Nespresso Magazine #29 Madrid - édition française

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MADRID

Autome 2017 - Hiver 2018 € 5,90 SFR 7,00 £ 4.90 $ 8.00

NURIA MORA COLORE LA VILLE

CITY GUIDE LES ADRESSES DES MEMBRES DU CLUB

AU CŒUR DU FLAMENCO DANS L’ÉCOLE MYTHIQUE DE LA DANSE ESPAGNOLE

OSEZ LE LATTE ART DEVENEZ UN VRAI BARISTA À LA MAISON



ÉDITO Jean-Marc Duvoisin

SUIVEZ la cadence ! CHERS MEMBRES DU CLUB,

« Si estás en Madrid, eres de Madrid » (« Si tu es à Madrid, tu es de Madrid »), dit le dicton espagnol. Rares sont les villes à vous accueillir avec autant de générosité. Il faut débuter par Gran Vía, l’artère principale, pour plonger dans les multiples facettes de la cité. Madrid est un carrefour unique où les populations, les cultures et les ambiances se mêlent. En visitant ses quartiers aux identités fortes et contrastées, vous aurez une large palette de surprises et d’expériences à vivre. Il faut s’enfoncer dans les ruelles bouillonnantes de Lavapiés, déambuler dans la chaleur bohème de Malasaña ou profiter du charme classique de Chamberí pour mesurer l’intensité qui s’en dégage. Ici, la beauté est partout. Prenez ce magazine en main, préparez-vous un cortado – boisson locale iconique, élaborée avec un Espresso et autant de lait – et partez à la rencontre de personnalités fascinantes qui vous ouvrent les portes de leur ville de cœur. Nuria Mora, artiste-peintre au talent reconnu bien au-delà de Madrid, est notre citoyenne d’honneur. Les murs de la cité sont ses toiles, qu’elle décore de fresques luxuriantes : vous découvrirez des œuvres mêlant formes organiques et géométriques, en harmonie avec l’atmosphère madrilène. Prenez aussi une leçon de flamenco, au sein de la plus prestigieuse école du pays, Amor de Dios. Au fil des pages, vous rencontrerez également des artisans exceptionnels, qui perpétuent des savoir-faire millénaires tout en prenant en compte les enjeux écologiques d’aujourd’hui. Mais une visite de Madrid sans étape gourmande serait impossible… Faites la connaissance d’une communauté de cuisiniers bien décidés à exprimer au présent les traditions gastronomiques de la capitale. Vous apprendrez qu’au-delà des célèbres délices que sont le churro et la tortilla, la cité offre une variété méconnue de saveurs, des produits magnifiques, des goûts authentiques et des recettes exquises – que l’on vous propose de reproduire chez vous – exprimant la générosité et la diversité des terroirs espagnols. Votre cortado est terminé ? À vous de devenir un Latte artiste. Cette édition vous invite aussi à apprendre comment adopter facilement, à domicile, les techniques spectaculaires des meilleurs baristas. Prolongez également le voyage avec les nouvelles escales de notre collection Explorations, qui vous transportent – pour quelques semaines seulement ! – à travers les contrées envoutantes d’Éthiopie et les montagnes verdoyantes de la Colombie. Découvrez aussi comment l’implantation d’un centre de traitement des cerises de café, à Jardín, en Colombie, a amélioré la vie des caféiculteurs et préserve l’environnement. Tous les ingrédients sont réunis pour savourer le plaisir d’un café d’exception, comme un instant baigné de lumière sur un roof top de Madrid. Bonne lecture, bon café, JEAN-MARC DUVOISIN DIRECTEUR GÉNÉRAL, NESTLÉ NESPRESSO S.A.

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CONTRIBUTEURS

Avec nous, BORIS CORIDIAN Rédacteur en chef

JULIETTE DE CADOUDAL Styliste déco

Journaliste gastronomique et fondateur de l’agence Les Digitalistes, il poursuit son tour du monde des saveurs avec Nespresso. « Madrid nous a littéralement pris dans ses bras. La capitale espagnole possède une identité aussi forte que le Fortissio Lungo qui m’accompagne tous les matins, en reportage comme chez moi. »

Créatrice touche-à-tout, elle s’empare des objets, des matières et des couleurs, afin de composer des univers singuliers, avec l’envie de susciter l’émotion autour d’un intérieur et de raconter une histoire. « Commencer la journée par un Envivo Lungo, où quelques grains de cassonade viennent se dissoudre lentement sur la crema, incarne mon meilleur moment gourmand. »

CASPAR MISKIN Photographe

Il a été chef de cuisine avant de devenir photographe spécialisé dans la gastronomie – bien évidemment ! Ses racines scandinaves inspirent son travail, caractérisé par le minimalisme et la simplicité. Côté café, il apprécie un Ristretto : « À la fin du repas, une tasse courte et puissante, avec une touche d’acidité, me redonne de la vitalité. »

NESPRESSO MAGAZINE est une publication du groupe NESTLÉ NESPRESSO S.A. Avenue de Rhodanie 40 1007 Lausanne - Suisse. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jean-Marc Duvoisin. ÉDITRICE EXÉCUTIVE Lise Peneveyre. CONCEPTION/RÉALISATION LES DIGITALISTES 9, rue Emilio Castelar 75012 Paris, France. Tél.: +33 (0)1 43 44 55 20 contact@lesdigitalistes.com lesdigitalistes.com RÉDACTION EN CHEF Boris Coridian. DIRECTION ARTISTIQUE Virginie Oudard. COORDINATION ÉDITORIALE Sophie Bouniot. SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Thierry Lepin et Sylvain Maestraggi. CHEF DE STUDIO François Scavo. ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Mickaël A. Bandassak, Juliette de Cadoudal (Royal Ferry), Célia Callois, Audrey Cosson, Marine Durand, Ana Fuentes Fernandez, Virginie Garnier, Icinori, Guillaume Jan, Elie Mauve, Caspar Miskin, Stéphane Remael, Sophie Rivat.

VIRGINIE OUDARD Directrice artistique

Graphiste depuis presque vingt ans, elle affectionne les univers colorés et chaleureux, dans la vie comme au travail. À ce titre, Madrid fut une vraie révélation. « L’intensité de la vie madrilène nous a portés durant toute la réalisation de cette édition. Jusqu’à la découverte de l’exquis café con hielo, que j’aime savourer après le repas. »

CÉLIA CALLOIS Illustratrice GUILLAUME JAN Journaliste et écrivain

Amateur de ruisseaux et de collines, il écrit des reportages picaresques pour plusieurs magazines et publie des récits de voyage. Au pays de Don Quichotte, il s’est émerveillé de pouvoir s’attaquer aux mêmes moulins que le héros du roman de Cervantès. Il boit tous les soirs un Arpeggio Decaffeinato avant d’aller dormir.

Avec le Rotring, son outil de prédilection, Célia crée des illustrations pour la presse et l’édition, en mêlant graphisme, typographie, dessin et à-plats de couleurs. « Après le déjeuner, comme un interlude réconfortant, j’aime déguster un Vivalto Lungo, servi dans un verre. »

TRADUCTION TagLine. PHOTOGRAVURE Compos Juliot. IMPRESSION Mohn media Mohndruck Gmbh. RÉGIE PUBLICITAIRE MHD SA Chemin du Bugnon 1 / CP 32 1803 Chardonne - Suisse. Directrice de clientèle : Dominique Breschan. Tél.:+ 41 (0) 79 818 27 55 dominique.breschan@mhdsa.ch Ce magazine est imprimé sur du papier certifié :

© Copyright 2017 Nestlé Nespresso S.A. Tous droits réservés. Nespresso, les noms des différentes variétés de café Nespresso et les logos Nespresso cités dans Nespresso Magazine sont des marques de la Société des Produits Nestlé S.A. qui peuvent être déposées dans certains pays.


SOMMAIRE Automne-Hiver 2017-2018

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p. 28

p. 34 p. 48

p. 60

p. 44 p. 70

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ÉDITO

NOW 6 AGENDA CULTUREL 12 INSTANT N

La pause-café madriLène

DESTINATION MADRID 14 CITY GUIDE

Les meiLLeures adresses de cinq membres du cLub 28 CITOYENNE D’HONNEUR

nuria mora, pigments espagnoLs

34 CULTURE GASTRONOMIQUE

Le goût de madrid 44 ART VIVANT

au cœur du fLamenco 48 DANS LES RUES DE LAVAPIÉS

un quartier en fusion

p. 84

52 OBJET CULTE

un trophée végétaL 54 CRÉATION CONTEMPORAINE

révoLution artistique 58 HISTOIRE EXTRAORDINAIRE

café society

p. 88

88 CREATISTA PLUS

expression Libre 92 ENVIRONNEMENT

L’effet papiLLon 96 LES PRÊTS-À-OFFRIR

hymne à La joie !

60 MODE DURABLE

une coLLection

L’EMPREINTE CAFÉ

de bonnes intentions

de

64 LES MOULINS DE LA MANCHA

Le second souffLe des géants 70 CAFÉ GOURMAND

saveurs sucrées

NESPRESSO & VOUS 76 COLLECTION EXPLORATIONS

Le voyage se poursuit 80 COLLECTION VIEW

moments compLices 84 ESSENZA MINI

mini format maxi pLaisir

nuria mora

FICHES-RECETTES

accords mets-café PRATIQUE

adresses et pLan du city guide de madrid

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NOW Madrid

L’architecte Norman Foster a choisi Madrid pour installer sa fondation.

CRÉATIVES LATITUDES

L’inspiration ignore Les fuseaux horaires. art, design ou mode, où que

vous soyez dans Le monde, découvrez notre agenda cuLtureL tous azimuts. Par Sophie Rivat

madrid L’œuvre d’une vie Créée en 1999 par l’architecte britannique Norman Foster, la fondation qui porte son nom vient de quitter Londres pour s’installer à Madrid. Pourquoi la capitale castillane ? Lors du banquet d’inauguration, le fondateur de l’agence Foster + Partners et lauréat du prix Pritzker 1999 évoquait l’influence décisive de son épouse espagnole, Elena Ochoa. Résultat : le quartier diplomatique de Chamberí hérite d’un merveilleux geste architectural. Norman Foster a réhabilité un hôtel particulier de 1912, associé à un pavillon de verre futuriste.

L’édifice historique accueille un centre d’étude interdisciplinaire, dédié au développement durable des villes. Les archives de plus de 74 000 projets de l’agence y sont consultables par les chercheurs : dessins et maquettes d’aéroports, musées, gratte-ciels ou parlements… Quant au pavillon, il offre un espace d’exposition magistral aux objets qui ont inspiré le grand maître des formes cinétiques. La visite, sur rendez-vous, promet un beau moment d’architecture et de design. Merci, madame Foster. > normanfosterfoundation.org

Courtesy Norman Foster Foundation.

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NOW Europe france BrOderieS enSOrCeLAnTeS

itaLie BeLLeS

2017, Crizu, All Rights Reserved ; Pablo Picasso The Dream (Le Rêve), 1932, Private Collection, Succession Picasso/DACS, London 2017 ; Clémence Thévenot/Octopus.

PAGeS

La Milanaise Anna Bonino applique l’art du pliage japonais aux pages des vieux livres délaissés. Sous ses doigts, les ouvrages ressuscitent à travers des œuvres uniques, prisées des décorateurs, d’autres se transforment en bijoux riches de sens (photo). « Une manière originale de porter un bout d’histoire, de culture, d’esthétique », explique la créatrice qui se cache derrière la marque Crizu.

À la fois plasticienne et artisane, Pascale Nivet-Bernetière, créatrice de la marque Céleste Mogador, brode comme elle respire. Ses pièces uniques – colliers, broches, cravates ou chaussures – conjuguent au présent les techniques traditionnelles bretonnes, enrichies par de nouvelles matières : fil de soie, perles de cristal, perles miyuki plaquées or… Son extravagance ne manque pas d’élégance. > celeste-mogador.com

> crizu.it

grande-B

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retagne ASSiOn iCASSO La tate modern Londonienne zoome sur Les Œuvres réaLisées au cours de L’année 1932, décisive dans Le parcour s de L’artiste. À travers une présentation chrono Logique, une centaine de taBLeaux, scuLptures et travaux sur papier témoignent de La maÎtrise tout en sensuaLité qu’ iL conquiert au fiL des mois, aLors qu’iL partage sa vie entre paris et La normandie. une année riche en invention et en réfLexion. > Picasso 1932 – Love, Fame, Tragedy, du 8 mars au 9 septembre 2018, tate.org.uk

espagne nOuveLLe vAGue

À Barcelone, la jeune marque Octaevo fait souffler un vent de fraîcheur dans l’univers de la papeterie et de la déco. Entre mythologie antique et mystique du voyage, les collections de carnets, posters ou vases en papier (photo) jouent habilement sur les variations chromatiques et l’expressivité des formes, pour célébrer chaque instant de la vie. De préférence côté Méditerranée. > octaevo.com

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NOW Europe

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e

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spagne AnS LA LuMiÈre À santander, un nouveau centre d’art accueiL Le La programmation cuLtureLLe de La fondation BotÍn. L’architecte itaLien renzo piano a signé cet atLantique. posés sur piLotis, ses deux voLumes arrondis sont reLiés par édifice de 10 000 mÈtres carrés, face À L’océan des passereLLes d’acier et de verre. La faÇade est composée de 280 000 carreaux de céramique qui Jouent avec Les refLets Lumineux. À ne pas rater, L’expositi on temporaire de La peintre d’origine éthiopienne JuLie mehretu , Jusqu’au 28 Janvier 2018. > centrobotin.org

suÈde Le FuTur de LA MArBrure

Très prisée en papeterie et dans l’art de la reliure, la marbrure est une tradition artisanale d’ornementation qui décline des motifs proches de ceux du marbre ou d’autres roches. Clara Bergman, jeune fondatrice de Studio Formata, adapte ces dessins colorés caractéristiques à des plateaux faits main à partir de matériaux suédois. Chaque pièce est unique – conçue pour servir le petit déjeuner, un cocktail… – et révèle une belle harmonie chromatique.

pays-Bas Le JAPOn de vinCenT vAn GOGH Ou comment l’esthétique japonaise a influencé le célèbre peintre. Si Van Gogh a étudié l’art nippon en lisant de nombreux ouvrages, sa collection conséquente d’estampes extrême-orientales a également œuvré au renouveau de son langage pictural et influencé sa manière de peindre la nature. Démonstration au musée Van Gogh d’Amsterdam. > Van Gogh and Japan, du 23 mars au 24 juin 2018,

vangoghmuseum.nl

De zaaier Vincent van Gogh, 1888, Van Gogh Museum.

> studioformata.se


NOW Amériques États-unis MuSÉe LiTTÉrAire

Chicago offre un musée aux écrivains américains ! L’établissement, unique en son genre, retrace cinq cents ans de littérature, sur un mode interactif. Les œuvres des plus célèbres auteurs du pays se découvrent ainsi de manière peu académique. Illustration ? Au fil du parcours, d’étonnantes boîtes murales révèlent un contenu à toucher, entendre ou sentir, emblématique d’un écrivain ou d’une de ses œuvres : l’arôme du bois de Walden pour Henry David Thoreau, des cookies fraîchement confectionnés pour Julia Child… De quoi raviver le désir de lire > americanwritersmuseum.org

États-unis AGenT de vOYAGe

Mannequin, directrice artistique et consultante mode, Sofía Sanchez de Betak – a.k.a. Chufy – est la it girl new-yorkaise du moment. Toujours entre deux projets, l’épouse du designer et scénographe français Alexandre de Betak partage le meilleur de son style de vie nomade dans un livre richement illustré. > Travels with Chufy, Assouline, 192 pages

coLomBie COuLeurS CArAÏBeS. d’un cÔté, Le designer aLLemand seBastian herKner ; de L’autre, La coLomBienne ana maría caLderón Kayser, fondatrice de La marque ames coLomBie, iLs rapportent des merveiLLes, comme La coLLection de moBiLier. quand ces deux-LÀ voyagent ensemBLe en outdoor cariBe. dessinés par Le tandem, taBLes, chaises ou Bancs sont composés d’une structu re en métaL tuBuLaire haBiLLée d’un entreLacs de fiLs pLastiques vivement coLorés. chaque piÈce est tissée À La main par des artisans de santa marta, en coLomBie. > ames-sh op.de

argentine BiJOuX GuerrierS

À Buenos Aires, dans le quartier chic de la Recoleta, le créateur joaillier Federico Alzaga met en scène ses bijoux d’inspiration andine dans un showroom minimaliste. Fondus dans l’or et l’argent de la Cordillère, ils convoquent la force des anciens dieux des montagnes à travers des formes épurées et élégantes. Visite sur rendez-vous. > aracano.com

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NOW Asie

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chine FiTneSS STYLÉ

Le designer hongkongais Edmond Wong a défrayé la chronique lors du dernier salon du meuble de Milan avec la collection Fit-niture – contraction de fitness et de furniture. Ses créations ont une double fonction, à la fois mobilier et équipement sportif. Chaque pièce se transforme pour passer d’un usage à l’autre en toute simplicité : divan méridienne ou banc de fitness (photo), lampadaire à haltères… Idéal pour camoufler une salle de gym dans votre intérieur. > edmondwongstudio.com

taÏWan BeSTiAire OniriQue

Vol d’oiseaux, banc de poissons rouges, hibou veillant sur la lune… La ménagerie du studio taïwanais Haoshi Design insuffle douceur et bien-être à des intérieurs en quête de poésie. Presse-papiers, horloge, luminaires et même bijoux partent à la conquête de l’Asie avec un premier concept store ouvert à l’été 2017 à Shanghai, dans le quartier de Pudong. > haoshi.com.tw

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W

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apon AGYu en SCÈne Le restaurant toKyoÏte sagaya ginza traite Le BŒuf Wagyu avec toute La sensiBiLité qu’iL mérite. au cŒur de La tsuKihana digitaL a rt room, conÇue par Le coLLectif Japonais d’art numériq ue teamLaB, Les convives – huit par Jour – sont invités À une véritaBLe expérience sensorieLLe. oiseaux et autres éLéments natureLs évoLuent dans un paysage onirique infLuen cé par L’esthétique et Le contenu des assiettes, mais aussi par Le comportement des cLients. magique. > sagaya-ginza.c om


NOW Monde israËL FiBre HuMAniSTe

À Tel-Aviv, la jeune entreprise Iota s’appuie sur un projet social pour développer une collection originale de tapis, coussins et poufs tricotés à la main. L’idée : aider un réseau de femmes en difficulté en les initiant au tricot et au crochet. Aux manettes, Shula Mozes, la fondatrice, Tal Zur, directrice de la création, et Lion Ben Aroosh, designer textile. Le trio mise sur des matières haut de gamme, des motifs et des tons dans l’air du temps. Prochaine étape : le lancement d’initiatives similaires dans d’autres pays. > iotaproject.com

cÔte d’ivoire MOde FuSiOn

La créatrice ivoirienne Loza Maléombho a le vent en poupe ! Cette trentenaire née au Brésil travaille entre New York et Abidjan, où sont produites ses collections qui revendiquent les influences de leur terre d’origine. Audace des coupes, métissages des matières… la marque émergente séduit des stars américaines comme Beyoncé ou Solange Knowles. > lozamaleombho.com

a

s

S

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frique du ud iLOS ArTY La viLLe du cap offre un fantastique écrin aux arts africains du xxie siÈcLe avec L’ouverture du trÈs attendu zeitz museum of contemp orary art africa (zeitz mocaa), qui aBrite La coLLect ion de L’homme d’affaires Jochen zeitz. situé sur Le front de mer victoria & aLfred, L’édifice est L’Œuvre de L’architecte Britannique thomas heatherWicK, qui a réhaBiLité d’anciens siLos À grains. mentions spéciaLes pour La faÇade À La géométrie hypnotique et L’hÔteL siLo, au sommet : vue démente assurée pour Les 28 chamBres ! > zeitzmo caa.museum

cameroun WAX BAVArOiS

La marque Noh Nee a été créée par deux sœurs francocamerounaises installées à Munich, qui se sont fait connaître en revisitant la tenue traditionnelle des petites servantes bavaroises – le dirndl – à la sauce africaine. Produites dans des petits ateliers d’Afrique de l’Ouest, leurs collections de robes, sacs (photo), écharpes ou bijoux se vendent comme des petits pains. > nohnee.com

