Le suricate magazine - Vingt-huitième numéro

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Le Suricate N° 28

mensuel

février 2013

Magazine À la une

Sarah Vanel et le MIB

Mais aussi...

19 films à voir Les Suricates d’or Les nouvelles bd à paraître

Rencontre avec The Flower Kings Interview de Hasse Fröberg, le membre du groupe de rock progressif suédois


4ème cérémonie des Magritte du cinéma 1 février 2014


Sommaire

Réponses au jeu À quel prix ?

p. 5

Interview de Sarah Vanel pour le Made In Brussels Show

Cinéma Nymphomaniac (1 et 2) I, Frankenstein The Ryan Initiative Zulu Jack et la mécanique du coeur Les rayures du zèbre American Bluff Paranormal Act. / À coup sûr Grudge Match / Un crime parfait Jamais le 1er soir / Enough Said De behandeling / Jacky au... Les âmes de papier / Mea Culpa Un beau dimanche Ida / Nebraska Actualités ciné Les Suricates d’Or 2014

Scènes

p. 6 p. 8 p. 9 p. 10 p. 11 p. 12 p. 13

p. 40

Littérature Interview d’Achdé Kid Lucky : Lasso Périlleux La Mondaine

p. 42 p. 44 p. 45

p. 14 p. 15 p. 16 p. 17 p. 18 p. 19 p. 20 p. 23 p. 24

Musique Interview de The Flower Kings London Grammar Elbow Adrenaline Mob Les Mamelles de Tirésias

p. 28 p. 34 p. 35 p. 36 p. 38

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*3 ans de garantie

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Le terrier du Suricate

Edito

Quels films ou séries ont invité le Suricate ? LES REPONSES !

Le Roi Lion

À quel prix ? En ce début d’année, l’heure est aux prix en tous genres. De fait, il ne se passe pas un jour sans que le monde du spectacle ne se congratule de ses productions ronflantes de 2013.

La Famille Suricate

Life of Pi

Mais de nos jours, quelle aura gardent ces prix ? Quel symbolisme reflètent-ils encore aux yeux du public et des acteurs du monde du spectacle ? Peu de gens en parlent mais c’est une réalité, la multiplication des récompenses tend à les rendre anodines. Un paradoxe que les lauréats euxmêmes constatent. Et pour cause, à quelques jours de la cérémonie des Magritte, on entend encore une Emilie Dequenne avouer avec la plus grande honnêteté être plus honorée de recevoir un César qu’un Magritte. Ou un réalisateur nous confier dernièrement être perplexe quant à la pertinence des nominations ou des choix. Bref, en particulier dans le monde du cinéma, nombreux sont las de devoir participer aux soirées de gala données pourtant... en leurs honneurs. Quoiqu’il en soit et quoi que l’on en dise, Le Suricate ne s’en lasse point. C’est pourquoi, notre équipe vous a concocté Les Suricates d’Or décernés virtuellement par nos lecteurs. Vous pourrez le constater, vous êtes dans l’ensemble d’accord sur le résultat.

Le Clan des suricates

Animaux et Cie

Mais ce n’est pas tout. Nous vous donnons également rendez-vous en direct sur Twitter pour la prochaine cérémonie des Magritte et, la veille, pour celle plus décontractée (et c’est un euphémisme) des Machins du cinéma.

M.M.

Une publication du magazine

Le Suricate © http://www.lesuricate.org Directeur de la rédaction : Matthieu Matthys Rédacteur en chef : Loïc Smars Directeur section cinéma : Matthieu Matthys Directeur section littéraire : Loïc Smars Directeur section musicale : Christophe Pauly Directeur section théâtre : Baptiste Rol

Crédits Webmaster : Benjamin Mourlon Secrétaires de rédaction : Pauline Vendola, Maïté Dagnelie, Adeline Delabre Relation clientèle : redaction@lesuricate.org Régie publicitaire : pub@lesuricate.org

février 2014

Ont collaboré à ce numéro : Cécile Marx, Quentin Geudens, Mathilde Schmit, Cynthia Tytgat, Edouard Jacqmin, Léopold Pasquier, Marie-Laure Soetart, Olivier Eggermont, Philippe Chapelle, Claire Rigaux, Alexis Hotton, Adeline Sicart

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Cinéma

Nymphomaniac - Part 1 de Lars Von Trier Avant même sa sortie, Nymphomaniac du réalisateur danois Lars Von Trier a fait couler beaucoup d’encre. Drame érotique à la limite du pornographique ? Analyse...

©ABC Distribution

La critique

C’est lors de cet collation étrange et inattendue, que la jeune femme encore sonnée, entame le récit chaotique de sa pathologie, la nymphomanie. On ne peut pas dire que la promotion de Nymphomaniac soit discrète et convenue. Il devient compliqué depuis quelques mois d’ignorer les trailers fleurissant sur le web, les affiches exhibant les visages suggestifs d’un casting hétéroclite et populaire, ainsi que les gerbes d’articles qui s’offusquent déjà du présumé caractère pornographique du proverbial et contesté Lars Von Trier. Nymphomaniac sera un récit présenté en deux volumes… De quoi ajouter encore un peu d’eau brûlante aux moulins tièdes de nos coreligionnaires. C’est parcouru d’attentes et de présomptions rieuses, que la salle trépigne dans un semi silence pesant avant que les lumières s’estompent et que le projecteur délivre le film du délit prometteur. Les deux prochaines heures dévoileront donc, la première partie de l’histoire de Joe.

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Lorsque Joe, interprétée par Charlotte Gainsbourg, entame l’histoire de sa vie, la jeune Stacy Martin intervient pour incarner le passé du personnage principale. C’est dans une candeur inexistante, un regard perdu et une attitude perverse, que l’on apprend à connaître les moments forts de la jeunesse de Joe. Seligman (Stellan Skarsgård), le sauveur au cheveux d’argent, assis à côté du lit, intervient à chaque fin de flash back, pour faire part d’une théorie comparative entre la pêche à la ligne et la nymphomanie, ou bien pour rassurer Joe sur la gravité de ses anecdotes. Et en effet, la nymphomane à beau raconter une évolution sexuelle et érotique hors norme, nous ne sommes pas outrés plus que cela et abandonnons l’idée de ce « PornArt » tant attendu par le public, pour mieux se laisser simplement porter par un esthétisme remarquable et une ambiance saisissante de réalité. Chaque pays pouvant censurer le film de Lars Von Trier (dans la mesure de l’acceptable et en fonction de ses règles), cela pose question. Est-ce pour cela que Nymphomaniac semble presque une promenade en famille au bord de l’eau ? Est-ce en opposition à l’idée que l’on pouvait se faire du projet original, dont la censure ne nous présente qu’une partie circoncise ? Ou est-ce que ce n’est que pour mieux nous cueillir dans la deuxième partie. Probable.

La fin de ce premier volume, dévoile les extraits de la suite sur les accords violents des guitares de Rammstein. C’est tremblant que l’on ressort de la salle, en repensant au passé de Joe, et en imaginant son futur, sa perte. Et c’est avec un plaisir infini que je vous laisse la surprise du cinéma nuancé, original, poétique et irrégulier de Lars Von Trier. Ce film, en tout cas ce premier volume, mérite bien plus que de savoir si les fellations sont simulées ou si Shia LaBeouf porte une prothèse. Cécile Marx

déjà à lʼaffiche

Sortant d’une petite pâtisserie, un homme âgé au détour d’une ruelle aperçoit le corps étendu d’une femme, inconsciente et visiblement meurtri de coups. Le doyen bien attentionné, convainc sous un temps peu clément, de réchauffer l’inconnue d’un thé chaud et de vêtements secs.

Nymphomaniac (Partie 1) Drame, Erotique de Lars Von Trier Avec Charlotte Gainsbourg

La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie.


Nymphomaniac - Part 2 de Lars Von Trier Joe n’en a pas fini avec ses pulsions et ses démons. Dans cette deuxième partie de récit, Nymphomaniac de Lars Von Trier s’attarde sur le présent de notre protagoniste principale.

©ABC Distribution

La critique

Les brumes du premier volet de ce film nous hantant encore de quelques souvenirs tièdes, nous replongeons avec une certaine impatience dans l'univers pluvieux et pervers où Lars Von Trier exulte en roi de l'inconfort « spectatorial ». En effet, à mesure que le récit progresse, l'insistance du personnage principal à dire d'elle même qu'elle est une mauvaise personne, se conçoit et s'apparente presque à un doux euphémisme. Joe est maintenant une mère, en tout cas elle tente de l'être, entravées par les fantômes palpables de sa nymphomanie. Le sexe à outrance ne suffisant plus, Joe est aspirée dans une spirale de douleur, qu'elle part provoquer chaque soir chez un homme qui la frappe et la lacère. Ce même personnage « K », est incarné par le glaçant Jamie Bell. Les séquences sont insoutenables, mais l'esthétisme pur et tranquille de Lars Von Trier y agit comme un gilet par balle.

rasoir que se promène Nymphomaniac, il nous maintient suspendu, en équilibre, sans jamais nous laisser tomber d'un côté ou de l'autre. L'intervention d'un nouveau personnage, « P » interprétée dans une ingénuité intolérable par Mia Goth, donne un second souffle et une dimension plus profonde à cette deuxième partie, au moment même où nous venait à l'esprit le sentiment d'un enlisement voyeuriste un peu creux. C'est à ce moment là que l'on quitte la simple série d'anecdotes sexuelles pour entrer dans une histoire, dans le présent de Joe. Le désir du réalisateur était que son film puisse sortir dans les salles en une seule et même partie, ce qui n'est manifestement pas le cas. Il faudra donc, mesdames messieurs, aller au moins deux fois au cinéma ce mois-ci. Mais serait-ce seulement vraiment un inconvénient lorsque l'on sait qu'Hitchcock disait : « La durée d'un film devrait être directement liée à la capacité de la vessie humaine ». Cécile Marx

La beauté, ou du moins une certaine beauté, contrebalance l’écœurement omniprésent du film, c'est sur le fil du

février 2014

29 janvier 2014

La seconde partie de Nymphomaniac est en toute logique la suite du récit de la vie anarchique de Joe, nymphomane tourmentée qui se raconte auprès d'un vieil homme compatissant, semblant être dénué de toutes déviances.

Nymphomaniac (Partie 2) Drame, Erotique de Lars Von Trier Avec Charlotte Gainsbourg

La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie.

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

I, Frankenstein de Stuart Beattie Adaptation du roman graphique de Kevin Grevioux, I,Frankenstein est la transposition contemporaine du monstre imaginé par la romancière Mary Shelley en 1818.

©KFD Distribution

La critique

Déjà sujet d’une multitude d’adaptations audiovisuelles, cinématographiques ou autres, le docteur Frankenstein et son « monstre » font partie de la culture populaire fantastique depuis de nombreuses années. Depuis 1818, pour être exact. C’est à cette époque que Mary Shelley conclut son célèbre roman Frankenstein ou le Prométhée moderne, l’histoire originelle et originale de Frankenstein. Près de deux siècles après cette genèse littéraire, c’est sous les traits de Aaron Eckhart, aux antipodes de l’emblématique Borris Karlof, que l’immortelle créature revient au cinéma dans I, Frankenstein. Directement adapté du comic-book de Kevin Grevioux, à qui l’on doit aussi le roman graphique Underworld, à l’origine de la quadrilogie cinématographique éponyme, c’est Stuart Beattie qui met en scène ce conte fantastique modernisé. Surtout réputé pour sa plume de scénariste (Pirate des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl, Collateral, 30 jours de nuit,

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Australia) le réalisateur australien avait donc fort à faire pour son deuxième long métrage derrière la caméra.

Vous l’aurez compris, I, Frankenstein manque d’une véritable décharge électrique et s’avère une réanimation en demi-teinte (et c’est un euphémisme !) d’un des monstres les plus populaires de la culture fantastique. Sous ses fausses allures de blockbuster, le long métrage du cinéaste australien se résume à une simple succession de combats pseudo-épiques entre le bien et le mal (comme c’est original) sur fond de réflexion soi-disant philosophique à propos de l’existence et de l’âme qui peine à garder le spectateur attentif. Quentin Geudens

Dès les premières minutes, force est de constater que cette nouvelle adaptation se veut très éloignée du récit du 19ème siècle, au grand dam des puristes. L’histoire se concentre en effet ici sur un combat aux allures bibliques, opposant les archanges, déguisés en gargouilles, aux démons, affublés de prothèses en latex et de couches de maquillage dignes des plus beaux ratés de Buffy contre les vampires et Angel réunis. Le pauvre Frankenstein se retrouve pris bien malgré lui dans ce combat aux limites du loufoque, à l’instar d’Aaron Eckhart et de Bill Nighy qui doivent toujours chercher à comprendre comment ils ont pu s’empêtrer dans une telle (més)aventure. Peu inspiré, décousu et aussi homogène que le corps recomposé de ladite créature, le film peine à livrer des arguments justifiant de son existence. Même la jolie Yvonne Strahovski, surtout connue pour son rôle dans la série Chuck, y perd de son charme … Frankenstein et sa créature sont donc propulsés aux rôles de simples « prétextes » pour le développement d’une histoire qui, au final, ne les concerne pas tellement. La refonte de ce célèbre personnage en tant que super-héros au rabais était un pari très risqué … et perdu !

29 janvier 2014

Deux-cents ans après sa création, la créature du Docteur Frankenstein, Adam, se cache toujours sur terre. Son chemin le mène jusqu'à une métropole gothique et crépusculaire, où il se retrouve pris par une guerre séculaire sans merci entre deux clans d'immortels. Adam va être obligé de prendre parti et de s'engager dans un combat aux proportions épiques, pour sa survie … et celle de l’humanité.

I, Frankenstein Horreur, Thriller de Stuart Beattie Avec Aaron Eckhart, Bill Nighy, Miranda Otto

Adam, la créature de Frankenstein, a survécu jusqu'à aujourd'hui, grâce à une anomalie génétique survenue lors de sa création. Son chemin l'a mené jusqu'à une métropole gothique et crépusculaire, où il se retrouve pris par une guerre séculaire sans merci entre deux clans d'immortels. Adam va être obligé de prendre parti et de s'engager dans un combat aux proportions épiques.


The Ryan Initiative de Kenneth Branagh Jack Ryan est l’un des héros phare de la littérature anglo-saxonne né sous la plume de Tom Clancy. Kenneth Branagh nous signe la cinquième aventure du héros à l’écran.

