Ce livre est publié pour la partie manga dans son sens de lecture original japonais. Les cases sont inversées et se lisent de droite à gauche et de haut en bas. Certaines onomatopées faisant partie intégrante du dessin n’ont intentionnellement pas été traduites.
AVANT-PROPOS PAR ASAKAWA MITSUHIRO Ce livre, qui est la suite du premier tome de la version française de Dokudami sô (Le Vagabond de TokyoRésidence Dokudami) paru aux éditions du Lézard Noir, est la seconde compilation d’histoires tirées de la série du même nom, et constitue un ouvrage d’exception. La première compilation, traduction en français d’un manga sorti au Japon en 2006, a suscité un vif intérêt dès sa sortie. En tant qu’agent de Fukutani et responsable éditorial de la version originale, je recevais tous les jours, de la part de Stéphane du Lézard Noir, les échos des lecteurs français, et j’ai été surpris par leurs réactions enthousiastes, qui dépassaient mes attentes. Ce qui m’a encore plus étonné, c’est la façon dont Résidence Dokudami était lu en France. En effet, j’ai eu la sensation que de nombreux lecteurs ne voyaient pas cette œuvre comme un simple manga de fiction, ou une histoire située dans ce monde lointain qu’est le Japon, mais y lisaient plutôt le prolongement d’un quotidien tout à fait ordinaire, s’identifiant eux-mêmes, ou reconnaissant un ami proche, dans le personnage de Yoshio Hori. Les réactions à l’ouvrage se sont poursuivies longtemps, à tel point que le Lézard Noir a lui-même proposé l’édition d’un second volume, qui n’existe pas au Japon, réunissant les meilleurs épisodes de Résidence Dokudami. Les histoires ont été compilées par Stéphane ainsi que la traductrice de l’ouvrage, Miyako, et ensemble ils sont parvenus à choisir avec une justesse étonnante le véritable “meilleur” des histoires dessinées entre 1982 et 1984. Cet ouvrage en est donc le résultat. Actuellement au Japon, on ne peut lire de Résidence Dokudami que la version originale japonaise du premier volume de compilation. Si l’auteur Fukutani se trouvait ici et apprenait que des épisodes que l’on ne peut plus lire aujourd’hui étaient traduits en France, quelle ne serait pas sa surprise ! Si l’on se penche sur le contexte des années 1980 au Japon, époque où a été dessiné Résidence Dokudami, on peut dire en un mot qu’il est caractérisé par l’arrivée de la société de consommation de masse, laquelle poussait, à travers les médias, les jeunes générations à acheter toujours davantage. Cette tendance s’est renforcée durant la période de la bulle économique, à la fin de cette décennie. Le Japon de cette époque semblait être le pays le plus riche du monde. En 1988, si l’on additionnait le prix du mètre carré de l’ensemble du territoire japonais, on obtenait le chiffre d’un million cent soixante quatre mille milliards de yens, et on allait jusqu’à dire qu’avec pareille somme il était possible d’acheter deux fois l’ensemble du territoire américain. Résidence Dokudami allait dans un sens diamétralement opposé à cette tendance. Chaque jour, un flot d’informations sur les produits de marque et sur les dernières modes était déversé par les médias afin d’inciter les jeunes générations à consommer, mais Fukutani Takashi, comme pour aller à contre-courant de l’époque, continuait de dépeindre un héros sans argent, sans travail et sans petite amie, et accumulant les échecs. Pourquoi Fukutani a-t-il toujours dessiné un personnage marginal comme Yoshio ? C’est probablement parce que, depuis son enfance, Fukutani ne cessait de rechercher sa place dans la société. Relisez Histoire de Takashi Fukutani, qui se trouve dans le premier volume, et vous comprendrez que pour Fukutani, qui connut l’échec dans toutes les professions sauf dans le manga, le seul fait de dessiner des mangas apportait un sens à son existence. Tout en dessinant en surface des mangas d’humour, il exprimait à travers le personnage de Yoshio son malaise face à la société, sa sympathie pour les faibles et la vérité de son univers intérieur. Si, malgré un contenu stupéfiant de vulgarité, Fukutani touche autant les lecteurs, c’est sans doute parce que, d’une forme de manga limitée en général au simple divertissement, déborde la sincérité de l’auteur lui-même. Asakawa Mitsuhiro Rédacteur, chercheur en histoire du gekiga. Le 9 septembre 2010, dixième anniversaire de la mort de Fukutani Takashi