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NOW L’instant N

con tomate – une tranche de pain tartinée de pulpe de tomate et d’huile d’olive. Le patron, qui connaît ses habitudes, la sert avant même qu’elle passe sa commande. « En Espagne, les journées commencent vers 8 ou 9 heures, comme ailleurs en Europe, mais ensuite tout se décale, remarque encore Ana. On fait la pause du matin vers 11 h 30, on boit un café, on mange un morceau. Cela nous permet de tenir jusqu’au déjeuner, qui a lieu vers 14 h 30. Les activités reprennent ensuite aux alentours de 16 h 30, puis nous travaillons jusqu’à 21 heures pour rattraper le retard accumulé dans la journée. Sur ce point, nous ne sommes pas très rationnels ! » CONCENTRÉ DE MADRID

La pause-café MADRILÈNE Par Guillaume Jan Illustration Célia Callois

CHEMISE BLANCHE, CRAVATE GROSEILLE ET CARRURE GÉNÉREUSE, LE PATRON DU PLAZA S’ACTIVE DERRIÈRE SON COMPTOIR EN BOIS. Il est 11 heures, c’est

bientôt l’heure de l’almuerzo, la pause-café du matin. « Celle que je préfère », assure la poissonnière du marché voisin, venue boire furtivement un cortado – espresso avec une goutte de lait, pour en adoucir l’amertume – dans ce petit bar d’un quartier du nord de Madrid. « Ce n’est pas un rendez-vous ponctuel, mais il arrive souvent que l’on retrouve les mêmes personnes », souligne Ana, qui habite à deux pas. Quand elle n’est pas en reportage à Pékin ou à New York, cette élégante journaliste aime s’accorder une petite récréation matinale en descendant boire un café solo (café noir) et se régaler d’une barrita

Au fond de la salle, un vieil homme lit tranquillement les résultats du Real Madrid et de l’Atlético dans Marca, le premier des quotidiens sportifs. Un petit écran de télévision retransmet les informations sans le son, comme pour ne pas déranger l’atmosphère encore paisible de cette chaude matinée. Arrivent alors de nouveaux clients. Trois cadres de l’agence bancaire voisine en costume-cravate, un chauffeur livreur, deux ambulancières en uniforme immaculé, un facteur. Chacun commande un café à son goût, avec plus ou moins de lait, plus ou moins de sucre, servi dans une tasse en porcelaine ou dans un verre transparent, accompagné de tapas ou de bocadillos (mini-sandwichs). En un instant l’établissement est bondé, la pièce résonne des tintements de cuillères, des éclats de voix, des rires et des gentilles taquineries de cette clientèle éclectique. Une retraitée élégamment vêtue plaisante avec un vieux rocker au perfecto fatigué, un balayeur savoure un café con leche accompagné d’un croissant. Atmosphère chaleureuse, conviviale, passionnée : pendant une demi-heure, on vit un concentré de l’ambiance madrilène, avant que chacun retourne à ses activités – excepté le vieil homme au fond de la salle qui continue de lire son journal, imperturbable. n



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CITY Guide

PASSION MADRID


FESTIVE, SOLAIRE, RAFFINÉE, LA CAPITALE ESPAGNOLE ATTIRE AUJOURD’HUI LES REGARDS DU MONDE ENTIER. SITUÉE AU CENTRE DU PAYS, LA CITÉ SAIT SE MONTRER GÉNÉREUSE AVEC CELLES ET CEUX QUI L’ONT ÉLUE POUR DOMICILE. DEVENUS MADRILÈNES PAR AMOUR DE LA VILLE, CINQ MEMBRES DU CLUB NESPRESSO PARTAGENT LEURS SENSATIONS… ET LEURS ADRESSES PRÉFÉRÉES. Par Boris Coridian Photos Mickaël A. Bandassak et Stéphane Remael (Ouverture)

Retrouvez toutes les adresses indiquées dans ce City Guide sur notre plan en fin de magazine.


Les ruelles étroites font le charme du quartier de Lavapiés.


17 Au Cine Doré s’affiche le visage du réalisateur culte du cinéma espagnol.


18 KERMAN, BRAND MANAGER, MEMBRE DU CLUB DEPUIS 2011 COMME DE NOMBREUX HABITANTS DE MADRID, KERMAN N’EST PAS NÉ DANS LA CAPITALE ESPAGNOLE. « Je

suis un nouveau Madrilène. J’habite ici depuis cinq ans, mais je me suis toujours senti chez moi. C’est une cité ouverte à toutes les cultures et à toutes les identités. Madrid ne se visite pas, il faut la vivre ! On a souvent tendance à la comparer à Barcelone, mais chacune possède son propre style. » Le jeune homme élégant, féru de littérature, a parcouru le monde avant de revenir en Espagne. « J’ai grandi au Pays basque, avant d’étudier à Londres et à Mexico. Je garde un lien très fort avec mes origines, à travers ma passion du café. Ma grand-mère avait l’habitude de dire : « C’est à l’odeur du café qu’on reconnaît un bon foyer ! » Kerman a 17 ans lorsqu’il commence à en boire avec ses camarades de classe. « À côté de mon lycée, il y avait un bistrot qui abritait nos conversations interminables. On refaisait le monde. Aujourd’hui, je débute chaque journée avec une tasse d’ENVIVO LUNGO ou de FORTISSIO LUNGO, pour me reconnecter avec moi-même. J’apprécie les Lungos, car ils font durer le plaisir… »

GRAND ANGLE LA FÁBRICA 1

« Quoi de plus agréable que de déguster un café après une exposition de photos ? C’est dans cet établissement hybride – à la fois galerie, librairie, boutique et café – qu’est né le renouveau de la photographie en Espagne, grâce entre autres au festival PHotoEspaña. Lorsque je me promène dans Las Huertas, où est située La Fábrica, j’ai le sentiment que tous les lieux de culture du quartier sont reliés les uns aux autres. »


19 LE DIEU SOLEIL TEMPLO DE DEBOD 2

« Les visiteurs ignorent trop souvent cette splendeur. Et ils ont tort ! En plus de la beauté du temple égyptien du IIe siècle av. J.-C. – offert par l’Égypte à l’Espagne en 1968 – c’est depuis cette colline que l’on peut admirer les plus beaux couchers de soleil de la ville. Un espace hors du temps, très fréquenté par la jeunesse madrilène. »

BELLES LETTRES ET BEAUX CÉPAGES TIPOS INFAMES 4

« Choisir un livre m’est aussi difficile que de sélectionner un Grand Cru. Dans cette librairie, les conseils des vendeurs sont précieux. Tout comme la variété des vins que l’on peut déguster entre deux ouvrages. Je vous invite à découvrir deux auteurs espagnols que j’adore : Eduardo Mendoza et Javier Cercas. » DÉJEUNER EN PAIX BOSCO DE LOBOS 3

« Ce restaurant d’inspiration italienne est un lieu de détente idéal, en plein centre-ville. Il faut pénétrer dans la cour intérieure du Colegio de arquitectos de Madrid. Le design moderne et élégant offre un écrin de verdure très agréable. J’adore y boire un verre ou prendre le temps d’y travailler, au calme. »

« Madrid ne se visite pas, c’est une ville à vivre ! »

FOR MEN ONLY BARBERÍA MALAYERBA 5

« La barbe n’est plus un signe de laisser-aller, mais d’élégance . Cette révolution est portée par une nouvelle génération de barbiers, chez qui l’on vient se faire pomponner en sirotant un café ou une bière, tout en bavardant avec les autres clients. Ma barbe fait partie de mon style, je l’entretiens ! »


20 IMPRESSION TROPICALE RESTAURANTE PERRACHICA 6

« L’ambiance de ce restaurant situé dans le quartier de Chamberí est d’autant plus saisissante que la salle est immense. La carte d’inspiration espagnole est teintée d’influences japonaises ou italiennes. Jetez un œil à la cuisine en contrebas, visible depuis le centre de la salle. »

« Je n’imagine pas vivre ailleurs que dans cette ville que j’adore. »

PRODUITS ESPAGNOLS, INSPIRATION NORDIQUE FISMULER 7

« Ce restaurant met en avant des produits de qualité, avec un intérêt pour le développement durable. La carte est internationale, avec des touches espagnoles mâtinées d’influences nordiques. Les assiettes sont très pures, directes. Ma femme adore, moi aussi. »

EXPÉRIENCE IBÉRIQUE ULTRAMARINOS QUINTÍN 8

« Toute l’Espagne en une seule adresse. Ce bar-restaurant possède une épicerie où l’on trouve une belle sélection de produits locaux : jambon, anchois, fromages, étalages de fruits et de légumes… Un lieu plutôt chic, mais une atmosphère décontractée. J’adore y boire un verre de vin avant de déguster une de leurs délicieuses spécialités. »


21 MIGUEL, ENTREPRENEUR, MEMBRE DU CLUB DEPUIS 2008 « À MADRID, ON PREND LE TEMPS DE VIVRE ! » S’EXCLAME L’ÉLÉGANT QUADRAGÉNAIRE. Si chaque minute

compte dans la vie de cet entrepreneur, il ne manque jamais une occasion de savourer les plaisirs de la capitale, en famille ou entre amis, autour des belles tables madrilènes. « Né à Barcelone, je suis venu à Madrid pour développer mon entreprise. Je suis 100 % catalan, mais je ne m’imagine pas vivre ailleurs que dans cette ville que j’adore. Madrid est accueillante, confortable, pratique. » Parmi toutes les adresses qu’il fréquente, la Boutique Nespresso occupe une place à part dans le cœur de Miguel. « Lorsque j’ai rencontré celle qui allait devenir ma femme, c’est là que nous sommes allés boire un café. Et depuis, tout a plutôt bien marché… » avoue tendrement le père de trois fillettes. « Depuis, nous avons pris l’habitude de venir tous les samedis nous fournir en capsules pour la semaine. » Si son épouse se limite à deux tasses par jour, Miguel consomme des Lungos tout au long de la journée : « Quatre le matin et trois l’après-midi. J’apprécie l’équilibre du VIVALTO LUNGO et la richesse du FORTISSIO LUNGO. »

VINTAGE ET WAGONS MERCADO DE MOTORES q0

« Accessoires de mode, objets vintage, spécialités culinaires venues du monde entier, le tout dans une ambiance de concert : voilà le marché le plus cool de Madrid ! Il a lieu au musée ferroviaire, parmi les locomotives et les wagons d’époque, chaque deuxième week-end du mois. Un événement sur lequel souffle l’esprit déclalé de la ville. »

CHURROS CULTE CHOCOLATERÍA SAN GINÉS 9

« C’est dans cette chocolaterie mythique, fondée en 1894, que nous célébrons les anniversaires de mes filles. Trempez un de leurs croustillants churros dans une tasse de chocolat chaud et vous serez conquis. Il n’y a pas d’heure pour se laisser tenter, la boutique est ouverte 24 h / 24 h. »


22 MAÎTRES ANCIENS LE MUSÉE DU PRADO qq

« Je profite de la venue de ma famille à Madrid pour aller admirer les joyaux de l’art espagnol. Si les chefsd’œuvre de Vélazquez, Goya ou El Greco valent le voyage à eux seuls, n’oubliez pas les expositions temporaires, qui sont toutes d’un niveau exceptionnel. »

MARÍA JOSÉ CONTRÔLEUR AÉRIEN MEMBRE DU CLUB DEPUIS 2005 LORSQUE VOUS ATTERRISSEZ À MADRID, c’est un peu grâce à María

José. « Je suis devenue contrôleur aérien presque par hasard », raconte cette pétillante mère de famille. « J’ai découvert cette profession à la télévision et j’ai tout de suite compris qu’elle était faite pour moi. J’aime tout dans ce métier qui nécessite une très grande concentration. Et j’apprécie les moments de détente que m’offre la ville. » Dans sa culture café, María José est également une pionnière. « J’ai commencé à fréquenter la première Boutique Nespresso de Madrid, dès son ouverture en 2001. J’avais découvert le système à l’étranger et j’attendais avec impatience son arrivée dans notre pays. J’ai tout de suite aimé ses arômes. Et comme il m’arrive de travailler en horaires décalés, j’ai une machine sur mon lieu de travail. J’ai toujours des capsules de RISTRETTO et le ROSABAYA DE COLOMBIA. Par ailleurs, j’ai découvert la collection EXPLORATIONS, avec le LAOS BOLAVEN PLATEAU et le KENYA PEABERRY. Je suis très curieuse de goûter des terroirs d’exception. »

COMME À LA MAISON LA TABERNA PEDRAZA qs

« Je fréquente tous les jours ce restaurant. Je cuisine peu – seulement pour le repas de Noël – et j’apprécie les plats simples mais superbement exécutés dans cet établissement familial. L’omelette est fameuse, ne passez pas à côté ! »


23 CULTURE EN TERRASSE CÍRCULO DE BELLAS ARTES qd

« Ce centre culturel offre une programmation de haute qualité (art, photographie, danse, cinéma…) et possède l’une des plus belles terrasses de Madrid. Plusieurs bars vous accueillent sous le ciel de ce large espace, qui offre une vue panoramique sur la ville. »

COMÉDIE LYRIQUE TEATRO DE LA ZARZUELA qf

« La zarzuela est un genre musical né en Espagne au XVIIe siècle. Il s’apparente à l’opéra, mais en plus léger. Rien de tel qu’une soirée dans ce magnifique théâtre pour chasser le stress de la journée. »

« J’apprécie les moments de détente que m’offre la ville. »

ESPACES VERTS PARC DU RETIRO qg

« Ses allées, ses pelouses et ses bassins font partie du quotiden des Madrilènes (cf. photo). J’aime également un autre parc situé à l’extérieur de Madrid : le parc El Capricho. Peu connu, ce labyrinthe de fleurs, ouvert en 1784, est une véritable œuvre d’art. »


24 EDEN URBAIN EL JARDÍN DE SB qk

« Difficile de soupçonner l’existence de ce jardin secret, perché dans les étages de la boutique d’accessoires Salvador Bachiller. Un lieu caché où s’accorder une pause et boire un verre, à l’ombre des canisses, dans la fraîcheur de plantes exubérantes. Tout simplement magique. »

STREET-FOOD À GOGO YATAI MARKET qj

« Un rassemblement de comptoirs de street-food asiatique en plein Madrid. Curry, ramen, sushi, dimsum, pad thaï… tous les pays sont représentés, dans une ambiance de marché très réussie. J’ai toujours eu un faible pour les jardins japonais. Le Japon est une de mes prochaines destinations. »

« Madrid m’offre tout ce dont j’ai besoin. »

SANS GLUTEN CAFETERÍA SANA LOCURA qh

« La tendance du gluten-free est récente à Madrid, mais elle prend de l’ampleur. Cette nouvelle boulangeriepâtisserie propose toutes sortes de pains et de délicieux gâteaux sans gluten, mais c’est aussi une cafétéria où faire une halte à midi… »

LA ISLA BONITA LADY MADONNA ql

« Dans une jolie ruelle pavée, Lady Madonna sert une cuisine espagnole moderne et métissée. Entre des croquetas de jamón et un mini-sandwich bao au travers de porc aromatisé au kimchi, il est parfois cruel de choisir. Le décor est éclectique et la terrasse invite à la détente. »


25 JORDI INGÉNIEUR PAYSAGISTE MEMBRE DU CLUB DEPUIS 2009 MADRID, CAPITALE DENSE ET BRUYANTE, EST AUSSI UNE VILLE OÙ S’EXPRIME LA NATURE. Jordi,

paysagiste dans une entreprise de gestion des parcs publics, est l’un de ceux qui préservent cette harmonie. « Je suis un citadin qui aime les espaces verts », raconte le Catalan devenu madrilène à la fin de ses études. Jordi, au style aussi soigné que les allées des jardins de Sabatini qu’il aime tant, a grandi à la campagne. « Mes parents sont agriculteurs. Ils produisent du raisin et des olives près de Tarragone, au sud-ouest de Barcelone. » Il aime à se ressourcer dans les parcs de Madrid : « Le Retiro bien sûr, le plus grand et le plus emblématique. Si certaines choses sont à améliorer, la ville possède de très beaux jardins bien entretenus, où il fait bon flâner. » Au-delà de ses promenades, Jordi aime sa ville d’adoption pour son énergie et son hospitalité : « Madrid m’offre tout ce dont j’ai besoin. La fête est dans la rue, les sorties culturelles sont nombreuses et variées… Je vis dans le quartier de Latina, dont l’esprit est très “village”. Tout le monde se mélange. » Son autre plaisir : les sensations que lui offre une tasse de café. « J’aime tout : l’arôme, la saveur, le velouté. Je suis fidèle au ROMA que je consomme en Espresso ou en Cortado, avec une touche de lait. »

LE GOÛT DE MADRID MERCADO DE SAN MIGUEL s0

«Incontournable! Dans ce marché couvert, les étalages ont laissé la place à divers espaces de restauration. On y passe d’agréables moments entre amis, autour d’une friture de calamar accompagnée d’une bière fraîche.»

ROMANTISME ESPAGNOL JARDINES DE SABATINI sq

« Un petit jardin néoclassique situé en contrebas du Palais royal. Son emplacement et ses motifs géométriques en font l’un des plus beaux de la ville. Les amoureux apprécient son atmosphère romantique dans les dernières lueurs du soleil. »


26 DANIELA PRODUCTRICE AUDIOVISUELLE ET JOURNALISTE MEMBRE DU CLUB DEPUIS 2016 « JE VIS UNE HISTOIRE D’AMOUR AVEC CETTE VILLE. Dans le cadre de

mes activités professionnelles, j’ai la chance de parcourir le monde. Mais à chaque fois que je reviens à Madrid, je retombe amoureuse de ses rues, de sa lumière. Cette cité me prend dans ses bras et tout semble facile », raconte avec émotion Daniela. La jeune femme aux mille projets habite le quartier du Palais royal, où chaque rue, chaque pavé, chaque maison semble murmurer la légende de la ville. « Tout en flânant, je respire une atmosphère grandiose d’histoire et de tradition. » Mais Daniela — entrepreneuse et grande voyageuse — ne vit pas dans le passé. « Madrid évolue avec le temps, à son rythme, tout en gardant son âme et son identité. » Daniela invite d’ailleurs à plonger dans les nouvelles adresses gastronomiques de la capitale qui s’éveille avec gourmandise. Son plaisir quotidien à un parfum de café. « Chaque matin, j’ouvre ma fenêtre sur la basilique San Francisco el Grande en préparant un ROSABAYA DE COLOMBIA avec du lait. Ce n’est pas une simple habitude, mais un cérémonial intime destiné à faire du petit déjeuner un moment parfait. »

GOURMAND CROQUANT RESTAURANTE NAVAJA ss

« Une de mes adresses préférées à Madrid. Le restaurant – à l’arrière du bar – est tout petit, mais son bun de crabe mou frit est sensationnel. Accompagné d’un Pisco sour, c’est la combinaison parfaite pour un début de soirée réussi. »

CHIC AU QUOTIDIEN EL IMPARCIAL sd

« Cet imposant bâtiment fut le siège du journal El Imparcial. C’est aujourd’hui un restaurant trendy, doté d’une galerie et d’une boutique où vous trouverez magazines de mode et livres d’art. À goûter absolument : leur Cosmopolitan. »


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AU SEPTIÈME CIEL EL PARACAIDISTA sf

« Situé au cœur de Malasaña, le quartier où est née la Movida, ce conceptstore propose un choix d’objets design, fashion et lifestyle. Six étages à explorer : cinéma, galerie d’art, roof-top, bar cubain… Dans un esprit moderne et coloré. »

« Madrid évolue tout en gardant son âme et son identité. »

RENDEZ-VOUS DE STARS EL LANDÓ sg

« On ne compte plus les célébrités du cinéma, de la musique ou du sport venues manger dans ce restaurant traditionnel… Même la famille royale y est passée. Pourtant, la carte inspirée de la cuisine de marché reste accessible. L’escalope panée est un bijou, sans parler des huevos rotos con patatas. Un monument ! »

TRADITION ET MODERNITÉ CELSO Y MANOLO sh

« Avec son interprétation contemporaine des classiques de la cuisine espagnole, cette tasca (taverne) est idéale pour découvrir le vrai goût de Madrid. Jambon accompagné d’amandes grillés, bocadillo de calamares, filets d’anchois à l’huile… Tout est succulent. Une adresse à ne pas manquer. »



CITOYENNE d’honneur

NURIA MORA PIGMENTS ESPAGNOLS INCLASSABLE ET TALENTUEUSE, L’ARTISTE MADRILÈNE NURIA MORA INVENTE DES DÉCORS COLORÉS ET LUXURIANTS QU’ELLE PEINT SUR LES MURS DE SA VILLE ET DANS LES BOUTIQUES DES GRANDES ENSEIGNES INTERNATIONALES. Par Guillaume Jan Photos Stéphane Remael

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ENLUMINEUSE Sur les murs

de la ville ou dans son atelier, Nuria Mora explore les formes et les couleurs.

