Le Suricate Magazine - Dix-septième numéro

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Le Suricate N° 17

Bi-mensuel

30 avril 2013

Magazine

À la une

L’interview du duo déjanté des Fills Monkey

La vie c’est comme un arbre Les bruxellois de l’année 2012 continuent leur migration de salles en salles et arrivent à Uccle


PROGRAMME du 01/05/13 au 07/05/13

Elefante blanco mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

19:30 19:30 19:30 19:30 19:30 19:30 19:30

I give it a year mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

PROGRAMME du 01/05/13 au 07/05/13

Le prix du pain + Maraude mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VOF - FOV

Ciné Confort PROGRAMMA van 01/05/13 tot 07/05/13

21:00 17:40 21:00 17:40 21:00 17:40 21:00

MARAUDE EN PREMIÈRE PARTIE

20:10 20:10 20:10 20:10 20:10 20:10

The sessions mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

14h30 14h30 14h30 14h30 14h30 14h30 14h30

Le monde fantastique d’Oz mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VOF OFV

15:45 15:45 15:45 15:45 15:45 15:45 15:45

Ciné Confort PROGRAMMA van 01/05/13 tot 07/05/13

More than honey mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

14:00 14:00 14:00 14:00 14:00 14:00 14:00

17:55 21:55 21:55

Champions mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST FR / FR OND

14:00 14:00 20:50 14:00 20:50 14:00

TARIF UNIQUE 3,00€

CINÉMA AVENTURE - Rue des Fripiers 57 | Galerie du Centre Bloc II | 1000 Bruxelles - Kleerkopersstraat 57 | Centrumgalerij Blok II - 1000 Brussel T: +32 (0)2 219 92 02 - www.cinema-aventure.be


Sommaire

Un nouveau responsable théâtre Ceci n’est pas un terrier

Littérature

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Cinéma 21 & over Le coeur a ses raisons Moi et toi No Upside down/Parental Guidance Song for Marion/La cage dorée Stocker/Hotel Normandy L’hypnotiseur/MAMA Sorties ciné du 1/5 Sorties ciné du 8/5 Sorties DVD Actualités cinéma

p. 6 p. 7 p. 8 p. 9 p. 10 p. 11 p. 12 p. 13 p. 14 p. 15 p. 16 p. 17

Rien à sauver Mauvais Mitigé Bon Très bon Excellent

Scènes La vie c’est comme un arbre Le mystère Sherlock Holmes Karl Marx, le retour Discours à la nation Territoire gardé par un chien... Hors-Champs Mars Rien à signaler

p. 32 p. 36 p. 37 p. 38 p. 39 p. 40 p. 41 p. 42

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p. 48 p. 49 p. 50 p. 51 p. 52 p. 53 p. 54 p. 55

p. 56

Cotations p. 18 p. 22 p. 26 p. 31

p. 44 p. 45 p. 46 p. 47

Happy Birthday Mr Suricate Kill Bill

Musique Interview des Fills Monkey Mad Season, hommage Critiques CD’s Killswitch Engage

Interview de Franck Ferric Dernière semaine d’un reptile Long courrier/La promo 49 La première chose/Re-Lier Le sang d’Odin/Monstre à tuer Avec le diable/Les Beatles pour... Le protectorat de l’ombrelle T2 Les enquêtes du limier T1 La différence/Cauchemar dans... Alix, la dernière conquête Dodo, chronique d’une maison... Canicule/Pil

N’est en aucun cas naturiste malgré les apparences

30 avril 2013


PROGRAMME du 01/05/13 au 07/05/13

Ciné Confort

AU NOUVE

Life of PI mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

17:55 17:55 17:55 17:15 17:55

NIEUW

Yossi

3D 17:55

P R E M I È R E 02/05/13 - 19:30 VO OV - ST BIL / TW OND

Great expectations mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

17:30 14:00 17:30 14:00 17:30 14:00 17:30

21:55 21:55 21:55 21:55

Argo mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

21:30 21:30 21:30 21:30 21:30 21:30 21:30

OSCAR 2013 BEST FILM CÉSAR 2013 BEST FOREIGN FILM

OSCAR 2013 BEST DIRECTOR

Silver lining playbook mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

PROGRAMMA van 01/05/13 tot 07/05/13

20:50 21:30 21:30

OSCAR 2013 BEST ACTRESS

Lincoln mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST BIL / TW OND

16:10 16:10 16:10 16:10 16:10 16:10 16:10

OSCAR 2013 BEST ACTOR

Searching for sugar man mercredi/woensdag jeudi/donderdag vendredi/vrijdag samedi/zaterdag dimanche/zondag lundi/maandag mardi/dinsdag VO OV - ST FR / FR OND

16:00 16:10 16:00 16:10 16:00 16:10 16:00

19:40 19:20 19:40 19:20 19:40 19:20 19:40

OSCAR 2013 BEST DOCUMENTARY

CINÉMA AVENTURE - Rue des Fripiers 57 | Galerie du Centre Bloc II | 1000 Bruxelles - Kleerkopersstraat 57 | Centrumgalerij Blok II - 1000 Brussel T: +32 (0)2 219 92 02 - www.cinema-aventure.be


Edito Le terrier du Suricate

Devenu tout fraichement nouveau responsable théâtre du Suricate, j’ai l’honneur et le plaisir d’écrire cet édito. Moi qui vient d’Avignon, la capitale française, voire européenne, du théâtre mais seulement pendant le mois de juillet, je goûte enfin au plaisir d’écumer les salles de théâtre dès que l’envie m’en prend. Et bien que l’été arrive à grands pas, de nombreux théâtres résistent encore et toujours à la fin de la saison. Un énorme coup de cœur pour une pièce au Théâtre National. La découverte d’un auteur hongrois aux textes drôles et incisifs au Marni. D’autres spectacles pour rire, réfléchir, trembler, ou même les trois en même temps.

Ceci n’est pas un terrier du Suricate

Et d’autres aussi pour ne pas être touché. Mais le plaisir d’un bon spectacle est forcément plus fort lorsqu’il arrive après plusieurs échecs, non ? Non, effectivement. Et vous les faire éviter peut d’ailleurs être une de nos fonctions. Mai sera aussi l’occasion de découvrir ensemble le Kunstfestivaldesarts qui rassemble autant de théâtres francophones que néerlandophones pour ne rien rater de ce qui se fait actuellement dans le théâtre contemporain. Il paraît qu’en mai il faut faire ce qu’il nous plait ! Et ce qui nous plaît à nous c’est quand vous appréciez le magazine et le partagez avec tous vos amis. L’aventure continue…

Une publication du magazine

Le Suricate © http://ww.lesuricate.org Directeur de la rédaction : Matthieu Matthys Rédacteur en chef : Loïc Smars Directeur section littéraire : Marc Bailly Directeur section musicale : Christophe Pauly Directeur section théâtre : Baptiste Rol

Crédits Webmaster : Benjamin Mourlon Secrétaires de rédaction : Pauline Vendola, Maïté Dagnelie, Adeline Delabre Relation clientèle : redaction@lesuricate.org Régie publicitaire : pub@lesuricate.org

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B.R.

Ont collaboré à ce numéro : Anastassia Depauld, Roxane De Quirini, Emilie Lessire, Cécile Marx, Claire Rigaux, Philippe Vincke, Frédéric Livyns, Olivier Eggermont, Julien Sterckx, Ivan Scullier, Christophe Corthouts, Emmanuelle Melchior, Marylise Dufour, Julien Fontignie, Nele De Smedt.

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Cinéma

21 & over, very bad teens Jon Lucas avait paraphé le scénario du succulent Very Bad Trip. Pour 21 & over, l’homme s’en est largement inspiré et nous a concocté un teen movie délassant sans être spectaculaire.

©A-Film

La critique

Dans la mémoire collective, c’est le long métrage American Pie, sorti en 1999, qui a quelque peu popularisé le teen movie dans le monde. Depuis, une multitude de productions, rarement intéressantes, sont venues se greffer autour, voire carrément audessus, du même fil rouge : ça va déconner sec au bal de promo. 21 and over fait partie de cette fournée ininterrompue. Dans cette optique, c’est à un film complètement déjanté, drôle, cocasse, quelques fois vulgaire et surtout absurde auquel nous nous attendions. Sans grande surprise, nos préjugés avaient tôt fait d’être confirmés passé les dix premières minutes de bobine. L’histoire suit Miller, un exétudiant raté, et son pote Casey venant rendre visite à un de leur tout grand ami, Jeff Chang. Leur seul but : fêter dignement l’anniversaire de ce dernier dans l’alcool et la drague. Mais voilà, Jeff Chang est à la veille de son examen d’admission à la faculté de médecine et ne souhaite en aucun cas boire à outrance. Cette excuse très louable va néanmoins très vite laisser la place à une nuit de débauche mémorable.

Autant le dire tout de suite, il ne faut nullement chercher dans cet opus une quelconque morale ou une prouesse technique d’envergure. De fait, il serait mal venu de critiquer l’attrait qualitatif de ce genre de film. Dans celui-ci, nul besoin de se creuser les méninges, le seul but est de se divertir. Le réalisateur mais aussi scénariste, Jon Lucas, a ciblé le public jeune et a souhaité montrer au public nonante minutes débordantes d’absurdité. Lui qui avait signé le scénario de Very Bad Trip renoue ici avec une histoire fort similaire. Seule la toile de fond et les personnages y sont différents. C’est un fait, 21 and over arrive à nous arracher un sourire de temps à autres et l’on se complait à suivre les aventures du trio d’allumés du campus. Si les blagues et les situations facétieuses ne sont pas novatrices, le film a le mérite d’assumer son style puéril et superficiel. Rien n’y est vraiment réaliste et chaque scène est surjouée volontairement de manière à faire entrer le spectateur dans un univers estudiantin à l’américaine, la greek life. Un moment de détente sans prise de tête. Cependant, nous pourrons reprocher à Jon Lucas d’être honteusement tombé dans la facilité. Et pour cause, le film fonctionne et arrive à mécaniser nos zygomatiques mais cela n’est du qu’à une recette qui a déjà fait ses preuves. En reprenant le fil rouge de Very Bad Trip (même la prolepse narrative ouvrant le récit y fait référence) et en

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reprenant des acteurs charismatiques et doués comme Miles Teller ou Skylar Astin, le cinéaste américain assurait ses arrières sans trop se mouiller. Au final, nous nous sommes surpris à aimer ce film fourré de gamineries et dégageant une douce odeur de frivolité. Le cinéma doit continuer à être éclectique pour éviter de stagner. En outre, il faut souligner que ce film est fidèle aux attentes et ravira les amateurs d’un style « so young », souhaitant se divertir comme ils le faisaient dans leur jeunesse.

Matthieu Matthys 21 & over 1 mai 2013

Le teen movie est un genre cinématographique un peu particulier. Souvent construit autour du monde des adolescents ou des jeunes adultes, ces comédies déjantées font fureur aux Etats-Unis mais restent très discrètes en Europe.

Comédie de Jon Lucas et Scott Moore Avec Justin Chon, Miles Teller Deux jeunes amis emmènent un de leurs camarades, qui célèbre ses 21 ans, dans une grande fête de carabins. Mais quand une bière en débouche sur une autre, la soirée tourne à la débauche. Personne n'est prêt d'oublier les événements pathétiques qui vont en découler.


Le coeur a ses raisons... religieuses ? Direction la communauté juive hassidique pour le film de Rama Burshstein. Une communauté dont on parle peu et dont les pratiques demeurent spéciales à l’époque actuelle.

©ABC

La critique

Le point de départ du film est Shira, une jeune femme de dix-huit ans à qui ses parents indiquent l’homme à épouser, choisi via un mariage arrangé en compagnie de la famille de ce dernier. La jeune fille est ravie de ce choix et se sent amoureuse avant même de l’avoir réellement rencontré. On se dit alors que ça tombe quand même vachement bien pour un mariage conseillé, et qu’elle va vivre une vie heureuse dans une famille heureuse etc etc. Mais bien évidemment, un événement va venir bouleverser ce climat familial et communautaire détendu et dont les différents éléments étaient en parfaite osmose. En effet, sa sœur âgée de vingt-six ans et mariée à Yochay, meurt en donnant naissance à leur enfant. Les parents du père lui trouvent rapidement une épouse en Belgique, la

troisième sœur de la famille l’envisage bien comme son époux.

choix pour faire plaisir sa famille et sa communauté ?

Un père veuf qui ne se voit pas se remarier si tôt alors que ses parents lui ont immédiatement trouvé une nouvelle épouse en Belgique, une grandmère prête à tout pour empêcher le départ de son petit-fils à l’étranger, un père qui ne souhaite que le bonheur de ses filles, et la troisième sœur de la famille qui en a marre d’être la seule à qui l’on ne trouve pas d’époux. Voilà l’univers dans lequel la jeune Shira va devoir évoluer et va devoir faire un choix, tiraillée entre la religion, la famille et ses sentiments.

Pour conclure, c’est un beau film que je vous conseille autant pour le sujet et les comédiens que pour la manière dont l’ensemble est réalisé.

Ce film nous permet une belle introspection dans une communauté que l’on a rarement l’occasion de voir de l’intérieur. Les personnages ont des caractères bien définis sans tomber pour autant dans la caricature, et comme la réalisatrice connaît bien cette communauté, elle nous en montre les différentes facettes. La religion est ici ce qui relie l’ensemble des personnages, ce qui les amène à se rencontrer, à se côtoyer même s’ils n’en ont pas l’envie ou que cela complique les choses. Le personnage de Shira est encore jeune mais au commencement d’une nouvelle vie, et ses amours adolescents se confondent avec la recherche d’un époux.

Baptiste Rol

1 mai 2013

L’histoire se déroule à TelAviv dans la communauté du judaïsme hassidique et plus précisément dans la branche ultra-orthodoxe. Par définition cette communauté voit sa vie rythmée par la religion : des costumes, aux quartiers et aux lieux de fréquentation, en passant évidemment, et c’est le sujet du film, par le choix de l’époux et de l’épouse. Comme le dit la réalisatrice Rama Burshtein « dans le monde Hassidique dans lequel le film se déroule, les parents établissent des couples potentiels avec leurs enfants, mais au-delà, le jeune couple doit accepter la proposition. »

Le coeur a ses raisons Drame de Rama Burshtein Avec Hadas Yaron

Shira vit au sein d’une famille juive orthodoxe à Tel Aviv. À 18 ans, elle rêve de mariage. Lorsque sa soeur ainée Esther meurt en couches, Yochay, son beau-frère, est poussé par la communauté à partir se marier en Belgique. Sa mère a une meilleure idée : et si Shira épousait Yochay ? Entre le coeur et la raison, Shira devra choisir.

Toute la question du film est donc là. Doit-on suivre son cœur ou faire des

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Moi et toi, une bonne adaptation Un détour par la caverne pour un rappel à la vie : le nouveau film de Bernardo Bertolucci.

