Racines #05

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2 Automne/ Hiver 2022-23 Le magazine réservé aux membres de Ventealapropriete.com Accords festifs Homard, champignons, truffe, bûche... — Egly-OurietL’excellence champenoise — Un verre avec... Alexandre Gauthier
www.barton-family-wines.com
Saint-Julien par la terre, Barton par le coeur

Petites gorgées

4 Ventealapropriete. Une irrésistible ascension 6 Data. 1 bouteille, 10 infos clés 8 Cadeaux et services. Ventealapropriete & vous 10 VIP+. Grégory Alldritt 12 Anatomie d’une bouteille. Château Suduiraut, Sauternes 13 Œnophilie. Culture, actus et vin

Grands formats

14 Mythe. Champagne Egly-Ouriet 20 Défricheur. Hervé Bizeul en Côtes Catalanes 26 Épiphanie. Un vin, l’émotion de toute une vie 28 Chinon. Philippe Alliet, géant modeste 34 Joyau bourguignon. Domaine Jacques Prieur

Dégustation

38 Un verre avec… Alexandre Gauthier 42 Sélection. Nos bouteilles coups de cœur 44 Mets-vins. Les champignons 50 Douceurs. Vins et desserts 51 Ailleurs. Whiskey irlandais 52 Escapade. Pays beaunois 56 Accords. Le homard en trois versions 57 Carte sur table. Sélection de restaurants 58 Dernière gorgée. Plaisir d’offrir

Le grand photographe Olivier Metzger a participé, avec son regard si singulier et ses lumières sensibles, à l’ensemble des numéros de Racines. Disparu dans un accident de voiture au moment du bouclage de ce numéro, nous souhaitons ici lui rendre hommage. Ses photographies illustrent le « Grand format » des pages 20 à 25.

édito

LA FRANCE EST CHAMPIONNE DU MONDE ! Si nous espérons pouvoir le crier en décembre pour nos footballeurs et en 2023 pour nos rugbymen, réjouissons-nous, parce que c’est déjà le cas pour la filière vin.

La civilisation hexagonale du vin demeure l’un des rares emblèmes plébiscités dans le monde entier et 2021 est une année record qui nous place plus que jamais « sur le toit du monde ». La rubrique « Datavino », en début de magazine, permettra d’ouvrir un peu plus notre regard sur le sujet.

Ce succès se forge aux quatre coins de la France, chaque cru le célèbre à sa façon et c’est bien là notre force. Les pages de ce nouvel opus nous amèneront à partager l’excellence champenoise du maître Egly, la virtuosité bourguignonne du Domaine Jacques Prieur, la perfection stylistique du cabernet de Loire de Philippe Alliet ou encore la puissance d’expression des vins du Roussillon d’Hervé Bizeul.

Le plaisir de la dégustation ne se limite pas aux seules icônes, bien heureusement, et nous prenons autant de bonheur à vous présenter chaque jour de nouveaux talents, pourvu qu’ils proposent des jus vertueux, intègres et représentatifs de leur lieu de naissance. Mais dans le vin comme dans l’art, la compréhension des courants se transmet plus facilement par l’étude des grands maîtres.

L’éveil de la dégustation et l’école des sens, voilà une ambition sous-jacente de nos actions quotidiennes. Nous sommes les messagers d’une culture du goût et des plaisirs. Le soin scrupuleux que nous mettons à sélectionner puis décrire chaque vin relève d’un attachement au produit dont le corollaire unique est le partage.

Nous entrons, en 2023, dans une 15e année d’un dialogue qui ne s’éteint pas et tant qu’il est mené avec foi, nous savons qu’il ne s’éteindra jamais. Nous vous souhaitons une bonne lecture et une large soif.

Alaric de Portal

Directeur de Ventealapropriete

Le magazine Racines est réservé aux membres de Ventealapropriete.com, 200, boulevard de la Résistance, 71000 Mâcon. Directeur de la publication : Alaric de Portal. Conception et réalisation : Les Digitalistes, 9, rue Emilio-Castelar, 75012 Paris, lesdigitalistes.com. Coordination éditoriale : Julien Despinasse. Conseillère de la rédaction : Véronique Raisin. Direction artistique : James Eric Jones. Rédaction : Séverine Augé, Léo Bourdin, Boris Coridian, Anne-Charlotte De Langhe, Joël Lacroix, Stéphane Méjanès, Matthieu Perotin, Véronique Raisin, Olivier Reneau. Photos : Romain Bassenne, Pierre Lucet-Penato, Olivier Metzger, Nathalie Mohadjer, Stéphane Remael, Quentin Salinier. Illustrations : Sébastien Plassard. Secrétariat de rédaction : Muriel Foenkinos. Photo de couverture : Pierre Lucet-Penato. Impression : Imprimerie Léonce Deprez. Nous écrire : mag@ventealapropriete.com. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

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Photo : Olivier Metzger

(R)évolution

Ventealapropriete : une irrésistible ascension

Leader de la vente de vin premium sur internet en France, Ventealapropriete s’internationalise. À la clé, pour nos membres, encore plus de services, de sélections pointues et de sur-mesure.

Naissance de l’entreprise. Le concept repose sur deux ventes privées par semaine et quatre o res mensuelles.

La sélection s’élargit aux vins étrangers, les « co-brandings » exclusifs apparaissent, l’appli est créée et la fréquence des ventes privées est alors d’une par jour. fréquence

4 — Racines
2008 2013

LES PLUS OBSERVATEURS d’entre vous auront sans doute remarqué les versions anglaise (depuis mars) et italienne (depuis septembre) de notre site. Une internationalisation qui va dans le sens de l’histoire et répond à nos ambitions : proposer la plus belle sélection de vins aux amateurs du monde entier, aux meilleures conditions du marché. Pour cela, il nous fallait franchir un cap et trouver les bons relais ; par chance, dans le même temps, d’autres projets germaient de l’autre côté des Alpes, doublés d’une quête du meilleur partenaire avec qui s’associer.

L’entrée au capital de la société milanaise Tannico, spécialiste du commerce en ligne et également leader de la vente de vin en Italie, va ainsi nous permettre de rêver plus loin encore. Nos sélections vont s’étoffer, renforcées par une nouvelle force d’acheteurs transalpins passionnés, le site internet va s’agrémenter de nouvelles fonctionnalités avec pour vous, davantage de services, de facilité et de choix. La douce musique des offres quotidiennes sera enrichie de nouvelles vibrations.

En effet, l’expérience client, la fidélisation, la production de contenus sont au cœur de nos préoccupations. Et c’est dans une douce révolution que vous verrez appa-

raître des avantages supplémentaires, des récompenses pour les plus fidèles, et bien sûr, un choix élargi, notamment en ce qui concerne les vins italiens.

Que de chemin parcouru depuis 2008 et les balbutiements de notre plateforme ! Les ventes se sont bien étoffées, jusqu’à cinq propositions quotidiennes, des cuvées sur mesure ont vu le jour, un magazine est né, la conciergerie privée est apparue, ainsi que les clubs VIP et VIP+, l’offre de spiritueux a été décuplée… Aujourd’hui, nous sommes devenus l’un des partenaires incontournables du vignoble, notamment le premier vendeur de Château Yquem, Léoville Las-Cases ou encore Branaire-Ducru et chaque année, 300 000 bouteilles de champagne passent entre nos mains. Sans compter les domaines dénichés avant tout le monde – presse et critique inclus – avant qu’ils n’entrent dans la légende et deviennent inaccessibles, et nos cuvées exclusives avec de très grands vignerons, qui rencontrent un succès toujours grandissant.

Ventealapropriete grandit sans trahir ses valeurs et en restant fidèle à ses fondamentaux : l’amour du bon vin guide toujours chacune de nos sélections, le plaisir demeure au centre de chaque sélection, le prix juste est un point d’équilibre inaltérable. Pour

toutes ces raisons, et la passion qui nous pousse à arpenter le vignoble au fil des saisons, nous sommes heureux de poursuivre cette aventure avec vous et de la voir grandir. Nos services pour apporter des réponses sur mesure dans le cadre d’événements tels que des mariages, baptêmes, ou cadeaux d’entreprises, la naissance d’un Club Prestige… Voilà quelques-unes des nouveautés qui remportent un vif succès nous confortant dans nos efforts.

Ce nouveau chapitre qui est en train de s’écrire, avec vous, nous l’espérons, vous comblera toujours plus.

Alaric de Portal, Directeur de Ventealapropriete

« Nous avons toujours grandi par passion et développé, au l des ans, l’ensemble de nos services avec la volonté profonde de satisfaire nos clients. Aujourd’hui, l’expertise web et l’amour pour le vin partagé avec Tannico agrémentent l’univers de Ventealapropriete d’un renfort de taille qui nous permet de regarder beaucoup plus loin ! »

Marco Magnocavallo, P.-D.G. de Tannico

« Nos deux sociétés sont complémentaires, chacune leader dans son pays. Ventealapropriete est un acteur majeur de la vente événementielle, forte de ses sélections pointues ; Tannico est une plateforme complète, dont l’expertise technique et logistique, notamment la capacité de livrer du vin en circuit court, est un atout majeur à l’heure actuelle. Ensemble, nous irons plus loin ! »

2021-22

Naissance du magazine, du Club VIP et de l’appli Primeurs, qui coïncide avec le lancement réussi de l’o re Primeurs. Le site propose désormais deux ventes par jour.

L’o re spiritueux apparaît, le magazine devient Racines, une section est dédiée aux cadeaux, l’o re passe à cinq ventes par jour.

Ventealapropriete,

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1. Olivier Poussier, membre du comité de sélection de Ventealapropriete.
2020
Tannico s’associe à Ventealapropriete, début de l’internationalisation, de la conciergerie privée et de la boutique des services. L’aventure continue ! aux 2015
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Photos : Quentin Salinier ; James Eric Jones

Une bouteille de vin, 10 infos clés

Derrière ces 75 cl de vin français présents sur votre table se cachent de précieuses informations sur la place du secteur viticole.

4,6 Mds

de bouteilles, c’est le nombre qu’il faudrait, aux côtés de celle qui trône sous vos yeux, pour avoir l’équivalent de la production totale de vin en France en 2021, soit près de 77 millions de caisses de 6 bouteilles.

Qui l’a vini ée?

Matière première

Il faut en moyenne 1 kg de raisin pour produire une bouteille de vin. Le coe cient est en général situé entre 0,70 et 0,75.

Qualité labellisée

Dans la grande majorité des cas, ses étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu et garanties par une Appellation d’origine protégée ( 54 % des bouteilles produites en France), une Indication géographique protégée ( 37 % ). Moins de 10 % des bouteilles sont simplement étiquetées « Vin de France ».

57 % des bouteilles sortent d’une cave particulière – un vigneron donc – ou d’un domaine ; 37 % d’une cave coopérative et 6 % d’un négociant vini cateur. Dans ce dernier cas, il faut préciser que certains négociants ne font qu’acheter, assembler et/ou conditionner des vins pour les revendre, sans les avoir vini és.

3e producteur mondial

ITALIE

44,5 millions d’hectolitres, soit env. 6 milliards de bouteilles.

Le montant annuel moyen que chaque Français dépense pour l’achat de bouteilles de vin. En France, le prix moyen d’une bouteille de vin est de 7 euros.

Rouge, rosé ou blanc ?

Dans l’ordre, il y a près d’une chance sur deux pour que le acon choisi soit une bouteille de vin rouge, une sur trois que ce soit une bouteille de vin rosé et une sur cinq que ce soit une bouteille de vin blanc.

ESPAGNE 35 millions d’hectolitres, soit env. 4,8 milliards de bouteilles.

FRANCE 34 millions d’hectolitres, soit env. 4,6 milliards de bouteilles.

Petites gorgées
€360
AOP IGP VDF
6 — Racines
Sources (chiffres 2021) : Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), Fédération des Exportateurs de Vins & Spiritueux (FEVS), FranceAgriMer, Comité National des Interprofessions des Vins (CNIV) et INAO

+20 %

Un véritable boom ! Pour les achats de vin enregistrés sur internet en France entre 2019 et 2021, les dépenses sont passées de 500 à 600 millions d’euros, selon le cabinet d’analyse économique Xer . Le baromètre SoWine mesure la même tendance avec une part d’e-consommateurs de vin passée de 31 % en 2019 à 41 % en 2021.

Noble vignoble

La super cie de vignes d’où votre bouteille est issue fait partie des 3 % des surfaces agricoles utiles en France, qui représentent à elles seules 20 % de la production agricole française en valeur. La viticulture, c’est 14 milliards d’euros sur les 72 milliards d’euros de la production agricole française.

Fierté française, la lière viticole a che d’excellents résultats. Le vin est un humanisme, mais aussi un poumon économique fondamental pour notre pays. Non seulement un formidable générateur d’emplois, mais aussi une machine à revenus. Avec 14,2 milliards d’euros réalisés à l’export (vins et spiritueux), la France est en pole position mondiale. Ce e lière est la deuxième contributrice à la balance commerciale française, derrière l’aéronautique et devant la cosmétique… Ça valait bien une double page data ! Alaric de Portal, directeur de Ventealapropriete

Et l’emploi ?

En France, 68 500 exploitations sont spécialisées dans la production de vin et chacune emploie en moyenne presque deux personnes à temps plein*.

Ce sont près de 140 000 emplois directs et 500 000 en ajoutant les emplois indirects.

Ici et là-bas

Six bouteilles sur 10 produites en France sont aussi consommées dans l’Hexagone. Restées sur le marché domestique, elles n’ont donc pas participé aux 10,6 milliards d’euros que rapportent chaque année à la France les exportations de vin.

Circuits d’achat

exactement, travail saisonnier inclus, soit 0,4 personne de plus que l’ensemble des exploitations agricoles Grande distribution Restaurants et Bars

Si elle a été achetée sur Ventealapropriete, alors votre bouteille fait partie des 10 % qui sont vendues en France par un caviste ou en ligne… très loin derrière les supermarchés et les bars.

Cavistes Aux domaines

Data
Infographies James Eric Jones
* 1,9
50 % 30 % 10 % <5 % Autres

Bonnes fêtes à

CONFIANCE ET EXPERTISE, réactivité et flexibilité sont au cœur de la relation que nous entretenons avec nos membres. Ventealapropriete poursuit son ascension et s’établit plus que jamais comme leader de la vente de vin premium en France. C’est aussi à travers nos offres et nos services adaptés aux fêtes de fin d’année que nous souhaitons faire la différence.

Viser juste

Pour nous, le choix de bons flacons sera toujours le bon point de départ pour doubler le plaisir : celui de les offrir et, pour ceux qui reçoivent ces bouteilles, celui de les déguster. Notre boutique cadeaux, en accès direct sur la page des ventes, comprend désor mais une variété de propositions, déclinée en quatre offres : les coffrets vins, en bois, de Ventealapropriete ; les coffrets champagne ; les coffrets spiritueux ; les accessoires, dont la verrerie, avec la gamme complète de verres Royal Glass, utilisés et approuvés par le comité de sélection pour ses dégustations.

De 20 € à 800 €, il y en a pour tous les budgets et pour tous les goûts !

8 — Racines
!
que la fin de l’année est synonyme d’instants privilégiés, Ventealapropriete vous propose un cocktail d’offres et de services sur mesure pour faire rimer «plaisir » et « sérénité ». Ventealapropriete et vous
tous
Parce

Dans notre boutique « Vieux millésimes & vins rares » où chaque bouteille est expertisée par notre équipe avec le plus grand soin, vous pourriez aussi trouver une étiquette affichant l’année de naissance d’un proche ou une date marquante d’anniversaire… Effet garanti.

Vos repas de fêtes

À partir des achats que vous avez effectués sur Ventealapropriete. com, vous pouvez vous laisser guider, pour établir le menu des festi vités, par les nombreuses suggestions d’accords que nos sommeliers proposent pour chaque référence. Vous pouvez les retrouver dans « Mon compte », dans les fiches techniques, onglet « Les conseils du sommelier ». Vous y lirez également les recommandations pour la température de service optimale de vos bouteilles.

Les repas festifs rassemblent toute la famille, tous les amis : pour les grandes tablées, pourquoi ne pas privilégier des formats à la hauteur de cette convivialité avec une sélection de magnums de vins rouges, blancs et de champagne dans la boutique « Magnums et grands contenants » ?

Et si vous avez des références précises à l’esprit, une cuvée « de rêve » à vos yeux que vous aimeriez ouvrir à l’occasion d’un

de ces beaux repas, ou si vous souhaitez bénéficier de conseils pour établir une sélection en accompagnement de tout votre menu de fêtes, n’hésitez pas à solliciter notre équipe d’experts à partir du site, dans le menu principal en page d’accueil, onglet « Services ».

La livraison garantie dans les temps

Notre équipe logistique peut vous garantir une livraison (sans rendez-vous ou en point de retrait) d’ici Noël pour toute commande passée jusqu’au mercredi 21 décembre à midi et pour le Nouvel An, jusqu’au mercredi 28 décembre minuit*.

Et si vos projets de célébration vous mènent à l’étranger ou sur des pistes de ski, que vous craquez pour une nouvelle offre et que vous n’êtes pas là pour la réceptionner, optez pour la commande stockée. Nous dorloterons vos bouteilles jusqu’à votre retour.