TEE-SHIRT À RAYURES, JEANS MOULANTS ET CASQUE TURQUOISE SUR SES LONGS CHEVEUX NOIRS, Nuria Mora dé-

boule dans la ville au guidon d’une Vespa rouge. Allègre et pétillante, elle gare son scooter entre deux berlines usées et s’engage dans les ruelles d’El Rastro. Terrasses animées, balcons de fer forgé et linge aux fenêtres. Il est 22 heures, le soleil est couché, mais le cœur de ce quartier populaire continue de battre très fort. L’artiste marche à vive allure, son sac rose en bandoulière, puis s’écarte des réverbères en direction d’un immeuble abandonné. C’est le décor qu’elle a choisi pour réaliser sa prochaine fresque : elle ouvre son mystérieux sac rose, qu’elle déplie en forme de croix sur le trottoir. À l’intérieur, pinceaux de toutes tailles, tubes de gouache, flacons de couleurs et rouleau de gros scotch. Coup d’œil furtif à gauche, coup d’œil furtif à droite, l’habile noctambule commence par délimiter des formes géométriques au ruban adhésif sur une surface de béton, avant de se mettre à peindre avec une méticuleuse sérénité. Un aplat rose vif, un aplat rouge feu, un liseré de blanc, voilà pour les bases. Elle choisit alors un pinceau plus fin et s’applique à dessiner des arabesques de végétation bleu saphir. De l’autre côté de la ruelle, une vieille dame se penche à sa fenêtre, observe le travail de l’artiste et la félicite. Nuria lui sourit, échange quelques mots avec elle. Un passant qui promène son chien s’arrête pour l’observer à son tour. « Joli, très joli », répète-t-il, avant de continuer son chemin. « Mes formes géométriques sont en dialogue avec les lignes de

la ville », explique la jeune femme. Elle décapuchonne un tube de gouache et poursuit : « Les couleurs que j’emploie sont également en dialogue avec l’espace urbain. Elles s’opposent à la surface sur laquelle je peins. » Depuis dix-huit ans qu’elle œuvre sur les façades de Madrid et de nombreuses autres villes du monde, Nuria Mora s’est constitué une palette très personnelle, vive et électrique : du rouge, du bleu, du rose, du jaune, du turquoise. Son style abstrait — des formes brutes et des angles durs autour desquels ondoient de délicats ornements végétaux — est d’autant plus reconnaissable qu’il est unique dans le répertoire de l’art urbain. « Il m’est arrivé de peindre illégalement. Quand la police intervient, je ne m’enfuis pas, je souris, j’explique ma démarche. J’ai conscience de braver un interdit, mais je le fais malgré tout, pour la beauté. Si j’ai dû payer quelques amendes, dans l’ensemble, les réactions sont plutôt positives. » Ses fresques sont un cadeau au regard des promeneurs. Une manière d’enchanter les murs de Madrid. ABSTRACTION URBAINE

Sa première peinture murale date de 1999. À l’époque, l’étudiante aux Beaux-Arts ne connaît rien à la culture du graffiti, mais elle est amoureuse d’un street artist français qui signe ses œuvres du nom d’Eltono. « Il travaillait dans la simplification, l’épure. J’ai prolongé sa démarche en poussant mes fresques jusqu’à l’abstraction. » Elle a 25 ans, un âge avancé dans cet univers où les débuts se font plutôt à l’adolescence, et doit être


NURIA MORA EN 5 DATES Naissance à Madrid. S’inscrit à l’Académie royale des beaux-arts. Elle peint ses premières fresques murales. 2010 Invitée en résidence par la Nirox Foundation de Johannesburg, elle expose à la JAG, le musée d’art contemporain de la ville. 2014 Madrid-Porto en Vespa. Elle effectue par la suite plusieurs voyages en deux roues à travers l’Espagne. 2016 Décore les bureaux de Facebook à Londres, après ceux de Madrid l’année précédente. 1974 1999

la seule femme à peindre dans les rues de la capitale espagnole. Nuria, qui a toujours eu besoin de se sentir libre, s’accommode de cette singularité. Aînée de trois enfants, elle grandit dans la banlieue nord de Madrid, élevée par des parents exigeants mais ouverts — sa mère travaille à la télévision, son père est architecte. « Il y avait beaucoup de crayons à la maison, je dessinais tout le temps. J’avais déjà la passion des couleurs. Ma mère accrochait mes productions au mur du salon. » Après le lycée, elle se cherche, entame des études d’architecture, suit des cours de design intérieur, s’inscrit en fac de mathématiques… « J’avais d’autant plus de mal à trouver ma voie que mes parents étaient d’accord avec tous mes choix. Ils m’encourageaient même. » Quand elle entre enfin aux Beaux-Arts, en 1999, elle y conjugue toutes ses expériences précédentes — les mathématiques avec les formes géométriques de ses œuvres, l’architecture avec le travail graphique sur les façades, le design avec le surgissement du beau au milieu des contraintes urbaines. « Contrairement à beaucoup de graffeurs, quand j’ai commencé à peindre la nuit sur les murs de Madrid, je ne l’ai pas caché à mes parents. Une fois encore, ils ont accueilli ma démarche avec bienveillance. » La période cubiste du grand Pablo Picasso a-t-elle exercé une influence sur l’expression artistique de la jeune Nuria ? « Picasso est un artiste incontournable, et certaines de ses toiles les plus célèbres sont à Madrid, on pourrait trouver une filiation. Mais si je devais citer une référence, ce serait plutôt Sonia Delaunay, cette peintre

ukrainienne qui a fait carrière en France au début du XXe siècle. Elle a inventé son propre style, mené des recherches sur la couleur, expérimenté différents supports et s’est engagée dans l’art abstrait. » ACCUMULATION VÉGÉTALE

Nuria Mora apporte une dernière touche de bleu à sa fresque urbaine, recule de trois pas, la juge satisfaisante et range prestement les pinceaux et les tubes de gouache qu’elle avait alignés à ses pieds. Elle n’appose pas de signature : son style est suffisamment personnel. Elle a d’ailleurs longtemps laissé planer le mystère sur son identité. À ses débuts, pour gagner sa vie, elle travaillait comme hôtesse de l’air pour une compagnie aérienne low cost : « Les conditions de travail étaient pénibles, mais je voyageais gratuitement, ça m’a permis de peindre sur les murs de plusieurs villes du monde. » Elle profite d’escales à São Paulo, Tokyo, Buenos Aires ou au Cap pour perfectionner sa technique. La jeune femme entame en parallèle une réflexion sur l’intrusion des images publicitaires dans l’espace public et s’amuse à détourner des affiches en les •••


32 VINTAGE Peinture,

brocante et scooter. L’art de vivre de Nuria Mora.

« J’aime amener l’art là où il n’a pas de filtre. »

saturant de couleurs. « Je voulais nourrir ces espaces avec de l’art. Plus globalement, j’aime amener l’art là où il n’a pas de filtre. » Dans cet esprit, elle transforme en 2013 l’affiche lumineuse d’une marque de prêt-à-porter en luxuriant motif végétal qui masque son message publicitaire : l’artiste écope d’un procès, mais, n’ayant commis aucune dégradation, échappe à la peine requise. Dans le même temps, cette action spectaculaire la fait remarquer par la société Facebook qui apprécie la fraîcheur de son style, et lui propose de décorer ses bureaux à Madrid et à Londres. La rayonnante Madrilène nous confie qu’elle est de plus en plus sollicitée pour effectuer ce genre de commande ou pour exposer dans les galeries internationales. On l’a vue cet automne chez Patricia Amorcida (Milan), on la verra en février à la galerie Delimbo (Séville), puis à la Station Sixteen (Montréal, Canada) l’été prochain. Changement de décor, deux jours plus tard, dans son appartement du quartier de Lavapiés. Nuria Mora habite sous les toits de tuiles d’un vieil immeuble, dans un charmant duplex immaculé qu’elle a réaménagé à la manière d’une tour d’ivoire. On y retrouve la douceur sans concession qui la caractérise — les angles de son escalier sont tempérés par la profusion de plantes et de fleurs. Son salon donne sur une terrasse d’où elle peut contempler la cascade des toitures de ce quartier populaire. Devant cette vue captivante, bercé par le chant des hirondelles et des tourterelles, on comprend pourquoi elle n’a jamais souhaité quitter Madrid. « Au cours de mes déplacements nocturnes, j’ai appris à regarder la ville

d’un œil plus alerte, plus aiguisé. J’ai réalisé combien son architecture est riche et variée, mais j’ai aussi constaté la destruction de bâtiments magnifiques, empreints d’histoire. En peignant dans la rue, j’essaie de donner une deuxième chance aux espaces dont la beauté nous échappe au quotidien. » Ce qui lui fait plus que tout aimer sa ville — et qui séduit la plupart des voyageurs dans cette capitale pleine de surprises — c’est la culture de la fête, la fluidité de sa vie nocturne. « Madrid est une ville accueillante. Les relations humaines y sont moins compliquées que dans d’autres agglomérations comme Barcelone. Nous avons gardé un côté spontané. Nous sommes directs et passionnés, j’ai le sentiment que nous sommes plus proches des Africains du Nord que des Européens. Nous ne sommes pas organisés, nous passons nos journées à adapter notre emploi du temps aux circonstances, aux rencontres que nous faisons, et ce jusque tard dans la soirée. Du coup, nous dormons moins… sans doute est-ce pour cela que les Madrilènes aiment boire plusieurs cafés le matin. » Sur l’écran de son ordinateur, elle nous montre l’étendue de sa production, ses toiles, ses marqueteries, ses broderies, ses gravures sur verre, ses tapis, ses sculptures… Dans sa bibliothèque, elle conserve une vieille édition du Don Quichotte de Miguel de Cervantes. « Tous les artistes ressemblent à la figure de Don Quichotte, estime-telle. Nous avons tous des moulins dans la tête, nous nous laissons déborder par des rêves insensés. Et Don Quichotte correspond bien au tempérament espagnol, un peu fou mais fidèle. » Attachée à sa ville natale mais toujours curieuse du monde, Nuria nous parle encore des nombreux voyages qu’elle a accomplis sur son indémodable Vespa : « J’aime mon quotidien, mais je n’ai pas peur de l’avenir. Je pourrais vivre n’importe où, avec une tente et un scooter. » Nuria Mora est résolument une femme libre. n

LES 5 ADRESSES DE NURIA MORA À MADRID « Un petit resto populaire, presque en face de mon atelier, où l’on peut grignoter d’excellentes sardines grillées. » LA RIBERA sk

« Une autre adresse proche de mon atelier, dans le quartier d’El Rasto. C’est un

petit bar authentique où j’aime boire un café ou une Casera, la limonade préférée des Espagnols. » MAGASIN DE BIJOUX HELENA ROHNER sl

« Ses boucles d’oreilles, ses colliers, ses bagues ont des lignes pures, simples, très contemporaines. J’ai peint un

mur de sa boutique et dessiné un collier pour elle. » VESPA ORTEGA d0

« Je fréquente régulièrement ce magasin de vente et de réparation de scooters. J’y trouve une ambiance chaleureuse et tous les accessoires nécessaires pour ma fidèle Vespa. »

PESETA dq

« Laura Martínez vient d’ouvrir une nouvelle boutique. Avec son équipe, elle dessine et coud des sacs, des vêtements, des accessoires, dans des tissus à la fois élégants et solides. » > Retrouvez ces adresses sur le plan en fin de magazine.

© Make-up : Sabrina Lázard

BAR SANTURCE sj



CRAQUANTS Il n’y a pas d’heure pour plonger les churros dans le chocolat chaud !


CULTURE Gastronomique

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LE

GOÛT EN

CAPITALE À MADRID, LA TRADITION A DU BON. LA CITÉ OFFRE UNE CUISINE GÉNÉREUSE, OÙ LES PRODUITS ISSUS DE TOUTE L’ESPAGNE SONT SUBLIMÉS. CES SAVEURS AUTHENTIQUES SONT À DÉCOUVRIR DANS DES ÉTABLISSEMENTS MYTHIQUES, MAIS AUSSI GRÂCE À DES CHEFS CONTEMPORAINS FIERS DE LEURS RACINES. Par Boris Coridian Photos Mickaël A. Bandassak


36 BRILLANT L’anchois

trouve toujours sa place parmi les tapas.

LE MENU N’A PAS CHANGÉ DEPUIS 1725. DANS LA CUISINE DU RESTAURANT BOTÍN ds – certifié par le Guinness World

Records comme le plus ancien du monde –, des cochons de lait refroidissent sur les étagères avant d’être enfournés à nouveau pour terminer leur cuisson. Les petites bêtes sortiront avec la peau croquante et la chair fondante, après vingt minutes de fournaise. Chaque jour, soixante porcelets sont rôtis pour perpétuer la tradition de l’auberge inaugurée au début du XVIIIe siècle par le français Jean Botin. Dans cette maison historique, où les murs semblent imprégnés des légendes madrilènes, le temps est comme suspendu. Les céramiques peintes sont d’époque, les marches des escaliers polies par les pas des visiteurs. Par miracle, l’établissement aux somptueuses boiseries n’a pas connu d’incendie, malgré les fourneaux qui ne s’éteignent jamais. C’est désormais la famille González qui est aux manettes, depuis trois générations. Luis Javier Sánchez Álvarez y travaille depuis l’âge de 14 ans ; il est aujourd’hui le directeur adjoint de cette institution. « Chez Botín, on reconnait les plats et on goûte les saveurs authentiques de Madrid : des œufs, des pommes de terre, de l’agneau rôti, des croquettes, des asperges en saison ou des artichauts, explique-t-il. Nous n’avons que des produits espagnols et des recettes traditionnelles. Ici, pas de foie gras, de textures bizarres ni de petites feuilles de menthe pour faire joli. Je n’ai rien contre la haute gastronomie espagnole d’avant-garde dite tecnoemocional, mais je veux savoir ce que je mange et

RÉCONFORTANT Il n’y a pas plus madrileño que le cocido, composé de viandes et de légumes.

« Le cocido madrileño est le plat qui rassemble tous les habitants. » identifier les ingrédients dans l’assiette. » Si les touristes investissent en masse le restaurant situé non loin de la plaza Mayor, les locaux les remplacent dès 22 heures. À quelques mètres de cet établissement, l’une des adresses de l’enseigne Taberna de La Daniela dd joue aussi la carte de la tradition. On y déguste le plat qui incarne par excellence la capitale espagnole, le cocido madrileño. Celui de La Daniela est fameux. Et généreux ! Cette potée se compose d’une variété de viandes bouillies (bœuf, poule, porc, boudin…) servies avec des pois chiches, navets, carottes, pommes de terre et du chou. Chaque famille possède sa propre version de cette recette, qui permet de supporter la fraîcheur hivernale d’une ville située à plus de 660 mètres d’altitude. Ce plat unique se déguste en trois services : on commence par le bouillon, vient ensuite le chou, puis on enchaîne avec les viandes et les légumes, sans oublier de tartiner le lard gras sur de grosses tranches de pain de campagne grillé. L’histoire du cocido madrileño se confond avec celle des populations qui ont investi Madrid au fil des siècles ; chaque communauté a fait évoluer le plat, y apportant de nouveaux produits, de nouvelles saveurs. « C’est une recette qui nous correspond bien. Elle est faite pour les riches et pour les pauvres. Elle nous •••


GOURMAND Peu importe que la

mer soit loin, on trouve le bocadillo de calamares partout à Madrid.


APPÉTISSANT La tortilla – icône locale – est divine chez Casa Dani df.


39 RUTILANT La capitale

retrouve enfin le vrai goût de la tomate.

Côté sucré, c’est le churro qui chante les louanges de Madrid. rassemble », explique la serveuse en déposant le plat rempli de viandes, lourd comme un jambon entier. Pour bien croquer la ville, il ne faut pas passer à côté des institutions de la friture. Il suffit de tendre le nez pour mesurer la passion des habitants pour la cuisson à l’huile bouillante. Côté salé, le bocadillo de calamares – demi-baguette fourrée de calamars frits – fait figure de curiosité pour une cité à 300 kilomètres du premier port de pêche… Mais rien d’étonnant lorsque l’on sait que Madrid abrite le deuxième plus grand marché aux poissons du monde, après celui de Tokyo. Sa situation géographique, au centre du pays, permet d’accueillir les produits de la pêche de l’Atlantique comme de la Méditerranée – on y vend notamment les plus belles crevettes de la planète… En ville, on retrouve partout le bocadillo de calamares. On l’avale en quelques bouchées, au comptoir d’un bar ou sur la terrasse animée du mythique El Brillante dg, accompagné d’une caña bien fraîche. Côté sucré, c’est le churro qui chante les louanges de Madrid. L’épicentre de ce beignet se situe à la Chocolatería San Ginés. Le churrero (pâtissier) mesure grossièrement « à l’assiette » la quantité de farine nécessaire, à laquelle il ajoute l’eau bouillante et un peu de sel. Dans un bain d’huile à 190 °C, il verse une spirale

FLAMBOYANT La gamba roja est un mets de choix des tables espagnoles.

dentelée de pâte qu’il retourne avec habileté, jusqu’à obtenir un lacet croustillant à souhait. Un délice, surtout lorsque le bâtonnet encore chaud est plongé dans la tasse chocolatée qui l’accompagne. Chaque jour, plus de 5 000 churros (ou porras, la version « gonflée » par ajout de bicarbonate de sodium) sont vendus dans l’établissement, ouvert 24 heures sur 24. Mais il ne faut pas croire que les habitants de la capitale ne goûtent pas à la modernité. La tendance fusion – aux influences asiatiques et sud-américaines – cartonne actuellement. Par ailleurs, on voit émerger une nouvelle catégorie d’établissements qui dépoussièrent les classiques locaux, sans les dénaturer. Le Celso y Manolo est de ceux-là. Ce modeste établissement propose une carte idéale pour se frotter aux spécialités locales. L’entrecôte de tomate est juteuse à souhait, les filets d’anchois (de la conserverie Codesa, en Cantabrie) sont charnus et fondent dans la bouche, le bocadillo de calamares est rehaussé par un aïoli avec une pointe de citron vert. « Nous voulions un grand menu, mais composé de plats très simples et écologiquement responsables, explique le jeune chef, depuis sa cuisine minuscule. Nous proposons la meilleure tomate, le meilleur thon, mais dans une vision décontractée. Nos assiettes sont traditionnelles, tout en ne ressemblant à aucune autre. » Nombre de restaurateurs misent aujourd’hui sur cette voie : concilier saveurs authentiques et cadre contemporain. Madrid vous ouvre ses portes (et l’appétit). n

> Retrouvez ces adresses sur le plan en fin de magazine.