©ABC

La critique

Adapté d'un roman de Niccolo Ammaniti, le film parle entre autre du désir d’inceste, sujet déjà abordé auparavant par Bertolucci. Au début, le problème est évoqué explicitement lorsque Lorenzo demande à sa mère si elle coucherait avec lui pour sauver la race humaine. Cela met un point d’interrogation sur tout le reste du film. Quelle est donc cette relation qui lie les deux jeunes ? Mais, Moi et toi parle aussi des espoirs, des déceptions et des combats quotidiens. On y voit deux jeunes en pleine croissance. En tant que spectateur, notre position est celle de Lorenzo sur sa fourmilière : on observe à la loupe ce qui se passe dans la cave…

L’histoire est un peu à l’image du réalisateur. Immobilisé par la maladie, Bernardo Bertolucci n'avait plus tourné depuis 10 ans. Avec ce film, il joue son Lorenzo, sort de sa cave, grandi, avec le désir de (re)vivre !

avoir choisi la facilité dans la réalisation ainsi que dans l’histoire, mièvre sur les bords. Mais il a su tout de même nous faire part d’un drame émouvant.

Anastasia Depauld

À quelques scènes près, l’ensemble du film est tourné en huis clos, dans la cave. Cela aurait pu donner un film très sombre, mais pas du tout. Le décor est beau, clair, mais au final, pas très réaliste car la cave semble très luxueuse (meubles, sanitaires, lumières…). Il s’agit là plus d’un défaut de scénario que de réalisation. On retrouve beaucoup de gros plans, style assez cliché quand on veut se focaliser sur les sentiments. La bande son est pop-rock, à l’image de Lorenzo. Mais ce n’est pas sur ça que se repose la profondeur du film. Toute l’histoire est à chercher dans le jeu des deux acteurs. Tous deux nouvelles pousses du cinéma, ils ont su trouver leur personnage. Jacopo Olmo Antinori intègre le côté étrange et émouvant de l’adolescent, quant à Tea Falco, elle nous offre une très séduisante et mûre jeune femme. Bref, tout cela aurait présagé un excellent film si le scénario n’était pas agrémenté de quelques clichés, se laissant parfois être prévisible, et ce même avec une fin ouverte. Malgré sa palme d'honneur reçue au Festival de Cannes en 2011, Bertolucci semble

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Moi et toi 8 mai 2013

Io E Te, Moi et toi en français, sort ce 8 mai en Belgique. Réalisé par l’italien Bernado Bertolucci, le film raconte les retrouvailles entre Lorenzo (Jacopo Olmo Antinori) et sa demisœur Olivia (Tea Falco). N’étant pas un garçon comme les autres, ce premier est d’ailleurs suivi par un psychologue. Le monde extérieur lui est étranger, et c’est pourquoi il décide de se retrouver seul. Pour y arriver, il feint de partir en voyage scolaire a sa mère, et se cache dans la cave de son immeuble. Mais une visite le fera sortir de ses livres et de ses fourmis. Olivia, plus âgée, lui impose sa présence afin de se désintoxiquer. Ainsi, ils passeront une semaine sous terre, se découvrant l’un et l’autre, mettant à jour leurs secrets inavoués.

Drame de Bernardo Bertolucci Avec Tea Flaco, Jacopo Antinori Lorenzo vit difficilement son adolescence. Sa fragilité et sa rébellion l'empêchent de nouer des relations normales avec autrui. Le jeune garçon décide alors de se cacher dans une cave mais son calme est perturbé par l'intrusion d'Olivia, sa demi-sœur, dans son monde solitaire.


No, au film on dit « Si » Sur fond de dictature chilienne de Pinochet, Larrain explore les conséquences d’un référendum sous un régime totalitaire et les moyens mis en oeuvre par le camp du «No».

©Filmfreak

La critique

Le film suit le parcours de Saavedra, pour convaincre tout d’abord ses partisans, convaincre le public mais aussi réussir à outrepasser les tentatives d’intimidations et les pressions du pouvoir en place dont celles de son patron, devenu conseiller de la campagne du « Si ». En parallèle, on découvre la vie (fictive) de cet homme qui doit s’occuper souvent seul de son enfant et qui tente de ramener son exfemme, militante, à la maison pour la protéger.

Le film arrive chez nous avec une réputation fort flatteuse, due entre autre à sa nomination à l’Oscar du film étranger cette année. Force est de constater que la réputation n’est pas que flatteuse.

No est un film percutant sur la politique chilienne des années 80 et la volonté du peuple à profiter des pressions internationales pour destituer leur dictature sans guerre. Mais c’est aussi un film sur les moyens de communication et les méthodes de la publicité pour convaincre les masses de rallier un camp. L’image est certes assez moche mais fait partie d’un parti pris qui colle le plus près possible à la réalité en mélangeant fiction et images d’archives. Un film original, intéressant et didactique ce qui n’arrive pas tous les jours sur nos écrans. Profitonsen. Loïc Smars

Tout d’abord l’intérêt du sujet : c’est un thème fort, passionnant et méconnu dans nos contrées. On découvre en coulisse comment les partis politiques de l’opposition, soudés derrière le «No», retournèrent les techniques de publicités modernes contre un état allié prônant le capitalisme. Ensuite, bien sûr la qualité d’interprétation d’un Gael García Bernal (Amours chiennes, Carnets de Voyage) tout en talent. Mais aussi le parti pris par Larrain de tourner son film avec le matériel de l’époque. Cette méthode lui permet de mélanger fiction et images d’archives. L’intérêt de ce parti pris, n’est pas à démontrer mais la qualité visuelle s’en fait parfois ressentir, l’image étant assez dégueulasse. Nous ne rentrerons pas forcément dans les détails de l’histoire qui est soit connue, soit bien plus largement expliquée dans les encyclopédies. Pointons juste le fait que René Saavedra est un personnage totalement fictif représentant vraisemblablement les gens de la pub qui ont œuvré dans l’ombre de cette campagne.

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No 1 mai 2013

1988, Augusto Pinochet est contraint par les pressions internationales de consulter le peuple par référendum au sujet de son maintien au pouvoir pour les huit années à venir. C’est aussi pour la première fois depuis le coup d’état de 1973 que les partis de l’opposition peuvent s’exprimer librement à la télévision. L’arrangement donne à chaque camp 15 minutes d’antenne. La télévision appartenant à l’état, elle peut tout le reste du temps diffuser ce qu’elle souhaite. Cela ne laisse pas grandchose à l’opposition. Ils font alors appel à René Saavedra, jeune fils de bourgeois parti faire ses études à l’étranger et ayant faire fortune dans la publicité. Alors que tout le monde pense préparer une campagne sur les atrocités commises par Pinochet, il décide de prendre une tout autre direction axée sur la joie, le positivisme et l’avenir radieux qui attend les chiliens grâce au « No ».

Drame, historique de Pablo Larrain Avec Gael Garcia, Alfredo Castro, Nestor Cantillana Chili, 1988. Lorsque le dictateur chilien Augusto Pinochet, face à la pression internationale, consent à organiser un référendum sur sa présidence, les dirigeants de lʼopposition persuadent un jeune et brillant publicitaire, René Saavedra, de concevoir leur campagne. Avec peu de moyens, mais des méthodes innovantes, Saavedra et son équipe construisent un plan audacieux pour libérer le pays de lʼoppression, malgré la surveillance constante des hommes de Pinochet.

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Adam et Eden sont amoureux. Le problème c’est qu’Adam habite sur la planète nullos, pauvre et pas cool d’en bas et qu’Eden, elle, vit sur la planète super riche, super classe d’en haut. Deux mondes, deux planètes, deux personnes et un seul amour que finalement tout oppose. Upside Down ou comment vaincre l’apesanteur et s’effondrer lamentablement.

Upside Down de Juan Diego Solanas sortie le 1 mai 2013 Science-Fiction (100ʼ)

Avec Kirsten Dunst, Jim Sturgess, Timothy Spall

Le choc des générations de Andy Fickman sortie le 1 mai 2013 Comédie (100ʼ) Avec Marisa Tomei, Bette Midler, Bailee Madison, Tom Everett Scott, Billy Crystal

Une idée aussi incroyable que celle de deux planètes coexistantes à quelques mètres l’une de l’autre est une idée qui aurait pu donner naissance à un film extraordinaire. Si en plus on nous fait miroiter la présence de Jim Sturgess, l’acteur montant de ces dernières années, et de Kirsten Dunst, dont nous ne devons plus démontrer le talent, alors l’œuvre s’annonce réellement intéressante. Mais Juan Solanas n’a fait qu’une moitié de travail pour son film. Il a trouvé l’idée, il l’a mise en image mais par contre pour ce qui est du scénario, il s’en est passé du début à la fin de son film. Les vingt premières minutes plantant le décor de ce monde incroyable où les gens d’en bas côtoient les gens d’en haut et où l’apesanteur se dédouble pour ne permettre à personne de passer d’une planète Parental guidance est un film mettant en scène une famille bon chic bon genre américaine avec trois enfants tout ce qu'il y a de plus normal au premier abord. On se rendra vite compte qu'il s'agit d'une famille bio bobo comme on en trouve de plus en plus à l'heure actuelle. Et effet les sucreries sont interdites, la violence remplacée par l'utilisation de mots et la nourriture est organisée par une maison autonome et informatisée... Tout roule comme sur des roulettes jusqu'au jour où les parents font appel aux grands parents maternels pour surveiller leurs précieuses progénitures... Le clash des générations est inévitable. Adeptes des anciennes méthodes, papy et mamy vont tenter de se mettre au diapason de l'éducation donnée par leur fille sans pour autant y parvenir... Ce film parle d'un sujet de base mais tellement actuel. Quelle famille ne connait pas de désaccords dans la manière dont on élève un enfant. Aucun guide strict, seulement des règles issues de l'esprit de tels ou tels parents. Tout cela mis à la sauce américaine pleine de clichés et d'humour. Un bon moment de détente pour une soirée de rigolade ou de dimanche après-midi.

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à l’autre donnent l’eau à la bouche. Et puis soudain, c’est le drame. Pourtant, nous l’attendions avec une certaine impatience, cette romance fantastique sortie de nulle part et réalisée par un homme dont le nom nous est pour ainsi dire inconnu. Le jeu de miroir entre ces deux terres que tout oppose mais qui se ressemblent étrangement aurait par exemple été un très bon filon à exploiter. Mais peut-être était-il plus facile, plus banquable de créer une pâle copie du monde de Total Recall (pour rappel, les deux pôles de la terre communiquent par un unique ascenseur qui fait le lien entre le pôle riche et le pôle pauvre) ? L’image, magnifique par moment, ne suffit pas à rattraper le manque de scénario. Upside Down nous fait dire que peut être certaines idées ne devraient pas dépasser le cadre de l’imaginaire, ne devraient peut-être jamais être mises en images tant leur magie est peu représentable…

Roxane de Quirini

On y retrouve un Billy Cristal léger et plein d'humour même si les années ont laissé quelques traces depuis le fameux Quand Harry rencontre Sally, une Marisa Tomei dynamique et toujours aussi belle dans le rôle d'une maman poule qui gagnerait à couper le cordon ombilical, et une Mamy en la personne de Bette Midler qui ne crève pas forcément l'écran sans pour autant passer inaperçue comme Tom Everett Scott qui ne joue qu'un rôle secondaire. Les enfants sont extraordinairement différents et déjantés et, c'est grâce à eux trois que vos zygomatiques feront de l'exercice. Nous avions déjà pu apercevoir Bailee Madison dans une série pour adolescents dans laquelle elle excellait par son charisme généralement absent de ce genre de séries, elle ne nous déçoit pas dans cette gentille comédie où son jeu détonne pour son âge et donne du rythme au film. En résumé, nous avons passé un bon moment sans qu'il soit inoubliable pour autant.

Maïté Dagnelie


Arthur et Marion, couple de retraités londoniens, sont profondément unis malgré leurs caractères dissemblables ; Marion est positive et sociable, Arthur est morose et fâché avec la terre entière. Aussi ne comprend-t-il pas l’enthousiasme de sa femme à chanter dans cette chorale férue de reprises pop décalées et menée par la pétillante Elizabeth. Mais peu à peu Arthur se laisse toucher par la bonne humeur du groupe et par la gentillesse d’Elizabeth. Encouragé par cette dernière, qui a inscrit la chorale à un concours, Arthur réalise qu’il n’est jamais trop tard pour changer. Song for Marion de Paul Andrew Williams sortie le 1er mai 2013 Comédie, Drame (93ʼ) Avec Gemma Arterton, Vanessa Redgrave, Christopher Eccleston

La cage dorée de Ruben Alves sortie le 1er mai 2013 Comédie (90ʼ) Avec Rita Blanco, Joaquim de Almeida, Roland Giraud

Song for Marion est un film de Paul Andrew Williams qui met en scène une fourchette d’excellents acteurs. On retrouve, entre autres, Gemma Arterton (James Bond, Good Morning England), Terence Stamp (Superman), Christopher Eccleston et Vanessa Redgrave.

Avec subtilité, le réalisateur nous confronte à la vieillesse et à la mort mais nous interdit toutes résignations ou acceptations. Il nous les présente non pas comme une fin mais comme une renaissance, un moment propice pour ouvrir grand nos yeux, mettre nos remords, nos craintes et nos angoisses de côté, et profiter pleinement de l’instant présent. Oublier les « on dit », oublier les « qu’en dira-t-on » et suivre son cœur, son corps et ses envies. On comprend si bien les personnages, ce qu’ils vivent et ce qu’ils pleurent. Leur fraîcheur ajoute au charme et à la délicatesse de ce magnifique long métrage. Si vous avez la larme facile, munissez-vous de deux paquets de mouchoirs. Si vous ne pleurez jamais, prenez-en quand même un ! Song for Marion n’est pas un film triste, je peux vous garantir que vous en ressortirez, certes avec les yeux rouges, mais le cœur léger !

Voici sans aucun doute la recette d’un cocktail réussi : amour, émotions, sentiments, rires et sourires sont au rendez-vous. Mais, méfiez-vous, ce film est tout sauf léger.

C’est sûr, voilà on film qu’on n’oubliera pas de si tôt ! Ames sensibles… Ne surtout pas s’abstenir !

Voilà maintenant trente ans que le couple Ribeiro est parti du Portugal pour s’installer à Paris. Maria est une excellente concierge, José est un chef de chantier demandé, ils ont le cœur sur la main et leur entourage en profite en permanence. Le patron du café qui emprunte la voiture tous les jours, la voisine qui sonne à n’importe quelle heure pour une chasse d’eau qui fuit et tant d’autres sollicitations. Leur vie est réglée mais José ne cesse de penser à cette maison de famille qu’il a quitté au Portugal.

sonnes pour obéir à leurs désirs. Et c’est sans compter sur leurs enfants.

