34 Libres penseurs. Jean-Luc & Benoît Jamet, en Côte-Rôtie
Dégustation
40 Épiphanies. Un vin, des émotions
42 Mets & vins. Accords bluffants
48 Un verre avec…
Le chef Christophe Moret
50 Sélection. Les coups de cœur de nos acheteurs
52 Escapade. Le Jura
56 Quartiers d’hiver. L’orange en trois versions
57 Carte sur table. Sélection de restaurants
58 Dernière gorgée. Mettre de l’eau dans son vin
édito
METTRE LE GOÛT au centre des décisions ! Cette maxime doit faire adage. C’est un de nos piliers fondateurs. Si nous nous engageons pleinement et mettons un point d’honneur à détecter, choisir, sélectionner et vous exprimer le ressenti que nous avons sur chacun des vins que nous sélectionnons, c’est que pour nous, cette question est centrale !
« Personne n’est assez riche pour acheter des choses bon marché », autrement dit : un vin qui ne procure pas d’émotion, qui est sans âme ou qui n’exprime rien est toujours trop cher. Même pas cher, il est trop cher. Et ni le prix ni la praticité ne valent le luxe du « bien choisir ». Le goût est le seul fondement valable d’une décision d’achat, voilà notre conviction !
Nous vendons les vins que nous aimons. Pas de politique opportuniste, les vins que nous proposons sont le reflet de nos goûts et de notre vision du vin. Voilà notre parti pris.
Déguster est un art de vivre et tout ce qui a trait à nos sens se déguste : l’œuvre d’art, la vision du monde, le moment présent, le fait d’exister… Le goût est toujours au cœur de nos décisions. Nous sommes des passionnés et des médiateurs. C’est pour ça que nous sommes heureux de trouver un accueil si enthousiaste à notre parole quotidienne. Et preuve que nos choix sont nos forces, notre expansion à l’international est en marche. Notre message s’entend et trouve écho au-delà de nos frontières avec une magnifique ferveur. Ventealapropriete fera bientôt peau neuve pour clarifier un peu plus sa voix et faciliter vos recherches. Nous nous doterons également de nouveaux outils médias, après avoir décroché un record sur les réseaux sociaux avec 3,6 millions de vues en une seule vidéo…
Notre esprit court toujours pour tenter de mieux vous transmettre notre passion du bon. Il se régale, et il court.
Alaric de Portal
Directeur de Ventealapropriete
Le magazine Racines est réservé aux membres de Ventealapropriete.com, 246, route des Allogneraies, 71850 Charnay-lès-Mâcon. Directeur de la publication : Alaric de Portal. Conception et réalisation : Les Digitalistes, 9, rue Emilio-Castelar, 75012 Paris, lesdigitalistes.com. Responsable éditoriale : Marie Aline. Coordination éditoriale : Julien Despinasse. Conseillère de la rédaction : Véronique Raisin. Direction artistique : James Eric Jones. Rédaction : Marie Aline, Marie-Odile Briet, Caroline Chancel, Audrey Cosson, Victor Coutard, Anne-Charlotte De Langhe, Alicia Dorey, Arthur Jeanne, Stéphane Méjanès, Véronique Raisin. Photos : Anaïs Barelli, Anaïs Boileau, Achille Laplante Le Brun, Pierre Lucet-Penato, Adrien Sgandurra, Juliette Treillet. Illustrations : Brice Postma Uzel. Photo de couverture : Adrien Sgandurra. Secrétariat de rédaction : Muriel Foenkinos. Impression : Imprimerie Léonce Deprez. Pour nous écrire : mag@ventealapropriete.com. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
Toujours plus loin !
Leader français de la vente en ligne de vins premium, Ventealapropriete s’épanouit et étend son réseau dans de nouveaux pays. Une occasion unique de partager, avec ses membres étrangers, son goût du bon.
EN 2024 , VENTEALAPROPRIETE
décide de franchir une nouvelle étape dans son ouverture au monde. Seize ans après sa première vente en ligne, l’entreprise intensifie sa conquête et s’élance dans la livraison de vins vers de nouveaux pays d’Europe, terrain plein de promesses. Après la Belgique, l’Espagne et l’Italie (dès 2010), elle intègre le Portugal, les Pays-Bas et l’Allemagne dans le rang des privilégiés qui peuvent avoir accès aux meilleurs vins dans les meilleures conditions.
Cette nouvelle aventure part d’un constat : la structure et le modèle de Ventealapropriete sont maintenant assez vertueux et matures pour faire se rencontrer un public européen impliqué et curieux et des vignerons du monde entier, sélectionnés pour leur engagement, la qualité de leur production et leur humanité. Car nous n’avons pas seulement décidé d’exporter les vins que nous choisissons en Europe, mais aussi les valeurs que nous portons depuis nos débuts, en 2008. Par-delà cette promesse que nous vous faisons à chaque vente de vous donner accès aux meilleurs vins aux meilleurs prix, nous avons à cœur de travailler, encore et toujours, sur nos spécificités : des relations pérennes avec les vignerons, un comité de dégustation à la renommée mondiale grâce à Olivier Poussier et Christian Martray et, à l’arrivée, une relation de confiance
inédite entre vous, les vignerons et nous. Sans dire son nom, cette relation a donné naissance à une communauté d’amateurs éclairés qui prend plaisir à partager ses trouvailles et qui, naturellement, construit un socle sur lequel nous nous déployons. « Tout comme nous avons le Club Prestige en France, nous avons une fanbase à l’étranger. Nous imaginons des évènements pour elle, des dégustations et des rencontres avec des vignerons », raconte Alaric de Portal, directeur général de Ventealapropriete.
Certains grands clients organisent même des dégustations pour leurs connaissances, amis et proches, avec le soutien de Ventealapropriete. « Nous leur offrons des avantages et nous créons des événements qui font d’eux de véritables ambassadeurs de la marque, explique Sylvain Lepeltier, en charge de l’export. Chaque personne qui voudra aider à la conquête sera soutenue par Ventealapropriete ! Cela correspond bien à notre état d’esprit : nous voulons partager cet amour du vin avec nos amis outre-Rhin, transalpins et transpyrénéens. »
Le plus intéressant dans cette expansion est de s’adapter aux différentes cultures des pays vers lesquels nous exportons.
« La géographie induit que nous ne consommons pas les mêmes vins selon les climats, selon nos régimes alimentaires, décrypte Sylvain Lepeltier. Les Italiens, par exemple, aiment nos chablis, nos sancerres et nos pinots
Être polyglo e pour mieux s’enraciner
Afin d’atteindre notre objectif de faire de Ventealapropriete le site référence de ventes privées de vin premium en ligne dans les nouveaux pays vers lesquels nous expédions, nous avons à cœur de parler directement à nos membres !
Quoi de mieux, pour cela, que de s’adresser à eux en version originale. Internet abolit les frontières, mais heureusement, pas les cultures. Alors, voisins européens, entendez-nous ! Dès 2022, notre site a été traduit en anglais et en italien alors que 2024 a vu naître notre plateforme en allemand. Et nous avons hâte de penser Ventealapropriete dans de nouvelles langues. Auf zu neuen Abenteuern ! *
* En route vers de nouvelles aventures !
noirs de Bourgogne, dont la légèreté contraste avec leurs vins, plus structurés. »
Les Allemands, plus conservateurs, sont historiquement de grands importateurs de bordeaux avec les ports d’Hambourg et de Brême. C’est toujours le cas, mais s’y ajoute désormais un goût prononcé pour le châteauneuf-du-pape et le champagne. Ce dernier fait d’ailleurs l’unanimité au sein de notre communauté européenne d’œnophiles, une demande à laquelle nous savons répondre avec inventivité – de belles références et des prix rarement vus ailleurs.
Mais Ventealapropriete ne doit pas rester un simple exportateur de vins français en dehors des frontières de l’Hexagone. Nous nous donnons pour mission d’ouvrir des espaces de vente en ligne spécifiques dans chaque pays où nous nous implantons afin de proposer une sélection de vins locaux à nos clients locaux. « C’est un défi intellectuel que nous nous lançons de vendre du vin espagnol aux Espagnols en étant en adéquation avec leurs habitudes », se régale déjà Alaric de Portal. Un challenge à la hauteur de notre passion et de notre désir de la partager. Une fois enraciné dans ces nouveaux territoires, Ventealapropriete continuera de s’implanter en dehors de la France. Les résultats de vente positifs des premiers mois de cette internationalisation se faisant déjà sentir, Alaric de Portal assure que les ventes privées vont s’ouvrir à d’autres pays, dans un futur très proche.
Philippe Levy PORTUGAL
« J’ai trouvé deux pépites grâce à Ventealapropriete. »
« J’ai découvert Ventealapropriete en 2013 et je suis un acheteur régulier depuis. Lorsque je vivais en France, je visitais les vignerons et je passais aussi par Ventealapropriete. Depuis que je vis à Lisbonne, je découvre les quintas (les domaines) de la région, mais aussi celles du Douro et de l’Algarve. Cependant, il y a certains vins français que nous consommons régulièrement, comme le champagne et les vins du Jura, et il est bien pratique de se les faire livrer au Portugal. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me fournis chez Ventealapropriete, mais j’apprécie aussi beaucoup le bon rapport qualité-prix de leurs vins ainsi que la justesse des commentaires concernant la qualité des bouteilles et leur durée de conservation. Cela me permet de bien gérer ma cave. Et puis, j’ai trouvé deux pépites grâce à Ventealapropriete : la Côte-Rotie de Stéphane Ogier, et le Blanc de Blancs de Michel Gonet. »
« Je lis les recommandations du comité de dégustation, car j’aime apprendre de nouvelles choses. »
« Un bon ami bordelais m’a recommandé Ventealapropriete. J’ai toujours acheté mon vin en physique et en ligne. Je dois souligner que cette plateforme de ventes privées en ligne a deux particularités : la capacité à me donner envie de découvrir des vins grâce à ses newsletters, les bons prix des vins que je connais et que je veux accumuler dans ma
cave. Je lis les recommandations du comité et d’Olivier Poussier, car j’aime apprendre de nouvelles choses, et une fois sur le site, je sais déjà ce que je veux m’offrir. Je suis un amoureux des vins français, la plupart du temps, je commande du bordeaux. Je trouve aussi de bons vins de Loire. Les bourgognes sont plus complexes à acheter du fait de leur système de distribution particulier, alors dès que je vois de belles opportunités sur Ventealapropriete, je ne me prive pas. Cette plateforme en ligne est un outil formidable pour un fou de vin comme moi. Ça me donne toujours de nouvelles idées de vins à découvrir. Et le process est simple : je sélectionne le vin, je paye et une semaine plus tard, je reçois ma commande. »
ITALIE
« Ventealapropriete m’a redonné le goût du vin français. »
« J’ai découvert Ventealapropriete dès ses débuts, en 2008, et j’étais très assidu. Mais j’ai arrêté de commander une fois installé en Italie, il y a 13 ans. Je vis à Bologne. J’ai repris les achats cette année avec beaucoup de plaisir. Je continuais de recevoir leurs offres et je n’ai pas résisté à certaines d’entre elles, qui étaient très intéressantes. J’aime bien le principe de la vente privée.
L’avantage de Ventealapropriete par rapport à d’autres sites c’est le rapport qualité-prix, mais surtout la qualité du service. Les livraisons sont rapides, on a les vins sous 10 jours maximum et j’apprécie les avis du comité de sélection.
Ventealapropriete m’a redonné le goût du vin français, car j’avais complètement arrêté d’en boire. Depuis, j’ai acheté beaucoup de références, notamment en bordeaux, du Cantemerle, du Laroque. Je cherche des bouteilles entre 30 et 50 euros généralement, pas plus. J’ai même acheté des vins italiens ! Des barolo, des brunello. Je partage mes découvertes avec des amis ici, en Italie. Sans prosélytisme, j’en ai converti quelques-uns aux vins français et même à l’utilisation de Ventealapropriete ! Si je devais dire un mot aux dirigeants de cette plateforme, ça serait simple : “Continuez comme ça !” »
Ismael Clemente ESPAGNE
Richard Simonin
Ventealapropriete et vous
Engagement, réactivité, confiance et écoute sont au cœur de la relation au long cours que nous entretenons avec vous ; et pour toujours vous satisfaire, nous poursuivons le développement des services premium qui vous sont dédiés.
Un nouveau site web qui va vous régaler
Nous ne prenons pas de bonnes résolutions en début d’année, nous agissons ! Dès le premier trimestre de 2025, vous naviguerez sur notre site internet tout frais. Une refonte totale de l’identité visuelle, mais aussi une ergonomie plus fluide qui permet de chercher les références de vin par leur nom, ce sont, entre autres, les petits cadeaux que nous tenions à vous offrir pour célébrer cette entrée dans un nouveau millésime. Nous vous le souhaitons heureux et plein de découvertes à déguster.
Plaisir d’offrir, joie de recevoir
L’arrivée des fêtes est une raison majeure pour se promener sur Ventealapropriete puisque la boutique cadeaux est en ligne ! Les coffrets champagnes, vins ou spiritueux y tiennent une belle place. S’y cachent aussi des pépites à faire découvrir à vos proches, ainsi qu’une sélection d’accessoires liés au monde du vin. La Boutique Cadeaux se trouve en page d’accueil du site dans l’onglet Ventes privées. Les livraisons sont garanties avant Noël pour toute commande passée avant le 19/12/2024 à midi. Idem pour le Nouvel An si la commande est passée avant le 27/12/2024 à midi. Valable uniquement en France continentale.
Plus on est de fous…
La raison d’être de Ventealapropriete est de partager la passion des bons flacons qui est la nôtre. Vous aussi, devenez ambassadeur de cet esprit bon vivant en parrainant un ami ou un proche. Qu’il vive en France ou dans l’un des pays où l’on exporte (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne, Portugal), il recevra un bon d’achat. Et dès sa première commande, un bon d’achat vous sera offert et directement crédité sur votre compte, dans le menu Mes bons d’achat. Le parrainage, ses modalités et la liste de vos filleuls sont à retrouver dans l’onglet Mon Compte > Parrainage.
MERCI DE VOTRE FIDÉLITÉ !
Nous vous offrons, avec ce numéro, une remise immédiate de 25 €* avec le code RACINES9
* À valoir pour toute commande sur le site, hors primeurs, d’un montant minimum de 250 € d’achat. Offre valable jusqu’au 30/04/2025.
Scannez ce QR code pour retrouver une sélection des vins présents dans ce numéro.
« Je ne suis pas un buveur d’étiquettes »
Nageur multi-médaillé et membre du comité d’organisation des JO 2024, Fabien Gilot, reconverti dans les assurances, apprécie autant le vin que de découvrir son histoire.
Natif du Nord, vous êtes pourtant plus « vin » que « bière »… Je reconnais qu’il existe des bières incroyables, mais j’ai toujours trouvé le vin plus délicat. Ma curiosité en la matière s’est d’abord nourrie de souvenirs d’enfance. Chaque fin d’année, à Noël, mes grands-parents débouchaient toujours la même bouteille : un Château Figeac. Sa cote a tellement grimpé qu’on ne pourrait sans doute plus se le permettre ! Mais je garde en cave un millésime 1955 ; un trésor sur lequel je veille… et que je n’ouvrirai jamais.
Passer des heures dans l’eau incite-t-il à aimer encore plus le vin ? Ma carrière sportive m’a longtemps contraint à en faire une consommation sporadique, sans que j’en éprouve de frustration. Dans une discipline où l’on repousse ses limites physiologiques, tout est calibré. Néanmoins, parmi mes entraîneurs – des « vieux de la vieille » ! –, certains considéraient qu’un petit verre de vin par jour ne nuisait pas aux performances. Ainsi, même à haut niveau, on se mettait toujours d’accord avec le staff pour glisser dans le planning des parenthèses mettant l’art de vivre à l’honneur, indispensables à l’équilibre, à la cohésion, au partage. En matière de vin rouge, j’avoue que mes goûts se rapprochaient plus de ceux de personnes ayant 20 ou 25 ans de plus que moi ! J’aime apprendre des anciens. Mon palais s’est aussi formé de cette façon-là.
