage à un homme qui mit de la poésie dans les étoiles. Celui qui pouvait lire le ciel comme un livre ouvert, celui qui mit le fanzine au même rang que les plus grands astres. Il est temps aujourd’hui de s’allonger dans l’herbe, le Dévaloir n°4 entre les mains, bras tendus vers l’adversité, et de se laisser porter par les formes qui se mettent à danser devant vos yeux.
Laura Morales Novembre 2012
Cosmos n.m. 1. L'Univers et ses lois, ou, plus généralement, tout univers, réel ou issu d'une conception scientifique ou fantastique. 2. Espace intersidéral : La fusée est allée se perdre dans le cosmos. Dévaloir n.m. Suisse.
Ressac n.m.
1. Couloir dans les forêts de montagne, servant à faire descendre les billes de bois. SYN. : châble 2. Le Dévaloir est un fanzine lausannois d’une cinquantaine de pages de friandises oculaires, dont des portfolios d’artistes suisses, des illustrations à la pèle, une bande dessinée, une interview, des chroniques, beaucoup d’amour, un peu d’humour, le tout est GRATUIT et n’attend qu’une seule chose : se retrouver chez vous !
1. Agitation de la surface marine, résultant de l’interférence de la houle et de sa réflexion contre une côte ou contre les obstacles qu’elle rencontre. SYN. : vague 2. Le Dévaloir est édité par l’association Ressac. Cette association a été créée le 19 février 2012 par Anaëlle Clot, Laura Morales et Vanessa Besson. Elle a pour but de promouvoir les artistes suisses par le biais notamment de publications et d’événements mais également de démocratiser différents moyens d’expressions artistiques en les rendant accessibles au plus grand nombre.
Site : www.ledevaloir.ch Blog : www.ledevaloir-blog.tumblr.com Facebook : www.facebook.com / ledevaloir
N°4 LE COSMOS
Couverture Anaëlle Clot
5
Giliane Cachin
42 André André
www.gilianecachin.tumblr.com
www.ripopee.net
6 BlackYard www.blackyard.ch
7
Selim Cherif
www.dribbble.com / selimcherif
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Carte blanche
Laurent Cheval
10 Inso Mundo
43 Laura Morales 44 Pauline Clerc 45 Barbara Cardinale www.barbaracardinale.ch
46 Portrait N°4
Illustration Laura Morales
www.flickr.com / photos / insomundo
47 Chien N°4
11 Vanessa Besson
48 Objet N°4
12 For Noise Festival
Texte et photographies Laura Morales
18 BD Half bob www.blogs.lesinrocks.com / gimmeindierock
20 Anaëlle Clot www.anaelleclot.ch
22 Portfolio Terry Fernandez www.lachocolaterie.li
36 Portfolio Elsa Guillet www.elsaguillet.com
Illustration Laura Morales
Texte Vanessa Besson
49 Recette N°4
Illustration Anaëlle Clot
50 Manuela Soto 51 Saïnath Bovay 52 Simon Rouiller 52 Distribution et soutiens
Le site du For Noise
Le Dévaloir est allé poser sa soucoupe volante sur le terrain du Pully For Noise, cet été, sur la planète terre. Des années lumières après cet événement, voici notre compte rendu. Si vous y étiez, ça ravivera de vieux souvenirs de quand vous étiez encore jeunes et insouciants (oui, c’était il y a 3 mois), pour les autres, vous pourrez vous faire une idée de ce que c’était, le bon vieux temps, celui de l’insouciance de l’été. C’est loin. Récit En sortant de mon vaisseau, j’ai dû arborer ma fière pèlerine intergalactique parce que sur terre, le temps n’était pas des plus cléments. J’en venais presque à regretter ma lointaine planète appelée Maison. Mais cette première frustration est oubliée après avoir ingurgité quelques litres d’un breuvage terrien composé de malt fermenté. Mais bon, je n’étais pas là pour le malt fermenté, ni pour les sandwichs au poulet sauce satay, d’ailleurs. J’étais là pour la musique ! La musique ! Et de ce côté-ci, on a été plutôt bien servi, presque aussi bien que pour le ma … enfin vous avez compris. Évitons de s’étaler trop longtemps sur les concerts qui n’ont pas su draguer mes oreilles, tels que par exemple Of Montréal, Digitalism, dEUS ou encore Infadels. Voici plutôt une sélection des quelques meilleures prestations !