* Pour toute livraison en France continentale

Racines 9

Le vin est-il, chez vous, un sport familial ? C’est davantage une culture, liée à mon amour pour la gastronomie, le Gers – dont je suis originaire – et tout ce qui va avec. À Condom, mon grand-père maternel élevait des vaches, cultivait des céréales… mais il a toujours eu quelques pieds de vigne sur la ferme. Les dernières vendanges ont eu lieu juste avant ma naissance ; les bouteilles que l’on trouve encore aujourd’hui dans la cave sont surprenantes ! Enfant, j’avais juste le droit de tremper mes lèvres dans le verre de mes parents ou de verser un peu de vin dans mon eau. Mais il a toujours fait partie de mon environnement.

Face à cette passion, comment transformez-vous l’essai ?

Je n’imagine pas passer un moment convi vial, entre amis ou en famille, sans quelques bruits de bouchons. Je prends aussi beau coup de plaisir à discuter avec l’un des cousins de ma mère qui fait son propre vin, près de Buzet, dans le Lot-et-Garonne. Il n’hésite pas à partager avec moi le fruit de ses expérimentations. La dernière en date : faire « écouter » de la musique à l’une de ses parcelles afin de limiter l’apparition de certains champignons…

Ce qui me plaît dans le vin, c’est de savoir que l’on peut en boire en toutes occasions et en toutes saisons. Un rouge un peu costaud l’hiver, un blanc ou un rosé frais en été. Avec ma bande d’amis de La Rochelle, on a longtemps dégusté des bordeaux, mais ce n’est pas forcément ce que je préfère. Je les trouve parfois trop tanniques, trop marqués par les sulfites. En se mettant à chercher des vins un peu plus minéraux, on a découvert des bouteilles sympas, derrière lesquelles il y avait une histoire.

BIO EXPRESS

1997 2017 2019 2021 2022

»

Je ne garde jamais les bouteilles très longtemps

Naissance le 23 mars, à Toulouse.

Après une carrière en juniors à Auch et Condom, il signe avec le Stade rochelais.

Arrivée en équipe de France, qu’il remet sur le chemin de la victoire. Élu capitaine du Stade rochelais ; sacré Oscar d’argent par Midi Olympique (il le sera à nouveau en 2022).

Grand chelem : vainqueur de la coupe d’Europe avec La Rochelle et vainqueur des Six Nations avec l’équipe de France.

Certains vins vous ont-ils ému plus que d’autres ? Le rouge du Domaine Vaccelli, au sud de la Corse, qui peut presque se boire un peu frais. Et puis, dans le Val de Loire, le Domaine de Bellevue « Statera », de Jérôme Bretaudeau. Pour dénicher ces pépites, je cherche, je me renseigne, mais surtout, je m’en remets aux experts. En la matière, le chef rochelais Christopher Coutanceau joue à merveille son rôle d’éclaireur. Je n’ai ni le palais ni l’expérience pour « étudier » un vin, mais je sais identifier ce qui me plaît ou pas.

Ventealapropriete vous a-t-il ouvert de nouveaux horizons œnologiques ? C’est grâce à eux que j’ai pu goûter des vins étrangers. On trouve sur le site une magni

fique gamme de vins italiens, espagnols ou portugais. Mon coup de cœur va au Clos Ca narelli, un excellent blanc de Corse dont je refais un stock régulièrement ! Dans ma pe tite cave, on trouve de tout. J’ai simplement du mal à garder longtemps les bouteilles…

Quelle bouteille pourrait être synonyme de plaquage ? Un Château Angelus. Il y a trois ans, mes frères et moi avons eu la chance d’y emmener notre mère pour son anniversaire grâce à la complicité du chef de culture, qui est un ami d’enfance. Plus qu’une visite, ce fut une aventure : j’ai été impressionné par le sens du détail et le fait que rien, dans ce produit d’exception, n’est laissé au hasard.

Avez-vous déjà goûté un vin de votre millésime ? Une bouteille de 1997, non. Mais un armagnac, oui ! C’est un joli clin d’œil.

Peut-on voir des points communs entre un bon assemblage et une bonne mêlée ? Une bonne mêlée, c’est savoir déceler en chaque joueur ce qu’il a de meilleur et la fa çon dont il peut en faire bénéficier le groupe, afin de l’amener jusqu’au succès. Un bon assemblage, c’est la même chose : la juste composition entre plusieurs cépages qui n’ont pas tous les mêmes qualités.

Imaginons qu’un vigneron du Gers vous sollicite pour créer votre propre cuvée. À quoi ressemblerait-elle ?

Tout d’abord, je me dirais que je dois travail ler pour avoir la prétention de faire un vin à mon image ! Quoi qu’il en soit, ce serait un vin accessible à tous, à un prix qui ne serait pas astronomique. Plutôt quelque chose de minéral, de léger, quasiment un vin de soif.

Pourriez-vous envisager une troisième mi-temps sans vin ? Tout dépend du score du match ! Ce qui est sûr, c’est que j’apprécie de manger un bout avec les copains, accom pagné d’un cru pas forcément immense, mais qui nous plaît à tous. Le vin revient souvent dans nos discussions, notamment avec les Néo-Zélandais du groupe, assez bons connaisseurs. En revanche, ouvrir une bouteille pour moi tout seul, ça ne me vien drait pas à l’idée.

Pour faire la paix avec un arbitre, quelle bouteille choisiriez-vous ? J’ai récemment dégusté un jurançon sec, avec un côté à peine moelleux. Parfait pour arrondir les angles !

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VIP+ V ENTEA L A P ROPRIE T E
10 — Racines Petites gorgées Rencontre
Grégory Alldritt, troisième ligne international du Stade rochelais et vainqueur de la coupe d’Europe 2022, n’hésite pas à franchir les frontières de la dégustation. Photo Pierre Baëlen
«

Une bouteille par le menu

Dans notre collection de cuvées exclusives, voici notre erté : un liquoreux né d'une collaboration entre Pierre Montégut, directeur technique du Château Suduiraut et Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde et membre du comité de sélection de Ventealapropriete. Décryptage.

1er Cru Classé

le 18 avril 1855, le domaine est « sacré » Premier Cru lors du classement des vins de Gironde. Ses cuvées o rent un caractère complet associant un vaste développement aromatique et une grande richesse en liqueur. « Avec le temps, ces vins s’apaisent, deviennent de plus en plus suaves, complexes… de véritables vins de méditation », ajoute Olivier Poussier.

L’appellation Sauternes…

… et la magie du botrytis cinerea. Situation et climat o rent ici les conditions idéales pour un développement optimal de la pourriture noble. Elle provoque une réaction de la baie, aboutissant à une multiplication d’arômes qui donne au vin sa grandeur et sa complexité.

Tout un symbole L’engagement est au cœur de ce e cuvée unique, née de la rencontre de savoir-faire et de talents : d’un côté Pierre Montégut, directeur technique depuis 2004, de l’autre, l’un des plus grands experts au monde, Olivier Poussier.

Voisin direct de Château d’Yquem

Le Château Suduiraut se compose de 92 hectares de vignes, d’un seul tenant, sur un sol de graves sablo-argileuses.

Dans le acon L’assemblage (91 % sémillon, 9 % sauvignon blanc) porte des parfums subtils dans un beau volume de bouche. Liant nesse et expression d’arômes, concentration et vigueur avec un boisé noble, il propose l’une des visions les plus dèles de Sauternes. Pierre Montégut indique : « Notre cuvée connaît un premier seuil d’évolution avec en surcroît des notes de mangue, des arômes patinés de safran, d’abricot et agrumes con ts, de miel et d’épices douces. »

Le millésime 2015 « D’une rare gourmandise, puissant et d’une grande nesse. Les vendanges — minutieuses et exclusivement manuelles par partie de grappe – se sont déroulées sur sept semaines, avec cinq tries au total, et une qualité de botrytis exceptionnelle », précise Pierre Montaigut. « Sans doute l’un des plus éblouissants de la décennie », ajoute Olivier Poussier.

Le blason actuel Il représente les armes des familles Suduiraut et Duroy. Le nom Suduiraut est déjà celui du château au XVIe siècle, à l’issue du mariage de Nicole d’Allard avec Léonard de Suduiraut. Pillé lors de la Fronde, le lieu est reconstruit au XVIIe siècle et rebaptisé Cru du Roy à la n du XVIIIe siècle, après sa reprise par un neveu Suduiraut, Jean-Joseph Duroy. La demeure se pare alors d’un cartouche où sont réunies les armes de Suduiraut et Duroy.

« Nos cuvées réalisées avec les vignerons naissent d’une rencontre et d’une passion partagée.

Lorsque ce e rencontre sonne comme une évidence, il y a de grandes chances que la cuvée en soit le re et. C’est le cas ici, avec ce e fantastique équipe et ce fabuleux domaine. Nous sommes très  ers de la proposer à nos membres. »

Alaric de Portal, directeur de Ventealapropriete

12 — Racines Anatomie

Le vin comme vous ne l’avez jamais lu

DE LA LITTÉRATURE aux arts de la table en passant par la culture pop ou la politique, le vin infuse notre vocabulaire, de la parole la plus experte à la plus profane. Quoi de plus naturel, donc, que les éditions Le Robert qui font foi – et loi – dans l’usage de notre langue s’y penchent sérieusement. Ces 240 pages savantes et malicieuses étancheront la soif de savoirs et de saveurs des amateurs curieux et amoureux des mots. Ce livre ne se réclame d’aucune école, si ce n’est « l’amour du beau verbe et du bon verre » « Parlons vin, parlons bien ! », d’Alicia Dorey, Louise Pierga et Marcelle Ratafia, Le Robert, 26,90 €.

Les trois coups

IL ÉTAIT notre invité VIP+ dans le précédent numéro de Racines et bonne nouvelle, son spectacle Di(x)vin(s) est en tournée. Paris marquera son point de départ, le 1er janvier prochain et Lille sa ville d’arrivée, le 27 avril 2023, avec de multiples étapes, notamment à Nantes, Caluire-et-Cuire, Nancy, Toulouse ou Bayonne. L’humoriste-comédienviticulteur remonte le temps et les souvenirs à travers l’évocation de 10 bouteilles qui ont marqué sa vie. De sa naissance, en 1973, à son bac, fêté au Grand Véfour, de New York, où il a été trader, au pays catalan, où il a désormais ses attaches, les personnages hauts en couleur se succèdent avec bonheur et délectation. C’est drôle, émouvant… et enivrant ! À partir de 30 €, dates et billets sur fnacspectacles.com

Sabrons le champagne !

LA REVUE INTERNATIONALE

The World of Fine Wine récompense chaque année, depuis 2014, les acteurs les plus talentueux du monde du vin. Elle a décerné cette année, à Londres, le prix de la « plus belle carte des vins du monde » à un restaurant français, le célèbre Domaine Les Crayères, à Reims. L’an dernier, il avait déjà remporté le prix de la « plus belle carte des champagnes » du monde. En 2022, le domaine champenois fait donc encore mieux. Ce prix, décerné pour la première

fois en 12 ans à un établissement français, vient couronner l’excellence de ce Relais & Châteaux où Philippe Mille, chef du restaurant doublement étoilé Le Parc, dispose d’une cave de près de 63 000 bouteilles avec pas moins de 1 100 références de champagne. Martin Jean, chef sommelier du domaine depuis trois ans, souligne que la récompense félicite aussi et surtout « l’harmonie entre la cuisine du restaurant et la cave ».

Les Crayères, 64, boulevard HenryVasnier, 51100 Reims, lescrayeres.com

Racines 13 Œnophilie
Photos : Anne-Emmanuelle Thion ; Stéphane de Bourgies/Olympia Production
; DR

l’excellence discrète en héritage

Vigneron adulé de Champagne, Francis Egly vit sa renommée en toute humilité. Dans son sillage, ses enfants, Clémence et Charles, assurent la relève avec la même soif d’excellence et d’intransigeance.

Grand format Mythe
Texte Véronique Raisin Photos Romain Bassenne

LA RÉCOLTE est encore toute chaude. Le ciel bas de Champagne a recouvert les terres d’Ambonnay, noyé les coteaux sous une fine couche de brume et, dans le silence retrouvé des caves, les barriques vivront bientôt leur effort tranquillement. Les dés seront jetés et le travail d’une année attendra son accomplissement. L’hiver est le temps du repos, où les vins s’affinent pour, a minima, les quatre prochaines années. De repos, il n’est pas vraiment question pour la famille Egly ; tous s’affairent pour répondre aux nombreuses sollicita tions – demandes des importateurs, distributeurs, clients – et veiller à ce que les volumes contenus satisfassent le plus grand nombre.

Un casse-tête que Clémence, 27 ans, gère depuis quatre ans avec maestria et gentillesse, presque gênée, parfois, de devoir afficher porte close. Car le domaine est ultra-coté, prisé des plus belles tables du monde entier donc forcément, chacune veut présenter du Egly-Ouriet à sa carte. Seulement voilà : la production est contingen tée à 150 000 bouteilles chaque année, vendue un an à l’avance uniquement sur allocation à des partenaires triés sur le volet, dont Ventealapropriete. Autant dire que la liste d’attente est longue pour faire partie du club ! Pire, les petites récoltes des dernières années ont grevé les volumes et avoir ne serait-ce que quelques bouteilles d’Egly-Ouriet est devenu un réel privilège.

Cette pénurie entretenue avec raison pour privilégier la qualité est aussi un atout dans le jeu de cartes des Egly. « Je reçois des lettres de moti vation de distributeurs qui souhaitent devenir allocataires ou de particuliers désireux d’acheter quelques bouteilles, témoigne Clémence. C’est une fierté d’être présents dans de très beaux établissements, nous sommes très sollicités.

Mais cette année, nous avons dû diviser nos allocations par trois pour satis faire tout le monde. Pour autant, pas question d’augmenter nos volumes : nous sommes un domaine familial et nous entendons le rester. »

Liens de sang et de terroir Rester dans un cadre familial et entretenir le lien qui les unit à leurs aïeux ; continuer de tisser ce fil de génération en génération, repro duisant les mêmes gestes, œuvrant avec les mêmes exigences. Pas de secrets ni de technologie poussée ici. Francis Egly et aujourd’hui son fils Charles, 25 ans, qui a pris en charge, en 2016, la partie technique et le vignoble, continuent d’exploiter les terres sacrées léguées par leurs ancêtres avec dévouement et pragmatisme, faisant juste, çà et là, quelques concessions à la modernité quand c’est nécessaire. Francis Egly croit à la fidélité, à la simplicité et au bon sens. Dans son chai, les mêmes barriques de 228 litres, en provenance d’un seul do maine bourguignon, celui de son ami Dominique Laurent. Dans les vignes, des labours, du temps passé et l’utilisation de produits bio quand il le faut, sans pour autant revendiquer la certification. « Je fais comme je le sens ; je reste attentif, mesuré », poursuit-il calmement. Et de livrer une partie de la recette : des vignes en bonne santé, du bon raisin, de bons vins. Une ritournelle rodée que Charles reprend à son compte. Bien sûr, le jeune homme s’intéresse aux nouveaux traite ments naturels, mais il ne récuse pas la chimie quand cela s’avère nécessaire. « Le plus important, c’est de respecter les sols et la vigne, c’est le socle de notre travail. » Ce grand garçon discret, adepte du saut d’obs tacles et cavalier émérite comme son père, est un consciencieux qui

Ci-dessus, à droite : Clémence Egly gère, entre autres, la répartition des stocks – limités – entre les allocataires.

16 — Racines

avance à son rythme. « Il faut rester ouvert, regarder ce qui se fait ailleurs, s’inspirer parfois des autres et voir surtout ce que l’on peut adapter chez nous. » Les décisions sont désormais familiales, les évolutions évo quées à trois. Mais quand il s’agit de trancher, pas de majorité : c’est encore le père qui l’emporte ! Pour autant, le dialogue demeure et quelques points d’évolution ont été récemment mis en place, comme un système de maie réfrigérée à la vendange (une plaque qui refroidit les jus au pressurage1), permettant de rafraîchir les raisins. « Le froid conserve les arômes, on obtient des raisins plus parfumés et qui plus est, on met moins de soufre et il y a ainsi moins de risques d’oxydation. » Autre changement : les caissettes de 15 kilos (au lieu de 50 kilos) mises en place pour la récolte 2022. Pour cela, il a fallu revoir entièrement l’or ganisation du parcours de vendanges, changer les chariots et le ma tériel. « Ce sont des évolutions invisibles pour le consommateur, poursuit Charles, mais c’est une somme de détails nécessaires. On a vu les résultats cette année, les jus sont vraiment superbes. »

Le temps long de la reconnaissance

Quelques fins réglages pour monter encore d’un cran, tenir son rang d’artisan modèle et rester le phare d’Ambonnay… Pourtant, la réus site n’a pas toujours été au rendez-vous et si les champagnes EglyOuriet font aujourd’hui office d’étalons de la qualité suprême, les débuts furent difficiles, marqués par une époque tortueuse. « Du temps de mon grand-père, c’étaient les cultivateurs qui étaient riches, pas les viticulteurs. » Francis Egly se remémore une autre époque, quand à la fin du XIXe siècle, Frédéric, son arrière-grand-père, arrive à

Une croissance pied à pied

Il y a peu, le vignoble comptait 12 hectares dont 10 en grands crus sur Ambonnay, Verzenay et Bouzy. Aujourd’hui, il représente près de 17 hectares. Un élargissement pensé pour accueillir la génération suivante grâce à l’apport, en 2016, des vignes de Trigny de Madame Egly – 3,25 hectares sur le massif de Saint-Thierry qui font la cuvée Prémices. Puis l’opportunité de racheter progressivement deux hec tares à Bisseuil, en Premier Cru, s’est aussi présentée.