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LES ROIS DE MADRID UNE CUISINE INVENTIVE POUR UN TERROIR INCOMPARABLE. TEL EST LE PARI D’UNE COMMUNAUTÉ DE RESTAURATEURS QUI EXPRIMENT AU PRÉSENT TOUTE LA RICHESSE DE LEURS TRADITIONS. Par Boris Coridian Photos Mickaël A. Bandassak

FLOREN DOMEZÁIN, LE CUISINIER PAYSAN

UN LOOK, UNE GOUAILLE ET DES PRODUITS D’EXCEPTION : FLOREN DOMEZÁIN EST À LA FOIS CHEF ET AGRICULTEUR. SON RESTAURANT dh SUBLIME LE VÉGÉTAL, MAIS PAS SEULEMENT.

NATURE Tous les légumes proviennent de son exploitation de 40 hectares. Seules les salades poussent en vitrine !

Êtes-vous restaurateur ou producteur ?

Je suis né agriculteur et suis devenu restaurateur. Ma sensibilité pour les produits m’aide énormément. Je connais les asperges comme personne. Dès le premier coup d’œil, je sais comment les préparer. Il faut en avoir cultivé des millions pour arriver à cela. Vous avez toujours refusé de vous plier aux goûts formatés… Dans les

années 1980, le public, comme les grands chefs, méprisait les produits que je récoltais. Il préférait les tomates fermes, calibrées. Aujourd’hui, les chefs

veulent tous se fournir chez moi. Trop tard, elles sont réservées à mon établissement ! (Rires.) Les clients me répètent souvent : « Je n’avais pas dégusté une telle tomate depuis très longtemps ! » Pourquoi vous surnomme-t-on le « Roi des légumes » ? Je veux offrir des

produits extraordinaires. Comme les guisantes lágrima (petits pois en forme de larmes, ndlr), qui sont les légumes les

plus chers du monde. Vous pleurez de bonheur lorsque vous les avez en bouche. Mais vous pleurez aussi lorsqu’il faut les payer ! On les appelle « caviar vert ». Ma recette est la suivante : je plonge les cosses vingt secondes dans l’eau bouillante, je prépare une extraction, puis les petits pois sont sautés avec ce jus. Comme tous les légumes que je propose au menu, ils proviennent de mon potager de Navarre.


CULTURE Gastronomique ALFONSO CASTELLANO, LE GARDIEN DU TEMPLE

APRÈS AVOIR CUISINÉ DANS LES HAUTES SPHÈRES DE LA GASTRONOMIE, IL REVIENT À L’ESSENTIEL. SON NOUVEAU RESTAURANT, MATERIA dj,SE DONNE COMME OBJECTIF DE PRÉSERVER DES SAVEURS EN VOIE D’EXTINCTION. Comment est né votre nouvel établissement, présenté comme un « conservatoire des goûts » ?

consommateur en le libérant de la saisonnalité. La conséquence, c’est la perte du juste goût des choses.

Mes parents possédaient un restaurant dans le mercado de San Pascual. C’est là que j’ai débuté en cuisine, avant de me former au sein de grandes brigades gastronomiques. J’ai ensuite travaillé sur un projet très ambitieux, qui n’a pas pu voir le jour à cause de la crise économique. J’avais perdu le contact avec les produits et la cuisine. J’ai fait le tour de l’Espagne pour retrouver les fournisseurs de mes parents. J’avais gardé en mémoire les saveurs de mon enfance passée dans le marché. Nous étions en train de perdre ce patrimoine. C’est ainsi qu’est né le restaurant Materia, de la volonté de créer un lieu de préservation des goûts en voie d’extinction.

Comment puiser dans ses souvenirs sans être passéiste ? Mon épouse et

Un chef a-t-il vocation à éduquer les consommateurs ? Ma philosophie,

c’est de ramener mes clients aux principes essentiels. Lorsque j’étais enfant, tout le monde savait quel produit acheter à telle période de l’année. Personne ne demandait un chou-fleur en été ni des tomates en février. On a voulu satisfaire le

DUO Alfonso Castellano et Natividad Perez : un couple en mission pour le goût.

moi-même, nous piochons dans notre mémoire pour faire naître une émotion contemporaine. Par exemple, dans mon restaurant, je sers une recette à base d’œuf, réminiscence d’un plat andalou. Là-bas, les ouvriers agricoles tartinaient de la poitrine de porc mélangée à de la graisse et à du pimentón sur une tranche de pain. Aujourd’hui, je fais confire l’œuf dans cette préparation. C’est mon interprétation de cette sensation.

AUTHENTIQUE La bonite et ses légumes : un concentré de saveurs ibériques.

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AU BON COCHON Un client en a dégusté 56 têtes depuis l’ouverture du restaurant au printemps 2015.

PRIMÉ Le festival gastronomique Madrid Fusión a désigné Javi Estévez révélation de l’année 2016.

JAVI ESTÉVEZ, LA NOUVELLE TÊTE

APRÈS AVOIR ÉTÉ REPÉRÉ PAR LE GRAND PUBLIC DANS « TOP CHEF », IL A CRÉÉ LA TASQUERIA dk ET FAIT LE PARI DE RÉCONCILIER LES MADRILÈNES AVEC… LES TRIPES. UN DÉFI OSÉ QUI CARTONNE ! Les abats appartiennent au patrimoine gastronomique madrilène, mais ouvrir un restaurant exclusivement consacré à ces produits était risqué ! La tripe, c’est

ce que j’aime le plus travailler. Une table dédiée aux abats a l’avantage de marquer les esprits, alors que les établissements fusion ont le vent en poupe. Les ingrédients traditionnels offrent une palette très large : l’idéal pour innover ! Comment Madrid a-t-elle su conserver cette culture de la tripe ? TROMPE-L’ŒIL Le carpaccio de pieds de porc, artichaut et langoustine ferait aimer les abats à n’importe qui !

C’est très bien d’être influencé par d’autres pratiques gastronomiques, mais il ne faut pas oublier notre savoir-faire. En Espagne, nous avons toujours aimé les tripes, qu’elles soient de mouton, de porc… Cervantès y fait allusion dans Don Quichotte. Bien sûr, la consommation a diminué depuis que nos mères ont moins de temps pour cuisiner. Mais la crise économique a remis les abats au

goût du jour, car ils sont bon marché. D’autant que les nouveaux immigrés, venus principalement d’Amérique latine, en sont de grands consommateurs. Peut-on « moderniser » les tripes ?

Les cuisiniers se sont aperçus que l’on pouvait en tirer de grands plats. On a toujours servi des abats dans les restaurants de Madrid, mais dans une version traditionnelle. À La Tasqueria, la tête de cochon de lait est emblématique. Personne n’avait cuisiné ainsi cette partie de l’animal : elle est cuite longuement dans un four à vapeur, puis frite dans un bain d’huile. C’est un peu surprenant, mais délicieux ! Votre premier souvenir ? Un foie de veau sauté. Ma mère me préparait aussi des testicules de taureau poêlés. Je n’adorais pas ça, mais j’ai appris à les savourer et à me forger une culture gustative. En tant que Madrilène, cet apprentissage me semble essentiel.


43 RAMÓN FREIXA, CHEF DOUBLEMENT ÉTOILÉ

INSTALLÉ DANS LES MURS DE L’HOTEL ÚNICO dl, LE CUISINIER CATALAN EST L’UN DES AMBASSADEURS DE LA HAUTE GASTRONOMIE DANS LA CAPITALE DE L’ESPAGNE. Quelle est votre définition de la cuisine espagnole ? Madrid, c’est

Quel est l’objectif de votre restaurant gastronomique ? Atteindre

le centre du pays. Vous y trouvez les meilleurs produits, venus des quatre coins de l’Espagne. Tout pousse sur nos terres, cela force les chefs à faire preuve d’une grande créativité. Si j’exerce à Madrid depuis huit ans, je reste imprégné par les traditions catalanes. Au fond, il n’existe que deux sortes de cuisine : la bonne et la mauvaise.

la félicité. Les clients veulent désormais aller plus loin que la simple dégustation d’une assiette. Il faut leur offrir une véritable expérience. C’est ce que je propose avec mon plat de rouget, où se mélangent différentes influences et des produits variés : le couteau de mer, le couscous de maïs, mais aussi un gratin de macaronis de gelée de safran.

Quel produit vous définit le mieux ?

En tant que chef étoilé, comment aimez-vous travailler le café ?

J’ai pris l’habitude de proposer à mes convives une séquence entièrement dédiée à la tomate. En Espagne, nous avons la chance de cultiver les plus délicieuses qui soient. L’idée : effectuer un tour du monde des recettes à travers ce produit exceptionnel. C’est le principe du « glocal » : penser global, mais cuisiner local.

Je suis un chef caféiné ! J’aime le goût, l’onctuosité, l’amertume, l’acidité du café. Personnellement, je suis très cortado. J’ai participé au premier Atelier Nespresso de Madrid. J’ai préparé un plat de morue confite à l’huile de café, aux morilles et légumes de printemps. C’est ce genre de défi qui me pousse à innover.

> Retrouvez ces adresses sur le plan en fin de magazine. IBÉRIQUE Ramón Freixa, un chef catalan qui incarne Madrid à merveille !

GOURMET Asperges coupées

à la mandoline, gelée de tête et de chair de langoustines.

ÉQUILIBRE Des produits espagnols et des influences du bout du monde.


AMBASSADRICE

María Juncal incarne la nouvelle génération de la danse flamenca.


ART Vivant

Au cœur du

FLAMENCO AMOR DE DIOS EST LA PLUS ANCIENNE ÉCOLE DE FLAMENCO DE MADRID. DES ÉLÈVES DU MONDE ENTIER VIENNENT Y ÉTUDIER LES RAFFINEMENTS DE CE MOYEN D’EXPRESSION FLAMBOYANT. Par Guillaume Jan Photos Mickaël A. Bandassak

LES MURS SONT ÉCAILLÉS, LES MIROIRS ÉBRÉCHÉS, LE PARQUET EST USÉ PAR LE CRÉPITEMENT DES TALONS DES DANSEUSES ET DES DANSEURS. Mais une insolente énergie

imprègne cette académie mondialement réputée, située au premier étage du marché couvert d’Antón Martín, à l’entrée du quartier populaire de Lavapiés. C’est dans cette école qu’ont été formés les plus grands artistes de flamenco, depuis son renouveau dans les années 1950 ; et c’est ici que sont initiées les futures étoiles qui perpétueront son feu sacré sur les scènes internationales. « Fondé en 1953, Amor de Dios f0 est la plus vieille institution flamenca encore en activité », précise Joaquín San Juan, son directeur, qui nous fait visiter les lieux. Il entrouvre la porte d’une salle de cours : María Juncal, considérée comme une des meilleures bailaoras (danseuses) actuelles, fait virevolter de jeunes gens originaires de Madrid, mais aussi d’Andalousie, de Hongrie, du Mexique ou de Chine. « En moyenne, 400 élèves viennent chaque jour étudier le chant, la guitare, les castagnettes ou la danse, chuchote Joaquín. Nous avons un tiers d’Espagnols, les autres font le déplacement depuis le reste du monde. Nous ne dispensons pas une formation classique comme au conservatoire. Chacun est libre d’enseigner ou d’interpréter le cours selon son style. Le flamenco est trop attaché à la liberté pour entrer dans des cadres stricts. » De quoi est fait ce moyen d’expression original, ardent, sauvage, sans concession, qui bouleverse l’âme en quelques secondes, mêlant l’allégresse à la mélancolie, la puissance à la grâce ? Qu’est-ce qui fait vibrer les cordes, tendues entre passion et chagrin, de cet art né en Andalousie du croisement des cultures méditerranéenne et gitane, autour du XVIe ou du XVIIe siècle ? « Le flamenco n’est pas un élément de la culture espagnole, il fait plutôt partie de sa contre-culture, argumente Joaquín. Et ce n’est pas qu’un art

scénique, c’est aussi un cri de rébellion contre les élites, une résistance à toutes les formes d’oppression. Ce qui l’anime, je le répète, c’est d’abord une faim et une soif de liberté. » ÉCOLE DE LA VIE

La soixantaine épanouie, l’œil rieur, Joaquín poursuit la visite à travers les couloirs d’Amor de Dios. Les murs sont décorés de photos et d’affiches des gloires d’hier et d’aujourd’hui, quelques notes de guitare font chanter l’air. Des coups de canne, frappés en staccato, s’échappent d’une autre porte : c’est la septuagénaire Merche Esmeralda qui donne la cadence de son cours. Autoritaire, implacable dans ses remarques, cette maestra de flamenco respectée entre toutes entraîne ses élèves à exprimer plus précisément la palette de leurs émotions, en tirant leurs mouvements vers une authenticité flamboyante. Instants magiques. « Pour être vraiment expressif, un corps doit être marqué par la vie, estime Joaquín. Une danseuse de ballet pourrait exécuter des gestes parfaits, mais elle serait trop lisse pour traduire la rudesse du flamenco. Même chose pour les voix, elles ne doivent pas être trop douces, trop propres. Le maniérisme n’a pas vraiment sa place dans le flamenco. » En 65 ans d’existence, Amor de Dios s’est imposé en enseignant un état d’esprit plutôt que des techniques. Car si le flamenco est à la fois une danse, un chant, une tradition, c’est peut-être avant tout un art de vivre qui s’applique en toutes circonstances. C’est une attitude où se mêlent sens de la fête, spontanéité, sincérité, sensibilité à fleur de peau, goût pour le paroxysme, culte de l’honneur, religiosité, hospitalité, mépris des contingences et des valeurs matérielles, générosité, prodigalité même… Courage, enfin. « Le courage de mener son existence sans aucune protection, de manière intense, entière, poursuit Joaquín. •••

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INCANTATION Chant, danse,

guitare, battements de mains, les ingrédients du flamenco.

Mais en même temps, les artistes doivent faire preuve d’une grande discipline, dans l’apprentissage comme dans la pratique. Il faut beaucoup de travail pour arriver à cette forme pure qui les fera viser juste. » LANGUAGE UNIVERSEL

Joaquín San Juan n’avait aucune raison de se passionner corps et âme pour le flamenco. Né dans les Asturies, au nord de l’Espagne, il grandit à Vallecas, quartier populaire de Madrid, où ses parents se sont installés dans les années 1950. « J’ai passé 20 ans de ma vie à dédaigner le flamenco. En fait, comme 90 % des Espagnols, je ne savais pas de quoi il s’agissait. » À la fin des années 1970, quand l’arrivée du rock et du punk annonce la Movida, le jeune rebelle, qui jusque-là gravitait dans les milieux antifranquistes, communistes et libertaires, rencontre un guitariste de flamenco, puis une chanteuse, puis une autre. Intrigué par leur façon d’être, il plonge dans cette contre-culture qu’il découvre, qu’il apprécie, qui l’envoûte et fait de lui « une meilleure personne », comme il le dit lui-même. Au point qu’il finit par se rapprocher des associations d’aficionados (« passionnés ») du flamenco et leur consacre tout son temps libre. « En quelques mois, ma vie a été bouleversée », résume-t-il. En 1992, le fondateur d’Amor de Dios, Juan María Martínez de Bourio, tombe gravement malade. Au même moment, le bâtiment de l’école, situé rue Amor de Dios (d’où son nom), doit être vendu. « Je me suis dit que je ne pouvais pas laisser mourir l’académie, c’était impossible », confie encore Joaquín. Il trouve de nouveaux locaux, y investit ses maigres économies et contracte un emprunt pour relancer les cours. Il prend peu à peu la place de l’ancien directeur et ne compte pas ses heures de travail. « Aujourd’hui, à 68 ans, j’administre le lieu, je recrute les professeurs, je réponds aux interviews, je passe le balai le soir… Je travaille tous les jours, nous ne fermons que deux jours par an. » Son fils, Javier, le seconde dans cette entreprise picaresque. Et payante : l’intense énergie qui se dégage d’Amor de Dios rayonne partout sur la planète. L’académie ressemble à un petit village où l’on parle les langues des cinq continents. « C’est le centre du monde », plaisante Javier. Alors que le flamenco aurait pu se dissoudre en un folklore insipide au cours du XXe siècle, il bénéficie d’un regain de

« Le flamenco fait partie de la contre-culture espagnole. » vigueur qui fait dire aux aficionados qu’il n’a jamais été aussi créatif et populaire. De nouvelles générations s’y intéressent, de nouvelles voix se font entendre. Le retour aux sources du flamenco puro, dans les années 1970, l’a sauvé de son affadissement, de sa domestication, et aujourd’hui différents courants expérimentent des métissages avec le jazz, le blues, le rock, le reggae, la musique électronique, le rap… « Le flamenco est en train de prendre une dimension universelle, conclut Joaquín. C’est une des cultures de la péninsule Ibérique qui a le plus de chance de percer dans le monde. Il existe aujourd’hui un public exigeant en Europe, mais aussi aux Amériques, au Japon, en Chine, partout. » En écoutant Joaquín s’exprimer avec tant d’enthousiasme et de passion, on se dit que si le flamenco peut s’affranchir de toutes les distances géographiques, c’est sans doute parce qu’il parle un langage universel : celui de l’âme. n

LES ORIGINES DU FLAMENCO Né en Andalousie, le flamenco trouve son origine dans les multiples métissages qui ont nourri cette région du sud de l’Espagne au cours du dernier millénaire. Au milieu du XV e siècle, à la fin de la période de domination musulmane (711-1492), les premiers Gitans s’installent dans la péninsule Ibérique après une longue odyssée entreprise depuis

l’Inde. Ils apportent avec eux leurs chants et leur attachement viscéral à la liberté. Peu à peu, ils mêlent leur culture à la poésie et aux danses de l’Andalousie musulmane, à la musique juive, à la liturgie catholique. Mais si le flamenco ne se confond pas avec les Gitans, c’est tout de même ce peuple qui lui donne son style. Longtemps jugé subversif,

parce qu’identifié comme une rébellion des plus démunis, le flamenco gagne une reconnaissance officielle au début du XIXe siècle – il s’agit surtout, pour les classes dominantes, de canaliser ce rituel populaire en lui faisant intégrer le circuit des cafés-concerts. Mais c’est aussi de cette manière qu’il sera connu hors de sa terre d’origine.


COSMOPOLITE Les cours de danse sont suivis par des élèves du monde entier. PASSIONNÉ Joaquín MONUMENT Merche

San Juan, directeur Esmeralda, légende d’Amor de Dios. vivante du flamenco.

BAILAORA Le cours de

María Juncal est une référence en Espagne.


Un quartier EN FUSION AUTREFOIS MARGINAL, LE QUARTIER DE LAVAPIÉS EST AUJOURD’HUI L’UN DES PLUS BRANCHÉS DE LA CAPITALE ESPAGNOLE. MULTICULTUREL, AUTHENTIQUE ET ACCUEILLANT, IL CONCENTRE L’HISTOIRE RÉCENTE DE LA CITÉ ET PLUS GLOBALEMENT DU PAYS. VISITE GUIDÉE ET INSPIRÉE. Par Guillaume Jan Photos Stéphane Remael

C’EST ENCORE L’AUBE, LES BALAYEURS MUNICIPAUX TERMINENT DE NETTOYER LES TROTTOIRS TANDIS QU’ARRIVENT LES PREMIERS COMMERÇANTS DU MARCHÉ COUVERT D’ANTÓN MARTÍN fq. José, 30 ans, lève le rideau de fer

de sa boutique de fruits et légumes et garnit son étal. « Il y a dix ans, Lavapiés avait la réputation d’être un quartier malfamé, lance ce fort des halles. Les immeubles étaient délabrés, la drogue et la prostitution y prospéraient, les rues n’étaient pas sûres. Aujourd’hui, c’est le coin le plus branché de la capitale ! » Avec ses ruelles pavées, ses façades colorées, ses balcons, ses graffitis, ses vieilles échoppes, ses cafés populaires, ses bars de nuit, ses barbiers pour hipsters, ses restos mexicains ou ses coiffeurs africains, Lavapiés a tout du quartier qui monte. Il s’en dégage une impression à la fois désuète et vivifiante, une énergie positive nourrie des cent nationalités qui s’y croisent jusque très tard dans la nuit.

