LE
RAFFITI
Janvier 2019
Votre équipe éditoriale 2018-2019 Rédacteur en chef : Gardiner Zhang Correcteur : Farouk Benadada Directrice de l’information : Dilara Bhuiyan Directrice financière : Fatima Gharsallah Conseiller du Graffiti : Carl Perrault Mise en page : Anda Gaita Page couverture : Julien Perreault-Roberge
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Table des matières Mot du rédacteur en chef Être nostalgique, c’est chic. Coin des poètes anonymes Une flamme Comment maximiser sa misère Elle qui tombe d’inanition Sinistra Printemps paradoxal 1730000 La quille Alexandria Ocasio-Cortez : véritable menace pour les Républicains ou simple mirage démocrate? Et toi, qui t’influence? Les grandes conférences Article sur Rupi Kaur Das Rheingold Correction de Fables de Lafontaine Entrevue avec Kelan Wu
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Mot du rédacteur en chef Il n’est pas faux dire que nous vivons dans un monde intemporel. La répétition de l’histoire dans notre entourage en est la preuve : le stress de voir sa cote R recalculée, les applications à l’université, l’excitation qu’on a lorsqu’on revoit nos amis après de belles vacances d’hiver, la morne face qu’on fait lorsqu’on réalise qu’on a des cours à 8 :30 du matin… la vie n’est qu’un cycle dont on décide les évènements qui se reproduisent. Nous voulons d’abord présenter nos excuses pour le délai de parution de cette édition. L’équipe du Graffiti est après tout composée d’étudiants, et nous sommes tous assujettis à l’accablante charge de travail cégépienne. L’intemporalité de notre nature à tendre vers la procrastination nous habite depuis toujours. Ne vous inquiétez pas, chers lecteurs, nous vous promettons que nous combattrons la machine infernale du temps et que nous publierons plus assidument avec du contenu de qua-li-té. Parlant de qualité, nous aimerions remercier tous ceux et celles qui nous ont envoyé leurs créations toutes plus originales les unes que les autres. Il ne faut pas oublier que le Graffiti est le journal étudiant conçu pour les étudiants, mais, surtout, par les étudiants. Votre participation est primordiale! En espérant que vos bons moments cette session vous resteront intemporels. Bon début de session et bonne lecture de la part de toute l’équipe! Votre rédacteur en chef,
Gardiner Zhang
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Être nostalgique, c’est chic. Par Mélodie Achodian Levez votre regard et regardez le monde assis autour de vous dans la Grande salle. Allez dans une boutique de vêtements et faites un petit tour ou bien défilez simplement sur votre «feed» Instagram. Ne remarquez-vous pas quelque chose? Être entouré de jupes et de pantalons à carreaux, de vieux T-shirts avec des imprimés des Rolling Stones ou de Led Zeppelin, de photos prises par l’application HUJI, tout cela ne vous téléporte pas vers une autre époque? Avec le retour des Spice Girls et des Backstreet Boys, des diners colorés des années 50, des cafés excentriques et uniques où flotte la douce voix de Freddie Mercury sur le tourne-disque et des vêtements autrefois portés par nos parents, on ne vit plus dans la bonne décennie! La mode semble constamment être tournée vers le passé. Année après année c’est un nouveau style, un nouvel objet, une nouvelle tendance qui refait son apparition après avoir été pendant tant d’années classé comme démodé. D’où provient ce désir de fouiller dans les archives et pourquoi le présent ne nous satisfait plus? Que nous apporte le passé que le présent et le futur ne peuvent pas nous offrir? Eh bien, ce sont des souvenirs. En regardant en arrière, on se retrouve devant une époque où la vie, notre vie, était beaucoup plus simple. Loin sont les jours où visionner des films sur cassettes VHS, souffler sur les disques pour les dépoussiérer et jouer à des jeux de société faisaient partie de notre quotidien. C’est cette époque où il faisait bon était vivre qui nous inspire, que ça soit dans le monde de la mode, de l’immobilier ou de la restauration. On ne se tourne pas vers le passé par manque d’inspiration, on y retourne par quête du bonheur enfui. Le passé a un charme : on veut y retourner même si ce n’était pas celui où on a vécu. Il n’est pas incertain comme le futur et troublant comme le présent ; il est rassurant. Être nostalgique n’est pas seulement chic, c’est réconfortant aussi.
Votre Coop Brébeuf Fière commanditaire du Graffiti
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Coin des poètes anonymes Léthé Anonyme
nambule m o s le ê r f le tel un gouffre u d d r Je déambu o b u ambule a vestibule e t s a v Tel un fun u d si proche ffre Je me sens ulé, je sou e s s e , t e , t De la mor ne s d’autom le il u e f s le e nne comm o s is r f e de moi r je a p t E m ’e s t vent froid qui sonnen s e h c Quand le lo c s oi loin, de de mon ém Perdues au e u q li o c n éla Souvenir m e lle une lam e t t n a s s le b l’âme, me Frisson de on triste avenir e me réclam em d é s e s é a p id l’ x u À o ent, mon d m le b a souvenirs s s s la in a In v s e c uoi tous Ah! Pourq
Sans titre Sans doute sauras-tu plu s tard qui tu Et tu réagira m’es s, peut-être. N’importe v raiment, De toute faç on. Nie-moi la c hance de t’a imer Un jour Davantage. Enlève-toi d onc de cette place que tu Sentir que tu as volé. existes m’es t beaucoup trop agréab le. -Anonymouss e 6
Une flamme Par Nicolas Kamran
Mélancolie, mort délicate. La souffrance devient périlleuse lorsqu’elle s’adoucit, une douleur endormie ravage les profondeurs de l’âme sans même qu’on en prenne conscience. Éperdument, le cœur se désarme et laisse s’infiltrer les pensées les plus révoltantes. La noirceur dans l’être d’un homme gai est le plus épouvantable des accablements. Les larmes qui ne sont pas versées coulent toutes vers l’intérieur et ruissellent dans l’abîme, elles se dissimulent et se perdent sans pleinement s’anéantir. Ces gouttes ne se volatilisent pas, elles se pétrifient et s’enfoncent pour s’éterniser dans le creux de sa conscience ; la lave qui coule et se condense est plus dévastatrice que l’explosion. Rares sont ceux qui se lamentent sur les enfants figés de Pompéi, nombreux sont ceux qui admirent de loin le spectacle de l’éruption. Mieux vaut sourire que de laisser paraître sa tristesse ; on me l’a dit souvent, celle-là. Je suppose que la douleur qui ne fait aucun bruit est celle qui provoque les pires pensées, même si elle suscite le moins d’attention. Je ne pense pas être assez triste pour vouloir mourir, mais pas assez heureux pour vouloir vivre. Il fait nuit dans mon âme, une absence de regards : une amie parfaite pour mon chagrin. Il existe une certaine frayeur qui m’épouvante parfois, ce n’est pas un gémissement, mais plutôt un long soupir. Des questions qui agissent comme des frissons, qui flottent docilement dans mon esprit et glacent ma conscience. Qu’est-ce qui est important à mes yeux ? Je ne sais plus. Jadis, je sentais l’obligation de changer le monde, de laisser l’empreinte de ma personne sur la surface de la planète bleue. Ambitions éphémères. Comment changer ce vaste monde si je me désole à effectuer la moindre modification à mon propre caractère insignifiant ? Si je disparais d’ici, si je m’efface complètement, quels seraient les exclamations à mon sujet ? Oublierait-on mes lacunes, mes pires instants ? Assurément, la tragédie éteint les faiblesses de la victime ; je serais comme un ange que Dieu ait reconduit vers le jardin d’éden. Serait-il alors temps que je me soustraie à cette existence ? Plénitude de questions, insuffisance de réponses. Bientôt, ma vie sera le passé lointain.
