La Gazette - Refugee* Food #03

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LA GAZETTE ÉDITION 2O22

#03

édito

© BEA UHART / UNHCR

Quelle meilleure manière d’accueillir l’autre que de l’inviter à sa table ? Nous sommes convaincus, au sein de l’association Refugee Food*, que la cuisine et les repas partagés sont essentiels pour créer des liens, apprendre les uns des autres, se raconter, et pourquoi pas, apprendre un métier derrière les fourneaux. C’est le grain de sel que nous apportons à l’édifice de l’accueil. Mais cela ne suffit pas. L’année a été marquée par de terribles drames – la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan, le déclenchement de la guerre en Ukraine – qui ont contribué, entre autres, à mettre des millions de personnes sur la route de l’exil, pour échapper à la mort, aux persécutions ou pour retrouver les chemins de la liberté. La gazette que vous tenez entre vos mains propose quelques clés de lecture des trajectoires migratoires, de l’échelle mondiale à l’échelle individuelle. S’informer, échanger, et agir : voici les maîtres-mots de ce numéro, incarnés dans un éclairage géopolitique, des récits de vie marqués par une passion commune de la cuisine, et des manières concrètes de s’engager, avec nous et auprès de formidables initiatives partout en France. Ou comment faire preuve d’une hospitalité digne des personnes qui en ont besoin. Bonne lecture.

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Un monde de réfugiés. Carte, définitions et paroles d’experts.

sommaire

Parcours de vie. Six portraits de cuisiniers et cuisinières venus d’ailleurs.

Plats d’ici, ingédients d’ailleurs. Zoom sur six icônes voyageuses.

Le mama ganouj de Nabil Attard. Une recette pour célébrer le métissage.

Olivier Roellinger. Rencontre avec un chef citoyen du monde.

Engagez-vous ! Mode d’emploi pour apporter son aide aux réfugiés.


Un monde de réfugiés SITUATION EN SYRIE

26,4

MILLIONS

de personnes sont des réfugiés (ont traversé des frontières).

PRINCIPAUX PAYS D’ORIGINE* (en 2020) SYRIE / 6,7 M

Seuls quelques pays accueillent l’immense majorité des réfugiés internationaux. Voici quelques chiffres clés pour y voir plus clair.

La guerre civile syrienne, déclenchée en 2011 par la répression meurtrière de manifestations pacifiques prodémocratie, a peu à peu évolué en un conflit armé complexe impliquant des factions rebelles, des groupes djihadistes et des puissances étrangères. • 6,6 millions de réfugiés syriens à travers le monde. • 5,7 millions sont accueillis dans des pays voisins de la Syrie, dont 65,8 % en Turquie. • 6,7 millions de déplacés internes. • 13,4 millions de personnes dans le besoin en Syrie.

200 MILLIONS

de personnes auront besoin d’une

VENEZUELA / 4 M AFGHANISTAN / 2,6 M

aide humanitaire en 2050 en raison des

SOUDAN DU SUD / 2,2 M

catastrophes climatiques.

MYANMAR / 1,1 M

PRINCIPAUX PAYS D’ACCUEIL* (en 2020) TURQUIE / 3,7 M COLOMBIE / 1,7 M PAKISTAN / 1,4 M

5 PAYS

OUGANDA / 1,4 M ALLEMAGNE / 1,2 M

accueillent au moins 1,2 million de réfugiés et de déplacés vénézuéliens.

SITUATION AU VENEZUELA Les habitants continuent de quitter le pays, chassés par la violence, l’insécurité, les menaces ou encore les pénuries de nourriture, de médicaments et de services essentiels. Il s’agit de l’une des situations de déplacement les plus importantes au monde. • 5,9 millions de réfugiés et de migrants à travers le monde, en grande majorité dans des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. • Plus de 850 000 demandeurs d’asile originaires du Venezuela à travers le monde.

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SITUATION AU SAHEL Le Sahel traverse l’une des crises de déplacement la plus rapide au monde : depuis dix ans, les déplacements ont été multipliés par dix. Et c’est pourtant l’une des crises les plus ignorées. En raison des violences perpétrées contre les civils par des groupes armés : • 2,8 millions de déplacés internes. • Plus de 800 000 refugiés et demandeurs d’asile à travers le monde.


LES MOTS JUSTES

SITUATION EN UKRAINE Suite à l’invasion du pays par la Russie, engagée en février 2022, les Ukrainiens quittent le pays ou se réfugient dans des territoires ukrainiens encore à l’abri des offensives militaires. Au 16 mai 2022 : • Plus de 6 millions de réfugiés auraient déjà fui vers les pays voisins et ce nombre ne cesse d’augmenter. • Plus de 7 millions de personnes seraient déplacées au sein de l’Ukraine.

Migrant Personne qui franchit une frontière internationale régulièrement ou irrégulièrement et qui reste dans un pays qui n’est pas son pays d’origine pendant une période d’au moins un an. Réfugié Selon la Convention de droit international de Genève (1951), c’est une personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou - du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays. Déplacé Selon le HCR, c’est une personne qui doit quitter son foyer pour des raisons de sécurité ou environnementales. Les déplacés comprennent (1) les déplacés internationaux (réfugiés) et (2) les déplacés internes, c’est-à-dire les personnes qui migrent au sein de leur pays. Demandeur d’asile Statut déclaratif de quelqu’un qui est en procédure d’asile et attend la reconnaissance de son statut de réfugié.

50 %

des réfugiés, déplacés internes et apatrides dans le monde sont des femmes ou des filles. SITUATION EN AFGHANISTAN

SITUATION AU YÉMEN Après plus de six ans de conflit, la crise humanitaire au Yémen demeure la plus sévère au monde et des millions de déplacés yéménites pourraient sombrer sous peu dans la famine. • 2/3 de la population dépendent de l’aide humanitaire pour survivre. Cela représente plus de 23 millions de personnes. • Plus de 4 millions de déplacés internes.

Le pays est en proie à une crise humanitaire et de déplacement forcé. Plus d’un demi-million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays depuis début 2021 – et le nombre de personnes forcées de fuir continue d’augmenter. • 2,2 millions de personnes sont des réfugiés ou demandeurs d’asile dans les pays voisins (notamment en Iran et au Pakistan). • 3,4 millions de personnes déplacées internes. • 23 millions de personnes confrontées à des niveaux de faim extrême. • 80 % des déplacés internes sont des femmes et des enfants.

« L’invasion de l’Ukraine fait entrer l’Europe dans le XXIe siècle des réfugiés »

Trois questions à Matthieu Tardis, chercheur et responsable du Centre migrations et citoyennetés de l’IFRI*.