MULTICOLORE Toutes les communautés partagent Lavapiés.


CHALEUR Humaine

MÉLANGE DE CULTURES

« C’est fou comme le quartier change vite », s’exclame le tonitruant Julián Cañas, qui prépare ses barquillos du jour, des biscuits gaufrés fins et croustillants. Il nous reçoit dans la cuisine où il s’active tous les matins, calle del Amparo, perpétuant la tradition familiale initiée par son arrière-grand-père Félix. « Dans les années 1970, Lavapiés comptait de nombreuses personnes âgées, des ouvriers, des petits artisans. Dans notre cour, nous avions un charpentier, un ébéniste, un serrurier. Nous étions tous solidaires. Aujourd’hui, la plupart des ateliers ont été remplacés par des appartements. » Le changement a commencé à partir des années 1980, avec l’arrivée des premiers étrangers, explique Graciela, 83 ans, qui prend le soleil sur un banc de la plaza Nelson Mandela fs. Cette ancienne couturière a toujours vécu à Lavapiés, elle se souvient de l’époque où elle allait puiser son eau à la fontaine, en bas de chez elle, et de l’odeur de tabac séché, quand la fabrique de cigarettes fonctionnait encore. « La population s’est densifiée après la Seconde Guerre mondiale, avec l’exode rural, raconte l’octogénaire. Puis, à la fin des années 1970, de nouveaux quartiers ont été érigés en banlieue. Beaucoup d’habitants sont partis, laissant leurs immeubles insalubres et leurs commerces vétustes. C’est à cette époque que les Chinois ont commencé à arriver, puis les Arabes, les Indiens, les Africains, les Mexicains, les Sud-Américains. Ils ont travaillé dur pour remettre les murs en état. » Madrid a toujours eu le sens de l’hospitalité, et cette qualité semble encore plus vraie à Lavapiés. « Ce n’est pas un ghetto, ajoute Elena Vallejo, qui tient le salon de coiffure familial ouvert en 1908, calle Santa Isabel. Plutôt un assemblage, une fusion de cultures qui rend cet espace unique et attachant. » Revers de la médaille, le quartier se gentrifie. La mairie a effectué des travaux d’assainissement, les façades ont été rafraîchies et les agents immobiliers ont suivi. Le prix des appartements a flambé, atténuant la solidarité – même si l’activité associative et politique résiste tant bien que mal. En fin de matinée, sur la calle de Valencia, le comptoir en zinc d’El Boqueron fd accueille des familles et des travailleurs étrangers, des jeunes au sourire d’ange et des vieux à la trogne marquée. Ce n’est pas encore l’heure de manger, mais on boit •••

GAUFRETTES Chez les Cañas, on est vendeur de père en fils. RENDEZ-VOUS La calle

Lavapiés est idéale pour faire des rencontres.

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50 un verre de blanc ou un vermouth pour se mettre en appétit, on grignote quelques olives et des calamars frits. Et surtout, on discute. Car, dans les bars de Madrid, on aime par-dessus tout discuter. À deux rues d’ici, la terrasse d’El Rincón Guay ff est bondée. Le patron, Mauricio Marin, retrace l’histoire de son café : « Quand nous avons ouvert en 2007, nous étions le premier bar gay du quartier. Ça n’a pas été facile de se faire accepter, mais nous y sommes arrivés. Et nous avons survécu à la crise économique ! Maintenant, notre clientèle est plus diversifiée. »

GRAND ÉCRAN Le Cine

Doré est l’icône du quartier.

GAYS, HIPSTERS ET GITANS

Un peu plus haut, sur la calle de Embajadores, le café El Mar a ouvert dans un ancien salon de coiffure dont il a conservé la devanture décorée d’azulejos. Un couple de jeunes femmes s’installe à une table turquoise pour y déjeuner, elles sont accompagnées de leur chienne Grace Jones. « À la fin de la décennie 2000, de plus en plus de gays ont adopté le quartier, raconte Mina. Ce sont eux qui ont lancé la mode. À leur suite, toute une faune de jeunes gens s’est mise à sortir à Lavapiés. » L’après-midi s’écoule tranquillement, le linge sèche aux fenêtres, un groupe d’adolescents joue au basket sous un mur de graffitis. Javier répare un dérailleur dans sa boutique de vélo Fixie & Roll fg, sur la calle Torrecilla del Leal. « Lavapiés a toujours compté beaucoup de cyclistes, considère ce sympathique trentenaire. Pas uniquement parce que nous avons une population de hipsters. La raison principale, c’est que nous ne sommes pas très bien desservis par les transports. » Il est maintenant 17 h 30, l’heure d’aller voir un vieux film au Cine Doré fh, la cinémathèque de Madrid. José, le projectionniste, enclenche ses bobines de 35 mm pour le plaisir des cinéphiles qui remplissent la salle, ouverte en 1912. À l’autre bout du quartier, près de la station de métro La Latina, l’immeuble art déco du café Pavón fj accueille un échantillon de la population internationale qui réside ici. Serveurs et serveuses sont couverts de tatouages. On sirote un verre en terrasse, en dégustant des pica-picas et autres tapas savoureuses. Des jeunes gens font ronfler leur scooter en direc-

« Parfois, je viens boire un verre avec une amie, et je reste toute la nuit. » OISEAUX DE NUIT Le

café Pavón est le repaire des noctambules.


PAUSE Au Mercado

de San Fernando, tous se retrouvent. tion de la plaza de Cascorro, où l’on croise des familles très bien habillées, et des jeunes filles au regard de braise, apprêtées comme si elles allaient au bal. « Ce sont des Gitans », glisse Esteban, longue barbe et oreilles percées, qui a emménagé l’an dernier. Établis en Espagne depuis le XVe siècle, les Gitans ont longtemps été les principaux occupants de ce quartier. « Et avant eux, il y avait la communauté juive », ajoute Esteban, qui est photographe de mode. FOOT ET FLAMENCO

GRAND OUVERT La

convivialité est de mise au bar La Estrecha.

Changement d’ambiance dans la rue Argumosa, au bar El Económico fk. Un match de foot se joue entre le Real Madrid et le FC Barcelone. Le regard rivé sur l’écran, les clients ne perdent pas une miette de cette rencontre au sommet, excepté pour commander une bière de temps en temps. « À Lavapiés, on est plus fans de l’Atlético que du Real Madrid », précise Lucía, qui ne rate jamais un match. La nuit semble mettre longtemps à tomber sur cette rue garnie de terrasses, où les discussions vont bon train. Devant le café Achuri fl, un poète vend ses vers pour une bouchée de pain, puis s’enfonce dans une ruelle non sans nous avertir : « La nuit ne fait que commencer ! » C’est l’heure d’aller grignoter un morceau ou d’assister à un spectacle de flamenco : des cabarets proposent chaque soir des récitals, plus ou moins authentiques. « Madrid est une ville de fougue et d’excès », considère Elena, accoudée au comptoir de marbre blanc du bar La Estrecha gp . La jeune femme, originaire des Canaries, enseigne les mathématiques dans un lycée public. Elle sort régulièrement ici, dans ce quartier qu’elle trouve à la fois abordable et convivial. « Parfois, je viens boire un verre avec une amie, et je reste toute la nuit, parce que l’ambiance s’y prête… » Ce soir, elle prévoit de terminer au Candela gq, un café flamenco ouvert jusqu’à l’aube, à l’heure où les balayeurs s’emparent des trottoirs. n > Retrouvez ces adresses sur le plan en fin de magazine.


HAUTE COUTURE

Une tête de taureau comme celle-ci est vendue 130 euros.


OBJET Culte

Un trophée VÉGÉTAL ÉLÉGANTES ET ORIGINALES, LES TÊTES D’ANIMAUX QUE JAVIER MEDINA TRESSE EN FIBRE VÉGÉTALE OBTIENNENT UN SUCCÈS GRANDISSANT. ENTRE SCULPTURE ET HAUTE COUTURE, L’ARTISAN RÉINTERPRÈTE DE MANIÈRE LUDIQUE ET CONTEMPORAINE LES SYMBOLES TRADITIONNELS DE LA PATRIE DE LA TAUROMACHIE. Par Guillaume Jan Photo Mickaël A. Bandassak

« JE VOULAIS CRÉER UN OBJET QUI SOIT COHÉRENT AVEC MON PAYS, DANS CE QU’IL REPRÉSENTE, dans la manière dont

il est conçu et les matériaux utilisés pour le fabriquer. Je souhaitais réinventer un symbole de l’Espagne. » Javier Sánchez Medina, 40 ans, nous reçoit dans sa petite échoppe du quartier de Malasaña gs, à Madrid. Les murs de cet atelier traditionnel sont tapissés de têtes de taureau, mais aussi d’âne, de cerf, de buffle ou de rhinocéros. Leur particularité : elles sont toutes végétales, soigneusement tressées dans cette fibre que l’on appelle ici la pleita. « Elle est issue de l’atocha (Stipa tenacissima, ndlr), une plante qui pousse principalement en Andalousie, mais aussi dans les environs de Madrid. L’actuelle gare d’Atocha a été construite sur une plaine où l’on en trouvait beaucoup. » Arrivé à la capitale en 2008, ce dynamique quadragénaire met plusieurs années à mûrir son projet. Tout en travaillant dans diverses boutiques pour gagner sa vie, il apprend, pendant son temps libre, à tresser cette fibre douce, maniable et extrêmement robuste — les paysans l’utilisaient pour harnacher leurs ânes et fabriquer les paniers dans lesquels ils transportaient leur récolte. L’autodidacte réalise quelques objets et habille des cadres de miroir avant d’avoir une révélation en 2012 : « Plusieurs restaurants de Madrid exploitent la culture de la corrida en décorant leur salle avec une ou plusieurs têtes de taureau. J’ai voulu en confectionner à ma manière, dans un esprit plus écologique. » SOIN DU DÉTAIL

Javier Medina se définit comme un artisan, même s’il est tout autant un artiste. Fils et petit-fils de cordonniers, il grandit dans une province d’Extremadura, à la frontière du Portugal. Son grandpère tressait des rideaux extérieurs en peitas, bien utiles pour rafraîchir les pièces en été. Il se rappelle aussi les bibelots confectionnés avec cette même fibre par les bergers du coin, de petits ânes par exemple. « J’ai toujours aimé fabriquer des objets, se

souvient Javier. Et, déjà enfant, j’appréciais les matières naturelles, j’étais sensible à leur beauté. Seulement, j’habitais dans un minuscule village de province où personne ne pouvait espérer vivre de son art. » À Madrid, le jeune homme s’autorise à rêver davantage, tout en s’imposant un degré d’exigence élevé — il faut prendre en main un de ses « trophées écologiques » pour mesurer leur degré de finition, l’attention portée à chaque détail. La carapace est tressée en fibre d’atocha, puis les formes plus précises sont cousues avec de la ficelle, ce qui offre un raffinement remarquable tout en renforçant l’ensemble des pièces, qui sont garanties à vie. « Parfois, nous reprenons l’arrondi d’une corne, ou bien nous choisissons de lui faire gagner un millimètre d’épaisseur », précise Nico Croze, qui assiste Javier depuis deux ans. Entre sculpture et haute couture, chaque pièce réalisée par les deux artisans demande en moyenne trois jours de travail. RÉPUTATION INTERNATIONALE

Si Javier Medina a choisi une alternative végétale aux trophées de corrida, c’est qu’il a, comme beaucoup de femmes et d’hommes de sa génération, une sensibilité écologique. « Je ne suis pas un activiste hippie, mais je n’ai pas de passion pour la tauromachie. J’ai voulu prouver qu’on pouvait s’offrir un trophée à la fois précieux et unique sans mettre à mort un animal. » Le succès de son initiative est immédiat : quelques restaurants de belle réputation lui passent commande, la clientèle apprécie, le boucheà-oreille fait le reste. Cinq ans après l’ouverture de sa boutique de la rue el Escorial, Javier exporte ses têtes de taureau jusqu’aux États-Unis et la liste d’attente ne cesse de s’allonger. « En plus du design et du matériau de mes trophées, les gens aiment mon histoire, reconnaît-il. Celle d’un jeune artisan qui reprend un vieil atelier et qui mise sur un savoir-faire traditionnel pour réaliser un produit très contemporain. Tous les outils que j’utilise, c’est mon père qui me les a cédés quand il a fermé sa cordonnerie. » n

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RÉVOLUTION ARTISTIQUE LONGTEMPS ÉCRASÉ PAR LES GRANDES INSTITUTIONS CULTURELLES, L’ART CONTEMPORAIN EXPLOSE AUJOURD’HUI À MADRID. GRÂCE À UNE MULTITUDE DE CENTRES D’ART ET À UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ARTISTES, LA VILLE SE HISSE À L’AVANT-GARDE DE LA CRÉATION EUROPÉENNE. Par Guillaume Jan Photos Stéphane Remael


CRÉATION Contemporaine

MEMENTO MORI

Une œuvre de Lucía Vallejo présentée à La Tabacalera.

RÉSIDENCE

Ces sept jeunes artistes en résidence au Matadero travaillent sur la représentation du monde actuel.

« NOUS AVONS BESOIN DE CULTURE. LES PLAISIRS DE LA VIE NE SE RÉSUMENT PAS À SORTIR LE SOIR ET À BOIRE DE LA BIÈRE EN TERRASSE ! » Hector Hernandez est plasticien, il a

29 ans. Né à Castellón, sur le littoral méditerranéen, l’artiste est actuellement en résidence au Matadero, vaste centre de création contemporaine subventionné par la municipalité. Aménagé en 2007 dans les anciens abattoirs de la périphérie sud, l’établissement, qui rassemble plusieurs structures sur 150 000 m2, s’intéresse à toutes les tendances de l’art d’aujourd’hui. « À Madrid, la proposition culturelle, corsetée par les institutions, est longtemps restée classique. Mais la ville rattrape son retard », signale Hector, qui construit sa prochaine installation – une structure en bois devant un écran vidéo, évoquant notre difficulté croissante à renouer avec la nature. Le jeune homme travaille dans un hangar en brique, baptisé « El Ranchito », en compagnie de cinq autres plasticiens venus d’Europe et d’Afrique. « Notre objectif est de faire mieux connaître nos artistes à l’échelle nationale et internationale, explique Jacobo Rivero, directeur de la communication du Matadero. Nous voulons dynamiser la production actuelle, construire une nouvelle atmosphère culturelle connectée aux réalités du présent. » Riche d’un glorieux passé artistique, Madrid voit son élan créatif se tarir sous la dictature franquiste (1939-1975). Puis c’est l’explosion de la Movida, mouvement transgressif porté par le désir de renouveau de la jeunesse. Les crises économiques des années 1990 et 2000 freinent cette dynamique, jusqu’à ce que le mouvement des Indignés donne un nouveau souffle à la société espagnole. « Désormais, on rencontre une plus grande sensibilité à toutes les formes de culture », apprécie Jacobo Rivero. Ce changement de mentalité s’est produit en même temps qu’apparaissaient de nombreux lieux dédiés aux productions d’aujourd’hui : le Dos de Mayo, qui accueille la collection d’art contemporain de la Communauté de Madrid depuis 2008, vient d’établir une carte interactive des lieux d’exposition. Celle-ci ne cesse de s’étoffer. RÉSISTANCE ET INNOVATION

Le point de départ de cette renaissance madrilène pourrait être La Fábrica. Cette ruche, fondée en 1994 par l’ancien journaliste Alberto Anaut, avec l’aide de financements privés, est à la source de nombreuses initiatives : des espaces de création •••

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56 et d’exposition tels que La Casa Encendida (2002) ou le Matadero (2007), des événements comme la Nuit des livres, la Nuit du théâtre, ou encore le festival PHotoEspaña, créé en 1998 et qui est devenu l’un des rendez-vous majeurs de la photographie en Europe. « Les artistes de la nouvelle génération ont voyagé, ils parlent anglais, ils sont mieux préparés à faire leur place dans le monde, considère Álvaro Matías, le directeur de La Fábrica. Mais il reste encore du travail. Madrid manque de “culture de la culture”, nous devons encourager l’éducation dans ce domaine. » L’éducation, c’est l’un des piliers de La Casa encendida (avec la culture, l’environnement et l’action sociale). « Notre ambition est de faire en sorte que l’art contemporain ne soit pas réservé à une élite, avance Lucía Casani, qui dirige cet organe de la Fundación Montemadrid. Comme au Matadero, nos expositions sont gratuites et nous proposons de nombreuses activités à bas prix, concerts, films, festivals. » Près de 800 000 curieux viennent tous les ans visiter ce centre situé à la lisière du quartier de Lavapiés. Deux rues plus loin, La Tabacalera effectue également des connexions entre culture contemporaine et citoyenneté, à travers des expositions, du théâtre, de la danse, des conférences ou encore des jardins partagés. Cet espace autogéré a ouvert en 2009 dans les murs de l’ancienne manufacture de tabac. Il offre lui aussi un accès libre à des créations d’avant-garde, dans une ambiance libertaire et propice aux échanges.

ŒUVRE AU NOIR

En résidence d’artiste à La Neomudéjar, Francisco Santibañez peint des tableaux apocalyptiques. « Je veux montrer ce que je redoute le plus. » TRANSMISSIONS FROM THE ETHERSPACE

Exposition collective à La Casa encendida, avec, entre autres, les artistes Nina Beier et Celia Hempton.

OÙ VOIR DE L’ART CONTEMPORAIN À MADRID ? Non loin du célèbre musée fois populaire et audacieuse du Prado (art classique), dans tous les domaines de le Medialab-Prado gd est la création (arts vivants, cinéma, design graphique…). un laboratoire citoyen qui Le centre d’art Dos de organise des expositions Mayo gj accueille la et des conférences sur l’art collection d’art contemporain numérique. Un peu plus bas, de la Communauté de à côté du centre d’art Madrid, qui compte près Reina Sofía gf (musée national d’art moderne et de 2 000 œuvres. contemporain), La Casa La Tabacalera gk propose Encendida gg expose des un dialogue entre art contemporain et contreœuvres plus conceptuelles, cultures, tout comme avec la volonté de sensibiliser La Neomudéjar gl, qui le public aux diverses formes de l’art actuel. Même objectif accorde une grande place pour le Matadero gh , qui au cinéma expérimental et offre une programmation à la à la performance. > Retrouvez ces adresses sur le plan en fin de magazine.


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ART SUBVERSIF

Derrière la gare d’Atocha, se dresse un bâtiment de brique rouge bordé d’herbes folles. C’est La Neomudéjar, un lieu intriguant dédié aux productions alternatives. « Cet entrepôt des chemins de fer était abandonné depuis trente ans lorsque nous l’avons investi en 2012 », raconte Francisco Brives qui codirige, avec Néstor Prieto, cette vaste friche dédiée « aux créateurs, aux fous et aux réprouvés », comme l’indique un panneau peint à l’entrée. Les deux hommes organisent des résidences, des performances et des projections tout au long de l’année. « Mais La Neomudéjar est d’abord un musée des cultures underground, reprend Francesco Brives, cheveux bleus et sourire franc. Nous conservons des œuvres d’art vidéo, mais également d’autres disciplines moins conventionnelles telles que l’art brut, l’art de rue, l’art électronique ou les productions liées à l’activisme LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et trans, ndlr). » Le public concerné ? « Pas forcément des jeunes, répond Néstor Prieto. Nous recevons beaucoup de cinquantenaires, de sexagénaires. Ils ont connu Buñuel, Dalí, la Movida, ils comprennent l’art subversif. » Une des missions de La Neomudéjar est de conserver les œuvres de notre temps, de protéger leur valeur patrimoniale. « Nous envisageons l’art comme une résistance au pouvoir politique, qui ne montre aucun intérêt pour la culture », concluent ces deux agitateurs. À l’étage, l’artiste Antonio Alvarado, pionnier de l’art électronique, prépare une prochaine installation d’inspiration dadaïste. « Vous êtes ici dans un des seuls lieux de Madrid où les créateurs sont accueillis sans préjugés, où l’on accepte les gens qui essaient, qui expérimentent, qui se trompent parfois, mais qui avancent. C’est crucial pour l’évolution de l’art. » n

À La Neomudéjar, Francesco Brives et Néstor Prieto font la part belle aux cultures underground.