Je désire qu’on ôte tous les miroirs de ma demeure. Il m’est évident que la physionomie de l’individu révèle souvent le portrait de son esprit, alors je préfère ne pas m’observer ; je préfère faire semblant que tout va bien, que je suis toujours ce vieux monsieur si agréable et enchanteur. Je ne veux pas voir que je suis seul, je ne veux pas sentir qu’elle n’y est plus. Je ne crois plus en la qualité éphémère de l’existence. Le sentiment de vide qui accompagne la mort de celui qu’on aime rend égaux tous les êtres humains, sans exception. Pour la première fois en plus de quarante-cinq ans, je me suis réveillé tout seul dans mon lit. Longuement, j’ai contemplé l’espace abandonné où se reposait doucement autrefois l’amour de ma vie. Je saisis toujours le contour que traçait son corps sur le matelas. Délicatement, je pose ma tête sur son oreiller, je veux me rapprocher d’elle encore une fois. Alors que mes paupières se ferment, je laisse la chaleur de sa présence m’enivrer l’esprit, même si celleci arrive du monde de l’inconnu. L’odeur de ses cheveux qui s’est infiltrée dans les tissus du lit remonte dans mes narines comme elle l’a fait d’innombrables fois dans le passé et me transporte dans un état qui dépasse les bornes de la réalité. Je perçois les traces de sa figure si élégante et gracieuse et j’admire l’harmonie de ses traits. Les images de son regard angélique qui sait adoucir les caractères les plus rigides, son sourire ravissant qui par son éclat illumine les pensées les plus sombres, les douces formes que j’ai serré contre moi dans les maintes nuits interminables de l’hiver percent mon être. J’entends la douce mélodie de sa voix, un son calme et rassurant qui flotte éternellement dans mes rêves et qui guide chacun de mes pas. Le sentiment de l’infini pénètre dans mon âme, je sens l’immortalité de chaque instant, la pérennité de chaque vie. Je sens qu’elle m’appelle, qu’elle m’attend impatiemment. Je veux la rejoindre. Le goût salé d’une larme se rend à ma bouche et m’arrache de mon état second. Je suis seul, les yeux mouillés, le sourire doux-amer aux lèvres. Les vibrations de mon cellulaire retentissent sans interruption dans l’environnement stérile de mon appartement, je vois l’image de ma fille apparaître sur mon écran. J’aperçois son regard, son sourire, j’entends sa voix ; je comprends que dans ses yeux la flamme de la vie de ma femme brûlera pour toujours. 7
Comment maximiser sa misère Une production ironique d’un étudiant cynique
À l’abordage ! Le cégep est entamé depuis quelque temps et les émotions sont mixtes. On peut se réjouir de sa cote R ou pleurer pour le reste de la session. En ces temps difficiles, soyons utilitaristes : le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Cependant, vu qu’on souffre déjà pas mal, pourquoi ne pas continuer sur cette lancée? Sur ce, chers lecteurs, voici comment s’administrer la plus grande misère puisque le cégep, ce n’est pas assez! Imagine un océan de tristesse où tu es capitaine d’un navire.Ton but est d’essayer de trouver une île de bonheur parmi ces eaux noires. Mais puisque ton but est de maximiser ta misère, voici sept conseils dont au moins un que tu fais déjà sans le savoir, qui te garantiront la pire vie que tu n’as jamais vécue car, contrairement au bonheur, la misère est extrêmement facile à réaliser.
#1 Inaction
Tu veux être triste ? Ne bouge pas ! Essaye de rester chez toi le plus possible, de ne pas sortir pour prendre de l’air, pour aucune raison que ce soit. Préférablement, reste dans la même pièce de la maison le plus possible (par exemple, ta chambre). Sois l’équivalent humain d’une pile de linge sale : immobile, ne servant à rien et s’accumulant de crasse avec le temps. Transforme ta chambre en un tout-inclus: mange, dors, joue et gaspille ta vie dans cette même pièce tout en évitant d’aller explorer d’autres endroits de la maison. Bien sûr, ton cerveau se mettra à chercher des sources de motivation. Pour empêcher cela d’arriver, ferme les rideaux, ne fais surtout pas d’exercice et commande ta bouffe avec Uber Eats au lieu de cuisiner. Au bout de quelque temps, tu devrais tomber malade de ce mode de vie, ce qui enclenchera un cercle vicieux d’inactivité.
#2 «Vagg» sur le sommeil
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Si tu es le capitaine du navire, l’insomnie sera ton amiral dans cette aventure. Un cycle circadien irrégulier sèmera la confusion dans les lobes productifs de ton cerveau qui tentera, en vain, de te guider vers le droit chemin. N’oublie surtout pas qu’un cycle de sommeil régulier prend environ 3 jours pour s’établir et est hyper fragile. Commence par te coucher de plus en plus tard et par te lever de plus en plus tard jusqu’à ce que tu deviennes un animal nocturne. Tu assisteras à l’aube et au crépuscule et te réveilleras avec une superbe migraine. Pour jeter de l’huile sur le feu, essaye aussi de te lever à des heures différentes pour semer encore plus de confusion dans ton cerveau. Dans les circonstances optimales, tu devrais te sentir comme la pire créature sur Terre et tu devrais songer à renoncer à l’optimisme, ce qui nous amène au point suivant : le temps d’écran.
#3 Vive les écrans !
T’inquiète ! Tu peux être encore plus misérable ! Il suffit d’avoir quelque chose d’indispensable en 2018 à Brébeuf (à moins que tu vives dans le néant) : un cellulaire. En fait, une télévision ou un ordinateur peut agir comme substitut au cellulaire. Laisse la lumière bleue des écrans détruire tes yeux (les myopes/hypermétropes on s’en fout car « tu sais déjà ») et tes niveaux précieux de mélatonine. Le but ultime à atteindre est de toujours lutter contre le sommeil en regardant un écran et de toujours s’endormir avec un écran dans les mains devant toi. Au réveil, ne pense même pas à être productif, mais recommence plutôt à regarder ton écran. Un écran t’empêchera de voir ce qui peut être positif autour de toi, peu importe à quelle distance il se trouve. Une chose à retenir : garder les yeux rivés sur l’écran en tout temps !
#5 « Vagg » sur les objectifs
On sait tous que le bonheur est partiellement atteint en réalisant et en atteignant ses objectifs personnels. Pour qu’un but soit transformé en source de bonheur, il faut qu’il soit SMART :
Mais, au contraire, la misère est atteinte plutôt avec des buts VAPID
#4 « Vagg » sur la vie sociale
Tout en restant constamment accroché à ton écran, évite toute interaction avec les autres êtres humains. Néglige et ignore tes amis qui pourraient essayer de te remonter le moral avec quelques mots. Laisse-toi aller dans les mondes virtuels et fictifs. Vide-toi de tes émotions à regarder les nombreuses séries et émissions qui existent. Tu peux soulager ta colère dans un film de guerre par exemple, ou simuler une vie sociale en regardant l’émission que moi, personnellement, je trouve la plus inutile au monde : les Kardashian. Plonge tête première dans tes illusions et réjouis-toi des choses sur lesquelles tu n’as aucun contrôle. Chiale sur les évènements, mais n’essaye pas d’intervenir concrètement. Ce qu’il faut se rappeler : laisser aller ta misère, nourrir ton désespoir.
Spécifique Mesurable Actionnable Responsable Temps raisonnable
Vague Amorphe Produit de fantaisie Inutile Délai
Tes buts ainsi que les chemins qui t’y mèneront doivent obligatoirement être flous. Si jamais la motivation te frappe, vise toujours plus loin que tes objectifs initiaux. Par exemple, si tu es soudainement motivé pour étudier, dis-toi d’étudier pour les examens finaux alors qu’une dissertation de philo t’attend le lendemain matin. C’est comme apprendre à marketer un logiciel sans savoir programmer, il faut viser toujours trop loin. Surtout, toujours attendre que la motivation vienne ; ne jamais prendre l’initiative. Peu à peu, tu programmeras ton cerveau de sorte à ce qu’il devienne un critique de ta vie de misère.
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#6 : « YOLO » / Carpe diem / Pourchasse le bonheur directement
Le voyage sur l’océan de tristesse s’annonce plus difficile que prévu. Tu perds graduellement toute pensée positive. Maintenant, imagine que le bonheur est un monde utopique où tout le monde est heureux 24/7/365. Tu réaliseras rapidement que ce bonheur n’est pas réaliste et tu perdras rapidement ton moral positif. Cela est un bon début, mais on en veut plus. Sur l’océan de tristesse, le bateau constitue ta vie et un rare oiseau dans le ciel représente le bonheur. Son atterrissage sur le navire favorisera ton bonheur. Fais ce que tu as toujours voulu faire : YOLO pour les sociaux et carpe diem pour les intellectuels. Pourchasse le bonheur directement. Essaye de l’amener de force sur ton bateau en essayant de l’attraper constamment. Il s’enfuira, mais essaye de l’attraper, car tu dois poursuivre le bonheur directement. Ne favorise surtout pas son atterrissage par lui-même en améliorant ton navire, c’est-à-dire ta vie. Normalement, le bonheur arrive alors que tu ne t’y attends pas. Bien sûr, tu ne veux rien savoir de cela, alors maintiens le cap vers le mirage du bonheur sans jamais chercher à t’améliorer.
#7 : Suis ton instinct
Note : ceci est discutable selon la situation. Revoir ses notes de philo (ou de TOK pour les BI). Nous voici presque à la fin de la misère absolue. Le chemin est déjà entamé, le cap est maintenu. Continue sur ce même chemin par peur de gaspiller tes efforts en changeant de route. Suis ton instinct de misère que tu as créé avec les six autres conseils. Un en amène un autre jusqu’à ce que tu sois submergé de tristesse. Reste dans ce cercle vicieux, car, pour chaque tentative de t’en sortir, tu risques de perdre ta zone de confort. Tu vas vouloir faire ce qui te rend misérable avec ton propre consentement. N’oublie pas, ton cerveau est maintenant une boussole qui pointe vers le pôle de la désolation. Elle pointe aussi vers le pôle opposé à 180o mais suis le vrai Nord et jure de ne pas sortir de cette aventure vers la misère.