Bouzy pour raisons médicales ; le jeune garçon ne peut plus respi rer les poussières de charbon de la Capitale et toute la famille décide d’emménager dans cette campagne un brin austère et pauvre. Devenu garde champêtre à Ambonnay, il cultive quelques arpents de vignes, une piètre subsistance alors. Son fils Charles reste au village et ra chète deux à trois hectares. C’est véritablement avec la génération suivante, incarnée par Michel, que le domaine se structure, dans les années 60. Deux décennies plus tard, la Champagne frémit d’un suc cès naissant. « On a commencé à commercialiser nos vins à cette époque, raconte Francis. J’étais fils unique et je n’ai pas eu d’autre choix que de res ter travailler avec mon père. » On entend un léger regret de ne pas avoir pu continuer ses études. « À 15 ans, ma vie était déjà tracée. Mes parents comptaient sur moi, j’ai toujours travaillé dans les vignes. »

Rien de tout cela pour la génération suivante. Clémence et Charles n’ont jamais vécu leur implication dans le domaine comme une obli gation, bien au contraire. Ce fut un choix pour tous les deux, une

1. Le principe consiste à refroidir le jus pendant son écoulement pour le ramener à une température d’environ 15°.

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évidence même pour Charles, très tôt attiré par le métier et orienté vers des études agricoles. Clémence, elle, a opté pour la commercialisation. « Je voulais voyager, apprendre l’anglais. J’ai fait des stages dans le vin en ce sens. Mais nos parents ne nous ont jamais forcés, poursuit-elle, on a toujours été libres. Ils ne nous en parlaient même pas. Plus jeunes, on devait juste donner un coup de main dans les vignes de temps en temps, comme cela se fait dans les familles vigneronnes. »

Évolutions de velours

Une éducation solide, le sens de l’effort et de l’engagement, les Egly fille et fils ont été à bonne école. Et se satisfont pleinement de leur sort, heureux de perpétuer cet héritage, certains de le mener loin encore. « On ne va pas changer pour changer, reprend Charles, on discute de tous les sujets entre nous, et on voit ce qui est le mieux. » Comme ces élevages en barriques qui font la patte des vins du domaine et qui ont fait leurs preuves. Une signature que Charles a même accentuée cette année, puisque la cuvée Les Vignes de Vrigny sera désormais passée pour moitié en fûts, comme Les Vignes de Bisseuil, récente création de la Maison, l’était déjà.

Commercialisée à la fin de l’année dernière, à partir de la récolte 2016, cette dernière venue dans la gamme a tout de suite rencontré un franc succès, en France, mais aussi aux États-Unis, le premier marché à l’export du domaine. Un Premier Cru qui, contrairement au style habituel, joue des raisins blancs plutôt que des noirs (70 % chardonnay), mais conserve la même rigueur d’élaboration, soit une vinification en fûts et un vieillissement en caves de quatre ans avant dégorgement. Un an plus tôt, la Maison avait déjà initié une cuvée

d’assemblage des trois cépages, non millésimée et non dosée, issue des vignes de Trigny, sur le massif de Saint-Thierry, baptisée Les Prémices. Une première introduction au style Egly, plus fédératrice, gage aussi que les grands vins ne sont pas réservés à une élite.

Ces évolutions ont toujours été la ligne de base de la Maison. Il faut se rappeler qu’en 1989, Francis Egly fut l’initiateur du premier blanc de noirs, un grand cru de vieilles vignes plantées en 1946-1947 au lieu-dit Les Crayères. Une faculté à se projeter et à se renouveler sans pour autant céder aux modes : voilà la force de cet esprit indépendant. Des qualités dont Charles et Clémence semblent avoir hérité. Et comme les vins, « qui prennent de la force en vieillissant », ces deux-là auront à cœur d’ajouter leurs prénoms à l’héritage familial.

DOMAINE EGLY-OURIET

Superficie / 16,75 ha, dont 10 ha de Grands Crus (8 ha de pinot noir et 2 ha de chardonnay), 8 ha à Ambonnay, 1,70 ha à Verzenay, 30 ares à Bouzy ; 2 ha de meunier en Premier Cru sur Vrigny ; 1,5 ha de chardonnay en Premier Cru sur Bisseuil ; et 3,25 ha sur Trigny dans le massif de Saint-Thierry.

Egly-Ouriet Grand Cru Brut Blanc. Complet, crémeux, harmonieux : voilà la signature la plus intransigeante et la plus irréfutable de la maison Egly. Le champagne d’apéritif par excellence, savoureux et profond, d’une densité et d’une fraîcheur totales.

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Ci-dessus : Charles Egly a pris en charge la partie technique du domaine.

au pays

En l’espace d’une vingtaine d’années, Hervé Bizeul, ancien journaliste, sommelier et propriétaire d'un bar à vin, s’est imposé comme une figure incontournable du vignoble du Roussillon et de l’appellation Côtes Ca-
Défricheur

talanes. Début octobre, le comité de dégustation de Ventealapropriete est allé rendre visite à ce passionné sur ses terres enchantées, entre nature sauvage, fronts de roches calcaires et rayons de soleil rasants.

des merveilles

EN CES PREMIERS JOURS d’automne, l’air est doux et le soleil brille encore bien haut sur les côtes catalanes. Venu de l’étang de Salses, du côté de Port-Leucate, un léger vent marin balaie par fines bourrasques les premiers plissements rocheux des pré-Pyrénées. Température extérieure : 23 °C. Nous sommes au pays du Clos des Fées, célèbre domaine viticole du Roussillon – quelque part entre les communes de Vingrau et Tautavel, à environ 20 kilomètres de Perpignan à vol d’oiseau. Il est bientôt 9 heures, Hervé Bizeul claque la lourde porte de sa grande maison de village et, comme chaque matin, prend la direc tion de ses vignes. « Il y a 25 ans, la personne qui m’a vendu ma première vigne m’a confié un dicton que je garde toujours en tête : “Une bonne vigne voit son maître tous les jours”», souffle le vigneron au moment d’em barquer dans son 4 x 4 à la conduite tonique et à la coupe saillante. Ce véhicule tout-terrain est le minimum nécessaire quand il s’agit d’aller arpenter quotidiennement l’immense domaine du Clos des Fées : une soixantaine d’hectares de vignes morcelées en plusieurs centaines de parcelles, disséminées çà et là, au milieu de la garrigue, de la nature sauvage et des pistes caillouteuses.

« Cette année, les vendanges m’ont paru interminables », explique Hervé Bizeul en mettant le contact. « Il aura fallu attendre début octobre pour commencer enfin à en voir le bout. » L’une des principales caractéris tiques du Domaine du Clos des Fées est son étirement sur une multi tude de terroirs. Vingrau, Tautavel, vallée de l’Agly, Calce, Opoul, Les querde, Maury… Autant de communes et de lieux-dits qui possèdent chacun leur propre ensoleillement, leur propre topographie et leur propre ancrage géologique. Un terrain de jeu immense – et fécond –

qui permet au Clos des Fées de produire, millésime après millésime, plus d’une dizaine de cuvées ciselées aux profils très variés. La plus célèbre d’entre toutes, celle qui a su s’imposer comme une icône du Roussillon sur les tables du monde entier, s’appelle Les Sorcières : « Sans le formuler explicitement, je voulais exprimer le fait qu’il existe dans ce vin une certaine magie, qui provoque émotion et émerveillement. Les chantres de la biodynamie ont besoin de s’en remettre à la Lune, de pour suivre une croyance… Alors pourquoi pas celle des gnomes et des sorcières ? De manière plus terre à terre, les noms de cuvées du Clos des Fées renvoient tous à un imaginaire commun, facilement identifiable, qui fait que dès la lec ture de l’étiquette, on se souvient déjà du vin. »

Du morcellement des vignes naît la diversité

Les Sorcières rouge (car elles existent aussi en blanc) naissent d’un assemblage de syrah (50 %), grenache (30 %) et carignan (20 %) qui séduit dès le premier coup de nez et ensorcelle les palais par son abondance fruitée. Chaque année, elle compte parmi les références les plus attendues et plébiscitées lors de sa mise en vente sur le site de Ventealapropriete.

« Certaines parcelles sont proches les unes des autres, d’autres subsistent dans des îlots, parfois difficiles d’accès », commente le vigneron en même temps qu’il s’engage sur une petite route départementale. « L’intérêt d’avoir un vignoble extrêmement morcelé permet d’obtenir une grande diversité de raisins – mais aussi d’être certain de réussir à faire du vin à la fin ! ». L’homme parle en connaissance de cause : avec la rigueur d’un métronome, son domaine produit environ 350 000 bou

Ci-dessus : chaque matin, Hervé Bizeul sillonne le vaste Domaine du Clos des Fées.

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teilles par millésime. Il poursuit : « En altitude, par exemple, sur les ver sants orientés au nord, en hiver, les vignes ne voient le soleil que quelques heures par jour. Là-bas, les grains arrivent à maturité tardivement et les vendanges ne commencent jamais avant la fin du mois de septembre. Dans la vallée ou sur les coteaux exposés plein sud, au contraire, le soleil tape sourdement sur les vignes dès le printemps et l’on commence à vendanger au mois d’août. »

Mais aujourd’hui, mardi 4 octobre, le gros du travail de récolte est derrière Hervé Bizeul et sa vingtaine de collaborateurs : 95 % des jus du vignoble reposent dans les grandes cuves en inox de son chai dernier cri, à Rivesaltes, d’où ils entament – ou terminent déjà, pour certains – leur processus de fermentation alcoolique. Un jour de trêve et de beau temps propice à la réception du comité de dégustation de Ventealapropriete, représenté par Alaric de Portal (Directeur) et Maël Vincent (Acheteur zone Languedoc-Roussillon), en tournée dans le Roussillon.

« La force d’Hervé Bizeul, c’est d’avoir réussi à emmener l’appellation Côtes du Roussillon à un niveau d’exigence supérieur », confie Alaric de Portal depuis le siège avant du véhicule. « Clos des Fées appartient désormais à cette catégorie de domaines à très haute réputation qui pro duisent des vins vecteurs d’émotions. Venir ici, à la découverte du vignoble et du vigneron, fait partie de nos engagements : en s’imprégnant du lieu, on comprend mieux les racines et on est plus à même d’expliquer pourquoi telle ou telle bouteille vaut vraiment le détour. »

Après avoir traversé la plaine d’Estagel et de Maury, le 4 x 4 serpente désormais le long d’un col en direction des falaises de Tautavel et de

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Vingrau. Le décor prend des allures de pampa, entre désert de garrigue et murets de pierres sèches – avec, en toile de fond, ces grands fronts de roche calcaire qui découpent le ciel en dentelle, comme sur une carte postale. Hervé Bizeul veut emmener ses hôtes dans un endroit qui lui tient à cœur : la toute première parcelle du Clos des Fées, celle par laquelle tout a commencé.

Bouleverser les codes et les dogmes

À mesure que l’on cahote dans les ravines, le vigneron rembobine le fil de sa vie. Au hasard d’un coup d’œil dans le rétroviseur, il raconte comment il est tombé amoureux d’un morceau de vigne, un beau jour de 1997 : « À l’époque, j’étais journaliste et j’écrivais beaucoup d’articles sur le vin. Lors d’un voyage de presse organisé par l’appellation Côtes du Rous sillon, je me suis retrouvé à emprunter cette même petite route avec un vi gneron du coin. Dans la grande ligne droite, le mec m’a dit : “Qu’est-ce que vous préférez faire : aller goûter les vins ou aller voir les terroirs ?”. Je lui ai répondu : “Les vins, on aura tout le temps de les goûter… Emmenez-moi plutôt voir les vignes”.

En arrivant, la beauté du site m’a subjugué. Au milieu d’hectares de bois, je découvrais cet enchevêtrement de petits clos encerclés de murets de pierres, tous façonnés par la main de l’homme. Et puis toute cette flore enveloppante faite de genêts, de chênes verts, d’arbousiers et d’énormes ge névriers : autant de barrières naturelles qui protègent la vigne du vent et des maladies. » Hervé Bizeul se demande encore ce qui a bien pu provo

quer en lui une telle épiphanie : « Depuis que je fais du vin, je crois de plus en plus à la synchronicité, dans le sens jungien du terme : je suis convaincu que les choses sont liées non pas par une causalité, mais par le sens qu’elles forment entre elles. Quand on croit à cela, on voit la vie différemment. Ce jour-là, à 40 ans, je me suis dit qu’il était temps de changer de vie. J’ai litté ralement été appelé par la vigne – mais je n’avais pas encore le projet d’en vivre un jour. Je voulais posséder un hectare de vigne comme on peut avoir un potager : il n’y avait pas d’enjeu économique, ce n’était pas une question d’ego. Ce qui me guidait, c’était de comprendre réellement la fabrication du vin. Vous avez beau adorer les macarons et être en mesure d’expliquer pourquoi vous préférez ceux de Pierre Hermé à ceux de Ladurée, tant que vous ne les avez pas fabriqués de vos propres mains, vous ne savez pas vrai ment de quoi vous parlez… ».

C’est ainsi que, guidé par son instinct, Hervé Bizeul a décidé d’aller au bout de sa passion pour le vin. Avec les moyens du bord, un équi pement rudimentaire et une énorme dose de motivation, le néo-vi gneron donne naissance à son premier millésime. L’année suivante, il emprunte à la banque, effectue ses premiers achats de matériel et aménage le garage de sa maison en cave de vinification. L’aventure du Clos des Fées était lancée.

En l’espace de deux décennies, Hervé Bizeul n’aura de cesse de rouler sa bosse, d’acquérir de nouvelles parcelles et d’expérimenter sans relâche. « Quand je suis arrivé, explique-t-il, le Roussillon était un vignoble totalement en déshérence et tout était à vendre. C’est une réalité

Ci-dessus : à Rivesaltes, les cuves en inox dernier cri du domaine.

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qui subsiste aujourd’hui parce que les vignerons locaux sont de plus en plus vieillissants et la pyramide des âges ne se renouvelle que péniblement. Le revers positif de la médaille, c’est que l’on peut arriver à remembrer certains secteurs et – chose assez unique en France – réussir à acheter ou planter des vignes sur des terroirs qui sont parfaitement adaptés au style de vin que vous voulez faire. » Dont acte : il y a quelques années de cela, le vigneron expérimentateur découvre des coteaux à l’ensoleillement, la topographie et la géologie propices à la culture du pinot noir – un cépage traditionnellement cultivé plus au nord, dans la Loire, la Bourgogne ou l’Alsace. En collaboration avec un vigneron bourguignon, il plante, cultive et vinifie ses propres pinots noirs à quelques kilomètres de la mer et contribue ainsi, à sa manière, à bouleverser les codes et les dogmes.

Un écosystème

complet de plus de 18 hectares

Mais sa plus grande fierté réside encore ici, au cœur de son Clos des Fées, à l’endroit où tout a démarré. Ce jour-là, en foulant les allées rocailleuses, il semble mesurer le chemin parcouru depuis sa première visite, il y a de cela bien des années : « Pour cet endroit, j’ai encore plein de projets. J’ai déjà passé plus de 60 actes pour faire la jonction entre toutes les parcelles. Aujourd’hui, je suis parvenu à recréer un écosystème complet de plus de 18 hectares dans lequel on trouve des bois, des prairies sauvages, d’autres qui vont bientôt être semées et puis des terres qu’on laisse au repos pour permettre aux sols de respirer. »

Au Clos des Fées, désormais, la vigne se fond dans la nature, dans un équilibre parfait. Petit à petit, la faune locale a repris ses quartiers et il n’est pas rare de croiser des perdreaux, des renards, des fouines, des belettes et des blaireaux. Seule ombre au tableau : quelques hordes de sangliers qui s’attaquent aux raisins dès que le vigneron a le dos tourné. Pour les éloigner, Hervé Bizeul a fait installer un réseau de mini-clôtures électrifiées : il serait bien dommage qu’ils soient les seuls à goûter au parfum délicat des fruits qui sortent de la terre du Clos des Fées.

DOMAINE DU CLOS DES FÉES

Appellation / Côtes Catalanes

Production / 350 000 bouteilles par an Surface plantée / 60 hectares en exploitation Cépages / Carignan, grenache, lledoner pelut, mourvèdre, pinot noir, syrah (rouge) ; grenache, grenache gris (blanc) Âge moyen des vignes / 40 ans Vendange / manuelle

Clos des Fées, Les Sorcières 2021. Un jus magnifique et extrêmement frais où syrah, grenache et carignan jouent de gourmandise autour de notes de mûre sauvage et de cerise noire. Un vin irrésistible, fondu et sapide à souhait.

Ci-dessus : Alaric de Portal, Directeur de Ventealapropriete, déguste les prémices de la cuvée 2022 des Sorcières.

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Le premier verre du reste de leur vie

Deux professionnels et un amateur éclairé racontent cette expérience intime, esthétique et sensorielle qui a transformé leur rapport au monde.