©Sony Pictures

La critique

Les romans de Tom Clancy ont déjà été adaptés plusieurs fois au cinéma. Alec Baldwin, Harrison Ford, Ben Affleck, sont autant de noms qui ont incarné ce fin analyste de la CIA. Respectivement dans À la poursuite d’Octobre rouge, Jeux de Guerre et La somme de toutes les peurs. On se demande alors ce qui a poussé l’acteur et réalisateur Kenneth Branagh à réaliser un autre Jack Ryan. Selon les dires officiels, il a voulu réaliser une version moderne du personnage. Mais, au vu de la banalité du scénario, on est prêt à parier que l’envie de réaliser un film à gros budget qui peut être source de recettes importantes, n’était pas absente non plus… Le film montre donc comment Jack Ryan devient un agent secret de la CIA. Celui-ci vient de quitter les Marines et travaille comme consultant financier. Doté d’une intelligence exceptionnelle, lui seul est apte à décou-

vrir des comptes en banque suspects qui pourraient être à l’origine de complots financiers. Il est alors recruté par William Harper pour enquêter sur une organisation financière à Moscou. Livré à lui-même, Ryan va vite se rendre compte qu’il ne peut plus avoir confiance en qui que ce soit. Ignorant la véritable raison de son départ précipité, sa fiancée décide de lui faire une surprise et l’y rejoint pour le week-end. Commence alors une course contre la montre… Malheureusement, comme dit précédemment, le film ne décolle jamais. L’histoire manque cruellement de suspense et de profondeur. L’intrigue est attrayante et le casting de qualité mais il semble que ces deux ingrédients n’ont pas suffi pour réaliser un bon thriller. C’est l’acteur Chris Pine, habitué aux films d’actions, qui incarne Jack Ryan. Keira Knightley interprète sa fiancée et Kevin Costner, celui de l’agent de recrutement de la CIA. Ils forment un beau trio à l’écran. Pourtant, le film ne leur rend pas service tant les scènes et les dialogues sont prévisibles. On est d’ailleurs déçu de voir Keira Knightley dans un personnage si fade alors qu’on la connaît capable de plus grande prouesse comme dans A dangerous method ou Anna Karenina. Quant au scénario, il se dégrade au fur et à mesure avec des répliques superficielles et des scènes d’actions de

février 2014

moins en moins crédibles. Finalement, l’histoire aboutit à une fin que l’on avait tous deviné dès les premières minutes. En résumé, il y a vraiment peu à retirer de The Ryan Initiative. Le film se termine, et on a l’impression d’avoir été dupé. On s’attendait à un bon film d’action, porté par de bons acteurs. Mais il n’en est rien. Mathilde Schmit

29 janvier 2014

The Ryan Initiative est un film d’action américain. Le héros, Jack Ryan, est à l’origine un personnage littéraire inventé par l’écrivain américain Tom Clancy. Celui-ci est décédé en octobre 2013 et est connu pour ses romans d’espionnage très documentés. Le terrorisme y est un thème récurrent. Parmi ceux-ci, on peut citer le fameux Octobre rouge paru en 1984 qui fait naître le personnage de Jack Ryan et la carrière de l’auteur. Le roman connut en effet un succès immédiat et a été suivi d’une longue série d’autres.

The Ryan Initiative Thriller, Espionnage de Kenneth Branagh Avec Chris Pine

Ancien Marine, Jack Ryan est un brillant analyste financier. Thomas Harper le recrute au sein de la CIA pour enquêter sur une organisation financière terroriste. Cachant la nature de cette première mission à sa fiancée, Jack Ryan part à Moscou pour rencontrer l’homme d’affaires qu’il soupçonne d’être à la tête du complot. Sur place, trahi et livré à lui-même, Ryan réalise qu’il ne peut plus faire confiance à personne. Pas même à ses proches.

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

Zulu de Jérôme Salle Après la sortie très médiatisée de « Mandela » de Justin Chadwick, Jérôme Salle nous propose de voir l’Afrique du Sud au présent, plus de vingt ans après la fin de l’Apartheid.

©Victory Productions

La critique

Film de clôture du 66ème Festival de Cannes, Zulu, le dernier film du réalisateur et scénariste Jérôme Salle (Anthony Zimmer, Largo winch) était attendu au tournant. L’histoire est directement inspirée du roman éponyme aux critiques dithyrambiques de Caryl Férey. Et ce sont les thèmes principaux de cette œuvre littéraire, le pardon et surtout l’absurdité de la vengeance, qui ont inspiré Jérôme Salle. Fan revendiqué de la célèbre œuvre d’Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, Zulu et son histoire étaient donc tout indiqués pour le réalisateur français. Fort du succès des deux volets de Largo Winch, le frenchie réussit à attirer Orlando Bloom et Forest Whitaker, familier des productions françaises, sur son projet. Entourés d’un casting presque entièrement sud-africain, selon la volonté du réalisateur, les deux acteurs livrent une prestation trois étoiles pleine de charisme. Pour sa part, Bloom réussit d’ailleurs pleinement à (enfin) s’arracher de ses rôles de Legolas et de William Turner qui lui collent à la

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peau avec un personnage aux antipodes du manichéisme.

qui les dépasse au péril de leurs vies. Si certains stéréotypes restent de mise, les protagonistes n’oublient pas de nous surprendre quelque peu et de déclencher une empathie certaine.

En outre, le réalisateur a osé prendre des risques pertinents afin de parvenir à une véracité et une sincérité de récit qui lui tenaient à cœur. Ainsi, Randal Majiet, alias Cat, un dangereux chef de gang dans le film, est un véritable ancien membre de gang. Pour l’anecdote, comme le raconte Salle : « La journée, il tournait face à Forest Whitaker et le soir il rentrait, toujours accompagné d’un responsable, à son centre de réhabilitation. ». De plus, certaines scènes ont été tournées dans de réels ghettos africains, là où l’on n’aurait jamais imaginé voir débarquer une équipe de tournage. Malheureusement, si le casting frôle la perfection, certains aspects de l’histoire subissent un sous-traitement et laissent, par la même occasion, filtrer quelques incohérences et facilités scénaristiques peu convaincantes face à la densité du contexte et des thèmes abordés par le film. Mais cela n’enlève rien au crescendo enivrant de Zulu, soutenu par les partitions du très demandé et triplement césarisé Alexandre Desplat (De battre mon cœur s’est arrêté, De rouille et d’os). Sans détour, Zulu amorce une approche risquée de l’Afrique du Sud et de ses problèmes de pauvreté, de drogue et de violence. À coup de kalachnikovs et de machettes, Salle emmène ses personnages dans une dynamique

Jérôme Salle réalise donc une adaptation efficace d’un roman à succès. Même si le film souffre ici et là de certaines longueurs et de redondances inutiles, Zulu demeure distrayant et dispense suffisamment de suspens pour nous tenir en haleine de bout en bout avec un panel d’images judicieusement choisies et une photographie impeccable. Quentin Geudens

29 janvier 2014

Dans une Afrique du Sud encore hantée par l'apartheid, deux policiers, un noir, un blanc, pourchassent le meurtrier sauvage d'une jeune adolescente. Des Townships de Capetown aux luxueuses villas du bord de mer, cette enquête va bouleverser la vie des deux hommes et les contraindre à affronter leurs démons intérieurs.

Zulu Policier, Drame de Jérôme Salle Avec Orlando Bloom, Forest Whitaker, Tanya Van Graan

Dans une Afrique du Sud encore hantée par l'apartheid, deux policiers, un noir, un blanc, pourchassent le meurtrier sauvage d'une jeune adolescente. Des Townships de Capetown aux luxueuses villas du bord de mer, cette enquête va bouleverser la vie des deux hommes et les contraindre à affronter leurs démons intérieurs.


Jack et la mécanique du coeur Leader du groupe de musique français Dionysos, Mathias Malzieu, a aussi une plume qui a charmé plus d’un lecteur. Jack et la mécanique du coeur en est la plus grande preuve.

©UMedia Distribution

La critique Édimbourg, 1874. Jack naît le jour le plus froid du monde et son cœur en reste gelé. Le Docteur Madeleine le sauve en remplaçant son cœur défectueux par une horloge mécanique. Il survivra avec ce bricolage magique à condition de respecter trois lois : premièrement ne pas toucher à ses aiguilles, deuxièmement maîtriser sa colère et surtout ne jamais, Ô grand jamais, tomber amoureux. Sa rencontre avec Miss Acacia, une petite chanteuse de rue, va précipiter la cadence de ses aiguilles. Prêt à tout pour la retrouver, Jack se lance tel un Don Quichotte dans une quête amoureuse qui le mènera des lochs écossais à Paris jusqu'aux portes de l'Andalousie.

2007 avec le 6ème album de Dionysos : La mécanique du cœur.

En 2007, Mathias Malzieu, chanteur et figure de proue du groupe français Dionysos, termine d’écrire La mécanique du cœur, sa troisième œuvre littéraire. Fort d’un succès immédiat (200.000 exemplaires vendus en France et 400.000 à travers le monde), Europacorp, société de production de Luc Besson, acquiert sans hésiter les droits d’adaptation de ce conte fantasque.

Si l’univers de Malzieu et de Dionysos regorge de trouvailles enchanteresses et de magie, l’animation en image de synthèse, elle, manque d’audace et s’enfonce dans une mécanique un peu trop rigide, ne laissant pas les textes et les chansons s’épanouir entièrement. Un plaisir pour les oreilles qui manque de force visuelle malgré les inspirations burtoniennes évidentes comme en témoignent l’omniprésence de sombreur et d’expressionisme latent.

Quelques années plus tard, c’est sous le titre Jack et la mécanique du cœur que Malzieu et Stéphane Berla (déjà réalisateur de divers clips du groupe) projettent (enfin) ce conte sur les écrans géants. Composé telle une véritable œuvre musicale, le long métrage est soutenu par le chansonnier établi en

Néanmoins, la poésie lyrique survitaminée à coups de rock et de ukulélé risque malheureusement de délaisser les plus jeunes (la production conseille d’ailleurs le film à partir de 8 ans) et d’égarer les plus cartésiens des spectateurs.

Le casting des voix est évidemment l’occasion de retrouver la magie de l’ex-couple musical, et dans la vie, Olivia Ruiz/Mathias Malzieu. Catalyseur d’une alchimie poético-romantique, les deux chanteurs virevoltent au travers des textes toujours étranges et bien particuliers du chanteur. À leurs côtés, Grand Corps Malade, incarnation lugubrement géniale du vilain de l’histoire, et Jean Rochefort, sous les traits de Georges Méliès, imprègnent le film de leur charisme. De surcroit, la bande originale nous permet de réentendre le regretté Alain Bashung.

La facilité serait de comparer Jack et la mécanique du cœur à un gigantesque clip musical de 1h30 mais cela ne rendrait aucunement justice à la très belle histoire inventée par Mathias Malzieu qui n’est pas sans rappeler l’univers de Roald Dahl.

février 2014

5 février 2014

Cette surréaliste fable musicale ne fera donc probablement pas l’unanimité, à l’instar des albums et de l’univers de Dionysos, mais a le mérite et le cran de proposer une réalisation très peu orthodoxe et réellement originale qui ira droit au cœur des plus romantiques malgré quelques rouages un peu rouillés. Quentin Geudens

Jack et la mécanique du coeur Animation de Mathias Malzieu et Stéphane Berla

Édimbourg 1874. Jack naît le jour le plus froid du monde et son cœur en reste gelé. Le Docteur Madeleine le sauve en remplaçant son cœur défectueux par une horloge mécanique. Il survivra avec ce bricolage magique à condition de respecter 3 lois: premièrement ne pas toucher à ses aiguilles, deuxièmement maîtriser sa colère et surtout ne jamais Ô grand jamais, tomber amoureux.

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

Les rayures du zèbre de Benoît Mariage Pour ce film sur les différences Nord/Sud, le football est prétexte à en montrer toutes les facettes. Pour l’occasion, Les deux Benoît se retrouvent sept années après Cowboy.

©Bardafeu distribution

La critique

Pour le belge lambda, ce film constituait l’une des plus grandes attentes de 2014. D’une part, le long métrage nous offrait la possibilité de voir le duo des deux Benoît se reformer pour l’occasion, sept années après Cowboy. D’autre part, le sujet du film, le football, parlait à un public large étant donné que ce sport est actuellement une fierté nationale. Bref, une comédie populaire à suivre de manière irréfléchie et agréable… ou presque. De fait, il faut bien avouer que l’on espérait plus de cette production prometteuse. Tout d’abord, la présence de Benoît Poelvoorde dans un rôle qui lui sied à merveille nous octroyait l’espoir de rire aux éclats mais, même si certaines phrases et certaines scènes sont hilarantes, c’est davantage à un drame socio-économique auquel nous confronte Benoît Mariage. Et pour cause, le réalisateur s’est, selon ses propres

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termes, largement inspiré d’une histoire vraie bien connue des aficionados du ballon rond, celle de la colonie d’ivoiriens arrivés dans le défunt club de Beveren au début des années 2000 via Jean-Marc Guillou. Mais qu’à cela ne tienne, nous nous sommes néanmoins laissés emporter par cette histoire à la fois tragique et humoristique, la réalisation arrivant habilement à pasticher une histoire réaliste sans pour autant tomber dans le mauvais goût. On rit, on suit l’histoire sans s’ennuyer mais on aperçoit également certains défauts ou mauvais choix scénaristiques. C’est un fait, nous avons quelques fois subi des errances dommageables à la véracité du récit. Que ce soit la facilité déconcertante des engagements pris par les parties concernées ou l’amateurisme de certains aspects footballistiques, nous avons eu beaucoup de difficultés à croire à ce périple sportif où certaines scènes sont même superflues. Mais encore une fois, nous sommes passés au-dessus de cela pour ensuite voir la performance des acteurs qui est, dans l’ensemble, excellente. Tom Audenaert est probablement la plus belle carte sortie de la manche de Benoît Mariage. Véritable star en Flandre, l’acteur est encore une fois prodigieux même si son rôle n’est que secondaire. Mais arrivons à Benoît Poelvoorde. Bien évidemment, le comédien ne déçoit pas un instant dans son personnage à moitié salaud et à

moitié compatissant. Cependant, le bât blesse, et de bien belle manière, quant au choix de la réalisation à lui donner un accent bruxellois. Cette décision pèse lourd de conséquence puisque force est de constater que l’exagération verbale ressentie rend les propos de son personnage complètement saugrenus. En résumé, Les rayures du zèbre est une production propre et drôle à certains instants mais ne restera pas dans les esprits à cause d’une histoire trop insane pour être prise au sérieux et, inversement, trop mélancolique pour être désopilante. Matthieu Matthys

5 février 2014

José Stockman est agent de footballeurs. Spécialisé dans le recrutement de futures stars africaines, en particulier ivoiriennes, ce belge bourru au cœur tendre n’est plus vraiment dans le coup. À dire vrai, José est même sur la sellette car ses dernières trouvailles ne sont pas des plus talentueuses. Mais un jour, il tombe par hasard sur Yaya, un jeune homme doué balle au pied mais d’un naturel peu loquace. José décide de miser ses dernières ressources sur cette pépite potentielle, mais rien ne va se passer comme il l’avait prévu.

Les rayures du zèbre Comédie, Drame de Benoît Mariage Avec Poelvoorde

José est agent de footballeurs. Sa spécialité : repérer en Afrique des talents prometteurs. Lorsqu’il déniche Yaya, il l’emmène en Belgique pour en faire un champion. Il est persuadé d’avoir trouvé la poule aux œufs d’or. Mais rien ne se passera comme prévu...