Et voilà chers étudiants, voici sept trucs faciles si vous voulez être misérable dans votre vie de cégep ou dans votre vie tout simplement. Je vous incite à faire le contraire de cet article mais c’est selon votre volonté. Comme Galilée (1564-1642) l’a dit, on ne peut rien apprendre à un homme, on peut juste l’aider à découvrir sa volonté d’apprendre en soi. Sur ce, bonne session et que la cote R de 40 soit avec vous. Sincèrement, Un étudiant tanné des études et qui ne devait pas aller au cégep 10
ELLE QUI TOMBE D’INANITION par Érika Perrier-Antaya « Qu’aimerais-tu devenir plus tard? » Je ne vous dirai point que je veux être heureuse, étudier en psychiatrie ou même fonder une famille avec quelqu’un que j’aime puisque tout cela relève de l’évidence. Non. La réponse franche que vous aurez ne vous choquera pourtant pas, puisque beaucoup de jeunes pensent exactement comme moi : je désire être parfaite. Plus précisément, je souhaite avoir un corps parfait. J’aimerais qu’on m’arrache le surplus de gras qui réside entre mes deux cuisses. J’aimerais être si mince que mes doigts puissent se toucher lorsque je les place sur mes hanches. J’adorerais avoir la grandeur de Gisele Bündchen et les jambes éternelles de Kate Moss. Suis-je égoïste d’abhorrer l’enveloppe qui m’a été donnée alors que certaines personnes souffrent de malformations physiques? Je voudrais parler de plusieurs jeunes filles qui essaient de survivre aux troubles alimentaires, plus précisément l’anorexie mentale. Le tiers des jeunes filles canadiennes de douze à dix-huit ans luttent contre une désorganisation de leur comportement alimentaire et de leur attitude envers la nourriture [1] . C’est une jeune fille sur trois qui se sent mal dans sa peau, une jeune fille sur trois ayant des chances d’avoir faim, de mourir de faim. Elle observe avec écœurement son reflet dans le miroir et se voit avec une surcharge pondérale. Pourquoi a-t-elle l’impression qu’elle mange trop et qu’elle grossit à vue d’œil? Elle se nourrit de légumes, puisqu’elle sait que les fruits contiennent trop de fructose. Elle fait attention à son poids. Malheureusement, elle n’a pas pu se contraindre devant le biscuit moelleux aux brisures de chocolat et amandes qui traînait sur le comptoir blanc marbré de la cuisine. Je n’ai pas pu me contraindre. Je me suis empiffrée tel un porc. Elle a pleuré, j’ai pleuré. Se sentant coupable, elle s’est dirigée immédiatement vers la salle de bain, dégurgitant dans la honte et la repentance ce pauvre biscuit à la valeur calorifique élevée et les céleris ayant été dégustés à titre de dîner. Étiquette accolée : anorexie mentale de type accès hyperphagiques et purgatif. L’anorexie est souvent liée au schéma inadapté des exigences élevées [2] : le perfectionnisme excessif, les règles rigides ainsi que la préoccupation au sujet du temps et de l’efficacité en sont les caractéristiques. Se coucher à des heures déraisonnables et malsaines afin de recommencer la rédaction de la section de sa coéquipière d’un rapport de laboratoire et tomber en pleurs car la note reçue en calcul différentiel était de seulement de 85%, puisque ce n’est définitivement pas avec ce résultat médiocre que les portes menant à la médecine resteront ouvertes; bref, se mettre une pression écrasante sur les épaules pour réussir et toujours vouloir faire mieux. Un corps plus mince dissoudra assurément l’anxiété qui la ronge de l’intérieur. Il lui redonnera indubitablement la joie de vivre qu’elle possédait avant. Elle restreint par conséquent les apports énergétiques, par crainte disproportionnée de prendre du poids. Elle rassure ses amis et sa famille en s’excusant de n’avoir tout simplement pas faim à la manière d’Anne Desbaresdes, héroïne de Moderato cantabile de Marguerite Duras, refusant une bouchée du canard d’or malgré le regard réprobateur de ses proches [3].
[1] https://www.anebquebec.com/aneb-ados/pdf/fr/troubles_alimentaires.pdf. [2] Pierre-Luc Gilbert-Tremblay. Notes de cours, psychologie du développement humain, Collège Jean-de-Brébeuf, 2017. [3] Marguerite Duras, Moderato Cantabile, Lonrai, Les Éditions de Minuit, 1958, p.109.
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Après tout, ce n’est pas à eux de décider ce que j’introduis dans mon corps. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la peur intense de prendre du poids est suscitée par des distorsions cognitives : une altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, l’influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, le manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle [4] . Elle est maintenant convaincue que manger un sandwich au complet est beaucoup trop. Peser 115 livres alors qu’elle mesure cinq pieds huit pouces est beaucoup trop. Tout est trop. Elle est trop grosse, elle mange trop et sa masse corporelle est trop grande. Elle n’est pas assez mince. Je ne suis pas assez mince. Ces pensées irrationnelles s’enchaînent et ces distorsions cognitives changent sa manière de penser [5]. C’est un besoin de contrôle qui cause souvent ce trouble alimentaire chez la jeune fille. En effet, dans la majorité des cas, elle cherche à se libérer de ses parents autoritaires et contrôlants. En ne mangeant point, elle a l’impression de prendre le contrôle et de ne plus être soumise à l’autorité parentale rigide. Elle amorce sa lecture du magazine Vogue, rêvant de posséder un jour un corps délicat, mince et osseux semblable à celui des divinités féminines figurant sur ces photographies. Ces standards de beauté imposés par la société sont irréalistes et la soumettent à une horrible torture, valorisant les troubles alimentaires. La pression culturelle d’être mince est amplifiée par les médias. Voulez-vous continuer à encourager les jeunes filles à ressembler à des squelettes alors que ce n’est même pas l’Halloween? Nous devons mettre un terme à ces standards et enfin encourager la diversité corporelle. Comme l’a exprimé Beyoncé dans sa chanson Pretty Hurts dénonçant une dictature de la beauté, « la perfection est une maladie de la société [6] ». La jeune fille en détresse a un besoin de perfection, un perfectionnisme rigide, qu’elle retrouve dans les images modifiées projetées par les médias et la société. Elle ira rejeter violemment le contenu de son estomac par sa bouche en versant des larmes, se culpabilisant de ne pas avoir des poignets aussi frêles que ceux de Kaia Gerber et un abdomen aussi plat que celui d’Adriana Lima faisant la promotion d’une eau de toilette. Vomir deviendra un protocole élémentaire et permanent afin de se sentir mieux. Elle se fera vomir jusqu’à dégager la perfection. Je me ferai vomir jusqu’à dégager la perfection. Elle éprouve une anxiété basée sur l’apparence et sa présentation devant les autres. Le regard des autres lui est considérablement important. Elle perçoit le visage désapprobateur vexant de ses amis jugeant la quantité de nourriture avalée, ou non, sur l’heure du dîner. Elle se sent surveillée, étouffée. Ils sont dégoûtés. Ils la jugent froidement. C’est parce qu’elle a trop mangé, est-ce bien ça? Elle le savait : elle n’aurait pas dû manger cette pomme. Ne rien ingérer aurait été mieux. Ce regard cruel la fait sentir comme une impureté de la société. Regardez-vous la jeune fille parce qu’elle a des grosses cuisses? C’est parce qu’elle n’est pas assez maigre, est-ce bien ça? Le dentiste l’a imploré d’arrêter de se purger, parce qu’elle détruit l’émail de ses dents. Je me contrôle. Sa mère a pleuré en lui disant que si elle continuait dans cette direction, elle rendrait son dernier souffle, désolant son œsophage. Je me contrôle. Elle ne peut s’arrêter, otage de l’anorexie mentale de type purgatif. Je me contrôle. Elle a faim. Je veux maigrir. Elle a faim, elle qui tombe d’inanition.
[4] Association américaine de psychiatrie. (2013). « Les Troubles alimentaires ». Dans Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5). [5] David Garner, «Anorexia Nervosa: A cognitive-behavioral approach to AN. Cognitive Therapy and Research», Cognitive Therapy and Research, Vol. 6, No. 2, Toronto, 1982, p. 123-150. [6] « Perfection is a disease of a nation », Pretty Hurts, Beyoncé, 2013.
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SINISTRA
par Alexandra Nica
Griffonne en cachette et espère que personne ne te réprimande. Assis-toi au coin de la table, là où tu ne peux déranger personne et où tu es seul. Utilise mal ta paire de ciseaux et fais-toi avertir par ton éducatrice pour ton mauvais découpage. Coupe ton poulet comme il le faut, comme le ferait la reine Elizabeth. Hésite à écrire, car tu sais que la spirale de ton cahier va laisser une marque. Essuie l’encre ou la mine de ta paume et de tes doigts, tu es malpropre. (
Souviens-toi que Marie Curie était comme toi et qu’elle est devenue quelqu’un. Interviens lorsqu’il t’insulte comme il l’a fait au secondaire, ton cerveau est bien normal. Neutralise les menaces et les intimidateurs, tu es unique. Immortalise tes meilleurs moments, ce sont ceux qui comptent réellement. Sors de ta carapace parce que ton opinion compte et devrait être entendue. Taille-toi une place parmi les meilleurs, les plus grands, de la société.
