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L’observateur de tendances Dado Van Peteghem partage son point de vue sur le futur rapport entre les événements et la technologie numérique

TREND WATCHER DADO VAN PETEGHEM

«POUR RENFORCER L’ENGAGEMENT AU SEIN DES ÉVÉNEMENTS, IL FAUT PENSER À DES SOLUTIONS GAMIFIÉES, ET APPORTER UN CÔTÉ FUN EN PLUS DU CONTENU.»

Ces deux dernières années – coronavirus oblige – le secteur événementiel a davantage joué la carte du numérique. D’autres technologiques, comme le NFT et le Métavers, se profilent également à l’horizon. Va-ton voir les événements numériques définitivement supplanter les événements offline ? Ou la situation est-elle un peu plus nuancée que cela ? L’observateur de tendances Dado Van Peteghem partage avec nous son point de vue sur le futur rapport entre les événements et la technologie numérique.

Dado Van Peteghem est le cofondateur de la société de conseil Scopernia. “Nous avons des bureaux à Gand et à Dubaï et nous sommes spécialisés dans la transformation et l’innovation pour les sociétés. Je suis également impliqué dans plusieurs startups, comme Speakersbase, par exemple, une agence de conférenciers d’un style nouveau, alliant événements numériques et offline. Toutes ces activités sont en lien avec l’avenir du numérique et la force de la technologie, et toutes les possibilités que cela ouvre. C’est réellement un sujet qui me passionne. Étant conférencier moi-même, je donne pas mal de présentations sur l’avenir, l’ère numérique et la technologie.”

REPÉRER LES TENDANCES

Dado Van Peteghem s’intéresse donc au monde du numérique et en suit de près les tendances. “La meilleure façon de prédire l’avenir est d’observer les générations suivantes. C’est souvent en examinant le comportement des jeunes que l’on repère les signaux et la direction que vont prendre les tendances. Un autre angle d’approche est de voir au-delà de la Belgique et de l’Europe. En Asie ou dans la Silicon Valley, l’impact d’une technologie se repère généralement rapidement, avant même qu’elle arrive chez nous. Comme le développement du Métavers, par exemple. Là-bas, beaucoup de grandes entreprises technologiques y sont déjà à fond, ce qui est une indication de ce qui nous attend. Une troisième façon de faire est de suivre les leaders d’opinion internationaux au sein de communautés de niche sur LinkedIn et Twitter. Eux aussi suivent les évolutions au plus près. Si vous combinez ces trois éléments, vous avez un bon aperçu des tendances qui nous arrivent à plus ou moins long terme.”

LES ÉVÉNEMENTS NUMÉRIQUES N’IMPLIQUENT PAS (ENCORE) ASSEZ

Ces deux dernières années, les événements ont vécu – par nécessité – une révolution numérique. Est-ce un présage pour les prochaines années ? “Ces derniers temps ont été très particuliers pour l’événementiel. D’un coup, il a fallu se mettre à organiser des événements numériques. Des appels par Teams aux plateformes professionnelles à part entière permettant de gérer toutes sortes d’événements numériques. La question est donc : est-ce là l’avenir des événements ? Ou cela vat-il repartir dans l’autre sens ? Je constate que les gens ont besoin de se rassembler et que les événements numériques ne peuvent remplacer comme ça les organisations physiques. Simplement parce que dans leur forme actuelle, ils ne permettent pas la même dynamique. Mais je pense que la prochaine vague d’événements numériques va être beaucoup plus immersive. Quand vous suivez une réunion ou un événement sur votre PC portable, avec d’autres écrans ouverts, voire des enfants qui courent autour... vous n’êtes pas suffisamment impliqué. Ce niveau d’engagement, seuls les événements physiques peuvent le générer actuellement. Mais l’utilisation, entre autres, de lunettes de RV et d’avatars représente, je pense, une opportunité d’atteindre cette implication en numérique aussi. Je pressens pour les trois prochaines années une foule de nouvelles opportunités au niveau numérique – notamment avec la RV et le Métavers – qui vont créer des choses tout à fait neuves, qui n’ont plus rien à voir avec les applications numériques que nous connaissons jusqu’ici.”

LES ÉVÉNEMENTS OFFLINE GARDENT LEUR PLACE

Malgré ces perspectives, Dado Van Peteghem reste confiant dans l’avenir des événements physiques. “Je suis convaincu que les deux formes vont coexister. Je crois en la force des événements offline autant que dans les possibilités fascinantes des applications numériques. Seulement, je pense que la version numérique de l’événement ne déploie pas encore tout son potentiel. Un appel Teams avec un Powerpoint et un chat de groupe rassemblant 100 personnes ne remplace aucunement la relation et la confiance bâtie dans un environnement physique. À

terme, les expériences immersives deviendront un pendant ou un ajout valable, même si je suis persuadé que les événements physiques ne disparaîtront jamais complètement. S’ils se feront toujours à la même fréquence ou avec la même internationalité ? Je ne pense pas. Je pense que de nombreuses entreprises prendront la décision – pour des raisons de budget et de durabilité – de ne plus faire prendre l’avion à des centaines ou des milliers de personnes pour se retrouver dans une même salle.”