Je cherche une texture, du fruit, du croquant, de la fraîcheur. De la gourmandise et de la profondeur. Une émotion vivante. »

« Ma transmission fut familiale.»

fois, lorsque j’ouvre une bouteille, j’espère retrouver cette petite étincelle… »

Laurie Matheson

Experte Vins & Spiritueux de la Maison de ventes aux enchères Artcurial

« Dès 1984, lorsque j’ai débuté, j’ai eu l’occasion de goûter de nombreux crus célèbres. Avant cela, j’avais déjà pu toucher du doigt l’essence d’un grand vin, sans me rendre vraiment compte de la valeur des flacons que je buvais. La belle-famille de ma sœur possédait le restaurant Chez Joséphine, à Paris ; la cave y était constituée de grands crus de Bordeaux et pas des moindres ! Je me souviens – entre autres Gruaud Larose et Grand-Puy Lacoste – d’un Château Montrose 1928 1 absolument fantastique. Ce n’est pas tant le souvenir que j’en ai gardé, mais la magie de son âge ; il y a toujours un grand millésime, et un grand vin dans un grand millésime. Un vin ancien doit selon moi rester frais et se tenir dans le temps. Et dans les vieux bordeaux que je remontais de cette cave, il y avait cette tenue, cette texture délicate et tout à la fois la simplicité, l’élégance et la complexité. Quelques années plus tard, j’ai eu la chance de renouveler ces instants magiques. Petrus 1989 fut un second choc, le vin parfait, où tout convergeait. J’ai eu le bonheur de le boire en magnum, au cours d’une dégustation réunissant les cinq premiers grands crus classés de Bordeaux, tous en magnum, sur ce même millésime. Un ami américain, Walter Rich, passionné de gastronomie et de bordeaux, m’a permis de boire les plus grands. Aujourd’hui, je recherche autre chose ; la pureté d’abord, la vérité du vin, éloignée de la standardisation. Je m’intéresse beaucoup aux vins nature. Je jauge leur tenue dans le temps, je les aère et je les bois sur deux ou trois jours. Je ne bois plus de vins classiques, « à l’ancienne », où l’élevage prédomine.

Timothée Coppéré

Directeur de site chez McCormick, membre VIP+ de Ventealapropriete

« Le partage et la convivialité font partie de mon éducation, il y a toujours eu du vin à table autour de bons repas. Mais il y a un vin en particulier que j’ai toujours connu, sans doute le premier que j’ai goûté, présent à toutes les réunions familiales, jusqu’à être servi à mon mariage : un Viré-Clessé du Domaine Michel, le vin de mon père, originaire de ce village bourguignon. Ce vin fut le socle de ma culture et m’a fait basculer jusqu’à m’inciter à me constituer une cave. De même qu’un Cornas de Cuchet-Béliando, invariablement présent sur la table familiale. Plus tard, deux grands vins ont attisé ma passion. Un Chassagne-Montrachet 1er Cru

Les Ruchottes de Jean-Claude Ramonet d’abord, un blanc d’une élégance, d’une douceur et d’une profondeur rares ; mon père nous l’avait ouvert par surprise, à la place du Viré-Clessé ! C’est comme si un autre monde apparaissait… Il y avait là toute l’élégance du chardonnay de Bourgogne, j’en ai d’ailleurs quelques bouteilles en cave, que j’ouvre sur une dizaine d’années, selon le millésime et les recommandations du vigneron. Un Vosne-Romanée 1er Cru Les Suchots de Michel Noëllat m’a provoqué une émotion semblable ; c’est un ressenti nouveau, procuré par la souplesse du vin, sa finesse et sa complexité. On vit alors un instant de bien-être unique, un moment de sérénité hors du temps. Depuis, je continue d’explorer des régions ; Ventealapropriete m’a d’ailleurs beaucoup aidé à ce titre et m’a fait découvrir Bordeaux en particulier. Chaque

Thomas Blanquer

Responsable

Achats de Ventealapropriete

« Ce n’est pas un vin, mais des vins, qui m’ont révélé ma voie ; dès 16 ans, j’ai travaillé dans la restauration pendant les vacances et ce que je préférais, c’était le service du vin. J’étais fasciné par la connaissance sans limites qu’ouvrait cet univers et j’ai voulu en faire mon métier. Je me souviens d’une soirée automnale, dans une jolie maison du Cap-Ferret, avec des amis ; nous étions étudiants, chacun avait apporté une bouteille à faire découvrir et parmi elles, un Krug Grande Cuvée. J’en avais bien sûr beaucoup entendu parler sans l’avoir jamais goûté. Ce soir-là, l’atmosphère, le feu de cheminée, les amis, tout était parfait. Lorsque j’ai bu pour la première fois ce champagne, j’ai été subjugué, enivré par ses parfums ; c’était immense, bien au-delà de tout ce qu’on m’en avait dit. Loin d’être déçu par le mythe, il me dépassait : je suis tombé à la renverse ce soir-là !

Il y a eu depuis quelques moments comme celui-là, où le temps s’arrête, où l’émotion me conforte dans l’idée que je suis à ma place, que je dois continuer ce métier, dénicher des vins encore et toujours. Je me rappelle une soirée à Bordeaux, à l’occasion de la campagne Primeurs 2021 ; Montrose 1937 et Rauzan-Ségla 19522 étaient servis ce soir-là. L’énergie de ces vieux vins, le fruit pur, encore juteux qui en émanait, avec tous les arômes tertiaires qui les accompagnaient… C’était fabuleux. Je souhaite plus que tout pouvoir vivre encore ce genre d’émotions, car une chose est sûre, le jour où je ne vibrerai plus, je m’arrêterai. » VÉRONIQUE RAISIN /

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« Montrose 1928 m’a révélé l’émotion que procure un grand vin. »
« Krug Grande Cuvée a suscité mon premier grand choc gustatif. »
Épiphanies 1. Deuxième Grand Cru Classé du Médoc à Saint-Estèphe | 2. Deuxième Grand Cru Classé du Médoc à Margaux Illustration Sébastien Plassard

magistrale leçon de style sur les bords de Loire

De tous les artistes du cabernet franc, c’est peut-être celui qui en livre la version la plus raffinée. Philippe Alliet cisèle des vins où l’empreinte minérale répond à la maturité du fruit, où la concentration va de pair avec la fraîcheur, où les élevages longs apportent de l’étoffe sans dénaturer ce qu’offre le terroir. Autant d’antagonismes réconciliés en toute harmonie.

Texte Matthieu Perotin Photos Stéphane Remael Grand format Repère

DE QUOI DÉPEND LE RAYONNEMENT d’un grand domaine viti cole ? De l’excellence de son patrimoine. Du soin apporté à l’élabora tion du produit. De l’agilité du vigneron pour saisir au vol l’évolution des goûts. Mais il existe entre les éminentes figures du vin une proximité plus secrète. Elle tient à la force qu’il leur a fallu mobiliser pour s’arra cher aux pesanteurs, aux habitudes héritées, à l’inertie d’un entourage parfois enclin à regarder leur ambition de haut, comme s’il s’agissait d’une coquetterie vouée à l’échec. Confronté comme tant d’autres à ces carcans, Philippe Alliet s’en est libéré pour provoquer son destin.

Le jeune homme rejoint l’exploitation familiale, à Chinon, en 1978. Son grand-père y travaille, secondé par un oncle. Cohabitant avec la vigne, la culture des céréales et des asperges n’a pas encore dit son der nier mot dans cette Touraine que l’on décrit depuis des siècles comme le verger de la France. « À l’époque, notre vin était vendu au négoce, aucune bou teille ne sortait du domaine. Les parcelles productives se situaient toutes dans la vallée et la viticulture était conduite de manière à obtenir des rendements très élevés, comme partout sur l’appellation », explique Philippe Alliet.

Le désir de larguer les amarres naît souvent de la rencontre avec le monde. Pour Philippe et son épouse Claude, ce sont les escapades et les dégustations dans les châteaux bordelais qui ont servi d’aiguillon. De là vient le début des élevages en fûts – le premier étant issu de Château Margaux ! En 1992, après une année où le gel a détruit toute la récolte, les raisins sont particulièrement abondants. Puisant son inspiration chez les ténors du Médoc ou de Saint-Émilion, le couple Alliet taille et ébourgeonne à tour de bras, sans craindre de limiter le volume potentiel de la récolte. « Mon grand-père jouait les cassandres en affirmant que nous n’allions rien vendanger ! Finalement, nous avons eu assez de raisins et la qualité du fruit a fait un bond. Ce millésime a marqué un tournant. »

Ci-contre : un ouvrier du domaine effectue le décuvage.

Déterminé mais patient, Philippe Alliet procède ensuite par petites touches pour hisser son domaine dans l’élite ligérienne. Son rêve de cultiver des vignes sur un coteau tourne bientôt à l’idée fixe. Surtout après avoir goûté les merveilles obtenues par certains voisins dans l’exceptionnel millésime 1989. En 1996, l’occasion se présente. Un investisseur propose de lui concéder en fermage des terres argilocalcaires exposées plein sud. « Les pieds existants n’étaient pas en très bon état, il n’y avait pas un brin d’herbe et beaucoup de crevasses. Mais le sol, avec ses calcaires jaunes situés juste au-dessus du tuffeau, et la précocité du terroir, qui favorise l’équilibre entre la richesse et l’acidité, faisait irré sistiblement penser au berceau des Poyeux 1. Comme cette cuvée était un peu ma référence, nous n’avons pas hésité longtemps. »

Vignoble de coteau : le Graal, enfin

La mise sur orbite du Coteau de Noiré n’est pas de tout repos. Avec Claude à ses côtés, Philippe doit accomplir un travail de forçat pour travailler les sols à la main. Le grand-père, qui pensait avoir tout vu, lui avoue sa perplexité devant un tel acharnement. Là encore, les faits lui donnent tort. La cuvée progresse année après année, justifiant les efforts accomplis. Sauf peut-être aux yeux du propriétaire foncier qui, désireux de se séparer de son bien, le met en vente à un prix exorbi tant. « La valeur que nous avions donnée à la vigne, il prétendait la capter à nos dépens. Nous avons négocié 10 ans pendant lesquels il a tout essayé pour trouver un autre acheteur. À la fin, il traitait avec mon fils, Pierre, car toutes nos conversations finissaient en disputes. »

En 2020, l’offre du duo Alliet finit par être acceptée telle qu’elle avait été formulée initialement. La parcelle dévolue à la cuvée

1.

L’Huisserie (argiles et silex en coteau), récupérée en 2005, est incluse dans la transaction. Cet épisode illustre le mélange d’humilité, d’exi gence et d’opiniâtreté que l’on perçoit au contact de Philippe Alliet.

À la cave, laisser les choses se faire naturellement Écouter le père et le fils – forgés dans le même métal, dévoués à leur art et économes de leurs mots –, c’est aussi comprendre que le domaine ne transige pas avec l’amélioration des pratiques. Pour peu, cela va de soi, qu’elles contribuent à l’objectif final, revendiqué presque à l’unis son. « Produire des vins avec de la structure, de l’étoffe, mais sans excès de concentration », résume Philippe. « Rechercher la fraîcheur plutôt que la surenchère dans les degrés alcooliques », ajoute Pierre.

Pas si simple quand les millésimes chauds se succèdent… « Je passe une bonne partie de mon temps dans les vignes, car j’adore y travailler et, depuis 10 ans, je suis obligé de me couvrir les bras et la tête tant le soleil est brûlant ! », confie l’aîné. Pour ménager les raisins, les feuilles situées au sommet des pieds sont désormais préservées en vue d’apporter une ombre salutaire. Plus bas, elles sont effeuillées de manière ciblée afin que chaque grain bénéficie de l’ensoleillement et de la ventilation né cessaires à sa croissance ainsi qu’à la prévention des maladies.

Et à la cave ? « Quand on a de beaux fruits, on peut laisser les choses se faire naturellement », synthétise Pierre, en une brève profession de foi. Son père enfonce le clou : « Le cabernet franc est un cépage assez rustique. Mieux vaut éviter de le triturer si l’on veut conserver de la finesse aux vins. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons changé d’approche en ce qui concerne l’élevage. » Tout à son admiration pour la tradition bordelaise, Phi lippe Alliet a d’abord utilisé des barriques de 228 litres, en privilégiant

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Cuvée élaborée par le mythique Clos Rougeard, en appellation Saumur-Champigny.

le bois neuf – jusqu’à 80 % – pour L’Huisserie et le Coteau de Noiré. « En 2007 et 2008, nous avons reçu des fûts dont la chauffe n’avait pas été assez forte, ce qui a fait ressortir des arômes de noix de coco que je n’aime pas du tout. L’année suivante, le fournisseur a voulu rectifier le tir, mais il a poussé le curseur trop loin. Résultat : des notes de torréfaction excessives. On s’est dit : “Les barriques, c’est fini.” »

C’est alors que les représentants d’une tonnellerie à peine installée dans le Cher se présentent au domaine. Les essais réalisés avec des contenants plus vastes (500 litres) sont convaincants. Tout comme l’abaissement de la proportion de bois neuf (autour de 20 % actuellement en fonction du millésime). « Sur les vins produits à partir de 2010, l’influence de l’élevage est nettement moins marquée que lors des années précédentes. Nous avons l’impression d’avoir trouvé un bon compromis. »

Nouveau terrain de jeu sur un petit hectare

La prudente satisfaction exprimée par le vigneron est sans commune mesure avec le plaisir que procurent ses vins. En les dégustant, il faut la retenue mimétique imposée par le voisinage de cet homme discret pour ne pas se laisser aller à l’emphase. Après quelques années de bouteille, le Coteau de Noiré arbore les principaux marqueurs des très grands rouges septentrionaux : épaules larges mais grain velouté, exquises nuances florales, puissance aromatique savamment domptée. De l’avis des experts de Ventealapropriete, il pourrait même en remontrer à cette légende du cabernet franc (52 % de l’encépagement) qu’est le Château Cheval Blanc, Premier Grand Cru Classé de Saint-Émilion.

Comme le Coteau de Noiré, L’Huisserie et le Chinon Vieilles Vignes sont taillés pour la garde, qui permet d’affiner la haute maturité de ces vins amples et profonds. Plus immédiat, le Chinon s’exprime tout en suavité et en délié, sur des saveurs fruitées et acidulées.

Voilà bientôt 20 ans que la gamme du domaine est inchangée. Le temps des expérimentations en tous genres serait-il passé ? Bien

Ci-dessus : dégustation du Chinon emblématique du domaine.

au contraire, puisque la création d’une nouvelle cuvée se profile ! Sur un petit hectare, le terroir concerné cumule les atouts : des vignes de 60 ans, en bon état, plantées sur un coteau et tournées vers le nord – une exposition inédite pour le domaine, potentiellement intéressante dans un contexte de réchauffement. « Au départ, la parcelle a été vendue sur Leboncoin par un couple de retraités. L’acquéreur s’est ensuite adressé à un caviste de Chinon pour savoir s’il connaissait quelqu’un qui pourrait vouloir l’exploiter. C’est ainsi, de manière un peu rocambolesque, que nous avons mis la main sur ce vignoble », sourit Philippe Alliet.

Pour la cuvée à venir, le père et le fils envisagent d’allonger la durée de l’élevage de 24 à 30 mois et d’essayer différents bois. « Nous sortons à peine de la première récolte et il faudra attendre la fin des vinifications pour savoir ce que l’on est en droit d’attendre. Mais nous croyons beaucoup à ce projet ! » Pour ces vignerons passionnés, rien de plus stimulant que le parfum d’une aventure nouvelle…

DOMAINE PHILIPPE ALLIET

Appellation / Chinon Production / 90 000 bouteilles par an Superficie / 19 hectares en exploitation Cépages / cabernet franc (rouge), chenin (blanc) Âge moyen des vignes / 30 ans sur les coteaux, 60 ans en plaine Altitude / 20 m en plaine, 90-100 m sur les coteaux Vendange / manuelle

Philippe Alliet Chinon 2020. Repère de la maison, cette cuvée sans excès de richesse ni de puissance exalte l’expression la plus fine d’un grand cabernet franc. La première-née du domaine, en 1992.

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Bourgogne en majesté

Depuis 1868, le Domaine Jacques Prieur se place au sommet de la hiérarchie bourguignonne. Une réussite exemplaire façonnée par la famille Labruyère et son emblématique chef de caves Nadine Gublin.

Texte Véronique Raisin Photos Nicolas Démoulin Joyau

LA BELLE SAISON JOUE les prolongations ; en ce début d’octobre, il flotte encore dans l’air comme un parfum d’été, étirant le feuillage et baignant les îlots de vignes d’une douce lumière. Au repos envié se substitue l’agitation d’un domaine en pleine transformation, tou jours premier dans la course au prestige. Car le Domaine Jacques Prieur s’est constitué au fil du temps l’une des plus rares mosaïques de terroirs de la Bourgogne, couvrant à la fois les côtes de Beaune et de Nuits. Des noms évocateurs – Musigny, Échezeaux, Chambertin, Corton-Bressandes, Clos de Vougeot, Montrachet, Corton-Char lemagne – s’égrainent ici comme les versets d’une prière, aux côtés d’appellations prestigieuses et de trois clos en monopole 1

Aujourd’hui, cette adresse historique vit sans doute ses plus belles heures, sauvée in extremis d’un démantèlement en 1988 par le rachat de 75 % de ses parts par la famille Labruyère. Dès lors, sa montée en puissance fut impressionnante, accélérée par l’arrivée d’Édouard en 2008, artisan de l’agriculture biologique, confortée par l’assurance technique de Nadine Gublin, son emblématique œnologue depuis 1990. Car il faut de la maîtrise et bien une certaine audace pour domp ter ces fabuleux terroirs et en extraire la quintessence pour forger des vins d’éternité, capables d’enjamber les années.

