L’Autonomie selon Kaufmann, fondée sur l’oeuvre de Ledoux, est définie comme une série d’intervention formelles rompant avec la convenace du Baroque (J.F blondel). A l’inverse de l’enchaînement baroque conventionnel (une partie domine toutes les autres et cependant toutes les parties forment un tout¹), il choisit le système de pavillons isolés (la partie est indépendante de la totalité²).Or, la Révolution francaise, en fait d’autonomie, on ne le sait que trop, aura oeuvré dans le sens d’une centralisation bourgeoise toujours plus poussée dont Napoléon devra receuillir les bénéfices à la grande satisfaction de Ledoux. Kaufmann force donc l’histoire du passé, car en la dotant d’une forte charge idéologique, elle ne se dispose pas à accepter les échecs et les dispersions dont l’histoire est jonchée. Elle force le futur, puisqu’elle ne se contente pas d’enregistrer les évènements: elle pousse vers des solutions et des problèmes nouveaux. Elle est opératoire.
LE STUDIOLO: UN CABINET DE CURIOSITE
Qu’est ce qu’un studiolo? Une chambre dédiée au travail ? Ou bien le studiolo n’aurait il pas une valeur plus symbolique que fonctionnelle ? Il est assez difficile d’imaginer Francois premier assis à l’étude dans le studiolo du palazzo Vecchio. Le studiolo, à l’image d’un cabinet de curiosité, permettrait d’enfermer une collection d’oeuvres, de souvenirs. La représentation physique d’un corpus, de références. Une chambre mentale pénétrable.
Kahn Fritz. Das Leben des Menschen. 5 vols. Stuttgart: Franckh’sche Verlagshandlung. 1922
L’ILE DE L’ARCHITECTURE DES LUMIERES
Emile Kaufmann, tout au long de sa carrière et de son exil, aura constamment souffert d’un manque de reconnaissance. Aujourd’hui célèbre pour la découverte et création du trio Ledoux, Boullée, Lequeu; il est assez difficile d’imaginer Kaufmann dépourvu de bourse d’étude. Traumatisé à jamais par cette période douloureuse, il s’acharne aujourd’hui à une éternelle promotion de l’architecture des lumières. Il a retrouvé l’idéal pittoresque de Ledoux dans une île artificielle, où il installe un LABORATOIRE à échelle humaine de la forme pure et de l’architecture des lumières. La foire offre un large panorama de produits, le prix de l’entrée est resté bas afin de favoriser son exploitation éducative, mais surtout afin de profiter du grand nombre pour la promotion de nouveelles marchandises. L’omniprésence de la publicité garantit la pérennité des activités et l’emploi d’une cinquantaine d’intérimaires. Son pouvoir d’achât assure au prolétariat d’accéder au rêve de consommation culturelle. - Une exposition de l’architecture universelle 5
LA CRITIQUE OPERATOIRE
L’oeuvre de Kaufmann revèle une certaine obsession pour Claude Nicolas Ledoux. Tafuri déplorera sa méthode opératoire: sa volonté à travers l’écriture de l’histoire d’influencer la production contemporaine. La critique opératoire représente le point de rencontre entre la critique et le projet. La critique opératoire projette l’histoire passée vers le futur. L’oeuvre de Kaufmann représente les tentatives de rattacher l’architecture moderne au passé, et c’est là une indication pour ses développements futurs. La critique d’art n’a alors d’autre fonction que publicitaire ou de propagande, appropriée aux besoins du marché. Kaufmann écrira: Aussi important qu’il est d’expliquer les oeuvres d’arts par comparaison et analogie avec les prédécesseurs, il est plus important encore non pas de se demander d’où elles viennent mais plutôt vers où mènent-elles.
