Racines #07

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Automne/Hiver 2023–24 Le magazine réservé aux membres de Ventealapropriete.com

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édito

Petites gorgées

Dégustation

4 Le comité de sélection. Goûtés et approuvés !

40 Épiphanies. Un vin, l’émotion de toute une vie

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Services. Ventealapropriete et vous

42 Gibier & vin. Quatre recettes du chef Bruno Doucet

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VIP+. Patrick Chêne

48 Un verre avec… Bruno Verjus

10 Interview. Stephen Leroux, Directeur Général de Charles Heidsieck

50 Sélection. Les coups de cœur de nos acheteurs

12 Data. Tout sur le bouchon

56 Accords. Le roquefort en trois variations

Grands formats 14 Visionnaire. Rodolphe Péters en Champagne 20 Légende. Le Vin de Constance 28 Magistral. Château Pavie Macquin

Photo : Romain Bassenne

34 Esthètes. Clément et Florent Pinard

52 Escapade. Pays savoyard

57 Carte sur table. Sélection de restaurants 58 Dernière gorgée. Flûte !

DÉGUSTEZ LES YEUX FERMÉS. Nous entamons ce numéro en ouvrant une fenêtre sur le cœur de notre système : le comité de dégustation, point de passage obligatoire pour tous les vins qui vous seront présentés. Un « oui » et le flacon a de bonnes chances de faire partie des élus, un « non » et c’est une fin de non-recevoir. La sélection, c’est le pivot de la promesse de Ventealapropriete : tous les vins qui font partie de notre offre sont au préalable goûtés et sélectionnés. Ce travail colossal, qu’aucun autre site de ventes privées de vin en ligne ne réalise, est notre ADN et il ne vise que la satisfaction finale du client. L’expertise qui caractérise nos équipes figure parmi les plus respectées mondialement. Que ce soit pour les vins tranquilles, effervescents ou encore les primeurs, il n’existe nulle part ailleurs de palais aux garanties plus sûres. Le comité, c’est aussi et surtout une énergie insatiable mise au service de la recherche et de la découverte de nouvelles pépites. C’est un battement continu de vie autour de l’idée du vin que nous sommes heureux de faire palpiter tous les jours dans sa pluralité. C’est le besoin infini de connaître, pour mieux retranscrire, parce qu’un plaisir ne commence véritablement à être un plaisir que lorsqu’il est partagé. C’est à partir de cette passion-là qu’est né tout le reste : le site que vous connaissez, les newsletters auxquelles vous êtes abonné, le magazine que vous tenez entre les mains et… du partage, encore du partage. Bonne lecture et large soif !

Alaric de Portal Directeur de Ventealapropriete

Le magazine Racines est réservé aux membres de Ventealapropriete.com, 200, boulevard de la Résistance, 71000 Mâcon. Directeur de la publication : Alaric de Portal. Conception et réalisation : Les Digitalistes, 9, rue Emilio-Castelar, 75012 Paris, lesdigitalistes.com. Coordination éditoriale : Julien Despinasse. Conseillère de la rédaction : Véronique Raisin. Direction artistique : James Eric Jones. Rédaction : Marie Aline, Séverine Augé, Marie-Odile Briet, Boris Coridian, Stéphane Méjanès, Gérard Muteaud, Matthieu Perotin, Véronique Raisin, Olivier Reneau. Photos : Romain Bassenne, Nicolas Dormont, Sébastien Dubois-Didcock, Franck Juery, Julien Lienard, Lee-Ann Olwage, Pierre Lucet-Penato, Dorian Prost. Illustrations : Paul Wearing. Secrétariat de rédaction : Muriel Foenkinos. Photo de couverture : Franck Juery. Impression : Imprimerie Léonce Deprez. Nous écrire : mag@ventealapropriete.com. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

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—Actualité

Goûtés et approuvés ! Chez Ventealapropriete, chaque vin sélectionné a dûment été repéré, choisi, puis dégusté par notre comité d’experts. Un parcours exigeant qui permet de vous réserver le meilleur du vignoble. Immersion dans les coulisses du comité. TOUT COMMENCE avant l’aube. Les quais de la gare de Lyon, le train de 6h46, direction Mâcon-Loché TGV. L’heure matinale favorise le silence, le calme du wagon est propice à la concentration. Bientôt va débuter une journée marathon : quelque 200 vins à déguster, répartis entre nos deux experts, fidèles de longue date, Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde en 2000, et Christian Martray, sommelier et fin gourmet. Le décor est minimaliste, un espace de travail et de dégustation parfaitement agencé, bloc-notes et stylo en main, verre dans l’autre, pour juger la sélection préparée par les acheteurs de Ventealapropriete sous la houlette d’Alaric de Portal, son Directeur Général. Tous les matins, la newsletter vous informe de nos ventes privées du jour : chaque bouteille qui vous est présentée a été soumise à la sentence du comité de sélection et adoubée. Chaque vin est ainsi analysé, décrit, évalué, puis noté au cours d’une séance de dégustation. À partir de 89/100, il est sélectionné (voir encadré p. suivante). En deçà, c’est un refus catégorique. Entre crus célèbres et découvertes, les vins s’enchaînent, les heures défilent, on garde le rythme. Au préalable, chaque bouteille a été répertoriée dans la base de données, identifiée par un numéro et étiquetée au dos avec prix et volumes alloués par le producteur.

Photos Nicolas Dormont

Du Rhône à la Vénétie Ce matin du 12 octobre, l’air est doux, le ciel clair ; c’est une bonne journée pour déguster, toutes les conditions sont réunies. Au programme, ce jour-là, la très cotée vallée du Rhône, la Bourgogne et le Bordelais, des valeurs sûres des ventes, quelques beaux vins du Jura qui connaissent un succès grandissant et mérité, ainsi qu’une belle sélection italienne préparée par nos compères de Tannico. Les blancs ouvrent le bal, le rythme est pris. C’est toujours le même geste, un coup d’œil sur la robe, puis le nez et enfin, la mise en bouche. Chaque étape est aussitôt détaillée, retranscrite par l’assistante de

ventes pour pouvoir ensuite rédiger un commentaire du vin nourri et précis. Aguerri à l’exercice, servi par une masse impressionnante de connaissances, à la fois techniques et esthétiques, Olivier Poussier sait mobiliser sa mémoire pour comparer, évaluer et prévoir l’évolution du vin ; toujours généreux et enthousiaste, il livre des informations détaillées sur l’appellation, le terroir, remémore quelques éléments clefs du domaine, narre une anecdote. C’est aussi le fruit de longs efforts de détection et de négociation qui se jouent ce jour-là. Les acheteurs évaluent une sélection resserrée qui sera encore élaguée pour ne retenir que la crème de la crème. Tous sont investis, passionnés, excités presque à l’idée de découvrir une nouvelle pépite. Car bien souvent, Ventealapropriete devance la critique et repère très tôt les grands de demain ; ce fut le cas de Julien Pilon, que nous connaissions avant même qu'il ne crée son propre domaine puisqu'il faisait ses classes chez Pierre-Jean Villa, un de nos amis proches.

Dès sa première bouteille, nous l’avons soutenu et proposé à nos membres. Olivier donne quelques indications sur le style du domaine, ses choix d’élevage, puis déroule sur ce crozes-hermitage blanc 2022 : « C’est une marsanne dominante, on a un nez épanoui, chaleureux, des notes mellifères, d’amande amère et d’acacia. On a une identité qui montre toute la complexité du cépage, avec une belle texture, un relief amer intéressant. » Et en conclusion : « C’est un vin qui représente bien ce que l’on est en droit d’attendre de la vallée du Rhône, je le verrais bien avec des quenelles de brochet sauce Nantua ; je le note 91. » Impartial et exigeant, Olivier Poussier ne s’embarrasse pas de considérations personnelles : même s’il connaît la grande majorité des domaines présentés, son avis se focalise uniquement sur le vin et le plaisir que le consommateur en retirera. Avec, toujours, une perspective de saisonnalité et de temporalité : préférer proposer à la vente tel vin cet hiver ou attendre plutôt le printemps, pour qu’il soit plus épanoui, voici des projections que seul peut avancer un tel expert. De même, le temps de garde est-il toujours précisé, une indication très appréciée.

« Coup de cœur ! Je lui mets un 93 » Dans la pièce voisine, Christian Martray reste lui aussi très concentré. Préférant le clavier au papier, il goûte avec gourmandise et fournit moult détails. Son enthousiasme est patent, surtout lorsqu’il déniche une perle ou redécouvre une cuvée qu’il avait appréciée. Parfois, la tentation est trop forte et Christian s’en va faire goûter à son « copain » et compère de 30 ans. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient en effet depuis de longues années, et leur complicité fait toujours le bonheur de tous, témoins de leur générosité à transmettre et à faire aimer le vin. Quelques bouteilles plus loin, c’est le blanc Quintessence 2022 du domaine Pesquié, dans le Ventoux, qui enflamme les esprits. « Je lui mets 93, avec un coup de cœur ! ». Autant dire que ce chouchou

Ci-contre : Alaric de Portal, Christian Martray et Olivier Poussier, le 12 octobre dernier, au siège de Ventealapropriete, à Mâcon.

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Actualité—

Les coups de cœur du comité

La notation Un vin est sélectionné à partir de 89/100. À ce niveau et à 90/100, c’est un beau vin avec du potentiel. Entre 91 et 95/100, on déguste un grand vin, issu des plus beaux terroirs. Au-delà de 95, on tutoie la magie et l’exception.

d’Olivier Poussier va faire des ravages… « On est sur un terroir froid, en altitude, on a bien le fenouil, une belle minéralité et une profondeur minérale. » Et voilà les coulisses sur un plateau : « L’histoire vaut que je vous la raconte, ce domaine a totalement changé de style, en allongeant les élevages et en privilégiant de grands contenants, des foudres, des 600 litres d’Atelier Centre France [tonnellerie très réputée pour ses chauffes blondes, ndlr] et des cuves béton. Il fait désormais les blancs les plus 6—

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frais qui existent, en vendangeant toujours deux semaines plus tard que Châteauneuf-du-Pape. » Le vin suivant aura moins de chance : trop évolué pour son jeune âge, il sera recalé. Même sévérité à l’égard de certains grands crus classés de Saint-Émilion, pourtant réputés, mais qui, sur des millésimes solaires et généreux, semblent en fin de course. Autre motif de refus, une puissance et un boisé trop marqués au détriment de l’élégance et de la finesse, un style que Ventealapropriete a toujours défendu et qui constitue son ADN. « Ça, je ne prends pas, je n’aime pas ce type de bois. » La pause déjeuner, bien méritée, permet de souffler un peu, d’échanger et de donner encore quelques bons filons. Comme à son habitude, notre Meilleur sommelier du monde échange sur ses récentes dégustations et trouvailles, nourrissant sans cesse le répertoire pour de nouvelles ventes, partageant ses récents coups de cœur aux acheteurs de Ventealapropriete : « J’ai découvert un graves blanc superbe la semaine dernière, tu devrais goûter ça Thomas [Blanquer, Responsable Achats, ndlr], il faut le faire ! ». La seconde partie de la journée se poursuit au même rythme, engagée et détendue, toujours dans le plaisir du partage à venir avec nos membres. Bonne pioche pour Christian Martray, qui a mis le nez sur un magnifique rouge de Châteauneuf-du-Pape 2021 du Domaine Mayard. « C’est la classe ! On a des notes de rose, de pivoine, un jus soyeux

et pulpeux, avec de la chair, concentré, tout en finesse. » Une belle découverte sur ce millésime 2021, salué pour sa fraîcheur et son style digeste. Autre surprise du millésime, un épatant rasteau cuvée Héritage 1924 du Domaine des Escaravailles. « À l’aube de son expression, ce pur grenache dense et charnu, qui fleure bon la garrigue et les herbes sèches, ira bien sur un gibier à plumes. »

Confirmations et découvertes La table n’est jamais loin, la mise en perspective gastronomique essentielle. Parmi les crus italiens, quelques connaissances, mais aussi des surprises ; même le Meilleur sommelier du monde peut encore faire des découvertes ! Comme cette cuvée Sandro Rouge 2022 d’Alberto Oggero, un nebbiolo ultra-fin, à la bourguignonne, sur la cerise griotte, ou ce brunello di montalcino 2018 de Fornacina, dense et concentré, préservant parfaitement son identité transalpine. La session se clôt par un impeccable sauternes 2014 du Château Suduiraut, et quelques oxydatifs du Jura, dont un somptueux château-chalon 2016 de Berthet-Bondet, un grand vin au vieillissement éternel. Éternel comme la passion qui anime nos dégustateurs, nos acheteurs et les équipes de Ventealapropriete qui, au-delà de l’exercice impitoyable que représente le comité, ont à cœur de préserver une large sélection de vins « bus et approuvés ». VÉRONIQUE RAISIN /

Ci-dessus : Thomas Blanquer (Responsable Achats) et Olivier Poussier en pleine sélection.

Photos Nicolas Dormont

Domaine du Marcoux, Lirac La Lorentine Rouge 2021 Tardieu-Laurent, Crozes-Hermitage Rouge 2021 Domaine Mayard, Châteauneuf-du-Pape Rouge 2021 Domaine du Terme, Gigondas Rouge 2021 Château Laroque, Saint-Émilion Grand Cru Classé Rouge 2009 Domaine Berthet-Bondet, Côtes du Jura Blanc Chardonnay 2022 Afrique du Sud : Anwilka, Stellenbosch Rouge 2019 Italie : Inama, Foscarino, Suave Classico Rouge 2021


Services—

Ventealapropriete et vous Engagement, réactivité, confiance et écoute sont au cœur de la relation au long cours que nous entretenons avec vous ; et pour toujours vous satisfaire, nous poursuivons le développement des services premium qui vous sont dédiés. La boutique des cadeaux et la livraison garantie avant Noël En cette période de fin d’année, n’hésitez pas à visiter notre boutique des cadeaux, en page d’accueil, onglet Ventes privées, pour préparer vos repas de fêtes et vos cadeaux de Noël. Retrouvez l’ensemble de nos sélections de coffrets vins, champagnes, spiritueux et accessoires. Pour garantir vos livraisons (sans rendez-vous ou en point retrait) avant Noël, vous pouvez passer commande jusqu’au mercredi 20 décembre 18h et, pour le Nouvel An, jusqu’au mercredi 27 décembre 18h (pour toute livraison en France continentale).

Parrainer ses proches, c’est gagner des bons d’achat

Une seule et même appli pour accéder à tout l’univers de Ventealapropriete Pour un confort de navigation et plus de fluidité, nos applications VALAP (ventes privées et ventes permanentes) et VALAP Primeurs (consacrée aux vins primeurs) fusionnent sur une seule et même application : VALAP. L’ensemble de l’offre Ventealapropriete sera dorénavant centralisée, disponible sur iOS et Android et toujours gratuite. Aussi, pour ne manquer aucune des mises en vente primeurs, il vous suffit d’activer les notifications Alertes Primeurs. Vous recevrez alors, en temps réel et dans votre poche, toutes les sorties des Primeurs de Bordeaux.

Amis et/ou membres de votre famille partagent votre goût pour les bons flacons, ont beaucoup apprécié lors du dîner votre dernière découverte à petit prix ? N’hésitez pas à les parrainer : dès son inscription, chaque filleul reçoit un bon d’achat et dès sa première commande, c’est à votre tour d’en recevoir. Nous vous envoyons alors un email pour vous en informer et le montant du bon d’achat est crédité directement sur votre compte, dans le menu Mes bons d’achat. Le parrainage, ses modalités et la liste de vos filleuls sont à retrouver dans l’onglet Mon Compte > Parrainage.

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MERCI DE VOTRE FIDÉLITÉ ! Nous vous offrons, avec ce numéro, une remise immédiate de 25 €* avec le code RACINES7 * À valoir pour toute commande sur le site, hors primeurs, d’un montant minimum de 250 € d’achat. Offre valable jusqu’au 30/04/2024.