Comment peut-on qualifier et comprendre la situation des migrations et des réfugiés dans le monde à la date d’aujourd’hui (juin 2022) ? En 2020, il y avait 280 millions de migrants internationaux. C’est à la fois beaucoup et pas beaucoup, cela représente 3,6 % de la population mondiale. À l’intérieur de cette catégorie, les réfugiés sont une minorité qui représentent environ 12 % (avant le 24 février 2022, date de l’invasion russe en Ukraine). La plupart du temps, ils se réfugient dans les pays limitrophes, pour deux raisons : pour revenir plus facilement, quand c’est possible, et pour cause de ressources financières insuffisantes. Ainsi, les réfugiés qu’on voyait arriver ces dernières années en Europe n’étaient qu’une infime minorité, car le phénomène mondial concernait plutôt les pays du Sud. Aujourd’hui, avec l’invasion de l’Ukraine, c’est comme si l’Europe rentrait dans ce XXIe siècle des réfugiés, en connaissant en son sein le plus grand déplacement de population depuis la Seconde Guerre mondiale. L’arrivée en Europe de plus de 5,2 millions de déplacés ukrainiens a donné lieu à un immense élan de solidarité. Sommes-nous aux prémices d’une transformation de l’accueil des réfugiés et d’une prise de conscience durable ? Avec cette situation, les paradigmes sur lesquels les États ont fondé les politiques d’asiles depuis plus d’une vingtaine d’années sont complètement balayés. D’abord, le renforcement des contrôles aux frontières est atténué. Ensuite, le système Dublin, qui repose sur le principe qu’un demandeur d’asile ne peut le demander que dans un seul pays européen et est assigné à un espace national, est assoupli pour permettre une circulation plus libre. Enfin, les Ukrainiens accèdent immédiatement à une protection, le régime probatoire étant écourté. L’enjeu est de savoir si ces règles plus favorables vont profiter aux autres demandeurs d’asile et réfugiés que les Ukrainiens. Pouvez-vous nous donner une raison d’être optimiste face à ces défis-là ? Il y a un enjeu démocratique derrière. Comment cette mobilisation citoyenne se traduit-elle en termes politiques ? Bien que les débats politiques français soient complètement déconnectés des enjeux réels de l’asile et de l’immigration, je vois que la mobilisation est possible. Dans mon travail sur le terrain, je collabore avec différents acteurs –  des fondations de grands groupes aux associations rurales – qui n’ont certes pas toujours les mêmes positions ou objectifs, mais avec lesquels un dialogue est possible sur l’essentiel, sur l’humain. Je pense qu’il y a encore beaucoup d’humanisme et d’hospitalité dans la société française et ailleurs. L’enjeu est maintenant de traduire cela en termes politiques.

Propos recueillis par Lisa Bideau

* Institut français des relations internationales. *Source : « Tendances mondiales 2020 » de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), 18 juin 2021

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Parcours de vie

Ces cuisiniers et ces cuisinières viennent du monde entier. Après avoir traversé des continents pour fuir des situations insoutenables dans leurs pays d’origine, ils se retrouvent aujourd’hui autour d’un même état d’esprit : nourrir l’autre pour mieux partager leur goût de la vie. Textes : Manon Ain-Establet, Lisa Bideau, Julie Gerbet, Stéphane Méjanès et Laurène Petit Photos : Aglaé Bory, Caroline Dutrey, Mahka Eslami, Nina Filimonova, Grand Scène, Charles Mangin, Mathilde Viana, Michael Mendes

HAROUNA SOW « J’AVAIS SOIF D’ALLER VITE »

les cuisines d’Afrique, loin des stéréotypes. « Elle peut être bonne, pas lourde, et pas forcément épicée, insiste-t-il. Nous avons des produits à gogo dont nous avons nousmêmes perdu la connaissance. » Pour reconnecter les Africains à leurs patrimoines culinaires, il a aussi initié un projet agricole, deux hectares au Sénégal où poussent pour l’instant des aubergines et du piment. « L’alimentation est la clé du plaisir et de la santé, souffle-t-il. On mange très mal en Afrique, avec ce que j’ai appris en France, j’ai le devoir d’y retourner pour tenter de changer les choses. » Stéphane Méjanès

CV CULINAIRE

PLAT SIGNATURE / Le mafé d’aubergine. « L’aubergine et le gombo étant les seuls légumes disponibles toute l’année en Afrique de l’Ouest, j’ai travaillé pour associer les deux dans mon plat préféré. » PREMIER SOUVENIR GUSTATIF DE LA FRANCE / « Le tartare de bœuf, l’un des premiers plats français que j’ai voulu manger au resto à mon arrivée, parce que je me posais beaucoup de questions sur la viande crue. » PROJET PROFESSIONNEL / « Retourner un jour en Afrique, au Mali ou au Sénégal, poursuivre mon projet agricole et, pourquoi pas, ouvrir un restaurant. » Pour goûter sa cuisine, rendez-vous chez Waalo, 9 rue d’Alexandrie, Paris 2e, du lundi au vendredi, de 9h à 17h (@waalo_paris).

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REFUGEE FOOD* : NOTRE RAISON D’ÊTRE Les premiers souvenirs gustatifs d’Harouna Sow ne sont pas liés à sa famille, mais à des inconnus. « Quand on se déplaçait pour travailler aux champs avec mes camarades talibés [élèves des écoles coraniques, NDLR], raconte-t-il, on allait frapper à la porte des habitants des villages avec notre gamelle vide pour qu’ils la remplissent. Quand on restait plusieurs jours, on savait dans quelle maison il ne fallait pas aller. » Né en Mauritanie d’une lignée de marabouts, Harouna a souffert de la discipline militaire à l’école coranique, mais il en a fait une force. « J’étais conditionné pour exécuter des ordres à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, se souvientil. Ça a forgé une mentalité de combattant. » Quand il débarque en France en 2012, à l’âge de 22 ans, il ne sait pas quelle sera sa voie, mais il est prêt à en découdre. « Mes amis envoyaient de l’argent à leurs parents au pays, explique-t-il. Moi qui venais d’une famille plutôt aisée,

j’en recevais. Je ne voulais pas ça. J’avais soif d’aller vite, de réussir. » Un stage dans les cuisines du stade Roland-Garros décide de son destin. Il sera cuisinier. Il passe son CAP à l’Hôtel Pullman Tour Eiffel, puis parfait sa formation, notamment au Royal Monceau. En 2019, il participe au Refugee Food Festival, accueilli par le chef Thibaut Gamba à l’Hôtel Clarance, à Lille, cuisine au Refettorio de Massimo Bottura, à la Madeleine, puis refuse une première fois de devenir le chef des cuisines du Refugee Food. « J’étais trop dur, trop exigeant avec moi-même et avec les autres, confie-t-il. J’avais peur de mal faire et, surtout, de casser la passion des réfugiés. » Le confinement modifie sa perception. Il cuisine des milliers de repas pour les précaires, avec le soutien de la Fondation de France, et ne quitte plus le Refugee Food. Il jongle entre la Résidence à Ground Control et les repas solidaires, et vient d’ouvrir son restaurant, Waalo. Il y fait découvrir

Les migrations humaines ont toujours existé et les migrations forcées s’intensifient aujourd’hui. Dans le même temps, une partie de la population européenne tourne le dos aux étrangers sur son sol, voire rejette le principe même du droit d’asile. Au Refugee Food*, nous considérons que l’intégration des personnes issues des migrations forcées est une condition indispensable à l’épanouissement et au bien-être de notre démocratie. Nous avons la conviction que la construction d’une société apaisée repose notamment sur la mobilisation des citoyens, l’accès aux droits essentiels, la formation et l’accès à l’emploi, l’une des clés de l’inclusion. Nous croyons aussi que la cuisine a le pouvoir universel de rassembler, de créer des espaces de plaisir, d’échanges et de rencontres et de mettre en valeur des savoir-faire et des patrimoines. En savoir plus : refugee-food.org


