Printemps/Été 2021 Le magazine réservé aux membres de Ventealapropriete.com
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édito
Petites gorgées
Grands formats
4 Primeurs 2020. Un millésime en état de grâce
18 L’icône du rosé de Provence. Château Miraval
8 Insolit(r)es. Les stars font du vin
24 Visionnaire. Alain Brumont au Château Montus 30 Héritage. Les super Toscanes d’Antinori
9 Œnophilie. Quoi de neuf ? 10 VIP+. Rencontre avec Imanol Harinordoquy 12 Data. Whisky, une passion française 14 News. Cuvées et services exclusifs de Ventealapropriete
Dégustation 36 Un verre avec… Jean-François Piège 40 Escapade. Le vignoble de la Maison M. Chapoutier à vélo 43 Hors des sentiers battus. Rhums rares 44 Mets-Vins. La framboise en trois façons 45 Carte sur table. Sélection de restaurants 46 Recettes en accords. Sur le gril
Photo : Dorian Prost
50 Dernière gorgée. Toast ou tard
LES CHEMINS DU VIN, quels qu’ils soient, nous invitent d’abord et avant tout à un ancrage dans la terre et le nom de notre magazine, Racines, en est l’expression pleine et entière. Les deux pieds dans le sol d’abord, puis les yeux rivés sur l’horizon de la saison estivale qui s’ouvre dans quelques semaines, nous avons souhaité que les pages de ce numéro soient, autant que possible, teintées des rayons du soleil. Nous avons emprunté la route de la Provence, sur les terres du célèbre château de Miraval jusqu’à la Toscane, sur celles d’une famille dont le nom est l’un des plus prestigieux dans le monde du vin : Antinori. Par un détour du côté du sud-ouest de la France, nous sommes allés à la rencontre du vigneron qui fait briller l’appellation Madiran, Alain Brumont, et d’Imanol Harinordoquy, ancien joueur du XV de France, biarrot et passionné de vin. C’est aussi la belle promesse du millésime 2020 dans le Bordelais, décryptée par nos experts pour le rendez-vous incontournable des Primeurs, le plaisir de moments de partage autour de grillades avec des recettes et accords de saison, sans oublier la note d’optimisme, dans un contexte si difficile pour les chefs et les restaurants, de Jean-François Piège. Les 26 générations de la famille Antinori, la démarche visionnaire d’Alain Brumont, entamée il y a 40 ans maintenant ou encore cette famille mexicaine qui perpétue une tradition de distillation de la canne à sucre depuis plus de 100 ans… Le monde du vin et des spiritueux ne nous donne t-il pas, encore une fois, la plus belle des leçons d’humilité et de patience ? Je vous souhaite une bonne lecture, sous le soleil, et un très bon été ! Alaric de Portal Directeur de Ventealapropriete
Le magazine Racines est réservé aux membres de Ventealapropriete.com, 200, boulevard de la Résistance, 71000 Mâcon. Directeur de la publication : Alaric de Portal. Conception et réalisation : Les Digitalistes, 9, rue Emilio-Castelar, 75012 Paris, lesdigitalistes.com. Coordination éditoriale : Julien Despinasse. Conseillère de la rédaction : Véronique Raisin. Direction artistique : James Eric Jones. Rédaction : Léo Bourdin, Boris Coridian, Joël Lacroix, Anne-Charlotte de Langhe, Stéphane Méjanès, Matthieu Perotin, Véronique Raisin, Olivier Reneau. Photos : Polo Garat, Caspar Miskin, Dorian Prost, Yann Rabanier, Roberta Valerio, Fabrice Veigas. Illustrations : Caroline Andrieu, Martina Paukova. Photo de couverture : Caspar Miskin. Secrétariat de rédaction : Muriel Foenkinos. Impression : Imprimerie Léonce Deprez. Nous écrire : mag@ventealapropriete.com. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération. Racines
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Primeurs 2020. Un millésime en état de grâce C’est LE rendez-vous du printemps. Les Primeurs de Bordeaux sont l’unique occasion d’accéder aux plus grands crus à tarif préférentiel. Le millésime 2020 s’offre sous les meilleurs auspices. SI POUR BON NOMBRE d’entre vous, le mois de mai lance la saison des barbecues, pour les dégustateurs chevronnés de Ventealapropriete, c’est surtout l’annonce des Primeurs, ces vins tout juste naissants du vignoble bordelais, dégustés et jaugés avant leur mise en bouteille. Si la crise sanitaire a une nouvelle fois perturbé cette campagne, nous n’avons pas pour autant renoncé à nos sélections. Fin avril dernier, nous nous sommes rendus sur place pour déguster chaque cru, écarter les déceptions et sélectionner les réussites afin de ne vous présenter que le meilleur. Ainsi, après plusieurs sessions de dégustation et les traditionnelles visites de châteaux, nous avons passé au crible plus de 400 échantillons. Verdict : ce millésime 2020 est grandissime ! « Avec 2018 et 2019, il couronne une trilogie de très haut niveau qui n’est pas sans rappeler les légendaires 1988, 1989 et 1990 », souligne Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde 2000.
Photos : Serge Chapuis/Château Pichon Baron
Potentiels de garde vertigineux Porté par une météo providentielle permettant aux raisins de prendre une belle avance au printemps, 2020 fut une année chaude, sans épisode caniculaire important. Pour une fois, difficile de dire qui, de la rive droite ou de la rive gauche l’emporte, tant le niveau est relevé. Cependant, les terroirs qui ont le mieux géré la sécheresse prennent peut-être un court avantage. « Je constate un petit plus de volupté et de consistance dans les vins de la rive droite, qui ont bénéficié d’un peu plus d’eau que le Médoc, mais cela se joue à pas grand-chose », développe Stéphane Derenoncourt, conseiller de nombreuses propriétés viticoles du Bordelais et vigneron, avec sa
femme, au Domaine de l’A à Castillon, en Gironde. « On n’a rien subi et tout choisi », poursuit-il. Les conditions de récolte furent exceptionnelles, sans pluie en septembre, ou quasiment pas, permettant un choix stylistique assez large. « On a eu le luxe de choisir nos dates de vendange, ce qui n’arrive quasiment jamais, en fonction du style de vin que l’on souhaitait faire tant l’état sanitaire et la maturité des raisins étaient idéals », poursuit le conseiller star. Merlots comme cabernets se sont avérés remarquables, parfaitement mûrs et sans excès de sucre, culminant à des degrés d’alcool très appréciables, autour de 13° à 13,5° en moyenne. Autre point positif : des indices tanniques très élevés, parmi les plus élevés de l’histoire sans doute, avec de belles acidités préservées. Résultat : une pureté de fruit, des matières amples et suaves et des potentiels de garde vertigineux… Seul léger bémol qui fera frémir les amateurs : les petits volumes produits, en baisse par rapport à 2019, avec des rendements globalement faibles – de l’ordre de 40 hl/ha en moyenne – en raison des fortes chaleurs et du vent de septembre qui ont concentré les raisins de façon spectaculaire. Il faudra donc se décider rapidement, car le succès sera au rendez-vous !
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Un millésime noble et raffiné « Ce que l’on perd en rendement, on le gagne en intensité aromatique », tempère Mathieu Chadronnier, directeur général de CVBG, une importante structure familiale de négoce. Et d’ajouter : « Les merlots sont magnifiques, avec des degrés élevés, certes, mais surtout un grand équilibre. Les cabernets sont également très beaux et, fait rare, ils ont été récoltés dans la foulée des merlots. Au final, on a l’intensité d’un 01. Olivier Poussier | 02. Mathieu Chadronnier
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Mosaïque de réussites Lafite Rothschild, Figeac, Clos Fourtet, Mouton Rothschild, Issan semblent plus que jamais illustrer ce syncrétisme entre élégance et profondeur, où la structure tannique vient en second plan, comme un écho au caractère personnel du vin. Sur la rive gauche, Saint-Julien et Pauillac sont immenses, avec notamment un Château Talbot au raffinement magnifique, avec de subtiles notes de pétale de rose et un Léoville Poyferré de grande race. Pichon Baron, Cheval Blanc, Pavie Macquin tiennent également leur rang et de quelle manière ! Si Saint-Estèphe n’est pas le plus gâté des secteurs, certaines étiquettes excellent, Calon Ségur en tête, avec des challengers impressionnants cette année : Phélan Ségur, Lafon-Rochet et Le Boscq sont d’un niveau remarquable. On trouve aussi de très grandes réussites dans le Haut-Médoc avec Cantemerle et Belgrave ; de belles prouesses de style aussi à Margaux avec un Château Palmer qui nous est apparu cette année un cran au-dessus
de Château Margaux, un Brane-Cantenac éblouissant, un Malescot-Saint-Exupéry de très grand style… Les pessacs aussi sont superbes, Haut-Brion en tête bien sûr, mais aussi Les Carmes Haut-Brion, majestueux de précision et une mention spéciale au Domaine de Chevalier, d’une constitution étonnamment puissante cette année. « À Pomerol, Petit-Village, resserré sur son terroir d’origine par ses nouveaux propriétaires, s’annonce très grand. En règle générale, les terroirs argilo-calcaires de la rive droite, notamment Saint-Émilion, s’en sortent très bien. N’oublions pas non plus le travail acharné mené par les “petits” des côtes de Bordeaux, au rapport prix-plaisir admirable », souligne Stéphane Derenoncourt. Car c’est bien là la gageure de ce millésime : afficher des identités fortes entre chaque cru et plus que jamais, sur ces 10 à 12 derniers millésimes, affirmer pleinement la personnalité de chaque propriété, offrant une passionnante diversité de styles.
2020 dans un trio d’exception « Cette triplette 2018-2019-2020 surclasse les mémorables 1988, 1989, 1990, pourtant fort réussis à l’époque. Les raisons de cette réussite : la maîtrise technique et la compréhension de la matière, c’est-à-dire des terroirs et des raisins », souligne Mathieu Chadronnier. Plus que jamais, Bordeaux demeure un phare, en constant renouvellement. À partir de la décennie 2010, à l’aune d’une nouvelle génération de directeurs techniques et de propriétaires à la manœuvre, le vignoble a accompli d’énormes progrès et inscrit ses vins parmi les meilleurs du monde. En conclusion, il ne faudra pas faire l’impasse sur 2020, au risque de le regretter.
Offrant un plaisir de dégustation immédiat tout autant qu’un potentiel de vieillissement fort, ce millésime en état de grâce signe l’immense force de Bordeaux. Le vignoble est à son âge d’or pour la qualité de ses vins, on aurait tort de s’en priver. Avis aux amateurs ! V É R O N I Q U E R A I S I N /
Ventealapropriete : une expertise qui vous garantit de bien acheter Rappelez-vous 2017... Ce millésime boudé à sa sortie par une partie de la presse spécialisée, mais salué par notre Comité qui entrevoit aussitôt son potentiel, était comparé gustativement par Olivier Poussier à 2001. Tout comme lui, il n’avait pas été apprécié à sa naissance à sa juste valeur ; ce millésime 2001 est depuis devenu une référence pour tous les grands amateurs de Bordeaux, plus recherché que les 2000 et 2005. Une fois les 2017 devenus livrables, deux ou trois ans plus tard, certains célèbres critiques notant sur 100 ont révisé leur évaluation, les modifiant à la hausse et jusqu’à cinq points. Citons juste Canon La Gaffelière dont nous avions écrit : « Indéniablement l’une des réussites du millésime sur ce secteur… Canon La Gaffelière confirme sa suprématie parmi les plus grandes stars de Saint-Émilion. » Noté initialement 91-93/100 par Parker, goûté à nouveau deux ans plus tard, il est gratifié d’un 97/100 !
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Retrouvez les cuvées que vous plébiscitez « Les merlots sont mesurés, pas trop hauts en alcool, avec de la fraîcheur ; certains de la rive gauche tirent même sur le cabernet, il y a longtemps que je n’avais pas vu cela », s’enthousiasme Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde 2000. C’est donc un très beau millésime, avec du fond, de la sapidité et un cœur de bouche assez charnu. « On a des arômes bien mûrs, sans excès, des ampleurs de bouche vraiment intéressantes, de la mâche tout en restant sapide ; le potentiel de vieillissement est là, car il y a de l’équilibre » poursuit le sommelier. Comme tous les ans, vous pouvez retrouver nos best-sellers : Chasse-Spleen (1), La Lagune (2), Les Tourelles de Longueville (3), Haut-Marbuzet (4), Grand Barrail Lamarzelle Figeac (5), Sociando-Mallet (6)… Autant de propriétés attachantes que nous mettons régulièrement en avant et qui nous font confiance, année après année. 6—
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Page ci-contre : Stéphane Derenoncourt
Photos : Château Tournefeuille ; Domaine de l'A
grand millésime solaire, sa profondeur, mais sans notes confites ni surmaturité, ce qui est exceptionnel. » L’année 2020 couronne en beauté une trilogie fastueuse. C’est un millésime de plein fruit, gourmand, juteux, frais, au caractère noble et raffiné. « Un millésime total qui associe la précision du fruit à une allonge de matière impressionnante et des degrés alcooliques particulièrement bas. Les cœurs de bouche sont étoffés et les tanins parfaitement soyeux grâce à l’absence de stress hydrique et une météo clémente tout au long du cycle végétatif. Un état de grâce », commente Alaric de Portal.