Et voilà que José reçoit un courrier du notaire qui lui apprend la mort de son frère à qui il ne parlait plus justement pour une histoire d’héritage. La famille hérite de l’ensemble des biens, des bénéfices de l’entreprise, et de la fameuse maison familiale. Les voilà riches d’un seul coup mais à la seule condition qu’ils aillent s’installer là-bas et qu’ils reprennent l’entreprise de fabrication de Porto. Et c’est là que tout se complique, puisque si José rêvait d’y aller, leurs amis, patrons et voisins n’ont eux pas du tout envie de les voir partir, puisqu’ils n’auraient plus per-

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Emilie Lessire

Après un premier quart d’heure à la limite du catastrophique, tant par les dialogues que le jeu des acteurs, le film va en s’améliorant. Dès les premières apparitions de Chantal Lauby et Roland Giraud, que l’on sent rodés pour ce genre de films, la comédie se met en place. L’intrigue se déroule et l’histoire nous offre quelques scènes vraiment drôles. Le film a également le mérite de s’installer dans la communauté portugaise peu, voire jamais, montrée à l’écran mais cependant sans y faire une introspection approfondie. Par exemple, des sujets tels que l’importance de la religion dans cette communauté sont évoqués sans réellement être abordés. C’est donc un film assez inégal, alternant des scènes aux dialogues clichés et faciles sans trop de réflexion avec des moments de pure comédie. L’intrigue est toutefois bien menée et l’on devient curieux de connaître leur choix final.

Baptiste Rol

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Après la mort du père d’India, son oncle Charlie, dont elle n’a jamais entendu parler, vient s’installer à la maison. Beau, grand et charmeur, Charlie s’immisce petit à petit dans la relation plus que tendue qui unit la mère et la fille. Cependant, petit à petit le doute s’installe et tandis qu’India commence à se méfier de lui, des étranges disparitions ont lieu dans le quartier…

Stocker de Chan-Wook Park sortie le 8 mai 2013 Horreur, Thriller (98ʼ)

Avec Nicole Kidman, Mia Wasikowska, Matthew Goode, Dermot Mulroney

Hotel Normandy de Charles Nemes sortie le 8 mai 2013 Comédie (97ʼ) Avec Helena Noguerra, Eric Elmosnino, Ary Abittan

Le film qui pose le plus grand dilemme dans le choix d’une note. Pas de note unique pour le film de Park Chanwook. Pas de critique solitaire non plus. Une double critique . Le scénario tout d’abord. Ecrit par Wentworth Miller, Stoker tarde à démarrer, si quand bien même il démarre à un moment. L’affiche ainsi que le synopsis nous annonçaient un film malsain basé sur l’inceste, l’attirance physique et la violence. Certes ces éléments s’y retrouvent mais sont comme qui dirait éparpillés et étouffés dans un tourbillon de scènes inutiles. Mia Wasikowska est réellement bluffante en jeune fille perturbée voire autiste sur les bords, et Nicole Kidman est parfaite dans son rôle de mère peu aimante. Mais l’histoire développe malheureusement en nous un arrière goût Depuis qu' Alice a perdu son mari, lors d'un tragique accident de moto, elle ne laisse plus aucun homme entrer dans son cœur. Pénélope et Isabelle, très concernées par la vie sentimentale de leur meilleure amie, décident qu'il est temps pour elle de tourner la page... Elles lui offrent un séjour dans le prestigieux « Hotel Normandy », où se déroule une biennale d'art contemporain. Alice ne sait pas encore que cette surprise s'avère être un traquenard amoureux. Ses deux amies ont engagé un homme qui semble correspondre aux attentes de la belle. Celui-ci malgré tous ses efforts, ne parvient pas à la séduire, et Alice s'entiche d'un charmant galeriste. C'est à partir de ce moment-là qu'un quiproquo vaudevillesque prend place, entre champagne, crustacés et talons aiguilles. Charles Nemes, après avoir réalisé La Tour Montparnasse Infernale, Le Carton ou encore certains épisodes de H, s'essaye à la comédie romantique. Et malgré la présence d'un Eric Elmosnino, merveilleusement égal à lui même, Hotel

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dérangeant de déjà vu. Là où nous aurions dû trouver la pesanteur d’une histoire dure, abrupte, malsaine… nous ne trouvons finalement que l’ennui. La réalisation ensuite. Stoker donne les larmes aux yeux tant il est beau visuellement. Des images qui vous rappellent que, oui, il existe des gens avec un réel don. Park Chan-wook nous sidère par son talent. Ce film est réellement une merveille et malgré le scénario faible, nous ne saurions vous déconseiller de le regarder. Des images d’une pureté, d’une netteté, d’une beauté époustouflantes, un florilège de ce que nous avons vu de plus beau au cinéma. Les plans s’enchainent, chacun surpassant le précédent. La qualité du film nous coupe le souffle, et lorsque l’on pense avoir fait le tour de cette œuvre d’art, la scène où Mia (Wasikowska) brosse les cheveux de Nicole (Kidman) finit de nous achever. Nous ne saurions remercier plus Park pour ce qu’il nous a offert dans ce film, la beauté à l’état brut. Vivifiante, troublante, étonnante de vérité.

Roxane de Quirini

Scénario Réalisation Normandy est un film plutôt lourd tout en se voulant léger, où l'on sent les répliques à caractère comique forcées et écrites. Le cruel manque de spontanéité est inhérent à l'intégralité de cette production. Et l'on sent que la brèche de la « nouvelle comédie romantique française » est exploitée sans grande sincérité ni passion. Héléna Noguerra, n'est malheureusement pas à la hauteur des acteurs qui l'entourent, ce qui est dommage étant donné qu'elle est le personnage central de cette histoire. Cependant le réalisateur a choisi une équipe qu'il connaît bien, car il y a vingt deux ans déjà il donnait a Eric Elmosnino son premier rôle au cinéma dans Tableau d'honneur. Frédérique Bel, Anne Girouard et Ben, jouaient également dans son précédent film Au Bistrot du coin. Une joie certaine d'être réunis dans ce nouveau long métrage est évidente, ce qui donne à Hotel Normandy la fraîcheur qui manque à son scénario.

Cécile Marx


Lʼhypnotiseur de Lasse Hallström sortie le 8 mai 2013 Policier, Thriller (122ʼ) Avec Mikael Persbrandt, Tobias Zilliacus, Lena Olin

Dans une maison de la banlieue de Stockholm, une famille est sauvagement assassinée. Seul le fils, Josef, bien que blessé, échappe au massacre. Amené d’urgence à l’hôpital, il navigue entre la vie et la mort et est dans le coma. La seule survivante de la famille, la grande sœur, ne vit pas avec eux et semble avoir mystérieusement disparu sans laisser de trace. Néanmoins le but du crime semblant être la disparition de toute la famille, elle court un grand danger. Sans témoins ni empreintes, l’inspecteur Joona Lina piétine. Alors qu’il désespère de trouver le meurtrier, Erik Maria Bark, un psychiatre spécialisé dans les chocs traumatiques, accepte de pratiquer l’hypnose sur le jeune garçon afin de pénétrer son subconscient, de tenter de revoir le carnage à travers ses yeux et de découvrir l’identité du meurtrier. Les dettes de jeu du père semblent être la raison de ce crime atroce mais les révélations de Josef les emmèneront bien au-delà… L’hypnotiseur, réalisé pars Lars Hallstrom, est inspiré du roman du même nom de Lars Kepler.

Victoria et Lily, deux petites filles, se retrouvent livrées à elles même dans une cabane en forêt, suite au décès mystérieux de leur père qui les avait enlevé après avoir tué sa femme. Pendant cinq ans, leur oncle Lucas, et sa petite amie Annabel, les cherchent sans relâche. Lorsqu'elles sont enfin retrouvées, les petites sont de véritables animaux, comment ont elles pu survivre seules pendant tant d'années ? Une fois logées et adoptées par le couple, des choses étranges commencent à se produire dans le nouveau foyer familial.

MAMA de Andy Muschiette sortie le 8 mai 2013 Horreur (100ʼ) Avec Jessica Chastain, Nikolaj Coster-Waldau

MAMA ne révolutionne pas le genre du film d'épouvante, c'est certain. Les grincements de portes, les chutes mystérieuses dans les escaliers, les coupures d’électricités dans la grande maison effrayante sont bien là où on les attend, ces éléments classiques deviendraient presque une structure rassurante de part leur évidence. Cependant, on tombe dans le piège de Andres Muschietti, le réalisateur, avec ce qu'il faut de terreur et de curiosité. L'intrigue fonctionne à merveille, n'est visible de trash et de paranormal que l'essentiel. La « pudeur » de l'horreur, nous plonge fatalement dans cette envie irrépres-

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Même si, à cette période de l’année, on opterait plutôt pour un film se déroulant aux Seychelles, les immenses paysages enneigés suédois sont un régal. L’intrigue est intéressante et bien ficelée avec de nombreux rebondissements et des personnages bien construits. Cela dit, le film est très long, près de deux heures et l’enchainement de l’histoire est lente. On s’ennuie régulièrement car l’évolution de l’enquête se fait de manière saccadée donnant l’impression au spectateur de monter un escalier qui n’en finit pas. On y retrouve la couleur des romans de séries noires avec des scènes un peu glauques et bien ensanglantées. En bref, si vous êtes amateur de polars suédois, je pense que le livre sera un bien meilleur choix, car il vous apportera bien plus de contenu et de palpitations que le film…

Emilie Lessire

sible de vouloir voir qui se cache dans le placard. Esthétiquement parlant, MAMA a une réelle identité, bien que classique. Ce film possède une couleur et une température qui nous garde attentifs et nous séquestre dans la tension sans difficulté. Jessica Chastain, méconnaissable dans le rôle d'Annabel, crée une évolution tangible de son personnage. La relation qu'elle va développer avec ces deux petites petites filles traumatisées, est l’un des aspects les plus intéressants du film, le fait que le réalisateur s'y soit attardé, permet au reste de l'histoire plus de crédibilité. L'intelligence du réalisateur irait même plus loin, car il est actuellement sollicité par Universal, enthousiaste à l'idée d'une suite pour MAMA, (et bien entendu des millions de dollars qui vont avec). Andres Muschietti aurait répondu à leurs avances : "Je ne vois pas comment on pourrait exploiter le concept sans trahir l’original. J’espère vraiment passer à autre chose." MAMA est une production qui ratisse large, et qui séduit de par son efficacité classique, oui, mais avec intégrité.

Cécile Marx

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Films à l’horizon (sorties du 1/5) Le vilain petit canard Animation de Garri Bardine

Pas

vus

!

Jurassic Park 3D

Paradis : Espoir

Fantastique de Steven Spielberg

Drame de Ulrich Seidl

Avec Sam Neil, Laura Dern, Jeff Goldblum, Richard Attenborough

Avec Melanie Lenz, Joseph Lorenz, Michael Thomas

Un beau jour dans une basse-cour, un oisillon bien différent des autres voit le jour. Coqs, poules, canards et oies se moquent de lui et le mettent rapidement à l'écart. Le vilain petit canard est chassé des lieux. Il découvre plus tard qu'il est en réalité un beau cygne.

Ne pas réveiller le chat qui dort... C'est ce que le milliardaire John Hammond aurait dû se rappeler avant de se lancer dans le "clonage" de dinosaures. C'est à partir d'une goutte de sang absorbée par un moustique fossilisé que lui et son équipe ont réussi à faire renaître une dizaine d'espèces de dinosaures.

Mélanie passe ses vacances d’été dans un centre d’amaigrissement très strict. Entre les activités sportives, les conseils nutritionnels, les batailles d’oreillers et les premières cigarettes, elle tombe sous le charme du directeur du centre, un médecin de 40 ans son aîné.

Cette histoire, tout le monde la connait tant elle a traversé les générations. Dans cette adaptation russe signée Garri Bardine, le côté féerique du récit est resté intact, rehaussé par les mélodies de Tchaïkoski. Créé à partir de pâte à modeler, ce long métrage a pris du temps à se faire. De fait, six années ont été nécessaires pour donner vie au projet.

Vous pensez qu’Universal profite de vous, simples spectateurs, en sortant un film identique, sans scène supplémentaire ? Et bien, vous avez entièrement raison. De fait, la 3D n’apporte rien de neuf à ce film excellent de surcroit. Par contre, cela sert à introduire le numéro 4 qui est prévu pour l’été 2014 sous la houlette de Colin Trevorrow.

Pour ce troisième et dernier volet de la trilogie Paradis, Ulrich Seidl pourra tirer un bilan plutôt mitigé d’un projet qui se révélait pourtant ambitieux. De fait, notre rédaction avait vu le premier volet mais n’avait pas du tout adhéré, ce qui arrive quelques fois. Le problème, c’est que le public n’a pas apprécié lui non plus, aïe... Là, c’est loupé.

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Films à l’horizon (sorties du 8/5) Sous surveillance Thriller, Drame de Robert Redford Avec Robert Redford

Mohamed Dubois Comédie de Ernesto Ona Avec Eric Judor, Sabrina Ouazani, Youssef Hajdi

Pas

vus

! Enfance clandestine Drame de Benjamin Avila Avec Natalia Oreiro

En 1969, un groupe de militants radicaux appelés Weather Underground revendique une vague d’attentats aux Etats-Unis pour protester contre la guerre du Vietnam. La plupart de ses membres furent pris, mais quelques-uns disparurent sans laisser de trace…

Héritier de la banque Berthier, Arnaud Dubois a plutôt une tête à se prénommer... Mohamed. D'ailleurs ne serait-il pas plutôt le fils de Saïd, l'ex-prof de tennis de sa mère à Djerba ?

Argentine, 1979. Juan, 12 ans, et sa famille reviennent à Buenos Aires sous une fausse identité après des années d’exil. Les parents de Juan et son oncle Beto sont membres de l’organisation Montoneros, en lutte contre la junte militaire au pouvoir qui les traque sans relâche.

L’avantage de jouer dans son propre film, c’est de diminuer les frais et de s’assurer un public avec un nom prestigieux sur l’affiche. Blague à part, ce long métrage est tiré d’un roman de Neil Gordon paru en 2003. Rien n’y est véridique mais c’est un choix délibéré de Robert Redford. Quoiqu’il en soit, nous vous en parlerons ultérieurement.

La comédie française a encore de beaux jours devant elle, surtout celle qui présente une France « black, blanc, beurre ». Ici, peu de surprises scénaristiques seront au programme mais la présence d’Eric Judor pourra faire mouche. Ce dernier est en outre de plus en plus détaché de son partenaire Ramzy avec qui il ne joue plus au cinéma.

Être clandestin dans son propre pays, c’est une idée très intéressante pour le scénario d’un film. Reste à savoir si celui-ci arrivera à amener les spectateurs dans les salles. De fait, l’Argentine devient une terre de tournage importante (Mariage à Mendoza, Elefante Blanco) mais ne séduit pourtant pas le public. Un film probablement à voir.