BASSEM ATAYA « LE DESTIN M’A ORIENTÉ VERS LA CUISINE »

CV CULINAIRE

SADIA HESSABI « JE SUIS UNE FEMME ET UNE CUISINIÈRE HEUREUSE. JE VIS PLEINEMENT ! » Le français est parfait. Le débit est torrentiel, comme une urgence à dire, à faire. Sadia Hessabi aurait pu s’apitoyer sur une vie cabossée, marquée par l’abandon, le deuil, l’exil, l’inceste, les foyers, le labeur, la maladie, le divorce. À la place de cela, il y a une force, une détermination, des envies et des engagements. « Quand on veut, on trouve des moyens, quand on ne veut pas, on trouve des excuses », dit-elle en forme de devise. Lorsqu’elle quitte Kaboul, en Afghanistan, pour arriver en 1991 à Paris, via Moscou et Prague, orpheline à 14 ans de parents dont elle découvrira plus tard qu’ils l’avaient adoptée, le choc est brutal. « Dès l’avion, j’ai été dans la sidération, se souvient-elle. Plus personne ne parlait le persan, je regardais les montagnes s’éloigner et les souvenirs avec, sans que je puisse me plaindre. Ensuite, sur la route entre Roissy et Chalon-surSaône, je ne comprenais pas ce que je voyais. La route, les villes, les champs, les lumières, mais où habitaient les gens ? Quand on s’est arrêtés sur une aire d’autoroute, j’ai menti, dit que je mangeais du porc

PLAT SIGNATURE / Le kaboulyon « Cardamome et pralines, c’est ma manière de mélanger les cultures. » PREMIER SOUVENIR GUSTATIF DE LA FRANCE / « L’andouillette-frites. » PROJET PROFESSIONNEL / « Un livre de recettes afghanes, un potager en permaculture et retourner en Afghanistan.» Pour goûter sa cuisine, faites appel à son service Traiteur pour tous vos événements à Lyon : Kaboulyon (@kaboulyon)

et commandé une andouillette-frites, en signe de rébellion. » Accueillie par un oncle qui abuse d’elle, Sadia s’échappe à sa majorité avec des rêves tout simples. « Je voulais un chien, un mec, une famille, une voiture, un boulot, une maison », raconte-t-elle. C’est sa vie jusqu’à l’âge de 40 ans. Elle travaille en psychiatrie, se lève tous les jours à 5h, prend peu de vacances, s’occupe de ses enfants, Niels et Ziya, et perd le sens de cette course contre la montre. Entre-temps, on lui a diagnostiqué une myasthénie, maladie auto-immune entraînant fatigue et affaiblissement musculaire. Pas de quoi l’abattre. Le souvenir de la viande grillée, des galettes de froment (bolani) aux poireaux, de cumin ou de curcuma, trace un sillon olfactif vers la cuisine. Elle crée Kaboulyon, tout ensemble bar à vin, maison de thé, cuisine participative et… « cabine téléphonique reliée au ciel » pour parler à ceux que l’on a perdus. Elle a aussi fondé Les Toqués du Jeudi, un réseau de 1 000 personnes cuisinant ensemble. Formée à la PNL, à la psychogénéalogie, très active dans l’association VRAC, qui favorise le développement de groupements d’achat dans les quartiers prioritaires, Sadia sait que cuisiner est à la fois une manière de créer du lien et de s’épanouir. « Je suis une femme et une cuisinière heureuse, conclut-elle. Nous ne sommes que de passage, je vis pleinement. »

C’est en traînant dans les pattes de sa mère – il est le petit dernier d’une famille de 12 enfants ! – dans la maison familiale, à Damas, en Syrie, que Bassem Ataya a développé tout jeune un penchant pour la cuisine. Sans songer à en faire un métier, puisqu’il se rêvait pilote d’avion ou architecte. Sur les bancs de la fac, il rencontre sa future femme, Reem, avant d’embrasser une carrière de directeur administratif d’un magazine culturel. Elle, passionnée par la culture française, enseigne à l’Institut français de Damas. Ils sont heureux et épanouis, jusqu’à ce que la guerre éclate. En 2012, ils fuient avec Mira, leur petite fille de quelques mois, direction l’Égypte. Et finissent par arriver à Lambersart, dans le nord de la France, en 2014, chez la mère d’une ancienne collègue et amie de Reem qui les héberge pendant un an. Ils se plaisent dans cette région et décident de s’y installer : « Il y a des similitudes entre les Hauts-de-France et la Syrie. On passe beaucoup de

temps à table, en famille ! Ici comme là-bas, on aime beaucoup les pommes de terre, les betteraves et le gras aussi. » Parlant parfaitement la langue de Molière, Reem décroche un travail en quelques semaines. Bassem, dont le français est plus hésitant, peine à retrouver un emploi dans son domaine… « J’ai pris des cours à l’Université de Lille pour améliorer ma pratique, puis fait des maraudes à Calais, en servant de traducteur aux migrants », raconte-t-il. Et c’est en faisant du bénévolat pour des dîners caritatifs et en cuisinant pour le Refugee Food Festival que les odeurs d’épices, d’ail et de coriandre lui reviennent en mémoire. Il prend goût à la pratique d’une cuisine professionnelle et commence à proposer des plats syriens autour de lui. « À chaque soirée, les gens appréciaient la cuisine et me demandaient : “Bassem, où est ton restaurant ?”. Ça m’a donné le courage de me lancer. » En 2018, il change de voie professionnelle et lance son service traiteur. « Le destin m’a orienté vers la cuisine. Pour moi, c’est une opportunité, l’envie de travailler et de faire un projet entrepreneurial », souligne l’homme qui rêvait d’ouvrir, un jour, un restaurant. Ce jour est arrivé, le 9 juin 2021, où ce quadragénaire a levé le rideau d’Ataya, au sein du joyeux food court du centre de Lille Grand Scène. Rejoint par Reem, Bassem partage les délicieuses recettes héritées de sa mère avec le plus grand nombre. Des plats réalisés avec des produits locaux et de saison, qui ne manquent pas d’humour, à l’image du fallafaluche, sandwich de falafel servi dans le fameux pain du Nord ! Julie Gerbet

CV CULINAIRE

PLAT SIGNATURE / « Le fatteh makdous, des aubergines farcies au bœuf. » PREMIER SOUVENIR GUSTATIF DE LA FRANCE / « La blanquette de veau et le pot-au-feu. » PROJET PROFESSIONNEL / « Ouvrir un restaurant syrien à Lille. » Pour goûter sa cuisine, rendezvous chez Grand Scène, le food court lillois, au comptoir Ataya, ou faites appel à son service Traiteur du même nom. 31, rue de Béthune 59800 Lille (@atayatraiteur)

Stéphane Méjanès

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NIKA LOZOVSKA « MA CUISINE S’INSPIRE DES PRODUCTEURS, ÉLEVEURS ET PÊCHEURS D’ODESSA »