Des vins de matière qui s’incarnent dans la fermeté d’un Musigny encore dans ses limbes et qui explosent dans l’affolante finesse d’un Échezeaux, d’une amplitude folle, aux parfums suaves de nectar de fruit. Une stature majestueuse résumée en quelques mots. « Ce terroir ne m’a jamais déçue. Quel que soit le millésime, le vin est par fait », avoue Nadine Gublin. Acquise par la famille Labruyère en 1996, cette parcelle située à la sortie de la Combe d’Orveau, plantée nordsud et côtoyant les Poulaillères du DRC 2, se résume à quatre fûts, soit 1 200 bouteilles. Contrairement au Musigny, précoce, capricieux,

lent à se faire, ce terroir est très tardif, toujours le dernier vendangé. Que goûter après un tel vin ? Le chapelet des crus est impressionnant, la dégustation ravit les sens, chaque cuvée dévoilant une identité nou velle, une couleur différente de la précédente. Capricieux et infini, le pinot noir joue de ses nuances en virtuose ; le Chambertin pousse son intensité maximale, c’est la rigueur cistercienne drapée d’une colonne gothique, une matière riche et raffinée à la magnifique en vergure. Mais le terroir ne fait pas tout : il faut l’apprivoiser. Édouard Labruyère conforte ce choix de continuer de faire des vins taillés pour la garde, longs à se faire et patiemment élevés sous bois. Toujours produits en petits volumes, sur quelques ares seulement, souvent des vieilles vignes de 60 ou 70 ans qui donnent avec parcimonie.

Refrain de crus prestigieux

Un pas de deux entre expérimentations et tradition, cher à Édouard Labruyère, habité par cette terre qui l’a vu grandir et dont il veille au jourd’hui sur la destinée avec élan et passion. Une lecture empirique et pragmatique des terroirs que Nadine Gublin applique à la lettre, jouant de la vendange entière pour les rouges, selon les parcelles et le millésime, s’inscrivant dans la plus pure orthodoxie bourgui gnonne pour les élevages en barriques, entre 14 et 22 mois, avec une proportion de bois neuf qui oscille entre 25-30 % pour les Premiers Crus, et 50-60 % pour les Grands Crus.

Même application pour les blancs ; le Chevalier-Montrachet Grand Cru, issu de la parcelle la plus au sud et la plus haute du Grand Cru, au-dessus des montrachets, est un modèle de civilisation. Rien ne lui manque : ni le volume, ni le parfum de fruits mûrs, ni l’élevage qui se lie sans contrainte, ni la finale saline, libérée et persistante.

Les 59 ares du Montrachet Grand Cru révèlent quant à eux toute

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1. Clos de Mazeray (Meursault), Clos des Santenots (Volnay), Clos de la Féguine (Beaune). | 2. Domaine de la Romanée Conti.

la force de ce terroir : tactile, presque tannique, soulignée par le long élevage qui dompte sa puissance. Une puissance sans force, jaillissante, qui s’impose sans fracas. Quant au Puligny-Montrachet Les Combettes, la famille Labruyère est le plus grand propriétaire de ce terroir précoce, dans le prolongement des meursaults-charmes, avec près d’1,5 hectare où le caillou domine et réverbère la lumière du soleil.

Pragmatisme, observation et adaptation

Dans la cave voûtée du domaine, Édouard Labruyère s’enthousiasme du millésime 2022, sommet d’équilibre et de virtuosité. Un cas d’école où tout a convergé, offrant des vins impeccables de profondeur et de parfums, sans couture. Les prémices dégustées en barriques ne sont qu’une ébauche de leur éclatante réussite. « C’est la première fois que le Musigny sent la violette au décuvage. Le terroir l’emporte sur le millésime, c’est étonnant ! ». Élégance, tanins fins, maturité parfaite, ce millésime est une grande surprise. Bien sûr, peu d’élus y auront accès et déjà, notre allocation, réservée à quelques chanceux, promet d’être épuisée en un temps record. Chaque année, Ventealapropriete décroche les plus belles cuvées, mais les faibles quantités des derniers millésimes ont compliqué la tâche et obtenir ces vins – tout un art – relève de l’aubaine.

Ce millésime d’apothéose semble couronner des années d’abnégation, dans tous les vignobles familiaux, à commencer par Moulin-à-Vent, dont est originaire la famille Labruyère, la Champagne et Pomerol également, où les raisins millerandés3 du Château Rouget et la vendange entière ont fait office de réservoirs à fraîcheur. Car au-delà de l’indulgence climatique, de l’alignement des éléments météorologiques, ce sont bien les efforts consentis et l’engagement constant d’une famille depuis trois décennies

qui font la différence. « L’âge des vignes, leur enracinement ont certainement pesé dans la balance pour former cet équilibre impressionnant, ces parfums spectaculaires. La vie des sols, régénérée, a permis cette résilience », poursuit Édouard Labruyère.

Ainsi de ces 2020 déjà somptueusement constitués qui arrivent en bouteilles, de ces 2021 naissant sur l’épure et la fraîcheur et que nous goûtons ce jour-là, dans le silence des caves, seulement guidés par la parole d’éclaireurs. Des passeurs habités, dépositaires d’un patrimoine immense que peu auront la chance d’approcher tant ces cuvées sont rares et convoitées.

Hors Bourgogne, la famille Labruyère possède 13 hectares sur Moulin-à-Vent (Beaujolais), supervisés par Nadine Gublin, 18 hectares à Pomerol (Château Rouget, acquis en 1992), ainsi que 12 hectares en Champagne depuis 2012.

DOMAINE JACQUES PRIEUR

Superficie / 21,5 hectares (Jacques Prieur) et 8,3 hectares (Labruyère-Prieur Séléction)

Appellations / Grands Crus Chevalier-Montrachet et Corton-Charlemagne, 1ers Crus Puligny-Montrachet, Beaune et Meursault en blanc ; Grands Crus Musigny, Chambertin, Échezeaux, Clos Vougeot, Corton-Bressandes, 1 ers Crus Volnay, Pommard, Beaune et Gevrey en rouge. Meursault Clos de Mazeray (Monopole) dans les deux couleurs.

Montrachet Grand Cru 2013. 59 ares d’un terroir d’élite qui propulse un vin d’une puissance majestueuse, sans entraves. Après 10 ans de patience, il vibre d’un éclat nouveau, mûr et assuré, d’une opulence raffinée.

3. Le millerandage est un défaut de maturation de la vigne, donnant des grains de petite taille et immatures.

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Alexandre Gauthier UN VERRE AVEC…

Le chef de La Grenouillère (doublement étoilé), qui célèbre à merveille le territoire des Hauts-de-France, voue un culte au vin jaune du Jura, d’où sa famille paternelle est originaire.

Qu’est ce qu’on boit aujourd’hui ? Un châteauchalon, vin jaune du Jura de la Maison Macle. Le savagnin, c’est 50 % de mon sang. Je suis jurassien du côté de mon père et boulonnais de la Côte d’Opale du côté de ma mère. Mon père est né à Dole, ville natale de Pas teur, qui a percé le mystère de la fermentation alcoolique.

En quoi le savagnin vous caractérise-t-il ? C’est le cépage identitaire du Jura, cette région incroyable. J’ai la chance d’avoir mis mon nez dedans très tôt et de l’aimer. Car c’est un cépage clivant. Il crée des vins aux notes très oxydatives, beurrées, de noix et de pain grillé. L’oxyda tion fait que lorsque mon père en vendait, à La Grenouillère, il n’était pas rare d’entendre ses clients dire : « Ces vins ne sont plus bons à boire. » Ils sont typés, marqués. On aime ou on déteste. Et nous, on ne l’aime pas, on l’adore.

Comment s’intègre-t-il dans votre restaurant ?

La Grenouillère est un lieu fait de cuir et de métal, qui donne sur un jardin semi-domestiqué. Il résonne avec sa cuisine, qui va droit au but. Nous ne sommes pas dans la flatterie ou la fiori ture. Un peu comme le savagnin.

Quels arômes se dégagent de ce verre ? C’est une bouteille de 2012, l’année de naissance de mon fils. Au nez, il y a une fraî cheur et une acidité naturelles et ces notes de pain grillé, beurré je ne dirais pas brioché, mais on n’en est pas loin. Et dans la noix ! Rien que de le sentir,

tu l’as en bouche. Sa robe est aussi incroyable. Et cet or… Plus aucun vin n’a cette couleur. Ses larmes expriment la richesse de son jus. [Il goûte et déguste en silence, ndlr ].

À quelle occasion pourrait-on ouvrir cette bouteille ?

Toutes les occasions sont bonnes. Quand j’en ouvre, c’est que je vais la partager avec des amis. Soit en début, soit en fin de soirée. Rarement pendant le repas. J’aime cette sensation grasse qui assèche en même temps. Et qui met la bouche

tative, qui me plaît beaucoup. Cette mélancolie que j’éprouve en buvant un verre de savagnin m’oblige à me projeter. Quand j’ai des choix à faire, j’ouvre une bouteille de vin jaune.

C’est du réconfort en bouteille… Pas du réconfort, plutôt du recentrage. Tu alignes tes valeurs, tu retrouves une ligne de conduite, un enracinement, un rapport au temps et à la patience. Car pour qu’une bouteille de vin jaune existe, il faut plus de six ans, c’est assez fou. Les vignes sont anciennes, il faut réussir la vendange, puis son élevage. Ce millésime 2012 est arrivé l’année dernière. Ce sont des vins qui peuvent attendre trois cents ans. Ils ont une structure et une charpente qui ne dévient pas. Il faut juste les conserver au bon endroit et les oublier.

tu rencontres ces hommes et ces femmes aux mains abîmées par la terre et le moût du raisin, tu ne peux qu’être ému par la puissance de leur discours et la délicatesse de leurs nectars. Tu sens cette vibration et cette volonté de s’engager.

Les vignerons n’ont qu’une fois par an la possibilité de s’expri mer. Nous, c’est midi et soir. Tu comprends le mysticisme du vin en entrant dans la cave du restaurant, entouré par ces bouteilles qui ne parlent que de jus de raisin écrasé. Pourtant, elles sont toutes différentes. Tu mesures l’immensité de ce monde qu’est le vin.

droite, comme les vieux xérès. Cette acidité et cette légère amertume amenée par la noix. Dans mon intimité, quand je bois un vin jaune ou un vieux jura, c’est que j’ai besoin de me remonter le moral. Le vin jaune raconte la beauté et la généro sité de son terroir. Mais il y a aussi cette austérité, même gus

Et les ouvrir avec les bonnes personnes… C’est sûr ! Si la personne n’aime pas les vins nature, les acidités, l’oxydation ou les macérations, c’est du gâchis. Il y a d’autres routes, plus accessibles que ces grands vins, pour amener à l’oxydation. Qui vous a initié au monde liquide ? J’allais souvent chez mes grands-parents, à Dole, et mon père en profitait pour visiter les vignerons d’Arbois. Gamin, j’y allais régulièrement avec lui. Je m’apprête à faire la même chose avec mon fils, lors d’une tournée des vins du Jura avec son grand-père et le sommelier de La Grenouillère, Rodolphe Pugnat. Quand tu entres dans un chai, que tu te promènes dans les vignes et que

Quels domaines vous ont le plus marqués ? Je me souviens de mes parents qui se rendaient – timidement – chez Jean-François Coche-Dury [ grand nom de la Bourgogne, ndlr ], où il fallait être à la hauteur de la dégustation. Dans le Jura, on parle de la famille Macle, de la famille Tissot (Domaine André et Mireille Tissot), de Pierre Overnoy, de Xavier Reverchon… Un des grands hommes du vin, qui n’est pas vigneron, mais consultant en vin à Beaune, s’appelle Georges Albert Aoust. Je me rappelle avoir passé un moment à table chez lui avec l’équipe de mon père. Sa femme et lui avaient cuisiné divinement et sorti des flacons fous. J’avais droit à des fonds de verre qui m’ont ouvert les yeux sur cette diversité. Les amertumes, les acidités et les tanins ne sont pas chose facile pour un palais en train de s’éveiller. Je me sou

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Tête-à-tête
« Ces vins ont une structure et une charpente qui ne dévient pas. Il faut juste les conserver au bon endroit et les oublier. »

viens aussi des repas entre amis de mon père, où il faisait des dégustations à l’aveugle pour découvrir et apprendre. Le vin, c’est de l’humilité à l’état pur.

Lors de votre reprise de La Grenouillère, quelle place avez-vous donnée au vin ? J’aime l’art contemporain, aller au musée, voir des œuvres de grands maîtres, souvent figées. Le vin, c’est un monde qui est toujours en mouvement. Mis en bouteille, le vin évolue d’année en année… J’ai toujours voulu une carte des vins étoffée, qui nous ressemble. Avec de grands noms, mais pas des étiquettes. Recentrer sur l’homme et la femme et proposer une carte de vins de propriétaires. Chaque région possède ses grands vins. Je pense à Marcel Lapierre ou à Foillard (Domaine Jean Foil lard). Ça n’a évidemment rien à voir avec un chambolle-musigny [ bourgogne rouge d’exception, ndlr ], mais tu peux les propo ser successivement, ne pas les boire au même moment et te faire plaisir.

Votre établissement est ancré dans une terre – la Côte d’Opale – qui ne produit pas de vin. Cela vous offre-t-il plus de liberté ? C’est l’occasion d’ancrer sa carte des vins dans un passé personnel. Mais aussi de créer un lien unique avec les vignerons. Nous sommes assez loin des vignobles, mais nous avons la chance d’en recevoir beaucoup à notre table. J’aimerais que l’on devienne une référence dans le monde vinicole. À Paris, on parlait de Lucas Carton et de Senderens. Je ne me compare pas, mais on ne part pas de rien non plus. J’aimerais que les vignerons viennent à La Grenouillère pour les mêmes raisons.

Parlez-nous de votre somme lier, Rodolphe Pugnat, récom pensé du titre de sommelier de l’année par le guide Gault & Millau en 2020, à l’âge de 22 ans. Ici, tu deviens un leader si tu le souhaites. Rodolphe est

un bosseur, un passionné. Il a le goût de la rencontre avec le vigneron. Il possède aussi l’humilité nécessaire et la soif de connaissance. « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Mais tu ne peux pas devenir un bon sommelier si tu ne travailles pas tout le temps. Ça demande une mémoire incroyable. Il faut goûter, visiter le vignoble constamment.

Comment le vin et la cuisine résonnent-ils à votre table ? C’est important que la cuisine et la carte des vins soient au même niveau, sinon, c’est tellement décevant. Comme me le disait Jean-Louis Chave [ vigneron rhodanien renommé, ndlr ] , « c’est important de savoir ce que tu vas manger avec ton vin. » En même temps, les grands vins comme ceux de Jean-Louis –, les saint-joseph, les hermitages peuvent aussi être ouverts sans qu’on ait besoin de se nourrir, pour un moment de convivia lité. La table n’est pas tou jours le meilleur endroit pour déguster un vin. C’est comme écouter un grand morceau de musique pendant qu’on te parle. Il faut savoir « rencontrer » le vin et sa profondeur. Il y en a qui se glougloutent et d’autres pour lesquels il faut prendre le temps et la concentration afin d’en mesurer l’épaisseur et la profondeur.

Racontez-nous votre dernière très grande dégustation… C’était chez Jean-Louis Chave, justement, avec des bouteilles anciennes, dont une de 1952. Un vin de son grand-père. On a perdu l’habitude de boire des vins de plus de deux-trois ans. Ouvrir un flacon de plus de vingt ans, c’est comme jouer au foot avec papy. Tu ne peux pas lui demander de mener la contre-attaque ! [Rires, ndlr ].

Le vin, c’est aussi un marqueur de son époque.

Des vignes sont désormais cultivées dans la région des Hauts-de-France. Comment

intégrez-vous cette nouvelle donne inattendue ? Effective ment, une association a planté 2 000 pieds de chardonnay sur un terril près de Lens pour pro duire du « charbonnay ». C’est très bien fait et assez bluffant à l’aveugle. Et à 15 kilomètres d’ici, des vignes poussent sur un grand coteau ensoleillé, dans un sol crayeux et bien drainé. La première vendange a eu lieu cette année, on goûtera dans un an ou deux.

On pourrait retrouver ce vin à la carte de La Grenouillère ?

Oui, pourquoi pas. Ça participe d’un mouvement de vignerons qui plantent des vignes toujours plus haut, car ils ne sont pas à l’abri d’avoir moins de vin. C’est déjà le cas : ça gèle, ça grêle, ça brûle. C’est une période très difficile pour les vignerons. Plus rien n’est écrit à l’avance.

Et si vous deveniez vigneron vous-même un jour… Ça n’arrivera pas ! Je pourrais soutenir ou accompagner quelqu’un, pas plus.

Mais si vous deviez mettre votre histoire dans une bouteille ? Ça serait le vin de noix de mon grand-père. Il en

faisait chaque année, avec des noix qu’on faisait tomber avant le 14 juillet et qu’on versait dans de grandes jarres avec un vin pas trop mauvais, mais quelconque. Il en reste encore quelques bou teilles que je n’ose pas ouvrir. J’aime l’idée de faire ses propres arrangements. C’est un peu de la cuisine.

Quels millésimes comptent pour vous ? J’ai demandé à des amis vignerons de faire des magnums de 2012, l’an née de naissance de mon fils. Ces bouteilles sont pour lui. Moi, je suis né en 1979 et j’ai la chance d’avoir des vins de cette année-là. Trop peut-être, car arrive un moment où tu ne sais plus quand les boire… Or le vin, c’est fait pour être bu.

Y a-t-il un vin que vous regrettez de ne pas avoir encore dégusté ? J’aurais bien voulu boire un Henri Jayer, le pape de la Bourgogne en vinification rouge. Il est décédé [en 2006, ndlr ] et c’est devenu tellement cher que je ne suis pas sûr d’en déguster un jour.