American Bluff de David O. Russell Sorti à la mi-décembre aux Etats-Unis, American Bluff (American Hustle) est d’ores et déjà un succès retentissant. Largement primé aux Golden Globes, le film est en route pour les Oscars.

©Paradiso Filmed Entertainment

La critique

American Bluff est un tourbillon qui vous emporte dans les années 70. Pas moyen d’y échapper ! C’est un film qui ne vous laisse pas décrocher une seconde. Le rythme est soutenu, l'intrigue haletante vous tient, ou plutôt vous empoigne, du début à la fin. On est littéralement plongés dans les seventies grâce aux décors et aux costumes magnifiques. Rien que ceux portés par Amy adams valent le détour. Dommage qu’il y ait autant de tenues faisant l’apologie de la fourrure. C’était

peut-être quelque chose de commun à cette époque, mais on le regrette aujourd’hui. La bande originale nous plonge également dans cette fameuse décennie en nous rappelant les morceaux musicaux de l’époque, un vrai plaisir ! La BO concorde à merveille avec l’atmosphère du film. Les personnages sont complexes, surprenants mais également attachants. Leur personnalité est remarquablement bien mise en avant, tellement bien qu’on en oublie parfois les somptueux décors pour se focaliser sur les personnages et rien qu’eux. Chacun a sa propre histoire, son caractère, ses forces et ses faiblesses. Bref, American Bluff, c’est tout d’abord un excellent scénario mais aussi une belle aventure humaine. Les thèmes de l’amour et de l’amitié occupent le devant de la scène et sont brillamment traités dans le film. Au niveau casting et interprétation, c’est du haut vol ! Bradley Cooper, Amy Adams et Jeremy Renner sont épatants. La jeune Jennifer Lawrence nous surprend dans son rôle qu’elle maîtrise à la perfection. Christian Bale frôle carrément le génie tant par son interprétation juste que par sa métamorphose physique. Se dire que le film est basé sur une histoire vraie est tout simplement bluffant. D’ailleurs, dès la toute première minute du film, les mots « Some of this actually happened » s’affichent à l’écran… Nous voilà prévenus !

février 2014

Un petit bémol à signaler toutefois. Certains plans de caméra sont un peu chaotiques, tremblants ou trop zoomés. Cette façon de faire rappelle parfois le style caméra à l’épaule, ce qui gâche quelquefois l’esthétique de certaines scènes. Pour résumer, David O'Russell réalise un film remarquable, drôle, émouvant et terrible à la fois. La mise en scène est intelligente, efficace et impeccable. American Bluff, c’est une histoire vraie où tout le monde ment à tout le monde, à commencer par soi-même. Un film inoubliable où tous les ingrédients sont réunis pour passer un très bon moment. Cynthia Tytgat

American Bluff 12 février 2014

Après The Fighter et The Silver Lining Playbook, David O'Russell signe un nouveau long métrage agrémenté d’un casting plutôt haut de gamme. À la fois touchant, drôle et percutant, le film relate une histoire vraie où mensonges et trahisons règnent en maître. Entre fiction et réalité, American Bluff nous plonge dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales qui aient secoué l’Amérique dans les années 70. Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld (Christian Bale), et sa belle complice, Sydney Prosser (Amy Adams), se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso (Bradley Cooper), de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito (Jeremy Renner). Le piège est risqué, d’autant que l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn (Jennifer Lawrence), pourrait bien tous les conduire à leur perte…

Thriller, Drame de David O. Russell Avec Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams

Entre fiction et réalité, American Bluff nous plonge dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales qui ait secoué l’Amérique dans les années 70. Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld, et sa belle complice, Sydney Prosser, se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso, de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito.

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

Paranormal Activity de Christopher Landon déjà à lʼaffiche Horreur, Epouvante (84ʼ) Avec Molly Ephraim, Andrew Jacobs, Richard Cabral, Carlos Pratts, Jorge Diaz

À coup sûr de Delphine de Vigan déjà à lʼaffiche Comédie dramatique (91ʼ) Avec Eric Elmosnino, Valérie Bonneton, Laurence Arné

En 2009, un film allait bouleverser le genre horreur par son originalité. Faire trembler le spectateur avec peu de moyens financiers (15000 $) en utilisant le huis clos et la technique du found footage. Une similitude avec un autre gros succès inattendu sorti dix ans plus tôt : Le Projet Blair Witch. Au final, le réalisateur Oren Peli va connaitre la gloire et le succès avec un film qui met les nerfs du spectateur à rude épreuve de par son aspect réaliste. Après avoir engrangé pas moins de 200 millions de dollars à travers le monde, Paramount Pictures a évidemment exploité le filon en nous pondant un nouvel opus chaque année avec un succès constant. Le deuxième était un prequel en même temps qu’une suite, le troisième était un prequel complet et enfin, le quatrième était une histoire totalement parallèle, le mal s’étant exporté vers une autre famille. Pour ce cinquième épisode, Paranormal Activity : The Marked Ones, Oren Peli qui avait écrit le scénario des aventures horrifiques précédentes tire sa révérence (mais reste malgré tout producteur) et laisse sa place à Christopher Landon. Un choix qui nous semblait judicieux étant donné que la saga commençait à tourner en rond.

Et le changement est de taille. De fait, l’histoire suit maintenant un jeune homme hispano-américain qui, avec l’aide d’une GoPro, va tenter de résoudre le meurtre de sa voisine du dessous, une dame d’un certain âge un peu allumée.

Elevée dans le culte de la performance et dans l’idée que toute compétence doit être optimisée, Emma est une jeune femme méthodique, volontaire et, en apparence, relativement sûre d’elle. Mais deux échecs consécutifs (réels ou supposés) lui laissent croire qu’elle a un vrai problème : elle est nulle au lit. Parce qu’elle est plus fragile qu’il n’y paraît, Emma décide donc de devenir… le meilleur coup de Paris !

si, sont fort prévisibles, ce qui fait que l’on se lasse plutôt vite et l’on se demande quand est-ce que le film va finir. Il s’agit de la première comédie de l’écrivaine Delphine de Vigan, et malheureusement, cela se sent.

C’est donc l’histoire d’une femme qui veut devenir ce que l’on appelle un « bon coup », une femme qui est douée au lit, à qui on fait l’amour et qu’on a envie de rappeler pour remettre ça, tellement c’était incroyable. L’histoire nous emmènera notamment dans un club échangiste, dans le cabinet d’un sexologue, et chez une escorte-girl. L’idée est originale, et traitée de manière assez rigolote, mais bien que le film soit classé dans les comédies, on ne se « fend pas la poire » non plus. On rigole de temps en temps, mais sans plus. L’histoire tourne relativement en rond, et les rebondissements, si l’on peut les appeler ain-

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Fini donc le huis clos, place à l’espace et à l’aventure. Et pour cause, nos protagonistes ne resteront pas sur place et vont voyager à travers les maisons mais aussi les personnages. Un choix audacieux même si l’on semblait s’éloigner de l’idée initiale du projet. Mais hélas, même si les effets techniques et les frissons nous envahissent, force est de constater que la sauce a du mal à prendre. Contrairement aux opus précédents, le spectateur peine à s’identifier aux personnages et, dès lors, à leur trouver une quelconque empathie. En résumé, The Marked Ones est une dédicace non dissimulée à la communauté hispanique et ravira, une fois de plus, les amateurs du genre mais force est de constater que celui-ci n’a scénaristiquement plus la même consistance que ses prédécesseurs si ce n’est un dénouement intelligent, il faut l’admettre. Matthieu Matthys

Dans le rôle principal on retrouve Laurence Arné (Dépression et des potes, Bowling) qui signe ici son premier rôle. Malheureusement encore, le fait que ce soit son premier rôle principal se fait sentir. L’actrice de 31 ans nous attendrit par sa candeur et sa naïveté, on a presque envie de lui faire un câlin. Mais on reste toujours dans la même palette d’émotion, on est donc vite lassé. En résumé, une comédie française grand public qui se laisse regarder une fois, mais certainement pas deux. Edouard Jacqmin


Grudge Match de Peter Segal déjà à lʼaffiche Comédie (113ʼ) Avec Sylvester Stallone, Robert De Niro, Kevin Hart, Kim Basinger

Lʼamour est un crime parfait

des Frères Larrieu déjà à lʼaffiche Thriller, Drame (110ʼ) Avec Mathieu Amalric, Karin Viard, Maïwenn

Henry « Razor » Sharp (Sylvester Stallone) et Billy « The Kid » McDonnen (Robert De Niro) sont deux anciennes gloires de la boxe à Pittsburgh. Cependant, les deux anciens adversaires ne sont pas les meilleurs amis du monde. Profitant de cette rivalité, le fantasque promoteur de boxe Dante Slate Jr contacte nos deux acolytes pour leur proposer un ultime combat, trente ans après avoir raccroché les gants et être restés sur une victoire chacun. Mais l’idée est évidemment loin d’enchanter les deux hommes qui ont, semble-t-il, d’autres soucis à régler. En voyant le synopsis et l’affiche de cette grosse production hollywoodienne, on ne pouvait s’empêcher de penser à la place des studios nous resservant, au travers d’une histoire somme toute banale, deux légendes de la boxe au cinéma : Rocky et Jake LaMotta (Raging Bull). À l’instar des Avengers où se retrouvent tous les superhéros de Marvel, Grudge Match réunit les deux stars de la boxe au cinéma ayant connu leurs succès fin des années septante. Des retrouvailles qui n’en sont pas vraiment puisque Jake LaMotta a réellement existé, contrairement à son homologue. Mais quoiqu’il en soit, le long métrage nous était vendu comme une

comédie, nous l’avons donc pris comme telle. Et pour cause, avec Peter Segal aux commandes, on pouvait s’attendre à une succession de délires enfantins où la blague facile et l’humour potache l’emporteraient sur une quelconque histoire de fond. Bingo, c’est exactement ce qui ressort de cette nouvelle comédie à l’accent divinement old school. Dans Grudge Match, tout est attendu et rien ne nous surprend réellement. Le passé de nos deux protagonistes est balancé à la louche en une dizaine de minutes et leur nouveau défi est présenté de manière explicite. Tout le reste n’est que du remplissage scénaristique sans autre intérêt que de nous montrer des scènes et des dialogues débordants de phrases humoristiques, de facéties burlesques et de références à la carrière respective de chacun des deux acteurs. Hormis cela, on soulignera l’excellente prestation de Kevin Hart qui incarnait CJ dans la saga Scary Movie.

Marc (Mathieu Amalric) est professeur de littérature appliquée à l'université de Lausanne. Il vit de relations éphémères - et purement sexuelles - avec quelques unes de ses élèves qu'il ramène parfois chez lui, un chalet isolé en altitude. Or un matin Barbara, l'une d'entre elles disparaît après avoir passé la nuit au chalet. Marc ne soupçonne pas les événements qui vont dès lors se succéder et changer radicalement sa vie.

et elles sont toujours d'ordre sexuel. Deux mots à ce propos sur Mathieu Amalric, choix régulier des Larrieu tant il incarne admirablement cette immuable volonté d'apprentissage.

Si L'amour est un crime parfait constitue un thriller potable, le film pêche par sa gravité ronflante, chose autrement regrettable venant des frères Larrieu dont on s'explique difficilement cette soudaine empathie. Peut être est-ce le paysage. Après tout, Les Larrieu en ont une science bien à eux. L'environnement inspire les protagonistes autant que les cinéastes, un film des Larrieu épousant souvent la dramaturgie de son espace. Ainsi les crevasses enneigées appellent sans doute à la dissimulation de cadavres, là où les plateaux du Vercors invitaient plutôt à la promenade bucolique (Peindre ou faire l'amour).

En résumé, Grudge Match signe le combat entre Raging Bull et Rocky sans pour autant y faire allusion. Un film drôle, sans être hilarant, qui se laisse suivre agréablement. Matthieu Matthys

Les yeux dans le vide, le sourire niais ; les personnages joués par Amalric sont souvent dépassés par les événements mais en retirent un certain plaisir (ou du moins aiment à en tirer des leçons). Il faut le voir ici, bouleversé par cette sexualité redécouverte, se mettant à balbutier (« je n'avais jamais joui aussi profondément, je ne sais plus parler ») C'est encore là que se trouvent les plus beaux moments du film. Léopold Pasquier

Tout de même une belle constance : Les films des Larrieu sont lieux de renaissances,

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

Jamais le premier soir de Melissa Drigeard déjà à lʼaffiche Comédie, Romance (90ʼ) Avec Alexandra Lamy, Mélanie Doutey, Julie Ferrier, Grégory Fitoussi

Julie est une jeune femme pétillante mais continuellement malheureuse en amour. Le livre Le bonheur, ça s’apprend devient sa bible et elle en applique les conseils à la lettre au travail et en amour. Cette nouvelle lubie de "pensée positive" laisse sceptiques ses deux meilleures amies dont la vie amoureuse n’est pas non plus au beau fixe. Devenue cliente régulière d’une librairie où elle dévalise le rayon "épanouissement personnel", Julie va y faire des rencontres qui vont peut-être enfin changer sa vie… Experte de la mise en scène sur les planches de théâtre, Melissa Drigeard s’attaque pour la première fois au 7ème art avec la comédie Jamais le premier soir. Un pitch alléchant, un casting solide et une comédie dans l’air du temps devaient assurer l’entrée en grande pompe de la réalisatrice française dans le monde du grand écran. Mais ça c’était la théorie… Pendant une (longue) heure et demie, des saynètes s’accumulent l’une à la suite de l’autre sans jamais briller par leur cohésion ou par leur potentiel comique. La mise en scène, beaucoup trop théâtrale, n’a d’égal que ses personnages caricaturaux et exacer-

Avant même de voir le film, on avance en traînant les pieds : un titre destiné à la francophonie complètement stupide (utiliser All About Albert - référence au déchet All About Steve ? – au lieu de Enough Said) et un marketing glauque vantant la dernière interprétation de James Gandolfini, héros de la série culte Les Soprano.