Illustration Paul Wearing

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Petites gorgées—Rencontre

« Je m’inspire des champions »

Installé au pied du mont Ventoux, Patrick Chêne est un vigneron exigeant. Pour exploiter ses 13 hectares en bio, l’ancien journaliste sportif se donne le temps de vivre pleinement. Créer son domaine viticole après une carrière cathodique, est-ce une façon de se remettre en selle ? Plutôt une manière

de se mettre en danger et une autre façon d’exister. Vingt ans de télé, 15 ans de production : même en tant qu’hyperactif, je ne voulais pas mener le combat de trop. Depuis longtemps, j’avais en tête de créer, un jour, mon propre vin. J’y ai trouvé une porte de sortie vers une vie plus sereine, dans un cadre différent, qui me rassure sur le fait que l’on peut exercer une activité qui a du sens, et ce, sans limite de temps. En posant sur la table ma première bouteille, en 2016, j’ai pensé avec émotion : « C’est la première chose concrète que je fais de ma vie. »

BIO EXPRESS 1956

Naissance le 26 avril, à Lyon 1985- Journaliste sportif 2001 (Stade 2, le Tour de France) et patron du service des sports à France Télévisions 2000 Création du groupe de production Media365 2014 Création du Domaine Dambrun 2016 Premier millésime 2018 Coauteur de Le Stade 2 : Plaidoyer pour l’hôpital public (Plon)

Aspirez-vous à être dans la roue des meilleurs vignerons du mont Ventoux ?

Le choix de cette région a d’abord relevé du hasard. Et si le prix à l’hectare m’a permis de créer Domaine Dambrun, la qualité des sols m’a elle aussi convaincu. Je ne connaissais pas les vignerons du Ventoux, mais ils ont compté dans ma décision, tant leurs vins sont de grande qualité et leur état d’esprit exceptionnel. Je n’avais de cet univers qu’une connaissance livresque, sans jamais avoir rien fait de mes mains ; la présence à mes côtés, en 2014 et 2015, de Jérôme Bressy, vigneron à Rasteau, m’a fait économiser une école d’œnologie ! La connaissance du sport est-elle un atout face à la concurrence ? Au moment de faire

son vin, on a 10 occasions de relâcher son niveau d’exigence. Or, c’est l’une des règles d’or : celui qui ne s’entraîne pas tous les jours sera mauvais, et celui qui est assidu sera meilleur, parce qu’il n’aura rien cédé. Dans le sport, on ne peut pas tricher. Ou alors, on ne dure pas longtemps. C’est pareil dans ce métier. Mon ambition de faire un grand vin est donc calquée sur ce que j’ai pu observer chez les champions. 8—

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Dans votre cœur, quelles bouteilles occupent les trois premières marches du podium ? Le choix est cornélien ! En troi-

sième position, je suis tenté de placer ex aequo la Dame Brune, de Christine Vernay (Saint-Joseph) – la vigneronne que je respecte le plus au monde – et… celle du Domaine Dambrun, car c’est également le nom de ma première cuvée spéciale, qui m’a valu de très bonnes notes. Sur la deuxième marche, je fais monter les Roches neuves de Thierry Germain (Saumur), qui travaille depuis longtemps en biodynamie et dont le rapport au vin relève de l’affectif. Tout en haut du podium, enfin, le Clos Canarelli, de mon ami Yves, y compris pour le plaisir de saluer la Corse, ma deuxième maison. Mais, au-delà du classement, je mesure la chance que j’ai de les connaître. Eux et des gens comme Olivier Poussier [Meilleur sommelier du monde en 2000 et membre du comité de sélection de Ventealapropriete, ndlr]. Les bordeaux ont longtemps prédominé dans votre cave personnelle. Aujourd’hui, quel terroir part en échappée ? Le fait que

j’ai été amoureux des bordeaux durant deux décennies vient sans doute du fait que je vivais… à Paris ! Tandis que jeune adulte, habitant à Lyon, j’avais davantage été initié par les copains aux vins de la vallée du Rhône nord, négligeant à tort nos voisins du Beaujolais. Devenu journaliste, au début avec peu de moyens, j’ai commencé à fréquenter les ventes aux enchères. Je m’interdisais de dépasser un certain prix et me cantonnais aux deuxièmes étiquettes : Pavillon Rouge du Château Margaux, Clos du Marquis de Léoville Las Cases, La Dame de Montrose… Des bouteilles qu’à l’époque, je devais payer 50 francs ! Petit à petit, j’ai pu m’offrir des bordeaux plus prestigieux. Parallèlement, ma notoriété m’a permis de goûter de très belles choses, comme un Vouvray de mon année de naissance chez Huet, à Tours. Jusqu’au jour où, avec Véronique Sanson, j’ai parrainé la Saint-Marc, à Châteauneuf-du-Pape. La vallée du Rhône – sud, cette fois – est revenue à moi. Le Roussanne Vieilles Vignes du Château de Beaucastel est d’ailleurs mon émotion de l’année. Êtes-vous plutôt vin de garde ou vin de soif ? J’ai, comme d’autres, accumulé en

cave des crus de l’année de naissance de mes enfants. Il en subsiste de belles surprises, mais je ne suis plus du tout dans cet esprit-là. Moi-même, j’aime vendre des vins à boire. Pour l’homme d’info que vous êtes, le vin est-il également un vecteur de communication ? Je communique sur

mon vin, mais certainement pas sur un nom que je me serais contenté de poser sur l’étiquette. Je trouve magique qu’un vin ressemble à son vigneron. Les maîtres-mots du Domaine Dambrun sont « équilibre » et « élégance ». J’aime les gens bien élevés et la convivialité ; que les vins soient soyeux, cohérents et « honnêtes », comme disait Jean Carmet. J’aspire à cela, tout en laissant la nature s’exprimer. Si le vin pouvait parler, à quelle bouteille tendriez-vous le micro ? À un vin qui

m’émeut : La Grange des Pères, en Languedoc. Pour que cette bouteille me raconte celui qui l’a faite [Laurent Vaillé, ndlr] et qui n’est plus là. Pour faire la paix avec un arbitre, quelle bouteille choisiriez-vous ?

J’ai récemment dégusté un jurançon sec, avec un côté à peine moelleux. Parfait pour arrondir les angles ! A N N E -C HA RLO TTE DE LA N G HE /

Photo Pierre Kreitmann



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—Interview

Charles en majesté L’une des marques fétiches de Ventealapropriete depuis près de 15 ans, Charles Heidsieck connaît une véritable ascension. Décryptage avec Stephen Leroux, son Directeur Général. Charles Heidsieck s’affirme plus que jamais comme le champagne de « ceux qui savent ». Comment ses cuvées non millésimées s’imposent-elles parmi les meilleures ? Charles Heidsieck est

réputé pour la qualité de ses assemblages et en particulier pour son Brut non millésimé, véritable colonne vertébrale de toute maison de champagne. Chez Charles Heidsieck, chaque année après les vendanges, le défi consiste à sélectionner les vins clairs qui, stockés dans des cuves ou des fûts, formeront les vins de réserve. Ils sont le socle de notre Brut Réserve, comptant pour au moins 40 % de l’assemblage. Ajoutés au dernier millésime, ils lui apportent complexité et gourmandise, avec notamment un fruité gourmand, des notes pâtissières caractéristiques et une texture soyeuse. Car l’art de l’assemblage consiste non seulement à réunir des vins issus de cépages et de terroirs différents, mais aussi des vins de divers millésimes. Un art que maîtrisait parfaitement notre chef de cave Cyril Brun et qu’Élise Losfelt a aujourd’hui l’honneur et la responsabilité d’assumer.

Photos : Léo Ginhailhac

Les équipes de Ventealapropriete ont choisi de mettre en valeur en cette fin d’année le blanc de blancs non millésimé. Comment incarne-t-il cet esprit Charlie ?

Charles Heidsieck a été l’une des premières maisons à élaborer un pur chardonnay : un blanc de blancs issu de la vendange 1949. Il existe même quelques récits relatant l’existence de mono-crus de la Côte des Blancs signés par Charles Heidsieck en 1906. Mais à partir du millésime 1982, le blanc de blancs non millésimé a disparu au profit du seul Blanc des Millénaires, produit exclusivement les années exceptionnelles, soit à sept reprises seulement depuis cette date, le dernier opus étant le 2007. Six ans après le rachat de la maison par Christopher Descours, PDG du groupe EPI, nous avons pensé nécessaire de relancer en 2018 un grand blanc de blancs non millésimé dans le même esprit que notre Brut Réserve. Il est composé à près de 50 % de chardonnay de la Côte des Blancs avec une base de Vertus, complétés

par des crus de la Montagne de Reims, du Sézannais et de Montgueux, parmi les plus recherchés de la région. Seules les premières presses entrent dans sa composition et 10 % des jus sont vinifiés sous-bois. Les vins de réserve entrent pour 25 % dans l’assemblage, l’objectif étant d’obtenir un jus texturé, avec la patine et le soyeux légendaire de « Charles », tout en conservant la fraîcheur et la tonicité du chardonnay. Les vins bénéficient d’une maturation de trois-quatre ans dans nos crayères de Saint-Nicaise, bien supérieure aux normes de l’appellation. Vous accueillez une nouvelle cheffe de cave. Quels changements cela impliquet-il ? Dans notre maison, le héros, c’est

Charles, son audace, son indépendance d’esprit. La première qualité d’un chef de cave est d’être un team player, à l’image d’un Antoine Dupont au sein du XV de France. L’élaboration de nos champagnes reste avant tout un travail d’équipe. Chaque chef de cave apporte sa patte dans sa manière de faire vivre « l’esprit Charlie ». Cyril Brun, chef de cave de 2015 à 2022, a ainsi introduit la vinification sous-bois et ressuscité la fameuse cuvée Charlie. Quand elle est arrivée, forte de son expérience, Élise Losfelt a eu cette réflexion : « Je rentre en “Charlitude”, je vais oublier ce que je sais pour comprendre le langage de Charles. » Comment se sont passées ses premières vendanges chez vous ? Les vendanges

sont un moment particulier, un passage de témoin entre les vignerons et les œnologues. On savait que celles de 2023 représenteraient un défi avec un printemps et un mois de juillet pluvieux, suivis de fortes chaleurs en septembre, donc une grosse pression de l’oïdium et du botrytis sur nos raisins. Mais à l’arrivée, nous avons des vendanges impressionnantes en volume, avec des grappes de 230 grammes en moyenne, ce qui a permis de faire du tri dans les pinots et les meuniers, qui ont plus souffert que les chardonnays. Et au final, d’obtenir des jus qui devraient donner de très beaux vins clairs. G É R A R D M U T E A U D /

Élise Losfelt, créatrice d’émotion Un parcours irréprochable ( ingénieure AgroParisTech et master Sciences de la vigne et du vin AgroMontpellier), une expérience de 10 ans en Champagne chez Moët & Chandon : Élise Losfelt possède un profil à faire rêver bien des maisons de champagne. Fille et arrière-petite-fille de vigneronne (Diane, sa mère, dirige le domaine du Château de l’Engarran), elle a réalisé ses premiers assemblages chez Charles aux côtés de Cyril Brun, avec le millésime 2022. « En Champagne, les chef(fe)s de cave s’effacent au service de quelque chose de plus grand , déclarait-elle à son arrivée. Cyril m’a transmis l’ADN des vins. Ces derniers se reconnaissent entre tous par leur texture, leur profondeur, leur complexité et leur générosité. »

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Tout, tout sur le bouchon

Ce « détail » de l’anatomie d’une bouteille participe en réalité à la qualité du vin qu’il protège et à son potentiel de garde. Une bonne raison pour pousser vos connaissances sur le bouchon. Par Marie Aline

Plastique 25 %

Liège 66 %

À vis 9%

Le liège, cet allié Chaque année, environ 20 milliards de bouteilles de vin sont bouchées dans le monde. Si les vignerons privilégient le liège – pour son coût, son élasticité et sa perméabilité à l'oxygène –, d’autres matières peuvent constituer le bouchon. Les plus inattendues (et écologiques) ? Le sucre de canne et du plastique récupéré dans la Méditerranée.

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XVII

C’est à cette époque que les Anglais mettent au point des bouteilles en verre épais, en forme d’oignon, fermées par une cheville de bois entourée d’un linge ou de charpie enduite de cire et de graisse. Alors qu’ils s’approvisionnent en vin de Porto, ils découvrent les qualités de l’écorce du chêne-liège – imputrescible, élastique et imperméable – et ont l’idée d’en faire des bouchons. À partir de là, les bouteilles prennent une forme cylindrique qui permet de les coucher pour les conserver plus longtemps et de les transporter plus facilement dans des caisses. Trois siècles plus tard, le Portugal deviendra le premier pays producteur de bouchons en liège. Sans ce petit cylindre d’écorce souple, jamais les vertus du vieillissement lent des vins n’auraient été découvertes…

Boîte à outils

45 ans

Le temps minimum nécessaire pour que l’écorce du liège puisse être transformée en bouchon. Le premier écorçage a lieu lorsque le chêne-liège a 25 ans, le deuxième, 10 ans après, et la troisième levée (10 ans plus tard) est la bonne. En général, le Quercus Suber vit 120 ans et produit 100 kg de liège tous les 10 ans. CL

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C’est quoi, la molécule TCA ? Le 2,4,6-Trichloroanisole (TCA) est responsable du goût de bouchon d’un vin. Présent dans l’écorce du chêneliège, il peut aussi provenir du phénol et du chlore issus des produits de nettoyage. À Perpignan, une fabrique de bouchons a découvert un procédé pour chasser le TCA du liège grâce à du dioxyde de carbone.

Plus qu’une coquetterie, adapter le choix de son tire-bouchon à la nature et à l’âge du vin est un signe de savoir-faire qui augure d’une dégustation optimale. Voici cinq incontournables.

Charles-de-Gaulle Pour les bouchons longs

À levier (Screwpull) Queue-de-cochon

Pour les bouchons récalcitrants

Pour les vins nouveaux

Limonadier Bilame Pour les vins de garde très anciens

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Pour les vins d’apéritif


F RANCE

Data—

ITALIE

À chaque vin son bouchon Opercule de métal à vis, de liège aggloméré ou naturel, le bouchon est le gage d’un breuvage bien conservé et varie, en taille et en matière, selon le délai dans lequel la bouteille sera ouverte. Cinq bouchons pour un flacon de 75 cl.

Barcelone

Porto E S PAG N E

30

%

Lisbonne

PORTUGAL

50

% ALGÉRIE

4,9%

Le bouchon plastique

Pour un vin frais à boire dans un délai court.

3

Le bouchon en aggloméré Pour un vin à boire dans les six mois.

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Le bouchon technique

Photos : DR. Infographies : James Eric Jones

Pour un vin à boire dans les six mois.

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Le bouchon en liège

D’une hauteur de 38 mm, pour un vin à boire dans les 5 ans ; de 54 mm, pour un vin de garde (15 ans et +).

TUNISIE

3,5%

MAROC

Marrakech

6,1%

Pour un vin frais à boire dans un délai court.

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Tunis

Alger

1

La capsule à vis

Valence

LES PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS DE LIÈGE

La minute recyclage En France, il y a 60 fois plus de bouteilles de vin débouchées dans une année que de bouchons recyclés ; heureusement, 2 000 points de collecte ont été mis en place pour récupérer les bouchons de bouteilles portant le label Liège recyclable. Insolite et exemplaire : un couple vivant à Amiens a isolé sa maison avec 400 000 bouchons de liège ! Il a donc recyclé 200 000 fois plus de bouchons qu’un Français moyen. * Des jurons du capitaine Haddock ? Non ! Ces termes désignent tous deux un collectionneur de bouchons de bouteilles, le buttappœnophile préférant les modèles en liège.

Tappabotuphile*!

Buttappœnophile*!

1 200 kg

C’est le poids d’écorce produit en une seule récolte, en 1991, par le Whistler Tree, le plus vieux et le plus grand chêneliège du monde ; soit l’équivalent de ce que donne un Quercus Suber en une vie. À elle seule, cette récolte a permis de produire plus de 100 000 bouchons de liège. Planté en 1783 à Águas de Moura, dans l’Alentejo, au Portugal, ce mastodonte fait 14 mètres de haut et le périmètre de son tronc mesure 4,15 mètres. Il doit son nom poétique au chant des oiseaux qui séjournent dans ses branches. Racines

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Grand format—Visionnaire

sans doute l’un des plus grands stylistes du chardonnay

Au Mesnil, Rodolphe Péters fait vibrer la craie champenoise dans des vins saisissants de tension, promis à de longues années de garde. Des Grands Crus prisés des amateurs, parmi les plus enviés de la Côte des Blancs. Texte Véronique Raisin—Photos Sébastien Dubois-Didcock


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RODOLPHE PÉTERS est un homme pressé. Surtout en cette fin du mois d’août, quand la récolte frémit et qu’il faut arbitrer le lancement des opérations. Rendez-vous est pris sur le fil, à l’aune d’une récolte en suspens, programmée dans les premiers jours de septembre.