À quoi ressemble votre cave personnelle ? Elle est essen tiellement française, avec des rouges et des blancs dans les mêmes proportions. Bizarre ment, il y a plus de bordeaux que dans la cave du restaurant. À une époque, on a eu l’oppor tunité d’acheter des primeurs de très beaux vins. J’ai de Vieux Château Certan, des Château Ducru-Beaucaillou, des grands médocs, du saint-julien. Le blanc vient essentiellement de Bourgogne. Et évidemment, du vin jaune du Jura. J’ai fait rentrer récemment quelques vins italiens. Des Gravner qui sont un peu le Coche-Dury transalpin. Un des premiers à avoir relancé les amphores. C’est intemporel, hors norme. C’est grand. BORIS CORIDIAN / — La Grenouillère, 19, rue de la Grenouillère, 62170

La Madelaine-sous-Montreuil Tél. : 03 21 06 07 22 ; lagrenouillere.fr

Racines 41
«
La table n’est pas toujours le meilleur endroit pour déguster un vin. C’est comme écouter de la grande musique pendant qu’on te parle. »

nos atouts cœur

Cave Réal

IGP Urfé Coquelicots, rouge, 2020 (10,99 €)94/100

Jalousement gardée en plein cœur du Forez, la Cave Réal est peu à peu devenue le nouveau point d’ancrage d’une génération d’amateurs avides d’exotisme et de terroirs oubliés. Sur ces coteaux du Massif central marqués par le granite et le basalte, où le vent souffle à l’année, les vins couvent une expression plus libre qu’ailleurs. L’altitude, la force des lieux, la constance d’un vigneron modèlent des cuvées franches de fruit épatantes de singularité. Une adresse sûre, illustrée en ce moment même par cette syrah éblouissante qui n’a rien à envier à ses homologues du Rhône : à l’aveugle, on croirait à s’y méprendre à un très beau crozes-hermitage. Un coup de projecteur s’impose, surtout à ce prix.

Domaine Badoz

Côtes du Jura Vin Jaune, blanc, 2015 (27,90 €) 96+/100

Confidentiel et énigmatique, le vin jaune est l’un des emblèmes du Jura, son porte-étendard le plus précieux. Ce vin de voile issu du savagnin, élevé en barriques durant plus de six ans et mis en bouteille dans un clavelin (une bouteille de 62 cl), réunit tous les gastronomes de la planète autour de ses parfums envoûtants de noix fraîche, d’épices, de pain et de froment. Installé à Poligny, au cœur du vignoble, Benoît Badoz en est l’un de ses plus fervents ambassadeurs, préservant la haute tradition franc-comtoise. Instruit par une approche bourguignonne du parcellaire, il respecte l’identité de ses terroirs en forgeant, en biodynamie,

des cuvées fougueuses et vibrantes. Ce jaune 2015 en est l’incarnation, restituant la puissance des terroirs de marnes dans un caractère digeste exemplaire. Tout en élégance, il déploie ses parfums avec équilibre et autorité, en étant déjà très charmeur. Une cuvée taillée pour la table, au potentiel immense, à privilégier sur un comté affiné de 18 ou 24 mois ou une poularde à la crème. Une merveille de rapport prix-plaisir qui colle parfaitement aux premiers frimas.

Domaine Georges Vernay

Côte-Rôtie Blonde du Seigneur, rouge, 2020 (60 €) NC/100

Signature émérite de Côte Rôtie et Condrieu, le Domaine Georges Vernay est sans doute le plus bel ambassadeur du Rhône nord. Au firmament, ses vins, toujours empreints de raffinement et d’une capacité de garde merveilleuse, comblent les amateurs de finesse et d’élégance. La culture biologique et biodynamique, les pentes vertigineuses de caillasses et de granites, l’altitude sont le creuset de cette réussite, couplées à la technicité et à l’expérience de Christine Vernay, à la tête du domaine depuis 1996, aujourd’hui rejointe par sa fille Emma. En résultent des vins à l’identité affirmée, vibrants, mais jamais surjoués ; à l’image de cette côte-rôtie délicate, forgée sur l’excellent et complet millésime 2020. Une syrah de style « côte blonde », avec 5 % de viognier, alliance parfaite de volupté et d’élan. Elle est issue de secteurs du cœur et du sud de l’appellation, élevée en barriques avec peu de bois neuf pour en préserver le fruit et la fraîcheur… L’incarnation de cette quête de finesse chère au domaine. Quel que soit le millésime, c’est toujours l’une des côtes-rôties vedettes de l’appellation, d’une régularité magique !

La Traversée

Terrasses du Larzac, rouge, 2020 (19,99 €) 95/100

Ce petit cru replié sur les vins rouges est né de la passion de Gavin Crisfield, sommelier et œnologue irlandais, pour ce bout du monde languedocien. Terroir magique animé par une géologie complexe entre schistes, basaltes, grès et calcaires, le Larzac couve une réussite hors du commun. Réunissant syrah, carignan, cinsault et grenache sur des parcelles distinctes, Crisfield compose une cuvée vaillante et irrésistible. Aujourd’hui disponible dans le joli millésime 2020, elle offre un jus phénoménal, concentré, tout en finesse ; les parfums frais de grande classe auréolés d’un boisé noble, la texture d’un soyeux incroyable confortent l’idée d’un grand vin sur un grand terroir. Parmi les plus belles cuvées du Languedoc !

Château du Cèdre

Cahors, rouge, 2020 (13,95 €) 92/100

Star de l’appellation Cahors, le Château du Cèdre affole les amateurs de grands vins. Les frères Verhaeghe savent mieux que personne transfigurer leurs splendides terroirs de calcaires et d’argiles rouges en des vins d’une rare harmonie, toujours bien mûrs, aux matières riches et profondes. Formidable alternative aux grands crus de Bordeaux qui ont fait la renommée de la région, ces vins profonds et élégants offrent le nec plus ultra du Sud-Ouest. Comme ce véritable concentré de malbec, à la fois infusé, frais et précis. Un exercice de style incontournable.

Section Rubrique Teaser Teaser 42— Racines
Top 10 des pépites qui nous enchantent ! Ces cuvées, valeurs sûres ou futures incontournables, ont déjà conquis nos acheteurs.

Mas Amiel

Maury, rouge, 1999 (42,90 €) 94/100

Géant de Maury, le Mas Amiel excelle dans la production de vins doux naturels à la suavité unique. Vignerons intransigeants, Olivier Decelle et Nicolas Raffy signent une série parfaite de maurys rayonnants de générosité et de finesse, taillés dans le schiste et laissant éclater toute la virtuosité du grenache. Ces vins aux parfums magiques content en effet toutes les vibrations de ce lieu sauvage, battu par les vents et inondé de lumière. Ce millésime 1999 remonte le temps à la recherche d’une complexité supérieure ; ce sont des arômes de chocolat, d’abricot confit, d’écorce d’agrumes qui se côtoient dans un équilibre parfait. Un grand VDN au potentiel de garde extraordinaire, de 20 ans et plus.

Vike Vike

Cannonau di Sardegna, rouge, 2019 (19,99 €) 93+/100

Perché sur les hauteurs de Sardaigne, Vike Vike met en valeur le terroir insulaire de Mamoiada. Jeune œnologue né sur ces terres rudes, lui-même issu d’une famille de vignerons, Simone Sedilesu couve ce petit jardin viticole d’à peine trois hectares cultivé en bio, choyé pour son cépage local, le cannonau. Vieilles vignes, rendements faibles, vinifications les plus naturelles possible avec très peu de sulfites forgent les raisons de ce succès encore classé confidentiel, mais qui appelle déjà les comparaisons les plus folles… Clos Cibonne, Dureuil-Janthial, Bel Air Marquis

d’Aligre, Château Simone, Rayas sont des noms qui résonnent à l’appel de cette étiquette ; de ces cuvées uniques qui content l’âme d’un lieu, la passion d’un artisan et toute la force d’un terroir. Découvrez sans plus attendre cette pépite italienne, consécration de notre passion : un rouge confondant de plaisir et de finesse, d’une fraîcheur totale, qui étonne et ravit par son raffinement. Une signature déjà culte.

Côtes et Climats Pierre Mayeul

Gevrey-Chambertin, rouge, 2019 (52,90 €), 93/100

Propulsé au sommet de la hiérarchie bourguignonne, ce micro-négoce haute couture façonne des cuvées d’identité forte avec une exigence aigüe. Le trio composé de Frédéric Hirault, Matthieu Bouchard et Ludivine Grivault – rien moins que la régisseuse des Hospices de Beaune –s’attèle ainsi, depuis 2016, à sélectionner les plus beaux raisins de la Côte, guidés par une technicité affûtée et forts d’une connaissance précise des meilleurs terroirs de Bourgogne. Issu d’une parcelle située sur le bas du village, ce gevrey-chambertin réunit à la fois l’exemplarité de style et une appellation de fête. Une cuvée coup de cœur que le comité de dégustation a retenue à la fois pour sa finesse incontestable, son fruit intègre et son élevage cintré à la perfection. Vous pourrez l’apprécier sur sa jeunesse dès la fin de l’année, tout en profitant de ses parfums suaves et d’une très belle persistance. Ce vin est un modèle de gevrey, à l’image de cette belle adresse ambitieuse, pour l’instant encore sous les radars médiatiques, mais que vous avez la chance de découvrir avant tout le monde. En résumé, du grand art réservé à une petite poignée d’amateurs.

Château de Montfaucon

Côtes-du-Rhône Baron de Montfaucon, blanc, 2020 (9,99 €) 93/100

Perle de Châteauneufdu-Pape, le Château de Montfaucon est l’une des propriétés les plus intéressantes de l’appellation à l’heure actuelle. Disposant de parcelles magiques, dont le fameux plateau de galets roulés de la Crau, elle offre l’une des lectures les plus passionnantes de ce vignoble mythique. C’est aussi un domaine virtuose en blancs, maniant parfums du Sud et finesse avec maestria ; ce trio clairette, grenache blanc et viognier sonne juste, livrant un jus d’une rare évidence. Une pépite à moins de 10 euros !

Thoreau-Les Bienheureux

(44,90 €) 92/100

Établissant un pont entre Charente et Caraïbes, Thoreau est l’alliance du meilleur de ces deux mondes. L’élégance du cognac et le charme du rhum se rencontrent dans un assemblage totalement inédit à base de 70 % de rhum guatémaltèque et de 30 % de cognac VSOP. Un alliage décomplexé qui secoue le monde des spiritueux, mené de main de maître par Les Bienheureux, dont les créations rencontrent un succès phénoménal. Thoreau Rhum & Cognac rend hommage à Henry David Thoreau, philosophe et naturaliste américain connu comme le père de la désobéissance civile. Une liberté visionnaire qui colle parfaitement à ce blend aux notes complexes et gourmandes de crème brûlée, cannelle, fleur d’oranger et jasmin, à la persistance envoûtante. Ne le manquez sous aucun prétexte.

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Séance de spores

Cèpes, girolles, pieds-de-mouton, trompettes de la mort, mais aussi truffes… Les promenades dans les bois et sur les marchés sont  propices à de belles moissons automnales. Voici cinq suggestions pour accommoder subtilement les champignons.

Recettes et stylisme Séverine Augé

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Photos Pierre Lucet-Penato

RISOTTO AUX CÈPES + DOMAINE SÉRAFIN

GEVREY-CHAMBERTIN 2017

Pour 4 à 6 personnes

Préparation / 15 min Cuisson / 30 min Repos / 1 h 1,2 cl de bouillon de volaille, 15 g de cèpes séchés, 1 échalote ciselée, 2 c. à soupe d’huile d’olive, 300 g de riz carnaroli, 15 cl de vin blanc sec, 250 g de cèpes frais, 20 cl de jus de volaille de qualité, 100 g d’oignons grelots frais, 80 g de beurre, fleur de sel, poivre du moulin

Portez à ébullition le bouillon de volaille et ajoutez-y les cèpes séchés. Coupez le feu et laissez infuser au minimum 1 h. Faites suer l’échalote dans l’huile d’olive, puis ajoutez le riz et faites-le nacrer quelques instants ↗ Déglacez au vin blanc, laissez s’évaporer presque entièrement, puis complétez à hauteur avec le bouillon tiède. Poursuivez la cuisson sur feu moyen en mélangeant régulièrement. Laissez le riz absorber le bouillon avant d’en ajouter ↗ Épluchez les oignons gre lots et coupez-les en deux. Faites chauffer une poêle avec un trait d’huile d’olive et déposez-y les oignons, face plane vers le bas. Laissez-les noircir sur feu vif, puis terminez leur cuisson 5 min à couvert sur feu moyen ↗ Débarrassez-les, puis déposez la moitié du beurre dans la poêle et sai sissez les cèpes émincés. Réchauffez le jus de volaille ↗ En fin de cuisson du risotto, incorporez le reste du beurre, les cèpes sautés et les oignons grillés. Servez avec un trait de jus de volaille. L’accord La délicatesse du pinot, ses parfums de fruits rouges et d’épices viennent ici faire écho au jus de viande corsé et aux cèpes fondants, dans un accord de texture original et savoureux.

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GRATIN DE CHAMPIGNONS + DOMAINE LAURENT MARTRAY CÔTE DE BROUILLY 2018

Pour 4 à 6 personnes Prépa. / 15 min Cuisson / 2 h 800 g de mélange de champignons sauvages (cèpes, girolles, chanterelles, trompettes de la mort), 2 échalotes, 2 carottes, 140 g de poitrine fumée, 20 g de farine, 75 cl de vin rouge, 20 cl de fond de veau, 1 bouquet garni, 800 g de pommes de terre à chair ferme, 10 cl d’huile de tournesol, 120 g de beurre, fleur de sel, poivre du moulin

Saisissez tout d’abord les champignons nettoyés à la poêle dans quelques cuillerées d’huile très chaude. Procédez en plusieurs temps. ↗ Dans une cocotte, faites suer dans 40 g de beurre la poitrine fumée préalablement coupée en lardons, les carottes coupées en rondelles et l’échalote émincée. ↗ Après 5 min, ajoutez les champignons sautés et saupoudrez le tout de farine. ↗ Mélangez, puis versez le vin et le fond de veau, ajoutez le bouquet garni, poivrez, puis laissez mijoter 1h30 à feu doux et à couvert. ↗ Épluchez et coupez les pommes de terre en tranches relativement fines. Déposez la préparation aux champignons dans un plat allant au four, puis couvrez de tranches de pomme de terre en formant une jolie rosace régulière. ↗ Nappez le tout avec le reste de beurre fondu, salez, puis enfournez à 180°C pour 30 min. L’accord Un jeu de correspondance s’établit naturellement entre le fruité croquant d’un gamay à maturité aux saveurs de violette, de fruits frais et de poivre et cette recette aux airs de tradition revisitée, travaillée comme un bourguignon. Effet miroir garanti.

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SAINT-JACQUES À LA TRUFFE + LABRUYÈRE-PRIEUR

CHASSAGNE-MONTRACHET

MORGEOT 1er CRU 2018

Pour 4 personnes Prépa. / 10 min Cuisson / 35 min 20 noix de Saint-Jacques avec corail, 800 g de butternut, 1 beau bouquet de persil, huile de tournesol, 80 g de beurre demi-sel, 1 truffe noire, fleur de sel, poivre du moulin

Épluchez et coupez la butternut en dés. Mélangez-la avec 1 c. à s. d’huile, une pincée de sel, de poivre, et enfournez 30 min à 200 °C en mélangeant à mi-cuisson ↗ Portez une casserole d’eau à ébullition et plongez-y les feuilles de persil. Faites cuire 5 min, puis égouttez et refroidissez dans un bol d’eau glacée ↗ Pressez le persil entre vos mains pour en extraire un maximum d’eau et mixez-le avec un filet d’huile. Laissez infuser à température ambiante au moins 30 min ↗ Une fois cuits, mixez les dés de butternut avec la moitié du beurre en une purée lisse. Dans une poêle chaude, faites chauffer un peu d’huile. Saisissez les Saint-Jacques 1 min de chaque côté pour les marquer, puis baissez le feu et ajoutez l’autre moitié du beurre dans la poêle. Arrosez-les de beurre moussant pendant encore 1 à 2 min en fonction de leur taille ↗ Répartissez dans les assiettes la purée de but ternut et les Saint-Jacques. Ajoutez quelques copeaux de truffe et un trait d’huile de persil. L’accord Entre la puissance de la truffe et la chair élégante et iodée du crustacé, le vin vient lier l’ensemble et révéler chaque parfum dans un accord tout en contraste saisissant.

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ŒUF POCHÉ AUX GIROLLES + DOMAINE ÉRIC FOREST POUILLY-FUISSÉ 1er CRU 2021

Pour 4 personnes Préparation / 20 min Cuisson / 1 h 1 tête d’ail , 1 bouquet garni, 4 œufs, 2 c. à soupe de vinaigre blanc, 1 bouquet de persil, 35 cl de crème liquide, 400 g de girolles, 70 g de beurre demi-sel, 40 cl et 3 c. à soupe d’huile de tournesol, 4 brins de cerfeuil, fleur de sel, poivre du moulin

Dans une casserole, couvrez les gousses d’ail épluchées de 40 cl d’huile de tournesol, ajoutez 1 c. à c. de sel, le bouquet garni et portez à frémissement. Laissez confire 1 h sans couvercle. ↗ Mixez les gousses avec 3 c. d’huile infusée. ↗ Portez une casserole d’eau à ébullition, plongez-y les feuilles de persil. Rafraîchissez dans un bol d’eau glacée. Mixez le persil avec 5 c. d’eau froide. ↗ Dans une cas serole d’eau frémissante, versez le vinaigre, formez un tourbillon avec un fouet et déposez-y succes sivement chaque œuf préalablement cassé dans un ramequin. Laissez cuire 2 min, placez dans un bol d’eau froide. ↗ Chauffez la crème et incorporez la purée de persil. Baissez le feu, salez et poivrez Dans une grande poêle, saisissez les girolles dans le reste d’huile et le beurre. Chauffez la crème, in corporez-y la purée de persil, salez et poivrez ↗ Versez la crème de persil dans les assiettes, ajoutez les girolles et un trait de crème d’ail, terminez avec les œufs égouttés et quelques pluches de cerfeuil L’accord Un blanc ciselé et suffisamment complexe pour enrober la persillade et la délicatesse des girolles de ses fines notes de noisette et de fruits mûrs. Une alliance classique imparable.