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AVERTISSEMENT DE L'EDITEUR Ce volume regroupe des histoires parues dans les albums n°7 à 15 de l’édition japonaise parue chez Hôbunsha. L’œuvre conséquente de Takashi Fukutani (plus de trente mangas publiés en moins de vingt ans), et son inconstance peuvent expliquer le non-respect de la chronologie de la publication originale dans ce volume. En effet, constamment poursuivi par des échéances qui arrivaient trop vite, l’auteur a parfois eu à bâcler ses histoires, et de nombreux épisodes se ressemblaient, ou se répétaient, que ce soit du point de vue graphique ou de celui du scénario. Nous avons donc opéré des choix parmi les histoires de Fukutani, choix nécessairement arbitraires, mais qui, on l’espère, présenteront au lecteur le meilleur de son univers. Si notre premier volume mettait l’accent sur l’auteur Takashi Fukutani lui-même et l’époque qu’il a traversée (né en 1952, sa série Résidence Dokudami a connu un énorme succès dans les années 80 mais, ravagé par l’alcool, il décède prématurément en 2000, à l’âge de 48 ans1), ce deuxième ouvrage tente de dégager une vue d’ensemble du monde dans lequel évolue son héros Yoshio Hori, sorte de double de l’auteur. Dans ce second volume, les personnages qui gravitent autour du héros sont mis à l’honneur, à commencer par les autres habitants de la résidence Dokudami : Rokuda le mangaka raté, Hiromi le provincial, et le « Vieux qui fait semblant de dormir ». Des personnages tels que Makoto, « l’ami » de Yoshio qui lui joue toujours des tours, mais aussi Kenji le boxeur, le yakuza Seiji, ou encore « M’sieur Masa », le dealer contestataire, ont déjà fait leur apparition dans des épisodes antérieurs inédits en français. Cependant, nous n’avons pas systématiquement choisi les histoires qui marquent leur première apparition en raison des faiblesses scénaristiques de certaines. 1
Pour plus de détails, consulter la biographie dans le volume 1 du Vagabond de Tokyo- Résidence Dokudami.
Premières parutions Lively Up Yourself, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéro du 9 juillet 1982. Toucher le fond, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéro du 8 avril 1983. La tragédie du Vieux qui fait semblant de dormir, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros des 6 et 13 août 1982 (deux épisodes). Crazy Summer, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros du 27 août au 10 septembre 1982 (trois épisodes). Dernière valse, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros des 7 et 14 janvier 1983 (deux épisodes). One Drop, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéro du 3 juin 1983. Combat à mort pour des brioches, revue Shûkan Manga Times,éditions Hôbunsha, numéro du 28 octobre 1983. Tender is the Night, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéro du 30 décembre 1983. 893 chansons tristes, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros du 25 mai au 8 juin 1984 (trois épisodes). Little Tenderness, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéro du 6 juillet 1984. Une nuit avec toi, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros des 13 et 20 juillet 1984 (deux épisodes). Le géant amoureux, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros du 27 juillet au 10 août 1984 (trois épisodes). Easy Comfort, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéro du 9 avril 1982. Flash Back, revue Shûkan Manga Times, éditions Hôbunsha, numéros des 20 et 27 mai 1983.
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Lively Up Yourself
À la pénible saison des pluies succédait enfin celle où les jeunes jouissaient pleinement de leur bel âge en allant à la mer ou à la montagne
J’ai chaud ...
chale
ur...