Détournement de propagande Nord Coréenne
L’EXPOSITION DE L’ARCHITECTURE UNIVERSELLE
Une des caractéristiques de la critique et de l’historiographie opératoire est leur pouvoir didactique.¹ Le studiolo de Kaufmann sera un lieu de promotion du mythe du Moderne éternel: l’Architecture des lumières. La rigueur de leur géométrie seront présentés comme le progrès permanent. A partir des planches de La Ville Idéale, Kaufmann construit un collage réaliste de petits ou grands pavillons non réalisés. Afin d’accentuer la dimension du présent, les pavillons instrumentalisés, deviennent une célébration de la technologie. Tous les monuments se disposent naturellement sur un plan d’ensemble qui restitue un tableau de ville autosuffisante, l’établissement d’une population sur des terres vierges. Le site est entouré d’eau pour faciliter l’abstraction à la réalité. A la façon d’une exposition universelle, les purs volumes géométriques de Ledoux, déposés dans un paysage ouvert, revèleront leur irréductible autonomie. Le SPECTACLE est fragmenté à la manière de la ville idéale. Selon le répertoire programmatique d’une exposition, une constellation de fonction illustrent l’uniformité de la représentation moderne de la culture contemporaine. En célébrant l’apothéose d’un optimisme culturel moderne, elle en masque les conflits et les complexités. Ledoux, aïeul du mouvement moderne y est présenté au grand public comme un héritage et une REFERENCE associé à la production architecturale à venir. 7
L’ARCHITECTURE PARLANTE
La clarté de leur figure les rendant libres d’interprétation. «Les formes cherchent des fonctions comme les Bernard-L’ermittes cherchent des coquilles vides». L’oeuvre de Ledoux va acquérir son autonomie en se détachant de sa première assignation programmatique. Les programmes seront choisis aléatoirement selon des besoins contemporains. L’objectif est de confronter la liste programmatique de la ville à l’époque de la manufacture avec des exigences de la société de consommation capitaliste post industrielle. La séquence traditionnelle «programme+site= forme» est ici volontairement inversée (comme dans les ordres classiques de colonnes). Les pavillons de la ville idéale sont détournés de leur fonction originale, en effet, la forme dicte le programme.
Venturi Robert, Learning from Las Vegas, 1972
L’AUTONOMIE FORMELLE
Le studiolo de Kaufmann est un archipel de situations ludiques. Le principe nouveau d’autonomie selon Kaufmann se manifeste dans un systeme égalitaire de pavillons, lequel suppose que les éléments ou unités conservent leur indépendance. Inspirée de la sémiologie moderne (gestald theory), il est nécessaire que la raison qui préside à leur agencement n’aparaisse en toute clarté qu’au niveau du plan. Chaque oeuvre aura une fonction pédagogique, faisant partie du grand spectacle culturel. Des fragments arrachés à leur contexte, à leur mouvement, et à leur époque deviennent des références nouvelles au projet d’autonomie. Associés, ils servent le projet commun: la FOIRE destinée à la consommation de l’histoire de l’architecture. (Comment aller plus loin que le mythe de la consommation culturelle?)
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L’AUTONOMIE DISCIPLINAIRE
Ce nouveau type de critique opératoire, avec toutes les ambiguîtés qu’elle comporte prétend:
a- au rôle pédagogique d’offrir une visibilité de l’architecture au grand public b-provoquer le débat entre les participants et enrichir l’histoire de l’architecture
Elle prétend donc s’écarter de la reconstruction du politique, du social, pour servir son propre déterminisme et ses raisons internes à la discipline. L’autonomie serait une retraite stratégique, elle refuse la réforme et la remise en question du monde actuel. Acontextuel, le studiolo se prétend refuge du réel, mais n’en est il pas l’expression la plus radicale? Le spectacle de l’exposition a beau être écarté des réalités sociales il reste un refuge illusoire, où l’aliénation et les combats qui accompagnent la modernité sont occultés. Rossi assure que tous les édifices construits de la ville sont inévitablement la représentation du pouvoir: il n’y a pas de batîment d’opposition parce que l’architecture qui va être réalisée est toujours l’expression de la classe dominante. Brugellis Pino, Pettena Giani, Salvadori Alberto, Utopie Radicali, Strozzina, Firenze, 2018
L’AUTONOMIE HETERONOME
Alors que tout un chacun proclame l’échec du mouvement moderne et va dénoncer ses liens avec un ordre technocratique, consumériste, et immoral, le studiolo de Kaufmann offre une architecture néoclassique à parade, incarnant l’idéologie dominante, totalitaire dont elle prétendait s’affranchir. Il est donc important de s’attarder à la valeur cyclique que prend l’autonomie. L’autonomie serait l’affranchissement d’une série de convenances. Mais le renversement n’est il pas uniquement l’établissement d’une nouvelle doctrine à la mode, une HETERONOMIE prête à être défiée. Aujourd’hui, le rôle de l’intellectuel comme producteur de culture ne serait il pas d’assurer une position politique autonome à l’intérieur du capitalisme?