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Verres Royal Glass, à retrouver sur Ventealapropriete.com

VELOUTÉ DE PIEDS-DE-MOUTON + CHAMPAGNE KRUG GRANDE CUVÉE 169 e ÉDITION

Pour 4 personnes Prépa. / 15 min Cuisson / 30 min 1 oignon blanc émincé, 4 c. à soupe d’huile de tournesol, 450 g de champignons pieds-de-mouton, 2 branches de céleri, 1 c. à café de graines de fenouil et d’anis mélangées, 2 brins de sarriette, 15 cl de crème liquide entière, 60 cl de bouillon de volaille ou de légumes, 30 g de beurre demi-sel, 50 g de beurre clarifié, 4 tranches de pain de mie, fleur de sel, poivre du moulin

Faites colorer dans l’huile chaude les champignons émincés, puis débarrassez-les et réservez-en une poignée ↗ Faites suer dans la même sauteuse les graines de fenouil et d’anis, une branche de céleri et l’oignon émincés dans le beurre demi-sel. Après 3 min, replacez les champignons dans la casserole, complétez avec le bouillon et ajoutez un brin de sarriette. Laissez mijoter 25 min sans couvrir. ↗ Pendant ce temps, coupez les tranches de pain de mie en cubes. Faites chauffer dans une poêle le beurre clarifié et faites-y revenir les croûtons sur feu vif. Déposez-les sur du papier absor bant, salez-les ↗ Mixez le velouté avec la crème liquide. Retirez les fils du céleri branche restant et coupez-le en brunoise. Faites réchauffer les champignons sautés réservés ↗ Déposez les cham pignons, le céleri, les croûtons et quelques brins de sarriette sur le velouté au moment de servir. L’accord Un champagne d’émotion, vineux et structuré qui rencontrera toutes les textures de ce plat nuancé. Les notes de fruits secs, céréales et froment feront le lien avec les croûtons et, bien sûr, avec le côté sous-bois des champignons, dans une symbiose parfaite.

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Savourer un dessert sans le desservir

4—L’incontournable bûche

Côté recette, privilégiez les fruits de saison (agrumes) ou les fruits exotiques (passion, mangue, litchi, ananas) plutôt que les fruits rouges et associez-leur un moelleux ou liquoreux de Loire aux parfums de fruits confits et de pâte de fruits : Vouvray, Ven danges Tardives d’Alsace ou Sélection de Grains Nobles, Jurançon ou vin de paille du Jura… Avec une bûche aux marrons, servez un verre de porto tawny ou un maury hors d’âge et enfin, avec la bûche au chocolat, un porto vintage ou un banyuls millésimé, ou encore un maury aux notes de datte, de fruits secs, de cacao et de rancio.

5—Le règne de la châtaigne De saison, la châtaigne est l’un des ingré dients majeurs des fêtes. Outre la bûche, on peut la retrouver dans le mont-blanc, en entremets avec de la poire, associée au chocolat ou à une chantilly. Préparée avec une crème d’amande et du chocolat, en tarte par exemple, elle s’accompagnera bien d’un Rivesaltes ou d’un Maury aux notes de fruits secs, de pralin et de cacao. Plus original, un saké âgé (Koshu), aux parfums de sésame torréfié, de datte et de thé noir.

1—La recette du sommelier : mariez les couleurs ! Pour être (quasiment) sûr de ne pas commettre d’impair, il suffit d’associer le vin à la couleur du mets choisi. Par exemple, alliez les fruits jaunes ou les mets approchant cette coloration à des vins dorés, c’est-àdire des liquoreux aux beaux parfums de fruits confits et de fruits secs. Par exemple, un tokay hongrois, un coteaux-du-layon ou un jurançon moelleux avec un dessert à la vanille, une crème brûlée ou un financier. Avec les desserts plus sombres – à la figue, au chocolat, à la noisette ou au caramel –, on optera pour un vin rouge liquoreux, de type Maury ou Banyuls.

2—Les fautes de goût

Il y en a toujours quelques-unes, forcément ! À commencer par l’hérésie suprême : le champagne brut avec le chocolat. Nous l’avions évoqué dans nos pages, le cham pagne ne fait généralement pas bon ménage avec les desserts, à moins de privilégier une recette très pauvre en sucre. Dans ce cas

précis, on peut effectivement équilibrer l’accord en choisissant un champagne doux ou demi-sec. Dans la même veine, on évitera aussi le sauternes avec le chocolat, de même que tous les liquoreux en général afin de ne pas ajouter du sucre au sucre… et d’annuler l’effet souhaité.

3—L’accord magique

Liquoreux et agrumes sont de fabuleux com pagnons, s’accordant à merveille et faisant mouche à tous les coups. Essayez donc un muscat du Cap Corse avec un soufflé chaud ou glacé à la mandarine ou au cédrat. Ou bien un sauternes avec des crêpes Suzette. Dans la même idée d’accord imparable, les fruits exotiques aiment aussi les beaux liquoreux. Essayez simplement une salade de litchis avec un gewurztraminer vendanges tardives d’Alsace, un jurançon moelleux avec de la mangue fraîche, un moscato d’Asti sur une tarte aux poires bourdaloue ou une salade d’oranges, ou encore un cerdon du Bugey avec un sabayon aux fruits rouges.

6—Le cas des fruits à coques Amande, noix, noisette, pistache, noix de pé can sont légion en hiver. Ces fruits riches en resvératrol – comme les pépins de raisins ! –sont assez faciles à marier. Cap au Sud, avec toute la série des vins doux naturels (Maury, Rasteau, Rivesaltes) qui offrent un rancio idéal (évolution des arômes vers des notes de fruits secs, justement). Plus insolites, mais tout aussi convaincants, un macvin rouge du Jura ou un pineau des Charentes.

7—Privé de dessert !

Qui n’a jamais renoncé au dessert après un repas festif ? Qu’à cela ne tienne, les « vins de méditation » se suffisent à eux-mêmes tant leur sucrosité naturelle les rapproche d’une liqueur et tiennent facilement lieu de des sert. Concluez ainsi votre repas sur un Pedro Ximénez, un vin de voile andalou aux notes de fruits secs, figue et cacao. Et si vraiment vous deviez succomber, associez-le à un moelleux chocolat-noisette au cœur coulant ou un paris-brest au praliné… Irrésistible !

8—Un

pas de côté

Les spiritueux sont de plus en plus prisés des amateurs, mais leurs accords restent parfois difficiles à cerner. C’est le moment ou jamais de servir le grand jeu des associations : un vieux rhum et un dessert à l’ananas, une li queur de cerise et l’indémodable forêt noire, un whisky tourbé et une mousse au chocolat.

VÉRONIQUE RAISIN /

50 — Racines Dégustation Douceurs
Voici huit précieuses recommandations pour accorder vins et saveurs sucrées avec doigté et un zeste d’audace.
Photo : Kristy Snell/Stock Food/Adobe Stock

La nouvelle ère du whiskey

« L’HISTOIRE du whiskey irlandais est marquée par une répression répétée de la part des Britanniques, dès le XVIIe siècle, avec l’Excise Act (1661) qui, en instaurant une forte taxe, fait entrer sa production dans la clandestinité. Le pays compte, à la fin du XVIIIe siècle, plus de 2 000 alambics illégaux » raconte Cyrille Mald, auteur du livre de référence Whisky (Hachette/EPA). « D’ailleurs, poursuit-il, “whisky” désignait alors la production illégale, et “whiskey” celle qui était légale et bénéficiait d’une licence. À la fin du XIXe siècle, ce dernier bénéficie d’une excellente réputation internationale et domine les marchés écossais et américain, mais la guerre d’indépendance (1919-1921), l’embargo du Royaume-Uni sur les produits irlandais et la prohibition américaine ont bien failli sonner le glas du whiskey irlandais. D’une industrie florissante, il ne subsistait alors, à la fin des années 1960, que trois distilleries fragilisées. » Depuis, une nouvelle dynamique est en marche et Powerscourt, distillerie née en 2018, en est la parfaite illustration. Située à Enniskery, à 40 kilomètres au sud de Dublin, elle est proche des meilleures terres de production d’orge d’Irlande, embrasse un paysage à couper le souffle avec, depuis ses splendides jardins, une vue imprenable sur les verdoyantes Wicklow Hills.

Alambics, bois et forts caractères Pure et naturellement filtrée, l’eau est ici puisée dans un lac souterrain. La sélection d’un premier stock de fûts permettant aujourd’hui à la distillerie Powerscourt de lancer des whiskeys de plus de quatre ans d’âge et les premières distillations in situ ont

été supervisées par l’expert Noel Sweeney, maître distillateur maintes fois récompensé et membre fondateur de l’Irish Whiskey Association. Les distillations, majoritairement triples ici – comme c’est la tradition en Irlande – sont le fruit d’alambics signés Forsyths, la crème de l’artisanat écossais depuis la fin du XIXe siècle. Elles sont aujourd’hui chapeautées par Paul Corbett, au CV impressionnant et dont les expertises de Master Distiller et Master Blender ont été saluées aux Icon Whisky Awards, en 2020. Les vieillissements en vieux fûts de bourbon de chêne blanc américain pour les temps longs et parfois en fûts jeunes pour la finition confèrent subtilité, douceur et élégance aux whiskeys Fercullen.

Duo tout en singularités

Bien que le Fercullen huit ans d’âge et le Single Grain 10 ans d’âge aient tous deux reposé patiemment dans de vieux fûts de bourbon qui leur apportent ces notes communes de vanille douce et d’amande, légèrement épicées, chacun cultive ses signes particuliers. Le premier est un assemblage à la fois de Grain whiskey (du maïs à 94 % et 6 % d’orge maltée) distillé dans un alambic à colonne (pour une distillation continue, contrairement au pot still, où la distillation est dite « à repasse ») vieilli huit ans et de différents Malt whiskeys, issus d’une double distillation en pot stills et vieillis

Ci-dessus : la cascade haute d’environ 120 mètres présente sur la propriété de Powerscourt.

Ces deux références incarnent le savoirfaire irlandais et le style inimitable de la distillerie Powerscourt.

pour certains d’entre eux jusqu’à 16 ans. En bouche, il est onctueux avec des touches à la fois maltées et caramélisées. La finale a une belle longueur avec des notes subtiles de bois de chêne grillé qui prédominent. Le second est un Single Grain produit à partir de céréales non maltées, ici du maïs, distillé en alambic à colonne. Aux 10 années durant lesquelles il s’est patiné en vieux fûts de bourbon, s’ajoute une méticuleuse finition de six mois en fûts jeunes, pour un dernier coup de pinceau aromatique. Au nez, les notes d’agrumes sont ici plus prononcées. À la dégustation, la finale est d’abord très soyeuse et se développe dans une élégante harmonie de notes de chêne et de vanille.

Racines 51 Photos : Claire Wilson/Powerscourt ; fotos.ie ; DR Ailleurs
En moins de cinq ans, avec ses flacons Fercullen multirécompensés, la distillerie Powerscourt s’est forgé une réputation d’excellence.

Beaune, souveraine en ses domaines

Cap sur la Côte-d’Or, en Bourgogne : si la Côte de Beaune s’étend sur 30 petits kilomètres, elle rayonne dans le monde entier. Entre vins d’excep tion et villages attachants, on savoure ici l’essence d’un terroir.

toutes dispersées.

En ville, une enseigne sur deux touche de près ou de loin à l’univers du vin et au tourisme que l’activité suscite : maisons de négoce, commerces de bouche et bien sûr hôtels, cafés, restaurants… Tout semble mis en œuvre pour que l’on puisse déguster, mais aussi éduquer son palais aux précieux nectars. Parmi les lieux iconiques de cette transmission de la mémoire, il y a bien sûr les Hospices de Beaune, reconnaissables entre mille avec leur toiture colorée en tuiles vernissées, qu’un couple philanthrope de l’époque (1444), Nicolas Rolin et Guigone de Salins, a fait construire pour venir en aide aux plus démunis. Depuis plus d’un siècle et demi, ce monument est devenu un pilier du paysage viticole grâce à ses parcelles de vignes (60 hectares) reçues en donation, et plus encore, sa vente caritative de vins pri meurs organisée chaque troisième dimanche de novembre et qui tutoie désormais les som mets. En 2018, les enchères atteignaient la somme record de 14,2 millions d’euros pour 828 barriques vendues.

ALOXE-CORTON, Beaune, Pommard, Meursault, Auxey-Duresses, PulignyMontrachet, Chassagne-Montrachet… Les noms défilent sur la carte de la Bourgogne à la manière d’un inventaire de vinothèque idéale. Déployée sur 30 kilomètres du nord au sud et deux de large, la Côte de Beaune est une sorte de pays de cocagne pour les amateurs de pinot noir et de chardonnay (cépages quasi exclusifs de la Bourgogne depuis un décret de 1937). Avec ses quelque 6 000 hectares, ce territoire ne représente pourtant guère plus de 20 % de tout le vignoble bourguignon. Mais qu’importe la quantité, puisque la Côte de Beaune tient son rang avec ses huit Grands Crus, ses 331 Premiers Crus et ses 19 appellations commu nales sur les 44 que compte la Bourgogne.

La ville de Beaune, située au cœur des vignes, cristallise d’une certaine manière cette aura viticole qui touche le plus grand nombre, à commencer par les vignerons. « Je suis originaire du Beaujolais, je me suis notamment formé en vallée du Rhône et pour tant, il y a une trentaine d’années, j’ai choisi de m’établir à Beaune, tout simplement parce que le vignoble alentour correspond parfaitement à ma manière de révéler le terroir par le vin », souligne le talentueux vinificateur et négo ciant Philippe Pacalet. De même que Nicolas Rossignol, avec des parents natifs de deux villages très distants dans la côte, Volnay et Pernand-Vergelesses, a finalement décidé d’édifier sa base à Beaune, afin de faciliter la logistique entre ses différentes parcelles,

Et puis, en se perdant – volontairement dans le centre historique, un détail frappe l’oreille : les promeneurs croisés conversent souvent en anglais, espagnol, allemand, japonais… Comme si l’on se trouvait, finalement, dans une grande métropole internationale. D’ailleurs, nombreux sont les étrangers à être tombés sous le charme de cette bourgade de 20 000 habitants au point de s’y installer. À l’image de la moitié de l’équipe – japonaise – de la cave à manger La Dilettante, ainsi que des chefs des res taurants La Lune et Bissoh ou bien encore de cette cuisinière américaine qui a décidé il y a une quinzaine d’années de fonder ici The Cook’s Atelier, une école de cuisine.

Ci-dessus : plat automnal du restaurant 1 étoile Michelin de l’Hostellerie Cèdre & Spa, à Beaune. Page de droite : Hospices de Beaune et vignes à Meursault.

52— Racines
Dégustation Escapade
Photos : Christophe Fouquin ; Eléonore Horiot / Adobe Stock ; MangAllyPop @ER / Adboe Stock

« C’est “l’effet Beaune” chez les amateurs de vin qui accourent du monde entier pour connaître cette Mecque viticole et déguster sur place les références qu’ils ont pu découvrir durant un repas dans leur pays », nous fait-on remarquer à l’Hostellerie Cèdre & Spa, l’un des trois 5 étoiles implantés en centre-ville. Bordant les remparts dans un cadre verdoyant, et bé néficiant d’une table récemment distinguée d’une étoile par le guide Michelin, Le Cèdre est évidemment un repaire de choix pour la clientèle cosmopolite voulant faire de son séjour un moment inoubliable.

Pommard, volnay & monthélie

Si la raison principale d’une visite à Beaune tient à la qualité des vins que l’on peut y boire, la cité bourguignonne vaut aussi le détour pour la beauté de ses paysages. Comme on peut le constater sur une carte, à peine sorti des faubourgs de Beaune – par le sud –, les grandes appellations se succèdent, tel un inventaire magique. Rien que pour rejoindre Meursault, par la route traversant les vignes, on s’imagine déjà en train de dé guster un verre de pommard, ou un volnay et pourquoi pas un monthélie, mais surtout, on prend pleinement la mesure de ce territoire agricole particulièrement harmonieux. Le vignoble, entretenu avec soin par l’homme, répond dans le même temps à ce que la terre lui impose. À l’origine de ces découpages très graphiques, ce que l’on appelle ici des climats suivent scrupuleusement les ca ractéristiques minérales des sols, et de fait,

définissent les appellations. Ces parcelles, inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’unesco et qui seront au centre de toutes les attentions dans la future Cité des climats et vins de Bourgogne à Beaune, sont souvent délimitées par des murets en pierre sèche et bordées par des routes et des chemins de terre qui permettent de venir y travailler… et, de plus en plus, d’y randonner ou encore d’y pédaler. Ainsi, détail charmant, il n’est pas rare de voir des nuées de petits points colorés se déplacer au milieu de la verdeur de la vigne, quelle que soit la météo.