Huit ans après avoir fait ses classes en France, à l’école de gastronomie Ferrandi, la cheffe ukrainienne Nika Lozovska est de retour à Paris. Dans la ville portuaire d’Odessa, le restaurant qu’elle a ouvert en 2016 a fermé ses portes au moment où les bombes commençaient à pleuvoir sur son pays. La plupart

des membres de son équipe sont restés. « Ils me manquent tellement ! », s’exclame la jeune femme aux cheveux couleur miel, que l’on rencontre dans un café du passage Jouffroy, à Paris. Actuellement réceptionniste à mitemps dans un hôtel parisien, elle ne peut rester loin des fourneaux. Cette joyeuse cheffe de 31 ans

cuisine lors d’événements caritatifs pour soutenir son pays et plus encore sa ville natale. « Je me sens liée à Odessa, surtout lorsque je cuisine des produits locaux. » Son établissement se nomme Dizyngoff, en référence à Meir Dizengoff, premier maire de Tel-Aviv (Israël) ayant résidé à Odessa. Cette cité cosmopolite, surnommée « La Marseille slave » compte une importante communauté juive. « L’influence culinaire israélienne se retrouve dans certains de mes plats comme les aubergines au tahini et aux rapanas, les bulots de la mer Noire. » Au cœur de sa cuisine moderne, nombre de trésors iodés : « On a les meilleures moules au monde ! Du turbot et des anchois exceptionnels ! ». Durant ses études à Paris, un stage avec Éric Briffard, au restaurant gastronomique de l’Hôtel George V, la conduit à la préparation des poissons. « Maintenant, je peux faire ça toute la journée », rit-elle. Le végétal n’est pas en reste dans ses assiettes : « La terre ukrainienne est l’une des plus fertiles. Les fruits, les légumes et les herbes y sont magnifiques », explique celle qui cueille la salicorne près du littoral, ramasse les champignons en forêt et déniche le reste sur les marchés. Dans son antre culinaire, elle a voulu recréer l’ambiance des repas familiaux. « On aime recevoir à la maison, festoyer avec ou sans raison. » Sa grand-mère et sa mère lui ont donné envie de faire ce métier : « Elles vivent ensemble et cuisinent tout le temps. J’aime leur recette traditionnelle ukrainienne de poisson farci, servi froid. » De la table familiale à la cuisine de son restaurant, il y a un goût de nostalgie. En attendant de les retrouver, un projet de fermerestaurant mijote dans son esprit : « Un lieu aux alentours d’Odessa, assez grand pour faire la fête. »

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PLAT SIGNATURE / « Les oladyi (crêpes) au caviar de carpe, une recette odessite revisitée, servie dans mon restaurant. » PREMIER SOUVENIR GUSTATIF DE LA FRANCE / « Le bœuf bourguignon, découvert quand je l’ai cuisiné à l’école de cuisine Ferrandi. » PROJET PROFESSIONNEL / « Créer une ferme-restaurant aux alentours d’Odessa. »

Manon Ain-Establet

REFUGEE FOOD* : NOS OBJECTIFS & ACTIVITÉS Le Refugee Food* est un projet associatif global, qui a pour objectifs de sensibiliser à la situation des réfugiés, d’accélérer leur insertion professionnelle dans la restauration et d’œuvrer pour une alimentation savoureuse, juste et durable pour tous. Créé en 2016 sous la forme d’un festival culinaire, le projet s’est largement diversifié pour devenir plus vaste, répondant aux différents enjeux de l’accueil et de l’inclusion en France.

CV CULINAIRE

FESTIVAL Des collaborations entre des cuisiniers réfugiés et des restaurateurs, autour du 20 juin (Journée mondiale des réfugiés), et des ateliers de cuisine toute l’année, dans 10 villes de France. RESTAURANT La Résidence est un restaurant d’insertion qui accueille et forme des cuisiniers réfugiés, ouvert à tous, en plein cœur de Paris, à Ground Control. TRAITEUR ENGAGÉ À destination des entreprises à Paris, notre service Traiteur propose des offres culinaires engagées et savoureuses. En savoir plus : traiteur@refugee-food.org

FORMATIONS SÉSAME ET TOURNESOL Gratuites, elles forment des réfugiés aux métiers de la restauration et les accompagnent vers l’emploi. ÉDUCATION Des interventions et contenus pédagogiques pour s’adresser aux jeunes générations dans les écoles, en classe et à la cantine. AIDE ALIMENTAIRE Plus de 200 000 repas complets et savoureux cuisinés par nos équipes pour les plus vulnérables depuis mars 2020, à Paris.


YACINE NIASS « MON TRAVAIL, JE LE FAIS AVEC CŒUR ET AMOUR » CV CULINAIRE

TINA DEMEKE ENEYEW « MON PASSÉ A FAIT DE MOI QUELQU’UN DE COURAGEUX. » Le goût de la cuisine ? Tina l’a dans le sang ! « Ma maman tenait un restaurant traditionnel à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. Plus jeune, j’ai passé beaucoup de temps à l’aider derrière les fourneaux », explique-t-elle, son visage illuminé par un grand sourire. Ce même sourire cache pourtant bien des combats. Partie à contrecœur à 25 ans de son pays natal, c’est à Marseille que le destin l’a fait atterrir, en 2009. Courageuse et déterminée, elle passe son CAP cuisine et rencontre celui qui deviendra le père de ses deux enfants. Pendant les confinements, Tina ne se décourage pas et ouvre Fidele, son activité de traiteur. Quand on la questionne sur le choix du nom de sa petite entreprise, la cuisinière répond, malicieuse : « Le mot “fidèle” a un sens aussi bien en France qu’en Éthiopie. Dans mon pays, il désigne notre alphabet. En

PLAT SIGNATURE / « Le beyaynetu, un grand plat de fête à partager. » PREMIER SOUVENIR GUSTATIF DE LA FRANCE / « Un plateau de fruits de mer sur le Vieux-Port, avec des huîtres, saint-jacques, crevettes, bulots, que je ne connaissais pas… » PROJET PROFESSIONNEL / « Ouvrir mon propre restaurant sur le cours Julien, pour offrir un voyage culinaire en Éthiopie. » Pour goûter sa cuisine, rendez-vous au FOODCUB des Docks Village, à Marseille, au comptoir Fidele Traiteur, ou faites appel à son service Traiteur du même nom. 10, Place de la Joliette, 13002 Marseille (@fideletraiteur)

français, j’aime bien la sonorité et le sens de cet adjectif. » Au détour de ses expériences en cuisine, Tina rencontre Tibin, cuisinier et réfugié soudanais, qui lui parle du Refugee Food Festival. Ni une ni deux, elle s’investit corps et âme dans l’initiative. Depuis, elle est devenue l’une des cuisinières les plus engagées du festival marseillais. Cuisiner à quatre mains avec la cheffe Ella Aflalo chez Yima, lors de l’édition 2019, proposer des fromages frais typiquement éthiopiens, dans la vitrine de La Laiterie Marseillaise, en 2021 : aucun défi ne fait peur à l’intrépide cuisinière. Cette année, à l’occasion du festival 2022, elle animera un atelier de cuisine dans son propre restaurant, comptoir éthiopien fraîchement ouvert dans l’incubateur culinaire FOODCUB, aux Docks Village. La boucle vertueuse est ainsi bouclée ! « En voyant passer les grandes assiettes pleines de couleurs et d’odeurs d’épices méconnues, que l’on mange avec les mains, les passants sont curieux de goûter à mes plats. » Berbere, dorot wot, tibs, kifto, injera : peu représentée dans la Cité phocéenne, la gastronomie éthiopienne est pourtant riche de parfums et de sonorités qui invitent au voyage. « Quand les gens viennent jusqu’à mon comptoir des Docks Village, ils me demandent si je n’ai pas un autre restaurant », explique Tina, qui rêve de poser ses couteaux dans un restaurant bien à elle, dans le bouillonnant quartier du Cours Julien. Au menu ? Une cuisine intuitive, chaleureuse et épicée, à son image. Laurène Petit