All about Albert de Nicole Holofcener déjà à lʼaffiche Comédie (93ʼ) Avec Julia Louis-Dreyfus, James Gandolfini, Catherine Keener

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Mais pour pouvoir apprécier ce film, il faut s’affranchir de ces écueils et le regarder pour ce qu’il est : un petit film romantique et indé américain. Nicole Holofcener est d’ailleurs spécialisée dans le genre. Son film le plus connu étant l’historiette insipide Friends with Money avec Jennifer Aniston. Les premières minutes du film semblent ennuyeuses et tout droit sorties d’un téléfilm américain à l’eau de rose. Mais, une empathie, sûrement due aux comédiens, se crée petit à petit. Ce n’est pas une comédie romantique au schéma habituel ! Mais plutôt une histoire simple, avec des gens simples (ni riches, ni pauvres) qui tombent amoureux. Un peu comme dans la vie de tous les jours. Le cinéma bigger than life est oublié au profit d’une histoire qui ressemble à ce

bés qui n’appartiennent indubitablement pas à l’univers cinématographique et qui auraient probablement eu un plus bel avenir sur les planches que sur un écran de cinéma. Si le casting, de par son expérience, aurait pu porter le film, cette même mise en scène, inadéquate, empoisonne les comédiens et plombe sans distinction Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Julie Ferrier, Julien Boisselier ou encore la protagoniste principale Alexandra Lamy qui a décidément bien du mal à percer sans son loulou de Jean Dujardin. En toute honnêteté, et plutôt que d’utiliser des détours littéraires politiquement corrects, on s’ennuie ! La réalisatrice réussit même à embarrasser le spectateur, pauvre témoin de scènes supposées drôles mais qui n’émoustillent pas plus les zygomatiques que l’écoute d’un discours royal de nouvelle année sous euphorisants. Un manque total de maîtrise qui accouche d’une comédie sans saveur, ersatz à la sauce française de Bridget Jones. Bref, Jamais le premier soir aurait pu (dû) s’arrêter au premier mot de cet adage populaire quant à l’aboutissement de ce projet. Quentin Geudens que la plupart des gens vivent. Pas de grands moments romantiques, peu de suspense et de drame, hormis le quiproquo sur l’amitié entre l’ex et la nouvelle compagne d’Albert. C’est étrange de ne pas subir les émotions intenses habituellement vécues au cinéma et, même si on doute de l’intérêt de faire un tel film, on se laisse happer par un récit si simple et si réel dans un monde cinématographique où la surenchère est généralement de mise. Les protagonistes n’ont pas d’ambition (ils sont entre deux âges) hormis le désir d’être heureux et de profiter des petits moments qui émerveillent leur quotidien. Ajoutez à la recette les interprétations sans faille et belles de Julia Louis-Dreyfus et James Gandolfini, vous comprenez rapidement pourquoi vous ne décrochez pas de tout le film. Ensuite, vous passerez à autre chose, le sourire aux lèvres, en ayant déjà oublié pourquoi vous êtes dans cet état. Loïc Smars


De behandeling de Hans Herbots sortie le 29 janvier 2014 Thriller Avec Laura Verlinden, Geert Van Rampelberg, Ina Geerts

Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf sortie le 29 janvier 2014 Comédie (90ʼ) Avec Vincent Lacoste, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon

Après La mémoire du tueur, Loft et Tête de bœuf, un nouveau film noir aux influences américaines vient s’ajouter au paysage cinématographique flamand : L’homme du soir (De Behandeling). En adaptant l’un des bestsellers de Mo Hayder, Hans Herbots a pris le risque de porter à l’écran un sujet pour le moins délicat, celui de la pédophilie.

homme rongé par un chagrin qui l’empêche d’avancer dans sa propre vie.

Le policier Nick Cafmeyer voit son douloureux passé ressurgir lors d’une enquête criminelle qui a tout d’un cauchemar éveillé. Un couple a été séquestré pendant trois jours par un pervers qui a fini par prendre la fuite avec leur fils de 9 ans. Au fil de ses recherches, Nick ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec la disparition mystérieuse de son petit frère, il y a plus de vingt ans. Aux prises avec ses vieux démons, il se lance à corps perdu dans une course-poursuite qui prendra des allures de chemin de croix et, peut-être aussi, de rédemption.

Mais inutile de chercher des échappatoires dans ce thriller psychologique d’une noirceur extrême ; la tension ne baisse jamais. Les fils de l’intrigue s’entremêlent assez habilement même si, par la succession d’images fortes à un rythme effréné, il est parfois bien difficile d’assembler les nouvelles pièces du puzzle. Certains ne manqueront pas de souligner le caractère malsain, dérangeant, voire immoral de plusieurs scènes de perversités. Il est vrai que le film nous prend en otage, à différents moments, avec des images et vidéos insoutenables de maltraitance d’enfants. Nerveux, anxiogène, oppressant, le film d’Hans Herbots joue cruellement avec nos nerfs. On sort de cette histoire complètement essoré et éprouvé. Un thriller haletant réservé, forcément, à un public averti. Marie-Laure Soetaert

Le scénario de Carl Joos permet d’évoluer à la fois dans une logique de polar où les situations ne cessent de se complexifier et dans une logique introspective où l’on voit un

Cinq ans après s'être mis au cinéma avec l'adaptation de sa bande dessinée Les Beaux gosses, Riad Sattouf revient une deuxième fois derrière la caméra avec Jacky au Royaume des filles. Nous sommes en république démocratique et populaire de Bubunne. Les femmes y ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle (Charlotte Gainsbourg), fille de la dictatrice (Anémone), et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa bellefamille, il voit son rêve peu à peu lui échapper... Tout comme dans Les Beaux Gosses, l'univers de Riad Sattouf n'est pas forcément facile à pénétrer. Les blagues ne sont pas à se tordre de rire, et elles sont même souvent politiquement incorrectes. Le film est une critique poussée des doctrines en tous genres, qu'elles soient religieuses ou politiques, et par là des régimes totalitaires. Les exécutions en pu-

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Geert Van Rampelberg (prix du meilleur acteur en 2012 aux Ensors, équivalent flamand des Magrittes) campe avec justesse cet enquêteur déchiré entre la tristesse, la culpabilité et la colère.

blic, la commandante qui fusille l’une de ses soldats pour le plaisir, les jeunes hommes marchandés comme du bétail, et cetera et cetera. L'inversion des rôles hommesfemmes est, en plus d'une critique en soit, un bon moyen pour se rendre compte de l'absurdité de certaines pratiques sur lesquelles nous fermons les yeux. Car quand l'on rit, c'est souvent jaune, ou alors après le film, en se le remémorant. Niveau casting, on prend les mêmes de base et on recommence. Maintenant qu'il a trouvé ses deux jeunes acteurs, Vincent Lacoste et Anthony Sonigo, il ne compte apparemment pas les lâcher de suite. À leurs côtés s'ajoutent une Charlotte Gainsbourg, comme à son habitude géniale et culottée, un Michel Hazanavicius vraiment cool, une Anémone méconnaissable et cruelle et un Didier Bourdon pas mal mais pas fou non plus. En bref, ce film est déroutant du début à la fin, pas forcément drôle sur le moment mais riche de sens. De plus, la campagne de communication, qui vend le film comme une grosse comédie bien drôle ne va sûrement pas aider le film à trouver son public, ni aider le public à se préparer au film. Courez-y donc mais en sachant où vous allez. Baptiste Rol

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma Paul a une profession pour le moins originale, il écrit des éloges funèbres destinées à être lues par la famille du défunt. Un métier pour le moins surprenant qui colle pourtant bien avec le côté taciturne de son personnage. Victor, son voisin, essaie de le sortir de sa solitude et de ses propres démons. Un jour, Emma, une jeune veuve, demande à Paul d’écrire une histoire sur son mari décédé afin qu’elle soit racontée à son fils de huit ans.

Les âmes de papier de Vincent Lannoo sortie le 29 janvier 2014 Comédie dramatique (90ʼ) Avec Stéphane Guillon, Julie Gayet, Jonathan Zaccaï, Pierre Richard, Jules Rotenberg

Pour son septième long métrage, l’enfant terrible du cinéma belge Vincent Lannoo nous offre, une fois de plus, un récit hors des sentiers battus mêlant le drame, l’humour et le fantastique. Un mélange des genres qui promettait de belles saveurs puisque le talentueux cinéaste nous a prouvé dernièrement avec Au nom du fils qu’il pouvait faire d’un ovni, un objet crédible. En outre, le casting alléchant que nous propose cette fiction nous donnait davantage d’opportunités d’y voir l’esquisse d’une réussite artistique. De fait, le récit démarre lentement et tendrement nous installant de bien belle manière les quelques personnages qui rythmeront le ré-

Fred Cavayé n’est pas un vieux briscard du cinéma hexagonal. On peut même dire qu’il en est l’une des nouvelles têtes. Pourtant, depuis ses deux premières réalisations long métrage, Pour elle et À bout portant, force est de constater que le cinéaste a tout d’un grand. De fait, Pour elle avait été une réussite remarquable avec Vincent Lindon dans le rôle principal. Ensuite, À bout portant avait également été un succès, même si le film était contextuellement moins riche que son prédécesseur. Ce dernier mettait en scène Gilles Lellouche. Mea Culpa de Fred Cavayé sortie le 5 février 2014 Policier, Thriller (90ʼ) Avec Vincent Lindon, Gilles Lellouche, Nadine Labaki, Gilles Cohen

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Dès lors, c’est avec grand intérêt que nous nous sommes rendus à la vision de Mea Culpa, dernier volet d’un triptyque policier signé Fred Cavayé qui, selon les propres mots du réalisateur, devait être le meilleur puisqu’il mixait les deux volets précités pour nous offrir un spectacle ludique et émouvant. Autant le dire d’emblée, le film n’a pas vraiment respecté son engagement. Et pour cause, si l’aspect ludique est un contrat pleinement rempli, on ne peut pas en dire autant

cit. Jonglant habilement avec l’humour et le sarcasme, Vincent Lannoo nous offre des dialogues succulents mais aussi des prises de vue subjectives où les silences racontent à eux seuls le passé douloureux de nos protagonistes. Cependant, l’énergie expressive des deux excellents acteurs que sont Pierre Richard et Stéphane Guillon n’arrive pas à donner de l’entrain au fil narratif en lui-même. Les scènes s’enchainent, sont quelques fois savoureuses, mais le poids inerte d’un triangle amoureux à la fois trop abscons et trop éthéré empêche le spectateur de se plonger pleinement dans ce conte de Noël chimérique. Dès cet instant où le spectateur se sent exclu de ce trio romanesque, la narration perd alors en saveur. Le spectateur survole la romance sans s’y attarder. Toutefois, la qualité reste bien présente et le conte se laisse suivre agréablement mais il ne surprend plus. En résumé, Vincent Lannoo a voulu à nouveau étonner par une tonalité résolument décalée et cela fonctionne. Par contre, côté romance, le réalisateur s’est un peu égaré quelque part, entre le rêve et l’impossible. Matthieu Matthys d’un point de vue émotionnel car, en jouant volontairement la surenchère en matière d’effets spéciaux, de cascades et de pyrotechnies, Fred Cavayé a oublié de donner une certaine empathie à ses personnages. Cependant, les amateurs de courses poursuites à l’américaine seront comblés car les scènes de luttes et de traques s’enchainent avec frénésie. Malgré une escalade invraisemblable dans la surenchère (une moto ne rattrape pas un enfant, de même qu’une voiture ne rattrape pas deux hommes d’âge mûr ou encore, qu’une voiture arrive à suivre un TGV), on se complait à suivre cette expérience qui pourrait être qualifiée de divertissante. Néanmoins, on restera irrémédiablement sur notre faim quant à une histoire de fond trop prosaïque pour être prenante. En résumé, Mea Culpa signe la fin d’un triptyque policier mais n’en constitue pas pour autant le meilleur tableau. Si l’action est présente, elle ne sert qu’à masquer une histoire de fond assez terne. Matthieu Matthys


Dans ce drame français réalisé par Nicole Garcia, Baptiste, le personnage principal, est campé par Jean Rochefort qui n'est autre le fils de la réalisatrice. Une histoire de famille donc. La famille, il en est aussi question durant tout le film. Sandra (Louise Bourgoin) est la mère de Matthias, un des élèves de la classe de Baptiste. La rencontre entre ces personnes va marquer un tournant dans leur vie. Car Sandra a de gros problèmes d'argent. Mais Baptiste pourrait apporter la solution à ses soucis financiers.

Un beau dimanche de Nicole Garcia sortie le 5 février 2014 Comédie dramatique (95ʼ) Avec Louise Bourgoin, Pierre Rocherfort, Dominique Sanda

Dans ce huitième film de Nicole Garcia, on retrouve des thèmes très souvent traités dans le cinéma français : le rejet de la famille, l'enfant non-voulu ou encore l'attraction pour une liberté que l'argent ne permettrait pas. Le film débute de manière très directe et Nicole Garcia nous met tout de suite au contact d'une réalité brutale et crue. Les personnages sont tous paumés, perdus dans une vie qu'ils considèrent comme détestable et dont ils ne se contentent pas.

avoir trouvé une paix intérieure toute relative puisque relativement égoïste. Les acteurs jouent juste et arrivent à nous faire ressentir de l'empathie pour leur situation. La prestation de Louise Bourgoin, une nouvelle fois remarquable, est surtout à souligner. Elle est parfaite en mère peu éduquée, généreuse et aimante pour son fils mais aussi involontairement irresponsable vis-à-vis de ce dernier. Pierre Rochefort quant à lui, digne de son acteur de père, n'a pas à rougir de son jeu d'acteur. En définitive, le film nous retrace un voyage vers la rédemption d'une pseudo famille composée de bric et de broc. S’il est très bien réalisé, il manque tout de même de cette petite étincelle de génie qui transforme les bons films en chef-d’œuvres. Un divertissement très sympathique qui mérite le coup d’œil et nous fait passer un bon moment. Olivier Eggermont

Dans cette quête effrénée du bonheur, seul l'instituteur joué par Pierre Rochefort semble

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma Pologne, 1962. Ida, orpheline, a été élevée dans un couvent et alors qu'elle s'apprête à prononcer ses vœux, elle désire réfléchir et surtout connaître la vérité sur la disparition de ses parents pendant la guerre. Pour y arriver, elle n'a d'autre recours que de rencontrer la seule survivante de sa famille: sa tante qu'elle ne connaît pas. Cette dernière est juge et noie un secret dans l’alcool et les multiples conquêtes. Quel est donc ce secret qui la hante? Et ce secret a-t-il quelque chose à voir avec ses parents?