Alors forcément, l’offre touristique se met au diapason de cet œnotourisme qui dépous sière le concept monothématique de route des vins. À Pommard, l’Américain Michael Baum, fondateur de founder.org entend faire du château un nouveau repaire d’hospitalité ouvert aux promeneurs ; à Levernois, on pro fite justement d’être légèrement à l’écart des vignes pour déployer un Relais & Châteaux avec golf et table bistronomique. À Meur sault, c’est un établissement très ancien, rebaptisé Le Globe, qui s’est transformé en boutique-hôtel, avec son design plus urbain que rural qui lui confère une nouvelle dynamique. Pas très loin, sur la « grande » route, un restaurant à la cuisine créative, Le Soufflot, relève le défi de proposer 1 200 références de vin. À la carte, rien de moins que la fine fleur des domaines coups de cœur de Ventealapropriete, en Bourgogne (Du reuil-Janthial, Labruyère, Trapet, Girardin, Bouzereau…) comme dans les autres régions.

Plus au nord, d’autres trésors Évidemment, cette hospitalité remise au goût du jour se joue autant dans sa partie sud qu’au nord de l’agglomération. Pour la rejoindre, plutôt que de traverser à nouveau Beaune, pourquoi ne pas emprun ter la route de la « montagne » en passant par Nantoux et Meloisey – la vigneronne Agnès Paquet y dispose d’ailleurs de deux gîtes – afin de découvrir le vignoble souvent moins connu des Hautes Côtes de Beaune. Certes, il n’est plus ici question de grands crus, mais les vins, notamment des Aligo tés, autant que les paysages qui les portent, méritent l’attention des vrais amateurs. Le vignoble devient alors moins dense, la forêt, mais aussi d’autres cultures, font leur apparition. C’est une Bourgogne sans fards, mais d’autant plus variée, qui prend

De haut en bas : le chef Jordan Billan et son équipe de l’Hostellerie Cèdre & Spa, à Beaune ; une recette à la carte du restaurant Le Soufflot ; le vigneron Vincent Rapet. Page de droite : dans le chai du domaine Chandon de Briailles.

54 — Racines Dégustation Escapade
Photos : Christophe Fouquin ; Thierry Gaudillère ; DR

Carte

NBessey-en-Chaume

CÔTE-D’OR

Ru

Corgolin

Levernois

Bligny-lès-Beaune

Meursanges

Saint-Aubin

Sainte-Mariela-Blanche

SÉJOURNER, SE RESTAURER

Hostellerie Cèdre & Spa

10, boulevard du Maréchal-Foch, 21200 Beaune ; 03 80 24 01 01, cedrebeaune.com. Menus : 55 €, 75 € et 95 €. Chambres : à partir de 315 €

Le Globe 17, rue de Lattre-de-Tassigny, 21190 Meursault ; 03 80 21 64 90, hotel-globe.fr. Menus déjeuner : 23 € et 28 € ; dîner : 49 €, 55 €, 65 € et 75 €. Chambres : à partir de 115 €

Le Soleil 1, allée des Tilleuls, 21420 Savignylès-Beaune ; 03 80 20 21 02, lesoleil-savigny.fr. Carte : 40 €. Chambres : 120 €.

soudain forme devant nos yeux. Une fois passé Bouze-lès-Beaune, la route redescend à travers les bois, vers Savignylès-Beaune. Ce village au patronyme sans doute moins médiatique que ceux cités précédemment n’est pourtant pas en reste côté vignoble. Ce ne sont pas Claude et François de Nicolay, au Domaine Chandon de Briailles, qui démentiront ce constat si l’on en juge par l’extraordinaire qualité de leur vin. D’autant que leur production tire aussi partie des terroirs voisins de Pernand-Vergelesses, bien connu pour ses blancs et d’Aloxe-Corton, incontournable pour ses rouges. Là encore, se faufiler entre les climats permet de bien saisir toute la complexité du terroir, ses lignes de ruptures comme ses points de similitude. Ce que propose volontiers de faire Vincent Rapet, installé à « Pernand », en nous entraînant sur les versants de la colline Charlemagne voisine, relief bien connu pour ses grands crus. Comme s’il était parfois plus simple de livrer au regard ce que des paroles auraient peut-être du mal à exprimer.

Enfin, s’il fallait une ultime pause dans les parages avant de reprendre la route, c’est la porte du Soleil qu’il faut aller pousser, comme une bonne surprise de fin de par cours. Loti dans une maison au fond d’un jardin, au cœur du village de Savigny, ce bistrot est une aubaine. La maîtresse des lieux, Lola Taboury-Bize assure le gîte (trois chambres), mais surtout le couvert et pro pose un bel éventail de vins majoritairement

estampillés biodynamie, avec peu voire pas de soufre parfois. Ici, il est hautement recommandé de venir à plusieurs pour goûter les plats de la cheffe Laila Aouna et multiplier la dégustation des références vigneronnes. Pas d’inquiétude, puisque l’on sait éventuellement où passer la nuit.

Un peu plus tard, une fois rentré dans ses pénates, on prendra d’autant plus de plaisir à visionner, voire revisionner le très atta chant long-métrage Ce qui nous lie (2017). Dans ce formidable décor naturel de la Côte de Beaune, le réalisateur Cédric Klapisch raconte, en suivant le rythme des saisons, l’histoire d’une fratrie dont la passion du vin va refaçonner les liens. Un joli moment pour revivre l’itinérance vécue en laissant la fic tion se mêler à la réalité.

La Dilettante 11, rue du Faubourg-Bretonnière, 21200 Beaune ; 03 80 21 48 59. Carte : 25-35 €

Le Bistrot du bord de l’eau 8, rue du Golf, 21200 Levernois ; 03 80 24 89 58, levernois.com Menus déjeuner : 30 €, 35 € et 40 € ; dîner : 43 € et 49 €

Le Soufflot 8, route nationale 74, 21190 Meursault ; 03 80 22 83 65, restaurant-meursault.fr. Menus déjeuner : 40 € ; dîner : 60 € et 80 €

LES À-CÔTÉS

Hospices de Beaune

Le cadre idéal de la plus ancienne des ventes viticoles de charité au monde. hospices-de-beaune.com

Musée du vin

Pour tout comprendre des appella tions locales dans l’hôtel des Ducs de Bourgogne. beaune.fr

Château de Savigny-lès-Beaune Amateurs de voitures de course, la collection de modèles Abarth vous attend. chateau-savigny.com

The Cook’s Atelier

Incontournables, les cours de cuisine de la cheffe américaine Marjorie Taylor. thecooksatelier.com

Plus d’informations : bourgogne-tourisme.com

Racines 55
OLIVIER RENEAU / Meursault Monthélie Volnay Pommard Savigny-lès-Beaune Pernand-Vergelesses BEAUNE Chassagne-Montrachet Puligny-Montrachet Auxey-Duresses Aloxe-Corton SAÔNE-ET-LOIRE ey-lès-Beaune Vignoles Saint-Romain Baubigny Meloisey Nantoux Photos : Fabrice Leseigneur. : James Eric Jones

Le homard, aristocrate des mers

Avec sa chair ferme et ses saveurs prononcées, ce crustacé se prête à de subtiles alliances. En voici trois, entre classicisme et audace.

Sur un homard au beurre Préalablement ébouillanté, puis simplement tranché en deux, badigeonné de beurre pommade auquel on a ajouté de l’estragon et de l’ail frais ciselés, le crustacé est ensuite assaisonné et passé rapidement sous le gril d’un four ou une salamandre. Une recette à la fois rapide et délicieuse qui appelle un vin blanc, nécessairement, à la fois structuré et délicat, comme un champagne à dominante de chardonnay où la fraîcheur reine apportera de l’énergie au plat ; en tout état de cause, un vin qui a de la profondeur et de la concentration pour faire écho à la chair du homard, avec un boisé noble pour équilibrer la recette. Essayer Champagne de Saint-Gall, Blanc de Blancs 1er Cru. Pur chardonnay élevé longuement en cave, ce champagne raffiné, à la fois riche et fuselé, viendra enrober avec délicatesse le crustacé et lui offrir toute sa complexité et sa fraîcheur.

Avec un homard à l’armoricaine

La fameuse sauce armoricaine (aussi appelée « à l’américaine »), à base d’huile d’olive, d’oignon, de tomate, de cognac et de vin blanc met en valeur la chair savoureuse du crustacé. Cette recette d’origine provençale est connue depuis 1853, mais c’est une erreur du Larousse gastronomique qui la transforma en « armoricaine » ! Toujours est-il que ce plat assez riche doit être associé à un blanc, impérativement. Avec suffisamment d’opulence et de texture pour se mesurer à la sauce, riche et goûteuse. En valeurs sûres, bourgogne, hermitage ou châteauneuf-du-pape. Beaucoup plus original : un très beau sancerre.

Essayer Domaine Didier Dagueneau, Sancerre Blanc En Chailloux 2017. Le nec plus ultra du sauvignon, sur la texture, suffisamment puissant et complexe pour tenir tête à cette recette haute en couleur.

Pour accompagner une salade de homard, vinaigrette aux agrumes Cette recette froide escortée d’une vinaigrette – idéalement au pamplemousse – agrémentée d’herbes fraîches ou de cerfeuil, appelle un blanc étoffé, avec du gras, qui joue sur le contraste de température et complète le registre fruité du plat. Un viognier (Condrieu ou Château Grillet) ou un riesling d’Alsace Grand Cru ont ainsi toute leur légitimité ici, offrant une palette de saveurs qui épouseront la fine amertume de l’agrume. Notre préférence va à un beau chardonnay de Bourgogne, une piste classique et pertinente qui fait mouche à tous les coups.

Essayer Maison Roche de Bellene, PulignyMontrachet 1er cru Perrières Blanc 2019. Noble et pâtissier dans ses arômes, cet ensemble concentré est suffisamment généreux pour contrer l’acidité naturelle du plat.

56 — Racines Dégustation Accords
Photo Pierre Lucet-Penato

Boire bon, manger bien

Roanne, Loire—

Le Central

Le choix de Christian Martray. Dans la galaxie Troisgros, cette adresse compose entre bistrot, cave et épicerie. On s’y précipite pour savourer des plats mitonnés ou épurés. La cuisine du mar ché est supervisée par Michel Troisgros en personne – une gamme courte assortie de suggestions du jour, le tout escorté de crus notables mettant la Côte Roannaise à l’honneur. Stéphane Sérol, Romain Paire, Les Bérioles s’y côtoient aux côtés de pépites comme les bourgognes blancs de Roulot ou Coche-Dury à 75 € et 85 € la bouteille… Une merveille de rapport qualité-prix. Essayer Saint-Pourçain Domaine des Bérioles d’Ici et d’Ailleurs Blanc 2021, 30 € ; Maranges Domaine Chevrot Blanc 2020, 45 € ; Côte Roannaise Domaine Sérol Les Blondins Rouge 2020, 30 € ; Côtes-duRhône Domaine Jamet Rouge 2019, 48 €. Infos pratiques 20, cours de la République, 42300 Roanne. Formule en trée+plat à 30 € ; entrée, plat, dessert à 37 €. À la carte, 70-80 € env. (troisgros.fr).

Chablis, Yonne Wine Not

52 Faubourg Saint-Denis

Le choix d’Alaric de Portal.

On y va sur un coup de tête, par exemple en sortant du théâtre. On se glisse alors dans cet antre de l’étonnement, prompt à piquer la curiosité par ses bouteilles en perpétuel renouvellement, sa bonhomie de quar tier affranchie des modes. Carte courte impeccablement troussée, décor brut, vins idoines avec – c’est assez rare pour le souligner – un coefficient multiplica teur propice à jouer les prolongations. Les produits « retour de marché » changent chaque semaine et accompagnent un verre de Sancerre de Vacheron, une roussette de Savoie de Fabien Trosset ou quelques crus transalpins bien sentis.

Essayer Menetou-Salon Morogues

Domaine Pellé 2020, 36 € ; Champagne Pierre Péters Cuvée de Réserve, 59 €. Infos pratiques 52, rue du Faubourg Saint-Denis, 75010 Paris. À la carte : 35 € env. (faubourgstdenis.com).

Le choix d’Olivier Poussier. Bar à vin, cave, restaurant. Avec plus de 1500 références au compteur alignant toutes les têtes d’affiche, cette adresse orchestrée par Fabien Espana vaut plus que le détour. C’est une véritable caverne d’Ali Baba où la Bourgogne est dignement incarnée, flanquée de tous les cadors régionaux, Chave, Gonon, Dagueneau, Opus One, Niepoort, quelques beaux crus classés de Bor deaux et les plus belles étiquettes de Loire et du Sud. Des flacons à allier aux belles viandes maturées sur place et tapas du moment, une cuisine de partage, pointue et efficace, propice à jouer la paire facilement. De quoi largement étancher sa soif ! Essayer Chablis Jean-Pierre Grossot 1er Cru Fourchaume 2018, 49 € ; Antoine Sanzay Saumur-Champigny Les Poyeux 2017, 53 € ; Chambolle- Musigny 2017 du Domaine Dujac, 180 € ; Languedoc Les Vignes Oubliées 2020, 32 € ; Trevallon 2018, 110 €. Infos pratiques Rue des Moulins, 89800 Chablis (chabliswinenot.com).

57
Le comité de sélection de Ventealapropriete choisit évidemment ses tables préférées à travers leur carte des vins. Ce trio a tout bon.
Paris, Île-de-France—
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1. Charles Compagnon, restaurateur propriétaire du 52 Faubourg Saint-Denis | 2. À la carte du Central : recette de moules au parmesan.
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Photos : Nathalie Mohadjer ; Félix Ledru ; Nathalia Guimaraes

Plaisir d’offrir…

« QU’EST-CE QU’ON apporte ? ». Voilà la question rituelle à laquelle nous avons tous été confrontés un jour ou l’autre, que l’on soit dans la peau de celui qui la pose ou de celle qui la reçoit. Elle déboule aussitôt après l’acceptation d’une invitation à partager un repas. Courtoisie bien ordonnée, on n’est pas encore à table que l’on veut déjà rendre la monnaie de son hospitalité à son futur hôte. Et c’est là que les ennuis commencent. Si l’on connaît tout Jacques Brel, on appor tera « des bonbons, parce que les fleurs c’est périssable ». Lecteur et lectrice de ces pages, sans surprise, vous seriez plutôt du genre à débarquer avec des bouchons.

Aux amis sûrs les beaux flacons Du vin en cadeau, certes, mais quel vin ? Si l’on connaît mal ses convives, on est bien embarrassé. Sont-ils amateurs ou débutants ? Sont-ils susceptibles d’apprécier le soyeux des tanins d’un Premier Grand Cru Classé Figeac 1961 ? Ont-ils mauvais goût au point de vous préparer un kir royal à la liqueur de cassis de grand-mère avec le contenu de votre magnum de champagne Salon 1996 ?

Au risque de passer pour un radin, évitons de nous ruiner en donnant des bulles aux cochons. Réservons les beaux flacons aux amis sûrs. Ces agapes-là sont les plus belles,

la convivialité et la découverte entre gens ouverts d’esprit, initiés, si ce n’est experts, font les dîners réussis.

Lors de la transaction, pour se prémunir de l’incurie du néophyte, il est hautement recommandé d’ajouter des instructions : « Je te conseille de la mettre au frais » ou « pour moi, elle est à bonne température, évitons le frigo », voire « si j’étais toi, je le caraferais ». En dépit de ces précautions oratoires, il faut se faire une raison, le destin de l’offrande li quide finit toujours par nous échapper. Dans le doute, il est préférable de ne pas même miser sur la probabilité de la revoir. Ce vain espoir est souvent douché, laissant place au goût amer de l’absence, pire, à la vision bouleversante de sa bouteille abandonnée dans un coin, seule et désemparée.

Le respect de l’étiquette

Cela dit, le code des bonnes manières est formel, le récipiendaire ne doit en principe pas déboucher la bouteille offerte le jour même, mais à l’occasion de la visite suivante de son généreux donateur. À condition de rester amis à la sortie d’un dîner où l’on se sera peut-être vu infliger, en guise de double peine, une piquette infâme au lieu du nectar que l’on avait choisi.

Mais, si tout se passe bien, le maître et

la maîtresse de maison sont censés avoir préparé les accords idoines, on les vexerait en remettant leurs choix en cause.

Moulin à Vent pour brasseuse d’air

Pour s’affranchir de ces dilemmes, on peut se rabattre sur l’idée du message plus ou moins caché derrière l’étiquette. Un saint-amour pour une déclaration, un Château ChasseSpleen pour un collègue déprimé ou un Moulin à Vent du Domaine Anita, pour une camarade du même nom qui brasse un peu d’air. Attention, le risque d’incompréhension n’est pas exclu, surtout si l’on se trompe de fiasque et de destinataire. On évitera ainsi de fanfaronner avec un Château Ausone 1982 dans sa besace chez l’inspecteur des impôts auprès duquel on a quémandé une remise sur son dernier tiers, ou de tendre avec entrain un Chambolle-Musigny 1er Cru Les Amoureuses 1949 du Domaine Leroy au bon copain à qui l’on a emprunté de l’argent pour finir le mois.

Pour s’épargner tous ces tracas, le plus sûr serait peut-être de s’offrir à soi-même les bouteilles dont on rêve et de les déguster en solitaire. On y perd indéniablement le plaisir de la convivialité dont le vin est le meilleur ami, mais on y gagne en tranquillité. Ne me remerciez pas pour ce conseil, c’est cadeau. STÉPHANE

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58 — Racines Illustration Sébastien Plassard Dégustation Dernière gorgée
Du vin en cadeau ? Cet acte de générosité, parfois périlleux, donne aussi lieu à de petits miracles qui réconcilient avec le genre humain.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

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