HISTOIRE Extraordinaire

Café SOCIETY DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE, LA CULTURE CAFÉ S’ENRACINE EN ESPAGNE AVEC L’OUVERTURE DE LA TOUTE PREMIÈRE MAISON DE CAFÉ À MADRID, QUI DEVIENT LE RENDEZ-VOUS DES ARTISTES ET DES INTELLECTUELS. Par Guillaume Jan Illustration Icinori

NOUS SOMMES EN 1764, SUR LA PLAZA DEL ÁNGEL, DANS LE QUARTIER DES LETTRES, EN PLEIN CŒUR DE MADRID, DERRIÈRE UNE ÉLÉGANTE FAÇADE en pierre et en brique, une

vaste pièce est délicatement éclairée par de hautes fenêtres : c’est le Café de San Sebastián, la première maison de café de la capitale espagnole. Au mois d’avril, deux frères d’origine italienne, Juan Antonio et José María Gippini, louent le rez-dechaussée de leur auberge à un groupe d’artistes et d’intellectuels menés par le poète Nicolás Fernández de Moratín. Ces derniers ont pour ambition d’établir une sorte de club où l’on pourrait lire les journaux et échanger des idées autour d’une tasse de café, ce nouveau breuvage noir et revigorant qui séduit l’Europe entière. Hôteliers prospères et prudents, les deux Italiens apposent à l’entrée de l’établissement un panneau interdisant d’y parler de politique. Mais si les documents d’époque relatent qu’on n’a le droit d’y converser que de taureaux, de corrida, de poésie et des choses de l’amour, les clients du San Sebastián ne se contentent pas d’évoquer les prouesses des matadors ou la splendeur de leurs muses. INSPIRÉS PAR LES LUMIÈRES

Dans cette seconde moitié du XVIIIe siècle, Madrid est en pleine mutation. Depuis qu’elle a été proclamée capitale du royaume d’Espagne par le roi Philippe II, en 1561, la ville ne cesse de s’étendre : sa population a été multipliée par cinq en deux siècles, passant de 30 000 à 150 000 habitants. Le nouveau souverain Charles III, qui a accédé au trône en 1759, pave les rues, construit des promenades, achève l’édification du Palais royal, éclaire la cité en faisant poser des lanternes à chaque carrefour, l’assainit en organisant un système d’égouts. Bref, il est déterminé à faire de Madrid une capitale digne de ce nom. Mais tout n’est pas si rutilant dans le pays. La magnificence du Siècle d’or espagnol – commencé avec la « découverte » des Amériques par Christophe Colomb en 1492 et achevé à la fin du XVIIe siècle – est déjà loin. Le royaume, qui a perdu une grande part de son

influence et bon nombre de ses possessions à l’étranger, traverse une période de marasme et d’obscurantisme, entretenue par une Église particulièrement conservatrice qui s’oppose aux velléités d’ouverture de Charles III. Le prix du pain augmente tous les mois, entraînant des émeutes. Au Café de San Sebastián, les consommateurs, inspirés par les idées progressistes élaborées en France par les philosophes des Lumières, rêvent clandestinement d’une société fondée sur la raison et la justice. Écrivains, dramaturges, historiens, éditeurs fustigent la censure de l’Église et l’oisiveté de la noblesse. Comme dans toutes les maisons de café qui ouvrent en Europe, ces intellectuels se passionnent pour les idées modernes de liberté et d’égalité, s’échangent les livres qu’ils ont pu soustraire à la vigilance des inquisiteurs, s’enthousiasment pour les dernières découvertes géographiques et scientifiques, observent d’un œil neuf la mécanique céleste, tout en savourant un café importé de la Corne de l’Afrique. Mais les jeunes gens qui se retrouvent au San Sebastían ne cachent pas non plus leur inquiétude et leur colère chaque fois que le coût du pain augmente. En mars 1766, une révolte éclate dans la ville, contre le marquis d’Esquilache, ministre de Charles III – sous le prétexte d’un décret interdisant les chapeaux à larges bords qui masquaient les visages, mais foncièrement motivée par les privations des dernières années. Les émeutes se propagent dans tout le royaume, 40 000 mutins participent à cette agitation qui se conclura par la baisse du prix des produits de première nécessité. Considéré comme un lieu de conspiration, le Café de San Sebastián est fermé lors de cette période de troubles, mais les frères Gippini ne tardent pas à ouvrir d’autres établissements à Madrid et dans les grandes villes d’Espagne – philosophes, artistes et journalistes prendront là encore plaisir à s’y réunir et à rêver d’un monde meilleur. Aujourd’hui, la salle de l’ancien Café de San Sebastián abrite un salon de thé. Toujours aussi agréablement baignée de lumière, elle accueille les clients d’un des plus luxueux hôtels de Madrid, pour leur petit déjeuner ou… leur pause-café. n

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SLOGAN

« Parce qu’il n’y a qu’une seule Terre. » Séance d’essayage chez Ecoalf.


MODE Durable

Une collection DE BONNES INTENTIONS ALORS QUE LA PRODUCTION DE VÊTEMENTS A LONGTEMPS ÉTÉ ASSOCIÉE À LA FAST FASHION, DE NOMBREUX CRÉATEURS ET ARTISANS MADRILÈNES INVENTENT DÉSORMAIS DES COLLECTIONS PLUS RESPECTUEUSES DE L’ENVIRONNEMENT. Par Guillaume Jan Photos Stéphane Remael

C’EST UNE BOUTIQUE ROUGE ET VERTE, SITUÉE À DEUX PAS DE LA PLAZA DE ESPAÑA. Au milieu de jolis bouquets de

fleurs, la vitrine expose des vêtements colorés, des robes de créateurs, des sacs et des bijoux. Leur particularité : tous ces articles répondent aux critères de la mode durable. « Ils sont fabriqués à partir de matériaux écologiques, le plus souvent localement, en limitant l’utilisation des ressources naturelles, en minimisant leur impact sur l’environnement et en respectant le bien-être humain », annonce Paloma García López. Ancienne journaliste, elle a ouvert cette échoppe en décembre 2014, sous le nom de The Circular Project hp – inspirée par les principes de transparence, d’éthique et de durabilité de l’économie circulaire. En 2016, cette juvénile quinquagénaire souhaite donner plus d’ampleur à son projet en créant l’Asociación Moda Sostenible (qui signifie « mode durable », ndlr), destinée à rassembler les initiatives dans ce domaine : « Il existe de plus en plus de projets individuels, mais la plupart restent méconnus. Mon objectif est de leur donner une meilleure visibilité. » En dehors de sa boutique, Paloma García López saisit toutes les occasions de signaler qu’il existe des alternatives à la fast fashion, c’est-à-dire aux vêtements produits à bas coût, au Bangladesh ou au Cambodge par exemple, vite vendus et vite jetés. Elle organise des défilés de mode éthique dans les rues de Madrid, donne des cours et des conférences. En avril dernier, elle montait à Bruxelles, au Parlement européen, pour défendre une proposition de loi sur la protection des travailleurs dans l’industrie textile. •••

MORA EFRON, BIJOUX RECYCLÉS Née en Argentine, Mora Efron s’établit en Espagne en 2001. Cette joaillière de formation s’est mise à son compte en 2012, après avoir décidé de ne travailler qu’avec des matériaux recyclés. « La joaillerie est une industrie polluante et opaque, j’avais du mal à assumer de faire partie de ce monde. Aujourd’hui, je m’approvisionne auprès de fournisseurs locaux, j’essaie de n’utiliser que des métaux recyclés et je fais tout artisanalement. Même mes outils, c’est moi qui les ai fabriqués. Je vends surtout dans des foires, mais je suis distribuée dans quelques boutiques à Madrid, et un peu sur Internet. Je ne suis pas riche, mais je gagne assez pour vivre. »

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« On sent une grande volonté de changer les choses en Espagne. » PRODUIRE AUTREMENT

SENSE NU, 100 % LOCAL Le volubile Oriol García travaille dans l’atelier de son appartement près de la Puerta del Sol, en écoutant de la musique classique. L’ancien étudiant en arts cherche en permanence de nouvelles idées pour rendre ses vêtements plus accessibles et plus durables. « J’avais lancé une première marque de vêtements dans le circuit ordinaire, sans trop me poser de questions. La production se faisait en Inde,

DLANA*, LAINE ÉCOLOGIQUE Esther Chamorro Fernández et Javier Benito Pascual ont ouvert dLana* hf en 2014 à San Lorenzo, au nord de Madrid. Leur boutique vend des pelotes de laine, des plaids et des pulls. « Nous mangeons bio, nous sommes sensibles à l’état de la planète, nous voulions monter un projet qui soit fidèle à nos convictions. Nous cherchions une matière première locale qui suscite un impact positif et nous avons trouvé cette laine artisanale d’Andalousie. Les éleveurs travaillent à l’ancienne, tondent les moutons au ciseau, la laine est lavée sans produits chimiques. Nous n’avons qu’une boutique, mais grâce à Internet nous vendons nos pulls jusqu’au Japon. »

dans des conditions difficiles. En 2012, j’ai fait des recherches pour produire de manière durable. Je voulais que mes créations soient 100 % locales et écologiques. Avec Sense Nu hd, je travaille avec deux petits ateliers à Madrid. Je produis moins, mais je suis à l’écoute de mes clients, je leur propose même de rapiécer les pantalons que je leur vends quand ils sont usés. Cela les fidélise. »

Au milieu des années 1980, l’Espagne entrait dans l’Union européenne et mettait les bouchées double pour décoller économiquement. Plusieurs enseignes de prêt-à-porter se développent jusqu’à devenir des géants de l’industrie textile. Partout dans le monde ouvrent des boutiques qui proposent des vêtements bon marché, dont les collections sont sans cesse renouvelées. Le rythme de la mode s’accélère. « Ces firmes ont vite pris toute la place sur le marché, faisant de la mode un des secteurs les plus polluants de la planète, constate Paloma. Mais elles ne pourront pas continuer à produire de cette manière destructrice. D’autant que l’on sent poindre une certaine lassitude chez les consommateurs. Les Espagnols sont peut-être enfin prêts pour la slow fashion. » En 2012, Javier Goyeneche fondait la marque Ecoalf hq, qui vend vêtements, chaussures et sacs en matières 100 % recyclées (à partir de bouteilles en plastique, de pneus, de rejets industriels…), conçus avec style et élégance : « L’écologie prend plus de place dans nos vies, estime le jeune entrepreneur. Les nouvelles générations s’attachent à des produits qui correspondent à des valeurs respectueuses de l’humain et de la planète. » Ce matin de printemps, Gema Gómez est suivie par une nuée de journalistes au Museo del Traje hs, le musée du vêtement. Cette entraînante quinquagénaire y organise la 6e édition du festival Slow Fashion Next, où l’on peut découvrir les dernières nouveautés en matière de mode durable. « Les gens


OFICIO STUDIO, CUIR ARTISANAL Quand ils se rencontrent en 2009, David Iglesias vient de faire faillite avec sa fabrique de sacs en cuir – qui reposait sur le modèle de la fast fashion (grandes quantités, matériaux au rabais, nouvelles collections tous les six mois) – et Melina Carranza voulait apprendre à travailler cette matière première. Ils créent Oficio studio dans leur

doivent savoir qu’il existe une alternative à la fast fashion », considère-t-elle. La tâche n’est pas simple. « On se heurte à une forme de plafond de verre, les entreprises de fast fashion ont formé les clients à penser qu’un tee-shirt ne devait pas coûter plus de 5 euros. Mais c’est une vision erronée de la réalité. Si le teeshirt est vendu si peu cher, quelqu’un en paie forcément le prix dans une usine d’Inde ou du Bangladesh. Au festival Slow Fashion Next, les créateurs invités exposent les articles confectionnés avec des matières réutilisées, recyclées ou upcyclées. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y en a de plus en plus. » L’ancienne styliste effectue sa prise de conscience écologique au cours des années 2000, alors qu’elle est employée par une entreprise de prêt-à-porter. « J’ai vu les conditions pénibles des usines, les enfants qui travaillent, la pollution des rivières et l’hypocrisie des grandes

appartement du centre de Madrid, en 2012. « Nous avons opté pour une production artisanale et locale, de très bonne qualité, vendue à des prix abordables. Ce n’est pas 100 % écolo, le cuir implique de faire mourir un animal, même si les vaches sont d’abord tuées pour leur viande, avant que nous rachetions leur peau aux abattoirs.

Mais nous n’utilisons pas de produits chimiques ni de chrome, le cuir est préparé de manière naturelle. Nous ne connaissions pas le concept de slow fashion avant de commencer. Nous avons essayé différentes méthodes de travail, c’est celle qui s’est avérée la plus performante. Nous cherchons surtout à être cohérents. »

marques qui font mine de ne pas savoir. Je me suis dit que je ne voulais pas faire partie du problème, mais de la solution. » Elle démissionne de son poste et se rapproche de Greenpeace. En 2011, cette pionnière de la mode durable en Espagne inaugure le premier Slow Fashion Next. Depuis six ans, cet événement ne cesse de prendre de l’ampleur. Elle nous quitte sur une belle note d’optimisme : « On sent une grande volonté de changer les choses en Espagne, même si les consommateurs n’ont pas encore intégré la culture écologique comme en Europe du Nord. Nous sommes motivés. Et surtout, le mouvement s’installe solidement, sur de bonnes bases. De plus en plus de gens mangent bio, sont attentifs au sort de la planète et prennent conscience de la portée de leurs achats. » n > Retrouvez ces adresses sur le plan en fin de magazine.


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TRÉSOR National

LE SECOND SOUFFLE DES GÉANTS ANCRÉS DEPUIS DES SIÈCLES DANS LES PAYSAGES ARIDES DE LA MANCHA, AU SUD DE MADRID, ÉLEVÉS AU RANG D’ICÔNES LITTÉRAIRES PAR MIGUEL DE CERVANTES, LES MOULINS À VENT ONT ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ABANDONNÉS. UN CHARPENTIER PICARESQUE LEUR DONNE UNE NOUVELLE VIE.

Par Guillaume Jan Photos Stéphane Remael


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66 DON QUICHOTTE Héritier du héros

de Cervantes, Juan Sánchez ressuscite les moulins de la Mancha.

ILS SURGISSENT AU MILIEU DE LA PLAINE IMMENSE ET JAUNE, ÉMERGEANT SOUDAIN DES CHAMPS DE BLÉ, DES PIERRES ET DES CHARDONS, solidement arrimés sur l’échine

d’un éperon rocheux. On est aussitôt impressionné par leur silhouette trapue, coiffée d’un élégant toit en pointe, et par leurs ailes majestueuses. La route, jusque-là rectiligne, se met à slalomer pour gravir la crête de Calderico, belvédère naturel qui culmine à 150 mètres au-dessus de la rase campagne : c’est ainsi que l’on aborde les douze moulins à vent du village de Consuegra, à une heure trente de voiture au sud de Madrid. Leurs murs arrondis, blanchis à la chaux, et les quadrillages de leurs pales se fondent dans l’épure de ce paysage brûlé par le soleil, à la fois farouche et fascinant. Bien sûr, on pense à la célèbre scène de Don Quichotte, le chef-d’œuvre de Miguel de Cervantes, publié en 1605 : croyant pourfendre des « géants démesurés », c’est aux moulins de Consuerga que s’attaque le vieil hidalgo qui finit par rouler dans la poussière. À la vue des deux hommes qui s’activent au pied de ces illustres vestiges, on s’imagine soudain transporté au cœur du roman : l’un est grand

et sec, avec une barbiche en pointe, l’autre, plus petit, râblé, avec des cheveux raides et une barbe de trois jours. Mais cette double apparition, qui évoque le chevalier à la Triste Figure et son valet Sancho Panza, est bel et bien réelle : il s’agit de Juan Sánchez en compagnie de son unique employé Eugenio Cornelio. Depuis dix-sept ans, Juan remet en état les moulins de la Mancha. « Notre entreprise, La Bóveda Fecit, est la seule de la région à être entièrement dédiée à leur restauration, explique-t-il. Parfois nous changeons simplement les ailes, d’autres fois nous intervenons sur l’ensemble du mécanisme. » IRRÉSISTIBLE PASSION

Il est 17 heures, un vent léger se lève, un vent du sud-est qui rafraîchit les pierres brûlantes. Juan et Eugenio orientent les ailes dans le sens de la brise : pour effectuer cette manœuvre spectaculaire, ils déplacent manuellement la poutre latérale qui sert à faire pivoter le mécanisme du moulin. La tâche est ardue, les deux hommes emploient la manière traditionnelle — qui reste la plus efficace dans la configuration de ce terrain rocail-


67 SANCHO PANZA Menuisier

roumain émigré en Espagne, Eugenio Cornelio assiste Juan Sánchez.

Le tourisme redonne vie à cette région sinistrée par les crises économiques. leux. Une fois les ailes positionnées, Juan et Eugenio se préparent à les recouvrir d’une toile épaisse qui rappelle celle des voiles de bateaux. Sans s’accorder de pause, Juan grimpe sur les barreaux de la charpente en damier, tel un matelot sur ses haubans, en portant le lourd tissu sur ses épaules à la manière d’une cape de superhéros. « Adolescent, j’étais hyperactif, raconte-t-il. L’école m’ennuyait, je préférais travailler avec mes mains. Je fabriquais de petits objets en bois, des cages à lapin que je vendais. Après le lycée, j’ai profité d’un programme de l’Union européenne pour apprendre la menuiserie, ce qui m’a amené à participer à la restauration d’un moulin de mon village, Campo de Criptana. Le métier m’a passionné aussitôt. Je touchais une indemnité mensuelle, que j’ai économisée pour passer mon permis de conduire. Quand mes amis se sont acheté leur première voiture, j’ai préféré investir dans une camionnette de chantier. En 2000, à 20 ans, j’ai répondu à un appel d’offres de la municipalité de Consuegra, pour restaurer un des douze moulins à vent de ce promontoire. Depuis, j’en ai retapé une trentaine d’autres dans la région. »

À force de les côtoyer, d’étudier le moindre détail de leur fonctionnement, le jeune homme s’est mis dans la tête de redonner vie à ces moulins — le dernier avait cessé de tourner en 1970. En parallèle de son métier de charpentier, Juan Sánchez est donc devenu meunier. D’abord à Campo de Criptana, dans la province voisine, puis ici, à Consuegra, et dans d’autres villages des environs, où il intervient quelques jours dans l’année. Les touristes adorent, les municipalités aussi : cela offre un attrait supplémentaire à cette région méconnue, parfois rude, mais qui se révèle attachante pour peu qu’on y passe un moment — les paysages sont envoûtants, la population particulièrement accueillante, la gastronomie riche et les vins puissants. Grâce au tourisme, la Mancha revit après le marasme engendré par les crises économiques de 1993 et 2008. RENOUVEAU TOURISTIQUE

Le soleil s’attarde au-dessus de l’horizon, une nuée d’hirondelles fend le ciel d’azur, le vent forcit et fait gonfler les voiles des ailes — comme si elles piaffaient d’impatience. Quand •••


68 À L’ANCIENNE La farine

du moulin est vendue à une boulangerie locale.