Zachary Cole Smith Fraicheur d’outre-Atlantique Dans la petite salle à moitié vide du DeMOVIE SALON, je découvre le nouveau projet de Zachary Cole Smith, jeune blondinet à la coupe au bol, et accessoirement guitariste de Beach Fossils. DIIV est un groupe fraîchement débarqué de Brooklyn, avec tout ce que ça implique de style et d’influences. Je suis instantanément séduite par cette énergie grunge que dégage le quartet juvénile. Enchaînant les morceaux avec détermination, j’ai le sourire croché, les chevilles qui se détachent du sol au rythme effréné de la basse. On en oublierait presque les lois de l’attraction terrestre. La voix monotone et distordue de Zach est portée par des mélodies accrocheuses. C’est frais et sale. Labellisé dreampop ou encore shoegaze — les deux termes les plus utilisés dans le monde de la musique actuelle — ce groupe fait un peu partie de la nouvelle vague de ceux qui 1) n’ont pas réinventé la musique 2) reforment de nouveaux projets qui sonnent plus ou moins tout à fait pareils que leurs anciens. (cf. Deerhunter et Lotus Plaza pour ne citer qu’eux). Ok, mais pardis, qu’est-ce qu’ils sonnent bien ! Groupe à suivre !
Nick Porshe La découverte suisse Je débarque un peu à l’arrache dans la salle Abraxas, mon appareil au poing, le concert déjà entamé, je me faufile entre le peu de gens présents. Les corps oscillent déjà langoureusement. La salle vibre aux sons pop-folk, lo-fi de cette batterie dénudée, de ce banjo, de cet homme assis sur son tabouret, imperturbable, frottant son güiro (sorte de percussion-racloir) et puis Nick Porsche, là, saupoudrant cette recette déjà parfaite d’une voix soul exquise accompagné de sa guitare. La classe d’un Jeff Buckley. Par son univers très particulier, rythmé et envoûtant, teinté de sonorités lointaines, il nous transporte l’âme — il faut dire qu’il en sait quelque chose, des transports, Nick Porsche est déménageur de métier. C’est un concert comme on aimerait en voir plus, de ceux qui nous invitent vers de nouveaux horizons plus rarement exploités. Des compositions sincères et captivantes.
Kevin Garcia Il pleut des étoiles filantes N’ayant découvert cette perle musicale il y a deux ans seulement, je ne pouvais me permettre des répliques telles que « oh ce que je me réjouis de les revoir, quel bonheur qu’ils se soient reformés ! ». Non, je ne les ai jamais vus, mais oui, en effet, quel bonheur qu’ils se soient reformés. C’était donc une première pour moi. Et quelle première ! J’avais l’impression que la stratosphère s’était refroidie de quelques dizaines de degrés quand le concert a commencé, tellement je frissonnais. Jason Lytle et ses acolytles (ça, c’est pour la rime) n’auront certainement trahi personne ce soir-là, avec leur indie-pop-rock atmosphérique. Porté par la voix plaintive de Jason, une ambiance mélancolique s’est emparée de l’endroit. Les gouttelettes de pluie accompagnaient ce paysage sonore avec grâce. Ils nous ont offert leurs plus grands morceaux, tels que The Crystal Lake, A.M. 180, ou encore Summer Here Kids. Et pour terminer cette majestueuse prestation en beauté, ils finissent leur set par un Encore des plus attendus : le morceau He’s Simple, He’s Dumb, He’s the Pilot lancé par la voix suave du bassiste Kevin Garcia : « are you ready ? 1, 2, 3, 4 … » et là, on peut dire que le décollage était réussi.
G.L.O.R.I.A, gloire à Patti L’assemblée silencieuse attend la prêtresse, devant la grande scène en ce samedi pluvieux. Vêtue, telle une hobo New-Yorkaise, d’une veste trop large, de ses gants troués pour laisser sortir ses doigts, un bonnet posté sur sa longue chevelure, Patti fait son apparition, un sourire radieux au visage. « Sur le chemin du festival, tout à l’heure, je me suis dit « mais c’est quoi cet endroit paumé ? Y aura personne à ce concert ! » Mais vous êtes tous là, merci, je suis rassurée ! Bonjour ! ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que Patti n’a rien perdu de sa fougue d’antan, sans demander son reste, elle nous livre un show sincère et touchant. Elle chante, crie, crache, s’arrête pour rire, puis pour saluer l’audience avec allégresse. L’émotion est déjà à son comble lorsqu’elle entonne Jesus died for somebody sins, but not mine. Une vague électrique s’empare du public qui s’apprête à chanter en cœur GLORIA, comme un hymne religieux. Mais pour moi, ce sera Dancing Barefoot qui me mettra la larme à l’œil et me restera en tête des semaines après le festival. Entre deux morceaux, entre deux éclats de rire, elle nous fait part de son engagement pour les Pussy Riots, le poing levé, acclamée par la foule, elle crie « Let People pray the way they fuckin’ wanna pray », sa voix porte tant que je me dis qu’on a du l’entendre loin à la ronde, dans la galaxie. En tout cas, en quittant la terre, avec ma soucoupe, j’ai entendu longtemps les échos de ce festival. L’année prochaine, pour sûr, je reviens et j’invite mes amis plutoniens, il paraît qu’ils s’embêtent un poil sur leur petite planète de glace et d’eau. Laura Morales
Terry Fernandez Lorsque j'ai démarré ce travail je ne savais pas vraiment vers quoi j'allais, (et tant mieux ! ) j'avais juste envie de travailler avec du noir dense et profond, du noir de fumée … J’ai choisi de laisser faire la matière, de ne pas l’orienter pour qu'elle s'organise d'elle-même et voir ce qui allait en sortir. J'ai rapidement été saisi par le vocabulaire, ou plutôt, le verbe graphique qui tentait de s'exprimer. Le noir de fumée, en se morcelant, se fragmentant, a imposé son propre langage, j'en étais simplement témoin. Je n'ai rien fait dans ce travail, seulement mettre en relation des éléments et laisser faire Dame Nature … Durant ces explorations je suis tombé sur un ouvrage présentant des vues de la terre par satellite. Parmi celles-ci, l'Antarctique, et là ce fut l'émerveillement !