Le Mesnil, l’hégémonie des grands terroirs Au Mesnil-sur-Oger, où la pureté de la craie s’exprime à chaque gorgée, il faut prendre la mesure du lieu et en éprouver la résistance aux années. « La marque des grands terroirs, explique Rodolphe d’emblée, c’est le temps, qui façonne lentement nos cuvées. Nous cultivons un terroir dynamique par essence, où les vins impriment le caractère salivant et salin du sol », poursuit le vigneron, qui s’efforce de tirer le meilleur de ses 87 parcelles de chardonnay, éclatées sur 19 hectares entre la Côte des Blancs et le Sézannais. Depuis qu’il a repris la tête du domaine familial, en 2007, cet œnologue méticuleux s’emploie ainsi à traduire la résonance de ses sols calcaires ; le chardonnay est ici toujours plus tendu qu’ailleurs, offrant une facette iodée que même les autres Grands Crus de la Côte des Blancs n’approchent pas. « Le terroir n’est pas qu’une histoire de goût, mais aussi de sol. On assiste aujourd’hui au retour des grands terroirs qui ont fait leurs preuves ; la craie est un régulateur naturel des excès du climat, elle absorbe l’eau et la redistribue en période sèche. » Au sud d’Épernay, coincé dans les replis de la côte, le village du Mesnil est une terre enviée, discrète, qui abrite des raisins d’excellence. Cela n’a pas toujours été le cas ; lorsque Camille Péters s’installe ici, au début du siècle dernier, et développe la production en pleine crise de 1929, l’heure est à la survie et les viticulteurs restent 16—

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Ci-dessus : Rodolphe Péters, Directeur Général du domaine, et Alaric de Portal, Directeur Général de Ventealapropriete.


à la merci d’un négoce libre de fixer les conditions d’achat des raisins. Visionnaire, Camille installe un pressoir pour conserver ses jus et s’affranchir de ces pratiques. Son fils aîné, Pierre, le grandpère de Rodolphe, officialise en lui donnant son nom la naissance du Champagne Pierre Péters, en 1946. Représentant la sixième génération, adoubé par le clan familial, Rodolphe doit aujourd’hui porter la marque sur une marche plus haute encore. « La règle est claire : un seul vinificateur par génération. J’ai donc dû prendre à bras-le-corps ce métier auquel je ne me destinais pas forcément. » Rodé aux techniques œnologiques, familier du monde viticole et bien vite expert en la matière, il trace son sillon, dans le respect de ses prédécesseurs. « Mon père François, autodidacte, m’a inculqué le respect des grands terroirs, qui implique de ne pas s’imposer, et l’acceptation, chaque année, de la page blanche. » Un éternel recommencement, nourri des expériences, qui incite à comprendre la nature et la matière première, et surtout, à s’adapter. En cela, Rodolphe Péters s’est forgé non seulement un style, mais aussi une vision, exaltant le potentiel immense de ces terroirs exceptionnels.

Évoluer sans trahir le terroir Avec la mue du climat et les évolutions inhérentes à l’époque, Rodolphe Péters doit en permanence ajuster la recette. « Je suis optimiste, on a toutes les cartes en main, à commencer par nos terroirs », dit-il, confiant. La baisse des acidités (en particulier l’acide malique, qui se dégrade avec les fortes chaleurs estivales) liée à des maturités plus élevées entraîne des équilibres différents d’il y a 20 ans. « Malgré cette baisse d’acidité, on garde une belle fraîcheur et beaucoup de vibration dans

nos vins. » Pour autant, quelques ajustements techniques ont été nécessaires, comme l’introduction, à partir de 2009, d’une proportion de vins sans malo – la fermentation malolactique transforme l’acide malique en acide lactique et apporte aux vins plus de gras et de rondeur. S’en affranchir permet donc de conserver des jus plus saillants et plus acides. Le vigneron a également développé un conservatoire de plants en sélection massale 1 pour préserver le patrimoine génétique du vignoble et en faire bénéficier les autres domaines. De fins réglages nourris de pragmatisme, mais aussi d’une compréhension parfaite de ces sols calcaires uniques au monde. Les temps changent, mais le style Péters demeure. Et le garde-fou de ces champagnes de tension, à l’acidité presque électrisante portée par de beaux amers de structure, tient sans doute à leur élaboration à rebours des modes. « Pas de bois chez moi », clame Rodolphe. À l’exception de trois foudres de conservation renfermant les vins de réserve, les jus ne voient que l’inox. « On se trompe souvent sur le bois, assure le vigneron. Il apporte de l’allonge et resserre les vins, mais le caractère grillé, les notes de noisette et d’amande viennent de la belle réduction sur lies, confie-t-il. Je connais d’autres approches du champagne, je vinifie aussi en Californie et j’ai été consultant en Géorgie, en Russie, en Italie et même en Israël ! Mais ici, on fait du sur-mesure. » Rodolphe coupe donc les cheveux en quatre, jongle avec les règles très strictes de l’appellation pour ne conserver, lors du pressurage, que les jus les plus purs et les plus qualitatifs, qu’il prend bien soin de séparer des tailles, la partie finale des jus, plus riche, mais aussi plus amère. « Aujourd’hui, j’ai mené à terme tout ce que je souhaitais faire : maîtriser les maturités de

1. Sélection des meilleurs plants de vigne d’une parcelle dont on prélève un sarment (greffon) que l’on multiplie et que l’on greffe.

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vendange, fractionner les jus au pressurage, conserver la tension extrême des vins. Ce terroir de Grand Cru, sur la craie, est déjà très saillant, il ne faut pas ajouter de la raideur à ce profil, mais au contraire, trouver la voie du plaisir, de la précision, de l’harmonie. » Une évidence qui ne va pas de soi et qui exige une grande connaissance œnologique afin de régler finement tous les paramètres de vinification. C’est pourquoi Rodolphe mise sur l’acier, un contenant neutre très exigeant. « On vinifie, on élève les vins sans les soutirer, on les garde sur lies grasses pour bénéficier de l’autolyse 2. Avec l’inox, il faut être délicat et précis, c’est un matériau difficile à travailler. Mais on obtient ainsi des notes grillées et nobles de noisette, d’amande torréfiée qui font le lien entre l’agrume et la craie iodée du Mesnil, entre le fruit et le minéral. » Laissant exploser en bouche toute la dimension calcaire et lumineuse de ces grands terroirs.

« Le Mesnil a vocation à faire des vins éternels. Ce sont des vins profonds, confortables, qui se révèlent avec les années », conclut Rodolphe. À l’image de la cuvée des Chétillons, issue de 2,5 ha acquis par Camille Péters en 1930, et qui célèbre la force cristalline de la craie et la dextérité du vigneron. Devenue l’emblème de la Maison aux côtés des Montjolys, parcellaire du Mesnil, ou de la Collection MK de L’Étonnant Monsieur Victor, elle révèle la quintessence du savoir-faire Péters. Un jeu de construction alliant audace et tradition, déclinant toutes les nuances de ce chardonnay si cher à la famille Péters et si précieux pour les amateurs. Les volumes sont ténus ; en acquérir relève de la gageure. Ventealapropriete a la fierté de pouvoir en réserver quelques bouteilles aux membres de son Club Prestige.

Des champagnes d’éternité Quand la plupart des vignerons privilégient les barriques, pratiquent le parcellaire, lui cultive un esprit libre. De l’acier, des assemblages épousant au plus près le terroir et un apport consistant de vins de réserve, conservés depuis 1988 dans une « réserve perpétuelle » qui vient enrichir pour moitié la nouvelle récolte dans la cuvée Réserve, le champagne non millésimé de la Maison. « En 1997, je dégustais avec mon père les jus naissants de la vendange en vue de l’assemblage. Rien ne me plaisait. Je lui ai suggéré de sacrifier tous ses vins de réserve de cinq années antérieures pour les assembler au 1997. C’est ainsi qu’a débuté la réserve perpétuelle, désormais ajoutée à hauteur de 50 % à l’année de récolte. » Olivier Poussier ne tarit pas d’éloges sur les résultats obtenus : « Rodolphe est intuitif et brillant. Il sait traduire le terroir en des cuvées à l’élégance inimitable, de grande expression saline, florale et crayeuse. » 18—

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C H A M PAG N E P I E R R E P É T E R S

Superficie / 19 hectares (dont 16 ha sur la Côte des Blancs) Grands Crus / 12 ha : Mesnil-sur-Oger, Avize, Oger, Cramant Cépage / Chardonnay Export / 87 % Grande Réserve Grand Cru Extra-Aging. Doté d’un vieillissement sur lattes prolongé de deux ans par rapport à la cuvée classique, sur une base de récolte 2018, ce champagne livre une grande sensation minérale, illustrant toute la pureté de la craie du Mesnil dans une résonance magistrale. Tenu par de beaux amers, des notes d’agrumes confits, il possède une belle structure, très effilée, une sensation large et subtilement gainée. Une merveille !

2. Dégradation de certaines levures par des enzymes, au cours de la fermentation en bouteille.


Teaser—Teaser

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Depuis plus de trois siècles, on produit, à la pointe du Cap, un vin iconique. Prisé Baudelaire – durant des décennies, le Vin de Constance connaît une nouvelle

une légende sud-africaine Texte Olivier Reneau —Photos Lee-Ann Olwage

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par les grands de ce monde – de Napoléon Bonaparte à jeunesse… jusqu’à surclasser le mythe d’antan ?

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Dès la première gorgée, toute la mythologie autour du Vin de Constance gagne votre esprit. Sa dégustation met non seulement vos papilles en alerte, mais vous raconte aussi près de trois siècles et demi d’histoire.

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À PARTIR DU CITY BOWL, le centre historique de Cape Town, on dépasse l’impressionnante Table Mountain en longeant le versant est, en direction de False Bay, sur l’océan Indien. C’est sans doute le chemin qu’avait emprunté le commandeur Simon van der Stel en 1685, lorsqu’il s’était mis en quête de terres fertiles pour la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. On comprend, près de trois siècles et demi plus tard, qu’il ait été séduit par les paysages paradisiaques découverts sur sa route au point de vouloir y installer un vaste domaine de 2 000 hectares. Aujourd’hui encore, cette nature est célébrée à travers des parcs et réserves naturelles, mais aussi un vignoble devenu l’un des plus mythiques au monde grâce à un vin doux unique en son genre, le Vin de Constance. En pénétrant dans le domaine Klein Constantia, on éprouve véritablement la sensation de remonter le cours de l’Histoire. La longue allée bordée de chênes guide toujours le visiteur jusqu’aux parterres de pelouses autour desquels se dressent des bâtisses aux toits de chaume et aux façades d’un blanc immaculé. Un peu comme la vision fantasmée d’un manoir des Pays-Bas transplantée dans un contexte méridional. Tout autour, 146 hectares de vignes s’étendent désormais en parcelles parfaitement ordonnées jusqu’à mi-pente de Constantiaberg et profitent, grâce à la proximité des deux océans, d’un micro-climat. L’outil viticole se trouve légèrement en retrait, à l’abri des regards, afin de préserver ce sentiment d’un temps suspendu. Ce dispositif, qui traduit bien la stature du vignoble de Constantia d’autrefois est le fruit d’un travail de réhabilitation qui a démarré dans les années 1980, grâce à la persévérance d’un passionné, Douglas « Doogie » Jooste, qui s’était alors porté acquéreur de Klein Constantia – subdivision depuis 1823, faut-il le préciser, du vignoble de Constantia. La dynamique


s’est largement amplifiée il y a une douzaine d’années lorsque le domaine a été repris par deux amis, l’homme d’affaires tchèque Zdeněk Bakala et l’Anglais Charles Harman, animés par l’envie de redonner son lustre au vin liquoreux ici produit et qui figurait jadis parmi les plus prisés à travers le monde, à l’égal des grands Tokaj de Hongrie et bien avant les Sauternes. « En voisins du Cap, où ils possèdent des résidences, ils étaient venus faire une dégustation dans la vallée… Et là, ce fut littéralement le coup de cœur, à la fois pour le cadre majestueux de Klein Constantia, et le fait qu’une histoire unique a démarré ici. En une après-midi, l’acquisition a été conclue avec les Jooste », explique Hans Aström, qui assure, depuis lors, la direction du domaine. Il fusionnera quelques mois plus tard avec Anwilka Vineyards, la propriété de Stellenbosch créée en 2005 par le fils Jooste avec les personnalités viticoles du Bordelais Bruno Prats et Hubert de Boüard.

Une dimension symbolique qui participe de sa magie Dès sa prise de fonction, en 2012, Hans – passé par la direction de domaines prestigieux – va transmettre sa vision au chef de cave Matthew Day, fraîchement promu, et au chef de culture Craig Harris, qui vient de rallier l’aventure. « Tout l’enjeu pour nous est de faire un vin doux, moderne dans sa structure, c’est-à-dire doté d’une belle acidité qui va permettre de contrebalancer la douceur du sucre apportée par le muscat à petits grains [aussi appelé muscat de Frontignan, ndlr]. Le Vin de Constance va évoluer avec le temps et chaque dégustation aura sa typicité très singulière. Mais l’on devra toujours pouvoir apprécier une certaine tension et une fraîcheur qui font de ce vin un vin vivant », explique-t-il durant une dégustation verticale, en février dernier, réunissant cinq millésimes sur 20 ans.

Le Vin de Constance revêt une dimension symbolique qui participe de sa magie, à commencer par son « flacon » totalement unique : une bouteille de verre aux tonalités brunes, de 500 ml, datant du XVIIIe siècle et inchangée depuis. Les recherches historiques menées par la nouvelle équipe pour recoller parfois les pièces de puzzle de cette épopée sont éloquentes d’anecdotes, de détails et permettent de comprendre comment ce vin blanc doux a conquis les plus importantes caves et tables de la planète. Si le nom Constantia reste toujours une énigme – il pourrait faire référence à Constantia van Goens, la fille du commissaire néerlandais, Rijckloff van Goens, qui avait soutenu van der Stehl dans l’obtention des terres –, on sait que la première dégustation officielle eut lieu en 1692. Une barrique avait alors été envoyée à Djakarta (autrefois nommée Batavia), au siège de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales pour valider l’exportation. Trois siècles plus tard, l’historien Diko van Zyl va même certifier que les premiers Constantia wyn (en néerlandais) étaient bien des vins doux naturels n’ayant pas fait l’objet d’une fortification à l’alcool. « Les goûts de l’époque tendaient vers ces vins liquoreux, mais on peut aussi considérer qu’ils étaient destinés avant tout à voyager, pour être consommés à bord des navires ainsi qu’aux Pays-Bas et dans les autres comptoirs de la Compagnie. Aussi le fort taux de sucre aidaitil à la stabilité et au maintien de la qualité », explique Hans. Il s’agit donc de raisins récoltés à maturité tardive – en mars, tandis qu’une vendange s’effectue en Afrique du Sud début février. On relève aussi qu’en 1767, un livre scolaire allemand sur la physique et les sciences naturelles comporte une analyse assez précise de ce vin.

Ci-dessus : Hans Aström, Directeur Général de Klein Constantia, et Alaric de Portal, Directeur Général de Ventealapropriete.

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L’entrée du caveau de vente de Klein Constantia et du restaurant The Bistro.

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On peut y lire : « Le poids d’un Constantia rouge est de 1 018 g/cm3 et celui d’un Constantia blanc de 1 039 g/cm3. Comme la densité du vin dépend dans une large mesure de sa teneur en sucre, on peut estimer que le rouge contenait environ 40g/l et le blanc environ 90g/l. » Mais ce sera surtout son évocation à travers les écrits d’écrivains célèbres tels que Jane Austen (dans Raison et Sentiments), Charles Dickens, Honoré de Balzac ou encore Charles Baudelaire (dans Les Fleurs du mal) qui va marquer les esprits et porter aux nues la renommée du fameux nectar.