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Vignerons sur tapis rouge À l’instar de Sting et son domaine toscan – avec lequel Ventealapropriete a composé la cuvée Shape of my heart –, ces stars ont franchi le pas. Antonio Banderas. Rouge passion
C’est le petit ami espagnol de Tracy Griffith – la sœur de son ex-femme Melanie Griffith –, diplômé en Viticulture & Œnologie de l’université américaine Davis, qui l’a initié au vin. L’acteur aurait pu préférer la Californie, comme nombre de stars hollywoodiennes, mais c’est sur sa terre natale et 235 hectares, au cœur de la Ribera, à Villalba de Duero, qu’il a planté ses banderilles, il y a plus de 10 ans, pour créer Anta Banderas. Carole Bouquet. Le vin dans le sang
L’actrice française – vue récemment dans la série En Thérapie – fut une des premières comédiennes à planter de la vigne. Son domaine de huit hectares, sur l’île de Pantelleria, au large de la Sicile, produit un liquoreux appelé Sangue d’Oro. Elle a été aidée par une autre star, un pionnier de l’union entre vin et septième art, Francis Ford Coppola, pour dessiner l’étiquette de son vin. C’est ce qu’on appelle avoir un bon parrain. Francis Cabrel. Cépage discret
Comme à son habitude, il a pris « un chemin de traverse » : à Astaffort, au domaine du Boiron, il produit avec son frère Philippe des vins bio en AOC Brulhois. Le chanteur, 8—
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qui vivait dans le village, a acheté cette propriété en 1997, devenue aussi le studio où il a enregistré ses quatre derniers albums, dont Vise le ciel. On ne sait pas s’il s’est fixé le même objectif pour ses vins, mais après avoir d’abord planté un hectare, les vignes des frères Cabrel s’étendent désormais sur un peu plus de neuf hectares. Idris Elba. Bulles « fren-chics »
Longtemps pressenti pour endosser le rôle de 007, l’acteur britannique qui a joué dans The Avengers ou la série The Wire est « tombé amoureux » du champagne Blanc de Blancs Grand Cru millésimé de Sanger, découvert chez son caviste Connaught Cellars, à Londres. Il a souhaité en savoir plus et a traversé la Manche pour se rendre à Avize où, séduit et convaincu, il a décidé de promouvoir une sélection personnelle de cuvées. La première, baptisée Porte noire, a été lancée en septembre 2020. Elle a convaincu jusqu’à Jancis Robinson, la célèbre critique britannique, qui l’a qualifiée de « thrillingly good ! ». Elba est adoubé. George Lucas. La Force en Provence
Le père de la saga Star Wars, actionnaire principal de la société Skywalker Vineyards
– déjà propriétaire de vignobles en Californie et en Italie –, a acquis en 2017 le château provençal Margüi, à Châteauvert (Var), voisin de quelques kilomètres de la propriété de Brad Pitt à Miraval (voir p.18).Des parcelles vallonnées d’une quinzaine d’hectares donnent naissance à des vins bio d’appellation d’origine protégée coteaux-varoisen-provence depuis 1999, l’année de la sortie de Star Wars Episode 1 : la Menace fantôme. Il fallait bien arroser ça. Zhao Wei. Mulan à Bordeaux
L’actrice et chanteuse chinoise star ayant interprété Mulan, la guerrière légendaire du film éponyme, a racheté, depuis 2011, pas moins de quatre châteaux dans le Bordelais, plutôt couru par les industriels et les sportifs. Vicki Zhao (son autre nom) est l’heureuse propriétaire du château de La Croix de Roche, à Fronsac,en 2019, de Senailhac (Entre-Deux-Mers), de Patarabet (AOC Saint-Émilion) et du Château Monlot, grand cru de Saint-Émilion. Après avoir refait le chai, en 2018, elle avait organisé une inauguration grandiose avec une autre star invitée en concert privé : Sting… La boucle est bouclée. JO Ë L LA C RO I X / Illustration Martina Paukova
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In vino libertas À L’HEURE OÙ il s’avère difficile de voir plus loin que le bout de son nez, ce livre d’Enrico Bernardo a le bon goût d’ouvrir grand la porte du monde. Le Meilleur Sommelier du monde 2004 nous invite à partager ses voyages à travers des vignes plantées de furmint hongrois, de nerello mascalese, sur l’Etna, de xinomavro grec ou encore de shiraz – la syrah australienne. Un tour du monde vinicole étourdissant de 14 mois, 29 vols et 50 000 km. Comme un pied de nez aux restrictions, il est aussi question dans ce livre de « vin libre ». Selon l’Italien qui officie en France, c’est un vin qui « vous regarde avec le sourire (…). Il est juste bon, et sa compagnie est la meilleure que l’on puisse souhaiter », un peu comme celle d’un ami. L’auteur nous offre aussi une vraie consolation hexagonale – si jamais nos kilométrages se trouvaient à nouveau limités – : la région bordelaise est huit fois plus grande que le vignoble d’Afrique du Sud et visiter les domaines de Bourgogne lui a pris plus de temps que de faire le tour de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. À l’instar d’un vin dit « sage » en dégustation, restons « calmes, sans prétention ni impressionnisme ». Lire La Sagesse du vin, d’Enrico Bernardo, Flammarion, 2021.
Un été sous le signe de la vigne VIGNES ET DOMAINES deviennent fréquemment les scènes estivales privilégiées de festivals ou d’événements culturels. Si les manifestations restent cette année encore limitées, voici une sélection de visites toujours ouvertes ou d’événements qui se sont adaptés.
Aux nombreuses œuvres d’art contemporain – Claude Viallat, Niki de Saint Phalle ou Jan Fabre –, réparties entre extérieur et intérieur, le Château d’Arsac ajoute, depuis le 1er avril dernier, des tableaux musicaux mis en scène dans des jeux de lumière poétiques. « Si Arsac m’était chanté », le mercredi, vendredi et samedi à 14h30, sur réservation. 1, allée du Comte, 33460 Arsac, chateau-arsac.com ; 20 € par adulte ; 10 € par enfant. Promenade provençale
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Photos : Olivier Roux, Andrew Pattman ; DR
Son et lumière à Margaux
Tout près d’Aix-en-Provence, Château La Coste accueille à ciel ouvert les œuvres des plus grands artistes et architectes internationaux tels que Richard Serra, Jean-Michel Othoniel, Louise Bourgeois ou Richard Rogers. On les découvre au fil d’une balade de deux
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heures à travers bois, vignes et champs d’oliviers. « La Promenade d’art & architecture du Château La Coste », 2750, route de la Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade, chateau-la-coste.com ; 15 € par adulte, tarif réduit 12 €. Randonnée en Val de Loire
Vainqueur d’un prix Promotion du terroir aux Trophées de l’œnotourisme 2020, l’événement propose chaque premier week-end de septembre une découverte des appellations à travers 18 parcours guidés par des vignerons, ponctués de dégustations de produits locaux ou de plats réalisés par des chefs, en lien avec une agriculture respectueuse de l’environnement. « Vignes Vins Rando », le 4 et le 5 septembre. Ouverture des inscriptions : vvr-valdeloire.fr ; 8 € par adulte ; 2 € par enfant. Gratuit pour les moins de 3 ans.
Scénographies du vin C’EST DEPUIS MÂCON (Saône-et-Loire), vous le savez, que Ventealapropriete expédie vos bouteilles. La ville a été choisie, aux côtés de Beaune et de Chablis, pour accueillir la Cité des vins et des climats de Bourgogne, dont la première pierre a été posée le 30 mars dernier. Elle offrira 1 600 m2 de découverte de l’univers viticole bourguignon.
La visite, immersive et sensorielle, permettra d’explorer la mosaïque des paysages et des terroirs, le travail de la vigne, la vinification… Des ateliers de dégustation, une librairie et un espace d’informations permettront d’aller à la rencontre des vignerons de la région. Ouverture prévue à l’été 2022. Plus d’infos : cite-vins-bourgogne.fr
01. Le Pot rouge, de Jean-Pierre Raynaud, au Château d’Arsac | 02. Crouching Spider, de Louise Bourgeois, au Château La Coste
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« Une bouteille
doit émouvoir au-delà des frontières » Ex-international de rugby, Imanol Harinordoquy est à la tête de restaurants et codirige une maison de négoce spécialisée dans les vins étrangers. À quand remonte votre première émotion en matière de vin ? J’ai grandi dans une
famille de négociants en bestiaux, très portés sur les vins espagnols. Mon enfance s’est tissée au fil des repas de famille et jamais trop loin de l’escalier sous lequel mon grand-père avait installé sa cave, dont la clé était bien cachée. Je me rappelle que ma grand-mère avait des coupes à champagne anciennes, basses et évasées ; je ne les trouvais pas très jolies, mais je m’amusais, avec mes cousins, à vider le fond de champagne que les adultes y laissaient. La pratique du sport à haut niveau s’estelle facilement accommodée de cette appétence ? Vers 20 ans, j’ai commencé
à m’y intéresser plus sérieusement. Des déjeuners du samedi chez mes grandsparents – où le jarret et la poule au pot étaient systématiquement accompagnés de riojas (Marqués de Riscal, Marqués de Cáceres) –, je suis passé à la dégustation. Plusieurs de mes amis, employés ou stagiaires chez des cavistes au Pays basque, m’ont fait découvrir de nouveaux cépages, d’autres appellations. On goûtait tout ce qui se faisait… comme ce qui ne se faisait pas ! Puis, avec quelques copains du rugby comme David Couzinet ou Julien Peyrelongue, nous avons commencé à organiser des dégustations à l’aveugle chez les uns et les autres. Ce n’est que vers 22 ou 23 ans que j’ai décidé de me constituer une cave plus conséquente, alimentée par les découvertes que je faisais au sein des clubs de dégustation dont je faisais partie. J’ai beau être un viandard, j’avoue un faible pour les blancs, en particulier ceux de Bourgogne. Forcément, ça rend tout de suite plus exigeant… 10—
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BIO EN BREF 1980 Naissance à Bayonne 2004 Arrivée au Biarritz Olympique (BO) 2005- Double champion 2006 de France 2010 Rencontre avec Lionel Osmin, négociant en vins 2014 Ouverture, à Biarritz, de sa cave à vins/cave à manger Les Contrebandiers 2015 Création des Passeurs de vins et ouverture des restaurants Les Contrebandiers, à Pau et Saint-Étienne
Comment sont nés Les Passeurs de vins ?
Tout a commencé lors d’une dégustation ouverte aux professionnels de la restauration, à Saint-Jean-de-Luz. J’y ai rencontré Lionel Osmin, qui venait de lancer sa maison de négoce pour valoriser les cépages autochtones du Sud-Ouest. La mayonnaise a pris assez rapidement. Ensemble, on a voulu tester le marché de l’import de vins espagnols, à l’époque assez inexistant. J’avais 30 ans et la Coupe du monde à préparer. Mais c’était le début d’une belle aventure humaine qui s’inscrivait dans la continuité du travail d’équipe que je menais dans le rugby, où la convivialité avait aussi toute sa place. Quelle philosophie vous anime dans cette quête des vins étrangers ? Au-delà du bon
rapport qualité/prix, nous recherchons des vins dotés d’une vraie typicité. Qu’ils soient allemands, italiens, sud-africains ou québécois, tous doivent raconter une histoire.
Une bouteille doit émouvoir au-delà des frontières. Cette singularité, on la retrouve en rencontrant le vigneron. On n’a jamais fini d’apprendre ni de découvrir ; on est même toujours dans l’attente d’être surpris, voire émus. Ce qui nous séduit, ce sont ces vins que l’on n’achèterait pas spontanément, mais avec lesquels il se passe quelque chose. Comme ce riesling d’Oliver Zeter dont le savoir-faire et l’approche plus qualitative que quantitative font toute la différence. Justement, quelle découverte marquante gardez-vous en mémoire ? Celle de la Bode-
ga Artuke, en Rioja, le Pays basque espagnol. Arturo et Kike sont deux frères qui ont repris le domaine familial. Nous avons fait leur connaissance en 2019, au moment des vendanges. En soi, le moment avait quelque chose de particulier. Leur mère préparait le repas ; nous étions attablés avec le père et ses fils pour goûter leurs vins. Pendant ce temps, sur la table de tri, une vingtaine de femmes sélectionnaient les grains un par un pour une cuvée exclusive. Le fruit occupe une place prépondérante dans leur vision de l’élevage du vin ; et les vignes qu’ils ont acquises sur les hauteurs donnent des jus étonnamment frais. Si vous deviez imaginer un vin à votre image, quel serait-il ? Difficile à dire, car
j’évolue… et mes goûts aussi ! En blanc, quelque chose d’assez tendu, minéral, avec du gras en fin de bouche. Plus chardonnay que sauvignon. En rouge, un vin gourmand, pas trop boisé, aux tannins soyeux, avec ce qu’il faut de velours et de fruit. En ce moment, par exemple, je « pinote » pas mal ! Quel regard portez-vous sur Ventealapropriete ? Leur capacité à être
en relation directe avec les clients pour leur proposer de découvrir des vins en exclusivité est une force. Quelle chance pour les amateurs d’avoir un accès privilégié à des produits comme ceux-là ! Quel serait le vin idéal pour accompagner une troisième mi-temps ? Une bouteille que
l’on partage, comme dans les repas d’aprèsmatch. Un vin porté sur le fruit, ni cérébral, ni sophistiqué. Une ambiance peut suffire à sublimer un vin. À mes yeux, un bon vin doit susciter la même émotion que celle que l’on a éprouvée à la première gorgée. Quel que soit l’endroit ou le contexte, il se doit de rappeler un bon moment. Ce devrait même être un critère dans les concours de dégustation ! ANNE-CHARLOTTE DE LANGHE /
Photo Polo Garat
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Whisky, une passion française Les Frenchies sont les champions du monde de sa consommation. Décryptage en chiffres clés et infos scotchantes. Par Léo Bourdin
La quantité consommée par habitant dans l’Hexagone, toutes catégories confondues (dont 90 % de scotch) place les Français en tête de la « whisky mania » mondiale, devant l’Uruguay, les États-Unis, l’Australie et l’Espagne.
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“That is the question” Êtes-vous plutôt single malt … Il est produit à partir d’orge maltée issue d’une unique distillerie qui dispose de nombreux fûts. L’équivalent, en quelque sorte, d’un vin embouteillé au château. … ou blend ? Fruit d’un assemblage d’eau-de-vie de malt et d’eau-devie de grains provenant de différentes distilleries, le blend, c’est l’art du mélange à l’état pur.
Touche écossaise Les Français consomment 7 % des 700 millions de litres de whisky produits chaque année en Écosse. Le premier producteur mondial compte près de 100 distilleries dans 1 les Highlands, 2 les Lowlands, 3 le Speyside, 4 l’île d’Islay, 5 Campbeltown et 6 les îles.
Voyelle d’exception Whisky ou whiskey , on voit parfois les deux orthographes. Alors, qui a raison ? Eh bien, tout le monde ! Car tout dépend du pays dans lequel le whisky est produit. Les whiskeys d’Irlande et des États-Unis prennent un « e ». Partout ailleurs, seul le « y » est de rigueur.
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Cette année-là voit apparaître la première mention d’eau-de-vie de malt dans un texte médiéval écossais. Ce qui permet de dater le début de la distillation du malt, première étape dans la fabrication du whisky. Une preuve historique d’une pratique ancestrale.
La France, 1er producteur d’orge maltée L’orge, céréale à paille de la famille des graminées, sert de matière première à la fabrication de l’écrasante majorité des whiskys. Depuis 1967, la France est le premier producteur et exportateur mondial de malt. Le maltage se décompose en trois étapes : trempage, germination, séchage. Selon le combustible utilisé au cours de cette dernière étape, le profil aromatique du malt s’avère
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très différent. Séché à l’air chaud, il se pare de notes biscuitées, toastées et torréfiées. Et sur un feu de tourbe, il développe, après distillation, des notes rôties, fumées et médicinales.