Ida de Pawel Pawlikowski sortie le 12 février 2014 Drame (80ʼ) Avec Agata Trzebuchowska, Agata Kulesza, Dawid Ogrodnik

Le réalisateur est Pawel Pawlikowski, qui est connu en Grande-Bretagne pour ses documentaires tournés pour la BBC. Il s'agit de son troisième long métrage, après My summer of love et surtout La femme du Vème (un écrivain américain se retrouvant à Paris ...sans papiers). Entièrement tourné en Pologne avec des acteurs polonais quasi inconnus, Pawel nous livre ici un film en noir et blanc, au scénario se déroulant avec lenteur, aux dialogues espacés et très peu nerveux. Difficile d'accès. Le cinéaste, afin de limiter tout ce qui pouvait apparaître dans le cadre, a choisi le

Woody Grant, un vieil homme persuadé d’avoir gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain. Sa famille, inquiète de ce qu’elle perçoit comme le début d’une démence sénile, envisage de le placer en maison de retraite, mais un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit…

Nebraska dʼAlexander Payne sortie le 19 février 2014 Comédie, Drame (115ʼ) Avec Bruce Dern, Will Forte, June Squibb

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Cette histoire, c’est celle de Nebraska, le nouveau film d’Alexander Payne, connu notamment pour The Descendants, About Schmidt ou encore Sideways. Présenté en compétition officielle lors de l’édition 2013 du très médiatisé Festival de Cannes (et nominé pour la Palme d’Or), le film avait reçu un accueil très positif et avait remporté, à juste titre, le prix du meilleur acteur pour Bruce Dern. Il restait désormais à le confronter au grand public … Et c’est sans artifice, dans un noir et blanc de circonstance et complice d’une atmosphère étrange, que le réalisateur américain nous envoie sur le chemin de ce road movie aty-

monochrome. Pour lui, il s'agissait de faire le plus minimaliste possible. La ville, la campagne, les décors, l'ambiance même se ressentent de cette recherche et... cela n'a pas empêché l'esthétique irréprochable de l'image. L'histoire s'égrène très lentement... suivant en cela le cheminement intérieur d'Ida dont les pensées et la Foi sont battues en brèche par les commentaires épicuriens de sa tante, qui est, de plus, juge communiste. Un film difficile donc, à la photographie impeccable, où j'ai cependant trouvé que l'émotion ne transparaissait pas.... Ce qui n'a pas empêché l'intérêt de plusieurs jurys internationaux. En effet, l'actrice principale, dont c'était le premier rôle important a reçu le prix de l’interprétation au Festival du film polonais de Gdynia. Plusieurs jurys dans le monde ont également apprécié l’œuvre puisque Ida a reçu le prix du meilleur film au Festival du film de Londres ainsi qu'au Festival du Cinéma Européen des Arcs, le Prix Fipresci au Festival international du film de Toronto. Philippe Chapelle

pique, aux antipodes du manichéisme : au sein même des relations humaines et familiales. Bruce Dern et Will Forte, accompagnés d’une kyrielle d’acteurs savoureux, nous portent aux confins du politiquement incorrect, sans aucun détour romantique, au travers de ce voyage initiatique inversé parsemé de dialogues tranchants, inattendus et percutants. En outre, une bande son épurée, des images poétiques et une bande originale simple font de Nebraska bien plus qu’une simple comédie. Nebraska est une réussite cinématographique à inscrire incontestablement au panthéon du très large et vaguement défini panel des « films d’auteur ». Si le long métrage sera boudé par les amateurs d’action et de sensations fortes, il séduira sans doute les prestigieuses statuettes outre-Atlantique et ravira indubitablement les amateurs du 7ème art véritable. À bon entendeur… Quentin Geudens




©ABC Distribution

l’actu cinéma

Captain America 3 en projet

©Marvel Pictures

Sur notre bon vieux continent, Captain America n’avait pas fait grand bruit. Et pour cause, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un super-héros très populaire outre-Atlantique (d’où son nom), mais encore peu ou pas connu chez nous. En outre, il symbolise à lui seul l’Amérique victorieuse, ce qui n’est pas pour déplaire à certains de ses détracteurs. Quoiqu’il en soit, le film a été un succès aux Etats-Unis et c’est de manière logique que les studios Marvel (appartenant à Disney) ont annoncé qu’un troisième film verrait le jour alors que les spectateurs n’ont pas encore pu apercevoir le second. Pour ce troisième opus, ce sont les frères Anthony et Joe Russo qui seront aux commandes comme c’était déjà le cas pour le deuxième volet, Captain America : Le Soldat de l’hiver, dont la sortie est prévue pour le printemps prochain. Marvel continue à présenter des super-héros avec probablement des nouveaux pour 2016. M.M.

Box office Belgique

Star Wars 7, secret défense

1. Le Loup de W.S. 2. 12 years a Slave 3. FC De Kampioenen 4. La Reine des neiges 5. Homefront 6. The Hobbit 2 7. Yves Saint-Laurent 8. Marina 9. Philomena 10. Le manoir magique Source : Box Office Mojo

DVD - Blu ray

©D.R.

Du 22 au 26 janvier 2014

Si Quentin Tarantino ne décolère pas suite aux fuites du scénario de son prochain film (qu’il a dès lors abandonné), J.J. Abrams semble très prudent quant à lui.

De fait, dans une interview accordée au Daily Telegraph, le cinéaste a avoué comment il s’y prenait pour éviter toute fuite concernant l’un des films les plus attendus. Selon l’intéressé, lorsqu’il travaille sur le scénario avec ses équipes, les fenêtres sont systématiquement recouvertes de feuilles noires, une volonté apparente de la production plus que de J.J. Abrams lui-même qui s’en amuse cependant. Et cela fonctionne puisque les fans de la saga ne savent encore rien sur la suite tant attendue de ces héros de l’espace imaginés par George Lucas. M.M.

La Grande Bellezza primé par l’UPCB La Grande Bellezza du réalisateur italien Paolo Sorrentino a reçu le Grand prix de l’UPCB (Union de la Presse Cinématographique Belge) lors de l’assemblée annuelle de l’organisme. L’association a fait également part des détails qui ont motivé leur décision en récompensant « le film d’un réalisateur qui, après l’inoubliable « Roma » de Federico Fellini et le truculent « Gente di Roma » d’Ettore Scola, complète la radiographie de la faune qui hante les soirées décadentes de la capitale italienne, avec sa caméra intrusive et impitoyable, capturant des images flamboyantes et inoubliables, toujours avec tendresse. » Outre ce prix prestigieux, un autre prix a été décerné. Le Prix Humanum (décerné à un film servant de plaidoyer pour vivre en harmonie parmi différents peuples) a été remis au film belge Kinshasa Kids de Marc-Henri Wajnberg. « Un film qui s’attaque à la problématique tragique des enfants sorciers dans les rues de la capitale congolaise, pour raconter avec humour et poésie une Afrique enragée, musicienne et vibrante», a indiqué l’association. Pour rappel, l’UPCB avait décerné ces mêmes prix l’année dernière. Le Grand Prix avait été octroyé à Killer Joe de William Friedkin et le Prix Humanum à Le Havre de Aki Kaurismäki.

La Grande Belezza de Paolo Sorrentino

Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toufévrier 2014

tes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré.

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

Les Suricates

d’Or 2014

On vous a demandé de voter pour vos coups de coeurs cinéma 2013. Vous avez été nombreux a participer. Voici maintenant les résultats des deuxièmes Suricates d’Or !

Suricate d’or du film d’animation

10 janvier 2013 - 20h

moi, moche et méchant 2

de Chris Renaud avec les voix de Gad Elmaleh, Audrey Lamy, Sarah Brannens Aucune concurrence, Moi, moche et Méchant 2 a écrasé tous ses adversaires ! Mais il faut avouer, que, hormis le très beau Lettre à Momo, 2014 n’a pas été une réussite pour l’animation.

Suricate d’or du film comique (anglophone)

12 janvier 2013 - 20h les miller

de Rawson Marshall Thurber avec Jennifer Aniston, Jason Sudeikis Révélation comique de l’année, Les Miller n’a pas eu la victoire facile ! Le troisième Very Bad Trip et le dernier Woody Allen étaient proches.

Suricate d’or du film comique (autres)

les garçons et guillaume ...

de Guillaume Gallienne avec Guillaume Gallienne, André Marcon, Françoise Fabian Tout le monde en a parlé, le public l’a retenu ! Guillaume Gallienne prouve cette fois encore, son immense succès de 2013.

Suricate d’or du dramatique de Kathryn Bigelow avec Jessica Chastain, Jason Clarke De gros films cette année ! Comme Lincoln, Prisoners, Mud,etc. Mais c’est finalement Zero Dark Thirty qui l’emporte. Kathryn Bigelow a décidément la cote !

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15 janvier 2013 - 20h 14 janvier 2013 - 20h

zero dark thirty


Suricate d’or du blockbuster

django unchained

de Quentin Tarantino avec Christoph Waltz, Leonardo Di Caprio, Jamie Foxx 20 films étaient mis en compétition et comme tout le monde s’y attendait, Django Unchained emporte une victoire écrasante. Même The Hobbit s’est contenté des miettes.

10 janvier 2013 - 20h

Suricate d’or du film d’horreur

the conjuring

Pour The Hobbit : un voyage inattendu de Peter Jackson The Conjuring a marqué les esprits en 2013. Malgré un peu de popularité pour World War Z, c’est une victoire édifiante. On regrettera à la rédaction, l’oubli, dans les votes, de Byzantium de Neil Jordan.

Suricate d’or du film d’amour

12 janvier 2013 - 20h la vie d’adèle

Pour La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle ! What else ? Toutes les passions se sont déchaînées autour de ce film. Et malgré les polémiques, la majorité a adoré. Seul Happiness Therapy a, on dirait, intéressé les lecteurs.

Suricate d’or du documentaire

chimpanzés

Pour Chimpanzés de Mark Linfield et Alastair Fothergill Des abeilles, des chimpanzés, une forêt, il y avait de tout cette année. Mais c’est le mignon bébé chimpanzé qui a emporté le plus de coeurs.

15 janvier 2013 - 20h 14 janvier 2013 - 20h

Suricate d’or du film peu connu

la marche

Pour La Marche de Nabil Ben Yadir Film peu connu, à petit budget, La Marche s’est révélé être un film à succès comme le montre bien le choix du public. Au nom du fils malgré son relatif anonymat n’était pourtant pas loin !

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Cinéma

Suricate d’or du meilleur réalisateur

quentin tarantino

Pour Django Unchained avec Christoph Waltz, Leonardo Di Caprio, Jaimie Foxx Tout le monde en est fan (ou presque), Django Unchained l’a consacré, Quentin Tarantino tient le devant de la piste. Et ce n’est pas pour nous déplaire.

10 janvier 2013 - 20h

Suricate d’or de la meilleure réalisatrice

kathryn bigelow

Pour Zero Dark Thirty Kathryn Bigelow n’a que Sofia Coppola pour lui tenir un peu tête. C’est la réalisatrice en vogue des dernières années. Et pour beaucoup d’autres encore !

Suricate d’or du meilleur acteur

12 janvier 2013 - 20h daniel day-lewis

Pour Lincoln de Steven Spielberg Daniel Day-Lewis dans un rôle de composition, c’est presque assurément un prix à la clé. Chez nous, c’est fait. On attend les Oscars pour voir si cela continue ...

Suricate d’or de la meilleure actrice

lea seydoux

Pour La Vie d’Adèle de Abdellatif Kechiche Sandra Bullock, Jennifer Lawrence, Cate Blanchett, Léa Seydoux : toutes des actrices talentueuses qui ont eu des rôles à la hauteur de leur talent. Mais La Vie d’Adèle rafle tout !

15 janvier 2013 - 20h 14 janvier 2013 - 20h

Suricate d’or du meilleur espoir Pour La Vie d’Adèle de Abdellatif Kechiche Malgré plusieurs rôles mémorables découverts en 2013, c’est encore une fois, le sublime La Vie d’Adèle qui passe au-dessus de tout. La jeune Exarchopoulos gagne ! En attendant le César ...

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adèle exarchopoulos



Musique

Rencontre avec le génialissime Hasse Fröberg Cela fait maintenant 20 ans que les suédois de Flower Kings nous régalent de leur rock progressif au son si particulier. Avec leur style unique, leur sens de la mélodie et leur technique, le groupe, mené par Roine Stolt, a su se démarquer des autres et laisser sa marque dans le monde fermé du progressif. Desolation Rose, leur 12ème album vient de sortir. Nous avons donc profité de cette occasion pour parler à Hasse Fröberg, le second chanteur et guitariste du groupe.

Interview Bonjour Hasse! Merci pour cet interview. Parlons tout d’abord de Desolation Rose, le nouvel album de Flower Kings. J’ai été agréablement surpris par la diversité de styles et d’atmosphères présente sur ce nouveau disque. Quel est ta vision de ce disque? Estce la suite du dernier (Banks of Eden)? Ou un nouveau départ pour le groupe depuis son hiatus?

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La plupart des chansons ont été écrites en studio et cela nous a permis de travailler ces chansons vraiment ensemble. Depuis Paradox Hotel, nous avons enregistré nos albums en situation live (avec des avec quelques overdubbs bien sûr). Mais il n’y avait pas vraiment de volonté groupée. Sur les autres albums, on entrait toujours en studio avec du matériel fini. Cette fois, nous avions seulement 20 minutes de musique déjà écrites. Le

reste est donc une collaboration entre nous tous. Je pense que c’est l’une des raisons de cette diversité dans les styles. Il y a plus de gens impliqués dans l’écriture de l’album.


C’est d’ailleurs déjà votre douzième album (ce qui est vraiment impressionnant). Quel regard portes-tu lorsque tu revois vos débuts et la progression du groupe au fil du temps? Je pense que, comme la plupart des groupes, The Flower Kings a connu beaucoup de changements. C’est d’ailleurs nécessaire si tu veux que ton groupe survive pendant plus de 20 ans. Ce que je remarque, c’est qu’à nos débuts, nous étions un groupe de rock progressif classique avec quelques influences venant de la musique folk suédoise. Lorsque Jonas est arrivé dans le groupe, et que Zoltan était à la batterie, nous avons fait plus de jazz. (Surtout sur l’album Unfold The Future). Depuis lors, nous sommes revenus à un mélange de rock progressif classique et symphonique. Avec tantôt une pointe de pop, tantôt de rock ou de métal selon les albums. Voilà comment je vois les choses, mais bien entendu, chacun a sa façon de voir cette évolution sous un angle différent. Pourrais-tu nous parler de cette pause que vous avez faite pendant cinq années avant l’album Banks Of Eden ? Et qu’est-ce qui vous a fait revenir ? Pour être franc, on se sentait vraiment vides à cette époque. Ne te méprends pas, j’adore Sum Of No Evil. Il y a de beaux morceaux dessus et la production est bien ficelée. Mais lorsque l’on dû refaire une tournée, je me rendis compte pendant les shows, que nous étions vraiment exténués. Je pense que le rythme auquel on enchaînait les albums et les tournées a fini par avoir raison de nous. Donc, nous avons alors décidé de faire une pause. Pour nous, ce n’était pas un gros problème, même si je n’étais pas certain que nous jouerions encore ensemble

un jour. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé mon propre projet : The Musical Companion. À ce moment-là, je ne savais pas si j’était encore membre du groupe ou pas. Pour ce qui est de la raison de notre retour, je n’en suis pas certain. Il faudrait poser cette question à Roine (le leader du groupe). J’étais en plein enregistrement de Powerplay, le second album de mon projet, quand j’ai reçu un appel. Deux semaines plus tard, on se réunit, et un mois plus tard, nous entrions au Varispeed Studio pour enregistrer les pistes de Banks Of Eden avec Felix Lehrmann, un batteur que nous n’avions jamais rencontré. Banks Of Eden était un très bon retour musicalement. C’est un peu comme si le groupe avait trouvé un second souffle. D’où tirez-vous votre inspiration ? Je suis d’accord avec toi, l’appétit était de retour et à ce moment-là, c’était même plus important que les chansons et notre façon de jouer. En effet, Banks Of Eden fut un très chouette album avec deux chansons favorites qui reviennent régulièrement sur nos setlists en concerts : Numbers et Rising The Imperial. Ce qui nous inspire ? Je ne peux vraiment le dire. Cela varie selon chacun de nous. Il semblerait que vous ayez poussé votre voyage musical un peu plus loin cette fois en explorant de nouveaux territoires sur Desolation Rose.

petits détails donnèrent l’idée générale pour la production de cette chanson. Vous avez déjà fait quelques dates en décembre dernier pour promouvoir l’album. Quelles furent les réaction du publics aux nouvelles chansons ? Elles furent très positives ! On va juste peaufiner un peu la setlist avant de repartir en tournée en avril. J’ai vu que pour la dernière chanson, vous aviez fait appel à un genre de chorale en réunissant quelques amis comme Edgel Groves Sr. (que nous avons récemment interviewé) et son fils Edgel Jr. Comment avezvous fait connaissance? En fait, Edgel Jr est notre tour manager depuis deux tournées. Et c’est un sacré gars ! Très organisé, etc. Il s’arrange toujours pour faire les choses bien et il est très marrant. J’ai eu l’occasion de vous voir lors de la dernière tournée avec Neal Morse à Zoetermeer et c’était vraiment sympa de voir les deux groupes réunis sur scène à la fin pour interpréter des chansons de Transatlantic. Je pense que cette tournée fut la meilleure chose qui pouvait nous arriver. C’était aussi bien pour nous que pour le groupe de Neal Morse ainsi que pour le public présent. Pour moi, le public était vraiment en communion avec nous et c’était superbe de jouer ces morceaux ensemble !