Vous considérez donc qu’une passion comme le vin peut forger un esprit d’équipe… Bien qu’ils puissent paraître antinomiques, l’univers du sport et celui du vin se rejoignent. La réussite sportive alimente dans le groupe ce sentiment d’appartenance à une nation, à un drapeau, et la fierté d’en défendre les couleurs. Audelà du plaisir de la dégustation, faire tous ensemble la connaissance de vignerons et découvrir le fruit de leur travail, c’est aller
BIO EXPRESS
Naissance le 27 avril à Denain (Nord). Double champion d’Europe junior du 100 m et 200 m nage libre. Médaillé en relais 4 x 100 m aux championnats du monde de Barcelone. Intègre le Cercle des nageurs de Marseille. Médaillé aux JO de Pékin, Londres et Rio. Crée Unit Group, société de courtage en assurances, avec l’exrugbyman Jules Julian. Nommé président de la Commission des athlètes du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
– avec beaucoup d’humilité – à la rencontre d’une autre forme d’excellence, qui nous enrichit. Le rayonnement à l’international vaut donc pour nous tous : dans le monde du vin aussi, il y a des Français qui gagnent et qui sont les meilleurs du monde.
Il y a 10 ans, la Jurade de Saint-Émilion a fait de vous l’un de ses ambassadeurs. Cela se ressent-il dans votre cave ? Je ne suis ni sectaire ni monomaniaque. Mais dans la cave apparente de mon salon – que j’aime admirer comme d’autres profitent d’une œuvre accrochée au mur ! –, les bordeaux (Pauillac, Saint-Émilion…) sont bien représentés. À 40 ans, mon palais a appris à s’ouvrir et apprécie de plus en plus les bourgognes. Vivant à Marseille, je suis aussi régulièrement surpris par des châteauneufs-
du-pape ou certains vins du Languedoc, dans lesquels je pioche au gré des occasions. Quel type d’acheteur êtes-vous ?
Tout sauf un buveur d’étiquettes ! J’écoute mes proches, je me renseigne auprès des restaurateurs et je bombarde de questions mon ami Enrico Bernardo, élu Meilleur sommelier du monde en 2004. Lui-même m’a confié qu’il ne se passait pas une journée sans qu’il découvre un nouveau vin ! J’aime particulièrement « chasser » les domaines que personne ne connaît, mais dont je sens qu’ils tiendront leurs promesses. Pour aller dans le sens de cette démarche, acheter sur Ventealapropriete simplifie les choses et permet naturellement d’échanger avec d’autres passionnés. C’est l’humain, le côté « cœur » qui m’a fait basculer dans le vin !
Avec quel vin préférez-vous boire la tasse ? Je suis un affectif, convaincu que la compagnie rend le vin encore meilleur. En matière de garde, je me fie aussi à ce conseil entendu en parcourant le terroir de Saint-Émilion : « Qu’importe la durée de vieillissement : si la bouteille est ouverte avec les gens qu’on aime, elle sera forcément bonne. » Pour faire durer le plaisir jusqu’à plus soif, je choisirais un Hermitage rouge de Jean-Louis Chave.
Et pour remplacer le bol de café dans lequel un Ch’ti aime plonger sa tartine de maroilles ? Alors là, un vin qui a du corps ! Va pour un Château Pichon Baron. J’avais une vingtaine d’années lorsque j’y ai goûté pour la première fois chez des amis ; je ne m’attendais pas à ça !
Si c’était à vous de remettre les médailles, à quels vins décerneriez-vous le bronze, l’argent et l’or ? Varions les plaisirs… et les régions ! Le bronze pour une surprise récente, à savoir Le Clos des Papes (Châteauneuf-du-Pape) ; l’argent au Château Latour (Pauillac) ; et l’or à un Vosne-Romanée Les Suchots (Bourgogne), ex aequo avec un Gevrey-Chambertin d’Armand Rousseau.
Maintenant que vous êtes éloigné des bassins, envisagez-vous de plonger un jour dans vos propres vignes ? Seul, non ! Les réussites et les grands moments sont faits pour être partagés. Pourquoi pas, m’intéresser à quelques parcelles avec deux ou trois copains… Notre capacité d’investissement déciderait de l’emplacement final. Dans mes rêves les plus fous, j’aimerais que ce soit en Bourgogne. ANNE-CHARLOTTE DE LANGHE /
Photo Anaïs Barelli
Une bouteille dans le détail
Référence historique de notre portefeuille, Montfaucon est un acteur majeur du Rhône sud. Quoi de plus naturel que de nous unir pour réaliser ce châteauneufdu-pape rouge 2021 ? Une cuvée sur mesure supervisée par le comité de sélection de Ventealapropriete.
Dans le acon
Ce parfait assemblage de 70 % grenache et 30 % mourvèdre, issu de vignes d’une cinquantaine d’années, a été élevé durant un an en pièces bourguignonnes de 228 litres, sans apport de bois neuf. Il traduit une osmose entre de délicates touches d’épices et de eurs, adossées à un fruit mûr, et coulées dans une trame ne, intense et élégante, re et de ce millésime frais. Un vin à savourer dès aujourd’hui, mais dont l’équilibre assure une belle garde.
À L’Orée des bois
Les vignes se situent en lisière de forêt, à la rencontre de deux écosystèmes, sur des sols de galets roulés et d’argiles ; une zone de convergence qui concentre une riche biodiversité. Abritées, les vignes béné cient de davantage de fraîcheur et les raisins y mûrissent lentement, sans sou rir du soleil ni des fortes chaleurs.
Un domaine d’exception
Rodolphe et Léon de Pins sont les artisans de ce e maison familiale œuvrant sur Lirac et Châteauneuf-du-Pape. Très vieilles vignes, pratiques biologiques, vini cations avec élevages sous bois et cuves béton forgent les a ributs de ces vins réputés. Les 60 hectares, à cheval sur les deux rives du Rhône, comptent parmi les plus belles parcelles du Sud.
L’appellation
Châteauneuf-du-Pape
Créée en 1936 à l’initiative du baron Le Roy, c’est la première Appellation d’origine contrôlée (AOC) o cielle en France. Mêlant historiquement 13 cépages, elle est le plus souvent le refuge du mourvèdre et du grenache – pour les rouges –, cépages qui s’acclimatent particulièrement bien sur ces sols de galets, de terres graveleuses et sablonneuses, supportant la chaleur méditerranéenne.
Le millésime 2021
Tout de fraîcheur et d’énergie, il a livré des vins tempérés, aux degrés d’alcool moindres qu’à l’accoutumée. Gagnant en élégance ce qu’ils concèdent en puissance, les rouges de Châteauneuf ont aussi béné cié du rôle régulateur de leurs terroirs de galets, avançant de beaux parfums oraux dans des matières élégantes et équilibrées.
Une création conjointe
Nous sommes les premiers à nous être associés à la famille
Pins pour proposer ce e prouesse : un châteauneuf très accessible (24,99 €*) qui ne cède rien sur les standards d’excellence. Ce e équation reste une gageure : c’est en e et devenu très rare de dénicher des vins si abordables sur ce e appellation reine, encore plus de ce calibre-là.
« Cela fait plus de sept ans que nous comptons ce e adresse historique parmi nos partenaires privilégiés. Il nous a semblé évident, parvenus à ce degré d’intimité et de con ance mutuelle, de réaliser ce e cuvée commune, sur les merveilleux terroirs de galets roulés et d’argiles, sur une parcelle à la biodiversité foisonnante. »
Nicolas Sanson, acheteur Ventealapropriete
*En vente privée
Un certain regard
SI LA ROBE d’un vin est le premier critère à influencer notre jugement, nous lui donnons souvent une importance bien moindre que méritée. Dans cet ouvrage, Florence de La Rivière et Bénédicte Bortoli s’interrogent sur les indices distillés par la couleur d’un vin, de son terroir à son lieu d’origine en passant par son cépage et la façon singulière dont il a été vinifié. Au fil des pages, un constat étonnant se dessine : il serait possible de maîtriser l’art de la dégustation d’un simple regard, pour peu que l’on sache prendre son temps. « L’OEil du vin – Lire les couleurs du vin », Florence de La Rivière, Bénédicte Bortoli et Jérôme Bryon, Éditions de La Martinière, €45
L’échappée « bulles »
LE CHAMPAGNE ET LA FÊTE, un grand classique… Sa capitale, Épernay, l’a bien compris : elle le célèbre durant tout un week-end de mi-décembre en revêtant ses « Habits de lumière ». Le long de son artère principale (la bien nommée avenue de Champagne dont le sous-sol abrite quelque 200 000 bouteilles), les façades s’animent sous le jeu d’illuminations créatives, les maisons et vignerons ouvrent leurs portes pour des dégustations auxquelles s’associent 10 chefs étoilés, parmi lesquels Arnaud Lallement (l’Assiette Champenoise, trois étoiles Michelin) et Kazuyuki Tanaka (Racine, doublement étoilé). Ateliers « Accords mets et vins », orchestres et animations musicales, soirée festive, parade de voitures anciennes complètent le programme et un feu d’artifice dans le ciel d’Épernay vient clôturer ce rendez-vous étincelant et pétillant. Du 13 au 15 décembre 2024 ; habitsdelumiere.epernay.fr
Voyage en vinophilie
RETROUVER le goût du vin bu par les Gaulois, admirer les amphores qui ont transporté ce nectar antique, suivre les traces du commerce viticole, des parfums et huiles autour de la Méditerranée sont les enjeux de cette exposition portée par le Collège de France. S’appuyant sur les travaux de l’archéologue Jean-Pierre Brun, spécialiste de l’économie et des techniques antiques, elle donne à voir la maquette d’une villa viticole ainsi que des pièces grecques, italiennes et égyptiennes prêtées par le Louvre. Une plongée dans la culture hédoniste de nos ancêtres méditerranéens.
« Vins, huiles et parfums : voyage archéologique autour de la Méditerranée antique », jusqu’au 31 janvier 2025 au Collège de France (college-de-france.fr)
Tout doux liste
Ils sont iconiques et pourtant, leur mystère reste entier. Les vins naturellement doux sont une famille à part dans l’univers œnologique. Explications.
Par Arthur Jeanne
* En grammes de sucre par litre
8 g/l
VOUVRAY
0 g/l
CHABLIS
125 g/l
SAUTERNES
180 225 270 315
L’antisèche
Revenons aux basiques : tout d’abord, il s’agit de distinguer les vins doux naturels des vins naturellement doux. Les premiers, aussi appelés vins de liqueur (à ne pas confondre avec les vins liquoreux) sont obtenus par ajout d’alcool au vin, à différents moments de la fermentation. A contrario, les vins naturellement doux doivent leur richesse en sucre à la qualité du raisin utilisé. En voici les variantes.
Vendanges tardives
Technique. La récolte est retardée, les raisins vendangés à surmaturité se concentrent en sucre et en arômes. Appellations. Alsace et Alsace Grand Cru, Coteaux du Layon, Monbazillac. Accord parfait. Gewurztraminer vendanges tardives et curry de poulet.
Le sucromètre*
180g/l
Les vins naturellement doux se distinguent des autres grâce à la densité de sucre apportée par les raisins surmaturés qui les composent. L’éventail de ces vins est large, allant de 12 g/l à 50 fois plus pour le Tokaj Eszencia, qui compte 700 g de sucre/litre. Cette sucrosité est toujours obtenue à partir des raisins et ne subit aucun ajout. Au fil du temps, le vin « mange » ses sucres et se patine gustativement parlant. C’est pour cela que l’on dit que plus les vins seront riches en sucre naturel, plus leur potentiel de garde sera élevé.
Une belle pourriture
Botrytis cinerea est un champignon pathogène qui dégrade la matière organique en décomposition. Il est responsable de moisissures sur un grand nombre de plantes hôtes, par exemple la vigne. Lorsque l’humidité est forte, le champignon se développe vite. Il est alors à l’origine de ce que l’on appelle la pourriture grise. Pourtant, botrytis cinerea peut aussi être à l’origine d’un miracle. Lorsque les conditions météorologiques sont favorables et alternent entre humidité matinale et après-midi ensoleillée, il se développe plus lentement et son action permet à l’eau de s’évaporer des baies et de concentrer leurs sucres. C’est la fameuse pourriture noble à l’origine du tokaj et du sauternes, notamment.
Allons, enfants de la Hongrie !
Légende magyare, le Tokaj est le seul vin à figurer dans un hymne national, celui de la Hongrie, bien sûr. « Tu fis onduler, à l’instar Des mers, les épis dans nos plaines, Et tu permis que du nectar De Tokaj nos coupes soient pleines. Grâce à toi, nos drapeaux ont pu Flotter chez le Turc en déroute, Les murs de Vienne être rompus Par Matyas et ses noires troupes. »
Vin botrytisé Technique. Lors de vendanges tardives, sous certaines conditions climatiques, le champignon botrytis cinerea se nourrit de l’eau des raisins et concentre le sucre à l’intérieur des baies. C’est la fameuse pourriture noble. Appellations. Sauternes, Tokaj… Accord parfait. Jeune sauternes et tarte à l’ananas.
Vin passerillé
Technique. La surmaturité est obtenue par déshydratation des raisins. Le passerillage peut s’effectuer sur souche en effeuillant la vigne afin que les raisins sèchent avec le soleil et le vent ou hors souche, par exemple sur des claies de paille. Appellations. Vin de paille du Jura, Passito de Pantelleria, Amarone della Valpolicella. Accord parfait. Vin de paille du Jura et magret de canard aux épices.
Vin de glace Technique. La vendange débute quand la température est descendue sous -7 °C. Les raisins mûrs sont pressés encore gelés et amenés à fermentation. Appellations. Icewine de l’Ontario ou de Colombie-Britannique, Eiswein. Accord parfait. Riesling ice wine et tarte aux pommes.
C’est ce que l’on appelle une tournée des grands-ducs. À l’occasion de ses 54 ans, le rappeur Jay-Z s’offrait l’an passé une virée d’exception dans le vignoble bordelais avec sa femme Beyoncé et quelques amis triés sur le volet. Point d’orgue de la visite ? Jay-Z a soufflé ses bougies à Yquem en dégustant une bouteille du millésime 1969, son année de naissance. Tout simplement.
La malédiction des 20 ans ?
1952, 1972, 1992, 2012. Voici des millésimes que l’amateur d’Yquem ne pourra jamais déguster. Et pour cause, ces années-là, le célèbre 1er Grand Cru classé de Sauternes a choisi de ne pas commercialiser son vin en raison d’une qualité jugée insuffisante.
La faute, bien souvent, à un climat maussade et aux pluies abondantes juste avant les vendanges. 2032 changera-t-elle la donne ?
DÉGUSTER AU JUSTE DEGRÉ
La température de dégustation d’un vin doux est inversement proportionnelle à son taux d’alcool.
14 °C
Bordeaux
12 °C
Beaujolais
10 °C
Tokaj, Sauternes, champagne brut
8-10 °C
Jurançon
8 °C
Monbazillac, Eiswein, vin de glace
COTEAUX DU LAYON
QUARTS DE CHAUME
42 0,3 0,4
VENDANGES TARDIVES
SAUTERNES 15
41
15
JURANÇON DOUX
56 12,7
MUSCAT DE BEAUMES DE VENISE
* En milliers d’hectolitres
Nos régions ont du talent
Les vins naturellement doux (moelleux et liquoreux) sont implantés dans de nombreux terroirs et régions de l’Hexagone. Panorama d’une production d’exception*.