Eux aussi sont whisky friendly Le seigle. C’est avec lui que l’on fabrique le Rye, un whiskey que l’on déguste aux ÉtatsUnis et au Canada.
L’avoine. On la trouve, mixée à d’autres céréales, dans les single grains, ces eaux-de-vie à la base de la fabrication des blends. Le maïs. Son grain est de tous les bourbons et autres corn whiskeys originaires des États-Unis. Le sarrasin. En Bretagne, on distille grâce à lui l’eddu, composé à 20 % de whisky de blé noir malté et à 80 % de whisky de blé noir non malté.
Illustrations Martina Paukova / Infographies James Eric Jones
Remerciements à Philippe Jugé, Directeur de la Fédération du Whisky de France.
2,15 l/an
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La minute mixologie Parce qu’il s’accorde avec à peu près tout et que, bien accompagné, il se révèle sous un autre jour, le whisky inspire les barmen et mixologues du monde entier. Voici trois cocktails emblématiques à réaliser chez soi.
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1 Mint Julep. Une base de bourbon, de la cassonade et du sucre de canne liquide, des feuilles de menthe et de la glace pilée. Pour boire ce cocktail bien frais, on le sert habituellement dans un verre en acier inoxydable.
Trois ans, c’est la durée minimum de vieillissement requise pour qu’un whisky ait le droit de s’appeler ainsi. Un single malt a en moyenne entre huit et douze ans d’âge lorsqu’il arrive sur le marché.
Old fashioned. Du bourbon, deux traits d’Angostura bitter, un peu de sucre et une lamelle d’orange. Ce breuvage créé à la fin du XIXe siècle se déguste dans un verre à l’ancienne, d’où son nom. 2
« Le whisky est à la croisée d’expertises et de savoir-faire français : à la fin du XIXe siècle, deux ingénieurs améliorent la technique du maltage et la première école publique de brasserie ouvre à Nancy. Pasteur a découvert les secrets de la fermentation, les deux plus grands fabricants de levure sont français et le monde entier s’arrache les alambics Stupfler de Gironde. Ajoutez à cela la bonne gestion des forêts (héritage de Colbert) pour la fabrication des tonneaux et notre expertise de l’assemblage… Le whisky français a de l’avenir ! » Christian Martray, sommelier, membre du comité de sélection de Ventealapropriete
40 %
Alambics bretons et alsaciens Pour faire un bon whisky, il faut du malt, une eau de source pure et un savoir-faire précis. Ça tombe bien, la France n’en manque pas ! Pas moins de 96 distilleries sont enregistrées dans l’Hexagone et deux IGP ont été créées en 2015 pour le whisky breton et le whisky alsacien. Le Français Bellevoye est un blend de whiskys originaires d’Alsace, de Charente et du Nord.
3 Manhattan. Du rye whiskey relevé d’un peu de vermouth rouge et de l’Angostura bitter. Ce grand classique de la mixologie s’épanouit dans un verre type coupe ou de forme plus conique, avec une cerise à l’eau-de-vie déposée au fond.
C’est la part du whisky dans la consommation des spiritueux en France. Les anisés sont à 20 %, les rhums et alcools blancs à 10 % et les cognacs, armagnacs et calvados, à 0,5 %, sont un peu boudés.
CERISE BITTER VERMOUTH
RY E W H I S K E Y
MENTHE ORANGE BITTER
CASSONADE
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SUCRE
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Les gloires du vignoble et Ventealapropriete CRÉÉES sur mesure pour nos membres avec le soutien d’Olivier Poussier, ces cuvées uniques sont nées du savoir-faire des plus grands vignerons et de notre passion commune. Le directeur de Ventealapropriete, Alaric de Portal, nous en explique la genèse. Comment sont nées ces collaborations et quelle est leur vocation ? Elles ont éclos
dans le prolongement de nos échanges avec les vignerons et de notre travail de sélectionneur. Plutôt que d’attendre de recevoir les cuvées, les déguster pour les valider ou non, l’idée est venue d’aller directement dans les chais, avec ceux qui font les vins, pour faire naître des cuvées qui correspondraient à notre vision. En 2014, la première est née avec Jean-Marie Guffens, le magicien du chardonnay. En quoi des cuvées diffèrent-elles des vins du domaine ? Nous avons dans notre équipe
l’un des plus grands experts et certainement le plus respecté au monde : Olivier Poussier. Christian Martray et moi-même sommes des disciples ! C’est un monstre de connaissance, un bourreau de travail, il est habité par la passion du vin. Il travaille notamment avec la Maison Taransaud pour étudier l’im14—
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pact de leurs contenants sur les élevages, il a réalisé pendant des années les assemblages pour la Maison de Champagne Jacquesson, Vega Sicilia le consulte aujourd’hui, etc. Voilà pourquoi ces cuvées sont différentes, parce qu’Olivier a une connaissance universelle et expérimentale unique qui permet de re-questionner parfois les assemblages initiaux, les contenants, les durées d’élevage… et que l’équipe Ventealapropriete y associe celle de sa connaissance du marché. Ce sont toutes des exclusivités ? Oui.
C’est en allant au plus près des vignerons, que nous connaissons pour la plupart depuis plus de 15 ans, en nous imprégnant de leur philosophie et en la croisant avec la nôtre qu’une nouvelle cuvée peut naître. Ce sont donc des vins un peu spéciaux, issus de la vision immanente d’un vigneron et de la nôtre, associée à nos diverses expertises. Quelles sont les dernières collaborations? Nous avons accompagné Sting dans
l’évolution de son domaine toscan et nous relançons une magnifique cuvée cosignée avec l’œnologue Riccardo Cotarella. Yves Cuilleron, dans le Rhône nord, nous a rejoints, avec trois grands blancs de Condrieu, Saint-Péray et Saint-Joseph.Toujours en blanc, nous déclinons désormais le mythique côtes-du-rhône de Guigal dans un assemblage que vous avez pu découvrir
01. Yves Cuilleron, figure tutélaire du Rhône nord
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le mois dernier sur notre site, une recette légèrement réinterprétée pour livrer la quintessence d’un blanc du Sud tendu et sapide rebaptisé « Assemblage Premium ». Il y a aussi beaucoup d’autres surprises… Chapoutier est une autre star du Rhône. Impossible de faire sans lui ? Tout comme
Michel Chapoutier, nous sommes convaincus que le terroir de Saint-Joseph a des dispositions incroyables, que le niveau moyen de l’appellation est très élevé et que certaines parties pourraient largement souscrire à une élévation en premier cru (pour simplifier la lecture du consommateur). Nous avons donc composé deux Saint-Joseph, l’un en rouge, l’autre en blanc, pour traduire en actions nos convictions. À Bordeaux, comment procédez-vous ?
Nous sommes allés chercher des pointures parmi les plus beaux crus classés… Un Saint-Julien et un Pauillac taillés dans le roc de propriétés à la pointe de leur art. Nous les sollicitons parce que nous avons envie d’aller plus loin avec eux, d’apprendre et de renforcer le lien qui nous unit. Si nous ne pouvons révéler leurs noms, j’invite toutefois nos membres à se prêter au jeu d’une dégustation à l’aveugle, et de lancer des hypothèses sur l’identité des domaines qui se cachent derrière ces deux cuvées mystères. V É R O N I Q U E R A I S I N /
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Bulles incandescentes
Whisky à la mode française
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Whisky Bellevoye Rouge, Triple Malt, finition Grand Cru (58,90 €) — Elles trustent le podium du classement des dégustations à l’aveugle de tous les whiskys français. C’est à partir de trois distilleries présentes dans ce trio de tête que Bellevoye compose son assemblage Rouge. De l’orge maltée au vieillissement final en barriques de grands crus classés de Saint-Émilion dans son chai, en Charente, Bellevoye Rouge est l’expression 100 % française d’un triple malt. Il se distingue par une riche palette aromatique aux notes fruitées et fraîches. Le malt se mêle aux arômes de prunes d’Ente – qui donnent naissance aux pruneaux d’Agen –, de crème brûlée et aux premières noix d’automne. Sa texture est moelleuse et des notes mentholées viennent en contrepoint préserver l’équilibre. Les tanins sont suaves et le parfum d’épices subtiles et de cassonade accompagne une savoureuse finale.
Stéphane Coquillette, Champagne Brut 1er Cru « Inflorescence » blanc (21,90 €) — Nous apprécions depuis longtemps ce champagne de récoltant, d’une grande constance, découvert grâce à Philippe Bourguignon, ex-directeur et sommelier du restaurant étoilé Le Laurent. Nous étions impatients de pouvoir vous faire découvrir ce champagne de très belle facture, doté d’une richesse assumée, mais cadrée par un fin sillage acidulé et une légère note d’oxydation. À partir de vignes classées en premiers crus, cette cuvée allie la puissance du pinot noir (70 %) et l’élégance du chardonnay (30 %) dans une bulle vivace, intense, de grande allonge. Une cuvée superbe, idéale pour l’apéritif, et exclusive.
Perle blanche Château de Beaucastel, Châteauneufdu-pape blanc, 2019 (84 €) — Référence de la vallée du Rhône et de ses plus prestigieuses appellations, la famille Perrin cisèle avec style, depuis le début du XXe siècle, les cépages rouges comme les blancs, plus confidentiels, qui n’occupent que 7 hectares de vignes sur les 85 que compte le domaine. La roussanne, cépage roi de cette bouteille de châteauneuf-dupape 2019, un trait de grenache blanc, une très légère touche de picardan, clairette et bourboulenc drapent le vin d’une belle robe dorée. Le nez dévoile un somptueux bouquet d’ananas rôti et de fleurs blanches subtilement mêlées. Une texture tout en opulence, délicatement boisée, teintée d’arômes de miel et d’un zeste d’agrume, précède une longue finale saline. Racines
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Le duo d’Alône Alône, Vin de France, rosé 2020 (24 € )
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Jeune auteur de talent La Cadette, Vézelay, La Châtelaine 2018 (15,90 €)
— Signés à quatre mains, élevés sur lies en cuve et parfois en fût, les vins sont droits, d’une franchise d’expression remarquable, réguliers et savoureux. Valentin Montanet et Nicolas Luquet aiment dire qu’ils élaborent avec ce qu’ils ont, en apportant ce qu’ils sont. Le résultat, avec la cuvée La Châtelaine, est un vin à la matière généreuse, pleine de relief. C’est à nos yeux – et nos papilles – une cuvée où le chardonnay tient plus que jamais toute sa promesse de plaisir.
02. Valentin Montanet et son père, Jean.
Le bon goût de l’Italie Schiavenza Barolo Serralunga 2017 (29,90 €) — Barolo : ces trois syllabes, ce « r » roulé… Aussitôt prononcés, ils évoquent tout un art de vivre piémontais. À l’occasion de l’élaboration du nouveau millésime de Shape of my heart, cuvée co-composée avec Sting et ses équipes dans son domaine en Toscane, nos amis ont partagé avec nous une sélection de leurs vins italiens préférés, parmi lesquels ceux du domaine Schiavenza, d’une dizaine d’hectares, animé à la fois par un véritable esprit de famille et un savoir-faire artisanal. Nous avons été immédiatement séduits : toutes les cuvées vibrent au diapason d’un fruit saisissant. Le barolo, issu d’un assemblage de raisins nebbiolo récoltés dans des vignobles tous situés dans la commune de Serralunga d’Alba – comme le veut la tradition –, est somptueux et taillé pour la grande garde. Barolo le plus simple de Schiavenza, il exprime pourtant le caractère d'un pur-sang. Cette exclusivité de Ventealapropriete déploie sous son caractère indomptable un raffinement aux teintes rubis et aux reflets grenat, un nez à la fois floral et terreux, fruité et balsamique, intriguant et en constante évolution.
Photos : Hervé Fabre ( Alône ) ; Chouchane Delgado ( La Cadette)
Si Christian Ott perpétue toujours avec fougue, aux côtés de son cousin JeanFrançois, la renommée des domaines Ott, c’est avec son épouse Pascale, suite à un coup de foudre commun pour cette propriété viticole, qu’il fonde aujourd’hui son domaine. Il y avait tout pour être séduit : un grand chêne, un cirque qui entoure le vignoble, une forêt et surtout une petite rivière, la Lône. « Une des forces de ce domaine s’enracine dans son sol. Riche en sable, il effectue un drainage et une hydratation parfaite du végétal », explique le couple. Ils ont opté pour une viticulture douce, l’élevage des vins sur lies fines se déroule en cuves inox, sphère céramique et porcelaine, qui révèlent la pureté du fruit. Ce premier millésime – pour lequel ils ont choisi Ventealapropriete comme unique partenaire de distribution internet – a de l’énergie. Il est généreux, mêle maturité et fraîcheur. La finale, soyeuse, s’étire sur de jolies notes salines.
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Des services bien adaptés et sur mesure VENTEALAPROPRIETE est à votre écoute, vous conseille et apporte des solutions à des situations que vous avez peut-être déjà rencontrées.
1.
J’ai eu le coup de cœur à deux ou trois reprises le mois dernier pour différentes ventes, mais j’ai payé à chaque fois les frais de livraison de 12 euros alors que cumulés, mes achats dépassaient bien les 300 euros…
Dans ce cas, nous vous recommandons de sélectionner, lors du choix de livraison, notre service de regroupement de commande « stockée pendant 30 jours ». Ce service gratuit permet simplement de conserver vos commandes dans nos entrepôts thermorégulés, de les regrouper pour atteindre 300 euros TTC d’achats cumulés et, ainsi, de bénéficier de la gratuité des frais de port. À l’issue des 30 jours de stockage, un email vous sera envoyé pour vous permettre de déstocker vos commandes. Si le total de vos commandes stockées est supérieur ou égal à 300 euros TTC, vous bénéficiez de la gratuité des frais de port (en-dessous de ce montant, vous paierez simplement les 12 euros de livraison relatifs à l’expédition de l’ensemble de vos commandes).
2.
J’habite en région parisienne et j’ai un emploi du temps très chargé toute la semaine.
Illustrations Martina Paukova
Pour la livraison à domicile, l’idéal, ce serait le soir entre 19 h et 21 h, voire le samedi matin.
C’est tout à fait possible. Ventealapropriete a en effet un service de livraison avec des créneaux de deux heures seulement pour tous les départements de la région parisienne, sur simple rendez-vous et sans frais supplémentaires lorsque votre commande est validée. Ce service est disponible à la fois en semaine entre 8 h et 21 h et le samedi entre 8 h et 14 h.
3.
Je consolide et je renouvelle chaque année ma cave de vins de Bordeaux, essentiellement en achats Primeurs. J’aimerais être prévenu dès les premières sorties, m’assurer de ne manquer aucune opportunité proposée par Ventealapropriete.