Vous avez utilisé beaucoup de claviers différents, ce qui est très intéressant. As-tu aussi fais quelques expériences de son avec ta guitare ? Oui, par exemple, sur White Tuxedos, je joue avec un son assez « Twangy » avec ma Telecaster pendant que Roine est à genoux en train de tourner les boutons d’une pédale delay qu’il vient de recevoir. Je pense que tous ces

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Justement, en parlant de cela, Roine va bientôt tourner avec Transatlantic pour promouvoir Kaleidoscope, leur nouvel album. Mais de ton côté, tu va aussi être bien occupé avec ton projet n’est-ce pas ? Peux-tu nous en parler ? Comme je te le disais, j’ai lancé mon propre groupe (Hasse Fröberg & Musical Companion) quand The Flower Kings a fait une pause de cinq ans. J’ai fais cela, car je ne me voyais pas ne pas faire partie d’un groupe. J’ai alors commencé à écrire ce qui allait devenir Future Past, notre premier album (sorti en 2010), pendant l’année 2008. Dès que j’ai senti que j’avais écris assez de musique que pour la proposer à une formation, je me suis mis à la recherche de musiciens. Et j’ai fini par choisir deux gars avec qui j’avais joué dans le passé dans un ancien groupe, Spellbound.

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Il s’agit de Thomsson à la basse et Ola Strandberg à la batterie. J’ai aussi amené deux nouveaux visages : Anton Lindsjö à la guitare et Kjell Haraldsson au clavier. Notre premier album fut bien reçu par la critique et nous avons fait une petite tournée de 10 dates pour le promouvoir en Suède, en Norvège, en Allemagne, en Hollande et en Belgique ! Après cela, nous avons enregistré notre second disque (Powerplay) qui est sorti fin avril 2012 (soit six semaines avant Banks Of Eden qui allait marquer le retour de Flower Kings). Bien entendu, il devint alors compliqué de promouvoir cet album correctement alors que des tas de concerts de Flower Kings s’annonçaient pour moi. J’ai d’ailleurs joué au Night Of The Prog avec les deux groupes ! À un moment donné, je devais même jouer avec mon projet le vendredi, puis prendre l’avion pour jouer avec Flower

Kings le lendemain dans une autre ville. C’était assez difficile et malheureusement, mon projet fut mis à mal à cause de cela. Mais je n’avais pas le choix. J’avais un festival important aux USA et le Night Of The Prog en Allemagne, ainsi que sept autres shows confirmés quand il fut décidé que Flower Kings allait se reformer. Impossible donc de faire machine arrière. Au final, nous avons fait de notre mieux et permis de solidifier ce groupe. Nous sommes d’ailleurs en train d’enregistrer notre troisième album. Donc, au final, cela se passe plutôt bien.



Photos du concert au 013 à Tilburg par Christophe Pauly Vous prévoyez de sortir cet album bientôt et de faire une tournée? On prévoit de le sortir au début de l’été et de faire quelques shows pour ce disque également. Mais pour le moment, je ne peux t’en dire plus car il y a tellement de paramètres à prendre en compte et dont nous n’avons pas le contrôle. L’idéal serait de sortir ce disque à la fin du mois de mai voire début juin et de tourner en septembre. Entre Musical Companion et The Flower Kings, quelle est ta priorité ? J’ai déjà eu l’occasion de gérer des enregistrements et des tournées avec les deux groupes au même moment par le passé. Donc, je pense que je peux m’en sortir sans mettre de priorité. Il faut juste que je planifie soigneusement tout à l’avenir pour que cela fonctionne.

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Est-ce que les Flower Kings ont prévu une tournée cette année pour Desolation Rose ? Oui, elle commencera en avril (voir les dates sur le site de Flower Kings). Mais avant cela, nous allons jouer au Progressive Nation at Sea 2014 aux Caraïbes avec beaucoup d’autres groupes. Nous jouerons également à un festival en Angleterre avant cette tournée. Il se peut que d’autres dates s’ajoutent par la suite pour la Scandinavie, l’Europe de l’Est ou le Japon. On verra bien ! Merci pour cet entretien passionnant! Nous espérons vous revoir bientôt pour découvrir ces nouveaux titres en live ! Christophe Pauly

Desolation Rose, le 12ème album de Flower Kings est disponible chez Inside Out. Retrouvez toutes les infos sur le groupe et leurs dates de tournée sur www.flowerkings.se



Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Musique Electro

Hard Rock

Hard Rock

London Grammar « If You Wait »

Universal Music

Une voix envoûtante, un synthé et un piano. Cela suffit à ce jeune trio anglais pour nous proposer un album d’une grande qualité. Originaires de Nottingham, Hannah Reid, Dot Major et Dan Rothman se sont rencontrés sur les bancs de l’école. Aujourd’hui, grâce à leur talent, ils sont connus bien au-delà des bars britanniques dans lesquels ils ont commencé à jouer. Leur premier album If You Wait, sorti il y a quelques mois, est une véritable révélation dans le monde musical. Pop et un brin mystique, l’album est composé de 11 titres sur lesquels on ne peut que remarquer l’enivrante voix grave d’Hannah Reid, la chanteuse. Elle, qui n’a jamais pris de cours de chant, a un timbre de voix tout à fait particulier. On pourrait la reconnaître parmi des dizaines d’autres et c’est, indéniablement, ce qui participe à leur succès grandissant.

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Lorsqu’elle atteint les notes plus aiguës, c’est pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

original. Avec If You Wait, ils nous emmènent loin, très loin de la réalité pour une magnifique balade onirique.

L’instrumentalisation est simple : quelques notes de piano et un synthé. L’ensemble crée un univers musical épuré mais sublimement travaillé.

À écouter encore et encore.

On y retrouve notamment une belle reprise de Nightcall de Kavinsky, la BO du film Drive. Le style électronique disparaît pour laisser place à une interprétation au piano. Le titre Metal and Dust est un peu plus rythmé, alors que le morceau Interlude enregistré en live, est l’un des plus calmes de l’album. Leur talent ne se limite pourtant pas uniquement à la musique. L’univers singulier du jeune groupe est, à chaque fois, réaffirmé dans leur clip comme dans celui en noir et blanc de Wasting My Yong Years où des corps semblent être en apesanteur. Visuellement ou musicalement, London Grammar est un trio talentueux et

Mathilde Schmit


Rock

Hard Rock Elbow «Live at Jodrell Bank»

Universal Music

Alors que la sortie du sixième album studio est annoncée pour le 10 mars 2014, Elbow a tout de même décidé de sortir fin novembre 2013 un cd/dvd live. Sans remettre en cause l’indéniable talent des anglais du groupe de rock, ou même la qualité de ce cd/dvd live, celui-ci transpire toutefois l’opération marketing. Ainsi, les fans ont pu pré-commander le nouvel album qui sortira en 2014, mais aussi précommander « un pack exclusif » reprenant le futur sixième opus, le cd/dvd live d’Elbow, et des tickets pour la tournée 2014. On est plus très loin du crowdfounding… Peu importe, c’est la crise pour tout le monde ! Et puis soyons honnête, Elbow se fout pas de la tronche de ses fans avec cette sortie. Live at Jodrell Bank est le premier enregistrement public du par le groupe. Disponible depuis le 25 novembre, il contient l’ensemble du show tenu à l’Observatoire de Cheshire en juin 2012 (d’où la grosse antenne satellite sur le verso de la pochette !). Le dvd comporte en plus des interviews exclusives, des vidéos des coulisses et un documentaire de

l’événement, le tout bien évidemment en HD. Les deux cds sont en continuité directe et compilent à peu de choses près l’entièreté du show. Le premier, de 8 chansons et 50 minutes, comprend les pièces maîtresses de la musique du groupe : Lippy Kids, The Night will always win (la chanson du jeu vidéo Call of Duty : Black Ops 2 pour les connaisseurs du genre), The bones of you, Leaders of The free worlds, Grouds for Divorce (qu’on retrouve notamment dans le générique de la série Dr House et qui a permis au groupe, jusque-là cantonné à une notoriété « rock-indie élitiste », de s’immiscer dans tous les foyers du monde), etc. Le deuxième cd n’est pas en reste. Il comprend sept chansons parmi lesquelles Mirrorball (de l’album The Seldom Seen Kid, notamment repris par Peter Gabriel qui a d’ailleurs un peu le même timbre de voix que Guy Garvey, le chanteur du groupe), Starlings, Weather to fly et l’excellent The Birds (le morceau de 9 minutes 32 qui vous démange de sortir un briquet de votre poche ou de vous balancer de gauche à droite…), etc.

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Il s’agit d’un excellent cd live (un des meilleurs que j’ai eu l’occasion d’entendre cette année - enfin en 2013 - et qui incite clairement à choper des tickets pour la tournée de 2014), non seulement parce que la qualité d’enregistrement n’est pas dégueulasse, mais aussi parce que l’ambiance transcende : Guy Garvey est sans cesse en interaction avec son public : il blague, il tape discute avec les fans, les encourage à l’accompagner en chanson, … Tant et bien qu’il a fallut raccourcir ces instants pour les compiler sur les deux cds. La voix charismatique de Guy, ses interventions décalées, la musique pro du groupe, et la fraicheur de la playlist sont autant d’arguments qui risquent de convaincre les dubitatifs de se réconcilier avec cd live. Claire Rigaux

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Musique Metal

Hard Rock Adrenaline Mob « Men Of Honor»

Century Media

Après un premier album (Omertà) très remarqué par la critique, et une tournée triomphale, le gang de Adrenaline Mob est de retour avec un second album et un nouveau batteur. On le sait, le succès du groupe et de ce premier disque était fortement dû à la présence de Mike Portnoy qui voyait là une bonne opportunité d’intégrer une formation solide et motivée depuis son départ de Dream Theater et les nombreux doutes qui planaient alors dans la tête des fans sur l’avenir du batteur aux multiples récompenses. Tout semblait se passer pour le mieux, le groupe enregistre Omertà, leur premier album, fait une tournée couronnée de succès. Suit alors Covertà, un EP de reprises de groupes faisant partie de leurs influences. Le groupe continue à tourner un peu, mais rapidement, des problèmes de planning (de Mike Portnoy occupé dans de multiples projets) contraignent le groupe à espacer ses dates de concerts. Conscient qu’il n’y arrivera finalement pas, Mike Portnoy décide de quitter le groupe pour les libérer de cette contrainte devenant de plus en plus pesante. Que va devenir Adrenaline Mob ? Et bien les autres membres vont chercher un remplaçant qui puisse être aussi efficace que ne l’était

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Portnoy. Pendant ce temps, Mike Orlando, le guitariste et John Moyer, le bassiste (provenant de Disturbed) vont travailler dur pour composer le nouvel album. Et on le sait, le second album est crucial dans la carrière d’un groupe. Il détermine souvent la durée de vie de celui-ci. Il fallait donc frapper fort pour ce second disque. C’est donc le batteur Anthony Jude Pero, des Twisted Sister, qui viendra assurer la batterie sur l’album. Omertà faisait référence à la loi du silence qui règne dans le milieu mafieux. Pour rester dans l’esprit du groupe, il fallait un titre qui soit en rapport avec le premier. Mike Orlando (qui a des origines portoricaines) nous en parle : Nous cherchions depuis un certain temps déjà après un titre qui puisse convenir à ce nouvel album. C’est alors que je parlais à mon père de cela et qu’il me proposa : Uomini D’Onore, ce qui signifie : Men Of Honor. Et j’ai su que c’était ce qu’il nous fallait. Car, peu importe les changements qui ont lieu, nous sommes des hommes d’honneur et nous préserverons l’esprit de ce gang musical jusqu’au bout. C’est donc avec beaucoup de conviction que le groupe a préparé ce Men Of Honor et le résultat est saisissant.

À peine commence-t-on à écouter Mob Is Back (le premier titre) que l’on est impressionné par cette présence du groupe et en particulier Mike Orlando qui délivre des solos et des riffs dans la veine de Zakk Wylde. Du coup, on a un peu l’impression d’avoir un album de Black Label Society entre les mains. Mais comme le premier opus, Men Of Honor contient autant de styles que de morceaux. Come On Get Up est un morceau « in your face » comme le souligne Allen au début du morceau. Le style est direct et puissant sans concession avec un solo mêlé de whammy et autres notes criardes. La voix de Russell Allen rugit à merveille sur cette tempête de riffs tous plus entraînants les uns que les autres. Let It Go est plus groovy et donnera certainement envie de « jumper ». On y retrouve un riff un peu comme dans Undaunted. La formule marche toujours autant avec cette voix enragée de Allen et la batterie toujours aussi entraînante. Feel The Adrenaline redonne le ton avec un tempo plus rapide et des riffs complices entre la guitare et la basse. On sent que le groupe a un énorme potentiel scénique avec ce genre de titre.


Hard Rock

Hard Rock

Ce morceau prend une tournure très particulière à la quatrième minute lors d’un break où l’on retrouve une certaine approche à la Alice In Chains (écoutez le chant et le riff de cette partie, c’est bluffant !) ce qui ne déplaira pas aux amateurs du genre. Nous ne sommes là qu’à la moitié du disque, et déjà, le contenu est impressionnant. Vous l’aurez compris, Men Of Honor est le genre d’album qui va faire des ravages avec une multitude de styles très bien maîtrisés et une formation qui sait délivrer du métal de qualité aussi bien sur le plan technique que mélodique. De plus, Russell Allen a prouvé sa capacité à rassembler les foules sur scène. Si certain se posaient des questions quant à l’avenir et la direction qu’allait prendre Adrenaline Mob, voilà de quoi les rassurer. Un disque vraiment réussi et qui ne peut laisser indifférent. Un conseil, allez les voir ! Christophe Pauly

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Musique

Les Mamelles de Tirésias à la Monnaie

La critique Premier opéra de Francis Poulenc d'après la pièce de théâtre de Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias a été composé pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet opéra en deux actes raconte l'histoire d'une femme, Therèse, qui n'en peut plus de sa condition et préfère devenir un homme : Tirésias. Elle attache et déguise son mari en femme avant de le laisser seul pour partir à la conquête du monde.

d'après l'adaptation de l'oeuvre par Benjamin Britten, l'interprétation est servie par une troupe de jeunes chanteurs qui ne manque ni de fougue ni de talent.