C’est dans le très chic quartier des Invalides, dans le 7e arrondissement de Paris, que l’on rencontre Yacine, tout près de son lieu de travail. Sa discrétion contraste avec l’effervescence du quartier. Mais Yacine est animée par une détermination et un profond désir d’apprendre. C’est ce caractère tranchant et cette volonté qui l’amènent à travailler dans le restaurant du prestigieux boulevard de la Tour-Maubourg, Fitzgerald, et ce, malgré un parcours sinueux. « La cuisine m’a toujours passionnée : j’ai dû cuisiner pendant des mois quand ma mère m’a laissée au Sénégal. C’est à ce moment-là que j’ai vu que je pouvais passer des heures aux fourneaux sans me lasser », s’illumine-telle. Naturellement, elle entame un parcours dans l’hôtellerierestauration avant de travailler dans un restaurant, au Sénégal. Elle est toutefois contrainte, en 2019, de quitter son pays pour raisons familiales. Pour autant, sa

CV CULINAIRE

PLAT SIGNATURE / « Les vermicelles au poulet, un plat familial devenu un plat de fête au Sénégal. » PREMIER SOUVENIR GUSTATIF DE LA FRANCE / « Un croque à la truffe. C’était la première fois que je voyais et sentais de la truffe, je ne supportais pas vraiment l’odeur. » PROJET PROFESSIONNEL / « Ouvrir mon restaurant à Paris, en proposant un mélange entre la cuisine sénégalaise et la cuisine française, que je maîtrise grâce à mes expériences. »

détermination sans faille et son envie de cuisiner lui permettent de surmonter cette épreuve. Yacine suit alors la formation Sésame du Refugee Food et enrichit son apprentissage en décrochant son premier stage au restaurant Fitzgerald. « À la fin de la période, ils m’ont embauchée. Ils ont apprécié ma façon de travailler, mon savoirfaire et ma polyvalence. » Yacine est une femme passionnée : « Ce que j’aime le plus dans mon métier, c’est que je fais tout, je suis polyvalente. Je suis au chaud, au froid, je suis partout ! », confie-t-elle, sourire aux lèvres. Il lui arrive de glisser des propositions de plats qui suscitent la curiosité de ses collègues, jusqu’à être intégrés au menu du restaurant. Les clients de Fitzgerald peuvent parfois se régaler de la spécialité sénégalaise des vermicelles au poulet. Sa soif d’apprendre ne se tarit pas : « Dès que j’ai du temps libre, je regarde des vidéos pour apprendre de nouvelles techniques, de nouvelles recettes pour, chaque jour, préparer de nouveaux plats », confie-t-elle fièrement. Fan de Top Chef, elle s’inspire aussi de ceux qu’elle côtoie afin de reproduire leurs gestes. Cette appétence pour la connaissance lui donne envie de découvrir l’univers d’autres restaurants et d’autres manières de faire… Une sorte de mantra pour Yacine : « Dans la vie, il faut du changement pour apprendre. »

Lisa Bideau

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Plats d’ici, ingrédients d’ailleurs On les croit issus de nos provinces, mais si leurs ingrédients n’étaient pas parvenus jusqu’en France, notre patrimoine gastronomique serait autrement tristounet. Zoom sur six plats qui ont bien plus la bougeotte que ce que l’on imagine.

Textes : Estérelle Payany Illustrations : Eliane Cheung (Mingou)

LE CASSOULET VIENT (VRAIMENT) DU SUD On le croit tellement du Sud-Ouest… Et si son origine était pourtant à chercher de l’autre côté de la Méditerranée ? La loubia, plat mijoté de fèves blanches au mouton, aurait été apporté par les Maures dans le Sud-Ouest, au VIIIe siècle. Par métissage et assimilation, il put inspirer l’estofat traditionnel de la région, ragoût mijoté à base de fèves et de viandes salées. Ce qui n’a pas empêché le chef Prosper Montagné, natif de Carcassonne et créateur du Larousse Gastronomique, d’imaginer le siège de Castelnaudary durant la Guerre de Cent ans comme moment de naissance du cassoulet… alors que le haricot lingot n’arriva du Nouveau Monde qu’au XVIe siècle ! Lingot de Castelnaudary, coco de Pamiers ou haricot tarbais (premier haricot Label Rouge, en 1997), les haricots, désormais acclimatés à la région, ne suffisent pas à remplir les 70 000 tonnes de cassoulet en conserve produits chaque année. Couenne, jarret, poitrine de porc, cuisse de canard confite, saucisse ou perdrix le garnissent selon les clochers : à chacun le sien.

LA CHOUCROUTE SUR LA ROUTE DE LA SOIE On l’imagine alsacienne, elle est plutôt chinoise. Le suan cài, littéralement chou acide, était un aliment de base de la ration alimentaire des ouvriers construisant la Grande Muraille… sur laquelle Attila se cassa les dents. Le guerrier mythique n’avait pas tout perdu dans l’histoire : il a certes rebroussé chemin, mais a emporté avec lui cette belle invention qu’est la lacto-fermentation du chou. Car elle assure non seulement sa conservation, mais permet également son enrichissement naturel en vitamine, dont la précieuse vitamine C. Voilà pourquoi, sur la route d’Attila et dans tous les pays de l’Est, on rencontre le chou acide, sous forme de sauerkraut allemand ou de bigos polonais. Et pourquoi ne pas aller jusqu’à imaginer que c’est Attila lui-même qui amena cet ingrédient à Metz lors de son siège de la ville, en -451 avant J.C. ? En revanche, pour devenir choucroute garnie alsacienne, il lui a fallu rencontrer les pommes de terre en provenance d’Amérique du Sud et foule de saucisses, viandes fumées, jarret, lard… pour former un plat qui déferla à Paris après la guerre de 1870, lorsque nombre d’Alsaciens vinrent se réfugier dans la capitale après le rattachement de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne. 8

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L’AXE ANGLORUSSO-FRANÇAIS DE LA CHARLOTTE C’est le dessert le plus voyageur des XVIIIe et XIXe siècles. La version anglaise originelle, apparue à la fin du XVIIIe siècle, était réalisée à partir de pain de mie et de pommes, pour ne pas gâcher des restes de pain. On peut voir dans son nom un hommage à la reine Charlotte, femme du roi d’Angleterre George III, sans réelles preuves historiques. Mais c’est à Antonin Carême qu’elle doit son itinéraire : le « chef des rois » la découvre à Londres, alors qu’il est au service du futur George IV, puis crée, pour la table de Talleyrand, la « charlotte à la parisienne », une crème bavaroise cerclée de biscuits à la cuillère, baptisée par la suite « charlotte russe ». Ce changement d’identité survint lorsque Carême emporta sa recette en Russie et se mit au service du tsar Alexandre Ier, qu’il régala de charlotka. Lorsque le service à la russe triompha sous le Second Empire, le dessert, qu’il soit aux fraises, à la vanille ou à l’abricot, revint paré du charme de son nom venu du froid. Qui veut une part de charlotte Londres-Paris-Moscou ?