L’aura du romantisme à la française Les expéditions vers l’étranger augmentent considérablement au cours du XVIIIe siècle, favorisant son apparition dans les caves de la noblesse européenne qui l’apprécie pour sa rareté, sans doute son exotisme et bien sûr son goût. La France occupe une place de choix parmi les dégustateurs. Le livre de cave de Versailles indique qu’en 1782, Louis XVI détenait 1 794 bouteilles de « Vin du Cap de Constance rouge » et 840 bouteilles de « Vin du Cap de Constance blanc » – soit 2 634 bouteilles. À titre de comparaison, la cave royale ne contenait que 2 031 bouteilles de Bourgogne et presque aucune de Bordeaux. Quelques décennies plus tard, la consommation que Napoléon va faire de ce vin durant son ultime exil à Sainte-Hélène, à partir de 1815, participera incontestablement du mythe. L’empereur déchu recevra entre 563 et 1 126 litres de Constantia chaque année jusqu’à sa mort, en 1821. Et là encore, fait avéré ou pure spéculation : une théorie raconte que sa ration quotidienne de Constantia aurait servi à dissimuler l’arsenic destiné à un empoisonnement ! L’histoire 26—

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aura-t-elle contribué à ce que le roi Louis-Philippe en passe des commandes impressionnantes, que le gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin considère qu’un grand restaurant parisien doit avoir à sa carte du Vin de Constance, qu’Alexandre Dumas en fasse l’éloge dans une nouvelle sur le Café de Paris ? Ou bien encore, qu’elle attise la passion des collectionneurs, notamment celle de MichelJack Chasseuil (voir Racines n°4) qui en garde jalousement quelques flacons datant du XIXe siècle ? « Cette somme d’anecdotes en lien avec la France, ainsi que le grand nombre de visiteurs et de consommateurs français de renom explique l’apposition de l’appellation Vin de Constance sur l’étiquette actuelle. D’ailleurs, en France, les consommateurs, comme ceux qui avaient eu la chance de venir à Constantia, avaient pris l’habitude de parler du Vin du Cap de Constance. Il est évident que les Jooste, en relançant le domaine, ont opté pour l’usage du nom en français sur l’étiquette pour cette raison. Et la langue française est tellement synonyme de romantisme à travers le monde… », fait remarquer l’historienne Joanne Gibson, qui a réalisé un impressionnant travail de recherche sur le vignoble de Constantia. Ce pouvoir d’attraction exercé sur l’Hexagone se vérifie aussi à travers la place de leader des ventes de Klein Constantia qu’occupe aujourd’hui Ventealapropriete, en France, mais aussi sur le marché européen. Alaric de Portal, Directeur Général de Ventealapropriete, le confirme : « Nous avons commencé à proposer le Vin de Constance à partir de 2016, sur un millésime 2011. Immédiatement, les clients ont été au rendez-vous, car ce vin est unique. Le diptyque Muscat de Frontignanterroir lui confère ses caractéristiques organoleptiques incomparables.

Ci-dessus : les équipes de Ventealapropriete et de Klein Constantia dégustent ce qui constituera l’assemblage 2022 du Vin de Constance.


Un liquoreux est par essence immortel. Dès la première gorgée, toute la mythologie autour du Vin de Constance gagne votre esprit. Sa dégustation met non seulement vos papilles en alerte, mais vous raconte aussi près de trois siècles et demi d’histoire. »

De « l’ère Gatsby » à la biodynamie Les vignobles du monde entier vont connaître, durant la seconde moitié du XIXe siècle, deux désagréments majeurs : l’oïdium – maladie causée par des champignons – commence à sévir et la prolifération du phylloxéra porte des coups sévères à la production internationale. En Afrique du Sud, s’ajoute à cette crise internationale du vignoble un contexte commercial défavorable : la Grande-Bretagne, qui contrôle désormais le commerce vers l’Europe, passe un accord avec la France et s’approvisionne désormais plus largement à Bordeaux. La guerre des Boers (188081) succédant au conflit anglo-zoulou (1879) n’aide pas non plus à la stabilité économique. Finalement, Klein Constantia est rachetée en 1913 par un couple excentrique et argenté, mais peu animé par l’idée de faire du vin. Le modiste Abraham Lochner de Villiers et son épouse millionnaire américaine, Clara Hussey, vont y mener grand train durant quatre décennies, multipliant les fêtes extravagantes tandis que l’exploitation viticole a totalement cessé. On n’hésite d’ailleurs pas à qualifier cette période d’«ère Great Gatsby ». « Ce pan de l’histoire fait aussi partie de ce qu’est devenu Klein Constantia et témoigne d’ailleurs qu’il s’agit bien d’un endroit magique qui a toujours suscité de l’appétence », fait remarquer Hans. Pour autant, cette mise en sommeil viticole de près d’un siècle

n’a pas entaché la qualité du vin, qui y est à nouveau produit depuis 40 ans. Elle a même permis, dans un certain sens, d’accroître le potentiel du domaine : Doogie Jooste a fait réaliser des analyses sur les hauteurs, démontrant ainsi l’extraordinaire qualité de ces sols jusqu’alors inexploités. De nouveaux pieds de vigne au clonage de bien meilleure qualité qu’auparavant ont été plantés, une approche en biodynamie a été privilégiée, des sessions régulières de dégustation ont été mises en place avec des professionnels extérieurs. Tous ces facteurs permettent d’assurer une qualité d’exception aux vins qui y sont produits aujourd’hui, surpassant peut-être même celle des mythes d’autrefois.

D O M A I N E K L E I N C O N S TA N T I A

Superficie / 146 ha dont 16,38 ha pour la production du Vin de Constance Cépage du Vin de Constance / Muscat de Frontignan Sucres résiduels / Env. 160 g/l. Vin liquoreux Terroir / Sols dérivés de granit décomposé à forte teneur en argile Vins / En plus du Vin de Constance, le domaine produit aussi des vins secs en mono-cépage et assemblés à partir de sauvignon blanc, chardonnay, riesling, shiraz, malbec et cabernet-sauvignon. Vin de Constance Blanc 2020. Ce liquoreux d’élite associe puissance et fraîcheur, attachant aux notes de fruits blancs, d’agrumes et de zestes de fines nuances d’épices.

Ci-dessus : portrait de Napoléon et cette carte de la région sont conservés dans une pièce du domaine consacrée à son histoire.

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une histoire de cœur

Premier Grand Cru Classé de Saint-Émilion, Pavie Macquin est une éblouissante réussite, un vin magistral et esthétique. Fan de la première heure, l’équipe de Ventealapropriete a toujours défendu ce cru qui tutoie les sommets de l’appellation. Lever de rideau pour nos membres ! Texte Véronique Raisin—Photos Romain Bassenne



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1. Clos de Mazeray (Meursault), Clos des Santenots (Volnay), Clos de la Féguine (Beaune). | 2. Domaine de la Romanée Conti.


ON Y ACCÈDE par un raidillon en surplomb du village, qui découvre son calcaire en slalomant, et que l’on surnomme ici le « petit Tourmalet ». À près de 100 mètres d’altitude, Château Pavie Macquin, 1er Grand Cru Classé de Saint-Émilion, dévoile son parterre de vignes : 15 hectares d’un seul tenant jouxtant les châteaux Troplong-Mondot par l’est, Pavie au sud et Trottevieille au nord. Tous les ans, le même miracle se répète, porté par les deux anges qui se sont penchés sur le berceau de ce cru fécond et portent haut un style inimitable, fait de finesse et de fraîcheur. La famille Thienpont d’abord, qui en assure la gestion ; Stéphane Derenoncourt ensuite, conseiller viticole adoubé par la sphère bordelaise et au-delà. Autodidacte, débarqué de son Nord natal sans un sou ni un diplôme en poche, le voilà ouvrier agricole, attelé à ce cru dont il ignore tout et qui lui donnera tant. Entre le « p’tit gars du Nord » et les Flamands rodés aux techniques viticoles, le courant passe. La retenue de Nicolas Thienpont semble parfaitement s’accorder au verbe haut en couleur du néophyte d’alors. Avec, toujours en retrait, mais attentifs, les héritiers et propriétaires – la famille Corre-Macquin –, qui laissent carte blanche au duo. « Ils nous font une confiance totale, nous sommes très proches, reconnaît Stéphane Derenoncourt. J’ai un attachement fort au cru et à la famille. Et je suis même la seule chose qui soit plus ancienne que Nicolas ici ! », glisse-t-il avec humour.

Une alliance contraire et complémentaire Mise sur orbite au tournant des années 1990 par ces deux personnalités aux tempéraments opposés, sans doute le duo le plus efficace à la ronde, la propriété n’a eu de cesse d’attirer la lumière. Métamorphosée par l’énergie du gérant et l’expertise du conseiller, elle aligne, Ci-contre : Nicolas Thienpont dans le nouveau chai conçu par l’architecte Arnaud Boulain (agence BPM).

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Albert Macquin, l’homme providentiel Figure du Bordelais, cet ingénieur agronome (1852-1911) a permis d’éradiquer le phylloxéra, vulgarisant le plant greffé qui sauva le vignoble. À partir de 1887, il achète plusieurs propriétés, constituant ainsi le domaine de 26 hectares de Pavie Macquin. Les actuels propriétaires, les Corre-Macquin, sont ses petits-enfants et arrièrepetits-enfants. Profondément attachés au château, ils en confient la gérance, en 1994, à Nicolas Thienpont, rodé à la gestion de domaines bordelais prestigieux. Accompagné de Stéphane Derenoncourt, il fait accéder Pavie Macquin au rang de 1er Grand Cru Classé en 2006.

depuis plus de deux décennies, une série de vins fantastiques, sans aucun faux pas. Le style demeure fidèle au terroir, marqué à la fois par la puissance de la partie argileuse et la minéralité des calcaires, se distinguant de ses voisins par une énergie supérieure. Car Pavie Macquin, c’est d’abord une fraîcheur, une lumière et un éclat. « C’est un vin à part, qui a beaucoup de caractère et que tu reconnais tout de suite », explique Stéphane Derenoncourt, à son chevet depuis 1990. « C’est toujours le plus frais, le plus tendu de Bordeaux, qui ne craint pas les canicules. » Un vin profond, serein, sur la droiture, affranchi de toute opulence, même dans les millésimes solaires comme 2015 ou 2018. Un vin complexe, comme son terroir, que Ventealapropriete a toujours adoubé et poussé, bien avant qu’il n’enflamme la critique et s’impose en référence. « C’est un vin qu’il faut dompter, poursuit le consultant. Pavie Macquin n’a pas un terroir facile, c’est un terrain de jeu très complexe, un mix entre des calcaires qui donnent des jus aériens, très fins, et une partie plus argileuse, les molasses de Troplong-Mondot, qu’il faut apprivoiser et qui donnent toujours des jus tanniques et puissants. » 32—

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En 30 ans, le duo a réconcilié les contraires et révélé les forces de ce terroir. « On a beaucoup travaillé, dans une restructuration lente, avec un matériel végétal mieux adapté, confie Stéphane Derenoncourt. J’en connais chaque parcelle par cœur, j’ai été ouvrier agricole, puis maître de chai ici, de 1990 à 1999 ; j’ai ainsi pu observer chaque détail et cerner toute la cohérence de ce grand terroir. D’ailleurs, c’est toujours à Pavie Macquin que je viens réfléchir, seul, pour prendre le pouls du millésime à venir. » « On a aussi augmenté la densité de plantation, ajoute en écho Nicolas Thienpont, à 8 800 pieds par hectare au lieu de 6 500. Aujourd’hui, on a une meilleure occupation racinaire, et même si le climat est plus sec, on n’a jamais fait d’aussi bons vins. » Comme un origami, Pavie Macquin déplie son vignoble par touches, chacune portant une sensibilité, une vision de la terre. En bordure de la faille de Fongaban, c’est un petit vallon bordé de bois de chêne, à la lisière de la côte de Pavie, regardant vers le sud. Une zone de rupture et de contrastes où se dessine une écume de vignes tirant ses aplats verts, couvrant les plus vieux plants du domaine. Là, sous le grand chêne, les argiles rouges progressent, posées sur un calcaire tendre. « On croit que c’est une roche, mais cela se délite dès qu’on le prend en main », explique Cyrille Thienpont, le fils de Nicolas venu en renfort sur la propriété.

La fenêtre gothique du cabernet La parcelle des cailloux touche ce grand chêne ; ce sont 15 rangs de cabernet franc qui offrent toujours un très beau jus, racé, mentholé, distingué. « Ce cabernet vient agrandir le grand vin, à la façon dont l’art gothique a élargi la perspective romane : on agrandit les espaces, on fait rentrer la lumière par la grande fenêtre », poursuit Cyrille. Plus loin, l’îlot des costières borde les chênes. Ce sont des calcaires durs, qui donnent des jus nerveux, corsés, intègres. Le cœur de

1. Le soutirage consiste à débarrasser le vin de ses lies. Cela sert également à l’oxygéner en le transvasant dans une autre cuve.


bouche de Pavie, sa verticalité et son élan. En allant vers le sommet se découvrent les cerisiers. Un secteur d’argiles blanches à calcaires durs, avec très peu de profondeur de terre. La roche veine le chemin, l’obstrue quelques fois et soulèverait presque les poteaux de fin de rang. Les jus qui en émanent sont granuleux et tendres, comme la craie, portant une finesse et une minéralité caressantes. Le plan du vignoble fut redessiné pour 40 ans au début des années 90 ; en 2023, les Thienpont-Derenoncourt entament la tranche des 10 dernières années. Les vinifications, les assemblages ont été revus et corrigés par l’intuition et l’audace du nordiste, mâtinés de l’expérience vigneronne de Nicolas Thienpont. « À Bordeaux, on ne remettait pas en cause la sacro-sainte tradition, se souvient Stéphane Derenoncourt. On soutirait 1 les vins tous les trois mois, ce qui les durcissait. J’ai arrêté cette technique et introduit l’élevage sur lies. J’avais fait des essais et échangé avec mes amis vignerons, les frères Foucault, Charlopin [Nady et Charly Foucault étaient, jusqu’en 2017, les propriétaires du Clos Rougeard, célèbre domaine de Saumur-Champigny et Philippe Charlopin est l’artisan du domaine éponyme situé à Gevrey-Chambertin, NDLR]. Depuis, plus personne ne soutire à Bordeaux ! ». En parallèle, la part de bois neuf a été drastiquement réduite : « De 80 %, on est passés à 50 % », confirme Nicolas Thienpont, qui nous introduit dans le nouveau chai conçu par l’architecte Arnaud Boulain, pour déguster sur fûts. « On est en rupture de plateau, les sols sont peu profonds, en creusant on était directement sur la roche, on a donc descendu ce bloc de calcaire de 4,5 tonnes », poursuit-il, désignant l’imposante roche qui ouvre les allées de barriques. Au niveau supérieur, le cuvier aussi a été refait, avec des cuvées prénommées au lieu de numéros : Hortense, Gertrude, Albertine, Berthe, Cunégonde sont ainsi les réceptacles d’une vendange millimétrée. Tous ces fins réglages ont permis d’accrocher le titre suprême,

en 2006 : le classement de primus inter pares, 1er Grand Cru Classé B de Saint-Émilion. Et de continuer de clamer ses différences ; une gestion, un savoir-faire et un parti pris légèrement décalés, suffisamment subtils pour continuer d’être adoubé par le sérail, assez originaux pour affirmer un style. Pour tous les amateurs de fraîcheur et de finesse, Pavie Macquin représente une certaine idée de la perfection ; sa position singulière et le fait qu’il soit veillé par deux sensibilités opposées mais complémentaires lui confèrent une stature unique. Aujourd’hui, Pavie Macquin tutoie toujours les sommets de la hiérarchie bordelaise ; « Nous sommes parvenus à le hisser là où il devait être, affirmant sa fraîcheur, son style, sa régularité », conclut Stéphane Derenoncourt. Admirateur du cru, partageant la philosophie de ce vin, Ventealapropriete l’a toujours privilégié dans ses sélections et proposé à ses membres… Plus qu’une tocade, un amour inconditionnel.