Notre application VALAP Primeurs est faite pour vous ! Une fois que vous l’avez téléchargée, connectez-vous avec vos identifiants Ventealapropriete et paramétrez, dans le menu « Mon compte », puis « Mes alertes et paramètres », la manière dont vous souhaitez recevoir les informations sur les ventes : par email, par notification, ou
même les deux (pour être sûr de ne rien rater !). L’application est disponible sur Android et iOS pour votre smartphone et/ ou votre tablette.
4.
Quand je passe commande pour les ventes Primeurs 2020, comment cela se passe-t-il exactement ? Faut-il régler un acompte ?
Que ce soit via notre site internet, dans la rubrique « Primeurs », ou sur l’application dédiée, il vous suffit de sélectionner le(s) vin(s) de votre choix et de renseigner le nombre de caisses que vous souhaitez
commander. Vous recevrez alors par email la preuve de votre commande. Celle-ci vous sera livrée en 2023, lorsque les vins seront mis en bouteille et disponibles. À la commande, vous ne payez que le montant hors taxe du prix des vins ; la TVA et les frais de port ne seront à régler que lorsque vous serez livrés, c’est-àdire dans trois ans.
5.
J’ai ouvert cette bouteille, achetée il y a deux ou trois ans, et ce vin m’a complètement séduit. J’aimerais retrouver facilement quelques informations sur le domaine, ainsi que quelques conseils de dégustation.
C’est très simple : vous pouvez retrouver toutes les informations concernant cette bouteille (cépage, assemblage, vinification, garde, domaine, note de dégustation du Comité de sélection) et des conseils d’accords mets-vins sur la fiche technique correspondante dans votre compte, rubrique « Mes fiches techniques », comme celles de tous les vins que vous avez acquis depuis que vous êtes membre de Ventealapropriete. Racines
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Grands formats—Bonne étoile
le jardin d’éden provençal Adossé au savoir-faire de la famille Perrin, Brad Pitt préside aux destinées du vignoble Miraval. La star n’a pas seulement hissé son acquisition au rang des domaines iconiques de Provence. Sa réussite alimente, partout dans le monde, la passion du rosé. Texte Perotin— Photos Serge Chapuis 18— Matthieu Racines
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Seul rosé parmi l’élite, le Côtesde-Provence Miraval 2012 intègre le top 100 des meilleurs vins de l’année.
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IL A SUFFI D’UNE DÉPÊCHE de l’Agence France-Presse. Quelques lignes rédigées sans effet de manche pour annoncer la commercialisation de la cuvée rosée Miraval 2012 « mis(e) en bouteille par Jolie-Pitt & Perrin ». Angelina Jolie et Brad Pitt – le couple le plus glamour du moment –, d’un côté, la famille Perrin – grande puissance viticole de la vallée du Rhône – de l’autre, les premiers faisant appel aux seconds pour produire les vins du domaine varois : tout était réuni pour susciter l’intérêt. Mais de là à imaginer une telle déflagration médiatique… Charles Perrin a gardé le souvenir de ces jours de mars 2013 dont l’impact mondial sur la consommation de vin rosé se ressent encore aujourd’hui. « Nous avons vu arriver les camions régies des chaînes de télévision, des journalistes ont improvisé des talk-shows, des articles ont été publiés par centaines dans la presse people… En un éclair, Miraval est devenu plus célèbre que les autres marques de la famille alors que nous sommes dans le métier depuis 1909 ! » L’emballement aurait pu tourner court. D’autant que le vin rosé, qui représente l’essentiel de la production du vignoble, était loin d’avoir acquis ses lettres de noblesse. Peu valorisé, consommé presque exclusivement l’été, il s’exportait difficilement. Et lorsqu’il parvenait à dépasser les frontières, les consommateurs se tournaient plutôt vers des cuvées robustes, à la robe foncée – aux antipodes des jus clairs et plus délicats qui prédominent dans le sud de la France… Mais une alchimie irrésistible a redistribué les cartes. « Avec la mer, la lavande, son aspect de jardin d’Éden, la Provence convoque l’idée d’un art de vivre qui est entré en résonance avec l’image d’Angelina Jolie et Brad Pitt, à la fois raffinée et décontractée. » La légitimation professionnelle apportée par la famille Perrin, la force d’un réseau de distribution implanté
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dans plus de 100 pays ont fait le reste. Miraval écoule aujourd’hui plus d’un million de bouteilles chaque année. La France et les ÉtatsUnis en sont les meilleurs clients, suivis par le Canada, l’Allemagne, le Japon ou encore l’Australie. Si, en 2020, les vins rosés de Provence ont réalisé la meilleure performance française à l’export (+ 6 %) – là où toutes les régions sauf la Bourgogne sont en recul –, le rayonnement de Miraval y est assurément pour quelque chose.
« Comme des enfants dans un magasin de jouets » Réussite au-delà de toute attente du point de vue médiatique, l’aventure Miraval est aussi celle d’une exigence appliquée à tous les aspects de la production. Une rigueur qui, paradoxalement, a failli tuer dans l’œuf la perspective d’une union entre les deux propriétaires et la famille de vignerons. Rembobinons. Le couple hollywoodien pose ses valises dans la propriété en 2008 avant de devenir propriétaire du domaine en 2011. Il entreprend alors de vastes travaux de rénovation et se met en quête d’un consultant pour l’aider à gérer l’exploitation vinicole. Les JoliePitt apprécient les vins réalisés par les Perrin au château de Beaucastel, à Châteauneuf-du-Pape, mais aussi à Tablas Creek, en Californie. Charles Perrin se souvient avec émotion de sa première visite à Miraval : « En découvrant les murs en pierre sèche, les terrasses et les bois à perte de vue, nous étions comme des enfants dans un magasin de jouets. L’endroit a les dimensions d’une vallée au bout de laquelle on aurait installé un portail. Nous avons tout de suite été fascinés par l’immense potentiel qui s’étalait sous nos yeux. » Au sein du clan Perrin, toutes les décisions se prennent de manière collégiale. Une assemblée extraordinaire est donc organiEn haut, à gauche : Charles Perrin
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sée au pied levé. Faute de consensus sur l’opportunité d’intervenir à Miraval sans posséder les vignes, le « non » s’impose d’une courte tête. « Pour éviter de refuser trop sèchement, nous avons proposé à Brad Pitt de créer, à parts égales, une société d’exploitation destinée à faire grandir le domaine. Ce qu’il a accepté, à notre grande et heureuse surprise. » Quelques semaines plus tard, l’équipe est à pied d’œuvre pour les vendanges. Coup d’essai, coup de maître. Le Côtes-de-Provence Miraval 2012 intègre le top 100 des meilleurs vins de l’année publié par le magazine Wine Spectator. Il est le seul rosé au monde à figurer parmi l’élite. Aux yeux de la famille Perrin et de Brad Pitt, ce succès de prestige – si flatteur soit-il – n’est qu’une étape. Le cap est rapidement fixé : mieux comprendre le terroir en vue de faire progresser les vins. Avec ses parcelles bien ventilées (entre 250 et 500 mètres d’altitude), son sol ferrugineux et caillouteux, ses vieux plants de rolle (utilisés pour toute la gamme, en blanc comme en rosé), le domaine se prête à l’élaboration de cuvées d’équilibre et de complexité. « Au bord de la Méditerranée, les rosés sont souvent salins et immédiats, ce qui en fait de bons compagnons d’apéritif. Nous sommes à 50 kilomètres de la côte et nos raisins mettent du temps à mûrir : d’où des vins peut-être plus fins et droits, qui passent aussi très bien à table », souligne Charles Perrin.
L’élaboration du rosé, un art de haute volée Dans ce petit paradis qu’est Miraval – on peut y voir des biches s’abreuver à l’eau d’un lac ! –, les 70 hectares en production étaient déjà travaillés selon les principes de l’agriculture biologique. Un des apports de l’équipe actuelle consiste à développer la polyculture. Oliviers et lavande ont été plantés en alternance de manière à diversiRacines
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fier la biosphère et, ainsi, contribuer à la bonne santé des ceps. Autre démarche initiée : la redistribution d’une partie du patrimoine de vignes. Cantonnés en fond de vallée, les raisins rouges ne donnaient pas satisfaction. L’idée s’est imposée de les déplacer sur les coteaux. « Nous avons fait appel à des microbiologistes du sol, qui ont mis en évidence un îlot de trois hectares dont les caractéristiques évoquent la Côte de Nuits, explique Charles Perrin. Nous y avons récemment introduit du pinot noir, le cépage bourguignon des vins rouges. » Ailleurs, ce sont des plants de syrah qui s’épanouissent sur des parcelles en terrasses. Environ 10 hectares ont été créés depuis 2012. Il faudra 15 à 20 ans pour qu’ils produisent des jus susceptibles d’être vinifiés. La preuve, s’il en était besoin, que l’ambition du tandem Pitt-Perrin s’inscrit dans la durée.
L’alliance inox, béton et bois Visible à la vigne, le changement l’est aussi à la cave. Exit les énormes et antiques cuves en béton qui étaient utilisées avant l’arrivée de la nouvelle direction. L’élevage s’opère désormais dans des cuves en inox (pour donner de la netteté aux vins), des contenants de béton en forme de tulipe (pour la texture) et des demi-muids en bois (pour les notes légèrement beurrées). La cuvée Muse, issue de deux parcelles historiques et uniquement commercialisée en magnum, s’offre quant à elle le luxe d’un chai flambant neuf. À entendre Charles présenter l’évolution et les projets du domaine on pourrait croire que les Perrin 22—
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maîtrisent les rosés depuis des générations. Or cette couleur ne représentait qu’une proportion infime de la production familiale. « Parmi toutes les choses que nous avons apprises à Miraval, la principale est peut-être qu’il existe un art du rosé. On dit souvent que le vin rouge tient un peu de la grande cuisine : comme elle, il réclame du génie, ou du moins une liberté de création. Pour faire un bon rosé, il faut avant tout de la précision et de la minutie, depuis le travail du sol jusqu’à la mise en bouteille. C’est une approche que je comparerais plutôt à la pâtisserie. » Stabiliser les jus, éviter les phé-
Toute une histoire avant Brad Pitt Une tuile plate, des fragments de récipients pour stocker et transporter le vin ou l’huile d’olive : ces traces d’occupation ont été retrouvées sur le domaine Miraval. Elles témoignent de la présence d’un habitat rural pendant la période romaine. Depuis 2020, une fréquentation plus ancienne est attestée. Les travaux d’entretien et d’aménagement ont fait
émerger, sur environ 500 m², des restes de céramique remontant à l’âge du Bronze ou au premier âge du Fer (entre 1 100 et 100 av. J.-C. ). Plus près de nous, l’hypothèse d’un séjour de saint Thomas d’Aquin au château, en 1252, semble sujette à caution. En revanche, la résidence prolongée du Prince de Naples, au XVIe siècle, ne fait pas débat. C’est à ce moment-là que Miraval apparaît dans le registre des maisons nobles de France.
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nomènes d’oxydation en y ajoutant une dose minimale de soufre… La famille Perrin n’a pas ménagé ses efforts pour améliorer la vinification et l’élevage. Quid du propriétaire, que la presse décrit comme très impliqué dans la conduite du domaine ? « Brad Pitt vient plusieurs fois par an pour goûter les vins et suivre les assemblages, confirme Charles Perrin. Il participe également aux décisions importantes, qu’il s’agisse de restaurer les murs ancestraux, de planifier de nouvelles plantations ou de rénover les caves. » Au moment de propulser la marque, la sensibilité artistique de l’acteur et producteur a fait merveille. C’est de lui qu’est venue l’idée d’embouteiller les vins dans une forme immédiatement reconnaissable – une silhouette devenue iconique. C’est encore lui qui, lors d’un tournage, a dessiné le motif de l’étiquette après avoir multiplié les esquisses dans sa caravane.
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qu’il abrite. » Dans les tuyaux, on trouve aussi un projet d’atelier d’écriture de scénario et un autre de résidence artistique à destination des peintres et sculpteurs. L’ancien cuvier a déjà été identifié comme le lieu idéal pour stimuler leurs élans créatifs. À propos de Miraval, Brad Pitt a dit un jour à ses partenaires : « Je veux que ce soit le secret le plus mal gardé du monde. » À plus d’un titre, l’affaire semble en bonne voie. C H ÂT E A U M I R AVA L
Superficie en production : 70 ha Cépages : rolle (30 %), cinsault (30 %), grenache (17 %), syrah (15 %), cabernet-sauvignon (5 %), pinot noir (3 %) Production : 1 million de bouteilles par an Âge moyen des vignes : 30 ans Appellations : Côtes-de-Provence, Coteaux Varois (déclassé en IGP Méditerranée)
Des vibrations artistiques bientôt ressuscitées En marge du volet viticole, Brad Pitt souhaite aujourd’hui transformer Miraval en un lieu artistique. Une manière de renouer avec un passé proche. Car l’avant-dernier propriétaire, le pianiste et compositeur Jacques Loussier, avait installé un studio d’enregistrement dans la bastide. Les Pink Floyd – époque The Wall – AC/DC, Sade ou Sting s’y sont succédé. « Lorsque nous avons rouvert le studio, les cendriers étaient encore pleins ! Nous les avons vidés et avons demandé un audit pour voir comment le studio pouvait être relancé tout en conservant le superbe matériel
Miraval 2020. Côtes-de-Provence. Rosé. Un rosé virtuose, impeccablement ciselé, parfait dès l’apéritif ; il se révèle charmeur par ses fines notes de jasmin et d’agrumes et sa fraîcheur constante. Racines
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En 40 ans, Alain Brumont a hissé ses madirans sur le toit du monde avec son Château Montus. Précurseur, ce franc-tireur jamais à court d’idées poursuit aujourd’hui avec son beau-fils Antoine le projet de toute une vie.
vivat tannat!
Texte 24— Véronique RacinesRaisin—Photos Dorian Prost
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DU TERTRE QUI CERNE la propriété, on perçoit, par beau temps, jusqu’à la silhouette des Pyrénées qui s’encastrent dans l’horizon, plaquée en fond de décor. À près de 300 mètres d’altitude, Château Montus s’intercale fièrement entre bois et rangs de vignes, défiant le climat, la montagne, les vents. Alain Brumont en est son consul et son dépositaire, œuvrant depuis 40 ans à la renommée de la propriété familiale et avec elle, à celle de Madiran et de tout un pays ondulant dans les méandres de l’Adour. Bâti à force de persévérance et de bons coups terriens, le vignoble règne désormais sans partage, érigeant le cépage tannat au rang de roi. Alain Brumont conte volontiers qu’il échangeait des terres à maïs rachetées à bon prix contre des carreaux de vigne. À l’époque, peu souhaitent s’entêter à récolter et vinifier ce cépage jugé rustique et rocailleux. Lui y croit dur comme fer.