Un zeste
d’audace
Préparer un cocktail avec un grand cru classé ? À Lafaurie-Peyraguey, on a osé. En 2017, le château propose de consommer son sauternes dans un cocktail, le Sweet’z. Une façon futée d’attirer une nouvelle génération de consommateurs. Voici la recette : mettez trois glaçons dans un verre. Versez 6 cl de sauternes LafauriePeyraguey (un jeune millésime). Frottez le zeste d’une orange pour aromatiser le bord du verre, puis jetez-le dans le verre.
VIN DE PAILLE DU JURA
MONBAZILLAC
le style en liberté
Familiale et indépendante, la Maison Louis Roederer élabore des champagnes ciselés, longuement vieillis dans ses caves de Reims. Une manufacture à la discrétion assumée, mais à l’aura internationale, prisée des plus grandes tables et égérie des connaisseurs.
Texte Véronique Raisin
EN CETTE FRAÎCHE MATINÉE d’automne, sous un ciel bas et voilé, la crête des coteaux se devine à l’horizon ; s’en échappe une petite bruine régulière, qui lustre la craie recouvrant les parcelles. Sur l’une d’elles, la Goutte d’Or, que l’on nomme ici le « Musigny de la Champagne » en référence au Grand Cru bourguignon, Jean-Baptiste Lécaillon, chef de caves depuis 1999, marque une pause. C’est là que naît Cristal, la cuvée la plus précieuse. Les sols blancs renvoient la lumière et semblent se substituer au soleil. Droit devant, le chemin de vignes court gracieusement entre Aÿ et Dizy, ouvrant le coteau en deux ; vers le haut, au-dessus de la route, l’air est plus frais, la roche plus éventrée, plus saillante. Juste au-dessous, un petit îlot de quelques hectares concentre davantage de chaleur, offrant des pinots toujours plus fins qu’ailleurs, conjurés en grappes ramassées. « Les calcaires purs donnent les vins les plus raffinés. On a même découvert qu’il existait une corrélation entre la teneur en calcaire d’un sol et l’échelle des crus », explique le chef de caves.
Cristal couronne un savoir-faire et une exigence tricentenaires transmis au cours des sept générations qui se sont succédé à la tête de la Maison et sans cesse perfectionnés. Ce champagne, comme tous les vins de la gamme, est aussi le fruit d’une impensable audace, au tournant du xixe siècle, quand Louis Roederer eut l’intuition géniale d’accoler à son activité de négociant la constitution d’un vignoble. Visionnaire, le jeune homme entreprit d’acquérir les plus beaux crus de la Champagne, exposés plein est, à mi-coteau, persuadé que maîtriser entièrement le processus d’élaboration du vin dès la vigne
– une démarche très rare à l’époque – serait judicieux. Il commença par acheter trois hectares à Verzenay, aux lieux-dits Pisse-Renard et Le Poirier Saint-Pierre. En deçà de la forêt, protégés des vents dominants et des gelées, ces carrés de grands crus et premiers crus bénéficiaient d’un micro-climat idéal. Son fils Louis II puis son petit-fils, Léon Olry-Roederer, poursuivirent le développement de la société avec la même vision, acquérant les meilleurs terroirs, jusqu’à compter, au début du xxe siècle, plus de 125 hectares répartis entre Aÿ, Avize, Chouilly, Le Mesnil, Vertus, Verzenay et Verzy. Soit un patrimoine considérable pour l’époque. C’est Léon, également, qui contribua à l’essor de la cuvée Cristal, apposant ses initiales sur les flacons aux côtés des armoiries impériales du tsar Alexandre II, pour qui la cuvée avait été créée, en 1876.
Une vision d’artisan vigneron
Aujourd’hui, le vignoble Louis Roederer reste le pivot de sa réussite ; les 250 hectares en comptent 135 certifiés en culture biologique (soit la surface la plus importante de toute la Champagne), éclatés en 420 parcelles. Veillé comme un jardin, avec un soin extrême, cet océan de vignes, scindé en trois entités – la Montagne, autour de Verzy et Verzenay, la Rivière, le long de la Marne, et la Côte, principalement sur le Grand Cru d’Avize –, mêle des climats et des influences variés, concentré sur des zones extrêmement riches en biodiversité. Dès la fin des années 1990, sous l’impulsion de la famille Rouzaud, propriétaire de Louis Roederer, et de Jean-Baptiste Lécaillon, une
Ci-dessus : dirigée par Frédéric Rouzaud, la Maison familiale Louis Roederer cultive son indépendance.
Cristal Rosé : 50 ans de délicatesse
Créée en 1974 par Jean-Claude Rouzaud, le père de Frédéric, cette cuvée, issue de quatre parcelles de Grands Crus posées sur un terroir de craie, est l’ultime chef-d’œuvre de la Maison. Ce champagne inaugure une méthode révolutionnaire d’élaboration du rosé appelée « infusion », qui joint les techniques de
macération et d’assemblage dans un exercice de grande maîtrise : les jus de chardonnay sont coulés dans une macération douce de pinots noirs et fermentent ensemble, pour apporter plus de parfum et de complexité. De grande précision, Cristal Rosé est un champagne soyeux et aérien, de grande pureté aromatique, à la salinité évidente ; un champagne virtuose, qui éclate de tension et de vérité.
réflexion fut menée sur l’avenir de la viticulture et la conservation du patrimoine végétal. « Dès 1995, nous avons établi une cartographie détaillée de notre vignoble. Nous avons redéfini chaque parcelle comme un écosystème à part entière, un lieu vivant unique, avec sa faune, sa flore, son climat, son microcosme », explique le chef de caves. Envisageant le dérèglement climatique qui commençait à affecter la Champagne comme une opportunité, la Maison s’est très tôt adaptée, anticipant l’importance d’une viticulture durable et respectueuse du vivant pour exprimer toutes les richesses du terroir.
« La transition vers ce que nous appelons la permaculture fut engagée en 2000, en commençant par les parcelles de Cristal Rosé. Cette nouvelle donne a permis de renforcer l’effet terroir : les vignes ont gagné en équilibre, les rendements ont baissé et les raisins mûrissent mieux, avec des jus plus concentrés, plus riches en matière et en sels minéraux ; ce changement de viticulture fut un tournant majeur dans l’histoire de la Maison. » Aujourd’hui, l’engagement est encore plus fort, comme une réponse à l’urgence. Un conservatoire des cépages a été constitué, avec des sélections issues des plus vieilles vignes, et la permaculture, cet ensemble de pratiques visant à régénérer les sols, a été introduite dans la gestion des vignes.
Pratiques biologiques et permaculture
Au quotidien, les gestes les plus doux sont employés, toujours dans le respect de la plante et la valorisation des paysages ; la biodiversité animale et végétale est ainsi favorisée, avec l’implantation de ruches, la plantation de haies et l’utilisation de composts organiques. Par ailleurs, la sélection massale a été généralisée : cette technique consiste à prélever des sarments sur les plus beaux pieds de vigne, à les multiplier puis à les replanter, de façon à préserver ce patrimoine végétal et une haute qualité de production. Frédéric Rouzaud fut l’artisan de ce changement. « La magie et l’identité d’un grand vin proviennent essentiellement de la qualité de son terroir, de la diversité de son matériel végétal et d’une belle viticulture. » Jean-Baptiste Lécaillon déroule la réflexion : « Plus la diversité
génétique des plants se réduit, plus l’expression des vins s’appauvrit. A contrario, plus les variations génétiques sont nombreuses d’un cep à l’autre, plus les vins qui en résultent retracent les nuances de leur terroir avec force et subtilité. » Connaissant l’histoire de la Champagne sur le bout des doigts, s’intéressant aussi bien à l’agronomie qu’à l’œnologie, le chef de caves est un personnage hors cadre qui détonne dans le paysage champenois.
Soutenu par la vision de Frédéric Rouzaud et son engagement total, il explore toutes les voies les plus exigeantes, offrant des expressions de vins extrêmement précises. « Nous avons poursuivi sans relâche notre quête d’excellence dans nos assemblages, nous autorisant toutes les audaces et toutes les libertés », relate-t-il. Jusqu’à allonger les temps de vieillissement sur lattes et à inaugurer une Réserve Perpétuelle dès 2012 avec des vins d’années antérieures conservés en cuves inox de grande capacité. Ces bouleversements ont conduit à repenser totalement la cuvée phare de la Maison, le Brut Premier d’alors, pour la transformer en Collection, un vin multi-millésimé du niveau d’une cuvée spéciale. « À l’aune de vendanges plus précoces, nous avons l’occasion de millésimer plus souvent. Ces nouveaux équilibres ont fait évoluer nos vins et nous avons adapté les vinifications à la matière première. »
Des champagnes de long vieillissement
Dans le dédale des galeries de la Maison, creusées à la main sous la rue de Savoye, en plein cœur de Reims, les bouteilles en vieillissement semblent se jouer du temps. Au détour d’une allée, nichés au
plus profond, se trouvent cinq petits caveaux abritant les vieux millésimes de Cristal, attendant là après leur dégorgement d’origine. En progressant dans la pénombre et l’humidité presque glaciale de ces crayères, on aperçoit, dissimulés derrière une lourde porte de chêne sculptée, 150 foudres de chêne. Ces barriques XXL renferment les vins de réserve, issus d’années antérieures, qui viennent complexifier la cuvée Collection.
Le contraste est saisissant entre ce silence feutré et humide et les paysages transformés par les saisons, comme coloriés au pastel. Sous terre, à 12 °C de température, les vins mûrissent lentement et surtout, longuement. Jusqu’à 25 voire 30 ans pour les cuvées Late Release, des millésimes sélectionnés par le chef de caves et attendus jusqu’à leur parfaite maturité ou Cristal Vinothèque, qui explore les limites du temps par un élevage prolongé sur deux décennies et un dégorgement tardif. Pilotée par un fin technicien, assurée par l’assise d’un capital familial, la Maison Louis Roederer peut cultiver son style avec une liberté rare. C’est là sa force : une indépendance qui lui permet toutes les idées. Sa vision singulière, qui se complaît dans la retenue, tranche parfois avec celle de ses pairs. En bon artisan, Louis Roederer parachève ses vins comme autant de pièces d’orfèvrerie, sur lesquelles chaque artisan intervient, à la mesure de son expertise.
« Pour moi, Louis Roederer représente le modèle champenois le plus abouti en termes d’artisanat haut de gamme couplé à des volumes permettant sa large diffusion », témoigne Alaric de Portal, directeur général de Ventealapropriete. « C’est un géant dont les vins procurent à chaque fois
de grandes émotions. Chaque jour, nous travaillons à ne sélectionner que le meilleur et Roederer en fait bien évidemment partie. À partir de là, notre relation coule de source. »
Dégagée de son muselet, libérée de l’emprise de quatre ans sur lattes, la cuvée Collection 245 étale sa bulle énergique et ouatée. Ce champagne hédoniste étonne par sa profondeur, forgée par sa Réserve Perpétuelle et la qualité de ses vins de réserve. Une cuvée référence, qui trône au sommet de la Champagne, sans doute l’une des plus appréciées des connaisseurs.
MAISON LOUIS ROEDERER
Superficie / 250 ha dont 135 ha certifiés en culture biologique Crus / 140 ha de Grands Crus, 77 ha de Premiers Crus, 33 ha de Crus Villages morcelés en 420 parcelles
Collection 245. Issu de la récolte 2020 (55 %), ce champagne est doté d’un beau potentiel de vieillissement. Son style chaleureux et complexe s’affirme dans une matière raffinée, ponctuée de notes fumées, légèrement boisées, d’agrumes et de fruits jaunes, toujours très fraîches.
noblesse
Cru d’exception, Château Pichon Baron produit depuis plusieurs ce pauillac force le respect. Devenu l’un de ses partenaires
Texte Véronique Raisin
médocaine
décennies une série grandiose de vins. Qualifié de «super second», privilégiés, Ventealapropriete vous emmène en coulisses.
Photos Anaïs Boileau
Chaque année, la mécanique s’affine et évolue en douceur pour maintenir le cru au sommet de la hiérarchie bordelaise.
LES GOUTTES DE PLUIE incrustent le miroir d’eau et forment de petites étoiles sur sa surface. Face au château Renaissance, ce carré translucide reflète le ciel assombri d’une fin de matinée de septembre. Dans quelques heures, le soleil reviendra sur le Médoc et le vent aura séché les vignes. Quatre-vingts vendangeurs s’étireront dans les rangs pour rentrer la récolte 2024. Les raisins seront coupés par unités de terroirs et amenés aussitôt au chai, de façon à vinifier par lots des jus homogènes en tanins. Un ballet minutieusement orchestré, posant les fondements du Pichon Baron qui éclora dans deux ans.
Chaque année, l’histoire se répète, mais la mécanique s’affine et évolue doucement pour maintenir le cru au sommet de la hiérarchie bordelaise. Doté d’une puissance et d’une sève légendaires, Château Pichon Baron fait toujours la course en tête, sans aucun signe de faiblesse, dans un style très pur. Nous sommes sans cesse séduits par sa capacité à restituer son caractère et son terroir, domptant le millésime avec aisance et intelligence. Ce cru, devenu l’archétype du pauillac racé, tire sa supériorité d’une rigueur continue et d’une somme d’attentions que peu sont capables de tenir sur la durée.
Son terroir d’abord, qui bénéficie du microclimat des bords de Gironde, est sans doute l’un des plus complexes de l’estuaire ; face au finage de Latour, bordé des châteaux Léoville Poyferré et Léoville Las Cases, le vignoble prolonge celui de Saint-Julien, couronné à son sommet d’un plateau de graves du quaternaire établies sur un socle d’argiles et de calcaires. Le cabernet sauvignon constitue le socle du grand vin, adjoint à quelques îlots de merlot accrochés à mi-coteau, représentant environ un quart de la surface. Cette butte de 40 hectares, qui s’élève à 27 mètres, est l’une des plus belles de ce nord Médoc, parfaitement drainée, ce qui permet à la vigne de ne jamais
Fidèle à son héritage, incarné dans son château datant du xixe siècle, Pichon Baron mêle à la tradition bordelaise des innovations permanentes telles que ce chai modernisé en 2022.
pâtir ni d’une trop forte sécheresse ni d’une trop grande humidité. Cette gestion de l’eau est fondamentale, c’est même le cœur du réacteur d’un vignoble de pointe comme celui-ci. Pierre Montégut, directeur technique, conte tout l’intérêt des couverts végétaux mis en place : « Le régime hydrique détermine la qualité des tanins du vin ; ce qu’il faut avant tout, c’est éviter les phénomènes de stress. Quand la vigne souffre trop, le tanin se durcit, les vins sont plus puissants, mais moins enrobés. Sur cette croupe, les cabernets sauvignons profitent de la lumière et du temps nécessaire pour parfaitement mûrir. »
Une régénération sur le modèle de la forêt
L’arrivée d’Aymeric Hervy, en 2017, en tant que directeur vignoble, a permis d’affiner ces réglages. Désormais, l’observation de la plante prime, ses réserves en eau sont scrutées, des haies ont été plantées par endroits, la vie du sol est encouragée et des jachères semées quadrillent le vignoble, le tachant çà et là de carrés bruns. « Il fallait revoir nos pratiques culturales et nous adapter au changement climatique. Rétablir l’équilibre en eau de la plante et moins travailler les sols en profondeur pour ne pas abîmer le système racinaire. Les raisins devenaient plus petits, les vignes produisaient moins avec un feuillage plus faible, il fallait comprendre ce qui n’allait pas. On s’est donc recentrés sur les sols, on a arraché certaines parcelles en les laissant en jachères trois à quatre ans, parfois six, les semant de céréales et de légumineuses. Le système racinaire s’est renforcé, l’érosion a ralenti et l’eau est mieux drainée. » Et de conclure : « Si la vigne est belle, le vin est bon. » Cette culture de régénération, qui mêle agroforesterie, pratiques biologiques et bon sens, porte ses fruits. « La forêt reste notre modèle, renchérit Aymeric Hervy. Le bois mort, les litières, les champignons, les vers de terre transforment naturellement les sols et les nourrissent. À nous de nous en inspirer. »
Chaque année, une petite partie du vignoble (2 à 2,5 hectares) est replantée, assurant un renouvellement régulier. De vieux plants ont
été identifiés et sélectionnés pour être mis en conservatoire puis reproduits, permettant au vignoble de fonctionner quasiment en auto-subsistance. Les raisins peuvent alors se muer en jus aromatiques et complexes. « Avec une vigne à son optimum, parfaitement équilibrée, l’acidité naturelle augmente, gage de fraîcheur, et les tanins sont encore plus fins ! » précise le directeur vignoble.