Ces énormes plaques de glace s'agençaient et s'organisaient selon la même trame que mes estampes au noir de fumée … l'organisation de la matière était identique, que l'unité de mesure soit en millimètre ou en kilomètre … Ceci rejoint la loi de l'analogie que les Anciens utilisaient pour comprendre le monde et l'univers, elle leur a permis de connaître l'inconnu en partant du connu, de réaliser enfin que tout est lié et que tout est une seule et même chose, la différence étant liée à la forme et au mouvement … Pour continuer le voyage à une autre échelle, rendez-vous sur Google Map et introduisez les coordonnée GPS suivantes : - 76.980111 165.812532 Bonne découverte …
Cosmos Dans cette série en cours, Elsa Guillet met en scène et photographie des personnages, des objets ainsi que des lieux afin d'explorer le rapport entre son imaginaire et le réel. De cette relation entre ces deux mondes, naissent des images à la beauté froide, aux couleurs pastel et à la composition graphique. Interview d'une jeune photographe au talent prometteur ...
Elsa Guillet Comment est né ton intérêt pour la photographie ? À la base je voulais apprendre un métier dans lequel je pourrais m’exprimer et apporter ma propre vision. Je me suis présentée dans différentes écoles d’arts, j’ai été prise au Cepv (école d'arts appliqués de Vevey) pour la formation de photographe en quatre ans. Il m’a fallu un temps d’adaptation avant de m’investir pleinement dans la photo, mais aujourd’hui je suis déterminée à réussir dans ce domaine. Quel fut le point de départ de la série Cosmos ? Quand j’ai commencé cette série, j’avais l’envie de construire moi-même les éléments présents dans les images. C’était vraiment l’idée d’explorer quelque chose de différent de ce que j’avais pu faire précédemment. Ces images donnent une impression de vide, d'instants suspendus. Est-ce cela que tu as essayé de souligner ? Oui, surtout la sensation de vide. Cette série parle de la relation entre mes pensées et la réalité. On ne peux pas saisir de temporalité ni de lieu dans ces images. Comme si elles ne pouvaient exister ailleurs que dans mon imagination. Tu travailles très souvent en studio. Pourquoi ce choix ? Ce n’est pas tellement un choix, c’est surtout que je m’y sens bien. Je peux maîtriser la lumière comme je le souhaite et surtout j’aime décontextualiser les choses et le studio s’y prête bien. J’ai de la facilité à travailler en studio mais à l’avenir je voudrais me risquer à explorer des thèmes plus proches du réel, en extérieur. Quelles sont tes influences ? J’adore le travail de Grégoire Alexandre, sa créativité et son renouvellement m’impressionnent. Dans un style un peu plus connu, je suis très admirative d’Annie Leibovitz pour son travail de portrait. J’adore la manière dont elle parle du métier de photographe. J’ai regardé beaucoup de making-of pour essayer de comprendre comment elle compose sa lumière. Comment se passent tes débuts en tant que jeune photographe professionnelle? J’ai obtenu mon CFC de photographe cet été et j’ai commencé la formation supérieure, toujours au cepv, à la rentrée. Je me laisse encore du temps avant de commencer à travailler à mon compte, je n’ai que 20 ans, je ne voudrais pas aller trop vite ! J’ai l’impression d’avoir encore beaucoup de choses à expérimenter et j’aimerais trouver une vraie signature photographique avant de me lancer. À côté des cours je continue à faire des collaborations avec de jeunes créateurs et des projets photo avec une amie photographe.
Vanessa Besson
Le Dévaloir est disponible dans les lieux suivants :
Rue du Maupas 4 Lausanne
Rue de Bourg 51 Lausanne
Escalier du Grand-Pont 5 Lausanne DELICIEUX STREET STORE
Escaliers du Grand-Pont 5 / Lausanne
Place de l'Europe 1A Lausanne
Place de la Riponne 6 Lausanne
Rue Centrale 16 Lausanne
www.delicieux.co
Rue du Four 7 Yverdon-les-Bains
Route Neuve 7 Fribourg
Avenue des Sports 5B Yverdon-les-Bains
Avec le soutien du fonds SPJ pour les projets de jeunes
Cheneau-de-Bourg 4 Lausanne
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