L’école de la vie Alain Brumont est né à Bouscassé, dans la ferme familiale de Maumusson, en 1946. La propriété compte plusieurs hectares de vignes, un peu d’élevage, des céréales. Le voilà très tôt enrôlé dans les champs ; un apprentissage sous forme de corvées, une école de la vie rude et intransigeante. À 17 ans, fasciné par l’agriculture, il décide de s’y vouer totalement, consacrant tout son temps à la vigne. Pendant 15 ans, il replante tout le vignoble de Bouscassé – 17 hectares à l’origine, 60 aujourd’hui –, défrichant le bois à la main. 26—
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Quinze ans plus tard, guidé dans sa quête du Graal par l’éthique de Léonard Humbrecht, il entreprend lui aussi de produire du vin. En 1980, il tombe un peu par hasard sur la propriété de Montus, 20 hectares de vignoble en friche et un château à moitié écroulé. Alain pressent le potentiel de ce terroir de galets et de graves où, dit-on, Napoléon III s’approvisionnait. Il y plante la vigne à haute densité, soit plus de pieds à l’hectare que l’exige l’appellation, réduit drastiquement les rendements, laissant seulement six grappes afin d’obtenir une maturité phénolique bien supérieure. Montus 1982 éclot dès la deuxième feuille, assemblé aux classiques cabernets franc et sauvignon. Le millésime 1985 marque un tournant. Le premier 100 % tannat voit le jour avec la cuvée Prestige de Montus. Un vin mémorable, élevé en bois neuf, porté par une chair intense, profonde et un fruit noir luxuriant, qui propulse Alain Brumont dans l’aristocratie viticole. Son vin sort premier d’une dégustation à l’aveugle où s’alignent pourtant les cadors de l’élite bordelaise. « Tout le monde pensait que c’était Lafite », se souvient Alain. Depuis, les vins d’Alain Brumont trustent encore les premières places, faisant de l’ombre aux poids lourds de la rive gauche bordelaise… Malgré quelques jalousies corporatistes et de menus déboires avec les carcans de l’appellation, Alain Brumont continue de défricher à grands coups d’innovations. En 1988, il décide de planter une parcelle de 10 hectares, orientée à l’ouest. La Tyre devient vite un vin iconique, élevé quatre ans en barriques à la profondeur envoûtante. Puis ce sera la cuvée XL, élevée 40 mois en foudres, comme le pratiquaient les an-
ciens. Enfin, le 3 décembre 1988, Brumont récolte ses premières vendanges tardives… « J’ai été le premier à faire des liquoreux. Depuis, tout le monde en a replanté. »
Une vigne, un bois, une vigne « Les années 80 ont été celles des fondations. La décennie suivante fut celle du développement, les années 2000 le temps de l’innovation. » Viennent des expérimentations – et des succès – à tout-va, des vins de Gascogne et, en 2008, un insolent pinot noir porté par les terroirs plus calcaires de Bouscassé, plus précoces de 15 jours que Montus. En 2018, le pinot noir de Montus naît à son tour, sur quatre hectares de galets et de graves. Insatiable, Alain Brumont est d’abord un précurseur. « Tout le monde parle d’agroforesterie, moi, j’ai toujours planté des haies et fait cohabiter les bois, les arbres fruitiers et la vigne. » À Montus comme à Bouscassé, la biodiversité est un prérequis ; le potager et la serre nourrissent chaque jour les 70 salariés et les invités de passage. Partout, disséminés sur les 350 hectares de terres, des poiriers, des pommiers, des nèfles, des coings… pas moins de 100 variétés de fruits qui strient le paysage aux côtés des rangées de haies. Et bien sûr, des céréales, 90 hectares de tournesol, soja, sorgho et maïs, histoire de perpétuer les traditions et de renouer avec ses racines. Et des poules : « On a monté notre poulailler il y a 20 ans, avec des Noires de Bigorre, les fameuses poules au pot d’Henri IV ! » « Aujourd’hui, on est à la moitié du chemin » avoue Alain Brumont. Lui a assuré les 40 premières années. À son beau-fils, Antoine Veiry,
le fils de sa femme Laurence, de bâtir les 40 prochaines. À 27 ans, lesté d’une solide expérience, le jeune homme semble envisager l’avenir avec le même engagement et la même pugnacité que son beau-père. Sans se départir d’une petite touche personnelle et de quelques idées qu’il compte bien faire accepter. Lucide, il connaît bien le personnage, le respecte, le bouscule aussi un peu parfois, à dessein. « Alain est un bâtisseur. Il a besoin de finisseurs. On doit encore aller dans le détail, éprouver de nouvelles idées ; désormais, on dispose de tous les moyens techniques et scientifiques pour réaliser nos projets. À nous d’avancer et de poursuivre l’approche Brumont », analyse tranquillement Antoine. Cette démarche totale prend en compte aussi bien la vigne et la vinification que l’environnement et la vie de l’entreprise : à Montus, tout transpire l’empreinte du maître des lieux. Son énergie est communicative, ses idées enthousiasmantes et le ciment de tous. Pour autant, derrière ces rêves de grandeur et d’hégémonie reste l’ancrage local et historique. « On ne lâchera pas l’appellation, même si elle n’a pas toujours été tendre avec moi », affirme Alain. Des querelles, des jalousies, des rancœurs qui font aussi partie de ce parcours de vie peu commun, forcément débordant et outrancier aux yeux de certains. « On y reste attachés. C’est Madiran qui a fait Montus », reconnaît-il.
Le temps du changement Une appellation en souffrance, qui court un peu après son image, tiraillée entre des velléités de grandeur et un repli sur une identité béarnaise plus secrète. Un chantier qui attend Antoine et dont il a bien Racines
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conscience. Pour fédérer, le jeune homme sait s’entourer. « Ici, on ne compte pas ses heures, c’est un engagement total, mais cela fait partie de la vie de l’entreprise, son côté familial. » « Le levier, c’est la viticulture, poursuit le jeune homme. Il y a 20 ans, les rendements étaient le vrai sujet ; c’était même une vérité. Aujourd’hui, ce n’est plus forcément le cas. Laisser six grappes par pied, d’accord dans les millésimes frais. Mais dans les millésimes solaires, ça ne marche plus. Alors on teste, on fait des essais en fonction des natures de sol. » Et d’ajouter : « Le vignoble compte 237 parcelles pour quasiment autant d’hectares. Il faut s’adapter et comprendre comment travailler avec nos différents sols et climats. Surtout avec le changement climatique. On doit encore avancer sur cette compréhension du terroir. » Très présent à la vigne, Antoine ne lâche rien en cave. Méticuleux, observateur, curieux, il s’essaie là aussi à diverses expérimentations pour hisser d’un cran encore la qualité des vins. « En 2020, j’ai vinifié les trois profils du terroir de La Tyre séparément, entre les argiles, les galets roulés et la partie plus calcaire du centre. » Tout en fûts neufs, histoire de bien cerner la personnalité de chaque micro-terroir. Le choix des tonneliers, la forme et le volume des contenants l’intéressent aussi beaucoup. Chaque année, 350 barriques neuves pénètrent dans le chai cathédrale de Montus, aux côtés des foudres, des cigares de 300 litres ou des barriques de 600 litres signées Stockinger, la Rolls autrichienne de la tonnellerie. Avec pour seule ambition, des élevages sur la durée qui affinent les vins et les portent dans le temps. « Il faut conserver ces élevages longs et faire le vin qui arrive au siècle », selon le credo de Brumont. D’où également, depuis 2017, l’emploi de la vendange entière sur certaines cuvées de tannat et des essais de vinification différents. « La première année, le bois neuf muscle le vin pour lui permettre de tenir ; la deuxième et 28—
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la troisième année sont des phases d’éducation. La barrique marque le vin quand celui-ci n’est pas à la hauteur ou quand l’élevage est trop court. » Il faudra à Antoine de la force et de l’entraînement pour emmener Montus sur une marche plus haute encore. Et suivre la cadence d’Alain Brumont avec, au programme, la réfection des chais de Bouscassé d’ici cinq ans. Viendra ensuite le temps où Alain passera définitivement la main et se consacrera pleinement à ses autres passions : les brebis Manech tête noire, une race du Pays basque adoptée durant le premier confinement, et le porc noir de Bigorre, une filière qu’il soutient depuis 30 ans. C H ÂT E A U M O N T U S
Superficie en production / 225 ha Cépages / Tannat, cabernet franc, cabernet-sauvignon, petit courbu, petit manseng, pinot noir Altitude / 150 à 280 mètres Appellation / Madiran
—Château Montus & Ventealapropriete, Madiran 2019, 100 % tannat Digne ambassadeur du cépage tannat, ce vin libère sa puissance dans un jus frais, épicé, au fruit impeccable. Une cuvée sur mesure, réalisée expressément pour les membres de Ventealapropriete avec le concours d’Olivier Poussier, Meilleur Sommelier du monde 2000.
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Grand format—Héritage
Depuis 1385, la famille Antinori est l’un des acteurs clés de la vitis’est affranchi de la législation pour imaginer le Tignanello, icône
au pays
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culture italienne. À la fin des années 1960, le marquis Piero Antinori des « super toscans », que ses filles s’emploient à pérenniser.
super
toscanes
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VOIR UNE PLACE ET UN PALAIS portant le nom de sa famille dans la ville où l’on est établi depuis plus de six siècles – Florence – témoigne déjà de l’aura que suscite son patronyme dans le domaine du vin. La famille Antinori est en effet l’une des figures incontournables de la viticulture en Toscane, notamment dans le Chianti Classico, la zone historique du chianti, où elle dispose aujourd’hui de plusieurs domaines. Depuis Florence, il faut partir au sud en direction de Sienne et rouler 30 minutes pour rejoindre cette zone délimitée par les bourgades de Radda, Gaiole, Panzano, Greve… La nature y est rythmée de collines où la vigne est plantée de manière très parcellaire. Entre chaque vignoble, des oliveraies, mais aussi une végétation boisée très dense, refuge de sangliers et autres gibiers et où les routes, particulièrement sinueuses, tentent de se frayer un chemin. Ainsi, le territoire du Chianti Classico peut parfois s’avérer très différent de ces paysages « carte postale » de la Toscane, ponctués d’allées de cyprès. Cette délimitation géographique a été mise en place au milieu du XIXe siècle par le Premier ministre Bettino Ricasoli – d’ailleurs propriétaire viticole – pour distinguer le meilleur terroir au sein de l’immensité que représente le chianti. À l’époque, l’assemblage de ces vins rouges se compose de 80 % de sangiovese, associé au canaoilo et à 32—
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En haut, à gauche : le chai spectaculaire de San Casciano. Ci-dessus : Piero Antinori
Photos : Gerald Bruneau, Mauro Puccini ; Roberta Valerio (page précédente)
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deux cépages blancs, le trebbiano et la malvasia. Bien que typiquement toscan, le sangiovese était alors considéré comme un peu grossier et devait être assemblé pour être assoupli. Toutefois, les cépages blancs ne vont pas toujours arranger la chose, ni harmoniser la qualité de la production.
Photo Wayne Maser
Le parrain américain du « super toscan » À la fin des années 1960, tandis que l’usage des cépages blancs est rendu obligatoire dans la composition d’un Chianti Classico, la famille Antinori va jouer un rôle frondeur. Mais surtout, elle va s’afficher comme un formidable visionnaire en imaginant un nouveau vin, le Tignanello. Albiera Antinori, à la tête du groupe familial depuis cinq ans, explique : « À cette époque, les règles de la viticulture visaient davantage à la quantité qu’à la qualité. La présence des cépages blancs n’aidait pas à produire des vins rouges soutenus et délivrait des vins à l’acidité marquée et à la robe très claire. Étonnamment, car ce n’était pas l’objectif, certains vins de belle qualité ont pourtant bien tenu dans le temps grâce à cette fraîcheur. Mon père, Piero Antinori, a cherché à produire un vin rouge plus structuré, en changeant l’assemblage, afin qu’il puisse notamment être dégusté hors
des repas, ce qui n’était pas vraiment l’usage en Italie. » Le domaine de Tignanello s’est avéré être le meilleur terroir pour développer ces recherches. En 1971, le premier millésime est mis en bouteille. Le vin est toujours composé à 80 % de sangiovese et pour le reste, en majorité de cabernet-sauvignon et d’une pointe de cabernet franc qui apportent une belle teinte rouge rubis et surtout du corps. Le travail pour produire ce vin s’est également porté sur la vigne, en cherchant à réduire les rendements, ainsi que dans la fabrication même du vin, avec un meilleur contrôle de la fermentation malolactique et un élevage en barrique de plus petite taille, en chêne français. Bien sûr, le Tignanello ne peut prétendre à l’Appellation d’origine contrôlée Chianti Classico (DOCG) et se retrouve déclassé en vin de table. « Néanmoins, le vin que notre œnologue Giovanni Tachis a développé correspondait parfaitement au goût des consommateurs, notamment outre-Atlantique où il rencontrait un vif succès, avec son acidité bien contrôlée et des parfums affirmés » souligne Albiera Antinori. Ainsi, ce sont des journalistes américains en visite en Toscane qui trouvent le nom de Super Tuscan pour désigner ce vin surprenant dans le paysage viticole du moment et capable de rivaliser avec les grands crus de Bordeaux.
Ci-dessus, de gauche à droite : Albiera, Alessia et Allegra incarnent la 26 e génération d’Antinori.
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Car faut-il le rappeler, à l’époque où le Tignanello voit le jour, la différence entre les appellations Chianti Classico et Chianti est confuse dans l’esprit du consommateur lambda, peu au fait des subtilités italiennes en la matière. Si les grands domaines produisent de très beaux vins mais en quantité restreinte, l’énorme volume de chianti « normal », embouteillé dans des bouteilles en forme de flasques recouvertes d’un tressage de paille et qui inonde le monde entier, délivre une image peu flatteuse qui déprécie la qualité des grands Chianti Classico.