C H ÂT E A U PAV I E M AC Q U I N

Superficie / 15 hectares (14,6 hectares en production) Cépages / Merlot (80 %), cabernet franc (18 %), cabernet-sauvignon (2 %) Terroir / Plateau argilo-calcaire sur calcaire à astéries Vins / Château Pavie Macquin 1er Grand Cru Classé, Les Chênes de Macquin Production / 70 000 bouteilles Les Chênes de Macquin 2019. Reprenant les codes du grand vin dans un registre plus souple et plus immédiat, il en déroule les précieux atouts : finesse, élégance, fraîcheur et précision.

Ci-dessus : Thomas Blanquer, Responsable Achats de Ventealapropriete, lors de la dégustation des lots 2022 encore en barriques.

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Grand format—Esthètes

la partition virtuose de grands interprètes de sancerre

Des sauvignons denses et ciselés, des pinots noirs salivants et charmeurs: année après année, Clément et Florent Pinard poussent le curseur un peu plus loin pour affiner leurs admirables sancerres. Produits d’un travail acharné à la vigne et millimétré en cave, les vins du domaine sont savoureux dans leur jeunesse, mais aussi taillés pour affronter le temps. Texte Matthieu Perotin—Photos Dorian Prost


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Section—Rubrique

IL EST À PEINE 10 HEURES, en ce matin de fin d’été, et le soleil cogne déjà dur sur les vignes. Tout de décontraction gaillarde, tignasse sombre et barbe en jachère, Clément Pinard guide nos pas dans les collines du Sancerrois. C’est ici que s’étend le domaine familial, morcelé en une mosaïque de petites parcelles dont la surface se limite souvent à quelques dizaines d’ares. Avec leur puissant pouvoir d’évocation, les noms cadastraux – La Thibaude, Le Paradis, Les Grands Champs, La Plante-des-Prés… – témoignent d’un riche passé viticole, attesté depuis le début du XVIIe siècle. Comme leur père Vincent avant eux, Clément et son aîné Florent sont nés là. Issus d’une lignée d’au moins 20 générations de vignerons, les deux solides quadragénaires connaissent les moindres recoins de leur terroir. Et ses atouts… La canicule s’installe à quelques jours des vendanges, faisant mûrir les raisins à marche forcée et modifiant le profil attendu du millésime ? Contrairement au mercure, Clément ne s’affole pas. « Certes, les degrés alcooliques ont tendance à progresser au fil des ans et les dates de récolte se font plus précoces. Mais l’empreinte des sols calcaires apporte toujours à nos vins la fraîcheur et l’acidité nécessaires à leur équilibre. » Terres blanches de marnes kimméridgiennes à l’ouest, formations plus crayeuses à l’est : la répartition géologique du terroir de Bué, où se concentre l’essentiel du patrimoine des Pinard, suit schématiquement cette ligne de démarcation. « L’altitude et l’exposition des terres introduisent aussi beaucoup de diversité, nuance Florent. Dans les vins d’assemblage , cela nous aide à jouer sur les différentes origines des raisins pour obtenir le dynamisme et la tension que nous recherchons. » En blanc, quatre cuvées parcellaires, toutes vinifiées et élevées à l’iden36—

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Teaser—Teaser

tique – Petit Chemarin, Grand Chemarin, Le Château, Chêne Marchand – expriment l’identité des lieux-dits les plus remarquables.

Une émulation qui pousse à l’exigence À écouter les frères Pinard, on finirait par se laisser convaincre que l’excellence du terroir est la seule responsable de l’engouement pour leurs vins (distribués dans 35 pays !). Pourtant, il y a bien longtemps que le domaine s’est engagé dans une démarche où la qualité du produit fini prévaut sur toute autre considération. Vincent a succédé à son père au début des années 1970. Il se souvient que ce dernier livrait, entre autres institutions, le restaurant de Fernand Point, pionnier de la gastronomie française et premier chef à obtenir trois étoiles au Guide Michelin. « À Sancerre, il y avait une belle émulation entre des vignerons très exigeants. J’ai trouvé là une boussole pour avancer dans le métier et définir ma propre ambition », explique-t-il, sourire espiègle et visage tanné. Parti de 2,25 hectares, Vincent agrandit son terrain de jeu par location ou rachat de terres aux membres de la famille. Il négocie également quelques virages marquants dans la manière de produire. Malgré la mode des cuves en ciment, émail ou inox, qui se sont imposées dans les années 1960, sa nostalgie des vieilles caves remplies de tonneaux est restée vive. Avec d’autres comme son ami Didier Dagueneau, il contribue à relancer l’élevage sous bois dans la région. Précurseur, Vincent l’est également à la vigne. « Il a été le premier dans le village à arrêter de désherber. Et quand nous sommes passés en agriculture biologique, il y a 20 ans, ses pratiques étaient déjà largement alignées sur les exigences du référentiel. Ce fut un vrai luxe de pouvoir

Ci-dessus : les vignes du sancerrois et la butte de Sancerre, au fond, portant le village.


réaliser notre conversion dans ces conditions », confie Florent. Sans doute travaillé par le souvenir des récoltes perdues à une époque où la viticulture était, davantage qu’aujourd’hui, tributaire des aléas météorologiques, Vincent n’a pas tout à fait vécu la même expérience. « J’ai pour principe de laisser mes fils conduire l’affaire comme ils l’entendent. Mais quand nous avons basculé en bio, je n’ai pas été tranquille pendant trois ans, s’amuse-t-il. Heureusement, Clément et Florent ont su s’organiser pour pouvoir intervenir très vite en cas de problème. »

La biodynamie, source d’éclat et d’énergie Interrogé sur la décision la plus déterminante depuis que son frère et lui président aux destinées du domaine, Florent évoque le passage en biodynamie, que les Pinard mettent en œuvre depuis sept millésimes. « Au début, nous avons traité environ 95 % des surfaces, en laissant le reste à l’état de témoin. Là où les préparations biodynamiques étaient employées, nous avons vu la vigne se redresser et mieux résister au stress hydrique ainsi qu’aux écarts de température. » L’effet au fond du verre ? Clément assure le repérer à la dégustation. « Même si nous continuons d’aimer ce que nous faisions auparavant, je pense que l’on trouve aujourd’hui davantage de relief, un éclat et une énergie supplémentaires dans des vins un peu plus détendus. » Pour Christian Martray, maître sommelier en charge des sélections pour Ventealapropriete, la biodynamie agit comme un révélateur. À travers les vins de la famille Pinard, elle aide à restituer la pureté du terroir de Sancerre. « L’idée est un peu de délivrer un traitement homéopathique, en apportant à la vigne les éléments naturels qui stimuleront Ci-dessus, à gauche : Clément et Florent Pinard.

préventivement ses défenses innées. L’effet sur les blancs du domaine réside sans doute dans la trame calcaire, le côté crayeux que le sol, plus vivant et mieux connecté avec la plante, communique aux jus. Pour prendre une image, on pourrait dire que les Pinard sont passés de la 2D à la 3D : les détails ressortent aujourd’hui avec un niveau de précision bien supérieur. »

De moins en moins d’interventions en cave Après avoir cuit à l’étouffée au milieu des rangs de vignes, on retrouve avec bonheur la fraîcheur de la cave. Demi-muids, amphores en argile, cuvier, pressoir, machine à embouteiller… Les équipements, tous « dernier cri », semblent avoir été installés la veille, alors que les derniers travaux d’envergure remontent à 2016 ! Précisément l’année où les deux frères ont renoncé aux levures du commerce au profit de souches issues du vignoble pour mieux maîtriser les fermentations alcooliques. Comme à leur habitude, ils ont procédé pas à pas, en comparant les résultats avec une partie de la production destinée à la cuvée Florès et pour laquelle les pratiques antérieures étaient encore en vigueur. « À chaque fois, il y avait 10 niveaux d’écart, remarque Clément. Avec nos propres levures, les vins présentaient une vibration incomparable. » Car à la différence de leur père, employé au travail des vignes dès l’âge de 14 ans, les deux frères ont suivi une formation au métier de vigneron. Une fois aux commandes, ils ne se sont pas privés de faire le tri dans les enseignements reçus, abandonnant autant que possible les interventions sur les vins. Pour résumer la philosophie appliquée à la cave, Clément emprunte à son frère cette formule : « Si je n’ai mal nulle part, je ne prends Racines

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pas de Doliprane. » « Au train où vont les choses, ils n’auront bientôt plus rien à faire ! », commente Vincent, pince-sans-rire. Puis d’enchaîner, admiratif : « Il faut travailler de manière très précise pour pouvoir ainsi s’en remettre à l’évolution naturelle des vins. » « Vincent Pinard était déjà un très bon vigneron. Ses fils, avec leur dynamisme, ont franchi un palier supplémentaire qui place incontestablement le domaine dans le top 3 de l’appellation Sancerre, observe Christian Martray. Dans cette évolution qualitative, le soin mis dans l’élevage n’est pas pour rien : précis et discret, l’apport du bois accompagne les vins, les souligne sans jamais s’imposer. Il ne masque pas leur origine géographique et préserve la signature de chaque millésime. Bref, c’est un des instruments dont jouent à merveille les deux frères pour offrir dans le verre la plus ensorcelante des musiques. »

Préserver l’approche artisanale Visiter le domaine de la famille Pinard, c’est s’immerger dans une communauté unie où la sensibilité de chacun se nourrit de l’attention portée à l’avis des autres. « Pour toutes les décisions importantes, nous continuons à consulter notre père, souligne Florent. C’est un grand dégustateur, dont le palais est très actuel. Je pense qu’il ferait certainement aujourd’hui des vins très proches des nôtres. » L’intéressé botte en touche, mais il ne fait aucun doute que la trajectoire suivie par le domaine comble sa sensibilité : « Les cuvées actuelles sont plus nettes, plus droites, plus pures. » Trois adjectifs qui viennent naturellement à l’esprit en goûtant Florès, élevée à 100 % sous bois et principale cuvée du domaine. À l’autre extrémité de la gamme des blancs, Le Château – caressant et soyeux – et Chêne Marchand – plus austère et d’une grande noblesse – s’affirment comme de parfaits candidats pour une garde 38—

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de quelques années. En rouge, Charlouise, issue des meilleures parcelles, livre un concentré de raffinement où le pinot noir se pare de touches de griottes et de fleurs. Avant de développer, en vieillissant, des notes fumées dignes des grandes syrahs du Rhône ! Du haut de l’élite viticole où ils ont leur rond de serviette, comment les Pinard se projettent-ils dans l’avenir ? « Nous allons continuer à expérimenter, mais ne voulons pas devenir beaucoup plus grands en surface, sans quoi notre approche artisanale ne serait plus viable. D’ailleurs, imagine-t-on un grand chef cuisiner préparant un menu pour 100 convives ? », demande Clément. « Le gros avantage d’un domaine à taille humaine, c’est qu’on peut vendanger “al dente”, remarque Florent. Sur Chêne Marchand, si tu te trompes d’un jour, tu bascules dans la surmaturité. Certes, on peut tuer un vin en prenant une mauvaise décision en cave, mais 90 % de notre boulot, c’est d’être dehors. » Le hâle des deux frères en est la preuve incarnée.

DOMAINE VINCENT PINARD

Appellation / Sancerre Production / 100 000 bouteilles par an Superficie / 17 hectares en exploitation Cépages / Sauvignon blanc, pinot noir Âge moyen des vignes / 35 ans Type de sol / Calcaire et argilo-calcaire Harmonie Sancerre Blanc 2022 Magnifique de précision, d’intensité séveuse et de saveurs fruitées, particulièrement soigné et ambitieux, ce grand blanc de sauvignon enchante par sa complexité et sa finesse. Une grande garde s’annonce.

Ci-dessus : Maël Vincent, Acheteur Ventealapropriete, avec Clément Pinard. Ci-contre : Vincent Pinard.


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Épiphanies—

Le premier verre du reste de leur vie Deux professionnels et un amateur éclairé racontent cette expérience intime, esthétique et sensorielle qui a transformé leur rapport au monde. « Un Mazis-Chambertin 1947

a marqué mes premiers pas dans le monde du vin. »

« La révélation est venue d’un meursault-charmes. »

« Figeac 1989 m’a révélé la douceur d’un très grand vin à maturité. »

Bernard Frenay

Régisseuse du domaine des Hospices de Beaune

Membre VIP+ de Ventealapropriete, Directeur financier d’Euroclear

« J’hésitais encore entre l’œnologie et une carrière d’ingénieur quand, stagiaire chez Antonin Rodet avec Nadine Gublin [célèbre œnologue, NDLR], j’ai participé à une dégustation qui fut capitale pour moi. Un client japonais recherchait de vieux millésimes et je me suis retrouvée, parmi le comité de dégustation, à évaluer ces vins anciens. Un Mazis-Chambertin 1947 m’a émerveillée : les nuances encore juvéniles de sa robe, ses parfums changeants, évoquant les saisons – l’humus et le sous-bois automnal, les fleurs de printemps, les fruits frais d’été puis les fruits à l’eau-de-vie hivernaux – m’offrirent une balade sensorielle extraordinaire. Sa persistance incroyable, sa texture soyeuse furent pour moi une révélation. C’était en 2000 et depuis, je n’ai plus quitté le monde du vin. Nadine Gublin m’a la première guidée dans ce secteur, m’offrant ce stage à Mercurey contre toute attente, alors que je désespérais de pouvoir valider mon année de dno 1 et d’ingénieur. C’est la plus belle rencontre professionnelle de ma vie et j’ai énormément appris à ses côtés. Aujourd’hui, c’est elle qui m’appelle pour me demander mes impressions sur le nouveau millésime. Et je m’efforce désormais de transmettre à mon tour ce qu’elle m’a enseigné. Après mon expérience chez Antonin Rodet en tant que directrice technique et un détour par l’Australie, j’ai passé 11 ans chez Corton André, puis j’ai rejoint le domaine des Hospices de Beaune en 2015. Ce millésime est ma neuvième campagne ici et je commence seulement à mesurer les effets des décisions que j’ai prises à mon arrivée sur la restructuration du vignoble. Mais je reste ouverte aux découvertes, y compris hors Bourgogne ! »

« C’est la gastronomie qui m’a mené au vin. Mes parents étaient de fins gourmets. À cinq ans, ils m’ont offert mon premier trois étoiles Michelin, le Moulin de Mougins, sur la Côte d’Azur. Je revois encore le fabuleux chariot des desserts ! Vers 25 ans, j’ai fait une escapade gastronomique en Bourgogne, avec quelques dégustations au programme. Un meursault-charmes m’a renversé. J’ai été fasciné par sa matière et sa persistance beurrée, d’une longueur extraordinaire. Ce fut une révélation ! Comme je suis aussi un passionné de cuisine et que je passe derrière les fourneaux régulièrement, j’ai continué d’acheter des vins en sillonnant le vignoble français. De l’Alsace (Marcel Deiss, Domaine Weinbach, Trimbach) à la Loire (Domaine Foreau à Vouvray, les vins de Jacky Blot) en passant par le Sud (Trévallon, Hauvette), le Rhône (Georges Vernay, notamment) et la Champagne (Jacquesson, Egly-Ouriet), j’ai visité beaucoup de domaines en liant tourisme, dégustations et gastronomie. Je sais ce que j’ai en cave, j’achète raisonnablement mais je consomme beaucoup ! Le vin que j’ai le plus, c’est le Clos des Mouches blanc, de Joseph Drouhin. J’ai tous les millésimes produits de 2000 à 2021 ; avec un homard à la vanille ou un filet de sole et mousseline aux crevettes, c’est parfait. Je me fournis chez Ventealapropriete depuis 2011 alors que je cherchais un de mes vins préférés, Château Simone. J’achète aussi la cuvée V.P. d’Egly-Ouriet, le vin préféré de ma fille, et d’autres beaux classiques, comme Louis Jadot, Chapoutier, Flor de Pingus ou Contador. La livraison jusqu’à Bruxelles est impeccable. Chaque matin, je me réveille à 5h30 avec le premier mail de ventes pour ne rien rater ! »

Ludivine Griveau

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1. Diplôme national d’œnologie.