Réfléchis avant d’humilier à ton tour, tu n’aimais pas ça. Encourage ta sœur à au moins jouer de la guitare correctement, elle n’a pas pu écrire. ) (
Mordille ton crayon nerveusement lorsqu’il est temps pour de la calligraphie. Assure-toi de tout pratiquer chez toi sur une belle feuille de papier blanche, propre. Lave tes mains en frottant le plus fort possible, tu veux enlever toute trace de ton défaut. Angoisse avant ton examen, il faut que la mine humectée étende tes mots, tes réponses. )
Défie les normes, car être une minorité, c’est être plus spécial. Retrouve ta confiance et ton estime, il n’y a plus de main endiablée. Oublie les commentaires de tes grands-parents, une femme c’est aussi plus qu’une mère. Imagine-toi un monde égal, où personne n’est pas comme les autres. Transcende les frontières, tu serais même un atout pour une équipe sportive. Embellis ta vie en saisissant que cette banalité ne te définit aucunement. 13
Printemps paradoxal Par Chondrima Nath
Quelle est cette vive lueur qui émane si naturellement de votre âme pour apaiser la noirceur qui vous entoure? Cette lueur qui, à chaque fois que vous faites tourner des regards, plante des semences au fond de votre estomac. Ces semences qui, curieusement, s’avèrent être de la mauvaise herbe. Cette mauvaise herbe qui, précocement, se propage à vos poumons. Que faire alors? Arroser. C’est ainsi que, inconsciemment, goutte par goutte, compliment par compliment, vous procédez à votre propre inondation. Vanité vous ordonne de célébrer votre plante intérieure. Société vous commande d’embellir votre herbe. Vanité se flatte de sa plantation et la baptise Beauté. Société place alors Beauté dans une éternelle relation de comparaison avec toutes les autres Beautés du monde et introduit Éphémère. Éphémère s’assure que votre satisfaction personnelle s’efface et que les traces de son crime n’apparaissent qu’aux plis de votre visage. Société vous pousse alors à arroser abondamment votre plante, aux dépens de vos poumons. Voulant que votre sentiment de supériorité et d’euphorie refasse surface à tout prix, vos poumons accueillent chaleureusement toute cette eau. Or, cette eau est source de mort. Heureusement, votre entourage vous remet sur pied en vous expliquant la valeur de la vie. C’est alors que chacune des fibres de votre herbe développent une certaine résilience et que les chocs ne choquent plus votre âme. C’est avec votre détachement du monde superficiel que Vanité s’enfuit et qu’il y a enfin place pour un amour-propre équilibré. Votre esprit critique étant enfin développé, vous gagnez confiance en vous-même. Face à Société, vous pensez enfin triompher. Il faut comprendre que Vanité ne fait que remplir d’orgueil les gens vides d’humilité et que Beauté est un ornement pour l’âme. C’est ainsi que vanité devient nature morte et que société devient exempte de beauté superficielle.
1730000 par George Gerardis
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La quille Pour Iclo, Luca et mes Plotteux
3h55
Je sors de l’hôpital et j’allume un joint, ma vie est de la merde. Aujourd’hui, on est le 26 juillet et une part de moi-même vient de mourir. Cette part qui fait partie de ma vie depuis que je l’ai vu pour la première fois à la rentrée du primaire. Une chandelle éteinte par moins qu’un grain de sable. « Du fentanyl dans sa MD », ils m’ont dit, mais je ne veux plus rien entendre. Je veux retourner au parc Laurier et le voir tout sourire à la table tout près des terrains de pétanque, en train de cracher sur une nouvelle instrumentale, tourner son premier clip de rap, mais ça ne sera plus.
21h26
Je finis ma cigarette coin Laurier / Mentana et j’entre dans le vieux dépanneur pouilleux avec la moitié des néons qui s’allument sur la devanture. À l’intérieur la lumière est tamisée par les vieilles affiches proposant une caisse de 24 de 4,9% pour 26$. Pas pour moi. Moi je veux une boisson pour oublier, pour crier, pour laisser derrière la conscience. Je pense à la vieille bouteille poussiéreuse dans le fond de l’immense réfrigérateur. Ce qu’elle est belle avec ses courbes ambrées, 10,1%, tu es à moi. Six dollars et quatre-vingt-dix-neuf sous plus tard, je m’assois à la même table que tous les soirs précédents, mais cette fois-ci, je suis seul. Le craquement du bouchon me fait frissonner. La première gorgée, je la verse par terre pour lui.
23h42
Ça fait une heure que je ne sais plus où je suis. Je me grille un pétard et je pars sur un nuage. La quille froide est devenue tiède dans mes mains tellement je l’ai caressée. Je sens qu’elle m’observe, qu’elle me juge et me demande pourquoi je ne l’ai pas aidé, pourquoi je n’ai pas été un meilleur ami. « Ta gueule, t’es juste une bouteille vide. Tu te prends pour quoi à me juger? » Mais elle continue de me toiser et de me regarder de haut comme si elle était meilleure que moi, comme si elle était là pour ses amis quand ils sont dans le besoin. Je sais ce qu’elle pense : j’ai ignoré les signes, je m’en suis lavé les mains, je l’ai laissé tomber dans ses habitudes. Je la prends et la lance contre les pavés du trottoir de la petite rue sombre du Plateau Mont-Royal où je passe. Le bruit cristallin de la bouteille qui éclate me réconforte. Cette histoire de quille qui parle est terminée. Bien mérité, connasse.
11h13
Le bruit de la rue passante me réveille, mais je ne veux pas bouger. Je veux seulement fermer les yeux et ne plus jamais me réveiller. Le monde est sans couleur si tu n’y es pas. Les oiseaux ne chantent plus, il n’y a que le bruit, le tintamarre, l’orage de mes pensées qui se livrent combat dans ma boîte crânienne. Je prends un des Ativan que la thérapeute m’a prescrits. Le tumulte de mes idées noires, une vague comme celle sur les bouteilles de Bleue Dry s’écrase sur moi, noirceur.
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14h21
Je vais devoir me lever, finalement. Vieilles céréales fades pour le déjeuner. J’ouvre le frigo de la cuisine pour découvrir, à mon horreur, les courbes brunes de son ample stature de 1.3L. Une nouvelle quille, en tous points similaire à celle de la soirée précédente, trône désormais sur la plus haute tablette du frigo. Ça ne se peut pas. « Bien dormi? » me donne-t-elle l’impression de dire. Va chier. Comment elle s’est rendue là, il me semblait qu’elle devait gésir coin Fairmount et Waverly, en mille morceaux. Mais c’est bien elle, il ne peut pas y avoir deux quilles qui parlent quand même. Mon téléphone vibre. C’est Raphaël qui veut savoir si je peux lui vendre un peu de poudre. Je ne réponds pas. J’enferme ma comparse qui ne cesse de m’invectiver dans le frigo, un peu de froid lui apprendra à se la fermer. Un autre Ativan et je sors sur le balcon, juste pour ne pas entendre les cris de la bouteille enfermée dans le noir. Je me roule trois joints et n’en fume que deux.
21h46
Je l’entends qui me nargue du fond du frigo, mais je n’en discerne pas les paroles. J’ouvre la porte et la prends dans mes mains, je la secoue de toutes mes forces mais elle n’arrête pas. « TRAÎTRE, SANS CŒUR, BÂTARD ! » Ta gueule! Je ne veux plus t’entendre, compris? Je prends un Ativan pour me calmer les nerfs. « BALTRINGUE! » Je la prends et la lance du balcon dans la ruelle adjacente. Elle explose en mille morceaux deux étages plus bas.
21h48
Elle reprend de plus belle, mais cette fois-ci ça vient du garde-manger. En ouvrant je la vois tapie dans un coin en train de m’insulter cachée derrière une vieille boîte de Corn Flakes. Je lui dis: « Et toi t’es qu’une bouteille putain! T’es bonne qu’à faire oublier! » Mais même ça, elle le faisait mal, puisqu’elle me rappelait mes erreurs. J’allume le four et lui dis qu’elle va regretter de me faire des remontrances. Je la pose sur le rond et alors commence son exécution.
21h52
Elle n’a pas l’air de bien aller. Son teint a pâli et elle bouillonne de l’intérieur, comme si je l’avais mise en colère. « Espèce de lâche, traître, sous-merde, bon à rien. T’es qu’un sans cœur, c’est de ta faute vieille plaie » J’augmente la chaleur du rond. « C’est toi qui l’a tué! » Et c’est là que ça me frappe. Je ne voulais pas me l’avouer parce que ça voudrait dire que je suis tout ce que la bouteille disait de moi. C’est moi qui lui ai donné, cette MD. C’est moi qui ai tué mon meilleur ami. La pression monte dans mes oreilles, un sifflement aigu déchire le silence et tout éclate.