Un palais contemporain
Chianti Classico, anatomie d’une DOCG
Si la famille Antinori a poursuivi ses recherches en produisant d’autres vins d’exception comme le Solaia, composé majoritairement de cabernet-sauvignon et cabernet franc pour seulement 20 % de sangiovese ou un très grand blanc comme le Cervaro della Sala (un assemblage de chardonnay et de grechetto cultivés en Ombrie), elle a consolidé en parallèle son savoir-faire en matière de Chianti Classico, que ce soit à Badia a Passignano, à Pèppoli et, depuis 2012, à San Casciano dans le Val di Pesa. La famille y a fait construire un chai spectaculaire que Piero Antinori n’a pas hésité à qualifier d’investissement géant, peut-être difficilement justifiable, mais essentiel pour se projeter sur une vision à long terme. En outre, le projet architectural a l’intelligence de n’avoir aucune emprise sur le paysage puisqu’il est en grande partie enterré sous le vignoble. Dans le même temps, il abrite un dispositif des plus innovants qui permet à la fois de produire des vins et d’accueillir le grand public.
Une bouteille de cette appellation se distingue par son logo, un coq noir (gallo nero) qui orne le col de la bouteille. Au cours des 50 dernières années, la législation sur les cépages qui composent un Chianti Classico a évolué. Aujourd’hui, la règle de l’assemblage exclut l’obligation de cépages blancs tout en autorisant l’usage de cépages étrangers tels le cabernet–sauvignon, la syrah ou le merlot. Un Chianti Classico doit comporter un
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minimum de 80 % de sangiovese — et peut aller jusqu’à 100 % — et 20 % des cépages pré-cités, en plus du canaoilo et du colorino. En outre, l’appellation peut compter trois catégories de vins : le Classico « normal », qui doit passer sept mois minimum en fût et trois en bouteille ; la Riserva, qui nécessite un élevage d’au moins 12 mois en fût et trois en bouteille ; la Grande Selezione, qui requiert un minimum de 30 mois en fût et toujours trois mois en bouteille.
Photos : Mattia Zoppellaro ; Kevin Cruff
« Dès la présentation du projet par l’agence Archea Associati, cette architecture, semblable à notre palais familial du XVe siècle, nous a semblé évidente par son caractère intemporel. C’est à la fois un outil de production à la pointe et un endroit où nous pouvons montrer tout notre savoir-faire et nos valeurs, non seulement mis en œuvre dans le Chianti, mais aussi dans nos autres domaines en Italie et à travers le monde », explique Albiera, elle aussi convaincue que ce qui est accompli pour l’entreprise sert avant tout l’histoire familiale. « Quand mon père a repris les rênes d’Antinori vers 1966, il avait 28 ans. C’était sûrement une période propice à des changements de fond. Il avait les compétences et le courage nécessaires pour le faire, deux qualités qui font de lui une des personnalités les plus influentes et déterminantes pour notre entreprise durant cette grande phase de transformation », rappelle-t-elle.
Trois femmes puissantes Aux côtés d’Albiera, ses sœurs Alessia et Allegra l’accompagnent pour faire perdurer l’histoire et la passion familiales. Allegra a continué de développer la mission d’hospitalité dont elle avait déjà la charge, notamment avec les restaurants Cantinetta implantés à Florence, Zurich ou encore Moscou. Conjointement, la benjamine, Alessia, très investie dans la viticulture – elle s’occupe du domaine Fiorano, situé près de Rome – coordonne des actions artistiques qui viennent dialoguer avec l’univers du vin et la nature. C’est donc désormais un trio de femmes qui, pour la première fois dans la dynastie des Antinori, se retrouve aux commandes des affaires
familiales. Albiera conclut, un œil sur le futur : « Nous sommes à la fois différentes et complémentaires, mais surtout très proches. Cela nous permet d’agir au mieux dans les prises de décision. Nous sommes la 26 e génération et déjà, une nouvelle lignée se profile avec mon fils et ma fille, qui font leur premier pas dans le groupe. Certes, nous avons cette mission qui consiste à continuer de faire de bons vins et de développer les affaires, mais nous devons aussi transmettre la passion que notre père nous a inculquée et qui nous anime, afin que l’histoire familiale puisse se poursuivre. » O L I V I E R R E N E A U / ANTINORI EN CHIANTI CLASSICO
Superficie en production / 340 ha, dont 127 ha pour Tenuta Tignanello Cépages rouges / Principalement sangiovese ; variétés complémentaires : cabernets sauvignon et franc, merlot, malvasia nera, colorino, mammolo Cépages blanc / Trebbiano, malvasia bianca de Toscana Production / Tenuta Tignanello = 300 000 bouteilles par an Âge moyen des vignes en Chianti Classico / 18 ans
Tignanello Toscana IGT 2018. Intense, complexe, nuancé. Un vin unique en son genre, généreux et soyeux, d'une harmonie inégalée. La fraîcheur est de mise, la maîtrise totale. Du grand art ! Racines
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Dégustation—Interview
UN VERRE AVEC
Jean-François Piège Le grand chef du Grand Restaurant – et de quatre autres établissements à Paris – est un fou de vin. Pour lui, pas de grands repas sans grandes bouteilles. Pour l’occasion, il débouche avec nous un grand cru de sa région natale. Vous avez choisi un Hermitage 2015 de Jean-Louis Chave. Est-ce un clin d’œil à votre enfance valentinoise ?
Effectivement. Le vignoble de Jean-Louis se trouve à 20 kilomètres de Valence, où j’ai grandi, et j’ai fait mon école hôtelière à Tain-l’Hermitage. C’est pourquoi les vins de cette région résonnent en moi depuis toujours.
que l’on connaît, mais il faut avoir un rapport à la bouteille, à la sensualité qu’elle incarne pour l’ouvrir au bon moment. Il y a des moments pour ouvrir le vin. Ce n’est pas la grande occasion qui fait le vin, mais le vin qui fait la grande occasion. Mes meilleurs souvenirs en la matière ne sont pas venus de mon envie d’ouvrir une grande
de Varenne, repris par Alain Passard en 1985 – pour s’installer à la Madeleine avec le Lucas Carton. Moi qui lis beaucoup de magazines, je ne tourne pas une page sans tomber sur Alain Senderens. Un copain qui y travaille me raconte son quotidien. J’essaie d’y organiser un repas avec des collègues, mais ça ne
Pourquoi est-ce un grand vin ?
Parce qu’il ne se livre pas facilement. Ce vin est construit, il a une complexité. Quand on parle d’Hermitage, on parle de noblesse. Dans la région, on dit que c’est la colline des dieux. Son exposition, dans cette combe, lui donne de la force. Il faut dire aussi que le vignoble est proche d’un fleuve dont le lit modifie localement le climat. Quand Jean-Louis vous amène dans les collines de l’Hermitage, il vous explique que d’un lieu-dit à l’autre, son vin change. La différence est parfois ténue. Dans ce vignoble, les rangées de vignes ne sont pas toutes de la même couleur… Sur une même rangée, il peut y avoir plusieurs terroirs. Une partie sera cultivée en blanc, l’autre en rouge. Ce choix était-il facile à faire ?
Non ! Car choisir un seul vin est forcément trop réducteur. Pour sélectionner une bouteille, il faut entretenir une relation avec elle. Il y a des grands vins Photos Yann Rabanier
« Ce n’est pas la grande occasion qui fait le vin, mais le vin qui fait la grande occasion.» bouteille, mais sont le fruit d’une rencontre. Votre mère vous a transmis le goût des bonnes choses. Votre grand-père vous a initié à la culture potagère, à la pêche, à la cueillette des champignons. Votre tante vous a fait aimer les livres. Mais qui vous a fait découvrir le vin ?
Je me suis initié moi-même. Mais le déclic est venu chez un cuisinier. Pas très loin d’ici, chez Senderens. Dans les années 90, c’est le cuisinier qui explose. Il déménage son restaurant L’Archestrate, rue
se fait pas… Je trépigne et je me décide à y aller seul. Je choisis les plats parmi les moins chers. Je commande les saint-jacques aux cèpes et le ris de veau aux carottes. Comme ils ont compris que j’étais un jeune professionnel, ils me servent une assiette de canard Apicius, accompagné d’un verre de vin. Ils ajoutent : « Voilà l’accord parfait. » À l’époque, j’ai 18 ou 19 ans et aucune connaissance en la matière. Je goûte et en mangeant le canard accompagné de ce vin, quelque chose se passe… Il s’agit d’un maury. C’est mon premier émoi. Je comprends
à cet instant que le vin occupe une place fondamentale à table. Quelle place tenait le vin dans votre famille ? Aucune. On man-
geait et on buvait la région. Du coup, on achetait du côtes-durhône générique en cubis aux vignerons du coin. Des souvenirs de grandes bouteilles pour les grandes occasions ? Oui, bien sûr.
Mais avec le recul, je sais que ce n’était pas de grands vins. Je n’ai pas baigné dans cette culture. La syrah occupe une place particulière dans votre cœur – comme dans celui de votre région. Quel est votre rapport à ce cépage ? Je ne me
suis pas éloigné de la syrah, j’ai juste élargi ma palette de goûts. J’ai découvert des sensibilités, des choses auxquelles je n’avais pas accès. Qu’est-ce qui fait la différence entre un vin de madame Leroy [du domaine éponyme, NDLR] avec un petit vin du coin ? L’émotion qu’il génère. Mais tant que vous ne l’avez pas goûté, comment la connaître ? Comment mesurer l’écart entre un Pétrus et un modeste bordeaux ? C’est le temps qu’il faut y consacrer, la culture qu’il faut acquérir. Au début, j’aimais la syrah parce que c’était mon cépage de cœur. J’ai fait mon palais en goûtant d’autres choses. Aujourd’hui, il n’y a pas une région que je n’aime pas. Racines
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Dégustation—Interview
c’est la réunion de ces éléments. Nous possédons cinq restaurants à Paris, qui ont chacun leur identité. Au Clover Green, il y a une expression très végétale, à travers les vins nature. Au Clover Grill, les clients ne boivent pratiquement que du rouge. À La Poule au Pot – qui est ce que j’appelle un bistrot bourgeois –, nous aimons proposer des vieux vins. À L’Épi d’or, on sert des vins faciles, des vins de quartier. Les vignerons occupent une place importante dans votre parcours de restaurateur. D’où vient cette forme d’admiration ?
Ils transforment ce que donne
Quels sont les vins qui vous mettent en joie ? J’aime l’émo-
tion que certaines bouteilles peuvent générer. Nous avons reçu au Grand Restaurant notre allocation du domaine de la Romanée-Conti, il y a quelques jours. Ces caisses déposées là m’ont mis en joie. J’aime l’idée de faire vivre à mes convives un moment exceptionnel. Comment écrit-on une carte des vins dans les restaurants de Jean-François Piège ?
Déjà, elles sont à 99,99 % d’origine française. Pour la même raison que lorsque je pars à l’étranger, j’ai envie de découvrir ce qui constitue un pays. En France, nous possédons une telle diversité et une telle richesse de vins qu’il est nécessaire d’en être les ambassadeurs. La nature fait bien les choses. Pourquoi le comté et le vin jaune fonctionnent si bien ensemble ? Ce n’est pas qu’un heureux hasard. Pourquoi les façons de vivre et de cuisiner des régions vinicoles se sont tournées vers le vin ? Parce que c’est une culture, au sens propre et au figuré. C’est pour cela que je parle de territoire et pas de terroir, 38—
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On a développé cette idée. Il y a toujours eu des accords au restaurant, mais comme je ne m’appuie pas sur la découverte des territoires hors de France, on s’amuse avec de l’imperceptible, des nuances. On a commencé à thématiser par vigneron ou vigneronne. La dualité, c’est arrivé sur le plat de homard cuit sur des feuilles de cassis. Traditionnellement, on boit du blanc avec le homard et l’idée du rouge est venue naturellement. Certains clients comprenaient, d’autres moins. Et l’idée était de dire « mettons le rouge et le blanc à la carte, ils vont comprendre ». Car les deux créent une émotion. Cela nous
«La terre ne donne pas tout. La culture, le savoirfaire des hommes et des femmes comptent tout autant. » la nature en vin. La Bourgogne est classée en ouvrée, l’unité de mesure représentant la surface de vigne qu’un vigneron peut travailler en une journée. Sur un même lieu-dit, il existe plusieurs ouvrées qui appartiennent à des vignerons différents. Et il faudrait croire que c’est le terroir qui va décider de l’expression du vin ? Non, la terre ne donne pas tout. La culture, le savoir-faire des hommes et des femmes comptent tout autant. C’est pour cela que les vignerons me bluffent. Vous proposez parfois des « accords en dualité » (deux verres pour un même plat) au Grand Restaurant. Souhaitezvous poursuivre dans cette voie ?
permet de laisser à nos hôtes un peu de liberté, plutôt que d’imposer. Vous avez célébré vos 50 ans le 25 septembre 2020 : quelles bouteilles vous ont accompagnées dans ce moment ?
Élodie [l’épouse de Jean-François Piège, NDLR] m’a fait la surprise d’appeler certains vignerons pour l’occasion. J’ai donc reçu cinq bouteilles : un Richebourg de Romanée-Conti 1970, un Pétrus 1973, un magnum d’Ausone 1970, un Jean-Louis Chave 1970 et un Dom Pérignon P2 2000. Je n’ai pas encore tout ouvert… Le vin est votre passion, pourquoi ne pas devenir vigneron ? Est-ce un rêve… ou même un projet ?
Non, pourtant, j’adorerais – mon ego surtout ! – voir mon nom sur une bouteille. Mais ce n’est pas mon ego qui mène ma carrière ni ma vie. C’est pour cela que je n’ai pas de jardin non plus. Chacun son métier. Je n’ai pas ce savoir-faire. Mais ça pourrait être un projet de vie ? Il faudrait que je vende
mes restaurants, alors ! Parce qu’on ne peut pas être au four et au moulin. À quoi ressemblerait une cuvée Piège ? Comment s’appellerait-elle ? Cuvée Élodie ? Cuvée Antoine ou Pia, du nom de vos enfants ? Je l’appellerais
du territoire d’où elle viendrait. Même si avoir une cuvée en hommage à ceux que j’aime, cela pourrait arriver. Comme disait Curnonsky, le Prince des gastronomes, avec sa grosse voix : « À la gloire des territoires de France ! ». C’est ce qui m’importe aujourd’hui. Vos restaurants sont fermés depuis près d’un an, si l’on cumule toutes les périodes de fermeture. Servirez-vous le millésime 2020 à votre carte ?