Benjamine Bounoure

Responsable du Club Prestige de Ventealapropriete « Ma première grande émotion liée au vin fut une soirée au cours de laquelle étaient servis certains des plus grands crus de Bordeaux. Je devais avoir 13-14 ans, nous étions chez des amis de mes parents, détenteurs d’une cave excellemment fournie qu’ils partageaient avec nous régulièrement dans l’optique de la renouveler. Lui-même grand amateur, mon père m’avait convié ce soir-là au dîner. Figeac 1989 fut servi et je goûtai pour la première fois la douceur d’un si grand vin ; je n’avais pas les mots, encore moins les codes pour cerner ce que je ressentais. Mais je me souviens de ses notes un peu tertiaires et surtout de cette suavité totale, cet immense caractère de velours où rien ne dépassait et semblait converger vers la perfection. Tout le monde était en extase ! J’ai donc appris le vin avec Bordeaux, dans cette atmosphère familiale et conviviale de simplicité et de partage. Par la suite, j’ai acheté beaucoup de vins avec des amis pour échanger, comparer, m’initier. J’ai toujours souhaité faire un métier de passion, de liberté ; le vin s’est imposé comme une évidence. Je me suis formé, j’ai lu de nombreux ouvrages, regardé des vidéos, je me suis aussi rendu dans le vignoble pour comprendre. À l’issue d’un premier stage, en 2018, où j’ai pu approfondir ma culture du vin en dégustant beaucoup, je suis entré chez Ventealapropriete. D’abord en tant qu’acheteur puis, à partir de 2022, comme responsable du Club Prestige. Tous les jours, je continue de m’émerveiller, aux côtés de l’équipe et du Comité. J’ai accompli mon rêve : exercer un “métier de soif”… d’apprendre ! » V É RO N I Q UE RA I SIN / Illustration Paul Wearing


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la chasse aux accords parfaits

À poils ou à plumes, le gibier cuisiné est synonyme de saveurs relevées et de sauces délicieusement parfumées. Pour accompagner avec subtilité quatre recettes extraites du livre Gibier, de Bruno Doucet, chef de La Régalade et ami de Ventealapropriete, voici une sélection de haut vol.

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Photos Franck Juery Stylisme Séverine Augé—

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CIVET DE LIÈVRE DE MA GRAND-MÈRE ANDRÉE + CHÂTEAU MONTUS MADIRAN ROUGE 2019

CANARD COLVERT AUX FIGUES ET ÉCHALOTES CONFITES + STÉPHANE OGIER, CÔTE-RÔTIE MON VILLAGE ROUGE 2021

NOISETTES DE FILET DE BICHE AUX BLETTES + CHÂTEAU BEL AIR MARQUIS D’ALIGRE, MARGAUX ROUGE 1998

Pour 6 à 8 personnes 1 beau lièvre de Touraine coupé en morceaux, 2 c. à s. d’huile de colza, 20 g de beurre 150 g de lardons de poitrine fumée 1 c. à c. de grains de poivre, 2 c. à s. de farine, 10 cl de cognac 2 l de bon vin rouge et corsé, 30 cl de jus de volaille 50 cl de bouillon de volaille Garniture aromatique : 2 carottes, 1 oignon et 2 échalotes (tous coupés en cubes de 1 cm), 4 gousses d’ail, 2 clous de girofle, 5 baies de genièvre, 2 branches de thym 2 feuilles de laurier Légumes à glacer : 15 oignons grelots jaunes, 1 botte de jeunes carottes, 250 g de champignons de Paris, 2 c. à s. d’huile de tournesol, 50 g de beurre, 60 g de sucre, fleur de sel

↗ Éplucher, laver et tailler les légumes des-

tinés à la garniture aromatique : carottes, oignon et échalotes. Dans une cocotte en fonte ou un faitout, faire colorer les morceaux de lièvre dans l’huile. Les retirer, dégraisser et ajouter une noix de beurre, les lardons et la garniture aromatique. Faire suer 6-8 min. ↗ Ajouter le lièvre et bien l’enrober de farine. Déglacer avec le cognac, puis verser le vin rouge. Faire réduire de moitié, puis compléter avec le jus de volaille et le bouillon. Vérifier l’assaisonnement et laisser mijoter à couvert jusqu’à ce que les os se détachent de la viande, soit environ 2 à 3 h. ↗ Éplucher les légumes à glacer et couper les champignons en quartiers. Les faire revenir 5 min dans l’huile chaude à la poêle. Placer les carottes et les oignons séparément dans deux casseroles larges. Répartir le beurre en morceaux, le sucre et saler. Ajouter de l’eau à hauteur et cuire à feu moyen et à couvert 10 min pour glacer à blanc. ↗ Retirer les brins de thym et les feuilles de laurier du civet, puis y déposer les oignons grelots, les carottes et les champignons de Paris. Servir avec ce civet la garniture suivante : purée de panais, de céleri, pâtes fraîches ou encore pommes vapeur. ↗ Ce plat ne sera que meilleur le lendemain. Si la sauce épaissit, il ne faut pas hésiter à la détendre avec un peu de bouillon de volaille. L’accord Le cépage tannat offre force et velouté ; deux atouts qui correspondent à cette recette haute en saveurs et sa sauce brune liée au vin et au cognac. La matière ample et séveuse du vin saura tenir tête à ce plat goûteux et réconfortant. 44—

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Pour 2 personnes 2 échalotes, 1 c. à s. de graisse d’oie 2 belles branches de thym, 4 figues 30 g de miel, 10 grains de poivre noir 20 cl de vin rouge corsé 1 canard colvert, plumé, vidé, flambé 1 c. à s. d’huile d’arachide, 1 feuille de laurier, 1 gousse d’ail en chemise, 50 g de beurre, 20 cl de jus de volaille de bonne qualité, fleur de sel, poivre

↗ Inciser les échalotes en deux dans la longueur tout en gardant leur peau. Les déposer dans un plat de cuisson, face plane vers le bas, ajouter la graisse d’oie et une branche de thym. Couvrir de papier aluminium et enfourner 30 min dans un four à 180 °C. ↗ Faire une incision en croix sur chaque figue, les déposer dans un plat de cuisson. Dans une petite casserole, faire caraméliser le miel, ajouter les grains de poivre écrasés et déglacer avec le vin rouge. Napper les figues de la sauce obtenue et enfourner 15 min à la même température. ↗ Séparer les cuisses et le coffre du canard. Verser l’huile dans une sauteuse tout-inox et bien faire colorer les cuisses et le coffre dans l’huile chaude. Saler, poivrer et ajouter l’autre branche de thym, la feuille de laurier et la gousse d’ail écrasée. ↗ Ajouter le beurre, arroser la viande de beurre moussant, puis enfourner 6 à 8 minutes à 180 °C. Retirer le coffre et les garnitures du four. Laisser les cuisses 5 min de plus en cuisson. ↗ Sortir la sauteuse du four, retirer la viande et y verser 10 cl d’eau, décoller les sucs et verser le jus de cuisson des figues. Faire réduire le temps de lever les suprêmes, puis ajouter le fond brun de volaille. ↗ Déposer l’ensemble, viande et garniture dans la sauteuse et napper de sauce juste avant de servir avec une poêlée de cèpes ou de crosnes légèrement aillée. L’accord Entre la douceur de ses fruits et le charnu de sa viande, cette recette appelle un rouge raffiné, mais de bonne consistance. L’appellation Côte-Rôtie réunit ces qualités, surtout cette cuvée d’élite qui en livre une version charmeuse et tout en élégance. Son fruit juteux et croquant se fondra à merveille au registre confit du plat et à sa tonalité enrobée.

Pour 4 personnes 500 g de blettes 1 l de bouillon de volaille de bonne qualité 300 g de pleurotes, 3 échalotes 50 g + 20 g de beurre 1 filet de biche d’environ 700 g 1 c. à s. d’huile d’arachide 18 cl de jus de volaille corsé fleur de sel, poivre du moulin

↗ Préparer et cuire les garnitures : séparer le vert des côtes de blettes. Blanchir les feuilles dans une casserole d’eau bouillante 1 min, puis les plonger dans un bol d’eau froide. Égoutter et déposer à plat dans un torchon propre. Réserver au frais. ↗ Porter à ébullition le bouillon de volaille et y plonger les côtes de blette coupées en biseaux de 3 cm pour environ 5 min de cuisson. Les réserver et conserver le bouillon. ↗ Hacher les échalotes et les pleurotes. Faire suer les échalotes dans 50 g de beurre fondu 3-4 min, sans coloration. Ajouter les pleurotes et poursuivre la cuisson jusqu’à ce que les champignons aient rendu toute leur eau. ↗ Préparer le filet de biche : le sortir du réfrigérateur et le diviser en 2 ou 3 s’il est très long. Faire chauffer l’huile d’arachide et, sur feu très chaud, saisir les morceaux de filet sur toutes les faces pendant environ 2 min. Saler, poivrer, puis retirer de la cocotte et laisser refroidir une dizaine de minutes. ↗ Étirer sur le plan de travail autant de morceaux de film alimentaire que de morceaux de viande. Y déposer les feuilles de blettes cuites en formant des rectangles assez grands pour envelopper la viande. Couvrir de duxelles sur 2 mm d’épaisseur, ajouter les filets et rouler en serrant bien. Nouer les extrémités et réserver . ↗ Finition : couper les ballotines de viande pour obtenir des noisettes de 4 cm et retirer le film autour. Poêler les bâtonnets de blettes dans le reste de beurre pendant 2 min. Ajouter les noisettes de biche, compléter avec une petite louche de bouillon de volaille et 3 cuillerées à soupe de jus corsé. Après quelques minutes de réchauffage, servir l’ensemble avec le reste de jus de volaille. L’accord Cette recette mérite un vin puissant mais délicat, de belle évolution. Hors norme, ce cru propose toujours des vins âgés au charme imparable ; ce 1998,


VERS BOLOGNE

VERS BOLGHERI

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aux fins arômes de fruits mûrs et d’épices douces, est soyeux et délicat, d’une jeunesse étonnante encore ! La rencontre de deux univers d’un grand raffinement.

VERS BOLOGNE

4 PÂTÉ EN CROÛTE DE FAISAN AU FOIE GRAS ET TROMPETTES DE LA MORT + CANTINA CLAVESANA, BAROLO TERRA ROUGE 2019 Pour 10 personnes Matériel : 1 moule carré de 20 cm de côté. 200 g d’échalotes confites à la graisse d’oie 4 c. à s. de graisse d’oie, 2 branches de thym 150 g de trompettes de la mort 4 c. à s. d’huile de tournesol 400 g de chair de faisan (coupée en dés de 5 mm) 400 g de quasi de veau (coupé en dés de 5 mm) 400 g de foie gras cru (coupé en dés de 1 cm) 15 g de sel fin, 3 g de poivre blanc moulu 2 g de piment d’Espelette, 10 cl de cognac 160 g de pistaches, 2 blancs d’œufs Pâte à pâté : 300 g de farine, 120 g de beurre, 3 g de sel, 5 g de sucre, 4 cl d’eau, 1 œuf + 1 jaune, 1 pincée de sel et 1 c. à s. d’eau pour la dorure

↗ La veille : préparer les échalotes de la même manière que précisé page 44 (recette du canard colvert). Faire tomber les trompettes une dizaine de minutes à feu vif dans l’huile de tournesol, puis réserver. ↗ Préparer la pâte à pâté : sabler à la main ou au batteur la farine avec le beurre. Ajouter le sucre, le sel, l’eau et 1 œuf, puis mélanger de nouveau et travailler jusqu’à obtenir une pâte homogène. La diviser en deux morceaux représentant environ un et deux tiers. Les abaisser à 3 mm d’épaisseur au rouleau en formant des carrés, puis filmer et placer au frais 1 h. ↗ Mettre à mariner la farce : tailler au couteau toutes les chairs en dés et les déposer dans un grand bol mélangeur. Ajouter les assaisonnements (sel, poivre, piment d’Espelette, cognac), bien mélanger, puis filmer au contact et laisser mariner 24 heures. Sortir le grand carré du frais, le laisser revenir à température 20 min sur le plan de travail. Beurrer et fariner le moule à pâté et disposer un carré de papier cuisson dans le fond. Foncer le moule de pâte en laissant dépasser la pâte d’au moins 2 cm sur les rebords. Remplir avec un papier cuisson et des poids puis enfourner 20 min à 160°C. Le vider et poursuivre la cuisson encore 10 min, puis laisser intégralement reposer jusqu’au lendemain.

↗ Le jour même : incorporer à la farce les pistaches, les blancs d’œufs, les échalotes confites sans la peau et en morceaux, ainsi que les trompettes de la mort. ↗ Remplir le moule contenant la pâte cuite de la veille avec la préparation en tassant bien. Recouvrir l’ensemble avec le carré de pâte restant. Découper l’excédent de rebord cuit et pincer la pâte fraîche pour la souder. Fouetter 1 jaune d’œuf avec une pincée de sel et 1 c. à s. d’eau, puis dorer le pâté. Inciser en croix au centre pour permettre à l’humidité de s’échapper. ↗ Enfourner 35 min à 180 °C, puis baisser à 160 °C et poursuivre 30 à 45 min (la température à cœur doit être de 68 °C). Laisser refroidir, puis placer au frais au moins 1 nuit. L’accord Pour répondre à cette pièce ciselée comme de la marqueterie, il faut une autre œuvre de délicatesse, transalpine celle-là. Cette petite merveille du Piémont, intensément fruitée, déroule une matière ample et suave, d’une évidence folle, qui portera l’alliance au sommet.

1. Gibier – 85 recettes, 40 gibiers à poil et à plume, histoire, modes de chasse & anecdotes, Éditions de La Martinière.

Deux questions giboyeuses à Bruno Doucet Dans votre livre 1, vous évoquez les plats de gibier de votre grandmère, servis le dimanche sur cette grande table, en terres tourangelles. Quel vin y trouvait-on ? B. D. Le vin de mon grand-père, servi dans des pots Berger jaunes ! J’avais 8-9 ans, je les vois encore. Agriculteur, il avait quelques vignes. La vendange durait une petite journée, il vinifiait lui-même. Quel regard portez-vous sur ce lien fort entre vin et gibier ? B. D. Le gibier tel que je l’envisage est surtout délicat : un joli civet rosé de chevreuil, c’est parfait avec un vieux bourgueil. Un grand blanc de Bourgogne et un carpaccio de cerf, c’est magnifique.

Racines

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Tête-à-tête—

UN VERRE AVEC…

Bruno Verjus

Iconoclaste et créatif, le chef du restaurant Table (2 étoiles et meilleur Français au World’s 50 Best Restaurants 2023) propose l’une des plus belles cuisines du moment. Et une carte des vins à son image.

Quelle place occupe le vin chez Table ? J’ai considéré il y

Quelle est cette spectaculaire bouteille ? Un magnum de la

cuvée 910 du domaine Le Clos des Vignes du Maynes de 2017. C’est un assemblage de gamay, pinot noir et chardonnay. La date fait référence au démarrage de l’exploitation viticole par les moines de l’abbaye de Cluny, qui remonte à… 910. C’est un peu foufou comme assemblage ! Julien Guillot, le

vigneron, crée un vin d’antan, l’expression d’une vendange où l’on récolte le même jour tous les cépages. Une référence à l’intelligence des moines qui utilisaient toutes les expressions de la vigne. Julien a juste poussé le curseur. J’aime l’idée de ce mélange. On sort des académies et on explore le vivant. J’aime les vins d’infusion, où rien n’a été forcé. On voit sa couleur, que l’on peine à définir. Comme s’il s’agissait d’un jus de framboise 48—

Racines

a quelque temps que mes compétences en la matière étaient un peu dépassées. Je n’ai jamais conçu les plats par rapport à des accords mets et vins. Contrairement à certains chefs comme Alain Senderens, qui disait : « Le jour où j’ai connu le vin, j’ai réinventé ma cuisine. Non pas dans un accord mets et vins, mais dans un accord vins et mets.» Je ne suis pas dans cette narration. Le vin n’est pas le témoin obligatoire de ma cuisine. Mais j’ai la chance d’avoir deux sommeliers exceptionnels dans mon équipe, Agnese Morandi et Aurélien Robert. Ils sont capables d’amener une dimension créative extrêmement pertinente par rapport à ma cuisine. D’ailleurs, ça faisait longtemps que je n’avais pas bu une gorgée de vin… La couleur occupe une place importante dans vos assiettes. Celles du vin vous inspirent-elles ? Dès qu’il y a un

peu de fragilité dans une couleur, je suis ému. Quand des vins ont des brillances excessives ou des couleurs très engagées, je trouve ça un peu inquiétant. Contrairement à ma cuisine, où j’aime les couleurs vives, vibrantes. J’aime le vin quand il me ramène sur le versant du raisin et pas sur celui du chai. Il y a une particularité dans votre restaurant, c’est sa « table du sommelier »…

La Somm’s Table est une idée formidable d’Agnese. J’ai créé ce comptoir pour que les gens qui

viennent manger seuls puissent profiter du confort des services d’une sommelière. Et même si ces convives n’ont pas pris l’accord, il y aura toujours une bouteille ouverte à leur faire goûter. C’est la convivialité du vin. Chez vous, il n’est d’ailleurs pas rare de voir des clients échanger un verre… Les très

grandes bouteilles, on les ouvre soit par ego, soit pour les partager avec les amis. Les très grands vins sont des trésors qu’il faut partager. Chez Table, nous avons du vin pour tous les clients. On démarre à 59 euros, et on monte jusqu’à… ne plus s’arrêter. Dans votre livre1, vous évoquez votre goût pour la Bourgogne.