« Deux tiers des aliments que l’on consomme sont originaires d’autres régions du monde, où que l’on se trouve. » PAS SI BOURGUIGNONNE QUE ÇA, LA FONDUE Elle n’est ni de Dijon, ni de Mâcon, mais née… à Lausanne, en Suisse. Non, il ne s’agit pas de la fondue au fromage, mais bien de celle à la viande de bœuf. C’est en s’inspirant d’une pratique de ses amis Roms, qu’il avait vu se régaler de viande cuite dans de l’huile bouillante, que le restaurateur Georges Esenwein eut l’idée, en 1948, de mettre à la carte du Café Bock de la viande charolaise (donc bourguignonne) cuite dans un mélange de quatre huiles et de la servir non seulement avec des sauces variées, mais également des vins… bourguignons. D’où le nom du plat, lointainement bourguignon, donc. Il existait pourtant, depuis le XVIIIe siècle, une fondue au vin rouge, dite « fondue Bacchus » ou « fondue vigneronne », dans laquelle la viande est pochée dans du vin cuit, mais plutôt de Bordeaux. Très populaire dans les années 1970, elle n’a pas encore opéré de retour en grâce gastronomique, contrairement à sa cousine la raclette, elle aussi bien plus suisse que française.

L’ÉCLIPSE VIENNOISE DU CROISSANT

L’HISTOIRE RÉCENTE DE LA RATATOUILLE La ratatolha, qui signifie « remuer » en occitan, a certainement désigné toutes sortes de ragoûts variés avant de nommer uniquement ce mélange de légumes provenant d’horizons lointains. L’aubergine ? Arrivée d’Asie via l’Andalousie, au XIVe siècle, puis cultivée au sud, elle est plante ornementale sous Louis XIV et n’est estimée consommable qu’au XIXe siècle. La courgette ? Dérivée des courges américaines, elle n’a été mise au point en Italie qu’au XIXe siècle et n’apparaît dans le dictionnaire en France qu’en 1929. La tomate ? Cette « pomme d’or » rapportée par Christophe Colomb avait tellement mauvaise réputation que ce furent les révolutionnaires marseillais qui la firent monter à la capitale avec eux. Quant au poivron importé des Amériques et transmis par les Espagnols, il ne se développe vraiment qu’au XVIIIe siècle. Seuls l’oignon et l’ail étaient installés dans le Sud bien avant l’Antiquité… Provence, terre d’accueil horticole !

Aussi iconique que la baguette, c’est la viennoiserie préférée des Français, croquée par 74 % de la population. Pourtant, cet emblème « bien de chez nous » serait plutôt né en Autriche où, depuis le XIIIe siècle, les boulangers façonnent des kipferls, qui peuvent être en pain enrichi de beurre ou en pâte friable. Et faire remonter leur création au siège de la ville de Vienne par les Turcs, en 1683, tient plus de la légende politique que de la réalité boulangère ! En tout cas, le savoir-faire autrichien a laissé son nom aux viennoiseries, devenues populaires à Paris au XIXe siècle : ce n’est pas MarieAntoinette qui les introduisit dans la capitale, mais La Boulangerie Viennoise, ouverte en 1837, rue de Richelieu. Incroyablement à la mode, le petit plaisir en forme de corne qu’on y dégustait n’avait rien à voir avec le croissant actuel, qui n’a pris sa silhouette de pâte feuilletée enrichie de levain puis de levure qu’en 1920. Apparu dans le Larousse Gastronomique en 1938, il n’a, depuis, jamais cessé de faire parler de lui.

Trois questions à ​Damien Conaré, secrétaire général de la Chaire Unesco Alimentations du monde à l’Institut Agro Montpellier et Nicolas Bricas, chercheur au Cirad et titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du monde. Comment l’histoire des aliments voyageurs a-t-elle débuté ? J’aimerais commencer par mettre en lumière un constat : deux tiers des aliments que l’on consomme sont originaires d’autres régions du monde, où que l’on se trouve. Ce constat est le fruit de migrations humaines, d’échanges commerciaux et de grandes découvertes. Cela commence avec le commerce des épices, comme la muscade et la girofle, qui remonte à l’Égypte ancienne. Ce commerce s’intensifie au XVe siècle avec l’ouverture de la route des Indes par Vasco de Gama. Le début du commerce triangulaire marque la première mondialisation commerciale et fait voyager des aliments tels que le sucre, le cacao et la tomate. Depuis, il peut être dit que l’on « mange le monde » dès le petit déjeuner en consommant du thé, du café ou du chocolat… Comment qualifier la cuisine de chez nous et celle qui vient d’ailleurs ? Le rapport à « l’exotisme » culinaire est une question politique, avec des mouvements qui souhaitent revenir à une certaine authenticité. Ce qui nous ramène au piège du local : aujourd’hui, on lui attribue des valeurs durables. C’est local donc c’est bon, par nature. Mais c’est évidemment plus complexe que cela. De notre côté, nous militons pour un « localisme cosmopolite ». Cela repose sur l’idée que l’on peut à la fois chérir ses produits tout en comprenant que notre territoire est dépendant et relié à tous les autres. Comment expliquez-vous que la cuisine ait pris une place si importante dans la culture ? L’alimentation est un sujet qui traverse de nombreux domaines : biologiques, sociaux, économiques, environnementaux, culturels, etc. Il y a par exemple une vraie affirmation identitaire qui passe par nos choix culinaires : on le voit avec le végétarisme, qui devient une proposition dans la plupart des restaurants. Ensuite, on constate que nos rapports à l’alimentation se sont distanciés : on comprend de moins en moins d’où viennent nos produits ni par qui et comment ils ont été transformés, on a de moins en moins de pouvoir dessus. C’est un des facteurs qui explique à quel point l’acte tri-quotidien d’alimentation est réinvesti comme un moyen de se rassurer face à cette distanciation. Enfin, l’augmentation du pouvoir d’achat d’une partie de la population permet de payer de nouvelles valeurs ajoutées (éthique, commerce équitable, respect du bien-être animal, typicité territoriale…).

Propos recueillis par Lisa Bideau chaireunesco-adm.com. À lire : Une écologie de l’alimentation (Quae, 2020).