Fort de méthodes éprouvées, doté d’équipements à la pointe – le chai a pour la troisième fois été agrandi et modernisé en 2022 –, le cru mêle à la tradition bordelaise des innovations permanentes. Vingt cuves bois de 80 à 130 hectolitres sont venues se loger dans la cuverie souterraine. Aux côtés de 27 cuves inox dernière génération, des amphores de terre cuite sont apparues, pour vinifier des micro-volumes et même des wine globes (boules de verres) sont à l’essai. « On est sans cesse en réflexion sur la précision, les prises de bois, l’intégration des tanins », explique Alexandra Lebossé, directrice vin du château.
La dégustation est une leçon de choses, du « simple » pauillac au grand cru classé. « Ce n’est pas un hasard si l’on s’est rapprochés du domaine au fil des ans, accentuant notre relation de confiance mutuelle » souligne Alaric de Portal, directeur général de Ventealapropriete et grand amateur de Pichon. « C’est une relation personnelle, un lien de conviction fort qui s’est établi entre notre expertise et le haut degré d’exigence de ce cru, une proximité qui va bien au-delà d’un simple échange commercial et qui permet de nous tenir à ses côtés dans une position privilégiée », ajoute-t-il.
« De la puissance, mais surtout une grande finesse » Même si l’âme du grand vin – le cabernet sauvignon – est restée inchangée depuis plus de quarante ans, sa proportion s’est accrue au fil du temps. Le cabernet franc, aujourd’hui modeste dans le vignoble avec 5 % d’encépagement, devrait lui aussi revenir en grâce. Quant au malbec, qui composait sans doute l’essentiel du cru à sa naissance, il n’est plus d’actualité, ou très peu, non pas qu’il soit banni, mais parce
Ci-dessus : Aymeric Hervy (à g.), directeur vignoble depuis 2017 et Thomas Blanquer, responsable achats de Ventealapropriete.
que Pierre Montégut n’a pas encore trouvé la sélection qui lui convenait. « Pichon Baron, c’est de la puissance, mais surtout une incroyable finesse, portée par les cabernets. Il faut la fermeté, mais aussi le velouté, travailler l’extraction pour qu’il y ait des muscles, sans pour autant laisser deviner leur présence », commente-t-il. Un équilibre sur le fil que la dégustation illustre à chaque millésime. Et cette évidence : quelle que soit l’année, Pichon Baron impose sa classe. Comme sur ce 2019 et ses 87 % de cabernet sauvignon (la plus forte proportion à ce jour de l’histoire du cru), magistral d’allonge, l’onctueux 2020, dans un registre plus généreux, ou le délicieux 2016, lui aussi éminemment cabernet (85 %) et extrêmement raffiné.
Dans le dernier
carré des plus grands pauillacs
Les vins ont beaucoup évolué aussi dans leurs matières. Les élevages ont été réduits, avec moins de bois neuf – de l’ordre de 65 à 70 % aujourd’hui contre 80 à 90 % auparavant – et la dégustation dicte tout. « On décide des durées d’élevage selon le vin et le millésime, pour cela on déguste très souvent et on prend le temps qu’il faut. Désormais, nous disposons de deux chais, pour deux ans d’élevage, ce qui permet de laisser les vins s’affiner tranquillement », explique Alexandra Lebossé. « Depuis 2020 complète l’artisan de ce changement, Pierre Montégut, les cuves bois viennent affiner les élevages ; les vins sont sortis de barriques après un an et placés dans ces grandes cuves avant d’être mis en bouteilles. Cela affine davantage leur grain de tanin. »
Les autres cuvées de la propriété sont tout aussi recherchées, travaillées avec la même rigueur. Les Tourelles de Longueville – dont Ventealapropriete a la distribution exclusive en Primeurs – est resté fidèle au style des années 90, avec une part de merlot majoritaire, de l’ordre de 65 % en moyenne selon les millésimes, ce qui lui donne une très belle onctuosité. Depuis 2012, Les Griffons s’inscrit davantage dans la lignée du grand vin, avec une belle proportion de cabernet
sauvignon, mais issu d’un autre terroir. « La part du grand vin a été drastiquement réduite à partir de 2001 ; on produit davantage de Tourelles et on limite le premier vin aux 40 hectares du plateau, son cœur de terroir. Cela nous a permis de proposer une gamme plus complète, que nous agrandissons aujourd’hui avec l’arrivée d’un Griffons blanc ! » s’enthousiasme Pierre Montégut. Un pur sémillon issu de terres plus calcaires, au nord du vignoble, produit pour la première fois en 2022 et qui reste à ce stade forcément confidentiel.
Ces ajustements sont autant de fils d’or qui permettent au cru de toujours figurer, millésime après millésime, dans le dernier carré des plus grands pauillacs. Sur la route des châteaux, les deux tourelles s’aperçoivent de loin ; bordée par le fleuve, regardant son frère siamois Pichon Comtesse, l’imposante bâtisse flanquée de hauts murs assoit son rang et son aura. Tous les connaisseurs le savent. Ce domaine offre bien plus que ses vins : une fenêtre sur le temps, un morceau d’histoire.
CHÂTEAU PICHON BARON
Superficie / 75 hectares
Cépages / Cabernet sauvignon (66 %), merlot (28 %), cabernet franc (5 %), petit verdot (1 %)
Terroir / Graves profondes sur sous-sol d’argiles et de calcaires
Vins / Château Pichon Baron, Les Tourelles de Longueville, Les Griffons de Pichon Baron (rouge et blanc), Pauillac.
Château Pichon Baron Pauillac Rouge 2016. Dense et velouté, porté par 85 % de cabernet sauvignon, ce millésime allie puissance et élégance autour de fruits noirs intenses et d’épices douces. Un grand pauillac prêt à traverser les décennies.
l’éclat d’un joyau hongrois
Situé dans la région de Tokaj, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2002, le vignoble de Disznókő produit des vins doux présentant le juste équilibre entre la pureté du fruit, l’harmonie des cépages et la complexité du botrytis.
Texte Victor Coutard
DANS LA SPHÈRE VITICOLE, les appellations jouent un rôle central et évoquent tout à la fois un terroir, une tradition et un savoir-faire. L’usage du terme « tokaj » incarne avec force ce qui semble une évidence. En Alsace, les vins issus de pinot gris ont longtemps été commercialisés sous le nom de Tokay d’Alsace, une appellation qui faisait écho au tokaj hongrois, produit à partir d’un autre cépage. En 1990, au sortir de la période communiste, la Hongrie a entrepris des démarches pour protéger l’exclusivité de l’usage de cette dénomination aux vins de son terroir. Après d’âpres discussions à l’échelle européenne, les pinots gris ont dû abandonner cette appellation pour permettre au nom Tokaj d’être associé uniquement aux particularités du sol hongrois et de ses méthodes de production. Ainsi que le souligne Alaric de Portal, directeur général de Ventealapropriete : « La Hongrie est une zone de production historique et reconnue, grâce aux liquoreux dont l’expression est plus concentrée qu’en France. » Le Tokaj s’avère d’ailleurs être l’une des plus anciennes appellations viticoles délimitées au monde, avec celle de Porto ; aussi ancienne que le berceau de ces vins doux qui ont fait la renommée du pays à l’international. Cette région historique de Hongrie incarne l’héritage d’une technique spécifique, dont le vignoble de Disznókő s’impose comme un ambassadeur de choix. Une double dégustation, horizontale puis verticale, permet de mesurer la richesse et la variété de ses cuvées. Elles offrent à voir différentes nuances d’or ou d’ambre. En bouche, les vins développent des arômes de compotée de fruits ou de fruits secs contrebalancés par la présence d’une acidité caractéristique. Si le Tokaji Aszú 5 Puttonyos 1993, première cuvée après le rachat du
domaine par AXA Millésimes, s’est distingué comme marqueur du début de la renaissance du vignoble après l’ère soviétique, chaque millésime, par sa singularité, a pu témoigner du lien qui unit ce terroir et le savoir-faire de ses vignerons, dont László Mészáros, directeur du domaine, est l’un des artisans passionnés.
L’art de maîtriser la pourriture noble
Située à une latitude comparable à celle de la Champagne, la région de Tokaj jouit d’un climat continental, avec ses hivers rigoureux, ses printemps courts et ses étés longs et chauds. Les vignes de Disznókő s’étendent à flanc de colline, face à la Puszta, la Grande Plaine hongroise. Baignés par la lumière dorée du soleil et bercés par les vents constants venus de la steppe, les cépages autochtones s’y épanouissent. « Ils amènent leur propre palette aromatique, note Alaric de Portal, cela crée des vins uniques d’une richesse et d’une complexité remarquables. » Disznókő cultive les cépages historiques hongrois, enracinés dans le terroir du Tokaj. Le furmint, majoritaire, capte les nuances de cette terre. Tardif et acide, il se mue en vin Aszú avec une finesse étonnante. Le hárslevelü, un cépage local, ajoute une touche florale et douce, alors que le zéta, issu d’un croisement, se distingue par sa précocité et sa capacité à atteindre la pourriture noble rapidement. Le sárgamuskotály, plus rare, mais tout aussi fascinant, offre les notes aromatiques de son jumeau, le muscat à petits grains du sud de la France.
La production des vins sucrés de Tokaj repose sur un processus connu des amateurs de Sauternes : l’art de maîtriser la pourriture noble. Le vin doux de Tokaj repose sur l’apparition de deux phéno-
Ci-dessus, à droite : László Mészáros a rejoint le domaine Disznókő en 1995 ; il en est le directeur depuis 2000.
mènes : le botrytis, un champignon, et le dessèchement des grappes sur le pied de vigne. C’est l’équilibre entre ces deux principes actifs naturels qui détermine la qualité de la baie dite aszú (« séché » en hongrois), sur laquelle repose le profil aromatique de chaque millésime. Les vendanges se déroulent donc sur plusieurs jours, car les raisins aszú sont sélectionnés un par un et cueillis à la main grâce à plusieurs passages dans les rangs, à mesure de 10 kilos tout au plus par jour et par vendangeur. De retour au chai, chaque lot sera vinifié séparément et élevé individuellement pour préparer des assemblages qui assurent à chaque année son expression particulière.
Sec et humide, exposé et protégé
Le vignoble de Disznókő s’étend sur 150 hectares (dont 112 de vignes) situées entre 135 et 220 mètres au-dessus du niveau de la mer. Composé d’un seul tenant, protégé des tempêtes par la montagne Zemplén, et situé à une poignée de kilomètres des frontières slovaque et ukrainienne, il est auréolé de magie dès l’arrivée de l’automne, quand la succession des journées chaudes et des nuits fraîches favorise les brumes matinales nécessaires à l’apparition du botrytis. L’humidité provient des rivières Bodrog et Tisza toutes proches et des terrains marécageux qui bordent la plaine hongroise. Les vents chauds d’ouest-est traversant la Puszta favorisent le dessèchement des raisins. C’est l’endroit idéal pour le Tokaj, à la fois sec et humide, exposé et protégé. Chez Disznókő, les cuvées bénéficient de plus de deux ans d’élevage, dont au moins 18 mois dans des fûts de chêne issus de forêts hongroises et françaises. Ce n’est qu’au terme de ce délai que l’équipe de vinificateurs, dirigée par László Mészáros, effectue une dégus-
tation à l’aveugle afin d’évaluer la qualité du millésime et de créer les meilleurs assemblages. Au cours de ce travail, une attention particulière est portée à la quantité de sucre, exprimée en puttonyos, une unité de mesure ancienne qui correspondait jadis à une hotte traditionnelle de 25 litres de grains aszù incorporés dans le vin clair. Plus la teneur en sucre résiduel du vin est élevée, plus le nombre de puttonyos le sera aussi. C’est ce qui distingue les cuvées Disznókő Tokaji Aszú 5 et 6 Puttonyos.
À une époque où les vins liquoreux ne demandent qu’à être redécouverts, les cuvées de Disznókő offrent une expérience sensorielle qui rappelle à quel point la palette des émotions viticoles est large. La dégustation commence bien sûr par l’observation de la robe des vins, allant du doré au presque ambré. « En bouche, les arômes de fruits secs ou confits, de miel, sont magnifiquement contrebalancés par une acidité maîtrisée et apportent des notes d’agrumes ou de fleurs blanches », relève Thomas Blanquer, responsable achats chez Ventealapropriete. Pour apprécier pleinement les vins du domaine, l’association avec des desserts sur base de fruit jaune est la première évidence. Un saint-honoré les accompagnera avec élégance et de façon plus générale, ce qui se marie bien avec le sauternes (voir p.42) fonctionnera avec des Tokaj. László Mészáros conseille de surprendre en les servant au cours du repas : « Je les aime avec des viandes blanches et grasses, comme une belle échine de porc rôtie » ; ou de se laisser aller à les déguster seuls, en méditation, afin de savourer la profusion de leurs arômes. Malgré cette dernière invitation, ce soir-là, au restaurant du domaine, le Tokaji Aszú 5 Puttonyos trouve un répondant parfait dans l’épaisse soupe de poissons de rivière servie traditionnellement entre l’entrée et le plat
principal. « C’est intéressant de goûter nos vins à table. Je suis certain qu’il existe de multiples possibilités d’accords et j’aimerais travailler avec des chefs pour étudier la question », partage László Mészáros.
« On peut considérer que notre premier millésime, c’est 1993 »
Le Tokaj a vécu de grandes mutations, notamment avec l’industrialisation imposée par la période communiste, qui a uniformisé les goûts et terni la diversité des saveurs. C’est au début des années 90, avec la libération des vignes et le retour des techniques respectant le terroir, que les cuvées ont retrouvé leur éclat. Aujourd’hui, la dégustation verticale de ces vins, millésime après millésime, révèle cette lente métamorphose, témoin de la patience et du retour aux sources des vignerons du Tokaj.
Pour Disznókő, le renouveau a lieu dès 1992 avec le rachat des vignes et la création de l’association Tokaj Renaissance, qui a permis de fédérer les vignerons voulant des vins qui conservaient les spécificités locales, produits dans le respect des traditions viticoles hongroises. « Toute une génération avait été habituée aux méthodes industrielles et destructrices de la typicité du terroir de l’époque communiste… Pourtant, quand on goûte des vins d’avant-guerre, ils n’avaient rien à voir, ils n’étaient pas aussi oxydés. On peut considérer que notre premier millésime, c’est 1993. À l’époque, il n’avait pas plu à tout le monde, mais aujourd’hui, avec le recul, on se rend compte que nous étions dans le vrai » conclut László Mészáros. Depuis, Disznókő n’a cessé de se perfectionner grâce à la modernisation des chais et à l’acquisition d’un maté-
riel agricole plus performant, qui permettent d’être plus précis dans l’élaboration des vins. Aujourd’hui, chaque millésime exprime une vérité du caractère régional de ces vins. Le domaine propose ainsi une gamme d’une maturité qui n’est plus à démontrer et produit même, depuis peu, des vins blancs secs d’une grande valeur.