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MAISON DES DIRECTEURS DE LA LOUE
Autour de l’exposition, une étendue d’eau assure son autarcie. L’île est desservie par bateaux. En tant qu’entité autonome et autosuffisante, la première préoccupation est la régulation et taxation des flux entrants dans le parc. L’île choisie par Kaufmann est identique à l’imaginaire pittoresque qui jonchaient les gravures de Ledoux. La maison des directeurs de la loue est constituée d’un bloc prismatique assez bas, d’escaliers extérieurs et d’un épais cylindre couché sous lequel coule une rivière. Cette architecture parlante symbolise la supériorité de l’homme sur la nature. L’homme révolutionnaire, comme l’a fait l’homme antique autrefois, considère une nature sublimée lorsque soumise. Les eaux tumultueuses servent à augmenter l’effet dramatique du dessin. Le flux d’eau permet de faire toutner les turbines de ce pédalo automatique.
ACCES
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FONTAINE
A travers le dispositif spectaculaire, l’exposition propose une série d’expérience du rêve de la consommation culturelle. Le panorama est un instrument efficace afin de présenter cet idéal de manière homogène. A l’inverse de l’enchaînement baroque conventionnel (une partie domine toutes les autres et cependant toutes les parties forment un tout¹), est choisit le système de pavillons isolés (la partie est indépendante dans le cadre de la totalité²). Au centre des espaces publics les fontaines sont idéalement située. Après avoir payé un supplément et passé un contrôle de ticket, une cage d’escalier offre accès à la plateforme panoramique. Un paysage à 360° s’étend autour du visiteur. La vue panoptique du visiteur omniscient cache un poste de surveillance vidéo. Le dispositif de sécurité réagit de manière autonome en fonction des mouvements de foules et contacte les forces armées les plus proches en cas de comportements suspects.
PANORAMIQUE
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ATELIER DES BUCHERONS
Le coliseum prétend offir un corps pédagogique retraçant non seulement l’évolution de l’architecture de Ledoux mais surtout son rôle dans la généalogie de l’architecture moderne (antihistorique). Dans le dôme s’accumulent une quantité d’attractions destinées à tuer le temps. L’homme moderne dans un zoo humain y affronte son fantome, l’homme primitif. On y apprend comment l’homme prérévolutionnaire se lavait, mangeait, apprenait, dessinait et dansait. Des médias immersifs et tactiles sont dédiés à la participation active des visiteurs aux animations. On y apprend l’archéologie des formes, le mythe de la géométrie et le culte de la sphere du cube et de la pyramide. Toute l’histoire paraît continue dans un dispositif humanisant la modernité.
SPECTACLE
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PANARETHEON
J’ai placé tous les genres d’édifice que réclame l’ordre social, on verra des usines importantes...donner naissance à des réunions populeuses. La forme du cube est le symbole de l’immutabilité. Voila qui va déterminer la volumétrie du supermarché, le seul endroit où le modele de l’usine et de la consommation se rencontrent. Le hangar décoré d’une enseigne lumineuse envelloppe un intérieur utopique homogène. L’édifice sera simple comme les lois qui s’y prononcent. L’extérieur ne laisse absolument rien deviner sur l’aménagement intérieur. La loi de l’offre et de la demande y règne en maître absolu. Des enseignes lumineuses éléctroniques projettent, au moyen de méthode de persuasion commerciales, une série de suggestion de produits et de marchandises qui permettent de réhausser les valeurs civiques et culturelles.
CENTRE COMMERCIAL
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ROTONDE DE MONCEAU
La rotonde réseau assure en permanence un Wifi haut débit continu et stable. L’usager peut constamment interagir avec les attractions via son smartphone afin de profiter d’une expérience du parc complète l’application réagit aux QR codes. Certains avis, retours et recommendations sont récoltés et servent à l’amélioration du service et la performance pédagogique du parc. Mais la plus grande partie, ainsi qu’une série de données personnelles ( réseaux sociaux, mail, datas... ) sont stockées dans la même infrastructure. Conservées, elles seront mises en vente aux compagnies les plus offrantes.