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Le mama ganouj de Nabil Attard

Cette recette ultra-simple est une célébration du métissage culinaire entre la Syrie de Nabil et Sousana, et la France. Textes : Stéphane Méjanès Photos : Mahka EslamIi

INGRÉDIENTS • • • • • • •

1 betterave 200 g de yaourt de brebis (grec) 50 g de boulghour (blé concassé) 40 g d’oignons Cerneaux de noix Huile d’olive Sel

POUR LA BETTERAVE Vous pouvez acheter une betterave cuite, mais si vous utilisez une betterave crue, lavez-la soigneusement sans la peler. Vous pouvez la faire cuire de plusieurs manières. Dans une casserole en inox (la betterave tache), 30 min dans de l’eau bouillante salée. À la vapeur, prévoyez 30 à 50 min. Au four, laissez-la 2 h à 180 °C. Dans tous les cas, 10 min avant, percez avec la pointe d’un couteau. Si la lame ne s’enfonce pas correctement, laissez cuire encore quelques minutes. Une fois cuite, vous pouvez la peler facilement puis la découper en fines tranches. POUR LA SAUCE Ciselez finement les oignons. Mélangez l’oignon avec le yaourt et le boulghour non cuit. Salez et réservez au réfrigérateur au moins 4 heures. DRESSAGE Déposez le mélange yaourt, boulghour et oignon au fond de l’assiette. Déposez joliment les tranches de betterave par-dessus. Concassez grossièrement les cerneaux de noix pour décorer l’assiette. Ajoutez un filet d’huile d’olive. Vous pouvez agrémenter de quelques feuilles de persil à votre convenance. Retrouvez d’autres recettes sur le profil Instagram de Refugee Food* (@refugeefood)

« Jadis, dans les montagnes syriennes, lorsque les chèvres et les brebis donnaient beaucoup de lait, on fabriquait du yaourt, raconte Nabil Attard. On ajoutait du “bulgur” – blé cuit à l’eau et séché – pour accélérer le processus et obtenir des pierres de lait dont on faisait ensuite une sorte de farine. Avant durcissement, on prélevait une ou deux cuillerées pour le manger frais, avec de l’oignon, des noix, du persil et de l’huile d’olive. C’est de là que vient ma recette. » Passionné de nourriture, Nabil fabriquait son propre fromage dans la cave de sa grande maison de Damas. Ingénieur dans le secteur bancaire, il y coulait une existence confortable avec sa femme Sousana, employée par la Ligue arabe, et leurs deux fils. Mais, en 2015, la situation devient intenable, ils doivent se résoudre à quitter le pays. Sousana et les enfants s’échappent avec un visa délivré par la France, où ils avaient passé des vacances. Celui de Nabil a expiré… Commence pour lui un long et dangereux périple via la Turquie, où il échappe à la noyade, et la Grèce, avant de rallier Paris. Il faut repartir 10

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de zéro, refaire cocon dans un petit studio, laver des voitures pour gagner sa vie. La passion de la cuisine ne s’éteint pas. Nabil se rapproche du Refugee Food, se forme auprès de Stéphane Jégo (L’Ami Jean) et ouvre son propre restaurant, Närenj (orange amère) en 2018, à Orléans. « Aujourd’hui, ma cuisine est faite de produits français, locaux, en circuit court grâce au Collège Culinaire de France, explique Nabil. Je les cuisine à ma façon, en gardant toutes les saveurs authentiques de la cuisine syrienne et celle de ma mère. Si on ferme les yeux, on a le même goût, seule la présentation est différente. Par exemple, en Syrie, nous mangeons toujours la viande hachée, ici, je la sers non hachée ou effilochée. Dans l’autre sens, j’ai adapté le fameux riz au lait de Stéphane Jégo pour l’emmener vers ma culture culinaire, avec de la fleur d’oranger et des pistaches. » Alors qu’il s’apprête à ouvrir un comptoir de street food syrienne à Orléans, Nabil est un homme et un cuisinier heureux. « J’aimerais retourner en Syrie pour un court séjour, confie t-il. Mais, désormais, notre vie est ici, en France. »

Restaurant Närenj 178, rue de Bourgogne, 45000 Orléans Tél. : 07 68 07 34 43 (narenj.fr et sur Instagram @narenj.fr)


« Avec le Refugee Food, c’est toute la richesse du monde qui vient à nous » Olivier Roellinger, chef emblématique de Cancale, pose son regard sensible et engagé sur les défis du métier de cuisinier. Passionné depuis toujours par les épices et leurs effluves de territoires lointains, il se nourrit de la rencontre avec ses contemporains. Propos recueillis par Estérelle Payany / Photo : Mickaël Adounrak Bandassak

Le monde est un village, c’est ce que nous rappelle sans relâche le Refugee Food. Voilà pourquoi accompagner leurs initiatives est une évidence.

« Le sens de l’hospitalité est au cœur des métiers de restaurateur et d’hôtelier. Ce qui signifie simplement ouvrir grand sa porte pour accueillir des gens sous notre toit, aussi bien pour manger à notre table que pour dormir dans nos lits. Autrement dit, à en prendre soin, comme on l’entend aussi dans le terme “hospice”, avec lequel l’hospitalité partage son origine. Et si nous ne sommes pas médecins pour autant, prendre en charge les bleus à l’âme de nos hôtes fait partie de notre mission. Car il s’agit non seulement d’accueillir des clients,

mais aussi des collaborateurs, et ceux qui ont particulièrement besoin de nous, les réfugiés. Il n’est nulle religion ni philosophie qui s’oppose à ce que l’on tende la main à celui qui est en difficulté : à l’heure où le commerce s’est mondialisé, où les frontières douanières ont cédé, pourquoi verrouiller les échanges humains ? Je crois qu’il n’existe que deux types d’individus : ceux qui aiment les autres et ceux qui n’aiment qu’eux-mêmes. On ne peut plus raisonner avec des murs et des barbelés, car il s’agit aujourd’hui de prendre le monde à bras-le-corps.

Privés pendant deux ans de voyages, où l’on n’a pas pu aller goûter, respirer, voir et sentir d’autres choses, le repli sur soi qui s’en est suivi ne doit pas faire taire notre besoin d’altérité. Combien de cuisiniers veulent aller au bout du monde pour goûter des choses qu’ils ne peuvent pas imaginer et s’initier à des techniques inédites, alors qu’il leur suffit d’ouvrir leur porte ? Avec le Refugee Food, c’est le monde qui vient à nous, fort de toute la richesse de ses savoirs et de ses talents. Je repense à Mohammad Elkhaldy, cuisinier syrien qui avait deux restaurants à Alep avant de se réfugier en France : cela aurait pu être moi, mon fils ou tout autre cuisinier… Depuis notre rencontre, j’ai arrêté de faire moi-même des mélanges d’épices culturels, car le zaatar, désormais édité avec Mohammad, raconte sa mémoire du goût et fait partie de son histoire. Quand l’autre et le “différent” viennent à nous, il n’est pas question de don, de bonne conscience, de richesse ni même d’opportunité, mais d’accueillir une expérience humaine unique, à même de nourrir notre curiosité et notre humanité. La cuisine occidentale se résume à trois grands chapitres : ingrédients, techniques, puis assaisonnement, réduit le plus souvent au sel et au poivre. Ces hommes et femmes venus des quatre coins du monde utilisent, eux, les marinades, les saumures, les basses températures (grâce aux longues cuissons sous terre), la maîtrise de la flamme et la spontanéité de l’opportunité, tout en possédant un mode d’assaisonnement unique. Elles nous apprennent à parfumer, à faire

chanter et danser un plat comme jamais on n’aurait pu l’imaginer. Les cuisines ancestrales de la planète entière ont le bon sens de faire avec leur territoire, en utilisant des produits locaux et de saison conservés simplement, sans énergie, faisant la part belle aux légumineuses et céréales préparées avec peu de combustibles et de façon saine et nourrissante. Face au défi écologique, on mesure combien nous avons à apprendre : ce sont eux qui nous nourrissent. Car celui qui nourrit apporte le premier soin à l’autre. Avant de faire bon pour le palais, il s’agit de prendre soin de prolonger la vie de l’autre. Avec le Refugee Food, on mesure concrètement combien la cuisine n’est pas qu’une question d’aliments, mais d’humains, citoyens d’un même monde. »