LÉGENDES Don Quichotte et

Sancho, figures emblématiques de la Mancha.

Durant son âge d’or, la Mancha a accueilli jusqu’à 500 moulins. Eugenio défait la chaîne qui les retient, elles craquent, elles grincent, elles basculent et se mettent à tourner en grondant. Un homme se joint à nous pour admirer ce spectacle, un homme qui n’est pas pour rien dans la résurrection de ces moulins : c’est Jesús Anaya Garcia. Avec son agence de développement touristique, Produciendo, ce natif de Consuegra œuvre depuis quelques années à rendre leurs lettres de noblesse à ces mécaniques du temps jadis. « Quand j’étais enfant, les ruines du château et des moulins n’étaient pas entretenues, se souvient l’entrepreneur. Nous allions y jouer, mais nous n’avions pas conscience de leur valeur. C’est lorsque je suis allé faire mes études à Madrid que j’ai compris qu’ils faisaient partie intégrante de l’identité de notre région. » En 2013, Jesús convainc la municipalité d’investir dans la remise en état d’un des moulins, afin de le rendre entièrement opérationnel. Il contacte La Bóveda Fecit, l’entreprise de restauration de Juan Sánchez. « Le chantier a été long, mais le résultat est allé au-delà de nos espérances, confie Jesús. Les moulins ressuscités attirent des curieux du monde entier, d’autant que Consuegra se situe à

seulement 15 minutes de l’autoroute du Sud, qui relie Madrid à Séville ou Grenade. L’an dernier, nous avons comptabilisé plus de 300 000 visiteurs. Un afflux qui a rapporté 500 000 euros à la municipalité. » Et c’est donc Juan, l’infatigable charpentier-meunier, qui fait tourner ce moulin témoin chaque semaine — la farine produite est rachetée par un boulanger du village et l’animation est en passe de devenir une étape incontournable des circuits touristiques. « Au départ, nous pensions que ce serait le château fort du XIIe siècle qui attirerait du monde, mais ce sont les moulins que le public plébiscite », remarque encore Jesús. Ce dernier, qui a aménagé un restaurant dans la rotonde du moulin voisin, prévoit également de brasser une bière artisanale avec les céréales moulues sur place. UN HÉROS PICARESQUE

Qu’est-ce qui rend ces moulins à vent de la Mancha si populaires ? Est-ce la beauté de leur architecture, si bien intégrée dans cet horizon sans limite ? Est-ce la fameuse scène du roman de Cervantes, un des joyaux de la littérature mondiale ?


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MADRID

CONSUEGRA

CAMPO DE CRIPTANA

MÉMOIRE Au sommet de

la colline, les vieux moulins veillent sur le paysage.

Est-ce encore la perfection de ces machines ancestrales, la magie de cette énergie tirée du vent ? « Les ailes en mouvement fascinent tout autant que les bateaux à voiles, affirme Juan, au moment de monter moudre son grain. Elles sont propices au rêve, elles nous ramènent au monde de l’enfance. Ce n’est pas surprenant que les moulins aient inspiré Cervantes. » On remarque la prothèse qu’il porte à l’oreille gauche. « Un accident », répond-il. C’était en 2005. Il travaillait sur le mécanisme d’une aile et n’avait pas serré la chaîne de frein. « Il y a eu une rafale et mon corps a été happé par l’engrenage. Je m’en suis sorti avec plusieurs côtes cassées, un poumon perforé, une fracture ouverte de la clavicule et une oreille déchiquetée. J’ai passé trois mois en soins intensifs, puis j’ai mis un an à récupérer. Les médecins ont été surpris par ma volonté de vivre. J’ai eu la chance d’être entouré par ma famille, sans elle je ne serais peut-être plus là. » On se demande alors : ce héros picaresque qui lui aussi a affronté les « géants » de la Mancha, et qui consacre sa vie à les restaurer, n’est-il pas le plus sincère héritier de Don Quichotte ? n

UN PASSÉ PRESTIGIEUX Les premiers moulins à vent de Consuegra ont été bâtis à la fin du XVIe siècle, de part et d’autre du château de la Muela – quelques années avant que Miguel de Cervantes commence la rédaction de Don Quichotte. Ces moulins servaient à moudre les céréales des champs environnants et à presser les olives pour produire de l’huile. Leur mécanisme, antique mais hautement sophistiqué, s’inspire des moulins du

Proche-Orient découverts par les croisés lors de leurs expéditions en Terre sainte, du XIe au XIIIe siècle. Dans ses meilleures années, le territoire de la Mancha a accueilli jusqu’à 500 moulins. Si certains d’entre eux sont restés actifs jusqu’au milieu du XXe siècle, la concurrence de la meunerie industrielle a progressivement entraîné leur désaffection. Il en subsiste une soixantaine aujourd’hui.


¡VIVA ESPAÑA!

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POURREZ-VOUS RÉSISTER AUX CLASSIQUES DE LA PÂTISSERIE ESPAGNOLE ? VOICI DES NOTES CRÉMEUSES OU FRUITÉES, GLACÉES OU CHOCOLATÉES QUI SE MARIERONT À MERVEILLE AVEC VOS CAFÉS PRÉFÉRÉS. Par Audrey Cosson Photos Virginie Garnier

ARROZ CON LECHE ET COULIS DE CARAMEL BEURRE SALÉ AU CAFÉ & INDRIYA FROM INDIA EN CAPPUCCINO POUR 4 PERSONNES PRÉPARATION : 20 min CUISSON : 40 à 50 min INGRÉDIENTS : 4 capsules de Indriya

from India (4 x 40 ml) - 4 x 60 ml de lait à faire mousser. Pour la recette : 180 g de riz rond - 1 l de lait entier - 50 g de sucre en poudre - le zeste de ½ citron bio - 3 bâtons de cannelle. Pour le caramel : 100 g de sucre en poudre - 100 ml de crème liquide entière - 15 g de beurre aux cristaux de sel - 40 g de pistaches non salées et décortiquées - 1 poignée de framboises - 1 capsule de Indriya from India (1 x 25 ml).

Dans une casserole, versez le riz avec le lait, le sucre, le zeste de citron et les bâtons de cannelle. Portez à ébullition, puis laissez mijoter 30 à 40 min à feu très doux en remuant régulièrement. Le riz doit être cuit, mais recouvert de 1 cm de lait. Retirez du feu, enlevez les bâtons de cannelle et le zeste de citron. n Versez le sucre dans une casserole, ajoutez 30 ml d’eau et faites chauffer à feu doux. Pendant ce temps, dans une autre casserole, faites chauffer doucement la crème fraîche. Dès que le sucre se transforme en caramel doré, retirez du feu, ajoutez la crème fraîche en fouettant. Remettez

la casserole sur feu doux et ajoutez le beurre coupé en dés, toujours en fouettant, puis les 25 ml de café. Retirez du feu. n Répartissez le riz dans des bols, nappez de caramel et parsemez de pistaches concassées et de framboises. n Accompagnez d’un Cappuccino préparé avec Indriya from India (40 ml).

Tasse Cappuccino, Collection Touch (Nespresso).

Assitante styliste Marine Durand. Bols Jars ; papier peint Murals Wallpaper.

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CAFÉ Gourmand CHURROS ET SAUCE CHOCOLAT-CAFÉ & DHARKAN EN LATTE MACCHIATO POUR 4 PERSONNES PRÉPARATION : 15 min CUISSON : 20 min INGRÉDIENTS : 4 capsules de Dharkan

(4 x 40 ml) - 4 x 180 ml de lait à faire mousser. Pour la recette : 150 g de farine - 1 pincée de sel - huile de friture - sucre en poudre (pour servir). Pour la sauce : 1 capsule de Dharkan (25 ou 40 ml) - 100 g de chocolat noir - 75 g de crème fraîche entière liquide.

Hachez finement le chocolat et placez-le dans un saladier. Faites chauffer doucement la crème fraîche. Quand elle commence à frémir, versez-la sur le chocolat. Mélangez jusqu’à ce que tout le chocolat soit fondu, puis ajoutez le Dharkan, en 25 ou 40 ml selon que vous souhaitez une sauce plus ou moins forte en café. Mélangez et maintenez au chaud. n Dans une casserole, faites bouillir 250 ml d’eau avec le sel. Retirez du feu et ajoutez la farine en une fois. Mélangez vigoureusement avec une cuillère en bois, jusqu’à obtenir une pâte bien lisse et sans grumeaux. n Placez la pâte dans une poche à douille munie d’une douille cannelée. Faites chauffer l’huile de friture dans une casserole. Une fois qu’elle est bien chaude, versez un peu de pâte dans l’huile. Formez des churros de la longueur désirée en coupant le boudin de pâte avec des ciseaux ou un couteau. n Faites dorer, puis retournez les churros. Une fois bien dorés, retirez-les avec une écumoire et déposez-les aussitôt sur une feuille de papier absorbant. Saupoudrez de sucre en poudre. n Servez sans attendre avec la sauce chocolat-café encore chaude.

Petit bol Muji ; assiette Laurette Broll ; céramique chez Nous Paris ; papier peint Cole and Son, chez Au fil des couleurs.

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n Accompagnez d’un Latte Macchiato préparé avec un Dharkan (40 ml).

Verre à recettes, Collection View (Nespresso).

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72 QUESADA PASIEGA & VANILIO EN CAFÉ GLACÉ POUR 4 PERSONNES PRÉPARATION : 20 min CUISSON : 50 min INGRÉDIENTS : 4 capsules de Vanilio (4 x 40 ml)

- 4 x 3 glaçons Nespresso (4 x 90 g) - 4 x 90 ml de mousse de lait froide. Pour la recette : 4 œufs - 250 g de sucre en poudre - 100 g de beurre fondu (gardez-en un peu pour le moule) - 500 g de fromage au lait caillé - 1 cuil. à café de cannelle en poudre - le zeste de ½ citron bio - 1 pincée de sel - 100 g de farine - 200 g de mélange de framboises et myrtilles. Pour la base : 150 g de biscuits à la cannelle type spéculoos réduits en poudre - 60 g de beurre fondu.

quelques fruits dans le fond des moules. Versez la pâte, puis répartissez le reste des fruits et enfournez pour 8 min. Baissez le four à 180 °C (th. 6) et laissez cuire pendant 30 min. Couvrez les tartes avec un papier aluminium, puis prolongez la cuisson 10 à 15 min. n Sortez du four et laissez refroidir. Démoulez et dégustez encore un peu tiède ou froid. n Accompagnez d’un café glacé préparé avec un Vanilio (40 ml). Répartissez 90 g de glaçons au fond du verre, versez directement le café chaud dessus, puis complétez avec 90 ml de mousse de lait froide. Verre à recettes, Collection Pure (Nespresso).

Préchauffez le four à 200 °C (th. 6-7). Beurrez 4 petits moules à fond amovible (ou 1 grand moule) et tapissez-les de papier sulfurisé. Mélangez le beurre fondu et la poudre de spéculoos, tapissez les moules avec cette préparation. Tassez avec les doigts pour lisser la surface. Placez les moules au réfrigérateur. n Dans un grand bol, battez les œufs, le sucre et le beurre. Dans un autre bol, mélangez le fromage, la cannelle, le zeste de citron et le sel sans trop insister. Incorporez cette préparation aux œufs et mélangez avec une cuillère. Ajoutez la farine et continuez de remuer. n Disposez

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Assiette Marion Graux ; tissu Pierre Frey.

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Verres Merci ; tissu Pierre Frey.

AFFOGATO À LA CRÈME CATALANE GLACÉE & ARPEGGIO DECAFFEINATO POUR 4 PERSONNES PRÉPARATION : 30 min CUISSON : 15 à 20 min TURBINAGE : 30 à 40 min REPOS : 1 nuit INGRÉDIENTS : 4 capsules

d’Arpeggio Decaffeinato (4 x 40 ml). Pour la recette : 500 ml de lait entier - 80 g de sucre en poudre - 1 bâton de cannelle - le zeste d’un citron bio - 100 g de jaune d’œuf - 30 g de Maïzena. Pour les brisures de caramel : 100 g de sucre en poudre - 10 g de sirop de glucose.

La veille, placez le lait, 45 g de sucre, la cannelle et le zeste de citron dans

n

une casserole et portez à ébullition. Retirez aussitôt du feu, couvrez et laissez infuser pendant 15 min. n Dans un bol, fouettez le reste du sucre, le jaune d’œuf et la Maïzena. Versez le lait filtré dans le bol en fouettant pour bien mélanger. n Faites chauffer la préparation au bain-marie sans cesser de fouetter, jusqu’à ce que la crème épaississe et nappe le dos d’une cuillère. n Versez la crème dans un plat creux, filmez et laissez-la complètement refroidir avant de la verser dans une turbine à glace. Faites turbiner pendant 30 à 40 min, pour obtenir une crème glacée bien

prise. Si ce n’est pas le cas, prolongez de 10 min. Placez au congélateur toute une nuit. n Le lendemain, faites chauffer le sucre avec 20 ml d’eau et le sirop de glucose, jusqu’à obtenir un caramel doré. Versez aussitôt sur un tapis de silicone et penchez la plaque de tous les côtés pour étaler le caramel en une couche bien fine. Laissez refroidir le caramel, puis brisez-le avec un couteau. n Accompagnez d’un Arpeggio Decaffeinato (40 ml). Déposez une boule de glace dans des coupelles ou bols. Versez sur chacune le café et parsemez de brisures de caramel. Servez aussitôt.


SOUPE DE FRUITS FAÇON SANGRIA AROMATISÉE AU CAFÉ & ROSABAYA DE COLOMBIA POUR 4 PERSONNES PRÉPARATION : 15 min CUISSON : 15 min INGRÉDIENTS : 1 capsule de

Rosabaya de Colombia (1 x 40 ml) - 2 oranges à dessert - 4 pêches blanches - ¼ de pastèque - 50 cl de vin rouge - 3 cuil. à soupe de Cointreau - 250 g de sucre en poudre - 2 bâtons de cannelle - le zeste de ½ orange bio - 1 gousse de vanille.

n Découpez les oranges en suprêmes,

les pêches en petits quartiers et la pastèque en dés. Mélangez dans un

bol et placez au réfrigérateur pendant 1 h. n Versez le sucre, le vin rouge et le Cointreau dans une casserole et portez à ébullition. Baissez le feu, ajoutez la cannelle, le zeste d’orange et la gousse de vanille fendue en deux, faites frémir pendant 15 min en remuant de temps en temps pour bien dissoudre le sucre. Ajoutez le Rosabaya de Colombia en 40 ml, mélangez et laissez refroidir. n Répartissez les fruits dans des bols. Versez le sirop et dégustez bien frais.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. à consommer avec modération.

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GANACHE DE CHOCOLAT, HUILE D’OLIVE ET FLEUR DE SEL & RISTRETTO DECAFFEINATO CON HIELO POUR 4 PERSONNES PREPARATION : 30 min CUISSON : 10 min REPOS : 4 h INGREDIENTS : 4 capsules de Ristretto Decaffeinato (4 x 25 ml)

- 4 x 60 g de glaçons - 1 bâton de sucre (3 g). Pour la recette : 120 g de chocolat noir - 25 cl de crème fraîche liquide entière - 2 jaunes d’œuf - 40 g de sucre en poudre - ½ baguette de pain type ficelle - 4 cuil. à soupe d’huile d’olive - fleur de sel.

Hachez finement le chocolat et placez-le dans un saladier. Faites chauffer doucement la crème fraîche. Dans un bol, fouettez les jaunes d’œuf avec le sucre ; le mélange doit blanchir. Versez alors la crème chaude et fouettez. Remettez dans la casserole et faites chauffer à feu très doux tout en fouettant, jusqu’à ce que la crème épaississe. Versez la préparation sur le chocolat, en mélangeant avec une cuillère pour le faire fondre et obtenir une préparation bien lisse. Filmez, laissez refroidir à température ambiante puis placez au réfrigérateur pendant 4 h. n Préchauffez le four à 200 °C (th. 6-7). Découpez le pain en tranches très fines. Badigeonnez-les d’huile d’olive sur chaque face et déposezles sur une plaque recouverte de papier sulfurisé. Couvrez d’une autre plaque et enfournez pour 5 min ; les tranches doivent dorer. n Répartissez le reste d’huile d’olive dans des assiettes. Formez des quenelles de ganache à l’aide de 2 cuillères à soupe, déposez-les sur l’huile d’olive. Parsemez de fleur de sel et servez avec les toasts de pain à l’huile d’olive. n Accompagnez d’un Ristretto Decaffeinato con hielo. Versez le sucre dans la tasse, ajoutez les glaçons. Versez le café (25 ml) sur les glaçons et mélangez.

Petit bol rose Maison Sarah Lavoine ; bols Serax ; papier peint Cole and Son, chez Au fil des couleurs. Assiette Marion Graux ; tissu Pierre Frey.

n

Tasses Lungo, Collection View (Nespresso).

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COLLECTION EXPLORATIONS

LE VOYAGE SE POURSUIT

Les caféiers d’Aguadas, en Colombie, poussent sur des terres riches et bien arrosées par les pluies.

FIDÈLE À L’ESPRIT DE LA COLLECTION EXPLORATIONS, SON NOUVEAU DUO DE GRANDS CRUS VOUS TRANSPORTE VERS DES HORIZONS GUSTATIFS MÉCONNUS. EMPRUNTEZ LE SILLAGE FLEURI QUI VOUS MÈNERA JUSQU’À ETHIOPIA YIRGACHEFFE ET OUVREZ-VOUS À L’EXTRAORDINAIRE DOUCEUR DE COLOMBIA AGUADAS. Par Sophie Rivat

Les fèves du Yirgacheffe éthiopien, petites et dures, offriront d’intenses notes florales.


FERMEZ LES YEUX, SENTEZ LA CHALEUR DOUCE DE VOTRE TASSE, LAISSEZ LES ARÔMES DU CAFÉ VOUS ENVAHIR… et partez à la rencontre de nouveaux horizons sen-

soriels. Un voyage, fut-il immobile, est une incitation à découvrir des terres, des atmosphères et des savoir-faire originaux. Inviter à la dégustation des cafés proposés par la collection Explorations est un privilège unique que Nespresso se réjouit d’offrir. À la différence d’une Édition Limitée, cette collection présente, deux fois par an, deux cafés issus de microrécoltes. Considérés comme des pépites par les experts Nespresso, ils dévoilent des profils aromatiques insolites. Vendus en tandem, ils orchestrent un jeu de contrastes qui séduira le connaisseur de cafés qui sommeille en vous. Après le duo Laos Bolaven Plateau et Kenya Peaberry, voici la deuxième édition : Ethiopia Yirgacheffe et Colombia Aguadas, deux créations aux histoires inédites. En Éthiopie et en Colombie, les fermiers perpétuent des techniques agricoles remarquables. Et nos experts, toujours en veille, subliment ce que la nature et les hommes partagent modestement. Acquérir une grande culture du café demande de la curiosité et l’envie de vivre des émotions gustatives d’autant plus fortes qu’elles sont momentanées. Ces cafés rares, produits en très petite quantité, seront disponibles seulement quelques semaines. •••


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COLOMBIA AGUADAS AU SOMMET DE LA DOUCEUR Vous pensiez tout connaître des cafés colombiens ? Les experts Nespresso aussi, jusqu’à ce qu’ils fassent une découverte inattendue. L’histoire commence autour d’une table de cupping, dans la petite ville d’Aguadas, au cœur des montagnes de la Cordillère centrale. Lot après lot, ils dégustent le café vert, à l’affut d’irrégularités qui pourraient altérer un Grand Cru ou d’une sapidité particulière qui enrichirait une nouvelle création. Ce jour-là, une note – une seule –, inhabituelle pour la région, attire leur attention. Une saveur langoureuse, un fondant sucré extraordinaire. Cette chance inattendue marque le début d’une belle aventure. Galvanisés par cette découverte, experts et agronomes se lancent sur la piste de ce café. À l’issue de leurs recherches, ils rencontreront un groupe de 61 fermiers installés en altitude, où la fraîcheur des nuits ralentit le temps de fermentation des cerises de café. S’adaptant naturellement au microclimat, les caféiculteurs laissent leur récolte mûrir plus longtemps qu’à l’accoutumée. Un ajustement qui engendre l’étonnante note de douceur. S’ajoutent à cela le soin minutieux qu’apportent les fermiers à la cueillette des cerises les plus mûres et un séchage des fèves en plein soleil. La qualité n’est pas le fruit du hasard. Main dans la main, producteurs et agronomes affinent alors ces pratiques remarquables. Et nos experts élaborent une torréfaction à même de vous offrir un Grand Cru à la douceur magnétique, entre une fine acidité et des notes de fruits confits. Fascinant.