LA DURABILITÉ EN PAROLES ET EN ACTES

Le mot en D est lâché. Dado Van Peteghem constate au sein des organisations une intensification des considérations durables. “Les entreprises savent qu’elles doivent satisfaire à de nouvelles normes et réduire leur empreinte écologique. D’autre part, les jeunes générations attendent des entreprises qu’elles aient un impact plus positif et prennent mieux soin de la société. Avant, les départements CSR des entreprises publiaient un livre blanc par an mais en dehors de cela, ils restaient principalement sur la touche. Aujourd’hui, la durabilité est passée en tête des priorités et est spécifiquement discutée dans les conseils d’administration. Et je veux dire la durabilité au sens large : pas seulement l’énergie verte et l’impact écologique mais aussi la diversité et le genre. Le chemin est encore long mais on remarque que les entreprises sont passées à l’action et ne se contentent plus d’un coup de communication de temps à autre. Avant, la durabilité était portée par un cadre légal mais aujourd’hui, c’est le consommateur qui est demandeur. Les clients ne s’intéressent plus uniquement au rapport qualité/prix, ils veulent aussi le bon état d’esprit chez l’entreprise qu’ils choisissent, la bonne manière de produire, etc. Ce n’était pas autant une priorité avant.”

DOING GOOD

Il y a un glissement notable dans la mentalité des organisations, qui sont de plus en plus conscientes de leur rôle social. “Durant les 7 à 8 ans avant la période corona, la technologie numérique servait principalement à améliorer l’efficacité et la croissance d’une entreprise, ce qu’on appelle le ‘doing well’. Ces trois dernières années, une nouvelle composante est venue s’y ajouter : le ‘doing good’. Aujourd’hui, les entreprises misent sur ces deux axes. Comment pouvons-nous innover pour être encore plus efficaces et novateurs ? Mais aussi : comment envisager activement notre impact positif au sein de la société et au sein de la structure de notre organisation ? C’est une évolution positive, qui se transpose aussi aux événements. Lorsqu’une entreprise affirme vouloir être verte et durable, elle y réfléchira à deux fois avant de faire prendre l’avion à tout le monde depuis les quatre coins de la planète. Les visiteurs des événements ont aussi des attentes différentes aujourd’hui. Par exemple, par rapport à qui monte sur la scène. Si vous n’invitez que des hommes blancs comme conférenciers, vous allez assurément être critiqué. Et à juste titre. Le public attend un certain équilibre au niveau des sujets et des intervenants.”

GAMIFICATION

Dado Van Peteghem croit aussi fermement dans le rôle croissant du gaming. Y compris au sein des événements. “Les jeunes générations jouent beaucoup à des jeux comme Roblox, Minecraft et Fortnite. Mais les générations plus âgées s’y mettent aussi, partiellement à cause de la pandémie. Quand vous prenez l’avion ou le train, vous voyez aussi des personnes de 50 ou 60 ans jouer à des

jeux sur leur téléphone. Pour renforcer l’engagement au sein des événements, il faut penser à des solutions gamifiées, et apporter un côté fun en plus du contenu. Il y a actuellement une profusion d’événements – numériques et physiques. Tout le monde a envie d’organiser quelque chose. Il faut donc sortir du lot. La gamification offre énormément de possibilités à ce niveau. Bon nombre d’événements ont un déroulement classique : réception, séance plénière et break-outs. Mais vous pouvez créer plus d’engagement à l’aide de différentes applications numériques et offline.”

EXPÉRIMENTER POUR SE PLACER EN POLE POSITION

Le NFT et le Métavers sont deux évolutions qui vont contribuer à façonner l’avenir, y compris au sein des événements. “Dans le futur, la vente de tickets, par exemple, se fera davantage sous forme de NFT. À quoi on peut associer un programme de fidélité, par exemple. Sur la chaîne de blocs, il existe un Proof Of Attendance Protocol (POAP), permettant de prouver que vous étiez bien à un certain endroit. J’y vois aussi une opportunité fantastique pour les événements. Je pense que les événements de plus grande taille peuvent déjà s’intéresser au potentiel des NFT et du POAP dans ce domaine. Il y a déjà des expériences intéressantes à faire. Sans oublier bien sûr les possibilités du Métavers. Ici aussi, les organisateurs devraient envisager d’expérimenter dans des métavers existants comme The Sandbox, Decentraland… où on peut d’ores et déjà organiser un événement. Mais je pense qu’il faudra encore un moment avant que les gens maîtrisent suffisamment la technologie et s’y sentent à l’aise pour y participer en masse. Donc est-ce que c’est l’avenir pour chaque événement ? Je ne pense pas. Et est-ce indispensable pour chaque événement ? Je ne pense pas non plus. Mais cela ouvre indéniablement des possibilités incroyables. Ce genre d’initiatives va progresser de manière exponentielle. Mais pour moi, il est encore trop tôt. Bill Gates a dit un jour : ‘On surestime toujours le changement à venir dans les deux ans, et on sous-estime le changement des dix prochaines années’. C’est aussi comme ça que je vois les choses. Je pense que nous ne verrons pas de grande adaptation avec des événements fleurissant un peu partout dans le Métavers d’ici 2024 mais que l’impact sera énorme dans les 7 à 10 années à venir. Si j’étais une agence événementielle ou un organisateur, je me mettrais en quête de partenariats dès maintenant pour tenter de modestes expériences. De manière à se placer en pole position pour quand ça démarrera vraiment.”

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