C'est alors qu'à Zanzibar, Tirésias lance une campagne contre la procréation. Le mari décide alors d'élaborer un moyen de mettre au monde des enfants sans recourir aux femmes. Et cela marche ! Puisqu’en un jour, il a donné naissance à 40.049 enfants!

Les décors sont simples et efficaces. Certains éléments, tels que des ballons gonflés à l'hélium viennent ponctuer et appuyer l'histoire.

Une histoire loufoque qui montre le désir, en un temps difficile, de casser les stéréotypes et de faire rire. Un vent de révolution souffle sur cet opérabouffe, on en prend pleins les yeux et pleins les oreilles et on adore ça. Accompagné ici par deux pianos

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Quant à la mise en scène réalisée par Ted Huffman, elle est délicieusement réussie. Elle reflète à merveille l'univers cabaret/music-hall grâce à l'énergie qui s'en dégage ainsi que les nombreux passages chorégraphiés.

Il faut savoir également, que cet opéra dure moins d'une heure, on est donc bien loin des trois ou quatre heures avec entracte habituelles. Si vous souhaitez découvrir le monde de l'opéra, cela pourrait bien être une parfaite entrée en matière. Les Mamelles de Tirésias ne manqueront pas de vous séduire, à la fois

drôle et fantasque, c'est indémodable ! Adeline Sicart



brussels

show

Scène

made in

Sarah Vanel et le Made In Brussels Show

©Sarah Vanel / MIB

L’interview À seulement 27 ans, Sarah Vanel est devenue l’une des actrices incontournables du secteur culturel bruxellois. Comédienne de formation, ce petit bout de femme a créé le Made In Brussels Show il y a de cela six années. Depuis, le succès est au rendez-vous pour cette scène ouverte remarquable. Rencontre informelle et détendue avec Sarah Vanel, dénicheuse de talents éminemment sympathique.

Sarah Vanel, avant d’être la créatrice du Made In Brussels Show (MIB), vous êtes comédienne de formation si je ne me trompe ? Tout à fait. J’ai d’abord fait une école à Paris puis ensuite à Bruxelles. Après cela, j’ai également suivi des cours dans une école à Namur qui n’existe plus et qui s’appelait « L’acteur au quotidien ». Pendant mes études, j’ai créé le MIB. J’ai alors arrêté ma formation pour me consacrer à la production d’humoristes. Cependant, j’ai fait du théâtre et quelques courts métrages mais rien de très exceptionnel. En fait, depuis que j’ai commencé à produire, je me suis retirée des agences, je n’ai plus passé de casting et, fatalement, je ne me suis plus vraiment engagée comme comédienne.

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La scène vous manque-t-elle ? Non, pas vraiment. Je n’en ai pas fait assez pour pouvoir dire qu’elle me manque. Je suis bien au MIB pour l’instant.

« Le concept de scène ouverte n’existait plus à Bruxelles » Parlons justement du MIB. Qu’estce qui vous a poussé à créer une scène ouverte à Bruxelles ? À l’époque, j’allais souvent à Paris pour voir des pièces de théâtre ou boire des verres dans des cafés-théâtres. Je trouvais le concept très sympa, boire un verre tout en regardant des artistes. En revenant à Bruxelles, je me suis renseignée afin de savoir si des endroits de ce style existaient. Je me suis alors rendue compte que le concept de scène ouverte n’existait plus en tant que tel. Dès ce moment, je me suis mise en tête d’en ouvrir une. J’ai posté des annonces afin de trouver des artistes et j’ai pu trouver une salle qui s’appelait le Théâtre des 2 Gares à Anderlecht. Lors de la première soirée, en 2008, le succès était au rendez-vous puisque 150 personnes étaient présentes. En

parallèle, j’avais reçu près de 200 candidatures par e-mail de différents artistes. Il y avait donc une réelle demande de la part des artistes et du public. Cela m’a dès lors motivée à continuer et les médias en ont largement parlé puisque depuis le Comiqu’art, il n’y avait plus de plateau pour les jeunes artistes hormis le Koek’s Théâtre. Ensuite, tout s’est enchainé assez vite. Nous avons créé une boite de production et continué les spectacles qui se déroulent tous les mois depuis bientôt six ans maintenant. De la production et de la promotion. Le MIB a donc deux activités en quelque sorte ? Dans le MIB, il y a deux pôles : la production et la diffusion. La production d’artistes comme Jules par exemple et la diffusion de spectacles comme Amour sur place ou à emporter dernièrement avec Amelle Chahbi et Noom Diawara, mais aussi d’autres spectacles qui vont arriver cette année. Outre cela, nous travaillons également, pour certains évènements, en coproduction avec une boite de prod’ française qui s’appelle NMVK. Revenons-en à la détection de talents proprement dite. Comment recrutez-vous les humoristes et artistes qui se produisent sur la scène du Teatro chaque mois ?


Un casting est organisé tous les mois. On regroupe tous les postulants sur une journée et on choisit. Très souvent, je vais moi-même voir beaucoup de spectacles afin de me faire une idée et de dénicher de nouveaux talents.

soit prendre un présentateur connu, soit un artiste déjà confirmé.

Des artistes uniquement belges ?

Aujourd’hui, vous avez pris place au Teatro, à Watermael-Boitsfort. Etait-ce une volonté de vous installer dans cet endroit ou bien cela s’est-il fait par hasard ?

Non, il y a beaucoup de français qui posent leur candidature mais je privilégie les talents belges avant tout car nous sommes en Belgique. Cela dit, je fais tout de même venir un français par mois à Bruxelles, en général c’est un coup de coeur qui vient souvent de la scène parisienne. Maintenant, ce n’est qu’un plateau, ils ne sont pas là pour faire leur spectacle en entier. En six ans d’existence, vous devez avoir vu défiler d’innombrables artistes. Sur cette masse, combien réussissent à percer réellement et à vivre de leur art ? Pas beaucoup. C’est très difficile dans ce métier. Certains y arrivent très bien comme Jules par exemple qui cartonne en radio, en théâtre et avec son one man show. Mais la plupart galère. À Paris, il y a une foule d’artistes qui ne percent jamais. À Bruxelles, cela commence également. Sur la masse, il est très difficile de trouver sa marque de fabrique. Proposer quelque chose de frais et de nouveau, c’est très difficile aujourd’hui mais il y en a qui y arrivent. Maintenant, ce qui est sympa, c’est que ceux qui réussissent reviennent nous voir. Par exemple, Alex Vizorek repasse de temps en temps. Les présentateurs changent également de spectacle en spectacle. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ? Nous essayons d’avoir des présentateurs déjà connus et issus principalement de la télévision ou de la radio. Parfois, ce sont des comédiens qui le veulent. Le but initial était de se dire : comment faire bouger un bruxellois dans une salle pour y voir des artistes qu’il ne connait pas ? Il y avait deux solutions,

Maintenant, le concept est rodé mais nous avons gardé cette ligne de conduite qui est originale.

Lorsque le Théâtre des 2 Gares a fermé, je n’avais pas beaucoup de choix à l’époque. De plus, le concept que je proposais alors ne convenait pas à certains théâtres étant donné que la programmation n’est pas définie en septembre jusqu’en juin. Vu que je fais des auditions assez fréquemment, on renouvelle constamment les humoristes qui passent. À côté de cela, le concept n’était pas vraiment connu, ce qui n’aide pas non plus.

Alors, on l’a dit, le MIB Show se déroule une fois par mois. Est-ce, dès lors, un travail à temps plein ? Oui, tout à fait. Car, il y a beaucoup de travail autour de cela et il reste également les productions et les diffusions à organiser. Nous travaillons également en collaboration avec le Koek’s Théâtre où l’on organise d’autres évènements (spectacles, pré-sélection pour de nombreux festivals en France et en Belgique, ...). Mais ce n’est pas tout. Il y a de nombreux festivals où nous nous rendons régulièrement et où il m’arrive d’être dans le jury. Bref, tout cela prend du temps et avoir une activité à côté est très difficile. Combien de personnes gèrent le MIB ?

Et puis, d’un point de vue plus pragmatique, nous n’avons pas des milliers d’euros à dépenser pour louer une salle, il faut rester honnête.

Deux. C’est une histoire familiale puisque je travaille en collaboration avec ma maman qui s’occupe de toute la partie administrative alors que pour ma part, je reste axée sur l’aspect artistique. En fait, elle fait ce que je ne sais pas faire. (rires)

Le Teatro m’a donc ouvert ses portes. Non seulement, je connaissais très bien les propriétaires du lieu mais ils connaissaient également le principe de la scène ouverte qu’ils adoraient. En outre, l’endroit s’y prêtait plus que bien.

Vous êtes encore jeune et vous avez déjà un beau parcours derrière vous. Vous avez commencé le MIB à l’âge de 21 ans, n’était-ce pas difficile de se lancer si jeune ? Connaissiez-vous déjà des personnes dans le milieu ?

Depuis, tout se passe bien et, tant que la collaboration est au beau fixe, il n’y a aucune raison que l’on s’en aille du Teatro. Le public y est bien et les artistes aussi.

Non, je ne connaissais strictement personne. Et c’est vrai, j’ai commencé très jeune, peut-être trop. En tout cas, si c’était à refaire aujourd’hui, je ne pense pas que je me lancerais dans une aventure pareille. Mais je ne regrette rien. Je remercie au passage Christine Massy (WAF!) et ma maman qui me soutiennent et ce, depuis le début.

Est-il envisageable de voir un jour le MIB se produire ailleurs qu’à Bruxelles ? Dans des grandes villes de province par exemple ? Cela ne s’est pas encore fait mais nous avons déjà reçu des propositions en Wallonie notamment à Liège et Charleroi. Pourquoi pas, nous ne sommes pas fermés. Mais des discussions ont déjà eu lieu à ce sujet. Nous pouvons d’ailleurs vous annoncer que nous serons du côté de Binche en fin d’année.

février 2014

De plus, c’est encore plus difficile aujourd’hui qu’il y a six ans. À l’époque, il n’y avait rien à ce niveau-là, j’étais quasiment seule. Maintenant, il y a plein de choses qui se font et c’est très bien. Bruxelles bouge enfin au niveau de l’humour et, par conséquent, se démarquer relève du grand défi. Nous avons eu la chance d’arriver au bon moment. Matthieu Matthys

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Littérature

/ Arts BD

Interview d’Achdé

rencontre Cela fait maintenant douze ans que vous avez repris la série Lucky Luke, suite à la mort de Morris. Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs pourquoi vous avez fait cette nouvelle série Kid Lucky? Et quel en était le but? J’ai voulu montrer, ici, une bande de copains. A la différence des autres séries, cette bande de copains prend plus d’importance parce qu’elle permet de faire un microcosme d’adultes (avec cette fraîcheur qu’ont les enfants), de poser les bonnes questions, de définir un caractère. Elle permet également d'aborder des questions différentes, en fonction des personnages et des thèmes plus graves. Je pars toujours du principe que, lorsque l’on fait de la BD jeunesse, il ne faut pas prendre le lecteur pour un imbécile. Les enfants sont très clairvoyants et ce ne sont certainement pas des crétins. Surtout aujourd’hui, avec cette génération qui a accès à internet Il faut donc leur parler comme à des adultes mais avec leur langage à eux. Ce qui est bien, c’est que les critiques ont tout de suite compris ma démarche. Si l’on compare au Petit Spirou, c’est un personnage qui est plus solitaire, plus indépendant du Spirou adulte. Graphiquement, j’essaie aussi de garder l’univers de Morris. Mais je n’ai pas fait un copier-coller de Lucky Luke. Ne vous attendez pas à voir les petits Dalton par exemple.

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C’est vrai que leur absence m’a un peu troublé au début… Car il est vrai que cela peut paraître logique par rapport à certains personnages, comme Rantanplan qui n’est pas encore né. Vous n’avez pas essayé de lui trouver un remplaçant pour autant…

« Lorsque l’on fait de la BD jeunesse, il ne faut pas prendre le lecteur pour un imbécile ! » Non, parce que ça fait beaucoup de personnages. Il y a Jolly Jumper, mais cela se tient puisqu’un cheval vit plus longtemps. Pour les Dalton, cela ne collait pas. Parce que, lorsqu’on est enfant, notre croissance n’est pas la même. Et donc, ils auraient tous la même taille. Il serait alors impossible de les distinguer. Et puis ce serait idiot, pour moi, de prendre un univers et de le retranscrire en minuscule. Il n’y aurait pas de surprise et puis, ce serait répétitif. L’intérêt, pour le jeune lecteur, est de passer un jour de Kid Lucky à Lucky Luke. Et pour l’adulte, c’est de se demander « Tiens, comment était-il petit ? » C’est une autre approche, mais en début d’album, je fais toujours

une histoire en 6 planches, qui est toujours un lien entre le monde de Lucky Luke et le monde de Kid Lucky. J’ai demandé, aussi, au coloriste d’accentuer un peu cette partie, pour bien faire la distinction entre les deux. Mais on tâche de faire cela doucement, parce qu’un enfant ne connaît pas nécessairement tous ces codes narratifs, dans la Bande Dessinée. Je suis peut-être « vieille école », mais je préfère être prudent, et puis les enfants me disent ce qu’ils en pensent. Mes premiers lecteurs, avant même que je montre mon travail à l’éditeur, ce sont les enfants. J’ai trois enfants et, dans l’élaboration de cet album par exem-ple, ils m’ont fait recommencer une planche. Parce qu’ils ont mis le doigt sur une erreur où j’avais traité le sujet du point de vue d’un adulte. Et ils m’ont dit « Non, on ne pense pas comme ça. Ce n’est pas possible. » Et j’ai refait le gag. Je dois dire que je n’avais pas réalisé, au départ, cette différence entre la lecture que peut se faire un adulte, et celle faite par un enfant. Il ne faut pas que ce soit « gnan-gnan », mais il ne faut pas non plus que ce soit trop adulte. Il faut un juste équilibre. Que ce soit abordable, tout en traitant des sujets aussi graves que la potence, par exemple. Ici par exemple, il y a un extrait où l'on retrouve les questionnements de Kid Lucky face à un bourreau. Dit comme ça, ça paraît