Le cupping est une étape cruciale pour évaluer le profil aromatique des récoltes.

La coopérative des cafés d’Aguadas rassemble des villages d’altitude, situés entre 1 500 et 2 000 mètres.


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Les familles de Yirgacheffe savourent leur café ensemble, plusieurs fois par jour, depuis dix générations.

ETHIOPIA YIRGACHEFFE MUSE FLORALE

Le Grand Cru Yirgacheffe a été créé à partir d’un café exclusivement issu d’une microrégion d’Éthiopie.

Le nom de Yirgacheffe parle à tous les amoureux du café. Peut-être avez-vous déjà humé ses notes florales mythiques, typiques du sud de l’Éthiopie où il est récolté ? Quand un producteur le décrit, il évoque une tasse délicate qu’il prépare et déguste au quotidien, comme sa famille depuis dix générations. Il raconte aussi les montagnes où la fève pousse encore à l’état sauvage. La légende a longtemps chanté les parfums de jasmin et de citron bergamote du Yirgacheffe. Avec le temps et les mutations des flux marchands de la région, ses nuances historiques, prisées du monde entier, sont devenues difficiles à trouver. Nespresso, pour sa part, n’a jamais cessé de les rechercher. Au cours des dégustations, nos experts ont goûté, guetté, attendu. Récolte après récolte. Année après année. Jusqu’à ce qu’un jour, enfin, une tasse diffuse ces notes florales exceptionnelles. Celles qui, pour eux, témoignent d’un authentique Yirgacheffe. Afin de restituer la finesse aromatique d’un tel café, il fallait une torréfaction légère, subtile, à même de capter les saveurs évanescentes de la fève. Ainsi est né Ethiopia Yirgacheffe que nous souhaitions partager avec vous. La patience est mère de toutes les vertus. n


MOMENTS COMPLICES TASSES DESIGN ET TRANSPARENTES, FORMES ACCUEILLANTES, MATIÈRES FUSIONNELLES… LA NOUVELLE COLLECTION VIEW VOUS ACCOMPAGNE DU RÉVEIL AU COUCHER. NE RATEZ PAS VOTRE PROCHAIN RENDEZ-VOUS. Photos Caspar Miskin Stylisme Juliette de Cadoudal/Royal Ferry Texte Sophie Rivat

Le matin, votre Latte célèbre les premiers rayons du jour qui se reflètent dans le nouveau Verre à recettes View. La transparence du verre traité en deux épaisseurs enchante l’œil. Une douce harmonie pour commencer la journée.


NESPRESSO Lifestyle

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Chaises La Boutique ; verre, couteau à beurre et serviette Merci ; planche à découper The Conran Shop ; assiette Fleux.

Pensée par les designers de atelier oï, l’anse généreuse et accueillante des tasses de cette collection invite au rapprochement. D’instinct, votre main s’enroule autour de cette tasse Cappuccino, dans une relation fusionnelle. C’est bon, la complicité.


82 Temps calme. Blotti entre vos mains, le mug de cette collection invite votre café à s’étirer en format Americano. Amaretti croquants dehors, fondant dedans, et cantuccini toscans aux amandes peuvent alors entrer en scène.

Assiette Merci ; table basse et lampe La Petite Boutique ; plaid en lin Fleux ; cuillères The Conran Shop.

Biscuits amaretti ou cantuccini (Nespresso).


Enfin seuls… Prêts à savourer un dernier Espresso ou un Lungo en toute intimité. Entre la tasse de verre et sa sous-tasse en acier mi-chromé, mi-brossé, le dialogue est fluide. La lumière se fait joueuse et chatoyante. Un chocolat pour accompagner votre café ?


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MINI FORMAT MAXI PLAISIR AUCUN COMPROMIS POUR LA MACHINE ESSENZA MINI, MALGRÉ SON DESIGN ULTRA-COMPACT. PUR OBJET DE DÉCO, ELLE SAURA TROUVER SA PLACE CHEZ VOUS. LAISSEZ-VOUS SURPRENDRE, LE TALENT NE SE MESURE PAS À LA TAILLE !

Conçue en deux designs, chacun décliné en trois couleurs, la machine Essenza Mini multiplie les styles pour s’accorder à votre intérieur. Ce modèle épuré serti de blanc existe aussi en noir ou gris intense. À glisser dans la cuisine, le bureau ou la bibliothèque.

Peinture mate China Clay Mid et Hortense, Little Greene. Revêtements Leroy Merlin.

Photos Caspar Miskin Stylisme Juliette de Cadoudal / Royal Ferry Texte Sophie Rivat


NESPRESSO Design

Côté silhouette, la petite dernière de Nespresso sait aussi jouer la sensualité. Ce modèle aux lignes doucement arrondies colorées de rouge rubis existe aussi en blanc ou citron vert. Par laquelle serez-vous le plus séduit ?

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Avec deux tailles de tasse programmables, la machine Essenza Mini prépare vos Espressos et Lungos préférés en une simple pression. Son design épuré, plusieurs fois primé en 2017, plaira au plus sportif comme au plus épicurien…

Peinture mate Celestial Blue, Little Greene ; volants en plume Décathlon.

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Peinture mate Terra de Siena et Marigold, Little Greene. Parmi ces références, il se peut que certaines ne soient pas disponibles dans votre pays.

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Dans cette machine, tout a été miniaturisé… sauf le goût ! Avec ses 20 cm de hauteur, elle ne fait aucun compromis, tasse après tasse. Une vraie invitation à la gourmandise !


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NESPRESSO Lifestyle

EXPRESSION LIBRE QUOI DE PLUS ÉLÉGANT QU’UNE TULIPE OU UNE ROSETTA POUR DÉCORER VOTRE CAPPUCCINO ? AVEC LA CREATISTA PLUS, LE LATTE ART EST DÉSORMAIS À VOTRE PORTÉE. SOYEZ VOTRE PROPRE BARISTA ! Photos Caspar Miskin Stylisme Juliette de Cadoudal/Royal Ferry Texte Sophie Rivat

Tasse Cappuccino et Verre à recettes, Collection Pure (Nespresso) ; tasse Cappuccino, Collection View (Nespresso).


Carafe Ferm Living, chez Fleux ; cuillères et poivrier The Conran Shop ; plateau en bois Muji, pot en terrazzo Fleux ; ustensiles BHV.

Envie de dessiner une tulipe ou une rosetta digne d’un barista ? Osez le Latte Art, grâce à la perfection d’une micromousse de lait soyeuse et onctueuse. Creatista Plus la réalise sur mesure, dans différentes textures et températures, en fonction des recettes que vous choisissez. Cette machine experte ne laisse rien au hasard. À commencer par son design en acier brossé, récompensé par un Red Dot Award, « Best of the Best ».


Un Grand Cru, un peu de lait froid dans le pichet fourni suffisent pour débuter. Creatista Plus propose 8 recettes grâce à son interface intuitive. La buse vapeur prépare automatiquement la mousse de lait idéale – parmi 11 températures différentes et 8 textures de mousse. Avec un peu d’entrainement, le Latte Art n’aura plus de secret pour vous. Améliorez votre technique pendant le cycle de rinçage de la buse vapeur. On recommence ?

Perfectionnez vos talents de Latte artiste en consultant nos vidéos sur www.nespresso.com.


Pot en verre, ustensiles et pot en céramique The Conran Shop ; chemise Bellerose, serviette et cuillère Merci ; plateau en bois Muji.

Avec Creatista Plus, réalisez une tulipe en maîtrisant le geste du free pouring. Étape 1 : une fois le café extrait, versez le lait moussé au centre de la tasse, à 5 cm de hauteur. Étape 2 : versez à nouveau, en esquissant de lents allers-retours de droite à gauche. Reproduisez ce geste deux fois de suite, en l’accélérant et en réduisant son amplitude. Un dessin apparaît. Étape 3 : tracez une ligne de lait moussé en partant du bord de la tasse jusqu’au centre. Votre tulipe est terminée, c’est prêt ! Un conseil ? Optez pour la crema foncée des Grands Crus Arpeggio ou Dharkan !

IL SE PEUT QUE CETTE RÉFÉRENCE DE MACHINE NE SOIT PAS DISPONIBLE DANS VOTRE PAYS.


ENVIRONNEMENT

L’EFFET PAPILLON


NESPRESSO Développement durable

Humberto emporte ses sacs de cerises fraîches au centre de traitement de Jardín.

« ENFIN, NOUS POUVONS PROFITER DE NOS VIES ! », DISENT EN CHŒUR ESTEBAN, HUMBERTO ET LUIS ÁNGEL. LE QUOTIDIEN DE CES CAFÉICULTEURS COLOMBIENS A ÉTÉ BOULEVERSÉ DEPUIS QU’ILS ONT COFONDÉ, AVEC NESPRESSO, UN CENTRE DE TRAITEMENT DES CERISES DE CAFÉ. UNE RÉUSSITE QUI DÉPASSE TOUT CE QUI AVAIT ÉTÉ IMAGINÉ. Par Sophie Rivat

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Devant sa ferme, Esteban pose entouré de sa famille.

L’HISTOIRE DÉBUTE EN 2010, À JARDÍN, À 100 KILOMÈTRES AU SUD DE MEDELLÍN. Cerné par les

Andes colombiennes et leur végétation luxuriante, le village est célèbre pour son architecture coloniale et… sa communauté de caféiculteurs. Nespresso s’est non seulement engagé à soutenir l’excellence de l’Arabica produit dans la région, mais également à préserver l’écosystème. L’objectif était clair : améliorer la qualité des fèves, grâce à l’implantation d’un centre de traitement permettant de laver et de dépulper le café de manière optimale. En économisant 60 % de l’eau habituellement utilisée, le centre s’est révélé en phase avec le programme de développement durable Nespresso AAA. Sept ans plus tard, les nouvelles conditions de travail ont eu de formidables retombées pour les producteurs. Parmi eux, Esteban, Humberto et Luis Ángel – tous trois

Humberto et sa fille Andrea se passionnent pour les papillons.

membres de la coopérative de caféiculteurs dont Nespresso est partenaire – témoignent aujourd’hui des changements intervenus dans leur vie et dans celle de leur famille.

ESTEBAN DEVIENT POMPIER VOLONTAIRE

À l’évocation du passé, les yeux d’Esteban se plissent, faisant apparaître de légères rides : « Avant l’ouverture du centre, nous faisions tout le traitement chez nous, entre nos arrière-cours et les ruisseaux. En période de récolte, nous passions onze ou douze heures par jour à cueillir les cerises. Le jour suivant, nous les lavions dès 4 heures du matin, puis nous les dépulpions à la main, parfois jusqu’à 8 ou 9 heures du soir. Aujourd’hui, ces deux étapes sont réalisées de manière mécanique. » Incontestablement, le centre lui a permis de s’offrir du temps libre – « Jusqu’à cinq heures par

jour ! », précise-t-il – qu’il a souhaité employer pour les autres. De sa terrasse en bois, l’homme contemple le paysage et sa tranquille harmonie : « Il suffirait d’un rien pour qu’un incendie ravage tout. » Alors il s’est décidé à rejoindre, comme volontaire, le corps des pompiers de Jardín : « Je dois aider ma communauté quand elle en a besoin, dit-il, en gardant un œil sur son fils Ishmael, à ses côtés. Je suis certain que mon enfant en est fier, d’autant plus lorsque je le fais grimper dans le gros camion rouge ! » (Rires.)

HUMBERTO ENVOIE SA FILLE À L’UNIVERSITÉ

En bon père, Humberto est fier d’Andrea. Tous deux partagent une passion pour les arbres, les plantes et la forêt. Il a même offert un appareil photo à sa fille, pour qu’elle capture en image les espèces de papillons endémiques. Grâce à la


Luis Ángel et son fils Matthias partagent une partie de pêche.

nouvelle organisation du travail, Humberto a désormais plus de temps à consacrer à sa famille et a pu financer les études de botanique d’Andrea. Le centre a permis d’améliorer les étapes de lavage, de fermentation et de dépulpage des cerises fraîches. Il en résulte des pertes quasi inexistantes et 100 % des fèves traitées sont dorénavant transformées en café vert de haute qualité. « À partir du moment où il y a moins de rejets, nous gagnons plus d’argent », résume Humberto. Avec cette conséquence, inestimable : un avenir pour Andrea, qui voit les portes de l’université s’ouvrir à elle. « Je reviendrai à Jardín, explique la jeune femme, et j’appliquerai ici tout

ce que j’aurai appris là-bas, grâce au travail de mon père. »

LUIS ÁNGEL REDÉCOUVRE LES POISSONS DE RIVIÈRE

« On a retrouvé notre mémoire familiale ! », s’enthousiasme Luis Ángel. Cet homme au solide gabarit n’a pas son pareil pour évoquer la rivière qui serpente au pied du village de Jardín, entre les pentes abruptes et verdoyantes de la forêt tropicale. C’est là, tout en contrebas, à l’endroit où le débit est ralenti par d’énormes blocs de pierre, que pêchent Luis Ángel et son fils Matthias. Non sans avoir choisi avec soin le bon appât pour leurs lignes. Ces heures passées ensemble n’existaient pas

LE CENTRE DE TRAITEMENT DES CERISES DE CAFÉ PERMET DE PRÉSERVER L’ÉCOSYSTÈME LOCAL

à l’époque où les cerises de café étaient lavées dans les bras d’eau : le site était souillé par le mucilage, la vie aquatique dépérissait. « Lorsque l’on retirait cette membrane transparente qui recouvre les fèves de café, elle macérait dans la rivière, se souvient Luis Ángel. Même pour s’y baigner, nous gardions nos chaussures, tant elle était polluée. » Aujourd’hui, grâce au lavage réalisé par les caféiculteurs au centre de traitement, le cours d’eau est redevenu propre. Le père peut transmettre à son fils ce que le sien lui avait appris, la passion de la pêche. Et pour le plus grand plaisir de Luis Ángel et Matthias, les poissons fraient de nouveau dans les torrents alentour… n

> Pour en savoir plus : nespresso.com/thechoiceswemake


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HYMNE À LA JOIE !

LE CÉLÈBRE DUO D’ARTISTES GRAPHISTES CRAIG & KARL SE LÂCHE ET HABILLE LA COLLECTION DE CADEAUX NESPRESSO. COULEURS LUXURIANTES, LIGNES ÉLÉGANTES, MOTIFS VIVIFIANTS, LA FÊTE BAT SON PLEIN. LES « PRÊTS-ÀOFFRIR » INVESTISSENT LA POP CULTURE. Par Sophie Rivat

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PRÊT-ÀDISTRIBUER

La collection Touch, dessinée par les Berlinois Geckeler Michels, s’agrandit avec un distributeur nomade futé. Glissez-y jusqu’à 15 capsules et emportez-le où vous le souhaitez. Habillé à l’occasion des fêtes de fin d’année d’un packaging à l’esprit pop signé Craig & Karl, il est encore plus stylé !

« Les coloris s’inspirent des arômes des trois Variations Confetto et les motifs explorent un monde de friandises. Tout en gardant une esthétique contemporaine. » CRAIG & KARL

CONNAISSEZ-VOUS LE TANDEM CRAIG & KARL ? Ils forment un duo transatlantique : Craig Redman est basé à New York, Karl Maier vit à Londres. Ces Australiens, amis d’université devenus créatifs trendy, ont fait le buzz avec leur écriture graphique audacieuse : une association de lignes franches et de couleurs vives, en phase avec l’univers du digital. Très vite, leur signature séduit le concept store parisien Colette, qui les propulse dans les hautes sphères de la mode. Leurs clients ? LVMH, Nike, Apple, Kiehl’s ou encore The New York Times.

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MOUSSE PARTY

Avec son habillage coloré 100 % Craig & Karl, l’Aeroccino 3 affiche un design délicieusement festif. Grâce à la simplicité de son système, il prépare une mousse de lait légère et crémeuse en quelques secondes seulement. À vos recettes café !


NESPRESSO Coffrets

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TOUCH CONNECTION

Rehaussées de lignes aux tonalités vibrantes élaborées par Craig & Karl, les tasses Espresso et Lungo Touch, en céramique et silicone, révèlent un esprit arty. Disponibles en coffret de deux.

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TOUCH TRAVEL MUG

Habillé de noir, et accompagné d’un pack aux couleurs acidulées portant la griffe Craig & Karl, le mug de voyage assume son profil urbain. En inox double paroi, ce voyageur garde votre boisson chaude ou froide. Il peut accueillir jusqu’à 350 ml de café.

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PLAISIR AU CARRÉ

La saison des chocolats gourmands a sonné ! Noirs, twistés d’éclats de framboise acidulée, ou au lait, parsemés de maïs croustillant… Lesquels hisseront votre moment café vers les sommets ? Coffret de 40 pièces (200 grammes).

Parmi ces références, il se peut que cer taines ne soient pas disponibles dans votre pays.

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VARIATIONS CONFETTO LE GOÛT DE L’INSOUCIANCE

VARIATIONS CONFETTO SNOWBALL

C’est un voyage qui vous entraîne des notes tropicales de la noix de coco à la gourmandise de la vanille. Quand Livanto s’associe à la saveur d’une bouchée coco, c’est une carte postale paradisiaque qui s’offre à nous.

LES BONBONS DE NOTRE ENFANCE INSPIRENT LES VARIATIONS 2017, DÉCORÉES PAR LES CRÉATIFS CRAIG & KARL. LAISSEZ-VOUS TENTER PAR LES TROIS ÉDITIONS LIMITÉES JOYEUSEMENT RÉGRESSIVES ET RESSUSCITEZ, LE TEMPS DE LA DÉGUSTATION, LE BONHEUR DES JOURS EN CULOTTE COURTE.

« Nous avons habillé les capsules des Éditions Limitées comme des bonbons. En déclinant des motifs propres aux emballages des confiseries, nous gardons un esprit ludique. » CRAIG & KARL VARIATIONS CONFETTO LICORICE Ouvert à l’inattendu, Livanto s’inspire de la forme ludique et du goût d’un rouleau de réglisse. Grâce à ses notes impertinentes, il révèle un accord raffiné et étonnamment libre.

VARIATIONS CONFETTO ORANGETTE

« Les rayures évoquent les douceurs d’antan, tout en étant très modernes. Une manière parfaite de rapprocher deux univers et deux époques. » CRAIG & KARL

Livanto est un fusionnel dans l’âme. Associé à l’arôme de l’orange confite, il se fera rond et fondant. Une rencontre lumineuse, sublimée par des saveurs de chocolat.


L’EMPREINTE CAFÉ Nuria Mora

Nuria Mora


T H E M A R K O F A CA P TA I N . Tandis que l’exploration des océans battait son plein, le torpilleur constituait, pour le capitaine, la monte de prédilection, un reflet de sa stature aussi bien en mer que sur terre. Les explorateurs urbains d’aujourd’hui préfèrent maîtriser leur propre destinée. Pour eux nous présentons notre nouveau Torpilleur: à la fois décontracté, élégant et résolument moderne. Qualité sans compromis.

Marine Torpilleur Réserve de marche 60h. Mouvement automatique. Technologie Silicium. ulysse-nardin.com


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