La Pirogue

Big & Bad

Drame de Moussa Touré

Action de Michael Bay

Avec Souleymane Seye Ndiaye, Laity Fall

Avec Mark Wahlberg, Dwayne Johnson, Ken Jeong

Welcome to the Punch Action, policier de Eran Creevy Avec James McAvoy

Un village de pêcheurs dans la grande banlieue de Dakar, d’où partent de nombreuses pirogues. Au terme d’une traversée souvent meurtrière, elles vont rejoindre les îles Canaries en territoire espagnol.

Basé sur une histoire vraie et inspiré d'articles de presse parus dans le Miami New Times, Pain and gain suit les aventures criminelles du "Sun Gym gang".

L’ancien criminel Jacob Sternwood doit quitter sa planque en Islande et revenir à Londres pour aider son fils impliqué dans un casse qui a mal tourné.

Ce film montre la triste réalité de bon nombre d’africains fuyant une misère pandémique. Moussa Touré, le réalisateur, s’était axé jadis sur les problèmes de son pays (le Sénégal) au travers de différents documentaires. Mais jamais il ne s’était attaqué à un long métrage de fiction. Un film à voir.

C’est le mystère de la semaine. Qu’en est-il réellement de la date de sortie de ce film important par son budget et son casting? Si en France, sa sortie est prévue pour le mois d’août, la Belgique devrait voir le film bien avant. Seul doute : aucune publicité n’a été réalisée à ce sujet. Bizarre...

Petit film sans grandes prétentions, Welcome to the Punch pourrait cependant être meilleur qu’il n’y parait. Avec les excellents James McAvoy et Mark Strong, ce polar devrait tenir le public en haleine, ne fût-ce que par la prestation des acteurs. Reste à savoir si le scénario suivra la même mouvance.

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

DVD

LʼEpine dans le coeur de Michel Gondry

Documentaire (98ʼ) Editions Montparnasse

Michel Gondry est mondialement connu pour ses publicités, ses clips (Rolling Stones, Bjork, Radiohead…) et surtout ses longs métrages tels que Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des Rêves ou encore L’Ecume des jours qui est sorti ce 24 avril 2013.

pour raconter une autre histoire, plus personnelle : la délicate relation qu’elle entretient avec son fils Jean-Yves. Ou comment cette institutrice avant-gardiste, qui a œuvré plus de 30 ans à l’épanouissement de générations entières, ne peut résoudre le conflit qui l’oppose à son fils.

Avec L’Epine dans le cœur, il se lance dans une entreprise personnelle et unique. Il dresse le portait touchant de sa tante Suzette, institutrice pendant plus de 30 ans dans les Cévennes. C’est un documentaire comme Strip-Tease par exemple. Le film-reportage est à la fois le tableau d’une France rurale en voie de disparition, une plongée dans l’école républicaine et une exploration de la complexité des rapports familiaux…

De manière touchante et fantaisiste, Michel Gondry immortalise le destin de cette femme et son témoignage d’un enseignement révolu.

Suzanne Gondry, la tante, a été institutrice dans les Cévennes de 1952 à 1986. C’est à Villemagne, un hameau reculé que Michel Gondry s’installe pour donner la parole à ce brin de femme malicieux, joyeux et attachant. Peu à peu, le film-documentaire s’écarte du sujet central, la vie d’enseignante de Suzette,

Lʼamère patrie, le retour des français dʼAlgérie de Marion Pillas et Frédéric Biamonti

1962 est une année dont les livres d’histoire ne retiennent souvent que la signature des accords d’Évian, l’indépendance de l’État algérien. Pourtant, cette année là fût aussi marquée par l’exode massif des Pieds-noirs vers la Métropole. Alors qu’on attendait 400 000 rapatriés sur quatre ans, ils furent près d’un million à débarquer en métropole. Des scènes de cohue dans les ports méditerranéens, des familles entières armées d’une seule valise qui parcourent la France à la recherche d’un travail et d’un endroit où s’installer. Les témoignages oraux comme les archives content la violence du choc culturel et politique entre les deux populations. D’un côté, des métropolitains qui veulent à tout prix tourner la page de la décolonisation, de l’autre des déracinés qui vivent le forfait de l’Algérie française comme une trahison du Général de Gaulle.

sortie le 8 mai 2013 Documentaire (72ʼ)

Quelle attitude ont adopté les gouvernants ? La métropole aurait-elle pu mieux anticiper l’arrivée des Pieds-noirs et ses conséquences démographiques ? Que s’est-il réellement

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En compléments : des animations de Michel Gondry (dont une où des écoliers deviennent miraculeusement invisibles), une brève histoire des Harkis présents dans cette région cévenole, et même un montage de photos de Suzette sur fond de musique techno. Attachant pour ceux qui s’intéressent à l’œuvre de Michel Gondry.

Marc Bailly

passé ? Comment l’opinion publique et la presse se sont-elles positionnées ? Ce film dresse le portrait d’une France prise entre deux époques, faisant dans la douleur le deuil de son rêve de grandeur civilisatrice. Dans les magasins depuis début mars 2013.


©DC Comics

l’actu cinéma

la Justice League pour Zach Snyder

Une Palme pour Gilles Coulier ? C’est bientôt Cannes, le festival qui fait tant rêver les amateurs du septième art. Dans ce grand rendez-vous annuel et incontournable, une Palme d’or est également attribuée à un court métrage qui aura plu au jury présidé par Jane Campion, Palme d’or pour La leçon de piano en 1993 et pour le court métrage Peel en 1986. Cette année, c’est Gilles Coulier et sa réalisation Mont Blanc qui représenteront les couleurs de la Belgique dans cette compétition qui compte neuf films sélectionnés. L’histoire ? Un père, malade, veut passer une dernière journée à la montagne avec son fils. Il veut revoir le Mont Blanc une dernière fois. Les relations entre le père et le fils ne sont pas au beau fixe. Ils ne se comprennent pas. Ce court métrage présente un moment de vie familial entre un père et son fils. Il ne s’y passe pas grand-chose. Quelques dialogues, un repas dans un restoroute, des routes vues d’un camping-car, pas de quoi fouetter une belle-mère… M.B.

Box office Belgique

Eric et son triptyque atypique

Du 17 au 21 avril 2013

2. Olympus has fallen 3. The Croods 4. The Host 5. G.I. Joe 2 6. Parker 7. Side Effects 8. I Give it a year 9. Jack the giant slayer 10. Warm Bodies Source : Box Office Mojo

DVD - Blu ray

©Indigo Film

1. Oblivion

Le 15 avril dernier, Indigo Film Production invitait la presse et les professionnels du spectacle à Wolubilis pour leur présenter les trois courts métrages concoctés par le belge Eric Godon.

Cet acteur incontournable du paysage cinématographique belge (Rien à déclarer, In Bruges) a décidé de se lancer dans la réalisation. Avec Emma, Marguerite et Rosa, les trois courts métrages réalisés, on peut dire que l’homme a de l’imagination à revendre et souligne son attachement au surréalisme. De fait, les trois icônes se suivent, se ressemblent mais ne s’assemblent pas, tant leur marginalité fait douter le spectateur, assis à mi-chemin entre l’envie de rire des situations grotesques et l’interrogation face à des histoires d’une complexité intentionnelle. À voir (surtout Marguerite) M.M.

Dans la pure tradition des comics américains, la Warner sortira une énième adaptation d’un super-héros. Encore une fois, c’est Superman, l’un des justiciers les plus connus, qui sortira sur nos écrans en juin 2013. Man of Steel, réalisé par Zach Snyder, devra faire oublier Superman Returns réalisé en 2006 par Bryan Singer (Jack le chasseur de géants) qui avait quelque peu déçu les spectateurs du monde entier. Si la réalisation de Zach Snyder, à qui l’on doit le néo péplum 300, parvient à émerveiller un public semblant lassé du flux ininterrompu de productions de ce genre, il pourrait se voir à la tête d’un autre projet très ambitieux : Justice League. Pour les mécréants européens, la Justice League est l’équivalent DC Comics des Avengers de Marvel. Et oui, depuis toujours, deux franchises s’opposent, DC Comics et Marvel Comics. On le sait, le long métrage The Avengers avait séduit le public par son côté spectaculaire rassemblant des super-héros comme Iron Man, Captain America, Hulk, Thor et bien d’autres. DC Comics ne souhaitant pas rester sur la touche, ils ont annoncé un long métrage basé sur la Justice League composée de Superman, Batman, Wonder Woman, Flash et consort. M.M.

The Hobbit de Peter Jackson

Dans un voyage inattendu, Bilbon Sacquet cherche à reprendre le Royaume perdu des Nains d'Erebor, conquis par le redoutable dragon Smaug. Alors qu'il croise par hasard la route du magicien Gandalf le Gris, Bilbon rejoint une bande de 13 nains dont le chef n'est

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autre que le légendaire guerrier Thorin Écu-de-Chêne. Leur périple les conduit au cœur du Pays Sauvage, où ils devront affronter des Gobelins, des Orques, des Ouargues meurtriers, des Araignées géantes, des Métamorphes et des Sorciers. 30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Musique

Rencontre avec les C’est l’histoire d’une rencontre entre deux batteurs talentueux. Deux rockeurs déjantés qui vont avoir une idée de génie, celle de s’associer pour créer un concept unique mélangeant batterie et humour: les Fills Monkey. Nous sommes allés à la rencontre de Sébastien Rimbaud et Yann Coste lors de leur passage à Bruxelles pour le festival Juste Pour Rire.

La rencontre Bonjour, Merci pour cet interview ! Votre spectacle est vraiment original et hilarant ! Comment avez-vous commencé cette aventure ? Sébastien: Nous nous sommes rencontré au début des années 2000. À l’époque, nous jouions dans divers groupes de rock. Et comme nous faisions partie du même réseau, nous nous croisions régulièrement lors de festivals ou de concerts. On se connaissait sans avoir joué ensemble. En 2005, une marque de cymbales a choisi d’endosser deux batteurs, et la chance a fait que c’est tombé sur nous deux. C’est cela qui nous a réuni autour de ce projet. Nous avons donc commencé à faire des démos de batterie pour cette marque. Et nous nous sommes dit que, plutôt que de faire ça de façon individuelle, ce serait bien de le faire en commun. C’est ainsi que s’est créé Fills Monkey. Yann: Il faut savoir que notre premier métier, c’était d’être batteur pour plusieurs groupes. De ce fait, il nous arrivait souvent d’assister à des démonstrations de batterie où l’on s’ennuyait souvent parce que les batteurs sont là pour déballer leur technique et montrer qu’ils savent jouer très vite et très bien. Nous nous sommes dit que nous allions proposer quelque chose d’un peu plus ludique.

Les premières fois, nous avons essayé de placer quelques petits gags sans trop y croire. Et finalement, c’est cela que les gens ont retenu de notre prestation. Ce succès nous a motivé pour faire un petit spectacle (au début c’était un quart d’heure) basé autour du rythme mais qui soit digeste pour tout un chacun. Sébastien: Nous avons été les premiers surpris, car cette pratique qui était réservée aux batteurs s’est nettement étendue et touche maintenant un public très large. On parle souvent des 7 à 77 ans. Mais en ce qui concerne notre public, il faut plutôt parler de 16 mois (on a battu notre record la semaine passée) à 96 ans. Nous avons donc été agréablement surpris, car nous ne nous attendions pas à ce que cela touche un public aussi large. Yann: Nous avons aussi découvert que le fait de ne pas parler pendant le spectacle permettait d’exporter celui-ci dans plein d’autres pays. Au début, nous avons inséré quelques phrases dans le spectacle, et nous avons fini par les gommer petit à petit, car nous nous sommes aperçus que c’était plus efficace de garder la langue rythmique universelle pour faire passer une émotion. Comment composez-vous ce spectacle? Est-ce que vous le faites évoluer ?

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Yann: Dans l’ensemble, c’est écrit. Mais il est vrai que le spectacle a évolué d’après les retours que nous en avons reçu du public. Nous avons pris note de tout ce que les gens nous disaient et nous avons essayé d’en prendre compte. C’est un spectacle qui est fait avec et pour le public. Sébastien: En ce qui concerne la composition pure et dure, tout est prétexte à créer. Nous avons commencé avec des batteries parce que c’est notre instrument au départ. Puis, progressivement, nous nous sommes tournés vers d’autres choses. Nous avons trouvé des balles de tennis qui trainaient, nous les avons utilisé et appris à jongler avec et à les maîtriser. Yann: Nous avons aussi trouvé des bâtons d’éveil (que l’on appelle des «bâtons magiques» entre nous) et qui peuvent produire des notes avec lesquelles nous pouvons faire des mélodies. Il y a beaucoup d’objets de la vie quotidienne qui permettent de faire des percussions. Ce qui nous motive, c’est la performance. Nous aimons repousser les limites et faire des choses très techniques. Mais il faut que cela paraisse «con» et ludique aux yeux du public. Nous aimons beaucoup ce genre d’humour. Nous sommes des bosseurs, nous travaillons très dur mais il faut que cela ne se voit pas. Nous prenons un objet du quotidien et nous le détournons pour que cela soit ludique. C’est cela qui est intéressant.