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Alexandria Ocasio-Cortez : véritable menace pour les Républicains ou simple mirage démocrate? Par Philippe Granger
« Des femmes comme moi ne sont pas censées se présenter à des élections. » Voilà comment Alexandria Ocasio-Cortez, désormais la plus jeune femme à être élue au Congrès américain, a débuté sa vidéo de campagne en vue des primaires de son district (soit le 14e district de New York), il y a de cela quelques mois. Pour plusieurs, son élection était en effet perdue d’avance : son profil était trop atypique. Pourtant, elle a créé une onde de choc en battant aux primaires un candidat solide, président du caucus démocrate à la chambre des représentants et fortement appuyé par l’establishment démocrate.
Née d’une famille d’origine portoricaine, cette bachelière en économie et en relations internationales se revendique de la « classe ouvrière » : il y a un an, cette femme de 29 ans prenait encore les commandes de clients dans un restaurant de son quartier, le Bronx. Impliquée dans sa communauté, son engagement le plus remarqué fut fort probablement son bénévolat auprès de Bernie Sanders lors des dernières primaires démocrates, en 2016. C’est justement la vague du mouvement de Bernie Sanders qui lui permet de se tailler une place comme principale relève sociale-démocrate. Tout comme Sanders, Ocasio-Cortez rompt non seulement avec les idéaux conservateurs des républicains, mais avec le fameux « establishment » américain, qu’incarnait notamment Hillary Clinton. D’ailleurs, les propositions de la nouvelle élue incluent notamment l’instauration d’une « Federal Jobs Guarantee » (qui permettrait à toute personne à la recherche d’un emploi de pouvoir 18
en avoir un avec un salaire minimum de 15$/h), le renforcement des lois sur les armes à feu, une assurance maladie pour tous et qui couvre plus, la gratuité scolaire pour les universités publiques et l’utilisation exclusive d’énergies renouvelables d’ici 2035. Les enjeux ayant le plus séduit son électorat? Le prix du logement et l’immigration : Alexandria Ocasio-Cortez propose d’abolir l’agence d’immigration (le I.C.E.) instaurée en 2003. Il va sans dire que les mesures de cette politicienne new-yorkaise sont instaurée en 2003. Il va sans dire que les mesures de cette politicienne new-yorkaise sont perçues comme étant radicales au sein de la classe politique américaine. Or, l’élection récente d’Alexandria Ocasio-Cortez semble prouver que la social-démocratie et la gauche ont toujours une place dans l’Amérique de Donald Trump. Ceci pourrait avoir une influence sur la nouvelle ligne de parti chez les démocrates qui, depuis la débâcle des dernières élections présidentielles, sont en plein examen de conscience.
Malgré la victoire en demi-teinte aux élections de mi-mandat, le parti démocrate est toujours en crise et a peu de personnalités sur qui reposer l’espoir d’une victoire aux prochaines présidentielles, qui auront lieu dans seulement deux ans. Afin d’éviter tout suicide politique (et toute dépense inutile d’argent et d’énergie), plusieurs candidats potentiels attendent encore avant de s’avancer clairement. Parmi ces candidats potentiels figurent Elizabeth Warren, Kamala D. Harris, Joe Biden et – encore une fois – Bernie Sanders. Alexandria Ocasio-Cortez se présentera-t-elle pour devenir présidente aux prochaines élections? La réponse est non. Tout d’abord, elle n’est même pas (encore) éligible : elle n’a pas encore les 35 ans d’âge requis. De surcroît, son manque d’expérience en politique et ses positions extrêmes viennent tacher son dossier. Les propositions d’Ocasio-Cortez ne plaisent pas à certains démocrates, qui ne veulent pas trop s’éloigner du centre afin de ne pas perdre de l’électorat. L’utilisation assumée du mot « socialisme » - mot encore tabou dans le paysage politique américain – crée aussi un froid dans les rangs démocrates.
en janvier. Elle y voit à nouveau les failles d’un système sociopolitique où la « classe ouvrière » ne peut se permettre de se présenter à une élection. À quelques égards, le parcours surprenant d’Ocasio-Cortez a des points communs avec celui de Jacinda Ardern, première ministre de Nouvelle-Zélande. C’est leur conviction, leur jeunesse, leurs ambitieux projets sociaux mais surtout leur défense remarquée des droits des femmes et des minorités ainsi que leurs quelques « coups d’éclat » qui font d’elles le nouveau visage de la social-démocratie mondiale. En vue de la nouvelle remontée du conservatisme et de l’extrême-droite à travers le monde, ce doux renouvellement de la gauche est encore loin de plaire à tous et promet de nouvelles confrontations révélatrices du nouvel ordre mondial qui se trame.
Toutefois, le poids politique d’Alexandria Ocasio-Cortez commence à se faire entendre : invitée à la fois à des late-night shows et à des émissions matinales, elle a désormais plus d’un million d’abonnés sur la plateforme Twitter et pose pour des magazines. D’ailleurs, cette dernière action a été décriée par quelques détracteurs d’Ocasio-Cortez. En effet, en posant pour Interview Magazine avec un total de 3500$ de vêtements sur elle, la députée démocrate s’est attirée l’admiration de certains, mais les foudres d’autres, voyant une flagrante contradiction entre sa lignée politique et ses actions. Ocasio-Cortez a alors dû préciser que les vêtements ne lui appartenaient pas. De surcroît, quelques jours après son élection au Congrès, Alexandria Ocasio-Cortez annonce qu’elle ne pourra pas se payer un logement à Washington tant qu’elle n’obtiendra pas sa première paye comme représentante au Congrès,
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Et toi, qui t’influence ? Par Hugo Cesaratto Desrosiers
Nous, la génération Z (à ne surtout pas confondre avec les milléniaux), sommes la première génération à naître sans avoir connu une ère sans internet. Cet outil avec des milliers de facettes et d’utilités gouverne nos vies depuis notre tendre enfance et affecte nos échanges sociaux. Un vendredi soir, je sors avec mes amis dans un bar. Une fois sur les lieux, je rencontre une fille qui me plait, alors je prends son nom d’un ami et, discrètement, je fais une recherche sur mes réseaux sociaux habituels (Facebook, Instagram, Snapchat, mais pas Twitter, Twitter c’est pour les milléniaux). En 30 secondes je peux savoir si elle est en relation, si nous avons des amis en commun, quelle école elle fréquente, avec qui elle est allée au secondaire et même si elle a des qualités callipyges. Avec cette information, je peux savoir beaucoup de choses sur quelqu’un en ne lui ayant jamais adressé la parole une fois. On étale nos vies sur un réseau social aux yeux de tous, jalousant les autres comme ils nous jalousent. Cette vie, je peux l’inventer de toutes pièces, sans une once de vérité, mais je pourrai toujours faire croire à quelqu’un qu’il s’agit de mon quotidien. J’appelle ce phénomène le « culte de la jalousie », mais il est mieux expliqué par la théorie du désir mimétique de René Girard, un philosophe de l’Académie française qui illustre cette pensée[1]. Il théorise que l’élément principal du désir n’est pas un objet ou un sujet de désir, mais bien le fait qu’un autre puisse désirer cette chose. Il utilise l’exemple d’enfants qui se disputent un jouet parmi tant d’autres dans une pile. Un enfant ira arracher le jouet des mains d’un autre enfant, simplement parce que le second enfant avait un intérêt envers l’objet. Le sujet du désir devient le désir d’un autre, ou d’un collectif. Si plusieurs personnes désirent une même femme, la tendance sera que plus de gens la désireront, parce que plusieurs personnes la désirent. La nature cyclique de
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ce désir pousse vers les extrêmes et incite à des désirs de plus en plus ambitieux. On peut appliquer cette jalousie de l’autre à nos comportements sur les réseaux sociaux. Plus une personne aura d’abonnés sur Instagram, plus les gens s’abonneront à elle, puisqu’on désire ce que cette personne désire, et donc on désire par la même extension être cette personne. On peut ici penser aux influenceurs, ces stars du net qui partagent leurs vies luxueuses ou leurs traits physiques attirants. Mais ces gens, ils nous influencent comment ? Est-ce qu’on veut vraiment devenir des personnes matérialistes qui n’ont comme seule préoccupation que leur statut social ? Il y a un type d’influenceurs qui, personnellement, me fait désespérer : les « instababes ». Ce genre de personnalité du net peuple son fil d’actualité de photos d’elle-même. Le plus aguichant, le mieux c’est (le plus de « j’aime » on récolte). Mais puisqu’on ne peut pas tous être des Eugenie Bouchard, Elisabeth Rioux ou Joey Scarpellino de ce monde, on se fait servir des standards de beauté qui polluent l’image personnelle des jeunes (honnêtement j’ai dû chercher c’était qui les deux derniers). Cette jalousie ne peut être saine pour les cerveaux des jeunes de notre génération. En effet, une étude tirée du American Journal of Medical Research[2][3] indique que la « peur de rater » (traduction libre de « Fear of missing out ») et les réseaux sociaux contribuent à la dépression chez les adolescents. L’action de voir des gens vivre des expériences qui nous sont impossibles (ou que nous croyons être impossibles) cultive une image négative de nous-même encouragée par le désir mimétique de l’autre. Donc cette attitude de toujours vouloir faire ce que font les autres crée un cercle vicieux du désir. On commence à peaufiner notre présence sur les réseaux, à gérer nos interactions et à changer notre présentation. L’information intrusive d’auparavant devient une façade