« Ici, ça vibre » souffle László Mészáros en observant, admiratif, une murmuration d’étourneaux s’éloigner dans le ciel mordoré depuis le belvédère qui surplombe le vignoble. Là, il baisse les yeux sur le rocher qui a donné son nom au domaine : « la pierre au sanglier », traduction littérale du terme « disznókő ». Le raisin fait le lien entre le ciel et la roche, l’air humide et les vents secs, le passé et le présent. Au fil des millésimes, chaque bouteille est le murmure du terroir. La partition est signée Disznókő
DISZNÓKŐ
Superficie / 112 hectares
Cépages / Furmint, hárslevelű, zéta et sárgamuskotály Terroir / Argile reposant sur un substrat de rhyolite
Production / Env. 200 000 bouteilles, avec de fortes variations selon les millésimes
Vins / Tokaji Aszú 5 et 6 Puttonyos, Tokaji Eszencia, Late Harvest, Édes Szamorodni et Tokaji Dry Furmint
Disznókő 1413 Tokaji Aszú 2017. Issu de raisins confits et concentrés (botrytisés), ce liquoreux parfumé aux notes d’abricot, agrumes et ananas, se révèle riche et crémeux, de grande persistance, tenu par une acidité fraîche et naturelle.
Ci-dessus : les raisins aszú sont sélectionnés un par un et cueillis à la main, grâce à plusieurs passages dans les rangs.
ensemble, c’est tout
Tout au nord de Côte-Rôtie, Jean-Luc Jamet et son fils Benoît formulent des vins de long vieillissement autour d’un pivot simple : l’assemblage. Des cuvées uniques que Ventealapropriete a repérées dès leur premier millésime.
Texte Véronique Raisin
Photos Juliette Treillet
BLOTTI DANS LES REPLIS des méandres du Rhône, surplombant la vallée, le vignoble d’Ampuis s’accroche aux pentes raides qui tombent vers le fleuve. Les chaillées – le nom donné aux terrasses –lacèrent les étroites parcelles sur lesquelles les plants de syrah semblent suspendus. À certains endroits, tenir debout relève de l’exploit et mieux vaut être bien chaussé pour s’attaquer au coteau. Le travail de la vigne est ici héroïque, les vendanges se font uniquement à la main et c’est un perpétuel défilé de porteurs qui se faufilent en ce début d’automne entre chaque pied, du haut de coteau jusqu’en bas. « Nous procédons comme les anciens, nous récoltons à plat, en passant à travers les rangs, sans treuil, pour ramasser chaque grappe », explique Benoît, 25 ans, arrivé sur le domaine en 2019 et associé depuis deux ans à son père Jean-Luc. Regardant le paysage ouvert sur le Rhône, ce dernier se souvient d’un temps pas si lointain où « le blé payait mieux que la vigne ».
Après la guerre, les désherbants sont arrivés et avec eux, la mécanisation du vignoble ; les vieilles vignes ont pu être sauvegardées, certains ont commencé à croire au potentiel de ces coteaux. La famille Jamet a fait partie des précurseurs, aux côtés de grandes figures comme Georges Vernay, Marius Chambeyron, Alfred Gerin ou René Cluzel. « Dans les années 80, se remémore Jean-Luc, mes parents possédaient 1,5 hectare de Côte-Rôtie. Le reste des terres était en polyculture, 10 hectares de vergers répartis entre pêchers et abricotiers. » La bouteille a ensuite bouleversé le commerce du vin, la vigne a commencé à devenir une activité rentable et elle a prospéré, au détriment des autres cultures. Certains, qui avaient hérité de ces bouts de terrain perchés à 400 mètres, balayés par les vents et difficiles
d’accès, voyaient soudain une manne leur revenir. Comme toutes les familles du coin, les Jamet ont traversé cette période et assisté à la mutation culturale et économique de la région. Prudents, ils ont agrandi leur vignoble, mais toujours conservé, en parallèle, une activité de polyculture. Aujourd’hui encore, Jean-Luc et son fils Benoît exploitent huit hectares de vignes sur les plus belles parcelles du Rhône, auxquels s’ajoutent 10 hectares de blé et de colza. Leur trésor réside surtout dans un patrimoine partagé avec Jean-Paul, le frère de Jean-Luc, également vigneron.
Des plants sur échalas, pour soutenir la vigne
Jean-Luc a hérité de 4,5 hectares de vignes sur la zone la plus septentrionale de Côte-Rôtie, des vignobles inclinés à 45 degrés dans les secteurs les plus froids, aujourd’hui véritables atouts à l’aune du changement climatique. « Nous ne sommes jamais les premiers à vendanger, résume-t-il. Ici, les deux combes se rejoignent, les vents assurent un bon état sanitaire aux raisins, l’air est bien brassé. C’est très particulier. Ce secteur ne gèle pas, il est aussi épargné par la grêle, c’est un micro-climat parfait ! » Jean-Luc connaît bien le sujet ; il a très tôt rejoint le domaine familial et s’est attelé à la culture de la vigne, à la suite de ses parents. Il en maîtrise les subtilités, de la taille aux sélections des plants, et connaît par cœur chaque recoin de l’appellation. À sa suite, Christian Martray observe les plants conduits sur échalas, un piquet en bois de châtaignier ou d’acacia qui soutient le cep, le guide dans sa pousse et l’allège de ses grappes. Cette technique permet de maintenir un maximum de feuillage, ce qui favorise la photosynthèse et la maturation des raisins. Elle demande aussi plus de main-d’œuvre, une présence
Ci-dessus : Benoît Jamet, Christian Martray – membre du comité de dégustation de
– et Jean-Luc Jamet.
dans les vignes et une application à la tâche auxquelles Benoît, avec la force de sa jeunesse, ne rechigne pas.
« Côte-Rôtie est un millefeuille, précise Jean-Luc. Une mosaïque de terroirs aux variations multiples. Aucune parcelle ne possède le même sol, la même épaisseur, la même altitude. » Un constat qui l’a toujours guidé dans son approche du vin. Très tôt, le vigneron a plaidé pour l’assemblage, à rebours des modes et sans céder à l’appât du gain. Convaincu que l’union fait la force, il tire de ses différents lots réunis une complexité supérieure ; un héritage historique, mais aussi un fort parti pris, à l’encontre des tendances, qui font la part belle au parcellaire. « Quand on isole un sol, une identité, on soustrait, avancet-il, l’assemblage, lui, sublime le résultat final. » Dans une approche plus champenoise que bourguignonne, ici, les jus sont vinifiés par lots en fonction de cinq grands ensembles définis pour leurs similitudes, puis assemblés dans une cuvée. C’est la particularité du domaine : réaliser une seule cuvée de côte-rôtie, fruit de la diversité des terroirs qui l’ont vu naître.
Fidèles à la tradition de la côte-rôtie historique
Depuis 2013 et l’installation à son nom après la séparation du domaine historique, Jean-Luc Jamet met ses idées en application et s’évertue à approfondir cette approche de la sublimation du lieu. Son fils Benoît l’a reprise à son compte, persuadé lui aussi qu’elle est le fruit de la régularité et d’une plus grande complexité dans les vins. Cet art de l’assemblage décuple leur expressivité et renchérit leurs nuances tout au long de leur vieillissement. « Côte-Rôtie prévaut par ses différences de styles et de terroirs. Il faut s’adapter à chaque sec-
Un berceau nommé Ampuis
Bénéficiant d’un patrimoine de vignes posé sur les plus belles parcelles de Côte-Rôtie, le Domaine Jamet a tiré sa réputation de ces nobles origines. Le berceau de la famille, Ampuis, a vu grandir cette affaire familiale dès les années 70. Elle s’est ensuite scindée en deux en 2013, Jean-Luc Jamet poursuivant à son compte tandis que son frère Jean-Paul héritait de l’autre partie du vignoble, conduite sous son propre nom.
teur, chercher la puissance ou au contraire, privilégier la finesse. Il faut favoriser les mariages ; par l’assemblage, on sublime le terroir au maximum, et selon le caractère de l’année – plutôt sèche ou plutôt fraîche –, on garantit ainsi une grande constance », conclut Jean-Luc Jamet. Cette cuvée sobrement baptisée Terrasses repose sur les plus beaux lieux-dits de Côte-Rôtie, des secteurs souvent revendiqués en cuvées parcellaires par leurs voisins. Jean-Luc et Benoît n’en ont cure, assemblant les raisins de Rochin, Côte Bodin, Bonnivières, Chavaroche, Fongeant, Mornachon, La Landonne et Moutonnes. Des terroirs de feu que beaucoup aimeraient posséder, devenus aujourd’hui inaccessibles et qui se négocient à hauteur du million par hectare, voire davantage. Bien sûr, ils pourraient succomber à la facilité de gagner toujours plus et céder aux sirènes de la multiplication des cuvées. Campés sur leur conviction, les Jamet père et fils restent fidèles à leur tradition, celle de la côte-rôtie historique. Extrait de son terroir originel, le vin est vinifié le plus simplement possible, puis élevé
deux ans en barriques de différents formats – 228 litres (pièce bourguignonne), 300 litres et 500 litres (demi-muids) – exclusivement fabriquées par la tonnellerie bordelaise Nadalié. « Chaque année, on renouvelle 5 à 30 % de notre parc à fûts, précise Benoît. On privilégie des chauffes moyennes, pour ne pas marquer les vins par le bois. » Effectivement, point d’emphase toastée ou grillée ici : le raisin s’épanouit, traçant tranquillement les contours de son origine. « On adapte toujours selon le millésime, on ajuste au cas par cas », poursuit le fils. « Le millésime 2021 s’apprécie parfaitement aujourd’hui », souligne Killian Sourice, acheteur en charge du Rhône nord chez Ventealapropriete. En effet, nulle trace de bois ici, mais un jus élégant, subtilement épicé, à la fois souple et aimable. Jean-Luc Jamet ne cache pas sa fierté ; généreux, il nous retient quelques instants encore et ouvre une bouteille du très beau millésime 2016, dans un moment de partage improvisé.
Un degré d’expression du terroir hors du commun
Ce domaine campé hors des modes, loin des lubies de l’époque, paraît aujourd’hui presque incongru. Pourtant, depuis sa création, en 2013, sa cote monte irrésistiblement. Son authenticité plaît et attire les connaisseurs. Ventealapropriete est aujourd’hui le plus gros allocataire du domaine sur le marché français : une relation de confiance nourrie et entretenue depuis son premier millésime. Car ici, comme les vins, les rapports personnels sont sans fioritures. Les Jamet sont heureux de faire déguster, en toute simplicité, chaque cuvée de la gamme qui, outre la côte-rôtie, compte deux côtes-du-rhône blanc et rouge et deux vins de pays sur schistes, à base de syrah et de pinot noir. L’occasion de suivre les millésimes, de s’enquérir des volumes
disponibles, de noter les évolutions du domaine et bien sûr, de faire le point sur la récolte en cours.
En 10 ans, les Jamet père et fils ont réussi à exprimer tout ce qui fait une grande côte-rôtie ! Cette signature notable offre un degré d’expressivité du terroir qui va au-delà du commun, avec un caractère inimitable. Preuve que l’on peut se réinventer et tracer sa propre voie, Jean-Luc et Benoît Jamet portent l’audace avec retenue. « Du temps de mon père, on faisait des vins différents, lâche-til. On travaillait davantage par secteur. » À l’écoute de cette vigne qui l’a vu grandir, Jean-Luc fait désormais figure de sage. Il sait que sa vision est celle qui lui convient le mieux. Une conviction que son fils embrasse à son tour et qui permet de poursuivre le récit familial avec confiance et engagement.
DOMAINE JEAN-LUC JAMET
Superficie / 8 hectares dont 4,5 ha sur Côte-Rôtie
Vins / Côte-Rôtie, Côtes du Rhône, IGP Collines rhodaniennes
Production / 45 000 bouteilles, dont 24 000 bouteilles de Côte-Rôtie
Côte-Rôtie Terrasses Rouge 2021. 95/100 (note du comité). Cette syrah de belle carrure libère des notes de fruits mûrs et d’épices, dans un style élégant, à la finale légèrement saline. Une bouteille déjà irrésistible !
Ci-dessus : Killian Sourice, acheteur Ventealapropriete en charge du Rhône nord, en dégustation dans les chais.
Le premier verre du reste de leur vie
Deux professionnels et un amateur éclairé racontent la rencontre avec un vin qui a scellé leur amour pour lui, tout en leur ouvrant l’esprit.
« En goûtant à nouveau ce champagne des années après, j’ai éprouvé les mêmes sensations »
Marie Wodecki
Meilleure Jeune Sommelière de France 2023
« Lorsque j’étudiais à l’école Ferrandi, à Paris, je suivais des cours d’œnologie. Tous les étudiants étaient alors éparpillés partout en France et l’un de mes camarades se trouvait en Champagne. Un jour, il a rapporté une bouteille d’Éric Rodez, vigneron à Ambonnay. J’ai été frappée par la finesse de ce blanc de noirs, à la bulle délicate, aux accents très vineux. Je me souviens parfaitement de ce côté digeste, de cette spontanéité, ces arômes de fruits du verger, ces notes de brioche et de pain toasté. C’était la première fois que je ressentais une telle émotion, et je l’ai instinctivement pris en photo afin de le garder en mémoire. Je situe à ce moment précis ma découverte du champagne de gastronomie. Je suis retournée en Champagne récemment et j’ai eu la chance de le déguster à nouveau. Des années après, j’ai retrouvé les mêmes sensations. De mon enfance, je garde le souvenir de réunions de famille durant lesquelles on privilégiait une maison de champagne, toujours la même, sans trop se poser de questions. Cette découverte tardive a éveillé ma curiosité, j’ai réalisé qu’il y avait toute une palette de champagnes différents, cela m’a considérablement ouvert l’esprit. J’habitais à Paris à l’époque et la Champagne était un vignoble très facile d’accès. Dans le secteur du Sézannais, j’ai aussi découvert le Domaine Ulysse Collin. Olivier Collin, aujourd’hui à sa tête, est un amoureux de la Bourgogne, et cela se sent dans ses champagnes ; c’était une grande rencontre. J’avais mis ses cuvées à la carte du Crillon et je me souviens d’un client qui en commandait une bouteille
chaque dimanche ! À l’inverse, je n’ai jamais rencontré Éric Rodez. Il a, hélas, peu de temps pour les visites. »
« On déguste
parfois des vins
qui ont été élaborés alors que nous n’étions pas encore nés. C’est vertigineux. »
Maël Vincent Acheteur vins et spiritueux chez Ventealapropriete
« Il y a trois ou quatre ans, j’ai eu la chance de visiter le domaine de Terrebrune, à Bandol, et à l’époque, j’avais été impressionné par les rosés découverts sur place. Je n’étais pas très au fait de leur potentiel de garde, que j’imaginais beaucoup plus restreint. Le fait de pouvoir les déguster dans le chai, au milieu des grands foudres, m’a aussi marqué. Nous avons pris le temps d’une verticale, à partir du millésime 2020 pour redescendre jusqu’en 1995, et cela a créé un précédent dans mon imaginaire du vin. C’était la première fois que j’allais à Bandol et que je goûtais des rosés pensés pour la table. Ce sont des vins dans lesquels on retrouve une structure, une profondeur, des arômes puissants, une minéralité. Cela se rapproche presque d’un blanc. Ce jour-là, j’ai compris que le rosé pouvait se livrer à travers les années et réalisé où cela pouvait nous emmener. Le plus émouvant aura été le 1995, car cela me rapprochait de mon année de naissance : il avait presque 30 ans, j’ai trouvé cela très beau, il exprimait à chaque seconde des choses inimaginables. Je suis toujours ému de réaliser qu’il y a des vins que les vignerons ne dégusteront pas de leur vivant et à l’inverse, que certains vins que l’on déguste ont été élaborés alors que nous n’étions pas nés. C’est vertigineux. Terrebrune a aussi été une rencontre humaine, celle d’un homme habité par son domaine. Je mesure ma chance de
trouver des portes aussi grandes ouvertes, car on s’imprègne beaucoup mieux d’un vin en rencontrant le vigneron, en découvrant une personnalité, un terroir. En définitive, on trouve mieux les mots. »
« J’aime aller à la rencontre des vignerons, cela donne au vin une autre dimension. »
Frédéric Bille
Membre VIP+ de Ventealapropriete
Cofondateur de la société Barrère & Capdevielle « Ma plus grande émotion en matière de vin, je l’ai éprouvée la première fois que je suis allé chez Marcel Richaud, dans la vallée du Rhône, en 1998, et que nous avons fait une dégustation en cave. J’aime aller à la rencontre des vignerons, cela donne au vin une autre dimension. Il était en train de construire l’un des premiers chais en calcaire creusés sous terre, c’est un homme qui respecte vraiment les sols, les vignes, le vivant. Il me racontait le choix des grappes, et parvenait à mettre une image sur chacune de ses cuvées : il y avait à la fois ce qu’il voulait faire et ce que l’on ressentait. C’était la première fois que je comprenais vraiment ce qu’un vigneron voulait obtenir. Depuis, j’ai toujours une admiration pour la profession, et particulièrement pour le travail réalisé en amont. J’avais alors 25 ans et ce sont les premières bouteilles que j’achetais pour ma cave, il était donc essentiel de comprendre comment se faisait une cuvée. Je garde notamment un souvenir ému de la cuvée L’Ebrescade : elle était très expressive, avec beaucoup de fruit, ce n’était pas un vin très vieux, il venait d’être mis en bouteille, les tanins étaient éminemment fins, ils avaient une vraie identité. Je ne connaissais pas bien cette région-là, et j’ai aimé cette robe violette, cette belle longueur. En plus, je pense que 1998 a un potentiel de garde extraordinaire. » ALICIA DOREY /
Accords bluffants
On n’aurait pas misé sur elles. Pourtant, les cinq associations qui suivent sont magistrales. Bien connus des sommeliers, ces « secrets d’initiés » transporteront vos hôtes dans une sphère privilégiée de dégustation.