Votre spectacle est dès lors assez écrit et laisse assez peu de place à l’erreur. Que faites-vous lorsque cela arrive malgré tout ? Yann: Comme ce spectacle est assez technique, il y a pas mal de situations qui sont plus délicates. Par exemple, lorsque les balles de tennis rebondissent de façon aléatoire ou que l’on fait voler les baguettes, il arrive forcément un moment où une baguette tombe par terre. Mais comme nos personnages sont « cons » et bien, nous jouons aussi avec cela. Et donc, quand on est con, on a le droit de faire tomber ses baguettes. (rires) Parfois, les gens pensent que nous le faisons exprès et nous disent de garder ce genre de moments. Mais bien évidemment, ce n’est pas toujours facile à reproduire. Ceci dit, comme le rythme est assez soutenu, les erreurs sont très vites oubliées.

produire dans de plus grandes salles, de faire des promotions à la télévision, à la radio ou de jouer dans de gros festivals. Nous prenons beaucoup de plaisir en jouant dans des théâtres, mais nous ne voulons pas perdre la scène rock qui est notre premier amour. Yann: Au départ, nous avons accepté un peu de tout en jouant devant des publics très jeunes ou très âgés. Nous nous sommes aussi produits dans la rue ou dans des prisons. Et le public a toujours eu de très bonnes réactions. Nous aimons surtout les théâtres pour la qualité d’écoute. Mais ce serait trop facile de se limiter à cela.

le métro et sur la Tour Eiffel, parce que nous aimons aussi aller au contact des gens et faire quelque chose qui change leur quotidien. Avez-vous remarqué de grandes différences entre les publics ? Yann: La première différence entre les deux milieux, c’est qu’en théâtre, quand les lumières s’éteignent, le public se tait. Alors qu’en musique, c’est alors que les gens hurlent! (rires)

Nous aimons varier les lieux. D’ailleurs nous avons fait des vidéos dans

Sébastien: Le fait d’avoir un spectacle très écrit fait que lorsqu’un moment inattendu comme celui-là se produit, cela laisse place à l’improvisation. Nous savons que tôt ou tard nous pourrons de toute manière revenir sur les rails et continuer. Nous aimons aussi jouer avec les réactions du public. Il participe beaucoup et cela nous permet de faire quelque chose où tout est permis. Vous jouez principalement dans des théâtres. Pourquoi ce choix ? Sébastien: Nous venons tous les deux du milieu du rock et nous avons joué dans des salles de concerts. Au début, nous étions seuls à mener ce projet. Nous avons donc contacté les gens que nous connaissions dans le réseau rock. Puis, nous avons pris conscience qu’il y avait une dimension théâtrale dans ce spectacle. Et donc, nous avons développé cela avec un metteur en scène. Nous avons commencé alors à faire divers festivals théâtraux. Le premier que l’on a fait c’était le Zoofest. Cela a très bien fonctionné car nous sommes devenus la révélation du festival. C’était incroyable pour nous car nous y allions par la petite porte et nous nous demandions si cela allait plaire. Et en l’espace de deux semaines, on nous a offert l’opportunité de se

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Disons que nous avons vraiment tous types de réactions. Les gens ne réagissent pas de la même façon partout, ne rient pas aux mêmes endroits. Nous devons aussi adapter le show à la situation. Quand nous jouons dans une grande salle, il faut grossir les traits. Nous nous sommes retrouvés dans un festival électro où le public était plutôt composé de jeunes imbibés d’alcool qui criaient. Là, bien entendu, nous avons fait quelque chose de plus rythmé et rock n’ roll que dans des petites salles où nous pouvions prendre le temps d’amener les choses avec douceur. Nous avons toujours une trame à suivre, mais à côté de ça, ce spectacle reste quelque chose de vivant et qui s’adapte selon les situations. Est-ce que vous voulez transmettre votre passion par le biais de ce spectacle? Yann: Oui, il est certain que cela nous fait toujours plaisir en tant que batteurs de rencontrer des jeunes qui veulent apprendre la musique après nous avoir vu. Mais le message principal c’est plutôt: Venez passer un bon moment avec nous. Avec trois fois rien, il y a moyen de faire tellement de choses.

À propos des moyens mis à votre disposition, votre kit de batterie est assez impressionnant. Est-ce que certaines personnes sont perplexes en voyant votre matériel ?

Sébastien: Pour être honnête, ce spectacle a eu un succès qui a largement dépassé nos espérances. On parle actuellement de tournée mondiale, de dates bloquées à long terme, ...

Sébastien: Il est vrai que cela peut faire penser aux batteurs comme Portnoy qui ont un milliard de fûts et de cymbales ! Nous, nous sommes des demi-Portnoy en quelque sorte ! (rires)

Nous allons donc continuer pendant quelques années jusqu’à ce que le public et nous-mêmes soyons las de ce spectacle. Après, nous ferons une pause le temps de réécrire un nouveau show.

Yann: C’est un vrai défi de faire un spectacle avec deux batteurs qui soit digeste. Au début du premier morceau, les gens redoutent parfois le moment où ils vont s’ennuyer. Nous arrivons sur scène en se présentant d’abord comme batteurs. Nous maîtrisons notre instrument, mais nous souhaitons les emmener ailleurs. Le public s’ennuie souvent lors des solos de batterie et finit par ne plus écouter. Ce qui est intéressant dans ce que nous proposons, c’est que nous commençons comme cela, en jouant de la batterie. Puis, arrive un moment où nous basculons et nous proposons alors autre chose d’inédit. Avez-vous des projets concernant la musique ou d’autres choses que vous aimeriez faire ?

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Merci beaucoup pour cette interview et à très bientôt ! Merci à toi! Ne ratez pas les Fills Monkey au Théâtre 140 ce 3 mai dans le cadre du festival Juste Pour Rire !

Propos recueillis par Christophe Pauly



Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Hommage

Mad Season, de la frustration à la reconnaissance Dans les années 90, le grunge connut son apogée avec des groupes comme Nirvana, Pearl Jam et Soundgarden. Bien des projets parallèles naquirent alors mais ne rencontrèrent pas toujours le succès espéré. Voici l’histoire de Mad Season et de son chanteur, Layne Staley, qui fut aussi le leader d’Alice In Chains. Voici l’histoire improbable de Mad Season. Un groupe atypique né à l’époque où l’on disait le grunge mort suite au décès de Kurt Cobain. En 1994, alors qu’il est en cure de désintoxication dans le Minnesota, Mike Mc Cready (le guitariste de Pearl Jam) fit la rencontre du talentueux bassiste John Baker (venu rendre une petite visite pour la même raison). De cette rencontre va naître une grande amitié et la volonté de faire un projet ensemble, maintenant que les deux hommes sont sobres. Ils demandent alors à Barrett Martin (le batteur des Screaming Trees) de les accompagner. Très vite, les répétitions s’enchaînent et l’écriture de nouveaux morceaux avance à grands pas mais il manque un chanteur et des paroles pour donner un sens à tout cela. C’est alors que Mc Cready pense à quelqu’un de précis, un ami qui a un timbre particulier et dont les paroles sont mélancoliques. Il y a tout de même un problème avec celui-ci (et ce n’est plus un secret pour personne), il est devenu très dépendant de la drogue et cela influe de plus en plus sur ses relations avec les membres d’Alice In Chains et sur ses performances. Mc Cready se dit alors que le fait de jouer avec des musiciens devenus sobres poussera Staley à laisser ses démons de côté. Mad Season est donc ce que l’on appelle aujourd’hui un supergroup. C’est-à-dire un groupe musical dont les membres font partie de plusieurs formations encore actives. Ce genre de phénomène est plus courant de nos jours. Il y a par exemple Velvet Revolver (Guns n’ Roses, Stone Temple Pilots) ou Audioslave (Soundgarden,

Rage Against The Machine) qui démontrèrent que ce genre de collaboration pouvait apporter du sang neuf et produire quelque chose d’unique et de réellement pertinent dans un univers musical où tout est très formaté. Cependant, il est assez rare que ce genre de formation perdure car il est difficile pour ces artistes de conjuguer les agendas de tournées et d’enregistrements de plusieurs groupes sans faire de burn-out.

comme Nirvana, Soundgarden et aussi Alice In Chains qui y enregistra l’album suivant en 1995. (Cet album sera d’ailleurs le dernier avec Layne Staley). Above est alors produit par Brett Eliason qui avait servi d’ingénieur du son sur certains albums de Pearl Jam. Layne, quant à lui, se chargera de dessiner la pochette où l’on peut voir un couple s’étreindre. Le succès de ce disque restera très mitigé. Non pas que la qualité n’y soit pas, mais il est vrai que les fans de Pearl Jam ou d’Alice In Chains s’y retrouvèrent assez peu tant le style fut différent. On retrouve ici un style mélangeant le blues et le grunge. Le résultat est assez atypique et il vaut mieux prendre le temps d’écouter plusieurs fois ce disque pour s’en imprégner.

Mad Season est arrivé dans la vie de Staley au moment où Alice in Chains prenait un peu de recul suite à une énorme tournée pour promouvoir Dirt, leur deuxième album qui fut également celui qui eut le plus de succès. Le supergroup profita donc de cette interlude pour enregistrer son premier (et unique) album, Above, au studio Bad Animals de Seattle qui a vu défiler la plupart des groupes de grunge

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Profitant de l’agenda assez vide des différents membres, Mad Season fait quelques concerts, dont un au club The Moore à Seattle qui sera enregistré et filmé (ce concert sortira alors en vidéo mais aura un succès très confidentiel). Après ces quelques dates, Staley va continuer à s’enfoncer dans la drogue si bien que l’enregistrement du nouvel album d’Alice In Chains prendra un peu de retard suite à quelques absences de Staley. Il verra enfin le jour en 1995 mais là encore, l’état de Staley ne permettra pas de faire beaucoup de dates pour promotionner ce disque qui aura du mal à se vendre. Le problème prend tellement d’ampleur que l’on parle plus alors de la santé de Layne que de l’album du groupe en lui-même.


Alice In Chains finira par faire une apparition très remarquée en 1996 dans l’émission MTV Unplugged qui sortira en cd et vidéo. On y voit alors un groupe très soudé mais la prestation de Staley laissera perplexes certains fans. En effet, si la voix du chanteur reste magnifique, celui-ci a le regard ailleurs (il se présentera d’ailleurs avec des lunettes de soleil au début du concert) et oubliera même les paroles de Sludge Factory, obligeant le groupe à recommencer cette chanson. Une situation donc très embarrassante et qui en dit long sur ce qu’était devenu Layne Staley. Après cela, Staley disparu complètement du monde musical. Alice In Chains se mit en retrait forcé. La frustration eut raison du groupe et beaucoup pensèrent alors que tout était fini. Jerry Cantrell, le guitariste et second chanteur du groupe eut alors la volonté de continuer à composer de la musique en se lançant dans une carrière solo. Il sortit Boggy Depot en 1998 sur lequel on retrouvera quelques amis comme Rex Brown (bassiste de

Pantera), Les Claypool (bassistes de Primus) et ses amis de toujours Mike Inez et Sean Kinney (bassiste et batteur d’Alice In Chains). L’album sonne assez différemment d’Alice In Chains mais on retrouve la patte des trois comparses sur certains morceaux. Le temps passe et plus personne n’a de nouvelles de Layne Staley. Même les membres d’Alice In Chains ont perdu le contact. Après le décès de sa petite amie (suite à une overdose), l’homme vit reclus dans son appartement de Seattle. Il a cessé tout contact avec ses amis et sa famille ne le voit pratiquement plus. Sean Kinney dira d’ailleurs: Je lui téléphonais plusieurs fois par semaine, il ne répondait plus jamais. Chaque fois que j’étais dans le coin, je venais et je criais après lui, mais il n’ouvrait pas la porte. Que faire quand on veut aider quelqu’un qui ne veut même pas s’en sortir ?

années et je n’ai jamais voulu finir ainsi. Je ne prends pas de la drogue pour me sentir mieux. Je sais que j’ai fais une connerie le jour où j’ai commencé à prendre cette merde. La douleur que je ressent chaque jour est telle que c’en est devenu insupportable. Ca te détruit vraiment tout le corps ». Layne Staley sera retrouvé mort dans son appartement le 19 avril 2002. La cause de sa mort ne laissera aucun doute mais le plus triste dans tout cela, c’est que, du fait de sa solitude extrême, son corps ne sera découvert que deux semaines après sa mort ! Une fin très triste pour quelqu’un qui marqua l’histoire du grunge par sa voix particulière et cette mélancolie dépressive qui ne le quitta jamais et eut raison de lui.

En 2001, Stanley consacra une dernière interview et dit ceci: « Je sais que je me rapproche de la mort, j’ai pris du crack et de l'héroïne depuis des

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Sa mort affecta terriblement les membres d’Alice In Chains qui redoutaient cet évènement depuis pas mal de temps. Ils choisirent alors de se séparer officiellement. Jerry Cantrell fit un second album solo dans lequel il dédia la chanson Gone à Layne. Après quelques années de rumeurs et une demande très forte des fans, Alice In Chains finira par se reformer avec William Duval au chant. Ils produisent alors un nouvel album : Black Gives Way To Blue. Un message d’espoir pour ce groupe qui vivait sans cesse dans la tristesse. Le succès de ce retour est fulgurant et Alice In Chains n’a aucun mal à se produire dans de grandes salles et se hisser parmi les têtes d’affiche des plus grands festivals dans le monde. Un succès bien mérité après toutes ces années de galères. Ils sortiront un nouvel album en mai dont le titre a laissé penser à une blague : The Devil Put Dinosaurs Here. Mad Season ne connut pas de suite. Les membres ont bien essayé de se réunir plusieurs fois et préparer quelques chansons pour un second album. Mais à cause de l’absence de Layne,

cet album ne verra jamais le jour. Mark Lenagan, le chanteur des Screaming Trees chantera sur ces quelques chansons. En 1999, John Baker, le bassiste du groupe, mourra d’une overdose. Le projet tombera alors définitivement à l’eau. Aujourd’hui, cela fait onze ans que Layne nous a quitté. Les membres restants de Mad Season et Legacy Records ont tenu à rendre hommage à leurs amis en rééditant l’album remasterisé et en y incluant des bonus. Outre les dix chansons originales, on y retrouve une interlude ainsi que les quelques chansons enregistrées avec Mark Lanegan. Il y a également un deuxième disque reprenant le Live At The Moore. Enfin, la pièce maitresse de cette édition: le DVD ! Les fans ont été gâtés avec un DVD reprenant le concert Live At The Moore mais également plusieurs autres prestations live enregistrées à la nouvelle année ou à la radio. Ainsi qu’un clip vidéo de River Of Deceit, le single qui avait fait découvrir le groupe au grand public. Il est très étonnant que Alice In Chains n’ait pas fait de même en sortant

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quelque chose de spécial en hommage à Layne Staley. Sans doute que le groupe ne voit pas les choses de la même manière. Toujours est-il que les fans de Staley seront comblés par cette édition Deluxe de Above qui leur permettra de redécouvrir ce disque avec une oreille différente et une maturité qu’ils n’avaient peut-être pas à l’époque pour apprécier cette musique si particulière et magnifique. On remarque alors que ce groupe méritait bien mieux et on regrette parfois que l’époque peu propice et les circonstances de la vie eurent raison d’un tel chef d’oeuvre.

Christophe Pauly



Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Electro Hard Rock

Hard Rock

3 avril 2013

IAM {X} «The Unified Field»

Sony Music

Pour son cinquième album studio The Unified Field, le groupe électro IAMX, mené par Chris Coner (aussi connu comme le leader des Sneaker Pimps) a fait une démarche plutôt étonnante, celle du « crowdfunding ». En fait, l’album a été entièrement financé par des internautes. Selon les montants des dons, les internautes pouvaient recevoir un exemplaire de l’album, une invitation pour un showcase privé du groupe, voire même un diner en tête à tête avec le leader (pour les plus fortunés des fans). C’est donc grâce aux internautes donateurs que ce dernier opus est sorti. Celui-ci s’inscrit dans la lignée de ce que le groupe avait déjà précédemment produit. On y retrouve une ambiance sombre, mystérieuse et lyrique, proche de l’univers de David Lynch. Le morceau d’ouverture I come with knife est bien représentatif de cette atmosphère, évoluant sur des chants mystérieux récités en allemand avant que la voix déchirante de Chris Corner ne se fasse entendre (je ne serai pas la seule à y voir des similitudes avec la voix de Matthew Bellamy, leader du cultissime Muse). Cet album s’écoute, se lit et/ou se vit : c’est comme se plonger dans un mon-

de onirique, à la manière d’un chapelier fou aux mouvements troublés et floutés par les touches électro. Ce qui m’oblige à faire cette comparaison avec l’ambiance du clip de Panic ! At The Disco dans I write sins not tragedies bien que, je le concède, les styles musicaux soient assez différents. L’album suinte encore le trop plein d’émotions : agressivité, violence, amour, passion, psychose et addiction sont toujours au rendez-vous… Screams par exemple, évoque un viol sous influence de drogue dure… rien que ça ! Peut-être serait-il temps de nous interroger sur l’état mental de notre ami ? Mais qu’importe après tout, le génie ici est proche de la folie ! L’atmosphère est en définitive bien oppressante (sans doute encore plus sous les beats martelants de certains morceaux). Rien de véritablement neuf finalement par rapport aux précédents albums du groupe. Parmi les influences, on remarquera également ces petites touches par moment orientales, tsiganes ou exotiques (difficilement identifiables en somme) dont l’intervention est discutable, mais singularise l’album et lui donne son caractère.