[1] (Girard, 2008) [2] (GRaham, 2018) [3] (Liu yi Lin B.A. Jaime E. Sidani Ph.D. Ariel Shensa M.A. Ana Radovic M.D., 2016)
fallacieuse qui attire le regard et nous détache de notre personne réelle. Donc si tout le monde affiche une personne qu’on n’est pas, on est en train d’être jaloux d’une personne qui n’existe pas, mais ça, ça nous échappe. Tous ces malaises qui entourent les réseaux sociaux amènent la question suivante : et si on ne les avait jamais créés ? Et pourquoi pas ? Ne serions-nous pas tous en meilleure posture si nous n’étions pas harcelés par la vie des autres à toutes les heures de la journée. Il faudrait retourner au début de tout ce cirque. Peut-être pas avant AOL ou MSN, mais au moins avant le titan du réseau social, là où tout est devenu flou, Facebook. Sean Parker, le fondateur de Napster et le premier président de Facebook, s’était confié à Axios lors d’une entrevue pour témoigner de ses regrets de sa participation à la création de ce monstre en disant que « seul Dieu sait ce que [Facebook] fait aux cerveaux de nos enfants ». Il a ensuite parlé de comment ils avaient conçu leur système pour le site. Ils voulaient occuper le plus de notre cognition et notre attention possible. Donc, ils s’assuraient qu’on ait un petit peu de dopamine à chaque fois que quelqu’un nous envoyait un « j’aime » ou commentait sur une de nos publications[4]. Nous avons maintenant très littéralement une addiction aux réseaux sociaux, causée par cette petite hormone du bonheur dans notre cerveau. Tous les réseaux sociaux à grand succès du XXIe siècle ont adopté cette marche à suivre, perpétuant l’addiction. Il faut donc s’y résigner, notre mode de vie, notre façon d’interagir et de socialiser a été changée pour toujours. Être quelqu’un qu’on n’est pas est la nouvelle norme, l’individualisme est mort. Reste à savoir si on pourra tirer plus d’avantages que d’inconvénients de cette situation qui est loin d’être réconfortante. J’aurais voulu pouvoir tirer une conclusion plus positive de cette réflexion, mais ce qui a été n’est plus et maintenant, il faut que tout le monde s’adapte, parce que le reste de la génération Z vit encore plus sur les réseaux que nous, les bébés de l’an 2000. [4] (Silverman, 2017)
Les grandes conférences Par Dylan Wang Le mois d’octobre dernier, nous avons eu l’honneur d’accueillir au collège Monsieur Pierre Popovic et Madame Régine Robin dans le cadre des Grandes conférences. Monsieur Popovic est professeur titulaire à l’université de Montréal et licencié en philologie romane de l'Université de Liège et docteur en lettres de l'Université de Montréal. Régine Robin est une professeure, écrivaine, historienne, traductrice et sociologue franco-québécoise. Les deux professeurs ont présenté leur sujet de recherche, soit une manière d’étudier et de comprendre la société à laquelle nous appartenons.
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La sociocritique est un sport de plein air Le sujet principal de la conférence de Monsieur Pierre Popovic est la sociocritique, soit la pratique de la lecture des textes et des autres machines créées afin d’engendrer un sens. Il s’agit d’une analyse interne de la totalité des signes que la société est en mesure de produire. Pourquoi un sport de plein air? Parce que l’analyse ne peut se faire sans des connections au monde extérieur. Elle est une analyse ouverte, car le sens se révèle par les interactions dynamiques entre le contenu et le monde extérieur, un « dialogue actif avec ce qui a lien aux signes ». Celui qui désire s’outiller en sociocritique doit ainsi se projeter au-delà de son corps afin de posséder celui d’un autre et de s’emparer de son regard. Tel Nietzsche qui observait le monde selon le point de vue des vainqueurs, le sociocritique se doit de regarder la société du point de vue du sujet étudié. Monsieur Popovic présente ensuite le concept de l’imaginaire social et ses différents niveaux macro, individuel et groupe. L’imaginaire social, comme le nom l’indique, est la transformation de la réalité en sujet dans le but de créer le savoir, une « littéralité générale ». L’imaginaire social permet ainsi à la société de voir dans la réalité son reflet. L’imaginaire social relève ainsi de différentes formes de représentation comme ceux du récit, de la poésie, de l’image, de la cognition et du théâtre. Monsieur Popovic utilise comme exemple le poème Le Crash de la Nationale Sept de Jean Cohen. Celui-ci désirait déterminer ce qui distinguait la poésie des autres formes de littérature. Il décide ainsi de récupérer un article de journal détaillant un accident de voiture et en le découpant en vers afin qu’elle respecte la prosodie, les règles qui régissent la construction des vers d’un poème. Le poème invite ainsi à un examen du lecteur qui est alors poussé à répondre par un contre-don, soit celui de lui donner un sens. À l’image de la peinture Guernica de Picasso, celui qui le regarde doit animer lui-même la peinture, créant ainsi un échange dynamique entre l’œuvre et l’observateur. Monsieur Popovic procède alors à cet échange en 22
analysant divers éléments du poème. Par exemple, il voit dans le poème un lien commun avec le romantisme par la vie fauchée en pleine jeunesse et la montée de la fatalité par l’isolement du mot «Tués» au dernier vers. Monsieur Popovic a davantage illustré ce concept par la création d’un mythe à partir de la rivalité entre deux cyclistes, Poulidor et Anquetil. Ceux-ci étaient des concurrents du Tour de France, mais la nation a projeté sur eux une opposition entre deux archétypes qui se déroulait dans la société : celle de la lutte entre la modernité et la tradition. Poulidor et Anquetil étaient alors devenus des figures quasi mythiques alors que la frontière entre la fiction et la réalité devenait de plus en plus floue, comme si la modernité et la tradition, ennemis mortels, étaient descendus du monde des idées afin de devenir êtres de chair et dont le combat aura comme témoin le peuple.
La dialectique des oublis Régine Robin retourne complètement l’angle d’approche des sociologues, étudiant la société non pas par ce qu’elle commémore, mais par ce qu’elle oublie. Madame Robin soutient que les sociétés peuvent être mieux saisies par ce qu’elles peuvent oublier que ce qui les obsède. Les sociétés, comme l’humain qui les composent, oublient et se débarrassent d’éléments qu’elles jugent compromettants. L’oubli, l’histoire et la mémoire composent en fait un jeu à trois. Ils peuvent ou non se
synchroniser, mais ne doivent pas être confondus. L’histoire constitue le discours savant, une discipline ou une déontologie de la chronologie. La mémoire est la reconnaissance, ce qui se transmet dans la famille et le groupe. dans la famille et le groupe. Il s’agit des témoignages et récits transmis oralement et à l’écrit. Ce jeu permet le tressage de l’histoire, soit la relation entre une société et son passé. Madame Robin présente ensuite différentes formes de l’oubli, la première étant l’oubli radical. Cet oubli peut être causé par l’œuvre destructrice comme les bombardements qui détruisent les archives, mais aussi l’œuvre restauratrice quand l’homme du présent tente de changer l’œuvre du passé afin de mieux servir sa vision du monde. Il y a aussi les tentatives d’effacement, que ce soit par un régime qui tente d’effacer le précédent ou pour réconcilier les parties adverses après des traumatismes sociétaux par une sorte d’amnésie volontaire. Les évènements passés disparaissent de l’horizon de l’espace public pour devenir des choses non advenues. Cet oubli permet une forme d’apaisement, mais l’oubli n’est jamais total et la
société est « inoublieuse », l’apaisement non plus n’est pas total. Des résidus ne peuvent être effacés et peuvent subsister pendant des années avant de revenir de façon inattendue. Il y a aussi l’oubli insidieux qui vient sous la forme de la banalisation. Les monuments perdent de leur impact et des groupes entiers comme les femmes, les classes populaires et les paysans tombent dans l’oubli. Ce conflit avec le passé peut encore être retrouvée de nos jours avec un paradoxe de l’information. Il y a une obsession de la mémoire qui peut atteindre des niveaux maladifs qui coexiste avec une fragilisation de nos supports d’information. L’information devient éphémère et perd de sa valeur. Madame Robin a résumé ce paradoxe en une phrase : « Je me souviens et touche delete». Que faire alors? Madame Robin termine sa conférence par ce conseil : il ne faut ni oublier ni commémorer. Il faut connaître. Il faut faire récit de ce qui manque, de ce qui est silence et le rendre objet de connaissance afin de prévenir la répétition de l’histoire.