Effectivement, ma première réaction a été de bannir cette année… Sauf que le 15 juin, j’ai eu une petite fille et je me suis dit qu’elle ne pourrait pas vivre avec les mots de son père répétant que 2020 était une année pourrie. Bien au contraire, c’est une année importante dans notre vie. C’est une année particulière pour la restauration, mais c’est une très belle année du point de vue personnel. Et d’après ce que j’ai entendu, c’est une très belle année pour le vin… Mon fils est né en 2015, qui est aussi une année magnifique. BORIS CORIDIAN /
—Jean-François Piège a publié Le Grand Livre de la cuisine française. Recettes bourgeoises & populaires, Hachette (2020)
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Racines —39 Photos Yann Rabanier
Dégustation—Escapade
Vues sur vignes à vélo Une virée à bicyclette s’avère le meilleur moyen de découvrir et savourer toute la richesse des terroirs de la Maison M. Chapoutier. Visite guidée. À 20 KILOMÈTRES au nord de Valence, Tain-l’Hermitage s’impose à la fois comme le berceau de quelques-unes des plus belles appellations viticoles du pays – Hermitage, Saint-Joseph, Crozes-Hermitage, ou encore Cornas – et de l’une des plus prestigieuses maisons de vin françaises, Chapoutier. Ses vignes en coteaux parcourues de sentiers offrent des paysages fascinants, mais généralement peu accessibles… à moins d’enfourcher un VTT à assistance électrique et de suivre le guide, au fil du pédalier et le nez au vent ! Voici trois itinéraires au départ du caveau de Chapoutier. Sous les yeux et les pieds du cycliste, ce sont toutes les strates et textures de la terre qui défilent, toute la complicité entre le vin, les vignes, les sols et les paysages qui les accueillent. Pour, une fois de retour chez soi, en faisant tournoyer un vin sous son nez et sur ses papilles, éclairer la dégustation d’une connaissance quasi charnelle des terroirs. 40—
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1—Sur la colline de l’Hermitage Distance / 12,4 km Dénivelé positif / 368 m Durée / 2 h ON RACONTE que la colline de l’Hermitage est éclairée par trois soleils : le premier est l’astre naturel, le deuxième est le reflet de ses rayons sur le Rhône et le troisième, leur réverbération sur les silices du sol. Pour le vérifier, rien de tel que de grimper sur cette petite montagne. Première étape : la tour du Pavillon (ci-dessus) donne son nom à la cuvée Le Pavillon de Chapoutier, AOP Hermitage régulièrement récompensée d’un 100/100 par le Guide Parker. Les vignes s’échelonnent sur les coteaux d’une géologie singulière, constituée de sédiments sur une fine couche reposant elle-même sur un sous-sol granitique. Les terrasses en pierres rythment les paysages et évoquent des tableaux de Paul Klee. Depuis 1991, ce vignoble de Chapoutier a été
converti en biodynamie, une méthode de culture respectueuse des sols et de la nature qui permet l’éclosion des plus grands vins. Accompagné d’un guide de la maison, on pourra monter à la Tour carrée, où sont notamment stockés les élixirs (infusions de valériane, purée d’ortie…) qui servent au traitement biodynamique des vignes. C’est ici aussi que se trouve la parcelle de Chante-Alouette, le plus vieux vin de la Maison que produisait déjà Marius Chapoutier. Fondateur de l’entreprise en 1879, il avait coutume de dire qu’un bon vin est un vin que l’on a envie de regoûter. Le promontoire de la chapelle SaintChristophe, lui, offre un extraordinaire panorama sur la vallée du Rhône. Tous les raisins alentour sont produits par Chapoutier. Avec un peu de chance, on apercevra les deux chevaux de la Maison, Tulipe et Cuzco, en plein travail. Au printemps et à l’été, des herbes poussent, papillons et abeilles s’affairent entre les feuilles. Il faut saisir
une poignée de terre (du granit décomposé) entre deux pieds de vigne et la faire glisser entre ses doigts pour se rendre compte à quel point le sol est ici vivant et aéré. En empruntant un chemin pavé, on rallie le massif de Pierre-Aiguille : depuis le belvédère, c’est toute l’appellation CrozesHermitage qui s’étend. Mais patience, on s’y rendra demain…
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Distance / 19,7 km Dénivelé positif / 278 m Durée / 3 h
2—Sur la route de Crozes-Hermitage Distance / 37,8 km Dénivelé positif / 546 m Durée / 4 h ÉTENDUE sur près de 1 650 hectares et 11 communes, Crozes-Hermitage s’impose, par sa superficie, comme la plus grande appellation des crus des côtes du Rhône septentrionales. Chapoutier décline l’AOP en six flacons : Les Meysonniers et Petite Ruche, en rouge et en blanc, Les Varonniers et Sicamor. Depuis Tain, en contournant la colline de l’Hermitage, on traverse les vignes de syrah, marsanne et roussanne pour rallier la commune de Crozes-Hermitage. Depuis le bourg, on prend de l’altitude par le chemin des Lavoirs pour s’offrir une pause bien méritée au belvédère des Méjeans, qui domine le Rhône. En traversant les champs d’abricotiers, vous aurez l’occasion de briller auprès de vos coéquipiers : le terroir sur lequel sont plantés ces vergers est réputé pour donner au vin le goût du fruit à noyau. De même, à mesure qu’on s’élève, le sol de galets devient de granit. Les vignes donnent
alors des jus plus minéraux, avec parfois des arômes de pierre à fusil, l’odeur de deux silex qu’on aurait frottés l’un contre l’autre. On redescend vers le village de Gervans – toujours dans l’appellation – et sa petite église bâtie dans les années 1860. L’écluse de la centrale hydroélectrique enjambe le fleuve. Trois kilomètres plus loin, on retraversera le Rhône par l’impressionnant barrage d’Arras et ses six passes, d’où le Rhône coule en cascades. Dès lors, l’itinéraire n’est plus qu’un doux retour au bord de l’eau, à l’ombre des arbres : on se trouve sur la ViaRhôna, cette piste cyclable de 815 km qui relie le lac Léman à la Méditerranée. La passerelle Marc-Seguin vous fera franchir à nouveau le Rhône, depuis Tournon jusqu’au caveau Chapoutier. On l’empruntera dans l’autre sens le lendemain pour découvrir Saint-Joseph.
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01. La passerelle Marc-Seguin | 02. La tour de la Vierge
3—Dans le berceau de Saint-Joseph
EMPRUNTEZ le pont suspendu Marc-Seguin pour rejoindre le château de Tournon et parcourir les belles ruelles du village. Cette promenade constitue une petite mise en jambes avant de prendre la départementale 219 qui serpente le long du versant est de la montagne. Premier stop : la tour de la Vierge. L’Hermitage s’offre ici dans toute sa splendeur. Sur la D219, la circulation est faible, mais la visibilité dans les virages aussi : attention à bien rouler en file indienne et serrer à droite le long de l’affleurement de roche granitique. Des terrasses en pierre claire rénovées récemment indiquent la parcelle du Clos, le plus grand saint-joseph de Chapoutier. Plus loin, à gauche, au bord de l’asphalte, une statue de saint Joseph, le patron de l’appellation, surplombe la ville, protégée dans sa cage en métal. Tourner à droite au panneau indiquant la table d’orientation. À 300 mètres d’altitude, les vignes ont disparu pour laisser place aux abricotiers – en saison, des camions vendent des fruits sur le bas-côté. La vue sur la vallée est imprenable. On fait face à la petite montagne de l’Hermitage et l’on distingue qu’elle est en réalité formée de la réunion de deux collines : celle de droite est surmontée par la Tour carrée de Chapoutier, celle de gauche par la chapelle (circuit 1). Entre les deux, la « vallée » du Méal, où Chapoutier récolte la cuvée du même nom. Ce paysage se distingue par ses quatre terroirs : galets et granit, répandus dans la vallée du Rhône, mais aussi argile et calcaire. C’est l’un des seuls endroits où les quatre âges géologiques se retrouvent dans un mouchoir de poche. Redescendre par la même route avec encore plus de prudence. Arrivé à Tournon, prendre à droite et longer la voie ferrée de fret. Vous êtes en train de traverser le berceau de l’appellation Saint-Joseph. À droite, un grand panneau « M. Chapoutier » flanque la colline, comme à Los Angeles les lettres blanches de « Hollywood ». C’est sur ces terrasses que l’on récolte la syrah des Granits, un de plus beaux vins de la Maison. Plus loin, on pénètre dans Mauves, on se perd dans le petit centre et on retrouve la ViaRhôna pour rentrer à Tain. Racines
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Dégustation—Escapade
OÙ DORMIR ? Hôtel Fac & Spera
Propriété de M. Chapoutier, cet hôtel affiche 55 chambres et 16 appartements meublés de standing. On reconnaît la patte de la Maison aux petites bouteilles de vin généreusement offertes aux hôtes dans les minibars. Un room service, élaboré à partir d’une carte hebdomadaire proposée par le restau-
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Racines
N7
Chantemerleles-Blés
Gervans Vion Larnage D86
Gîte Chapoutier / La Tour du pavillon 2
Au cœur des vignes, ce lieu romantique dispose de deux couchages. À partir de 220 € le week-end (deux nuits). Tél. : 04 75 08 92 61 www.chapoutier-gites.com
CrozesHermitage
1 Saint-Jeande Muzols
E15
MercurolVeaunes
Tain-l’Hermitage
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OÙ MANGER ?
M. Chapoutier offre, à travers différents restaurants et bars, de multiples options pour se restaurer sur place : Marius Bistro, Le Rond-Pain, Le Dureza, Ferraton Père & Fils. Suivant l’évolution des restrictions sanitaires, nous vous invitons à vous renseigner. Tél. : 04 75 08 65 00.
DRÔME
Tournonsur-Rhône ÔN E
La Maison dispose de sa propre flotte de VTT électriques, en location à la journée pour les groupes de cinq cyclistes maximum. Compter 25 € par personne avec dégustation au bar du caveau au retour de la promenade. Pour une formule en compagnie d’un sommelier de la maison : 75 € pour le groupe. Caveau M. Chapoutier, 18, avenue Dr Paul-Durand, 26600 Tainl’Hermitage. www.chapoutier.com
2 Érome
Saint-Joseph
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Caveau M. Chapoutier
N
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COMMENT SE DÉPLACER ?
rant de l’hôtel, le Marius Bistro, est disponible. Chambre à partir de 108 € (selon la saison). Si le spa constitue un lieu de prédilection pour se délasser après une journée à pédaler, nous vous invitons à vérifier, suivant la situation sanitaire, s’il est ouvert. 1, avenue Dr Paul-Durand, 26600 Tain-l’Hermitage. Tél. : 04 75 08 65 00. www.hotel.facetspera.fr
N7
L
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Pratique
Mauves E15
ARDÈCHE D86
HADRIEN GONZALES /
Illustrations Caroline Andrieu
Sur la route du rhum—Les îles des Caraïbes ne sont pas les seuls paradis de l’eau-de-vie de canne à sucre. Ventealapropriete vous invite à découvrir deux rhums nés sur des terres inattendues : le Mexique et le Japon.
CE SONT DEUX PÉPITES, deux distilleries historiques. Leur longévité et leur savoir-faire les rapprochent de celles des Antilles. La première, Helios, sous le climat tropical de l’archipel d’Okinawa, est la plus vieille distillerie de rhum au Japon fondée par Tadashi Matsuda en 1961 et privilégie une longue fermentation de la mélasse de canne à sucre. La région bénéficie d’une longue tradition de distillation avec l’Awamori, le sochu local à base d’alcool de riz. « Mais dès le XVIIè siècle, la canne à sucre y était cultivée, donnant naissance à un sucre brun très prisé – le kokuto – et si précieux qu’il était alors interdit de le transformer en alcool. La production de rhum est venue répondre à une forte demande des troupes américaines installées sur l’île au moment de la Seconde Guerre Mondiale » explique Alexandre Vingtier, expert en rhum, fondateur et rédacteur en chef du magazine Rumporter. La seconde pépite, Casa Tarasco, vient de l’état du Michoacan au Mexique qui ne compte désormais Photo Fabrice Veigas
que six distilleries et où la famille Pacheco pérennise depuis plus d’un siècle la production des meilleurs charanda. Ce spiritueux, issu de la double distillation de la canne à sucre, a obtenu la création d’une Denominacion de Origen en 2003 grâce à la seule détermination de la famille Pacheco. Ici, un sol volcanique rouge, riche en minéraux, des journées chaudes et des nuits fraîches à 1 250 mètres d’altitude créent un écrin idéal à la fabrique de rhums secs uniques au monde. Notes de truffe, fins arômes de fruits exotiques, finale légèrement poivrée pour le rhum blanc baptisé Kiyomi (« Beauté pure » en japonais) ; saveur franche de chêne grillé, de vanille et d’épices pour Sol Tarasco qui affiche une belle robe acajou. « L’un comme l’autre est l’expression d’un savoir-faire et de fortes identités territoriales. Ces rhums se caractérisent par un style clair, une signature : tout ce que l’on recherche aujourd’hui » conclut, enthousiaste, Alexandre Vingtier. JO Ë L LA C ROIX / Racines
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Dégustation—Mets-Vins
Francs jeux avec la framboise
Ce fruit délicieusement acidulé offre un éventail d’accords aussi subtils que gourmands. La preuve en trois variations. Avec un vacherin à la framboise, le meilleur
point de départ est d’opter pour un vin servi très frais, au diapason de la partie glacée du dessert. Le champagne, facile à rafraîchir dans un seau à glace, semble ici le choix idéal. La Maison Perrier-Jouët décline sa fameuse cuvée Belle-Époque en un rosé remarquable de finesse et de tendre persistance ; le millésime 2010, parfaitement épanoui aujourd’hui, soutiendra en toute harmonie le trio meringue, glace vanille et framboise. On peut également opter pour un champagne de style demi-sec ou sec, c’est-à-dire sucré ; le dosage équilibrera alors idéalement la sensation de fraîcheur et les notes acidulées de la recette. Essayer Perrier-Jouët, Belle Époque, Champagne brut rosé, 2010.
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Racines
Le rouge rubis d’une tarte à la framboise invite à l’escorter d’un vin de même tonalité. La pâte sablée, croustillante et beurrée, met en valeur la saveur juteuse de la framboise. Pour porter ses arômes fruités, choisissez un vin qui contrebalance légèrement le gras de la recette par une touche acidulée. Sortez des sentiers battus et osez un vin confidentiel : un cerdon du Bugey, rosé effervescent de l’Ain, né de l’assemblage des cépages gamay et poulsard et vinifié en demi-sec selon la méthode ancestrale. À la fois doux, grâce à la présence de sucre résiduel naturel et acidulé, comme un écho à la framboise, il révèlera toutes les nuances de ce dessert. Un accord forcément couronné de succès ! Essayer Bugey Cerdon, Bernard & Marjorie Rondeau.