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Chris Corner offre aussi sur cet album, et c’est devenu une habitude, de délicieuses ballades telles que Quiet the Mind mielleuse mélodie entre The Cure et Cold-play ou encore Under Atomic Skies un peu plus énergique. Les amateurs de mélodies hypnotiques et envoutantes seront donc au rendez-vous pour accueillir la nouvelle créature du groupe, qui était, rappelons-le, il y a peu dans la capitale afin de faire les présentations au public belge.

Claire Rigaux


Metal Hard Rock

Hard Rock

Rob Zombie «Venomous Rat Regeneration Vendor»

Zodiac Swan Records/UMe

Décidément, ce mois d’avril aura été chargé pour Rob Zombie ! Ce fut tout d’abord le mois de la sortie de son nouveau film The Lords Of Salem dans lequel jouent sa femme (Sheri Moon) ainsi que ses musiciens John 5 et Piggy D. Ceux qui étaient à la Rockhal pour la tournée Twins of Evil ont pu visionner la bande-annonce de ce film qui avait été projetée avant le rappel. Mais Zombie ne s’est pas arrêté là. lI a quitté Roadrunner depuis quelques temps pour fonder son propre label (Zodiac Swan Records) et sort à présent son cinquième album: Venomous Rat Regeneration Vendor. Un avant-goût avait été donné aux collectionneurs lors du Record Store Day. À cette occasion, un vinyl de Rob Zombie avait été pressé. Ce 45 tours comportait deux titres du nouvel album: Dead City Radio And The New Gods Of Supertown et Teenage Nosferatu Pussy en face B. Mis à part sa couleur rouge, ce disque avait aussi la particularité rare de se lire à partir du centre du disque vers l’extérieur. La première chose qui est frappante, c’est que Rob a concocté une pochette on ne peut plus voyante. Difficile, donc, de rater ce disque dans les rayons des magasins. (Celle-ci avait été montrée au public quelques se-

maines avant la sortie du disque sous forme de puzzle à reconstituer). On y voit un portrait du chanteur entouré par un lettrage flashy. L’intérieur du livret est quant à lui plein d’humour. Notons les portraits de classe des quatre protagonistes du groupe lorsqu’ils étaient enfants (et innocents?), une image pleine d’ironie et qui surprend quand on ouvre le boîtier. Mais au diable les discours, parlons du contenu. Le bal s’ouvre avec Teenage Nosferatu Pussy. On y entend un extrait de film d’horreur en introduction (Zombie a prit l’habitude d’inclure cet élément dans ses chansons à l’époque où il était leader de White Zombie). Le morceau comporte des riffs lourds servis par un John 5 toujours aussi efficace. Cet album est aussi le premier avec Ginger Fish. Autrefois batteur de Marilyn Manson (à l’époque où John 5 faisait partie lui aussi de la formation), celui-ci a récemment rejoint Zombie suite au départ de Tommy Clufetos (partis, lui, chez Ozzy Osbourne). Le batteur se fond parfaitement au style de l’album. La symbiose avec John 5 est aussi parfaite qu’elle ne l’est sur scène.

musicaux. John 5 y joue une phrase très typée et Ginger sert des roulements à la fin de la chanson digne d’un tube de hard rock. Dans l’ensemble, l’album de dénote pas des autres. Il s’agit plus d’une continuité que d’un réel changement de ton. On retrouve la voix rauque de Zombie qu’il s’amuse parfois à accentuer au moyen d’une radio. Ce savant mélange électro-métal qui a fait la renommée de l’artiste. John 5, quant à lui, s’est fait moins démonstratif en ne plaçant pas de solo par exemple. Il effectue tout de même une chouette performance au sitar sur Theme For The Rat Vendor. Un très bon album à conseiller pour tous les fans du Zombie hurlant et ses acolytes.

Christophe Pauly

L’autre single Dead City Radio And The New Gods Of Supertown est assez amusant. C’est un chouette clin d’oeil musical à quelques clichés

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Hard Rock

Rock 3 avril 2013

FM

Phoenix

«Rockville»

«Bankrupt!»

Membran Records

Warner Music

Voici le nouvel album de FM, ce mythique groupe britannique emmené par le charismatique Steve Overland. Après s’être séparé en 1995, Rockville est le second album que FM nous livre depuis sa reformation en 2007 et le dispensable Metropolis. Alors, que nous réserve ce nouvel opus? Le moins que l’on puisse dire est qu’on n’est pas déçu du voyage! Le groupe a retrouvé cette qualité de composition qui avait fait son retentissant succès avec le mythique Tough it out et nous délivre plusieurs morceaux de rock FM jouissifs. L’album s’ouvre sur l’excellent Tough Love et son refrain pop entêtant. Wake up the world, joyau blues-rock prend la relève et fait indéniablement penser à un autre groupe britannique malheureusement disparu : Thunder. Surgit ensuite Only Foolin’, bombe radio-phonique en puissance aux réminiscences Bryan Adams à sa bonne période. Un pur moment de bonheur! Impossible de ne pas taper du pied! Crave et ses sonorités plus actuelles, son riff bondissant, la voix toute en finesse de Steve font encore des merveilles. Show me the way nous englobe de sa douceur avant de céder la place à My love bleeds, autre bombe, déboule dans nos oreilles et me fait irrémédiablement penser à Def Leppard. La balade rock d’usage est aussi présente avec Story of my life mais a le bon goût de ne pas être mièvre comme bon nombre de compositions de cet acabit et, une fois encore, la similitude avec Bryan Adams s’impose. Better Late than Never redonne une orientation plus pêchue à l’album, orientation confirmée dans la foulée par Crosstown train aux guitares nerveuses. Mais l’album nous réserve d’autres surprises avec le sublime Goodbye Yesterday et l’énergique High cost of lovin’ qui clôture l’album de fort belle manière. Rockville est assurément indispensable à tout amateur de rock de qualité !

Frédéric Livyns

On prend les mêmes, on ajoute du clavier (voire beaucoup de clavier) et on retourne dans le passé : au tout début de l’ère Phoenix, à l’époque d’ If I Ever Feel Beter et de Too Young. Voire mieux : on repart d’une feuille blanche. Pour leur nouvel album Bankrupt!, les Versaillais ont pris des risques en chamboulant leurs habitudes. La bande à Thomas Mars utilise les mêmes ingrédients en changeant quelque peu les recettes (ou bien le contraire). Au final, la réussite est au menu. Il y en a pour tous les goûts mais les fans des premières heures auront probablement plus de plaisir à écouter ce nouvel album qui met les claviers à l’honneur, au détriment des guitares (qui étaient à la base des deux albums précédents). On ne va pas se tirer une balle dans le pied en essayant de décrire le style de l’album. Qu'elles soient d'influence rock ou électro, les chansons de Phoenix transmettent toujours l’envie de se déhancher jusqu’au bout de la nuit. Le premier single de l’album, Entertainment a été dévoilé il y a quelques semaines mais ne reflète pas l'entièreté de Bankrupt !. Il s’agit plutôt une chanson de transition entre Wolfgang Amadeus et ce nouvel album. Le morceau mélange les claviers surprenants et assourdissants utilisés de long en large dans Bankrupt ! et les guitares « à la Phoenix » qui ont fait le succès de Wolfgang Amadeus. Le reste de l’album se détache complètement de son prédécesseur. Reste à savoir si ce disque fera mieux que le précédent. Avec la qualité proposée dans le nouvel album, on peut penser que le défi a été relevé par les Versaillais.

Philippe Vincke

3 avril 2013

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Metal Hard Rock

Hard Rock

Iced Earth «Live in Ancient Kourion»

Century Media

Après la sortie de l’excellent album studio Dystopia, Iced Earth nous revient cette fois-ci avec un album live, enregistré lors de leur dernière tournée. Un live long d’environ trois heures, enregistré dans le sud de l’Europe (plus précisément dans le magnifique cadre d’un amphithéâtre antique à Chypre), voilà qui n’est pas sans rappeler le fameux Alive in Athens sorti en 1999. Ce Live in Ancient Kourion, disponible dans de multiples formats (DVD, CD, Vinyles, Blu-Ray, en édition normale ou limitée) comporte pas moins de 29 chansons dont de nombreux titres issus du dernier opus Dystopia. Malgré cette setlist à rallonge, on pourra paradoxalement regretter à la fois l’absence de certains classiques du groupe et en même temps, l’absence de morceaux rarement ressortis des archives de Jon Schaffer. Petite déception également, la sublime ballade du dernier album Age of Innocence, pourtant présente sur la dernière tournée de Iced Earth, est également absente sur l’album. Cela dit, la sélection des morceaux couvre la quasi totalité de la vaste discographie d’Iced Earth. On passe

avec plaisir des ancêtres comme When The Night Falls et Iced Earth aux plus récents Ten Thousand Strongs et Setian Massacre. Les nouveaux morceaux passent également agréablement bien l’épreuve du live, et des morceaux comme Dark City et Boiling Point sont de véritables régals. Autre moment fort de l’album: l’épique Dante’s Inferno. Ce morceau avait été réenregistré en format single pour présenter le nouveau chanteur au public en 2011. Il fait voyager l’auditeur aux tréfonds des enfers . Live in Ancient Kourion est le premier live du groupe enregistré avec la présence de Stu Block au chant. Celui-ci confirme ici tout le bien que l’on pouvait penser de lui suite à sa prestation sur Dystopia, tant il semble à l’aise sur quasi tout le répertoire du groupe. Il ne possède certes pas le timbre particulier d’un Matt Barlow ou la puissance d’un Tim Owen (quoi-qu’en écoutant Ten Thousand Strongs et Declaration Day, on se rend compte qu’il n’en est vraiment pas loin), mais sa voix très polyvalente se colle à merveille sur la musique d’Iced Earth.

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Mis à part cette grosse nouveauté, ce live est assez fidèle de l’expérience Iced Earth en live. Les rythmiques de Jon «mitraillette» Schaffer sont toujours aussi incisives et précises (écoutez Dracula et Stormrider pour vous en convaincre). Les autres musiciens ne sont pas en reste, et si certains des solis de Troy Seele peuvent parfois sembler assez brouillons, le groupe nous livre tout de même une prestation de très haut niveau Quelques petits regrets pour terminer, la production est un peu trop faible à mon gout et l’enthousiasme du public présent ce soir-là est par moments assez peu audible. Mais ce ne sont que des petits détails et je suis persuadé que tout fan du combo américain passera de superbes moments à l’écoute de ce Live in Ancient Kourion.

Julien Sterckx

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Français

Electro 3 avril 2013

Maxime Le Forestier

How To Destroy Angels

«Le Cadeau»

«Welcome Oblivion»

Universal Music

Sony Music

Avril se termine et voilà que Maxime Le Forestier fait son retour avec un quinzième album studio : Le Cadeau. Pour ce nouvel opus, le chanteur s’est entouré de quelques amis qui se sont chargés de lui écrire des mots qui chantent ou quelques notes sur du papier à musique. Le disque commence par Le Cadeau, une valse composée par Manu Galvin, qui nous balade tout en légèreté sur les paroles d’un homme qui semble porter un regard amer sur lui-même. Les p’tits airs, écrit par Julien Clerc évoque les souvenirs d’un amour perdu qui refont surface à l’écoute d’un air de musique. Cette chanson a une couleur reggae très entrainante et apporte un punch qu’on retrouve rarement dans les compositions de Le Forestier. Bien entendu, l’accent est mis sur les guitares qui dominent la mélodie de chaque chanson. On remarque aussi que le chanteur a souvent les yeux au ciel lorsqu’il a besoin d’inspiration. Des titres comme La p’tite Hirondelle, Impasse des Oiseaux ou Le Papillon témoignent de ce besoin de liberté et de bol d’air qu’apportent ses chansons. Beaucoup de légèreté, donc, dans ce disque comme dans le refrain de La petite hirondelle où il parle du plaisir de s’imaginer voler tel un oiseau pour nous évader du quotidien. Des chants africains accompagnent le refrain et donnent une autre couleur au morceau. C’est aussi un bon prétexte pour faire une évasion musicale par la même occasion. Pour La Folie, Le Forestier a choisi Camille pour l’accompagner le temps d’un duo simple et efficace. La sonorité y est plus grave et le duo de voix fonctionne superbement. Maxime nous signe là un très bon album. Il garde toujours cette ligne de conduite et ce style immédiatement reconnaissables.

Christophe Pauly

Après quelques années d’attente et deux EP de six titres, voici enfin Welcome Oblivion, le premier album de How To Destroy Angels. Ce projet musical regroupe notamment Trent Reznor (NIN) et sa femme Mariqueen Maandig au chant. Le groupe a déjà fait parler de lui en composant la musique du film de David Fincher : The Girl With The Dragon Tattoo. Cette oeuvre remporta même un Grammy de la meilleure musique de film cette année. Mais Reznor sait garder la tête froide et est toujours avide d’expérimentations. Toutes ces années de composition lui ont permis de développer un style mariant metal et musique électronique. La richesse des sonorités présentes sur cet album témoigne de cette expérience et apporte énormément de profondeur au son. Chaque chanson a ses propres subtilités. Le mieux est de se faire une idée précise en écoutant ce disque avec un bon casque. La voix de Maandig est tantôt douce et lancinante, tantôt agressive. Les tempos sont très soignés et assez atypiques comme dans Keep It Together où le tempo est syncopé et le son toujours plus détourné de son origine. On entend parfois Reznor murmurer quelques paroles. Certains morceaux comme And the sky began to scream n’ont pas vraiment de mélodie mais leur qualité est plus due à une ambiance sonore particulière. Ice Age, quant à lui, est un morceau acoustique joué avec des instruments à cordes. Un léger larsen vient de temps en temps rappeler le style de Reznor. Enfin, Too late, all gone est un morceau qui aurait convenu parfaitement à Nine Inch Nails. Outre la mélodie rock très bien ficelée, la particularité de cette chanson réside dans le fait que chaque phrase chantée commence par la voix de Maandig et est achevée par Reznor. Pas de doute, ce disque est un bonheur pour les oreilles. À écouter sans modération!