POULET RÔTI ET POMMES DE TERRE AU JUS + CHÂTEAU SUDUIRAUT SAUTERNES 2004
Préparation / 15 min – Cuisson / 2h10
Pour 6 personnes : 1 poulet fermier de 2 kg vidé, 6 échalotes, 8 gousses d’ail, 50 g de beurre fondu, 10 branches de thym, 4 feuilles de laurier, 1/2 citron bio, 1 kg de pommes de terre, huile d’olive, sel, poivre du moulin
Sortez le poulet au moins 1 h à l’avance, sa chair n’en sera que plus tendre. Préchauffez le four à 150 °C (th. 5) en chaleur tournante. Épluchez les échalotes et les gousses d’ail et déposez-les dans un plat avec un petit fond d’eau (environ 1/2 cm) et 2 c. à s. d’huile d’olive. ↗ Déposez le poulet sur une grille dans le plat (cela permet de laisser le jus s’écouler, mais ce n’est pas indispensable) et badigeonnez-le de beurre fondu. Insérez la moitié du thym, les feuilles de laurier et le 1/2 citron dans le poulet. Effeuillez le reste du thym sur le poulet, déposez dessus le reste des feuilles de laurier, salez et poivrez. ↗ Enfournez 2h en arrosant le poulet régulièrement (toutes les 15 min environ)
avec le jus de cuisson récupéré dans le fond du plat. ↗ Frottez la peau des pommes de terre pour les nettoyer, puis découpez-les en rondelles. Ajoutez-les dans le fond du plat autour du poulet au bout d’une heure de cuisson. Remuez-les pendant la cuisson pour bien les enrober du jus de poulet.Pour les 10 dernières minutes de cuisson, montez la température du four à 180 °C (th.6).
L’accord C’est l’une des traditions culinaires sauternaises, où le croustillant de la peau fait le lien avec la sucrosité du vin, sans que l’un ne domine. Ce cru classé de 20 ans d’âge, apaisé et délicat, est le parfait candidat à ce jeu des saveurs. Un rapport contre-intuitif où le sucre s’efface et les textures triomphent.
Photos Adrien Sgandurra
Réalisation Audrey Cosson
HUÎTRES
DE CANCALE
ET SAUCE VIERGE AUX POIRES + DOMAINE JÉRÔME FORGET - POIRÉ DOMFRONT
AOP 2022
Pour 4 personnes
Préparation / 25 min
2 douzaines d’huîtres de Cancale
Le jus d’1 citron, 1 petite échalote 1 poire Williams, 5 cl de vinaigre de cidre, beurre, gros sel de Guérande
Ouvrez les huîtres et réservez-les au frais. Épluchez et ciselez l’échalote. Épluchez la poire
Williams et découpez-la en petits dés. Dans un bol, mélangez le vinaigre de cidre, le jus de citron, l’échalote ciselée et les dés de poire.
↗ Servez les huîtres sur un lit de gros sel de Guérande. Accompagnez-les de la sauce vierge aux poires, de beurre et de pain de seigle.
L’histoire L’huître de Cancale est une perle. Déjà très prisé à la table de Louis XIV, ce joyau
comestible doit sa saveur à un terroir exceptionnel. Élevé en pleine mer dans la baie du Mont-Saint-Michel, le coquillage est bercé par le rythme des marées et nourri par la diversité des courants chargés de nutriments. Ceux, puissants, qui traversent la baie, s’associent à la fraîcheur des eaux de la Manche, tempérées par le Gulf Stream. Cette richesse lui permet de développer au fil du temps un goût intensément iodé, relevé de fines notes de noisette. Sa chair croquante, dense et charnue, se déploie en bouche avec une profondeur rare. Unique, l’huître de Cancale l’est enfin par sa forme : plate, avec une coquille légèrement ondulée en forme de cœur, à la blancheur éclatante.
L’accord Insolite, il fait résonner la poire en deux versions, crue et fermentée. La douceur du poiré où le fruit pressé, puis fermenté, livre des arômes mûrs et suaves, répond par contraste à l’échalote et à l’acidité du vinaigre et du jus de citron. Un jeu d’équilibriste entre vivacité et douceur, moelleux et piquant.
PIGEON AU CACAO DE PIERRE GAGNAIRE + PORTO QUINTA DO NOVAL VINTAGE 2020
Pour 4 personnes
Prép. / 40 min – Cuisson / 80 min – Repos / 30 min 4 pigeons d’environ 450 g chacun, prêts à cuire 105 g de beurre, 2 échalotes ciselées 1 branche de céleri émincée, 1 carotte coupée en petits dés, 1/2 poivron rouge émincé, 1 branche de thym, 1 pot de yaourt de vin marsala, 1 pot de yaourt de vin rouge (côtes-du-rhône), 1 c. à s. de confiture de cassis, le jus d’1/2 citron, 80 g de chocolat amer (minimum 75 % de cacao), 1 c. à c. de cacao en poudre, 1 pincée de piment d’Espelette, fleur de sel, poivre noir
Préchauffez le four à 180 °C (th. 6) en chaleur tournante. Dans un plat, badigeonnez les pigeons de 20 g de beurre fondu et enfournez-les 25 à 30 min. Retirez-les et laissez-les reposer 1/2 heure. Levez les filets en gardant la peau et l’aile. Dans une poêle, saisissez-les au beurre, puis réservez-les au chaud dans un plat avec 50 g de beurre et le jus d’1/2 citron. ↗ Concassez les cuisses et les carcasses. Dans une casserole épaisse, faites-les colorer avec le reste de beurre et égouttez-les. Réchauffez la casserole avec le beurre, ajoutez les échalotes ciselées, le céleri-branche émincé, les dés de carotte, le poivron rouge émincé et le thym. Laissez colorer, remettez les carcasses et les cuisses, versez les deux alcools et laissez cuire jusqu’à ce que le liquide soit quasi absorbé, en remuant soigneusement. Versez un peu d’eau à hauteur. Laissez cuire doucement 45 min. Passez au chinois en pressant bien pour récupérer les sucs. ↗ Versez ce liquide dans un récipient haut et laissez refroidir afin de retirer facilement le gras. Remettez le jus dans une casserole propre, faites-le réduire, puis ajoutez la confiture de cassis. Une fois le liquide devenu sirupeux, ajoutez le chocolat, le cacao et 1 c. à s. de beurre. Attention, cette sauce ne doit plus bouillir. Rectifiez le goût en ajoutant du piment d’Espelette. ↗ Taillez la moitié des filets en aiguillettes, assaisonnez-les de fleur de sel et de poivre noir concassé. Déposez un peu de la sauce cacao chaude dans le fond de chaque assiette. Disposez les filets avec leur aile et les aiguillettes de pigeon. ↗ Vous pouvez servir ce plat avec des pommes Dauphine, une mâche et des champignons de Paris crus.
L’accord Ce plat de caractère a besoin de répondant ; ce porto millésimé est un séducteur né. De bel équilibre, il développe toutefois une superbe densité dans une structure tannique qui apprivoisera immédiatement le pigeon. Un accord ton sur ton original.
TARTE AU PAMPLEMOUSSE + DOMAINE OSTERTAG ALSACE GEWURZTRAMINER FRONHOLZ
Pour 4 personnes
Prép. / 35 min – Cuisson / 40 min – Repos / 1h30
Pour la pâte sablée
80 g de sucre glace, 25 g de poudre d’amande, 230 g de farine + un peu pour le moule, 120 g de beurre bien froid + un peu pour le moule, 1 œuf, 1 pincée de sel, Pour la garniture : 4 pamplemousses roses, 100 g + 20 g de beurre fondu, 4 œufs, 80 g de sucre en poudre, 100 g de poudre d’amande, 20 g de miel
Préparez la pâte : dans un saladier, mélangez le sucre glace, la poudre d’amande, la farine et le sel. Ajoutez le beurre découpé en petits cubes et mélangez du bout des doigts jusqu’à obtenir une texture sableuse. Ajoutez l’œuf, mélangez pour obtenir une pâte lisse et homogène, formez une boule et étalez-la finement entre deux feuilles de papier cuisson. Déposez au réfrigérateur pendant 1h. ↗ Beurrez et farinez un moule à tarte à fond amovible d’environ 26 cm de diamètre, foncez-le avec la pâte, puis placez au frais pendant 30 min. ↗ Préchauffez le four à 180 °C (th. 6) en chaleur tournante. Enfournez le fond de tarte pendant 10 min. Pendant ce temps, dans un saladier, fouettez 100 g de beurre fondu avec le sucre, les œufs et la poudre d’amande. Versez le tout dans le fond de tarte cuit et enfournez à nouveau 30 min sur une grille dans le bas du four. À la fin de la cuisson, la pâte doit être cuite et la garniture dorée. Retirez du four et laissez refroidir sur une grille. ↗ Montez la température du four à 210 °C (th. 7). Retirez l’écorce et toutes les membranes blanches entre les quartiers des pamplemousses à l’aide d’un couteau pour ne conserver que la chair. Découpez-les en fines tranches et déposez-les sur une plaque recouverte de papier cuisson sans les chevaucher. ↗ Dans un bol, mélangez le reste de beurre fondu avec le miel et badigeonnez les tranches de pamplemousse avec ce mélange avant d’enfourner pendant 10 min. À la sortie du four, déposez les tranches de pamplemousse en rosace sur le fond de tarte et servez sans attendre.
L’accord Craquante, parée d’une fine amertume et d’une pointe de miel, cette tarte irrésistible trouve un écho bachique qui lui va à merveille. Avec ses notes de mandarine et d’agrumes, son jus plein de charme et d’élégance, ce gewurztraminer affiche une pureté insolente qui vient parfaitement souligner la douceur du dessert. Une alliance en miroir détonnante.
QUATUOR DE FROMAGES + CHAMPAGNE
MANDOIS 1er CRU BLANC DE BLANCS 2018
Chaource, Brillat-Savarin, brie de Meaux, camembert fermier : tous ces fromages appartiennent à la famille des pâtes molles à croûte fleurie, reconnaissables à leur texture moelleuse et à leur robe blanche duveteuse, composée en majorité de Penicillium. Cette moisissure, qui donne à la croûte du fromage son relief, était autrefois frottée à la cendre pour en masquer l’aspect alors jugé impropre. Le Brillat-Savarin, souvent considéré comme le plus doux et le plus onctueux de cette famille, se distingue par l’ajout de crème lors de sa fabrication. Son aspect fondant, presque mousseux, justifie son appellation « triple crème » (sa teneur en matières grasses dépasse les 75 %). Le chaource, champenois par excel-
lence, présente également une consistance crémeuse, bien que plus ferme au centre. Fabriqué à partir de lait de vache entier et très légèrement affiné, il offre une saveur à la fois riche et délicate. Couronné « roi des fromages » lors du Congrès de Vienne, en 1815, le brie de Meaux doit ses lettres de noblesse à sa corpulence légèrement coulante, ses arômes beurrés et ceux de noisette, qui s’intensifient au fil de l’affinage. Enfin, le rustique camembert fermier détonne par son intensité : sa pâte, diaboliquement coulante lorsqu’elle est correctement affinée, révèle des notes de sous-bois rehaussées d’une finale légèrement piquante.
L’accord Nourri d’un millésime généreux, forgé par les contrastes météorologiques, ce champagne de chardonnay très peu dosé (en réalité en extra-brut), vinifié pour partie en barriques de chêne, laisse parler ses saveurs délicates sous une bulle extra-fine. De quoi dompter le gras de ces fromages et leur opposer un contrepoint rafraîchissant.
Christophe Moret UN VERRE AVEC…
Ce chef de renom, qui a fait ses classes auprès d’Alain Ducasse, officie aux Crayères, dont la carte des vins a été élue la « plus belle du monde 1 ».
Que boit-on ? Un Vouvray 2022 du domaine Clos Thierrière, le Sang de Roche. Je l’ai découvert en arrivant ici [à Reims, NLDR], alors que c’est un vin de mon coin ! Et il se trouve qu’il s’accorde très bien avec l’un de mes plats signatures : l’oursin. Je l’ai créé quand j’étais chef de L’Abeille, à Paris (on le proposait avec un saké). C’est un plat surprenant, qui déconstruit les a priori sur les oursins. Les oursinades en Méditerranée, c’est entre copains avec une bouteille de blanc. Quand il est frais, l’oursin a un iode magnifique, un petit gras, une rondeur… Magique !
Ce vin est parfait pour ce plat, il en révèle le côté fumé et salin. Et puis, c’est un vin de Loire.
Quelle est l’émotion qui vient avec ce Vouvray ? Je vois mes coteaux, la craie et la beauté du chenin, qui donne des petits vins.
Mais je ne vais pas évoquer ici la piquette qu’on faisait chez mes grands-parents !
Mais, si justement ! Mon premier contact avec le vin, c’est vers mes huit ans. On est chez mes grands-parents, donc, à SaintBenoît-sur-Loire. Dans une cuve en bois, on foule aux pieds les huit rangs de vignes familiaux… Une grande partie de rigolade avec les cousins. On faisait un vin orléanais qui s’appelle le gris meunier, du nom du cépage. On le filtre, on le passe, on le met en barrique, on le dépose dans la cave en terre battue avec les patates, les betteraves. C’était un petit vin de paysan.
Quel vin incarne selon vous l’insouciance de l’enfance ?
C’est un vin de Du Bellay, un vin de soif. Tu ne calcules rien. Tu bois pour le plaisir que ça procure. Je peux avoir cette sensation aussi avec les bourgueils. Et j’ai une passion pour les chablis Fourchaume. En revanche, l’insouciance n’est pas dans le champagne. Car chez nous, à Orléans, c’étaient des vins de luxe pour les grandes occasions.