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Article sur Rupi Kaur Par Isabel Perezmontemayor
«le problème avec l’écriture c’est que je ne peux dire si elle me guérit ou me détruit» – Rupi Kaur Il est tout à fait possible de remarquer sur les étagères de libraires et sur les chevets de table de plusieurs adolescentes un livre d’une couverture noire, empreinte des mots Milk and Honey en plus du nom de l’auteure, Rupi Kaur. D’origine indienne, Kaur fait partie d’une nouvelle génération d’auteurs utilisant les médias sociaux comme plateforme, communément appelée Insta poets. Toutefois, l’écriture chez Kaur ne commence pas avec Instagram, mais plutôt dès un jeune âge, lorsqu’elle immigre au Canada et gagne un concours de discours et de rédaction à l’école. Cela débouche sur des lettres destinées à des amis qui deviennent éventuellement des textes publiés anonymement sur Tumblr. Ce qui est particulier avec Kaur, ce ne sont pas seulement ses mots, mais aussi ses dessins, accompagnant chaque poème comme un souvenir. Enfin, le succès littéraire de Rupi Kaur pourrait nous mener à nous questionner sur l’évolution de la poésie et la place qu’elle occupe dans l’esprit de la jeunesse. L.A.: J’ai recours au T umblr poetry lorsque je suis de mauvaise humeur, dans un état vulnérable, voulant croire tellement aux mots de Rupi Kaur que je suis convaincue qu’une seule lecture suffirait à me rendre heureuse. Il n’y a aucune doute quant au pouvoir de ses écrits qui valorisent les jeunes filles et les femmes, qui nous assurent de nombreuses fois de notre mérite, ce qui explique la popularité de ses poèmes qui parviennent à impressionner un grand public. Toutefois, ses poèmes très courts simplifient des thèmes importants comme le féminisme, l’immigration, l’amour, l’abus, etc., en des idées qui laissent peu à l’imagination. Aucune interprétation ni réflexion n’est suscitée lors de la lecture de ses poèmes ce qui, selon moi, enlève toute la beauté de lire un poème. I.PMC.: Il n’y a pas de doute que “le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point”, et c’est en ces moments que l’on se tourne vers les arts comme médias de communication. Rupi Kaur présente une série de poèmes qui tracent le portrait d’émotions fortes, souvent trop complexes pour que l’on soit capable de les expliquer facilement. Les deux recueils de poèmes de Kaur sont déconcertants dans leur simplicité; avec un vocabulaire accessible et un grand nombres de métaphores, qu’elles soient in absentia ou filées, l’auteure évoque des images et des émotions. Il est vrai que cette forme de poésie peut paraître superficielle, ce qui pourrait pousser les lecteurs et lectrices à douter de la qualité et valeur littéraire des oeuvres de Kaur. Bien que la forme puisse paraître simple, le fond des deux œuvres de Rupi Kaur provoque une sensibilité dépourvue d’artifices. Cette vision, axée sur la beauté, est une œuvre de repos et d’esthétisme. 24
DAS RHEINGOLD Un opéra écrit en 1869, digne d’un blockbuster hollywoodien.
La soirée du mardi 13 novembre, j’ai délaissé mon étude afin d’aller à l’opéra. Pour avoir assisté à des représentations de classiques si différents tels que Carmen, Madame Butterfly ou Don Giovanni, je savais plus au moins à quoi m’attendre. L’opéra, inspiré de la mythologie germanique et nordique, de Richard Wagner m’a surprise par l’histoire qui ressemble étrangement aux romans de J.R.R. Tolkien. La première scène, sert d’introduction d’Alberich, un nain de Nibelheim, qui volera l’Or du Rhin des filles du Rhin. Ayant espionné celles-ci, il découvre que seul celui qui renonce à l’amour peut forger l’Or du Rhin en un anneau au pouvoir infini. La deuxième scène introduit des divinités germaniques, dont Wotan, roi des dieux, et Fricka, sa femme. Wotan promet aux géants Fasolt et Fafner de leur donner la déesse Freia en échange de la construction d’un château. Évidemment, les dieux Donner et Froh désirent la sauver, puisqu’elle cultive des pommes qui maintiennent la jeunesse des autres divinités. Enfin, le dieux Loge, qui a connaissance du vol d’Alberich, convainc Wotan d’aller chercher l’or des nains pour remplacer Freia en tant que paiement. La troisième scène consiste en la quête de Wotan et Loge à Nibelheim où Alberich est devenu une figure tyrannique. Après avoir pris l’or des nains, Wotan et Loge vont vaincre Alberich, malgré l’anneau et son casque d’invisibilité. La quatrième scène débute avec la capitulation du nain, mais avant de remettre l’anneau unique à Wotan, Alberich va maudire celui qui portera l’anneau, qui se verra séduit par le pouvoir de celui-ci. Lorsqu’ils retournent au domaine des dieux, Loge révèle une facette machiavélique. La fin de la pièce est surprenante et plaira à ceux qui ont apprécié les films de Marvel mettant en scène un certain dieu du tonnerre. Cet opéra ne ressemble en rien à ceux que j’ai assisté par le passé, le spectateur du vingt-et-unième siècle se sent dans transporté dans un monde qui est un mélange de la Terre du Milieu habité par les dieux nordiques d’un film Marvel. Das Rheingold est vraiment digne d’un blockbuster hollywoodien. Le panthéon présenté est semblable à celui de la mythologie scandinave, que certains reconnaîtront par les films mettant en scène le dieu nordique Thor. Celui-ci est l’équivalent du dieu Donner, Wotan, roi des dieux, est l’équivalent d’Odin et Loge, dieu trompeur, celui de Loki. De plus, le concept d’un anneau unique établit un lien direct avec l’oeuvre de Tolkien, qui s’est sûrement inspiré de la mythologie nordique. Wagner a composé un opéra agréable par le chant, mais captivant par son récit.
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Correction des Fables de La Fontaine Par Alice Tao Ran Guo Certains récits de La Fontaine semblent trop simplets : Ceci est démontrable par plusieurs faits. Les humains sont beaucoup plus complexes, Et leur nature n’est pas bien illustrée dans ces textes. Les personnes rusées et orgueilleuses Nous présentent souvent des apparences trompeuses : Le Corbeau peut s’avérer fier, et la Brebis, malintentionnée. Ainsi, certaines fables devraient être modifiées.
Le Loup et l’Agneau La raison du plus fort gouverne l’univers : Justifier ses crimes n’est même plus nécessaire. Un Loup affamé désirait dévorer une proie peu agressive, Et ainsi se trouva mille excuses légitimant son offensive. Pourquoi se compliquer les choses Si nul ne se soucie de la cause? Ils étaient seuls au bord du ruisseau sans recoins, Et une fois l’Agneau englouti, plus de témoins! Un prétexte n’est nécessaire que pour une action publique, Donc changeons la fable pour la rendre plus véridique : Le Loup vit un Agneau qui lui servit de festin, Et oublia l’affaire dès le lendemain. Si on lui demandait pourquoi il a fait ceci, Il répondrait : « Cet Agneau menaçait ma vie! Je n’avais pas d’autres choix que de me protéger! » Même si ces paroles étaient contestées par le monde entier, Personne n’oserait dire quoi que ce soit, Quand bien même ceci se répétait plusieurs fois. Bref, la loi du plus fort s’applique pour tout, Car qui se jetterait dans la gueule du loup?
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Le Renard et les Raisins Un Renard famélique désirait se régaler de raisins, Mais, ne pouvant les atteindre, dut abandonner ses desseins. Pour se réconforter, pour guérir son cœur de ses blessures, Il se convainquit alors que les raisins étaient trop surs. En réalité, même s’il les avait mangés, Son affirmation aurait été inchangée. S’il était un Renard difficile à satisfaire, Cette plainte montrerait que la réalité ne fait jamais son affaire. S’il était un Renard bien repu, Ces paroles seraient pour ceux qui les ont entendues. En effet, après tant de maux et de travail acharné, Même si le nombre de raisins était illimité, On ne veut pas partager expériences et connaissances De peur que quelqu’un prenne un raccourci et tire profit de ceci en conséquence.