Christophe Pauly

3 avril 2013

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Metalcore Hard Rock

Hard Rock

Killswitch Engage «Diras The Discent»

Roadrunner records

Contrairement à la grande majorité des fans de metalcore, j'ai toujours été un grand fan de Howard Jones! Alors oui, huez-moi si vous le voulez mais je trouve sa voix tout simplement extraordinaire et pour moi, sa façon de chanter convenait parfaitement à Killswitch Engage. Avec As Daylight Dies le groupe avait presque atteint le niveau de Alive or Just Breathing. Alors, vous imaginez ma déception quand le Howard part du groupe début 2012 même si c'était pour être remplacé par Jesse Leach, le chanteur originel. Dans ces conditions, dire que le nouveau Killswitch était attendu est un doux euphémisme. Le groupe a déjà passé un premier écueil : vouloir continuer dans la lancée vocale d'Howard Jones. En effet, le chanteur de Blood Has Been Sheld et Leach n'ont pas les mêmes caractéristiques vocales ni les mêmes qualités. Soyons clairs, Disarm The Descent ne révolutionnera rien dans le genre du metalcore malgré quelques changements de cap opérés par le groupe. Cependant, il n'en est pas pour autant un mauvais album. Il est même vraiment bon. Le groupe revient un peu à ses débuts avec un son plus lourd dans lequel on retrouve

tout de même beaucoup plus d'influences Heavy Metal. Cela se ressent fort sur des titres comme Beyond The Flames ou In Due Time. La chose qui frappe cependant le plus à l'écoute de cet album c'est le changement de la voix de Jesse Leach. Alors que à ses débuts, celle-ci peinait parfois à tenir la route et donnait l'impression qu'elle allait se casser d'un moment à l'autre, il fait là la preuve d'une maîtrise impressionnante de ses cordes vocales. Passant d'une manière beaucoup plus fluide que par le passé d'une voix agressive à un chant clair, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il impressionne sur cet album. Malgré cela, le groupe ne fait pas l'impasse sur ses influences plus hardcore avec des titres qui envoient pas mal comme Turning Point, You Don't Bleed Me et surtout l'excellent The Hell in Me en ouverture de l'album.

ment Always. Le quintet nous montre là des choses rarement entraperçues avec un morceau naviguant entre Alice In Chains et Faith No More. Assurément le morceau le plus intéressant de l'album. On note également le très bon No End In Sight qui devrait devenir un classique sur les set list. En résumé, un bon album qui prouve, si besoin était, que Killswitch Engage est bien sur le trône du metalcore mélodique pour quelque temps encore.

Olivier Eggermont

Au milieu de cela on a les morceaux un peu plus passe-partout comme le nouveau single : The New Awakening au riff de guitare dévastateur et au refrain très catchy mélangeant voix claire et brutale. Mais si il y a un seul morceau qui sort du lot c'est claire-

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Scènes

La vie c’est comme un arbre Nous les avions aperçu sur scène au théâtre de la Toison d’Or, la troupe bruxelloise des Voyageurs sans bagage continue de sillonner les salles avec «La Vie c’est comme un Arbre». La rencontre...

La rencontre Ambiance bon enfant et pathique, pas de doute à avoir, sommes face aux Voyageurs bagage, la troupe théâtrale «Bruxellois de l’année » en 2012.

symnous sans élue

connaissais Rachid Hirchi, le co-auteur de la pièce. J’ai fait des études de cinéma avec lui. Parallèlement, Rachid avait fait ses études secondaires avec Mohamed Allouchi.

jeunes dont je m’occupe. Nous avons pas mal discuté et nous nous sommes dit : pourquoi ne pas reprendre cette thématique, la réécrire et en faire un spectacle humoristique.

Réunis autour d’un même projet unissant le devoir de mémoire et l’envie de faire rire, cette petite bande d’humoristes a fait d’un rêve un succès de foule.

Mohamed Allouchi : Tout à fait, j’ai fait mes primaires et mes secondaires avec Rachid à l’Athénée Léon Lepage, à Bruxelles. De plus, c’est par moi que Issam est arrivé également dans l’aventure.

Rencontre avec Mohamed Allouchi et Fionn Perry, deux comédiens de la pièce mais également producteurs de cette dernière.

F.P. : L’équipe était donc faite. Nous avions les quatre producteurs : Rachid, Issam, Mohamed et moi-même. Ensuite, le reste de l’équipe a été recruté via un casting.

Concernant le casting, nous souhaitions travailler avec certaines personnes comme Mohamed Ouachen qui a l’un des principaux rôles du spectacle. Surtout parce que nous n’étions connus de personne alors que lui avait déjà une assise dans le théâtre. Alors, il faut savoir que nous n’avions pas un sou en poche et nous espérions donc qu’il tombe amoureux du projet, ce qui est arrivé. Cette présence nous a ouvert beaucoup de portes, il ne faut pas le nier.

Cela fait un petit temps que vous parcourez les salles avec La vie est comme un arbre… Mohamed Allouchi : La vie C’est comme un arbre, on oublie souvent le « c ». Mais pas de souci, nous avons déjà eu droit de la part d’une radio flamande à La vie c’est comme un arabe. (rires) Alors, votre pièce est une création des Voyageurs sans bagage, pouvez-vous nous expliquer comment est née cette troupe et l’idée de faire une pièce humoristique ? Fionn Perry : À la base, c’est une histoire d’amitié. Il y avait plusieurs binômes qui se sont rencontrés. Personnellement, je

« Cette pièce, c’est tout d’abord une histoire d’amitié » Et comment en êtes-vous arrivés à cette pièce humoristique ? M.A. : Mon métier initial est animateur pour jeunes. Par ce biais, j’avais travaillé avec des jeunes sur un spectacle traitant de la mémoire et des racines. Cela avait donné un bon rendu. Dix ans plus tard, je rencontre Rachid avec qui j’avais fait du théâtre à l’école. Je lui explique que je fais toujours un peu de théâtre avec les

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Combien de temps avez-vous mis à écrire le spectacle ? M.A. : Nous avons instauré des ateliers d’écriture une à deux fois par semaine pendant six mois. Cela dit, si nous avions été payés pour le faire, nous aurions pu le faire en un mois. Par la suite, les textes ont été proposés aux acteurs qui ont pu improviser et donner leurs avis. F.P. : À côté de cela, nous avons créé l’asbl et fait les castings. Dès que nous avons eu un texte convenable, nous avons démarré les répétitions et présenté le spectacle à l’Espace Toots à Evere, en autoproduction totale.


Nous avons fait sold out assez rapidement grâce au bouche-à-oreille. Depuis ce moment-là, l’aventure ne s’arrête plus.

Est-ce que vous pensez que les jeunes d’origines maghrébines connaissent cette histoire, celle de leurs parents ?

Encore aujourd’hui, vous ne travaillez que sur cette pièce ?

M.A. : Au fur et à mesure des générations, cela se perd. Moi-même, je ne savais quasiment rien sur le côté administratif de l’immigration et toute sa complexité. C’est seulement en construisant ce spectacle que j’ai appris que ma mère avait eu un permis A. Grâce à ce permis A, mon père a pu en obtenir un également.

F.P. : Nous réfléchissons à d’autres choses car nous sommes attendus au tournant et nous en sommes conscients. Vous parlez principalement de l’immigration marocaine, cela vous parlait personnellement je suppose… M.A. : C’est un fait, il y a dans la pièce sept personnes d’origine marocaine. Fionn est greco-irlandais. F.P. : Oui, c’est un peu le côté comique de la situation. Eux sont tous belges d’origine étrangère alors que ce n’est pas mon cas, c’est moi l’étranger. (rires) M.A. : Naura Darchambeau n’est pas marocaine par contre, elle est belgoalgérienne. Il y a même une argentine dans l’équipe.

Je ne connaissais pas grand-chose de tout cela. J’ai grandi en sachant que je venais du Maroc punt aan de lijn comme on dit chez nous. F.P. : Je pense effectivement que pas mal de jeunes apprennent via ce spectacle des choses qu’ils ignoraient sur leur propre histoire. Cette pièce peut donc donner un côté moralisateur aux spectateurs en disant : « regardez ce qu’il s’est réellement passé, ne gâchez pas cela aujourd’hui ! ».

Sur quelles bases avez-vous construit votre spectacle ? Sur l’expérience de vos parents voire grands-parents ?

« L’immigration peut être une histoire belle et drôle à la fois »

M.A. : Ce sont d’abord nos souvenirs personnels parce que nous sommes originaires d’un autre pays. J’ai toujours vécu en Belgique, j’ai étudié en Belgique, j’ai fait ma vie en Belgique,… bref, je suis belge. Par contre, de faciès, je reste un mec d’origine marocaine aux yeux des gens.

M.A. : Cela permet également d’amener le débat après le spectacle. C’est d’ailleurs fou qu’après chaque représentation, les gens ont l’envie d’en parler, d’en débattre.

À côté de cela, nous en avons discuté avec nos parents respectifs et avec nos grands-parents restés au pays. Nous avons également vécu les voyages allerretour au Maroc pour aller voir notre famille. Avec le recul, tu réfléchis et tu te dis : « Ce que mes parents ont fait, c’està-dire tout quitter pour venir bosser dans un autre pays, c’est très beau et très audacieux ». En sachant cela, nous ne voulions pas que l’on en garde l’image négative que certains peuvent véhiculer. Ce spectacle sert en quelque sorte d’hommage à cette génération. Maintenant, tout n’est pas dramatique. L’immigration, c’est beau mais c’est drôle aussi. L’immigration ce n’est pas que le chômage, la délinquance et les problèmes, c’est aussi une histoire humaine qui peut être belle et drôle.

Dans ma propre vie, en tant qu’éducateur pour jeunes en difficultés du quartier Anneessens, je lutte contre les préjugés sur la communauté marocaine. Et lorsque j’arrive au TTO et que deux personnes me disent : « Pourquoi ces jeunes se comportent mal dans certains quartiers ? », je comprends à ce momentlà que ces gens ne comprennent pas bien ce qu’il se passe. Et vous leur répondez quoi à ce moment-là ? M.A. : Je deviens un peu moralisateur en leur disant que ce n’est pas parce que quelqu’un est marocain, polonais, brésilien qu’il vole mais parce qu’il est défavorisé et que son environnement social ne l’a pas aidé. Après, il y a toujours des gens qui vivent dans la misère totale et s’en sortent « cleans » mais je veux faire passer le message que certaines condi-

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tions favorisent les problèmes (les fréquentations, les écoles, la famille, …). Puis, il faut arrêter avec les amalgames et mixer réellement les différentes cultures. On le dit partout mais personne ne le fait. Une tâche plus difficile qu’il n’y parait… M.A. : Oui. Mais nous allons fêter prochainement les cinquante ans de l’immigration marocaine en Belgique. La ministre a alloué un budget de 500.000€ à cette occasion. Cela permettra de faire plus de choses. Pendant cette « fête », nous allons parler d’immigration au sens large et pas uniquement marocaine. Revenons à votre spectacle. C’est un gros succès de foule comme on l’a dit, est-ce que vous vous attendiez dès le départ à faire salle comble assez rapidement ? Etiez-vous très confiants ? F.P. :Honnêtement, au tout début, nous ne nous attendions pas vraiment à ce succès. Pour ma part, je me demandais si cela allait réellement plaire. Mais, après deux ou trois soirs où nous avons entendu les gens rigoler, nous avons pris confiance. Nous nous sommes également rendus compte que notre spectacle était rassembleur, que l’on voyait débarquer dans les salles un public très diversifié. De plus, en changeant de lieu, l’engouement fût le même et là, nous nous sommes dits : « Ok, ça va marcher ! ». M.A. : Sincèrement, nous n’avons pas fait cela pour l’argent ou la renommée, nous avons fait cela pour une cause plus qu’autre chose. De ce fait, nous n’attendions pas une retombée pareille. C’est une passion avant tout. Alors, pour rebondir là-dessus, je pense que ce n’est encore rien par rapport à ce qui nous attend par la suite. Le projet que nous avons d’en faire un film, c’est encore un échelon au-dessus. Vous allez l’adapter au cinéma ? M.A. : Nous allons faire de cette histoire une comédie sur l’immigration qui, si elle bien faite, pourra nous emmener loin. Oui, je suis l’optimiste du groupe ! (rires)

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Et qui adaptera cette comédie ou la produira ? M.A. : Le concept est là mais rien n’est encore concret. Pour l’instant, c’est dans une boîte et nous la ressortirons en temps voulu. Dans le même temps, il ne faut pas oublier que dans l’équipe, il y a des artistes mais beaucoup ont également un autre métier dans la vie. Cela ne nous permet pas de nous lancer têtes baissées. Maintenant, si cela devient notre métier, c’est une autre histoire… F.P. : La question est de savoir si nous allons attaquer un nouveau spectacle ou se lancer dans un film. Peut-on qualifier votre spectacle comme intra-communautaire vu que l’on y parle de l’immigration marocaine essentiellement ? M.A. : Evidemment, même si nous luttons contre cela, c’est le risque de ce genre d’entreprise. À Arlon, on nous a refusé en disant qu’il n’y avait pas de marocains dans la région et ça n’attirerait donc personne. Pourtant, dans le spectacle, il y a plein d’autres références que maghrébines. Par exemple, il y a du Chaplin, du Freud, du western, etc. Bref, des références historiques ou culturelles qui ne sont en aucun cas marocaines.

F.P. : C’est l’histoire de trois potes mais ceux-ci pourraient aussi bien être grecs, italiens ou norvégiens, l’histoire de fond serait pareille. Dans la pièce, il y a un beau gosse, un intello et un imbécile, tu trouveras cela partout. De plus, je joue moi-même un personnage totalement belge, ce qui prouve bien que ces derniers sont représentés dans la pièce. Vous avez exagéré les personnages ? F.P. : Ça c’est clair. Ils sont tous extrêmes dans leur manière d’être. Ce sont des caricatures mais pas lourdingues non plus.

« Seule la religion est difficile à traiter avec humour » Votre sujet est politique, pensez-vous que l’on peut plus facilement faire passer un message en le traitant avec humour ? F.P. : C’est une manière subtile de faire passer un message. Le faire dans la joie et la bonne humeur. M.A. : Je pense qu’il n'y a qu'un seul sujet difficile à traiter avec humour, c’est la religion. Nous avons justement sou-

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haité ne pas entrer là-dedans. Il y a des allusions au comportement humain par rapport à la religion mais pas à la religion en elle-même. Nous jouons avec les tabous mais sans offusquer le public. Chez les catholiques, un humoriste qui se lâche à mort sur les curés ou le Vatican, c’est assez fréquent. Avec un Imam, tu ne peux pas faire cela. Dans le monde musulman, c’est un sujet plus délicat. Il y a neuf comédiens qui interprètent seize personnages dans votre pièce. Leur avez-vous laissé une liberté d’action comme le loisir d’improviser ou de changer certains passages ? F.P. : Ils sont arrivés avec une structure et à partir de là, il y a eu pas mal de modifications afin de faire rencontrer le personnage et l’acteur. Il y avait donc une certaine liberté, c’est certain. Le spectacle évolue-t-il au fur et à mesure des représentations ? M.A. : Entre chaque session de spectacle, nous revoyons les vidéos et nous corrigeons ce qui n’a pas été. Cela fait évoluer la pièce d’autant que nous n’avons pas eu de réelles séances de répétition. Pour preuve, c’est lors des cinq semaines passées au TTO que nous avons pu améliorer considérablement le spectacle.