Mais il était un homme que tout cela ne concernait en aucune manière, et qui se tortillait comme un cafard au milieu d’un appartement crasseux
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Oua aah !! Fshh...
De... de l’eau ...
glou glou
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Pff, il fait chaud !
ploc ploc
Flosh !
C’est tièèède ! frrrt
clac
son de la sueur qui jaillit
Faut au moins que j’aille dans un endroit avec la clim’ prendre un café glacé...
On dirait un sauna
J’en peux plus de rester dans cette chambre
bom bom
Eeh ! Rokudaaa !! T’es là !?
En ce moment il n’y a que le Vieux qui fait semblant de dormir de la chambre 5 et le chef de la section locale d’Asagaya du Club des Jeunes Pousses ...
Fff, fait chaud !
Ah oui, il est retourné dans sa province pour le mariage de son frère ...
M’sieur Kimura ! (Le Vieux qui fait semblant de dormir)
toc toc
Z’êtes là, non ? J’entre !
Rroh
*
*En train de dormir
Comment vous faites pour vous couvrir d’un futon par cette putain de chaleur ?
Dites, vous pourriez pas m’avancer juste 1 000 yens... non, 500 yens ?
Rroh
toc toc
Rroh
Je vous rembourserai d’ici deux ou trois jours !
Je n’ai pas d’argent à prêter
Peuh ! Sale vioc ! Rroh
...
Pshiih
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Pff... C’est donc là mon dernier espoir
Toujours à faire semblant de dormir quand ça l’arrange !
clac !
Club des Jeunes Pousses Section locale d’Asagaya - Hiromi Gô
*
Oh, il a fermé ses volets. Il est pas là ?
Bonjour, c’est Hori de la chambre 8 !!
toc toc *chaleur
Ouah !
Qu’estce que tu veux ?
Hiromi Gô (25 ans), président de la section locale d’Asagaya du Club des Jeunes Pousses
clic
Pas très prudent, il a même pas fermé à clef ...
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Plutôt que de boire du thé chaud dans une chambre aux volets fermés, tu voudrais pas aller boire du café glacé dans un salon de thé climatisé ?
Ah ha ha, ben t’étais là, Hiromi ?
On ent’ pas comme ça chez les gens !
fff... fff... slurp
La climatisation, le café, c’est point bon pour la santé ...
Solidarité !!
Ah ha ha, de nos jours, même les gosses de primaire vont au salon de thé
Slurp ... *
Et pis ma mère, au pays, m’a dit que les salons de thé y z’étaient un repaire de voyous ...
*Ne faites pas confiance aux gens de la ville !
Attends un peu, que je m’prépare ...
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Allez, on y va ! J’en connais un où y a une serveuse mignonne
Comme c’est la première fois que j’vais dans un endroit pareil, j’me sens pas à l’aise...
Tu veux pas te détendre un peu ? On n’est pas à un rendez-vous pour un mariage arrangé
slurp... slurp...
... slurp ... slurp
N’empêche, j’aimerais bien avoir au moins un ventilo dans ma chambre !
Qu’est-ce qui t’prend tout d’un coup ? Quel mec n’est jamais allé dans un soap...
Ha ha ha ha !
Hein ?
Yoshio, t’es déjà allé dans un soapland* ?
Des bains turcs ?
*Salon de massage offrant des services sexuels
Ben... c’est-à-dire ... comme ce qu’est écrit dans les magazines ...
Ce genre de choses ... ?
C’est-y vrai qu’on fait ce genre de choses dans les soap ?
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Non, enfin j’veux dire ... j’aimerais bien y aller une fois ...
Ben sûr ! Un endroit aussi débauché !
bom
BAM !
Quoi !? Tu m’invites au soap !?
Ha ha ha, t’es bien entreprenant, Hiromi !
On... on va ici
!
Ha ha ha ha, t’es jamais allé, Hiromi ? En même temps, le contraire m’aurait étonné
Yoshio, tu voudrais pas m’accompagner ? C’est moi qui invite