Une fois cuisinier, comment avez-vous rencontré le vin ?
Avec Alain Ducasse, au Louis XV. Je n’étais que chef de partie et parfois, on échangeait avec un chef sommelier. J’ai gardé de cette époque la conviction que la cuisine française marche avec le vin. C’est le liant du plat.
Que pense le saucier que vous êtes du lien entre la sauce et le vin ? Le château-chalon est d’une complexité incroyable qui apporte ce qu’il faut à nos sauces. Les vins de voile font les grandes sauces aux morilles, les
grands sabayons. Les vins jaunes sont des vins oxydatifs très intéressants. Je les adore surtout à l’apéritif, car après, tu as un palais impeccable, prêt à déguster un bon repas. Pour revenir à la cuisine pure, je travaille aussi beaucoup les miroirs de vin. On réduit à glace le vin rouge et ce condensé nous permet d’ajuster la sauce. Le miroir redonne à la sauce de la couleur, de la tenue, de la profondeur, de l’acidité.
Le champagne en cuisine, comment l’utiliseriez-vous ?
Je ne cuisine pas au champagne, il ne supporte pas la cuisson et mérite qu’on l’utilise à cru, en finition. Dans une sauce, un sabayon, il apportera sa fraîcheur.
Quels accords aimez-vous avec le champagne ? J’ai découvert un accord gibier à plumes-champagne rosé – un Boizel grande cuvée rosé sur une perdrix. Un peu vieux, le rosé demi-sec perd son sucre et s’approche d’un vin. C’était dingue.
Vous dites qu’il n’y a pas de gastronomie sans vin. Y a-t-il du vin sans gastronomie ?
Ah oui, oui, oui. Les grands vins se suffisent à eux-mêmes. J’ai ouvert il n’y a pas longtemps, avec quelques amis, un Jamet 2010 : je l’ai bu pour lui. Je n’ai pas cherché à aller plus loin. Sa profondeur, sa richesse, sa fraîcheur… Alors qu’il avait 14 ans, il était au meilleur de sa forme.
Quelles ont été vos belles rencontres dans le monde du vin ?
J’ai eu la chance d’avoir Antoine Pétrus comme premier grand chef sommelier, chez Lasserre. Il m’a montré une approche du vin redoutable. Il m’a appris à garder
mon analyse de chef cuisinier. Elle n’est pas professionnelle, mais sensorielle, gustative. On a une spontanéité dans la dégustation du vin, une émotion directe. En fin de service, il est arrivé qu’Antoine nous fasse goûter des fins d’Yquem 49. Bwoualala !
Quel est le point commun entre un sommelier et un chef ?
La curiosité. On est tous dans la quête absolue du goût. D’ailleurs, j’aurais aussi aimé être sommelier ! C’est le métier le plus intéressant de la salle, avec une culture incroyable et le plaisir de la relation humaine.
En tant que néo-Champenois, qu’avez-vous découvert sur le champagne ? Je n’ai pas une grande culture en la matière. Nicolas, le sommelier, me fait goûter plein de choses. Et je me rends compte qu’il n’y a pas un champagne, mais des champagnes, avec des typicités que je ne soupçonnais pas. J’espère que cet hiver, j’aurai le temps de visiter des caves. Adrien Renoir, en 100 % pinot noir à Verzy, m’a ouvert l’esprit sur la complexité du blanc de noirs. J’ai compris que le champagne était un vin.
Qu’attendez-vous d’un champagne ? Je n’aime pas le sucre dans le vin. C’est un truc des gens de la Loire : il ne faut pas qu’un vin soit austère, mais il doit filer droit. Même si certains extrabruts sont quand même un peu trop extrêmes pour moi…
Vous avez une pépite cachée dans la cave des Crayères ? Non, mais c’est sans aucun doute la plus belle de Champagne !
nos atouts cœur
Thomas
Blanquer, Benjamin Bounoure, Nicolas Sanson, Killian
Sourice et Maël Vincent débusquent les meilleures cuvées pour vous. Voici leurs trésors du vignoble, des recommandations pointues. Faites confiance à nos experts !
Clos de la Barthassade
Terrasses du Larzac
Les Ouvrées Rouge 2022 (19,90 €) 94/100
Voilà l’une des étiquettes qui rebat les cartes de la hiérarchie languedocienne.
Au Clos de la Barthassade, Hélène et Guillaume Baron enchantent les Terrasses du Larzac avec des vins scintillants de fruit. Les 13 hectares étagés sur les meilleurs secteurs de l’appellation, entre Montpeyroux, Saint-Saturnin et Jonquières, sont menés en biodynamie avec attention et rigueur. Inspiré par son expérience bourguignonne, passé par le Domaine Trévallon, le couple s’applique à sculpter des vins digestes, épatants de fraîcheur, portés par une belle expression de saveurs. À l’image de cette cuvée pulpeuse, gourmande, consistante, ode à ces fabuleux terroirs : un jus exceptionnel qui a séduit l’ensemble du comité.
Domaine du Terme
Gigondas Rouge 2022 (16,90 €) 93/100
Ce domaine traverse les millésimes avec une régularité sans faille, proposant chaque année un gigondas de compétition à un prix savoureux. Ce 2022 façonné avec mesure puise sa délicatesse de vinifications douces et de terroirs de feu situés sur le plateau historique de l’appellation, à 200 mètres d’altitude. D’une précision
parfaite, il déroule un fruit pur et assure un vin de grand caractère capable de braver les années. C’est un vin profond, dense et racé, sans doute à nos yeux l’une des plus belles expressions du secteur sur ce millésime complet. Depuis cinq générations, la famille Gaudin, portée par Anne-Marie Gaudin-Riché et son fils Henry, s’emploie à façonner des vins à forte identité. Cette discrète adresse ne clame pas sa réussite, mais les amateurs connaissent sa valeur ; les 11 hectares d’un seul tenant livrent ces vins sobrement élevés en cuves et en foudres, de façon traditionnelle. Aucun artifice ici, seul le terroir s’exprime !
Ce domaine a touché en plein cœur notre comité. Solidement ancrée à Meursault, cette adresse a su prendre le virage de la modernité et s’adjoindre les services des techniciens les plus prisés, revenant sur le devant de la scène avec ferveur. L’arrivée de Philippe Pacalet, œnologue de renom connu pour ses vinifications sans sulfites, au plus proche du raisin, signe le retour au sommet de cette maison historique, encore confidentielle, repliée sur 5 hectares. Une pépite saluée par Olivier Poussier, Meilleur Sommelier du Monde et membre du comité, qui devrait rapidement voir sa cote grimper. Avant cela, il faut profiter de ce meursault issu d’un patrimoine de première classe, qui illustre ce beau renouveau. Un enchantement !
Domaine
Aurélien Chirat
Saint-Joseph La Côte Rouge 2023 (17,90 €) 94/100
En véritable orfèvre, Aurélien Chirat apprivoise les pentes vertigineuses de Condrieu, Côte-Rôtie et Saint-Joseph avec une dextérité peu commune. Sa connaissance intime de ces terroirs couplée à une impeccable maîtrise technique lui permet de réaliser des cuvées insolentes de précision et de régularité, au rapport prix-plaisir inégalé. Perfectionniste, il a réduit ses surfaces pour se concentrer sur huit hectares, allongeant ses élevages avec une finition en foudres de bois Stockinger, la Rolls des tonneliers. Des mesures drastiques qui montrent l’exigence du vigneron, logiquement récompensé d’une étoile par la Revue des vins de France. Ce saint-joseph illustre son talent, livrant un jus d’une classe immense, au grain velouté, vibrant et finement épicé. Du grand art !
Domaine
Chevrot et Fils
Hautes-Côtes de Beaune Rouge 2022 (19,90 €) 94/100
Indissociables du terroir de Maranges, les frères Chevrot en sont certainement les artisans les plus attachants. Culture biologique, labours au cheval, récolte à maturité parfaite, élevages longs : Pablo et Vincent conçoivent des vins aux matières fines et ciselées, structurés autour d’un jus riche, séveux, totalement épanoui. Cette exigence forge des cuvées de haute intensité qui ne lassent pas les connaisseurs, dont nous sommes ! Toutes respirent la fraîcheur et le fruit mûr, comme ce délicieux pinot noir, onctueux et déjà terriblement charmeur par son élégance raffinée.
LE CHOIX DE NICOLAS SANSON
LE CHOIX DE KILLIAN SOURICE
Les prix sont indiqués pour une livraison en France métropolitaine. Portraits : Nicolas Dormont
Domaine du Pré Semelé
Sancerre Mainbré Rouge 2022 (22,90 €) 94/100
Propulsés parmi les plus belles étiquettes de Sancerre, Julien et Clément Raimbault se posent en nouvelle garde du vignoble sancerrois.
Formés chez Vincent Pinard et Alphonse Mellot, les deux frères ont vite trouvé leur propre chemin d’expression, ciselant des vins furieusement équilibrés, d’une pureté d’exécution notoire. Culture biologique, extractions douces, élevages ad hoc permettent de livrer des cuvées de juste maturité, à la chair pulpeuse et salivante. Les rouges, notamment, offrent une lecture éclatante de leurs terroirs de marnes blanches, à la fois gourmands et précis. Autant de raisons qui nous poussent à les plébisciter, depuis 10 ans déjà, à l’instar de cette cuvée 100 % pinot noir, magnifique, de grande fraîcheur et de grande pureté de fruit, particulièrement savoureuse.
Domaine
Arnaud Lambert
Saumur-Brézé Midi Blanc 2022 (14,90 €) 94/100
Attention, génie ! Arnaud Lambert affole les compteurs et se hisse sur la plus haute marche de la Loire, installant ses vins de Saumur en références. Cela fait près de 20 ans que ce vigneron attentif joue de ses terroirs de Brézé et de Saint-Cyr-
sur-Loire, en culture biologique, définissant ses parcellaires comme autant de variations stylistiques possibles autour des cépages cabernet et chenin. Avec ces habiles découpages, Arnaud Lambert isole la spécificité de chaque terroir – calcaire, sablo-limoneux ou sablo-argileux – et la coule dans des vins lumineux, de grand raffinement. Les blancs, notamment, sonnent toujours aussi juste : nuancés, floraux, emmenés par une droiture élégante, ils incarnent la pureté ligérienne à la perfection. Sur ce terroir de Saumur-Brézé, aussi confidentiel que coté, la personnalité du chenin est sublimée par l’énergie du tuffeau. Un blanc sec et intransigeant, de parfaite maturité, à la trame vivifiante, tendue et équilibrée, qui vibre de beaux amers minéraux. Une cuvée exemplaire.
Domaine Castéra
Jurançon Sec XXIII Blanc 2023 (19,99 €) 93/100
Virtuose de Jurançon, Franck Lihour imprime sa marque au Domaine Castéra depuis 10 ans : la qualité du pressurage inspirée des plus grandes maisons de Champagne, les fermentations en levures indigènes, les élevages sous bois (demi-muids et cigares) complétés d’œufs en grès, font œuvre de tempérance, livrant les plus belles expressions de Jurançon, d’une grande pureté et à la lumineuse tension. La ferme familiale de Monein s’est muée en un vignoble de 12 hectares cultivés en biodynamie, dernier levier d’une méthode axée sur le parcellaire, la précision et la concision. Ancien artisan du Clos Joliette, passé par
la Bourgogne et le Château Suduiraut, à Sauternes, Franck Lihour a puisé son expertise auprès des plus grands et ce jurançon sec s’en arroge les standards entre puissance, énergie et éclat. En raison d’une récolte très faible, ce 2023 est la seule cuvée produite cette année. Un véritable tour de force !
Château
Tour du Moulin
Fronsac Rouge 2022 (11,99 €) 95/100
Encore un tour de magie signé Vincent Dupuch ! Cet expert du Bordelais, également consultant auprès des plus prestigieuses propriétés de Saint-Émilion et de Pomerol, façonne un fronsac qui surclasse ses pairs. Formulé par un des cadors de la rive droite, il a tout d’un grand et en emprunte les codes : perfection formelle, droiture, élégance, allonge. Une perle rare posée sur des terroirs calcaires, à dominante de merlot, élevée en barriques dans la pure tradition bordelaise. Sur ce millésime de longue garde, autant dire que ce vin modeste en apparence va creuser l’écart ! C’est un grand fronsac à prix mini, capable de rivaliser avec les plus belles étiquettes du Bordelais.
Scannez ce QR code pour retrouver tous ces coups de cœur. Et rendez-vous p.7 pour béné cier d’une remise de 25 € sur votre prochaine commande.
LE CHOIX DE MAËL VINCENT
LE CHOIX DE THOMAS BLANQUER
LE CHOIX DE BENJAMIN BOUNOURE
Carnet de route jurassien
De la plaine doloise aux montagnes qui portent son nom, le Jura égrène les étapes gustatives, à la fois simples et exceptionnelles.
L’ÉTOILE, CÔTES DU JURA, Arbois, Château-Chalon… Dans ce vignoble de modeste dimension (80 kilomètres du nord au sud), on s’offre en quelques jours un vaste échantillon des quatre appellations. Entre coteaux, belvédères, cascades et reculées – ces cirques spectaculaires creusés par l’érosion –, le dépaysement est total. Et les belles rencontres assurées : irascible, le climat exige des vignerons passion et résilience. Leur rendre visite, c’est dénicher des pépites (Américains et Asiatiques raflent désormais une part croissante de la production). Arpenter le Jura, c’est aussi constater que la région se dote d’une scène culinaire à la hauteur de ses flacons. Rentrés au pays, de jeunes chefs voyageurs cuisinent du brut, du local et leurs souvenirs d’ailleurs. Japon, Corée, Taïwan… l’asian food sublime aussi les crus locaux ! Dans l’assiette, cette escapade vous mènera parfois plus à l’est que prévu.