J’aime les grands bourgognes. J’y ai été initié par mon ami Henry Roch [Domaine Prieuré Roch, ndlr] qui malheureusement n’est plus là. On peut raconter ce qu’on veut : les pinots fins de cette bourgade de Vosne-Romanée, travaillés par des gens exceptionnels, c’est indépassable. En tout cas, moi, ça me procure des émotions incroyables. Et penser à mon ami Henry Roch, ça me fait pleurer… Vous êtes né à Renaison. Quel lien conservez-vous avec cette terre de vin ? Les années

70 ont fait beaucoup de tort à ces vignes, alors qu’une vingtaine de cultivateurs de gamay s’étaient adaptés à la région. Mon grandpère, que je n’ai pas connu, avait planté une vigne à ma naissance sur les coteaux du Roannais, du gamay. C’est le Domaine Sérol qui a racheté la vigne qu’avait plantée mon grand-père. Cela m’a rendu heureux.

Racontez-nous votre aventure de vigneron à Château Yvonne, près de Saumur. Elle a démarré

autour d’un verre. J’allais souvent avec mon ami Pierre Hermé dans un bistrot formidable. J’ai rencontré Jean-François Lamunière, patron de la maison d’éditions Payot & Rivages, qui m’a proposé de m’associer avec lui. J’ai dit « bingo » ! Quel vin faisiez-vous à Château Yvonne ?

J’aime beaucoup le chenin et ses vigueurs hespéridées, ses arômes de jus de citron qui peuvent aller légèrement sur le thé fumé. Intellectuellement, c’était fascinant et joyeux. C’était le début des vins naturels. Cette tribu ne comptait qu’une trentaine de personnes à l’époque. J’ai toujours du Château Yvonne à la carte. Mathieu Vallée, le vigneron qui a pris la suite, fait un vin différent, mais absolument délicieux. Votre phrase devenue célèbre « la façon dont on se nourrit, décide du monde dans lequel on vit » pourrait-elle s’appliquer au vin ?

Bien sûr. Un des rares pouvoirs que nous avons, c’est celui de savoir auprès de qui on dépense son argent. Donc, si c’est auprès de gens vertueux – producteurs, vignerons –, sensibles à leur sol, à leur culture, qui n’utilisent pas de saloperies chimiques, qui respectent le fruit, comme nous le faisons en cuisine, eh bien vous le donnez aux bonnes personnes. Ces gens-là contribuent d’une façon très directe et puissante à fabriquer un monde meilleur. BORIS CORIDIAN /

1. L’art de nourrir, Flammarion. | Ci-contre : Bruno Verjus devant son restaurant Table, 3, rue de Prague, Paris 12e.

Photos : Julien Lienard

un peu fragile. Un jus un peu trouble. J’aime cette délicatesse.


Racines

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nos atouts cœur Section—Rubrique

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Nos acheteurs Benjamin Bounoure, Thomas Blanquer, Maël Vincent et Killian Sourice recherchent avec passion les meilleures cuvées. Voici leurs trésors du vignoble, des recommandations pointues. Faites confiance à nos experts !

BENJAMIN BOUNOURE

Raúl Pérez

Bierzo Vizcaina La Vitoriana Rouge 2021 (19,99 €) 95/100

Voilà un pur mencía, fédérateur et vibrant. Partagé entre amis, il a mis tout le monde d’accord ! Lier finesse et tempérament, évidence et charisme n’est pas simple. Raúl Pérez y parvient, fidèle à un parti pris original : à chaque millésime, il fait varier ses approvisionnements sur les meilleurs terroirs de Galice et de Castille-et-León, ne retenant que le meilleur de l’année sur de très vieilles vignes pour forger des cuvées uniques, de petits volumes. Jamais deux fois le même vin, mais chaque fois dans le mille ! À l’image de ce rouge impeccable aux notes de violette et de baies rouges, porté par une élégance et une précision de tanins fantastiques, et dont on apprécie l’excellent rapport qualité-prix.

Domaine Jacques Prieur

Beaune 1er Cru Champs-Pimont Blanc 2018 (70 €) 94/100

Un revenant ! Ce blanc isolé sur la colline de Corton, perdu au royaume des rouges, est un défi. Une enclave de chardonnay soustraite au pinot noir, seulement 1,40 hectare en haut de coteau, sur des sols de marnes blanches. C’est pourtant un vrai terroir à blanc confie Nadine Gublin, l’emblématique vinificatrice du domaine, peut-être l’une des plus 50—

Racines

LE CHOIX DE

THOMAS BLANQUER

Julien Schaal

Alsace Grand Cru Schoenenbourg Gypse Blanc 2022 (14,99 €) 94/100

Tout en finesse, tension et fraîcheur, ce riesling clame son terroir calcaire avec force. Juste, longiligne, racé, soutenu par des notes d’infusion, d’agrumes, il déroule un jus de belles proportions, vibrant et savoureux, conciliant à merveille acidité et puissance ainsi qu’une belle identité minérale. Un blanc cristallin, d’exécution impeccable, qui appelle des accords iodés, comme un ceviche de dorade ou des ravioles de tourteau au curry. La virtuosité de cette jeune adresse n’est plus à démontrer : en parallèle d’une aventure menée en Afrique du Sud, Julien Schaal a pris le parti audacieux et réussi d’achats exclusifs de raisins de Grands Crus, illustrant ainsi tous les types de sols de la région. Le top de l’Alsace à prix angélique !

Patrick Lesec Châteauneuf-du-Pape Bargeton Rouge 2020 (29,99 €) 93-95/100

Un Châteauneuf-duPape de cette qualité à ce niveau de prix, c’est assez rare pour être souligné. Surtout lorsqu’il est l’œuvre de Patrick Lesec, négociant hors pair qui peut compter sur son flair pour sélectionner les jus les plus ambitieux. Un talent brut, capable de réaliser des cuvées phénomènes sur les terroirs les plus passionnants du Rhône ou de Bourgogne, à l’instar de ce 2020 issu de très vieilles vignes de 70 à 85 ans. Un récital de parfums envoûtants entre fruits à noyau, fruits rouges et compotée de griottes ! Un style mûr et généreux, cadré par des tanins souples et une texture toujours fraîche, qui séduit déjà par son amplitude et pourra attendre encore sans sourciller six à dix ans de plus, voire au-delà. Un épicurien né, à associer de toute évidence à une daube provençale, une épaule d’agneau ou simplement un beau saint-nectaire.

Moric Featuring Villa Tolnay Blanc 2019 (17,99 €) 94/100

Quel joyau ! Née d’un partenariat entre Roland Velich (Moric), et un jeune talent hongrois, Philipp Oser (Villa Tolnay), cette édition originale numérotée offre une définition et un élan prodigieux. Issu de riesling et de furmint plantés sur les sols basaltiques de la partie nord du lac Balaton, ce blanc charme par ses parfums de fruits blancs et de camomille, sa bouche pure, d’une grande persistance minérale, liant ampleur et consistance. Il y a urgence à découvrir cette micro-cuvée.

Portraits : Nicolas Dormont

LE CHOIX DE

grandes stylistes de toute la Bourgogne. Ses mains expertes, revendiquant des raisins mûrs, sont restées fidèles à l’ancienne école de vinification, celle qui privilégie le parfum et la finesse au détriment de la force. Voilà pourquoi ce Beaune 1er Cru a tout pour plaire. Il déroule un jus franc, salin, lumineux, une illustration parfaite de ce qu’offre le chardonnay en terre bourguignonne lorsqu’il est fait avec tact et intelligence. Une réussite totale que l’on doit, chaque année, à la maestria de cette Maison modèle, la seule à posséder un tiers des grands crus de Côte d’Or et guidée avec justesse par la famille Labruyère, en culture biologique.


Section—Rubrique

LE CHOIX DE

MAËL VINCENT

Champagne Michel Gonet

Les 3 Terroirs Extra-Brut Blanc de Blancs 2018 (29,90 €) 93+/100

Voilà une attachante maison familiale basée à Avize, au cœur de la Côte des Blancs. Michel Gonet est un vigneron-artisan qui taille en orfèvre des champagnes de grande pureté, où le chardonnay est roi. À nouveau, cette cuvée séduit par sa classe et son équilibre : elle peut d’ailleurs rivaliser avec les meilleurs blancs de blancs de l’appellation ! C’est un champagne non dosé, vieilli sur lattes quatre ans et issu des trois terroirs de Vindey, Montgueux et Le Mesnil-surOger. Marqué par une belle aromatique à la fois fruitée et florale, avec une bulle fine et croquante, il a un charme inimitable ! Une excellente bulle d’apéritif ou de début de repas, totalement accessible.

Domaine Cazes

Muscat de Rivesaltes Blanc 1996 (29,90 €) 96/100

Cazes est un géant du Roussillon, une exception du vignoble consignant plus de 200 hectares en biodynamie. Un véritable modèle pour la région qui signe une gamme impeccable de cuvées, parmi les plus fameuses de leur catégorie. L’impressionnant éventail de vins doux naturels n’a pas d’équivalent, tant par la variété des styles que par la qualité. Autre point de satisfaction : le domaine garde en

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collection de vieux muscats, toujours d’une qualité remarquable grâce à la présence de muscat d’Alexandrie. Ce Muscat de Rivesaltes 1996, qui en compte pour moitié, est un enchantement. Ce qui frappe dans ce vin, c’est la gestion de sa douceur, absolument phénoménale ! Les parfums de bergamote, de thé, de fleur d’oranger, de pêche et de menthe viennent en relais, posés sur une trame de grande onctuosité, ample et suave, où la richesse n’est jamais l’argument premier. C’est un vin complexe et profond, d’une jeunesse éternelle, à déguster pour lui-même ou à accompagner d’un dessert léger, une salade de fruits frais à la verveine, par exemple.

LE CHOIX DE

KILLIAN SOURICE

Maison des Ardoisières IGP des Allobroges Silice Blanc 2022 (14,90 €) 93/100

Cette adresse confidentielle et ultra-cotée aligne les succès depuis ses origines. Nous l’avions repérée dès le début, nouant avec Brice Omont, son instigateur, un partenariat solide. Depuis, le domaine a accédé au rang de superstar, son succès dépassant largement la barrière des Alpes. L’envers du décor est plus modeste : 13 hectares en biodynamie sur deux coteaux à l’entrée de la Tarentaise, où la nature préservée et encaissée exige un travail dantesque, uniquement manuel. Toutes les cuvées valent le détour, en particulier cette jacquère effilée et précise, aux belles notes de poire juteuse, de coing et de fleur blanche. Un blanc sapide, tout en vivacité et fraîcheur, idéal sur un poisson.

Domaine Paul Janin et fils Moulin-à-Vent Rouge 2022 (19,90 €) 95-97/100

Pour la première fois, Ventealapropriete s’associe à ce domaine modèle du Beaujolais et signe un assemblage sur mesure. Un jus de folie qui régale d’un fruit coulant, généreux, évident, cadré par des tanins souples qui respectent la trame du vin et la fraîcheur du millésime. Maestro du gamay, Éric Janin est un vigneron que nous aimons et admirons, avançant avec une discrétion et une modestie louables. Ses vins expriment toujours la pleine mesure de leur terroir, avec des matières charnues, voluptueuses et d’une intensité de fruit sans pareil. Impressionnés par le niveau de la gamme, nous sommes allés plus loin pour avancer main dans la main avec cette co-réalisation, sous la houlette de Christian Martray. Du grand art, en exclusivité pour nos membres.

Domaine Jean-Luc Jamet Côte-Rôtie Terrasses Rouge 2019 (76 €) 95/100

C’est l’un de nos champions de Côte-Rôtie, une adresse que nous recommandons chaudement et dont nous avons pu obtenir cette allocation exceptionnelle. Cette cuvée fait partie de nos préférées, issue des plus beaux terroirs de l’appellation à travers lesquels elle explore toute la dimension élégante et veloutée de la syrah, avec ses notes d’épices, fumées, et une grande puissance. Une bouteille de garde, à la mesure de ce talent encore sous-estimé, mais qui ne nous aura pas échappé. Attention, les quantités sont limitées. Racines

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Pays savoyard : en piste !

Entre Bauges et Chartreuse, rives des lacs du Bourget, d’Annecy et Léman et sous l’œil bienveillant du mont Blanc, la région recèle des domaines viticoles, tables et hôtels qui tutoient les sommets.

À g. : Laure Guirao, cheffe de partie du Hameau Albert 1er (Chamonix) dans le jardin d’aromates du potager. P. de dr., de haut en bas : une recette de René et Maxime Meilleur, à la Bouitte ; l’auberge du Moulin de Léré, à Vailly (Haute-Savoie). 52—

Racines

1 Les Morainières Restaurant 2* Michelin + maison d’hôtes

Au milieu des vignes, en surplomb d’une boucle du Rhône, dans l’avant-pays savoyard, la cuisine de Michaël Arnoult prend sa source entre grand fleuve, forêts et lacs, explorant un territoire à la fois cartographique (qui englobe l’Ain et la Bresse) et mental (cardons, salsifis… Il adore réenchanter les mal-aimés de l’enfance). les-morainieres.com 2

Domaine Jean-François Quénard

Ensemble, Jean-François et sa fille AnneSophie forgent des cuvées impeccables, parmi les plus réussies de Savoie. Quelle que soit la couleur, la qualité est toujours au rendez-vous et l’accueil, affable et instructif. Une belle halte, authentique, sur le terroir de Chignin. jfquenard.com 3

Domaine du Cellier des Cray

Campé sur les coteaux de Chignin et d’Arbin, le domaine d’Adrien Berlioz offre des vins denses relatant toutes les nuances de leur terroir. Ces nombreuses cuvées, produites en petits volumes, passent ainsi en revue tous les cépages de Savoie. Une référence !

Photos : Aurélien Antoine/iStock, Matthieu Cellard, Violaine Gouilloux

L’ABORDER SOUS L’ANGLE du vin et de la table, c’est poser sur ce pays un autre regard. Fous de cueillette, incollables sur les pratiques paysannes, les chefs y sont aussi, dans leur genre, d’excellents guides de montagne. Leur cuisine raconte une histoire, explore le moindre pli de la géographie. Dans chaque micro-terroir, produits et traditions diffèrent de ceux de la vallée voisine : ainsi, le lavaret du lac du Bourget n’est pas tout à fait comparable à la féra pêchée dans le lac d’Annecy. Et certains cépages changent de nom en franchissant un col… Accompagner cette cuisine hyper-locale de crus de la région s’impose. Ici, une nouvelle génération de viticulteurs témoins et relais du formidable réveil du vignoble savoyard s’emploie à viser la qualité. Frais, complexes, les vins de Savoie sont des pépites encore abordables. Où les dénicher ? Les initiés savent. Vous aussi, désormais.