REFUGEE FOOD* : NOS FORMATIONS

SÉSAME et TOURNESOL forment des personnes réfugiées aux métiers de la restauration dans cinq villes françaises, au plus près de leurs besoins : cours de français, stages d’immersion, accompagnement social individuel, ateliers Droit du travail, formation au numérique, à l’alimentation durable… jusqu’à la signature du contrat de travail. De plus, elles répondent à un besoin de maind’œuvre accru sur le territoire français : près de 300 000 postes sont à pourvoir dans les métiers de l’hôtellerie-restauration (UMIH). SÉSAME est développée avec AKTO et Envergure et soutenu par le Ministère du Travail. En savoir plus : formations@refugee-food.org

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S’ENGAGER AVEC LE REFUGEE FOOD*

Engagez-vous ! Chacun, chacune, à notre échelle, nous pouvons trouver le moyen de nous engager pour accueillir et accompagner les personnes qui ont trouvé refuge dans notre pays. Nombre d’associations et d’initiatives ne pourraient pas exister sans l’aide de bénévoles : voici quelques pistes (non exhaustives) de mobilisation qui s’offrent à vous. HÉBERGER TEMPORAIREMENT Vous avez une chambre de libre et souhaitez ouvrir votre porte à une personne réfugiée ? Voici quelques dispositifs qui accompagnent et encadrent l’hébergement citoyen : « J’accueille », mis en place par SINGA, « Welcome », proposé par Jesuit Refugee Service, « Réfugiés Bienvenue » (à Paris seulement) ou encore faire partie d’une colocation solidaire avec Caracol ! Autre possibilité : votre entreprise peut aussi ouvrir ses locaux le soir et le week-end pour accueillir une personne sans logement, via l’association Les Bureaux du Cœur. ÉCHANGER ET PARRAINER Tisser un lien privilégié avec un nouvel arrivant et l’accompagner dans la découverte de la société française (ex. : se repérer et sortir dans la ville, échanger en français, partager des loisirs, parler d’insertion professionnelle…). De nombreux projets de parrainage existent, encadrés par des associations, tels que « Duos de demain » (France Terre d’Asile), « MAINtenant » (Coallia), « Duo For a Job » ou encore « Kodiko ».

DONNER DE SON TEMPS Les sites jeveuxaider.gouv, tousbenevoles.org ou benenova.fr répertorient les besoins des associations près de chez vous, pour des missions ponctuelles ou régulières (Causons, Kabubu, Weavers, la Chorba, Utopia 56, Midi du Mie, SOS Méditerranée, etc.). Vous pouvez aussi donner des cours de français dans des associations près de chez vous. Nombre d’entre elles ont recours à des bénévoles pour donner des cours en leur fournissant un cadre et des outils. Renseignez-vous auprès de votre mairie. FAIRE UN DON MATÉRIEL OU FINANCIER Vous pouvez donner régulièrement ou ponctuellement à une association dont l’action vous est chère, et bénéficier d’une déduction fiscale de 60 % (66 % dans le cadre de dons des entreprises). Au lieu de jeter (vêtements, vélos, livres, meubles et équipements), pensez à leur donner une nouvelle vie grâce au réseau Emmaüs Solidarité ou au Secours Catholique, qui contribuent partout en France à améliorer les conditions de vie des exilés et des plus précaires.

© MAHKA ESLAMI

En cuisine Participez à la préparation et/ou la distribution des repas à Paris dans le cadre de notre dispositif d’aide alimentaire. Pas de compétences requises en cuisine ! Rejoindre une équipe locale Participez à l’organisation du Refugee Food Festival tous les ans en juin, à Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux, Rennes, Nantes, Dijon, Montpellier, Marseille, Genève, Paris.

RESTAURATEURS, RECRUTEZ NOS ÉLÈVES CUISINIERS !

Vous êtes restaurateur ? Vous pouvez accueillir un stagiaire ou recruter un commis de cuisine issu de nos formations Sésame et Tournesol. Vous êtes une entreprise ? Faites appel à notre service Traiteur pour vos événements à Paris, mais aussi à notre partenaire Marie Curry, à Bordeaux. Régalez-vous au restaurant : soutenir le Refugee Food*, c’est aussi faire honneur aux cuisiniers réfugiés que nous avons accompagnés et qui ont ouvert leur restaurant : Chez Magda, par Magda Gegenava (Paris), Närenj, par Nabil Attard (Orléans), Le Levant, par Abdul Rahman El Khatib (Marseille), Ataya, par Bassem Ataya (Lille), Ananda Délice, par Fadi Mahmoud (Lomme), Damasquino, par Hussam Khodary (Strasbourg), Waalo, par Harouna Sow (Paris), La Buvette d’Haitham, par Haitham Karajay aux Amarres (Paris), mais aussi au sein de notre restaurant d’insertion La Résidence, à Ground Control (Paris). Faites un don à notre association pour contribuer à financer nos activités de sensibilisation et d’insertion professionnelle. Rendezvous sur notre site internet, ou via l’application Lydia au 818181. Contact : hello@refugee-food.org Suivez nos actualités sur notre site et sur Instagram (@refugeefood) La Résidence à Ground Control 81, rue du Charolais, Paris 12e Les Amarres 24, quai d’Austerlitz, Paris 13e

LA GAZETTE, une publication de Refugee Food* (FOOD SWEET FOOD, 26 rue Monsieur-le-Prince, 75006 Paris) ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO : Manon Ain-Establet, Mickaël Adounrak Bandassak, Fanny Borrot, Aglaé Bory, Nicolas Bricas et Damien Conaré, Caroll-Ann Cadoux, Eliane Cheung (Mingou), Compos Juliot, Nina Filimonova, Muriel Foenkinos, Julie Gerbet, Lucas Jothy, Les Digitalistes, Marine Mandrila, Stéphane Méjanès, Estérelle Payany, Laurène Petit, Valentine Pia, Olivier Roellinger, Matthieu Tardis. REMERCIEMENTS Nous remercions Möet Hennessy, qui apporte son soutien à la réalisation de ce support, et plus globalement aux actions d’insertion professionnelle de l’association Refugee Food*. L’agence Les Digitalistes a conçu et coordonné l’ensemble de La Gazette, et nous remercions chaleureusement Boris Coridian, Lisa Bideau et Virginie Oudard pour leur engagement à nos côtés. Le Refugee Food Festival 2022 est soutenu par : France Relance - Année de la Gastronomie, la Ville de Paris, Elior Group Solidarités, l’Hospice Général, la Fondation Arsène, le Groupe Bertrand, le Fonds Épicurien, Montpellier Métropole, la Région Bourgogne-Franche-Comté, la Ville de Bordeaux, la Ville de Dijon, la Ville de Lille, la Métropole de Lyon. IMPRESSION DEJA LINK (19/27 rue des Huleux – ZA La Cerisaie – 93240 Stains). Merci à Loïc Olivier. Ne pas jeter sur la voie publique.

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