1 Hostellerie Saint-Germain + La Table de Marc Tupin
Hôtel + restaurant. Dans cette institution locale, la cuisine de Marc Tupin, précise, classique, est aussi généreuse. Prenez le vin jaune comme fil rouge du repas – bisque de homard, volaille de Bresse aux morilles et aligot au comté, crème brûlée –, puis laissez-vous glisser vers l’une des chambres tout confort. Au réveil, Château-Chalon est à deux pas. hostelleriesaintgermain.com
2 Le Château de Germigney
Hôtel Relais & Châteaux + restaurant + spa Cette élégante bâtisse du xviiie siècle abrite 28 chambres et suites ainsi qu’un spa Caudalie pour prolonger l’expérience « vinothérapie ». Au restaurant, le chef transalpin Francesco Di Marzio cisèle des accords entre l’Italie, le Jura et l’Asie. Où l’on constate que le vin jaune, avec un doigt de caviar et
quelques pistaches, fait une excellente sauce à spaghettis. chateaudegermigney.com
3 Domaine Fumey Chatelain
Remis en selle par Raphaël Fumey et Adeline Chatelain en 2015, ce domaine de Montignylès-Arsures s’illustre au plus haut niveau autour de cuvées impeccablement réalisées, maniant les cépages locaux à la perfection. Des vins enthousiasmants qui signent l’identité arboisienne avec élégance. Visites sur demande. fumeychatelain.fr
4 Le Clos Alice
Hôtel + restaurant + spa. Cette belle endormie au bord de la Cuisance s’est récemment réveillée en boutique-hôtel avec piscine et spa. Un couple d’esthètes y a aménagé cinq suites avec parquet à chevrons, pièces design et meubles chinés dans les salles des ventes. Le restaurant vient d’ouvrir – le vendredi soir et le samedi, pour l’instant. leclosalice.com
Photos : Reto Niederhauser, Gui Gomes
5 Domaine Rolet
Dans cette adresse historique et incontournable du vignoble local, la famille Rolet a passé la main, mais ses successeurs – les Bourguignons Devillard – prolongent cette facture classique ancrée dans le goût jurassien autour d’une large gamme qui manie tous les styles et abrite quelques jolis spécimens de longue garde. Visites sur demande. domaine-rolet.fr
6 Circus
Restaurant. De retour au bercail après une longue séquence au Pays basque espagnol, Nino le chef et Salomé la pâtissière ont ouvert leur « bodega » jurassienne, joyeuse et chaleureuse. Circuits courts, pêche responsable, cueillette sauvage, fermentations, menu « Free Style »… Cette table de trentenaires engagés coche certes toutes les cases à la mode, mais le numéro de Circus est de haute volée ! restaurantcircus.fr
7 La Table du Grapiot
Restaurant + bar à vins. C’est l’adresse incontournable ! Comme un « grapiot », sentier escarpé en patois. Dans ce « gastro » décoincé, créé par un collectif de talents au CV international affûté, le vin jaune flirte avec le pigeon teriyaki, la truite plonge dans le Ploussard et les gaudes – la polenta locale –s’invitent au dessert. Au bar à vins, c’est plus canaille : baos Morteau cancoillotte et baba au macvin ! legrapiot.com
8 Casa Antolià
Gîte. Nichée dans une campagne de carte postale (clocher, cascade, sentiers de rando…), cette maison vigneronne de 1765, judicieusement rénovée (meubles chinés, piano de cuisson) est idéale pour se mettre au vert entre deux journées dégustation. Et au retour de la balade, goûter ce comté de la fruitière autour de la table de ferme, en débouchant quelques achats récents… casaantolia.com
Parc naturel régional du Luberon
9 Domaine Badoz
Fidèle de nos sélections, Benoît Badoz forge, à Poligny, des cuvées identitaires. Cultivé en bio, son vignoble compte 50 % de savagnin et ordonne des blancs typés ultra-convaincants et des rouges longuement élevés en barriques. Ne manquez pas la fruitière de la famille sur la place du village, et faites le plein de comté, de morbier et de saucisse de Morteau. Visites sur demande. domaine-badoz.fr
10 Domaine Grand
Depuis 10 ans, cette adresse est l’une des meilleures du Jura, assurée de l’expertise de Nathalie et Emmanuel Grand. En culture biologique, les vins déroulent les expressions locales avec mesure, précision et gourmandise, à des prix très abordables. Découverte et bon accueil assurés. Visites sur demande. domaine-grand.plugwine.com
11 Domaine Macle
On vient ici avant tout pour les vins jaunes, sans doute les plus prisés et les plus aboutis de la région. Laurent Macle s’y emploie avec dévotion, restituant le meilleur des pentes de marnes bleues de Château-Chalon dans des vins éblouissants de longévité. L’ensemble de la production est du même acabit : de grands vins qui restent accessibles. Visites sur demande. lacaveduchateau.com
12 Le Bouchon du Château
Restaurant. À Château-Chalon, cette table bistronomique est un repaire de vignerons. Logique : ris de veau aux morilles, recettes japonisantes, poissons et coquillages… Un jeune chef jurassien y cuisine avec talent tous les mets qui exaltent la délicatesse des vins locaux. Et à l’apéro, un Pata Negra de compétition permet de vérifier que le vin
jaune dame le pion aux meilleurs Xérès. lebouchonduchateau.com
13 Domaine Baud
Entre Château-Chalon, paradis des marnes bleues, L’Étoile et les Côtes du Jura, cette adresse intimiste joue la carte de la qualité et de l’accueil. La variété des styles régionaux est représentée à prix sages. Des visites guidées sont proposées tout au long de l’année : dégustation de sept vins et comté (5 € par personne) ou accords mets et vins (20 € par personne). Sur réservation. domainebaud.fr
14 Domaine des Marnes Blanches
Au sud de Lons-le-Saunier, Pauline et Géraud
Fromont s’appliquent à trousser une gamme franche et hautement recommandable, en culture biologique. Les blancs, notamment, valent le détour, le chardonnay s’exprimant idéalement sur ces terroirs marno-calcaires. Cette adresse confidentielle a la cote. Visites sur demande. Tél. : 03 84 25 19 66
15 Domaine Ganevat
Jean-François Ganevat dit Fanfan est une figure du Revermont, dans le sud Jura. Ses blancs ouillés flirtent avec les plus grands bourgognes et l’inventivité de ses méthodes et de ses assemblages, en biodynamie, rendent la rencontre aussi passionnante qu’inévitable. Un grand monsieur du vin qui reçoit avec cœur et générosité. Prévoir au moins deux heures. Réservation obligatoire.
16 Autour de l’âtre
Restaurant. Cette ancienne grange à foin a mué en éco-table intimiste où, dans la cheminée, on saisit, rôtit, cuit à l’étouffée, fume, torréfie l’essentiel du menu : pièces de viandes fermières, assiettes de légumes, homard braisé… Rustique ? Vraiment pas. La « cuisine brute » de Gabriel Guinnebault (ex-Agapé, à Paris) s’accompagne de sauces et condiments très pointus. Comme ses accords mets et vins. autourdelatre.fr
MARIE-ODILE BRIET ET VÉRONIQUE RAISIN /
Jeux d’orange
Entrée, plat, dessert : décliné en trois accords subtils, l’agrume vedette des étals prend ses quartiers d’hiver.
Salade de fenouil à l’orange
Du craquant, de l’amertume, de la joie… Émincé en lamelles, assaisonné de jus de citron et d’huile d’olive, le fenouil associé à de fines tranches d’orange peut être agrémenté d’oignon rouge, à la façon du chef Alain Passard. Dans le même esprit de simplicité, cette recette facile à réaliser s’accordera à un beau blanc – un muscat sec d’une grande Maison d’Alsace, celui du domaine Albert Mann, par exemple. Si l’on souhaite souligner la vigueur du plat et lui apporter un supplément de vivacité, on penchera plutôt pour un blanc encore plus tranchant, moins exubérant, un sauvignon de Sancerre, de préférence. Le choix du sommelier Pascal et Nicolas Reverdy, Sancerre Terre de Maimbray Blanc 2023. Un vin d’une belle vitalité, frais, croquant, précis et subtilement acidulé en finale de bouche pour accompagner cette entrée.
Canard à l’orange
Classique de la Renaissance, ce plat composé de caneton mêlé d’un caramel lié au vinaigre et de jus d’orange ne facilite pas l’accord. C’est sans compter sur la capacité des grands liquoreux à se glisser sur des plats à la fois acidulés et légèrement sucrés. Choisissez un beau cru de Jurançon, à l’acidité appuyée qui viendra en contrepoint du plat, voire une cuvée travaillée comme un vin orange, avec macération des peaux, ce que réussit Camin Larredya avec son Iranja. Autre voie royale pour rester ton sur ton : un sauternes de 15 ans et plus serait idéal ; à ce stade, les sucres s’estompent, se fondent et une pointe safranée apparaît.
Le choix du sommelier Château Coutet, Sauternes Blanc 2008. Issu des terroirs calcaires de Barsac, ce liquoreux assoit ses fruits confits et ses saveurs d’agrumes avec finesse et une jolie tension.
Tarte ou gâteau à l’orange Frais et léger, ce dessert où le zeste joue la fraîcheur s’accommode volontiers d’un surplus de sucre. En effet, la vivacité de l’orange vient ici parfaitement accompagner et souligner la liqueur du vin dans un jeu de correspondances idéales. D’autant plus si celle-ci est complexe et de noble extraction ; pour cela, cap au Sud, à Beaumes-de-Venise, où le muscat est roi. Pour plus d’énergie, visez plus au nord, du côté des cuvées alsaciennes, qu’elles soient de vendanges tardives ou de sélections de grains nobles ; ici, la rencontre de l’agrume et du sucre du raisin électrise la recette.
Le choix du sommelier Domaine Albert Boxler, Alsace Grand Cru Sommerberg Pinot Gris Vendanges Tardives Blanc 2020. Remarquable de densité et de fraîcheur, porté par des saveurs de fruits mûrs, ce vin riche et complexe demeure aérien et d’une infinie gourmandise.
Photo Pierre Lucet-Penato
Boire bon, manger bien
Ces
trois repaires chaleureux
sont l’antidote idéal aux températures hivernales. Bonne chère et bons vins sont avancés !
Paris, Île-de-France
Au Petit Riche
Le choix de Christian Martray. Cet antre de la cuisine bourgeoise déroule depuis 1854 les plats canailles
œufs en gelée au jambon, pâté en croûte, tête de veau sauce gribiche, côte de cochon fermier – comme les salons aux noms d’appellations viticoles. Pour les accompagner, un livre de cave épais du genre thésard compile 300 références largement orientées vers la Loire et proposées à prix sages, y compris quelques exceptionnels liquoreux signés Huet. La nostalgie n’est ici pas un prétexte, mais une ode au bien vivre et à l’art de régaler. Essayer Antoine Van Remoortere Menetou-Salon Morogues Blanc 2020 ; Thierry Germain Saumur L’Insolite Blanc 2023 ; Philippe Alliet Chinon Coteau de Noiré Rouge 2021 ; Domaine Huet Vouvray Clos du Bourg Moelleux 1985 ; Domaine Guiberteau Saumur Brézé Blanc 2020. Infos pratiques 25, rue Le Peletier, 75009 Paris (restaurant-aupetitriche. com). À la carte : de 50 € à 70 €.
Deauville, Normandie—
L’Essentiel
Le choix d’Olivier Poussier. Étoilée Michelin, cette table est le projet franco-coréen de Charles Thuillant et Mi-Ra Kim depuis 15 ans ; bœuf Wagyu, poisson mariné et condiment, pâtes Nodi Marini, chou romanesco et saté s’apprivoisent, accompagnés d’un choix de vins (350 références) aussi classique qu’efficace. Raveneau, Jacquesson, Clos Rougeard, Bretaudeau, Clos de Tart, Rayas, Haut-Brion, Peyre Rose, Ramonet… Les cadors sont là, à des prix raisonnables. Une boutique attenante propose les produits fétiches du restaurant. Essayer Alphonse Mellot Sancerre La Moussière Blanc 2023 ; Thibaud Boudignon Anjou Blanc 2020 ; Geantet-Pansiot MoreySaint-Denis Rouge 2017 ; Domaine de l’Aurage Mitjavile Castillon Côtes-de-Bordeaux Rouge 2016 ; Pierre-Jean Villa Côte-Rôtie Fongeant Rouge 2019. Infos pratiques 29, rue Mirabeau, 14800 Deauville (lessentieldeauville.com). Menus déjeuner : de 45 € à 120 €. À la carte : env. 100 €.
Paris, Île-de-France
La Cagouille
Le choix d’Alaric de Portal. Depuis 1981, cette institution propose une pêche miraculeuse – huîtres, saint-pierre, homard, thon rouge et mulet, au gré des saisons. Cuissons impeccables et fraîcheur exceptionnelle des produits forment un sansfaute. À la carte des vins, tous les caciques de la France viticole et de belles trouvailles par-delà nos frontières : Selosse, Rapet, Dagueneau, Coche-Dury, Rousseau, Roumier, Beaucastel, Canarelli – dont certains sont bien connus de nos membres. Essayer Champagne Dhondt-Grellet Les Terres Fines 1er Cru Blanc ; Vincent Dauvissat Chablis Blanc 2014 ; François Chidaine Montlouis-sur-Loire Les Choisilles Blanc 2021 ; Domaine Vincent Pinard Sancerre Harmonie Blanc 2021 ; Domaine Didier Dagueneau Pouilly-Fumé Silex Blanc 2019 ; Domaine G. Roumier Chambolle-Musigny Rouge 2013. Infos pratiques 10, place Constantin-Brancusi, 75014 Paris (la-cagouille.com). À la carte : de 60 € à 100 €.
1. À deux pas des célèbres Planches, le restaurant étoilé L’Essentiel. | 2. Le homard de Chausey rôti au four servi à La Cagouille.
Mettre
de l’eau dans son vin
Voilà bien l’une des rares expressions positive au sens figuré et négative au sens propre. Une singularité que l’on doit à… Dionysos.
IMAGINEZ un repas au cours duquel on vous limiterait à une seule gorgée de vin, et seulement après avoir ingurgité des aliments solides, vous contraignant à le couper d’eau le reste du temps. C’est la règle édictée par celui à qui la mythologie grecque attribue la révélation du vin à l’humanité : Dionysos.
Quand l’alcool purifiait l’eau croupie Après avoir transmis à un berger de Tyr le plaisir du divin breuvage, puis la connaissance de la viticulture, le fils sorti de la cuisse de Zeus est allé tout gâcher chez Amphictyon, roi d’Athènes. En substance, il lui a expliqué que le vin pur était le nectar des dieux, seuls susceptibles de l’apprécier sans s’enivrer. En revanche, les hommes, peu doués pour la tempérance, devaient le diluer pour éviter de s’avachir pompettes sous un propylée. Notons que cela n’a jamais empêché Dionysos de tolérer qu’à la fin du deipnon (dîner), on passe au symposion (boire ensemble), mélangeant les fonds d’œnochoés (cruches) et beuglant Les Lacs du Connemara (pas sûr de cette recommandation).
Dionysos n’était toutefois qu’un demi-dieu, donc pas omniscient. Ainsi, il ignorait sans doute que le vin est déjà principalement composé d’eau : un côtes-du-rhône qui
titre à 13,5 % contient autant d’alcool pour 86,5 % d’eau. Une bonne raison de ne pas en rajouter. Mais la faute dionysiaque originelle a perduré. On connaît tous des anciens qui, plutôt qu’un verre d’eau pour un verre de vin, recommandation de santé publique, mélangent allègrement les deux. Pour en adoucir les effets, mais aussi en souvenir d’une époque où l’alcool purifiait l’eau croupie. Pour cultiver la vigne, il faut aussi de l’eau de pluie. Celle-ci représente en moyenne plus de 98 % de la consommation totale nécessaire à la production du vin. Le reste est dévolu au nettoyage de l’outil du vigneron.
Du vin dans les vers de Boileau À ce stade, frustré d’un bon canon, la colère monte chez l’amateur craignant la noyade. C’est bien pour modérer ces ardeurs belliqueuses que l’expression qui nous occupe a été inventée, attestée dès le milieu du xvie siècle. « Ce guerrier, dans l’Église aux querelles nourri, est robuste de corps, terrible de visage, et de l’eau dans son vin n’a jamais su l’usage », écrivit l’homme de lettres Nicolas Boileau (1636-1711) pour dépeindre le chanoine Fabri. Aux xviiie et xixe siècles, le sens glisse vers l’idée de « réduire ses exigences », comme dans ces vers d’Ange-
François Fariau de Saint-Ange (1747-1810) : « L’Anglais, dans le monde nouveau, sous le pied s’est vu couper l’herbe. Il est moins fier et moins superbe, il a mis de l’eau dans son vin. »
La paix des braves
Au registre guerrier, bien que peu enclin au compromis, Napoléon sacrifiait à la formule au sens propre, avalant chaque jour le même breuvage, mi-chambertin mi-eau. Quant au général de Gaulle, qui a tout de même donné son nom à un tire-bouchon, il répondait rarement, dit-on, à l’appel du goulot, ajoutant quoi qu’il en soit toujours un trait de H2O dans son beaujolais, mais jamais dans son vin préféré, le champagne Drappier.
Reste que, pour le véritable amateur, l’eau et le vin, c’est chacun son verre. D’ailleurs, pas sûr que Martin Riese, pionnier des sommeliers d’eau depuis 20 ans, verrait d’un bon œil que l’on verse du jus de raisin fermenté dans ses eaux. La carte dédiée qu’il a composée pour le restaurant Ray’s + Stark Bar, à Los Angeles, est épaisse de 45 pages. Pour éviter les vaines querelles, si l’un de vos convives souhaite mettre de l’eau dans son vin au cours d’une discussion animée, versez-en dans le vôtre et dans le sien.