Racines

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Dégustation—Escapade élevées en barriques, avec peu d’intervention, offrent des vins de terroir sans concessions. domainedechevillard.com 10

Domaine des Ardoisières

Exilé à l’entrée de la Tarentaise, Brice Omont est l’ambassadeur émérite de ce terroir de coteaux isolé. Le domaine est devenu une référence, et découvrir cette autre partie du vignoble savoyard est une aventure enthousiasmante. L’Allobrogie a trouvé son maître ! domaine-des-ardoisières.fr 11

Les Vignes de Paradis

Une adresse un peu à part, posée au bord du Léman, pour découvrir le chasselas dans sa version la plus pure. Biodynamie, vieilles vignes, rendements restreints, matières mûres forment une mécanique de précision qui affole les amateurs. Les vins se font rares et partent très vite… les-vignes-de-paradis.fr 12 Le Moulin de Léré Hôtel + Restaurant 1* Michelin

Domaine Fabien Trosset

Spécialiste de la mondeuse, dont il cultive les plus belles parcelles, ce domaine est un incontournable des rouges de Savoie. Bien ancré sur le cru d’Arbin, son terroir de prédilection, il permet d’explorer le cépage sous toutes ses coutures. Depuis la cave, les chemins de randonnée sont faciles à suivre ! domainetrosset.com 5

13 La Ferme de Victorine Restaurant Bib Gourmand Michelin

Domaine Ludovic Archer

Cette ferme-auberge centenaire est l’adresse idéale pour craquer sur la fondue du séjour, ou attaquer à l’Opinel l’assiette « tout cochon », avec diots et pormoniers. Les vaches sont toujours là, pour fabriquer le beaufort de la coopé… qui finira dans la cocotte de crozets. Éloge du circuit court. la-ferme-de-victorine.com

C’est le nouveau visage rayonnant de la Savoie, adossé au massif des Bauges sur seulement 4 hectares. Menant tout en solo, à l’instinct, Ludovic Archer propulse ses cuvées bio en haut des palmarès. Une adresse à découvrir pour explorer ce territoire fascinant des Alpes ! ludovicarcher.com 6 Le Clos des Sens Hôtel Relais & Châteaux + restaurant 3* Michelin

Féra crue au garum, omble chevalier au curry savoyard… On goûte des mets étonnants à cette table « végétale et lacustre », impeccablement locavore. Frais ou séchés, infusés, fermentés… Les légumes, herbes et fleurs du potager en permaculture se glissent dans les recettes de Franck Derouet toute l’année. L’idéal : dormir sur place pour visiter, au matin, ce jardin extraordinaire. closdessens.com La Maison Bleue par Yoann Conte Hôtel Relais & Châteaux + restaurant 2* Michelin 7

Installé dans l’ex-Auberge de l’Eridan de Marc Veyrat, son « fils spirituel » joue sa propre partition, en mode gastronomique ou bistrot chic. Dans des menus baptisés « Sur le chemin » ou « Parcours de vie », ce Brestois d’origine sublime la Savoie sans s’interdire les virées bretonnantes. En salle 54—

Racines

comme dans les chambres, vue imprenable sur le lac d’Annecy. yoann-conte.com Auberge du Père Bise Hôtel Relais & Châteaux + restaurant 2* Michelin 8

Dans le décor quasi balnéaire de cette auberge historique, sur le lac d’Annecy, la cuisine de l’hyperactif Jean Sulpice n’a rien perdu de sa « niaque » : créative, épurée, audacieuse, elle se nourrit de sa connaissance intime du terroir alpin. Même bouffée de fraîcheur au spa et à l’hôtel, à l’ambiance très scandi-chic. perebise.com 9

Domaine de Chevillard

Depuis 2016, Matthieu Goury fait parler de lui. Et pour cause : ses cuvées nées sur la Combe (Apremont, Abymes, Saint-Jeande-la-Porte et Monthoux), issues de vieilles vignes cultivées en agriculture biologique et

14 La Bouitte Hôtel Relais & Châteaux+ restaurant 3* Michelin + bistrot

La « bouitte » (petite maison en patois) de la famille Meilleur ? Une certaine idée de l’éternel savoyard. Père et fils revisitent les recettes paysannes et l’héritage italianisant, plus aristocratique, du Grand Duché de Savoie – chambres-refuges chics, superbe collection d’art populaire. la-bouitte.com Le Hameau Albert 1er Hôtel Relais & Châteaux+ restaurant 1* Michelin 15

Depuis 1903, la famille Carrier perpétue l’esprit chamoniard. Audace, rigueur, précision du geste – les qualités du grimpeur – caractérisent aussi la cuisine de Damien Leveau, et un superbe potager d’altitude inspire le menu du jour. Autour de la bâtisse d’origine, des granges réhabilitées abritent des chambres et un spa. hameaualbert.fr

Ci-dessus : Le chef Damien Leveau (Hameau Albert 1er) ; Anne-Sophie et Jean-François Quénard.

Photos : Matthieu Cellard ; Domaine Quénard. Carte : James Eric Jones

4

Tout fait sens dans l’écosystème de Frédéric Molina : la cueillette des herbes et champignons, le bio, les modes de conservation « doux » – fermentation en tête –, le « no waste », qui sublime les restes. Dans ce moulin où il se revendique « aubergiste », des pratiques anciennes donnent naissance à une cuisine d’auteur ultra-contemporaine. moulindelere.com


N

SUISSE

LAUSANNE

10 km

10 km

VERS BOLOGNE

Parc naturel régional du Haut-Jura

Montreux

11

12

Oyonnax VERS BOLGHERI

GENÈVE

Morzine

Les Dents Blanches

Martigny Samoëns

La Roche-sur-Foron

Chaîne des Aravis

6

ANNECY

7

Rumilly

Chamonix

La Clusaz Mont Blanc

8 13

Belley

15

Sallanches

Megève Courmayeur

1

Massif des Bauges

Aix-Les-Bains

ITALIE

Albertville

Le Bourget-du-Lac 10

CHAMBÉRY

9

2 3

La Plagne–Tarentaise

4 5

Tignes Courchevel Massif de la Chartreuse

14

Parc national de la Vanoise

Val Thorens GRENOBLE

Saint-Jean-deMaurienne

Val-d’Isère


Dégustation—Accords

Le roquefort, tout en douceur

Rien de mieux, pour sublimer la puissance et la salinité de cette pâte persillée, qu’un vin délicat, enrobant et fruité. Illustration. À l’état pur

Ses marbrures bleu-vert le distinguent au premier coup d’œil. Le roquefort, premier fromage doté d’une appellation d’origine (en 1925), est élaboré à partir de lait cru de brebis qui pâturent sur les Grands Causses, entre Aveyron et Aubrac. À la fois puissant et onctueux, ce fromage persillé présente une parenté étonnante avec les grands liquoreux issus de pourriture noble, dont le botrytis contribue à la variété aromatique. En toute logique, on lui associera un sauternes dont la sucrosité sera le contrepoint idéal de son acidité. En dehors du cru bordelais, on peut opter pour un coteaux-du-layon ou une vendange tardive d’Alsace ; plus original, le Roussillon, royaume des vins doux naturels. Essayer Château Suduiraut by Valap Blanc 2015. Ce liquoreux aux notes de fruits secs, de fruits confits et d’agrumes va venir enrober la salinité du fromage. Un indémodable ! 56—

Racines

Salade d’hiver endives, noix et roquefort

Le craquant de l’endive crue, la douceur épicée de la noix et la salinité du roquefort forment un trio inséparable, toujours attendu au tournant de l’hiver. On pourrait être tenté par un vin doux, mais gare à l’assaisonnement ! L’acidité du vinaigre et de la moutarde risque de se fracasser sur une trop grande douceur, aussi vaut-il mieux viser un demi-sec de la Loire par exemple – Vouvray, Montlouis-sur-Loire – voire pousser le curseur jusqu’au blanc sec, pour alléger en sucre au maximum et gérer l’amertume du plat. Double bonheur : cet accord pointilliste sera une transition toute trouvée avec l’apéritif. Essayer Domaine Castéra, Jurançon Sec Tauzy Blanc 2021. Cet assemblage de mansengs et de petit courbu fait preuve d’énergie, de fraîcheur et de gourmandise autour de belles notes exotiques.

Filet de bœuf sauce au roquefort

Lorsqu’il est cuisiné, le roquefort se fait plus sage, surtout s’il est associé à de la crème fraîche. Plus onctueux, fondant, il relève avantageusement la puissance du bœuf. Cette recette classique, mais tellement délicieuse, souffle le chaud et le froid et ne facilite pas l’accord, car le plat appelle un rouge quand la sauce voudrait un blanc. Tranchons en faveur d’un Amarone, ce vin de Vénétie issu de raisins confits et séchés qui tempèrent sa sucrosité. Autre choix si l’on n’a pas ce vin, en penchant du côté de la viande, un beau rouge ténébreux, pourquoi pas d’Argentine qui fournit des vins de structure et de goûts. Essayer Mendel Wines, Mendoza Unus Rouge 2020. C’est l’un des plus beaux vins du pays, associant malbec, cabernet-sauvignon et petit verdot. Riche, mûr, onctueux et puissant, avec sa pointe d’épices, il est sublime. Photo Pierre Lucet-Penato


Boire bon, manger bien Ces trois adresses, choisies par le comité de sélection de Ventealapropriete, concilient une cuisine remarquablement troussée et une carte des vins affûtée. Paris, Île-de-France—

Paris, Île-de-France—

Photos : Studio Papi aime Mamie ; Pierre Monetta ; DR

Chenapan Le choix d’Olivier Poussier. Bruno Laporte (ex-Ze Kitchen Galerie, une étoile Michelin) propose chaque jour depuis mai deux menus uniques, au gré des saisons et des arrivages, convoquant légumes du jardin, pêche de ligne ou viande d’élite comme le bœuf Angus. À leur suite, des flacons, avec ou sans alcool (macérations végétales, kéfir, kombucha), sélectionnés par Florentin Fraillon, régalant tous azimuts en nature, biodynamie ou conventionnel. Cette adresse intimiste et joyeuse s’apprête à faire du bruit et vise déjà les étoiles… Essayer Arnaud Lambert Saumur Blanc Les Perrières 2021 ; Dominique Corinin Mâcon Chaintré Blanc 2021 ; Domaine Huet Vouvray 2021 Le Haut Lieu sec ; Clos Marie Pic Saint-Loup Métairie du Clos Rouge 2020. Infos pratiques 28, rue Louise-Émilie de la Tour d’Auvergne, 75009 Paris. (chenapan-restaurant.fr). Menus déjeuner à 59 € et 79 €. Menu dîner à 89 €.

Benoit Le choix d’Alaric de Portal. Centenaire alerte, le Benoit perpétue la tradition bistrotière, verni par l’expertise d’Alain Ducasse qui l’a repris en 2005, exporté à Tokyo et New York et propulsé étoilé Michelin. L’esprit du ventre de Paris demeure, les banquettes de velours côtoient les colonnes de stuc, le pâté en croûte la tête de veau. Un répertoire classique exécuté avec entrain, mâtiné d’excellents produits de saison et de recettes efficaces (sauté de ris de veau, boudin aux pommes, profiteroles). En guise de boissons, une carte des vins solide, au livre épais et enthousiaste, enchaînant les références tous azimuts. Une adresse incontournable pour tous les accros à la bonne chère ! Essayer Domaine d’Eugénie Meursault 1er Cru Les Porusots 2016 ; Domaine Jamet Côte Rôtie 2017 ; Albert Grivault Meursault Perrières 2019. Infos pratiques 20, rue Saint-Martin, 75004 Paris (benoit-paris.com). Menus déjeuner à 32 € et 42 €. À la carte, de 65 € à 100 € env.

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Soucieu-en-Jarrest, Rhône—

La Gare Le choix de Christian Martray. À 30 minutes de Lyon, ce repaire quasi clandestin de viandards est un antre hédoniste et dionysiaque (le lieu se mue en bar à vins le soir) où défilent les flacons au rythme des côtes de bœuf, poulets fermiers et autres échines de cochon Ibaïama. Charly Baroe, passé par l’Albert 1er, à Chamonix puis Cheval Blanc, à Courchevel, est rentré au bercail ; depuis, il travaille une savoureuse cuisine traditionnelle– gravlax de truite, côtes d’agneau de l’Aveyron, œuf mollet frit – égayée de liquides immenses à des prix vertigineux. Essayer Bourgogne Hautes-Côtes de Nuits de David Duband Louis-Auguste Rouge 2020 ; Côte Rôtie Carmina de Pierre-Jean Villa 2018 ; Monthélie des Comtes Lafon Blanc 2018 ; Le Corton du Domaine de la Romanée-Conti 2017. Infos pratiques 17, rue de Verdun, 69510 Soucieu-en-Jarrest. Menus à 17 € et 21 € en 2 ou 3 plats. 1. Bruno Laporte, le chef de Chenapan, et Florentin Fraillon, le directeur de salle.

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Dégustation—Dernière gorgée

Flûte alors !

Ce n’est pas faire injure à votre grand-mère que de laisser les coupes au placard : pour déguster un bon champagne, un verre à vin suffit. QUAND LA COUPE est pleine, y a plus qu’à jouer des flûtes. Traduire : quand on n’en peut plus, il faut se sauver en courant. Cette réplique façon Michel Audiard est un prétexte pour poser le dilemme qui étreint l’hôte d’un repas festif à l’heure de dresser le couvert : « Pour le champagne, je sors les coupes ou les flûtes ? » « Ni l’une ni l’autre », rétorque le sommelier, intraitable. Coincer la bulle sous blida ou pomponne

Soyons clair, chez Ventealapropriete, ni injonction ni dogme, le vin, c’est le partage, le plaisir, où l’on veut, avec qui l’on veut et comme on veut. Si vous avez envie de boire des bulles dans un Duralex de cantine avec votre âge au fond, on pleurera des larmes de sang, mais on vous aimera quand même. D’ailleurs, les Champenois goûtent parfois leur nectar dans un verre à thé, le blida, du nom de la ville algérienne. En revanche, le pomponne n’a pas connu une grande postérité, sorte de flûte sans pied parfaitement incommode lorsqu’il s’agit de satisfaire aux nécessités de la modération, puisqu’on ne peut le poser nulle part. Avant que Dom Pérignon ne mette au point la méthode d’assemblage, c’est dans une coupe que l’on versait les breuvages, au moins depuis l’Antiquité. On a donc com58—

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mencé à y servir le champagne. Mais celui-ci n’étant pas un vulgaire liquide, il lui fallait son propre écrin… Couvrez ce sein que je ne saurais boire

La légende entre ici par la grande porte de la petite histoire, ou le contraire. Certains historiens jurent mordicus que la coupe à champagne a été moulée sur le sein de Madame de Pompadour, maîtresse en titre du roi Louis XV entre 1745 et 1751. D’autres se laissent aller à citer tout le gratin des femmes puissantes, Marie-Antoinette d’Autriche, Joséphine de Beauharnais, Madame du Barry, Diane de Poitiers et même Hélène de Troie, tant qu’on y est. Reste que la coupe a mobilisé l’attention, concurrencée sur le tard par la flûte, pourtant inventée par les Anglais au mitan du XVIIIe siècle. Symbole de la féminité d’un côté, phallique de l’autre, on laisse les psychanalystes s’emparer du sujet. Problème, la coupe est trop large, les arômes s’envolent et les bulles ont à peine le temps de se former (au contact des impuretés des parois), et on risque à tout moment de la renverser. À la limite, en fontaine – pratique qui revient en force –, la coupe a au moins le mérite de faire le show. La flûte est, elle, trop étroite. On se contorsionne

pour y mettre le nez, saturé qui plus est par le dioxyde de carbone enfin libéré, musclé par la grimpette vers la sortie. Pas idéal, avouez-le, pour apprécier à sa juste valeur une cuvée d’Egly-Ouriet, de Selosse, ou un grand cru de Mumm RSRV. La tulipe tient la corde

Même si, comme le dit la chanson, « chacun fait fait fait, c’qui lui plaît plaît plaît », les amateurs sont à peu près tous d’accord, le meilleur contenant, c’est un verre à vin. Ça tombe bien, le champagne est un vin, pas juste une boisson pétillante qui mousse sur les podiums de Formule 1. Dans cette famille, la tulipe tient la corde, « généreusement évasée de 25 à 30 cl, aux parois fines en verre ou en cristal et au pied raisonnablement élancé », « modèle à la fois le plus élégant et le plus propice à révéler les qualités comme les défauts de tous les vins » (Jean-Robert Pitte dans Cent petites gorgées de vin, chez Tallandier). Chez Ventealapropriete, on aime beaucoup le modèle Ultima de Royal Glass, résistant et écologique, dont les proportions sont idéales pour permettre aux crus d’exprimer toutes leurs caractéristiques sensorielles. De la coupe aux lèvres, qu’importe le verre, pourvu qu’on ait l’allégresse. STÉPHANE MÉJANÈS /

Illustration Paul Wearing


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