Avec un foie gras poêlé aux framboises,
le plus judicieux, c’est de déglacer avec deux cuillerées de Maury VDN – Vin Doux Naturel– après avoir bien sûr ôté l’excédent du gras du foie. Ajoutez à la fin quelques framboises juste poêlées, c’est une pure gourmandise… Pour se mesurer à cette recette haute en goût, il faut un vin de corps aux arômes puissants, à l’instar d’un maury (encore lui) ou d’un banyuls de type rancio et un peu âgé, deux appellations vedettes du Roussillon. Les notes de fruits secs et de fruits confits, de pruneau, de figue et de cacao viendront en contrepoint de la recette, enveloppant à la perfection sa richesse et répondant aux notes plus acidulées de la framboise. Essayer Maury, Mas Amiel, 1969 V É R O N I Q U E R A I S I N /
Photo Caspar Miskin
Boire bon, manger bien
Choisies par le comité de sélection de Ventealapropriete, voici trois adresses précieuses à conserver. Paris—
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Photos : MIikael Vojinovic, Nicolas Buisson ; DR
Table
Gironde—
Le Prince noir
Le choix d’Alaric de Portal. Bruno Verjus est un génie, ni plus ni moins ! S’attabler chez ce trublion laisse un souvenir indélébile et même les gastronomes les plus aguerris en sortent estomaqués. Les assiettes insolentes, aux saveurs pures ponctuées de produits de saison, affolent les papilles, flanquées de flacons hautement recommandables, à l’instar du meursault Clos des Bouchères du Domaine Roulot. Une carte volontairement resserrée, où le saumon sauvage de l’Adour croise des ormeaux du Trégor aux fèves de cacao ; une cuisine vivante, à l’instinct. « Grande claque » et grande addition, mais le voyage gustatif le vaut bien. Essayer IGP des Alpilles domaine Hauvette, cuvée Dolia rouge, 2013 ; Maison Valette Pouilly-Fuissé blanc, 2014 ; Côtesdu-Rhône rouge, Château des Tours, 2014. Infos pratiques 3, rue de Prague, 75012 Paris, book@table.paris ; table.fr. Menus du soir, 180 € et 240 €. Carte de 60 € à 150 €.
Le choix d’Olivier Poussier. Vivien Durand a dressé sa table, étoilée Michelin, dans un château médiéval en bordure du pont d’Aquitaine (ci-dessus). Il y trousse une cuisine imaginative, faite d’inspirations tous azimuts, avec une maîtrise des cuissons au barbecue et des associations de saveurs originales. Centrée sur les produits locaux, la carte va à l’essentiel. Poisson des côtes, langoustines de casier, joue de bœuf braisée aux anchois… le terroir aquitain parle ici haut et fort. Pour l’escorter, des vins de la côte atlantique sont proposés en priorité, mais pas que. Cahors de Mathieu Cosse, saumur-champigny d’Antoine Sanzay, Clos Joliette sont quelques-uns des 250 flacons proposés à prix tempérés. Essayer Jurançon sec du domaine Charles Hours, cuvée Marie, 2015 ; Pessac-Léognan du Château Haut-Bergey, cuvée Paul. Infos pratiques 1, rue du Prince noir, 33310 Lormont ; leprincenoir-restaurant.fr. Menus, 95 € et 125 €, carte à partir de 46 €.
Rhône—
L’Écume gourmande Le choix de Christian Martray. On y vient autant pour se régaler d’une pomme de ris de veau ou d’une canette des Dombes que pour la pléthorique carte des vins. En plein cœur du vignoble du Beaujolais, la cuisine de Ghislain Varillon est une oasis ! Le jeune chef, installé en 2016, aime les bons vins et les plats hauts en saveurs. Il a investi patiemment auprès des meilleurs domaines du Beaujolais et de Bourgogne pour proposer des bouteilles abordables ; 250 références qui concentrent les pontes du vignoble français à des prix tout à fait intéressants ! Une table incontournable qui mériterait une étoile au guide rouge… Essayer Brouilly Les Deux Amis Château de La Chaize, 2019 ; Saint-Joseph rouge de Graeme et Julie Bott, 2018. Infos pratiques 35, Grande Rue, 69220 Cercié, ecume-gourmande.fr. Menus, 20 € (en semaine au déjeuner), 32 €, 43 € et 55 €. 01. Le chef Bruno Verjus
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Plein soleil sur le gril—Synonyme de cuisine conviviale et de plein air, la cuisson sur braise fait son grand retour avec les beaux jours. Voici quatre recettes qui s’illuminent à l’ombre d’une sélection de bouteilles idéales.
Calamars grillés et aïoli d’ail noir
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Pour 4 personnes Prép. / 10 min—Cuisson / 5 min 1 kg de petits calamars (vidés) 1 piment vert doux + 1 gousse d’ail Le jus d’1/2 citron jaune 4 branches d’origan Huile d’olive, fleur de sel, poivre Pour l’aïoli : 1 jaune d’œuf 2 gousses d’ail noir épluchées 1 c. à café de moutarde 10 cl d’huile de tournesol 1/2 c. à café de miel
[ 1 ] Écrasez l’ail noir dans un bol, ajoutez le jaune d’œuf, la moutarde, un peu d’huile et fouet-
tez. Versez le reste d’huile en mince filet tout en fouettant pour émulsionner. Une fois l’huile incorporée, ajoutez le miel, salez, poivrez, mélangez et réservez au frais. [ 2 ] Rincez et séchez les calamars, conservez leurs tentacules et découpez leur corps en deux dans la longueur, puis en lanières épaisses. [ 3 ] Ciselez le piment vert. Épluchez la gousse d’ail, écrasez-la. Versez un peu d’huile sur la plancha bien chaude, faites dorer l’ail et retirez-le. [ 4 ] Faites saisir les calamars avec le piment vert environ 2 min sur chaque face, puis pressez légèrement les lanières à l’aide d’une spatule pour les marquer. [ 5 ] Arrosez de jus de citron (ôtez le piment vert pour une recette moins épicée) et servez aussitôt, parsemé d’origan effeuillé, avec l’aïoli.
+ Domaine de la Rectorie Collioure, L’Argile blanc, 2018. Une œuvre d'art méditerranéenne pour amateurs de blancs cristallins, liant gourmandise et vibration des terroirs de schistes. Une résonance parfaite avec l’ail noir et les accents fumés du calamar ; le mariage de la pierre et de la mer !
Photos Caspar Miskin ; Stylisme Audrey Cosson
Section—Rubrique
Plancha de magret de canard et prunes au balsamique
Pour 4 personnes Préparation / 15 min Repos / 2 h—Cuisson / 20 min 2 magrets de canard 4 c. à soupe de miel 4 c. à soupe de vinaigre balsamique 1 branche de thym + quelques brins pour servir 400 g de prunes (4-5 environ) Fleur de sel Poivre du moulin
[ 1 ] Deux heures avant, ôtez l’excédent de gras des magrets, entaillez leur peau et mettez-les
dans un plat. [ 2 ] Dans un bol, mélangez miel, vinaigre et thym, salez, poivrez et versez sur les magrets. [ 3 ] Filmez et placez 2 h au réfrigérateur en retournant régulièrement. [ 4 ] Coupez en deux les prunes lavées, ôtez leur noyau. [ 5 ] Salez et poivrez les magrets. Placez-les, côté peau, sur la plancha bien chaude et faites dorer 6 min. Ajoutez les prunes badigeonnées de marinade et faites dorer 5 min sur l’intérieur et 2 min côté peau. Retournez les magrets et laissez-les cuire 5 min pour une viande rosée à cœur. [ 6 ] Faites-les reposer 5 min dans de l’aluminium. Versez la marinade dans une casserole et faites-la réduire à feu moyen. [ 7 ] Découpez les magrets en tranches, servez avec les prunes et le jus de cuisson, parsemez de fleur de sel et de brins de thym.
+ Château de Villeneuve Saumur-Champigny, Clos de la Bienboire rouge, 2020. Un cabernet franc suave et juteux, vinifié sans soufre, de grande plénitude de fruit et à l’accent graphite. La fusion totale avec la chair tendre du canard. —47
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Dorade et citrons brûlés au barbecue
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Pour 4 personnes Prép. / 15 min—Cuisson / 25 min 2 dorades royales d’1 kg chacune (vidées, grattées) 2 citrons bio non traités Huile d’olive, fleur de sel, poivre du moulin Pour le condiment : 1/2 citron confit – 2 tiges entières d’ail des ours (2 feuilles + tiges) – Une quinzaine de feuilles de sauge – 10 cl d’huile d’olive 1 c. à café de vinaigre de cidre
[1] Faites chauffer le barbecue. Découpez le citron confit en dés. Ciselez finement la moitié de la sauge et l’ail des ours. Mélangez dans un bol avec l’huile d’olive et le vinaigre. [2] Garnissez l’intérieur des dorades avec l’autre moitié des feuilles de sauge, salez et huilez. Placez-les dans une double grille, déposez-les sur celle du barbecue et faites griller environ 10 min sur chaque face. [3] Faites dorer sur la grille les citrons en tranches d’1/2 cm d’épaisseur. [4] Servez les dorades accompagnées de tranches de citron brûlé et du condiment.
+ Clos Canarelli Corse, Vin de France, Tarra di Sognu blanc, 2019. Du calcaire, un petit paradis en bordure de Bonifacio, des cépages autochtones : ce blanc identitaire, crayeux et précis, sublime la dorade de ses notes d’agrumes pures. Unique !
Photos Caspar Miskin ; Stylisme Audrey Cosson
Section—Rubrique
Maïs grillé et beurre au piment d’Espelette
Pour 4 personnes Prép. / 5 min—Cuisson / 20 min 50 g de beurre à la fleur de sel 1 gousse d’ail 1/2 échalote 1 c. à café de piment d’Espelette Le zeste d’1/2 citron bio non traité 4 épis de maïs entiers + feuilles Poivre du moulin
[ 1 ] Épluchez la gousse d’ail, hachez-la finement. Épluchez et ciselez très finement l’échalote.
Placez-les dans un bol avec le beurre à température ambiante, le piment d’Espelette et le zeste de citron, mélangez. [ 2 ] Relevez les feuilles des épis de maïs et, à l’aide d’un pinceau, badigeonnez toute leur surface de beurre aromatisé. [ 3 ] Déposez les épis sur une plancha bien chaude et faites-les cuire sur toutes leurs faces, pendant environ 20 min au total. [ 4 ] Débarrassez et servez sans attendre avec un peu de poivre.
+ Château des Tourettes Vin de France, Tinus rosé, 2019. En plein Luberon, le génie de Jean-Marie Guffens continue d’opérer. Son rosé intense et cuivré prend le contre-pied des modes et affiche d’affriolantes notes de fruits rouges et acidulés. Un accord baroque ultragourmand qui révèle l’épice et le croquant du plat. —49
Dégustation—Dernière gorgée
Toast ou tard
Dans chaque numéro, nous explorons un geste caractéristique du monde du vin. À l’heure où s’ouvre la saison des mariages, l’art de lever son verre est à l’honneur. DANS L’ÉPISODE « Le signe des trois » de la hautement recommandable série britannique Sherlock, le Dr John Watson se marie. Lorsque son témoin, Sherlock Holmes, se lève pour porter un toast, ça commence mal : « Je suis plein de dédain pour les vertueux, je suis incapable de reconnaître la beauté et dénué de toute compréhension face au vrai bonheur. » Fendant l’armure, il finit par arracher des larmes aux invités. C’est toute la magie du toast, même si l’on a connu noces plus embarrassantes après quelques verres, quand les invités se croient drôles en racontant les frasques anciennes du tout nouvel époux ou les erreurs de jeunesse de la mariée kleptomane. Déclamer son éloge sans assommer
Le toast ne doit pourtant, en principe, jamais déraper, la chose étant régie par le code des bonnes manières et la première – qui rend l’exercice risqué – consiste à patienter jusqu’à la fin du repas, surtout dans les dîners officiels. On remercie les personnes présentes, on nomme celui ou celle à qui l’on s’adresse, on invite ses commensaux à se lever tandis que le récipiendaire gêné se recroqueville sur sa chaise. On déclame son éloge respectueusement et sans assommer les convives. Il est de bon aloi de porter un 50—
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toast, quel qu’en soit le propos – une idée, une entité, voire un simple détail. Un peu de poésie n’est pas superfétatoire, comme dans ce passage des Illusions Perdues d’Honoré de Balzac : « Le jour surprit les combattants, ou plutôt Blondet, buveur intrépide, le seul qui pût parler et qui proposait aux dormeurs un toast à l’Aurore aux doigts de rose. » Les Huns et les autres
En Chine, on conclut le toast en buvant bruyamment cul sec, ce n’est pas une obligation sous nos latitudes. Pas plus que de jeter son verre par-dessus son épaule, à l’instar des généraux des tsars russes après une campagne victorieuse. En tout cas, on ne trinque pas (voir notre billet précédent), c’est vulgaire. On boit, on se rassoit et on passe à son voisin, impatient de rivaliser d’éloquence. Eh oui, le toast, c’est aussi un concours de celui qui aura la plus grosse… acclamation. Mais pourquoi diable fait-on ça ? De toute éternité, on boit à la santé de quelqu’un ou de quelque chose. Accueillant des ambassadeurs romains, Attila lui-même sacrifia non pas ses hôtes, mais au rituel : « Le monarque barbare reçut de son échanson une coupe pleine de vin, et but obligeamment à la santé du plus distingué des convives, qui se leva de son siège, et porta de la même manière au prince l’hom-
mage de ses vœux respectueux » (Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, Edward Gibbon). Diphtongue et femmes-biscottes
Mais, c’est dans la France du XIe siècle que l’on a commencé à plonger au fond d’une coupe la « tostée » (du latin tostus, brûlé), tranche de pain grillée souvent épicée pour masquer le mauvais goût du breuvage. Elle circulait de main en main jusqu’au bénéficiaire de la dernière gorgée et de la mie imbibée. Au XVIIIe siècle, les Anglais ont diphtongué le mot et transformé ce rite en un hommage aux plus belles femmes de leur entourage, elles-mêmes appelées « toasts ». L’histoire ne dit pas si ces ladies appréciaient d’être comparées à une sorte de biscotte. Porter un toast a traversé les âges, cet acte bienveillant et généreux étant beaucoup plus décontracté aujourd’hui. Le champagne, vin de fête par excellence, a remplacé la piquette aromatisée. Des bulles encapsulées que l’on peut sabrer, pour ouvrir la bouteille, mais point sabler, qui implique d’en ingurgiter plus que de raison. Portons donc un toast à la modération, une amie qui nous veut du bien. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent… pour un toast. STÉ P HA N E M É JA N ÈS / Illustration Martina Paukova
La quête du whisky idéal Pour créer Bellevoye, le whisky de France, nous assemblons dans nos chais charentais les trois meilleurs whiskies single malt du pays. Bellevoye est donc un triple malt rond, généreux, élégant et complexe. Une synthèse française.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.