La Chauve-souris et les deux Belettes La Chauve-souris est une remarquable créature Qui sait changer son discours en fonction de la situation. Confrontée à la Belette ennemie des souris, elle s’identifia avec désinvolture Aux oiseaux, et sa geôlière l’épargna sans hésitation. Menacée par la Belette détestant les oiseaux, Cette petite malicieuse se déclara souris. Or, nous, les humains, sommes bien plus intelligents que ces animaux, Incluant la Chauve-souris qui sauva deux fois sa vie! Pour satisfaire notre fierté et pour nous démarquer, Nous voulons devenir différents de la masse, des gens. Chez la première Belette, on dit avoir les pieds sur terre et on se dit posé, Alors que, chez la seconde, on se vante de pouvoir aller loin en volant. Chez les braves guerriers, on montre nos savoirs et notre culture, Alors que, chez les intellectuels, on se fait gloire de notre courage. Chez les plus fortunés, on se décrit pauvre, misérable et sans futur, Alors que, chez les démunis, on veut paraître riche, puissant et sage. Qui est assez intelligent et orgueilleux pour prétendre être héros comme un gamin? Pas la Chauve-souris, c’est certain — nous parlons bien des humains! 27
Entrevue avec Kelan Wu Par Farouk Benadada
Kelan Wu étudie présentement dans le programme de doctorat de médecine à l’Université McGill. Ancien rédacteur en chef du Graffiti, Kelan nous partage son expérience depuis sa graduation du programme de DEC Sciences de la santé du Collège Jean-de-Brébeuf. Q: Qu’est-ce qui t’a poussé à choisir ton domaine d’études? R: J’ai toujours eu une tendance particulière pour la science, depuis que je suis petit. J’ai aussi été diagnostiqué, très jeune, avec l’hémophilie, une maladie très rare qui, bien qu’elle ait souvent été un obstacle à mon désir de pratiquer plusieurs sports, a forgé ma personnalité. Mes nombreuses visites à Sainte-Justine où j’ai côtoyé plusieurs professionnels de la santé, mais aussi d’autres enfants souffrant de maladies rares, m’ont appris l’importance cruciale des médecins dans la vie de ceux qui, malgré eux, souffrent de problèmes de santé sévères. En grandissant, je me suis beaucoup impliqué dans la Société canadienne de l’hémophilie, et mes rencontres avec des gens inspirants du domaine de la médecine ont contribué à mon choix d’études.
Q: As-tu hésité entre deux domaines d’étude avant d’entrer à l’université? Qu’est-ce qui t’a permis de trancher? R: J’ai déjà envisagé faire des études en droit. J’étais attiré par la responsabilité des avocats de protéger les droits des citoyens et de leurs clients et par une carrière fondée sur les relations interpersonnelles avec les clients. Lorsque j’ai appris que la médecine, ce n’était pas juste l’apprentissage scientifique de l’anatomie et des maladies, mais qu’elle englobe aussi une dimension de responsabilité sociale envers les patients et de proximité avec eux, j’ai compris que c’était ce que je voulais vraiment faire.
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Q: Au Québec, la plupart des étudiants en médecine sont admis après avoir effectué un baccalauréat. As-tu remarqué une différence entres les étudiants admis directement après le CÉGEP et ceux qui ont fait des études supérieures? R: Je ne trouve pas qu’il y a une grande différence au niveau académique. Plusieurs étudiants ayant effectué un baccalauréat avant d’entrer en médecine n’ont pas eu d’évaluations aussi exigeantes que dans le programme de médecine depuis plusieurs années, donc ils ne sont pas nécessairement avantagés sur cet aspect. De toute façon, l’année préparatoire en médecine a pour but d’amener les étudiants admis du CÉGEP sur le même pied d’égalité que ceux qui ont déjà fait un baccalauréat. Par contre, à cause de leurs backgrounds variés et leur plus grande expérience, les étudiants admis du CÉGEP ont beaucoup à apprendre des étudiants qui ont effectué des études supérieures auparavant.
Q: Comment t’es-tu préparé pour tes applications universitaires? R: Lorsque j’ai appliqué, je devais soumettre une lettre de motivation, un CV, faire des entrevues, et faire le CASPer pour l’Université Laval. Pour ma lettre et mon CV, je ne les ai pas fait trop à l’avance, et je crois que ça a été une bonne idée. J’ai fait mon CV en janvier, et j’ai travaillé sur ma lettre pendant deux semaines. Personnellement, je trouve que deux semaines, c’était assez, parce que si je m’étais donné plus de temps, j’aurais pu douter de ce que j’avais commencé à écrire, et à force de toujours perfectionner sa lettre, on peut perdre son authenticité. J’ai montré ma lettre et mon CV
à certains professeurs pour me donner des conseils. Quelle que soit la matière, la plupart des professeurs aident des étudiants dans leurs applications depuis plusieurs années, donc il faut pas se gêner d’aller leur parler. Pour ce qui est des entrevues, je crois que la meilleure façon de s’y préparer est de le faire en groupe. Il ne faut vraiment pas voir les applications universitaires comme une compétition, mais plutôt s’entraider parce que tôt ou tard, ça va te rapporter. Un groupe d’amis et moi avions réservé une classe quelques midis pour faire des pratiques des mini entrevues multiples à partir d’anciens manuels de McGill et de situations trouvées en ligne. Ça nous a vraiment habitué aux entrevues, et, rendu aux vraies entrevues, c’était devenu un peu comme un jeu et on était plus détendus. Enfin, pour le CASPer, je crois que c’est important d’être à l’aise pour écrire beaucoup en peu de temps sur l’ordinateur, mais surtout, dans des mises en situations, d’être capable d’expliquer les causes derrières nos choix assez rapidement, et ne pas tout simplement dire ce que l’on fait sans rien expliquer.
Q: Comment as-tu trouvé la transition entre le CÉGEP et l’université? R: Pendant l’année préparatoire, je trouvais qu’en général, les évaluations étaient assez similaires à celles du CÉGEP. Par contre, je me souviens qu’à ma première année en médecine, j’étais vraiment stressé par rapport aux premiers examens. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, mais j’ai pu m’adapter et j’ai constaté qu’il y a une différence importante entre la préparation aux examens à l’université par rapport au CÉGEP. La manière d’étudier est différente: il y a moins de mémorisation à faire, mais il faut plus comprendre en général. Je trouve que les questions évaluent vraiment bien notre compréhension de la matière de façon juste. À part les examens, les cours sont vraiment différents du CÉGEP. On a beaucoup moins d’heures de cours, mais, en classe, ça avance vraiment rapidement, donc il faut beaucoup plus travailler à la maison. Les notes sont aussi toutes en format numérique, et les cours sont enregistrés. À propos des notes, à McGill, il y a tout un système de partage de notes de cours mis en place, encadré
par l’association étudiante, qui permet aux étudiants de ne pas avoir à prendre leurs propres notes à chaque cours.
Q: Est-ce que tu as le temps de faire autre chose qu’étudier à l’université? R: Bien sûr! À l’université, tu te rends compte que tu es exposé à une vie d’adulte. Tu as besoin de grandir encore plus rapidement. La première fois que j’ai réalisé ça, c’est quand j’ai vu les prix de la nourriture à la cafétéria. Personnellement, je crois que c’est vraiment important de déterminer des priorités dans la vie le plus tôt possible, et de t’impliquer dans ce que tu valorises le plus, parce que ton temps est limité. Personnellement, je priorise ce qui peut amener un impact positif dans ma communauté et dont je peux retirer de l’expérience. L’hémophilie occupe une grande place dans ma vie, et c’est pourquoi je m’implique encore aujourd’hui dans la Société canadienne de l’hémophilie. J’ai aussi fait partie de l’association étudiante durant l’année préparatoire, et, présentement, en tant que vice-président junior de la santé globale, j’aide à améliorer la santé en général dans ma faculté et la connaissance en droit des étudiants de médecine.
Q: Quels sont tes projets pour l’avenir? R: Honnêtement, je ne sais pas où je vais aboutir, mais je sais que je veux faire quelque chose qui me passionne et qui pourra avoir un impact sur la vie des gens. Avant d’arriver à l’université, je voulais aller en hématologie ou en oncologie à cause de mes expériences à l’hôpital, mais, depuis que j’ai commencé mes études en médecine, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de choses différentes qui m’intéressaient, comme la cardiologie, l’ophtalmologie, ou la radiologie. Je me garde ouvert à toutes les possibilités.
Q: As-tu des derniers conseils pour les étudiants du CÉGEP qui veulent aller en médecine? R: Utilisez le temps que vous avez au CÉGEP pour apprendre à vous connaître, à bien saisir ce qui vous motive et pourquoi vous voulez faire ce que vous voulez faire plus tard. Je crois qu’avoir ce genre de réflexion au CÉGEP est très import29
ant, parce qu’à l’université, une partie importante de ton temps est occupé par des préoccupations de la vie adulte, comme la gestion des finances ou de ton habitation. Aussi, lorsque vous choisirez un deuxième choix dans vos applications universitaires, ne le choisissez pas uniquement parce que ça vous permettra de rentrer facilement en médecine par la suite, mais choisissez plutôt quelque chose qui vous intéresse, et où vous pourriez vous voir faire carrière même si vous ne vous y attendez pas. Les étudiants en médecine ont des formations vraiment variées, et vous ne serez pas nécessairement avantagés en choisissant un domaine qui a la réputation de mener à la médecine. Choisissez quelque chose qui vous passionne.
Un grand merci à Kelan pour avoir accepté de partager son expérience!
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