RESEAU
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MAISON DES GARDES CHAMPETRES
Le parc est un lieu réservé à l’éducation, à la récréation et à la consomation. Cette infrastructure y ravive les sentiments les plus primaire dans le parc d’éducation: le vertige, la vitesse. Il incarne la nervosité et la symbiose entre homme et machine. Les deux bras robotiques tendus par deux cables propulsent la sphère dans les airs à une vitesse galactique. A l’inverse du panorama, le paysage n’est pas contemplé mais s’agite sous l’éffet de l’accelération. La maison des gardes agricoles devient le décors de fête forraine satisfaisant la soif de sensation forte des plus ou moins jeunes. Une manière de s’échapper quelques secondes de la réalité et des formes pures et de plonger dans un monde autiste remplit d’adrénaline.
VERTIGE
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ATELIER DES CERCLES
La rota fortunae est issue de mythologies antiques et médiévales symbolisant la nature capricieuse du destin. La roue appartient à la déesse fortune qui la tourne aléatoirement, changeant ainsi la position des humains qui se trouvent sur la roue, tantôt chanceux, tantôt malchanceux. Ici a lieu le tirage tant attendu d’une lotterie. Le jeux de hasard permet ici de récolter une taxe volontaire, voire enthousiaste. Elle combine une part de hasard, de vertige, de simulation au profit du parc croupier. La participation financière du public assure une partie de la stabilité économique du parc. L’atelier des cercles peut être interprété comme un véritable traité de fonctionnalisme nouveau et un exemple éclatant d’architecture parlante. Le bâtiment lui même se transforme tout entier en un gigantesque dessin «empreint de l’émanation du sujet qui l’autorise»
LOTTERIE
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MAISONS DE CAMPAGNE
Les maisons bourgeoises de Ledoux sont mises sur roulette. Les caravanes révolutionnaires sont disposées autour d’un centre civique qui rassemble les équipements communautaires. Comme le voulait Ledoux toutes les caravanes sont différentes mais sont organisées suivant un principe de société coopérative dans laquelle chacun est actionnaire. Cette société ephemère met en avant l’engagement individuel dans la gestion de la communauté. Le camp est extensif selon les limités de terre disponibles pour la copropriété. Toutes ont une forme originale, indépendantes dans le cadre de la totalité.
MAISONS DE CAMPING
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Vidler Anthony, Histories of the immediate present, The Mit Press, Massachusetts, 2008 Kaufmann Emile, Von Ledoux bis Le Corbusier, 1933 Kaufmann Emile, Trois architectes révolutionnaires: Boullée Ledoux Lequeu, American philosophical society, Philladelphia, 1952 Ledoux CN, L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des meurs et de la législation, Fernand de Nobele, 1804 Tafuri Manfredo, Théories et histoire de l’architecture, Laterza, Bari, 1968 Aureli Pier Vittorio, The project of autonomy: Politics and Architecture within against Capitalism, Princeton architectural Press, NYC, 2008 Aureli Pier Vittorio, The possibility of an absolute architecture, The Mit Press, Massachusetts, 2011 Brugellis Pino, Pettena Giani, Salvadori Alberto, Utopie Radicali, Strozzina, Firenze, 2018 Debord Guy, La société du Spectacle, Gallimard, Paris, 1992 Van Acker Wouter, Verbruggen Christophe, World’s Fairs in perspective, Ashgate, 2015 31
Ce projet tente de faire la synthèse entre chronologiquement, une première approche du travail historiographique d’Emile Kaufmann selon Vidler, la lecture de deux des principales publication d’Emile Kaufmann,une série de définition à propos de l’autonomie (Rousseau, Kant, Koohlass, Aureli), le détournement de la Ville Idéale de Ledoux selon la grille isomorphe de la cité du globe captif de OMA, un voyage à Florence, grand spectacle culturel dysnéifié et la découverte des radicaux Italiens, une seconde lecture du travail d’historien selon Tafuri, deux lectures sur le spectacle, un intérêt permanent pour le travail d’AVL.