horrible. Pourtant, je rassure les parents, ça ne l'est pas du tout. Mais c'est vrai que dans l'Ouest, quand on volait un cheval, on était pendu. Donc, Kid voit un bonhomme dans la rue dont le métier, c'est de pendre les gens. Oui, je me suis demandé où vous alliez atterrir avec un tel récit... En effet, mais j'ai laissé ces questionnements à la hauteur de l'enfant. C'est à dire que Kid, lui, se demande si le monsieur ne peut pas plutôt recevoir une fessée de tante Martha. Parce que, pour lui, c'est la punition ultime. Et donc, voilà, les enfants n'ont pas été choqués. Parce qu'un enfant n'est pas choqué par un thème (aussi grave soitil). Il est plutôt choqué par la traduction que l'on va en faire, la façon dont on va le traiter. Dans cette histoire, par exemple, ça ne se termine pas bien pour le bourreau. Donc ça fait rire les enfants, ça dédramatise le sujet. Et pourtant, je l'ai abordé, je n'ai pas hésité. C'est vrai que pour les parents, la question de la bonne manière de parler de choses graves à leurs enfants est une thématique qui revient souvent. Il faut se mettre à son niveau. L'enfant est prêt à écouter tout, pour autant qu'on essaie de parler son langage. On peut le faire aussi avec humour. Parce que la vie est déjà assez triste comme ça ! Quand il pose une question délicate, il ne faut pas lui répondre "Tu comprendras quand tu seras grand." Ça, c'est une connerie à ne pas faire. Parce que l'enfant va faire une interprétation erronée, du fait qu'aujourd'hui, avec les médias, on a une vision du monde qui est tronquée. Aujourd'hui, le sensationnalisme, le sexe et la violence ont pris le pas sur l'information. Il y a tellement de belles choses dans le monde, que je pense que l'on devrait plutôt se concentrer làdessus. Les enfants n'ont pas besoin de grandir trop vite. Il faut qu'ils grandissent, bien sûr, mais à leur rythme. On peut donc leur épargner certaines choses. Mais bon, je ne souhaite pas intellectualiser mon propos. Je fais de la BD, j'essaie de faire rire les grands et les petits. Je perpétue une tradition que je trouve très belle : la Bande Dessinée "tout public". Je suis un grand fan de la BD "populaire", en offrant à un maxi-

mum de gens un minimum de partage. Et en disant: "Voilà, j'ai une histoire à raconter, j'espère qu'elle va vous plaire" : je n'essaie pas d'éluder certaines questions. Par exemple, pour l'histoire de la potence, j'en parle, mais il n'y a aucune violence au final. Dans le premier tome, les enfants jouent à cache-cache dans un hangar et l'un d'eux se retrouve dans une boîte. Il s'avère à la fin que c'est un cercueil. On ne se moque pas du sacré et on dédramatise la mort. Je dédramatise aussi le monde des adultes, avec ces duels, dans lequel on voulait se montrer plus fort que l'autre en le tuant.

Edward S. Curtis

Il faut dire aussi que l'on connaît mal le Western. On n'en a que la vision d'Hollywood. Oui, c'est évident. Pour ma part, je me suis beaucoup documenté. J'ai appliqué la méthode de Goscinny qui consistait à s’appuyer sur de la vérité. Puis, on va déformer celle-ci pour la rendre rigolote. Evidemment, Lucky Luke est un pastiche de western. C’est la raison pour laquelle on retrouve toujours une ville idéale avec tous les éléments typiques du western. Mais à côté de cela, on s’appuie sur un point historique et on va rigoler avec. Donc moi, je suis allé chercher, dans différentes bibliothèques publiques américaines, des photos et divers documents sur la vie des colons. Ainsi, on voit comment ils vivaient réellement. Et on a donc une vision qui n’a rien à voir avec Hollywood. Tout d’abord, les tenues vestimentaires des colons étaient souvent identiques à février 2014

celles de leur pays d’origine. Il suffit de voir la photo de Billy The Kid pour comprendre. Sur cette photo, il a un chandail, un chapeau mou. Je ne sais pas où il mettait son flingue, parce qu’un étui coûtait cher à l’époque. Les gens ont donc une vue faussée par ce que leur a proposé Hollywood. Il est vrai que, lorsque l’on voit les photographies de l’époque, prises par Curtis et d’autres, on est parfois très étonné de voir ce contraste entre la réalité et ce que l’on nous a « vendu » comme la vie au temps du Western. Tout à fait, quand on regarde le travail des photographes itinérants à l’époque, on voit les enfants pieds nus dans la boue, on voit des cahutes, etc. On a en tête l’image de Davy Crockett, le coureur des bois (ça s’appelait comme cela à l’époque). Et en fait, c’est bien de cela qu’il s’agit, puisque ces gens vivaient dans les bois, faisaient du commerce et avaient ainsi d’excellentes relations avec les Indiens. Leur but était de faire de la fourrure et de la vendre. Ils ne venaient pas là pour les terres. Tandis que les Anglais, eux, voulaient les terres. Ensuite, il y avait la troisième population invasive, les Espagnols, qui cherchaient l’or. Donc, vous voyez, c’était trois visions différentes de la Conquête. Il faut dire qu’à l’époque, les Français détenaient un tiers du continent américain ! Et donc, dans Lucky Luke, j’aime bien mettre des noms de villes auxquels on ne s’attend pas. Dans l’un des tomes, Lucky Luke participe à un rodéo dans une ville qui s’appelle Eau Claire. En effet, si l’on regarde une carte de cet état, on voit que la plupart des villes avaient des noms français comme Lafayette, etc. Les gens oublient ce mélange de Français, d’Espagnols et d’Anglais qui existait à l’époque. Le cinéma a uniquement prit le côté WASP (White Anglo-Saxon Protestant) qui est minoritaire aujourd’hui. D’ailleurs, si l’on regarde l’Amérique moderne, c’est plutôt un pays hispanisant et caribéen. Lorsque l’on se rend en Floride, il vaut mieux parler l’espagnol et le français que de parler l’anglais, aujourd’hui.

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Ceci dit, on voit que ce phénomène commence à être visible dans les productions actuelles. Oui, mais les Américains ont eu peur de mettre trop en avant l’espagnol, car, dans la Constitution américaine, la langue n’a pas été stipulée ! Donc, si demain, un Etat décide de parler l’espagnol, personne ne peut s’y opposer. C’est une grande crainte des Américains et ça m’a poussé à m’intéresser davantage à la francophonie et à la présence des Français en Amérique du Nord. C’est ainsi que j’ai découvert que Roosevelt, que l’on présente toujours de façon positive, a, en Louisiane, interdit le français à tout personne voulant obtenir un job de fonctionnaire ! Le français était aussi interdit à l’école ; les tribus indiennes qui ne parlaient que le français et leur langue d’origine (du Mississippi à la Floride) ne devaient plus parler le

français si elles voulaient obtenir des aides. On a donc bloqué, tout écrasé pour essayer de former une nation uniforme. Sans doute pour essayer d’obtenir un peuple plus ou moins homogène. Mais c’est, bien sûr, impossible dans un pays de migration comme les Etats-Unis. Et c’est ce même phénomène que l’on est en train de retrouver pour l’espagnol. Donc c’est aussi intéressant pour Lucky Luke et Kid Lucky (ce n’est pas une obsession chez moi, je vous rassure) de saupoudrer çà et là de la véritable Histoire des Etats-Unis. Je rêve par exemple un jour de montrer une cabane (comme 80 % de ce qui était construit à l’époque dans les grandes plaines de l’Ouest) dont les toits étaient faits en terre. Parce que c’était chaud et qu’on pouvait y faire pousser du gazon. De plus, vis-à-vis

Il y a douze ans déjà que Morris nous quittait, pour aller rejoindre ses confrères au paradis de la Bande Dessinée. Lucky Luke devint alors orphelin et ce fut Achdé, auteur et dessinateur de talent, qui reprit la série pour perpétuer l’œuvre du maître. Aujourd’hui, s’il nous observe de là-haut, Morris peut être fier de ce que son œuvre est devenue. Car nombreux seront les fans qui s’accorderont sur le fait que, si la forme s’est un peu modernisée, l’esprit de Lucky Luke, lui, est resté.

Kid Lucky : Lasso périlleux d’Achdé Editions Dargaud, 48 p.

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Récemment, Achdé eut l’idée de lancer une série parallèle appelée Kid Lucky. Dans celle-ci, l’auteur ouvre quelque peu les frontières de l’imaginaire du lecteur et propose une vision différente de Lucky Luke. L’idée principale est de montrer l’enfance du cowboy qui tire plus vite que son ombre. Kid Lucky se veut avant tout une BD destinée aux enfants. Elle parle de leur univers, de leur vision du monde, au travers de l’innocence et de la naïveté de ces bambins, qui ne se font pas de cadeaux entre eux. On devine, ainsi, la tournure que prendront les choses par la suite et pourquoi certains deviendront les redoutables ennemis de Lucky Luke, à l’âge adulte. Mais Kid Lucky traite également de leurs interrogations sur la vie et quelques sujets délicats, le tout conté dans des gags tous plus hilarants les uns que les autres.

des Indiens, il leur était impossible d’y mettre le feu. Car, contrairement à ce que nous montre Hollywood, on ne mettait pas le feu à un campement aussi simplement ! Donc, voilà un peu toutes les raisons pour lesquelles j’ai voulu faire Kid Lucky. Je souhaitais retrouver un lectorat d’enfants, car, c’est pour moi, le meilleur. Ils ne vous font pas de cadeaux ! Et quand ce n’est pas bon, ils vous le disent. A l’inverse, quand je les vois, en dédicaces, repartir le sourire aux lèvres, pour moi, le pari est gagné. Et ce qui est marrant, c'est que, contrairement à auparavant, les enfants viennent vers moi par le dessin animé plutôt que par l’album. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a de nouveau un intérêt plus manifeste, aujourd’hui, pour les Daltons, car le dessin animé cartonne ! Christophe Pauly

Cette bande dessinée s’adresse également aux plus grands qui passeront, sans aucun doute, un très bon moment, en se replongeant dans leur enfance et en renouant avec la célèbre série, s’ils ont décrochés. De plus, les parents seront ravis d’apprendre à leurs enfants, la vie au temps du Western, grâce à des annotations très pertinentes en bas de page. Ces annotations expliquent souvent des choses mal connues du grand public, au sujet du Western. Ainsi donc, on retrouve notre héros et sa bande de copains dans des situations loufoques, avec énormément d’humour, de douceur et de légèreté. Achdé nous décrit aussi le Western, loin du stéréotype que nous sert Hollywood depuis des décennies, où les différentes communautés apprenaient à vivre ensemble au lieu de sans cesse s’affronter. (ce dont parlait aussi Morris.) Reprendre une série culte, la moderniser et faire en sorte qu’elle reste attrayante, voilà un pari osé, mais que le successeur de Morris a relevé avec brio. Lasso périlleux, ce deuxième tome de Kid Lucky s’annonce donc très prometteur. N’hésitez donc pas à offrir ce très bon Lucky à vos enfants et petits-enfants. Christophe Pauly


La Mondaine : Police des dessous chics et douteux ...

critique

Réfugié dans un abri souterrain pour échapper aux bombes alliées Aimé Louzeau refuse la cigarette que lui offre un officier nazi et se souviens de ces premiers pas dans un autre soussol, celui du Quai des Orfèvres, fief des policiers de brigade mondaine. Ce long flashback qui occupera l’essentiel de l’album nous ramène en 1937, à l’époque où la Der des Der s’effaçait lentement et laissait la France libre de prendre du bon temps. C’est volontairement qu’Aimée Louzeau a demandé son transfert à la brigade des mœurs, un choix surprenant de la part de ce fils de bonne famille qui vit seul avec sa mère et la femme de ménage qui les accompagne depuis son enfance. Lui qui a l’âme fleure bleu et entretient en dilettante son vieux rêve d’enfant de devenir chef indien, se retrouve dans un monde où les vertus s’échangent à des prix convenus d’avance. Ses collègues sont pour le moins portés sur « la chose » et l’inspecteur principal Séverin, trouble mentor, ne fais pas exception. Au fil des bulles Louzeau s’initie aux perversions de sa nouvelle famille. En parallèle, l’his-

toire de ses troubles origines se dévoile et attache immanquablement le lecteur à son sort.

imprécision flotte sur le public auquel s’adresse cette publication. Par ailleurs, on notera le caractère authentique du dessin qui ne cherche pas à tout crin à faire « d’époque », tel le photographe du dimanche qui se lâche en activant le mode sépia de son Coolpix pour donner dans la nostalgie. Au contraire, Levebre parvient avec talent à rendre réelle l’atmosphère de la France de l’entre-deux-guerres, peuplée de gueule cassées et de petites pépées. Fouillé, soutenu par un sens du cadrage avisé et une palette de couleurs remarquablement fournie son style pêche parfois par la bonhomie qu’il confère aux personnages même dans leurs postures les plus sombres. Qu’importe, malgré ce détail l’album reste une réussite sur le plan graphique.

La Mondaine est un album qui prend son temps, laissant la personnalité des protagonistes prendre le pas sur l’intrigue. Ce n’est qu’avec le dernier tiers du volume que les choses se compliquent. Lorsqu’au détour d’une mission d’infiltration dans un Club secret pour le moins exotique, Louzeau fait la rencontre de la mystérieuse Eeva, dont le piquant double "E » sonne comme exquise et envoutante. Prenant, sensible, le scénario signé par Zidrou présente cependant quelques faiblesses. Ce n’est sans doute qu’un effet du découpage en deux volumes, mais le rythme de la narration souffre de l’importance accordée à la psychologie du personnage principal et le lecteur cherche parfois un peu où se trouve l’intrigue. Plus gênant peut-être, son portrait fini par l’emporter aussi sur celui de la brigade des mœurs dont l’album nous laissait présager la découverte détaillée. Le scénario aurait sans doute gagné à faire plus amplement référence aux fonctions moins avouables de la mondaine qui était avant tout une agence de renseignement (élément simplement évoqué dans l’album) célèbre pour sa propension à l’extorsion et au chantage, ainsi qu’une instance souvent brutale de répression des pratiques jugées « déviantes » sous la Troisième République. Cette tendance à éviter la noirceur comme les couleurs trop vives se retrouve dans les dialogues qu’on aurait pu attendre plus fleuris, et enfin dans l’histoire elle-même qui reste somme toute bien sage. Ni vraiment faite pour les plus jeunes, ni pour les lecteurs plus aguerris, une certaine février 2014

On attendra donc, non sans une certaine impatience, le second volume de La Mondaine pour s’avoir si les bonnes promesses du premier se confirment. Alexis Hotton 24 janvier 2014

Après une première collaboration remarquée sur l’album Lydie le scénariste Belge Zidrou et le dessinateur espagnol Jordi Lafebre se retrouvent pour La Mondaine. Un diptyque plongeant dans l’uni-vers sulfureux du Paris nocturne des années 30. Entre les interrogatoires à coup d’annuaire et les « fonds de culotte rances de la France » Zidrou et Lafebre nous entraîne sur les pas de l’inspecteur Aimé Louzeau, nouveau venu à la police des mœurs dont la morale va être mise à rude épreuve.

La Mondaine de Jordi, Lafèbre et Zidrou Editions Dargaud 64 p.

L'inspiration de Francois Boucq a quelque chose de démoniaque. Il se gausse de notre société, disséquant le quotidien avec la précision d'un médecin légiste. Des histoires riches et variées, humour vitriol.

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