Quelques fois, nous ne sommes pas d’accord et alors, nous nous concertons pour trouver un arrangement. Vous avez été élus bruxellois de l’année en 2012, comment avez-vous vécu cette distinction honorifique ? F.P. : Ce fût un moment de bonheur qui récompensa toutes nos années de travail. Comme nous l’avons dit, ce spectacle est parti de rien. Nous répétions après le boulot parfois très tard. Et ce prix, nous l’avons vécu comme une reconnaissance du travail fourni. Nous avons eu pas mal de portes qui se sont fermées face à nous. Des gens qui pensaient que ce projet était irréalisable, trop communautaire, etc. Le prix du bruxellois de l’année, c’était une réponse à ces gens. M.A. : Fionn a raison. Nous avons invité de nombreux théâtres qui ne sont pas venus. Des politiciens qui ne nous ont même pas répondu et qui, le jour de la remise du prix, sont venus nous féliciter. De l’hypocrisie à l’état pur. Parlons-en justement, avez-vous été censurés ? M.A. : Censurés non, pas pris oui ! La seule vraie discussion sur la censure a eu lieu au Maroc où nous avons joué le spectacle. Une blague dans la pièce allait en direction du roi Hassan II, un sujet sensible. Dans le dialogue, l’un dit : « Mon frère est en prison », l’autre répond : « Qu’est-ce qu’il a fait ? Il a volé ? Tué ? ». Le premier dit : « Non, pire, il a critiqué le roi ». Ce petit passage a provoqué deux jours de débats entre nous pour savoir si nous la gardions ou pas pour jouer dans le théâtre royal du Maroc. Au final, le directeur du théâtre et les gens de l’ambassade belge ont dit « Non, ne l’enlevez pas ! ». Nous l’avons gardé et les gens ont bien rigolé. C’est à ce moment-là que l’on se rend compte à quel point la liberté d’expression a changé au Maroc. Comment cela s’est déroulé au Maroc ? M.A. : Au Maroc, le théâtre n’est pas considéré de la même manière qu’ici, c’est une réalité. Pour eux, une bonne pièce de théâtre ramène cent personnes

maximum. La musique marche bien mais le théâtre moins. Lorsque nous avons joué à Rabat, nous avons demandé à un acteur de télévision populaire au Maroc de jouer dans notre pièce. Il a accepté et nous lui avons donné l’un de mes rôles. Ensuite, nous avons axé la publicité autour de lui, ce qui a pas mal aidé à faire un succès avec la pièce. Nous avons eu 800 personnes dans la salle. Pour les cinquante ans de l’immigration, nous souhaitons d’ailleurs faire une tournée d’un mois dans le pays (Rabat, Marrakech, Fès, Casablanca, Tanger,…). Ce serait pour avril 2014 mais rien n’est encore fait, nous sommes en pourparlers. Vos prochaines dates ? M.A. : Les 10 et 11 mai 2013 au Centre Culturel d’Uccle à 20h. L’objectif principal de ces dates, c’est de faire venir les promoteurs, les directeurs de théâtres, les festivals,…. Ces deux dates seront une vitrine pour l’exportation du spectacle. Pourquoi Uccle ? F.P. : Parce que c’est une grande salle tout d’abord.

beaucoup de maisons de jeunes dans la salle et des gros mots ont fusé entre les gens pour une question de places. Hélas, ils étaient là ce jour-là et cela leur a peutêtre fait peur. Ou alors, ils ont vraiment pensé que le spectacle était mauvais. F.P. : C’est vrai que la pièce amène des gens qui ne sont pas habitués à aller au théâtre ou à voir un spectacle et donc les réactions sont parfois surprenantes mais cela fait partie du projet. Faire un spectacle pour tous. Enfin, vous préparez un second spectacle, quel en sera le sujet ? Pouvezvous nous en dire plus ? F.P. : Alors, ce ne sera déjà pas axé sur le passé. Ce ne sera pas une suite de La vie c’est comme un arbre. Ce sera plutôt basé sur la crise et les phénomènes sociaux actuels.

Propos recueillis par Matthieu Matthys (Critique de La Vie c’est comme un arbre dans le Numéro 7 du Suricate Magazine !)

M.A. : Et aussi parce que c’est un combat personnel que je mène. Je veux décloisonner les quartiers. Uccle, Woluwé, et autres, je n’y vois pas vraiment de mixité sociale. Je veux que l’on puisse jouer et aller partout, d’où qu’on vienne. À côté de cela, c’est une chouette salle comme a dit Fionn. Donc, si je comprends bien, vous vous attaquerez à Wolubilis par après ? M.A. : En fait, Wolubilis nous a refusé en prétextant un spectacle à double-sens, avec trop de clichés et une inégalité dans le jeu des acteurs. Pour eux, cela ne plairait pas au public d’habitués. Il faut avouer qu’ils sont venus voir la pièce à un moment difficile. Il y a avait

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Le Mystère de Sherlock Holmes au Théâtre du Parc

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© Isabelle De Beir

La critique Il y a plus d’un siècle, un médecin écossais récemment installé à Portsmouth s’ennuie de ne voir aucun patient franchir le pas de sa porte. Sans le sou pour se payer une vie meilleure, cet individu rêve alors d’aventure et d’escapade. Sur un carnet, l’homme griffonne une histoire, Une étude en rouge, dans laquelle un certain Docteur Watson nous narre la vie d’un homme sibyllin, excentrique, misogyne mais incroyablement intelligent, le détective Sherlock Holmes. Un personnage fictif était né et allait devenir l’un des plus connu de l’histoire de la littérature. Depuis tout ce temps et les nombreux livres qui ont suivi ce premier tome, une multitude de cinéastes et de metteurs en scène ont adapté avec succès les histoires farfelues du duo londonien. C’était donc tout naturel que le théâtre du Parc, antre historique de la capitale belge, s’attaque à nouveau à l’oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle. Cette obnubilation raffinée pour l’oeuvre de l’écrivain britannique, Thierry Debroux, le directeur du théâtre, souhaitait la rendre actuelle, vivante et surtout originale. Pour ce faire, c’est à Thierry Janssen, à qui l’on doit le succès du Tour du monde en 80 jours, que furent donnés les rênes de l’écriture. Faire du neuf avec de l’ancien et du connu, une tâche qui s’avérait gargantuesque pour ne pas risquer de dénaturer la globalité de l’oeuvre mais surtout pour éviter de tomber dans un imbroglio contextuel

lassant inévitablement un public plus habitué aux adaptations classiques.

nous renvoie dans un monde «burtonien» que les amateurs apprécieront à sa juste valeur.

Pour le coup, Thierry Janssen a su éviter les pièges qui se tendaient au bout de sa plume. En installant une histoire originale, inédite et surtout adaptée librement de l’oeuvre initiale, Thierry Janssen s’est assuré une certaine légitimité libertaire dans le sens où sa pièce ne peut être en aucun cas comparée à une autre. Le mystère Sherlock Holmes revient, à travers une enquête somme toute banale, dans le passé du détective. De fait, cette pièce est un antépisode à la vie du détective londonien que tout le monde connait. Au milieu

D’un point de vue critique, la pièce surprend sous des angles multiples. Si l’histoire est somme toute originale, son intrigue reste cependant trop simpliste. Cette dernière ne révolutionnera pas le genre polar, bien loin de cela. D’un autre côté, inventer un passé au détective de Scotland Yard était une bonne idée, à travailler en comparaison avec l’ensemble de l’oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle. Néanmoins, le côté sinistre du récit fusionné avec une situation contextuelle humoristique ne plaira pas à tout les spectateurs. Ce mélange des genres, propre au septième art, pourrait en décourager plus d’un tant sa marginalité peut quelques fois flirter avec l’absurdité.

« (...) il est important de souligner la qualité de la prestation de chacun des acteurs. » d’une mise en scène lugubre et grand-guignolesque signée Jasmina Douieb, le spectateur plonge dans les abîmes de la pensée d’un homme psychologiquement torturé. En l'occurrence, Sherlock Holmes va revisiter sa vie antérieure, réveiller ses démons enfouis et susciter le doute voire la crainte de son entourage. Ce tableau est bien noir mais pourtant, le récit nous montre en parallèle une facette drolatique. Et pour cause, les dialogues, les mimiques et les attitudes des personnages sont risibles. Ce rendu antagoniste mêlant volontairement le burlesque et le funeste

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Outre l’histoire, il est important de souligner la qualité de la prestation de chacun des acteurs. De manière collégiale, ceux-ci ont su donner vie à un récit quelques fois complexe. Pour aller plus loin, il faut même admettre que Thierry Janssen (acteur dans sa propre pièce), Othmane Moumen et surtout Ana Rodriguez sortent du lot par un jeu impeccable du début à la fin. En résumé, cette pièce est à la fois sombre et drôle, bien jouée et magnifiée. Toutefois, son aspect ésotérique peut être décourageant à bien des égards.

Matthieu Matthys


Karl Marx, Le Retour

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© Fabrice Gardin

La critique Voila un titre qui ne laisse pas vraiment de place au suspens quant au contenu de la pièce. De fait, c’est bel et bien le retour de Karl Marx sur la terre. Celui-ci bénéficiant d’une permission divine pour un aller-retour sur terre, est loin d’être ravi, ce qui n’est pas vraiment surprenant, vu le tempérament du gaillard. Marx revient pour laver son nom, il revient pour éclaircir son idéologie que des « marxistes » ont interprétée et utilisée à leur fin, en dénaturant les vrais propos du « herr doctor ». Marx nous invite à l’indignation, à la manière du regretté Stéphane Hessel, car, si le capitalisme n’est pas mort, il nous montre tous les jours un peu plus ses travers, ses faiblesses et ses laissés pour compte. Karl Marx revient aussi pour parler, pour raconter, pour expliquer, pour discuter, éveiller, éduquer et philosopher avec son public. Mais au-delà de « l’excité politique » et du révolutionnaire en permission, c’est aussi un Marx très humain que l’on découvre : un père de famille exilé à plusieurs reprises pour ses idéaux, réfugié dans le Soho londonien, triste, crasseux et misérable. Un père qui raconte avec émoi ses joies et ses peines familiales. Un homme surtout. Un homme touchant qui refuse la canonisation et qui va même jusqu’à nous avouer certaines de ses faiblesses (notamment pour le bon pain et le

bon vin, qui manquaient si souvent à leur table). Cette pièce n’est donc pas uniquement « politique », et heureusement, car personne n’aurait apprécié, je crois, un exposé des thèses de « DAS CAPITAL ». Et c’est là, je le conçois, la richesse du texte d’Howard Zinn. Cet historien et politologue américain expliquait dans la préface de son livre : « Ce texte, Fabrice Gardin l’a bien « reçu » et subtilement mis en scène. » J’ai écrit cette pièce à une période où l’effondrement de l’Union soviétique générait une liesse presque universelle : non seulement l’« ennemi » était mort mais les idées du marxisme étaient discréditées. […] Je voulais montrer Marx furieux que ses conceptions eussent été déformées jusqu’à s’identifier aux cruautés staliniennes. Je pensais nécessaire de sauver Marx non seulement de ces pseudo-communistes qui avaient installé l’empire de la répression mais aussi de ces écrivains et politiciens de l’Ouest qui s’extasiaient désormais sur le triomphe du capitalisme. Je souhaite que cette pièce n’éclaire pas seulement Marx et son temps mais également notre époque et la place que nous y tenons.

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Ce texte, Fabrice Gardin l’a bien « reçu » et subtilement mis en scène. Volontairement, il a dépouillé la pièce historique en un acte de tout artifice superflu. Une façon de s’attarder sur le texte, sur les mots, et sur l’œuvre uniquement. Sur scène, il n’y a que Marx. Et si toutefois il s’adresse quelques fois au public, si parfois il semble que la réplique lui est soufflée des cieux, c’est un véritable monologue mené pendant plus d’une heure à la perfection par le brillant Michel Poncelet. Et comme pour symboliser l’importance des souvenirs, mais plus encore l’importance du savoir, le seul accessoire qui accompagne l’acteur sur scène, c’est une énorme malle. Car si Marx repose, stricto sensu, parmi les morts, son œuvre, elle, est bien vivante. Et notre devoir, en tant que citoyen du monde, c’est d’ouvrir cette malle et de diffuser son contenu, encore et encore, « pour ne pas que le Capital finisse au placard (…) et parce que, le questionnement n’est jamais mauvais » (Fabrice Gardin).

Claire Rigaux

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Histoires de parapluies, et plus, si affinités...

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© Antonio Gomez Garcia

La critique Comme l’indique si bien le titre, Discours à la Nation raconte plusieurs allocutions au peuple. Mais malgré qu’elles soient nombreuses, elles ont toutes quelque chose en commun : elles sont cyniques et engagées. L’auteur et metteur en scène, nous offre un travail fantastique avec cette pièce « coup de fouet » ! Peut-être certains se rappellent d’Ascanio Celestini, pour avoir fait jouer quelques-unes de ses pièces au Rideau de Bruxelles. Comme par exemple, Pecora Nera. Si ce nom vous freine, oubliez-le vite : Discours à la Nation est un texte qui surpasse mille fois la brebis galeuse ! Beaucoup de choses ont changé chez l’auteur et ce, pour un mieux !

peu paradoxalement, plus de liberté à notre interprétation…

rangs sans trop hocher de la tête. Oui…

Enfin, la plus grande nouveauté, c’est la maturité. Si on reprochait à Ascanio Celestini d’être trop vulgaire dans son humour, aujourd’hui, tout en gardant ce caractère particulier, il a su dompter les mots et ne choque plus. Ou plutôt, il choque juste. Il ne s’agit plus de blagues vaseuses, mais plutôt d’un bon ton, cassé par un mot inapproprié. Il déconstruit ainsi le mythe du langage « propre » en restant lui-même un charmant poète.

Les différents discours socio-politiques, immoraux, (et c’est un pléonasme), sont entrecoupés d’appels téléphoniques désespérés d’une femme à son concierge et sont parsemés d’anecdotes croustillantes. Cette mise en scène est captivante, les allocutions changent, les histoires s’entremêlent. Au début tout semble simple mais très vite cela se complexifie… Et apparait alors la richesse de la pensée Celestinienne !

« Cette mise en scène est captivante, les allocutions changent, les histoires s'entremêlent. »

La première nouveauté est que la pièce n’est pas jouée par Celestini lui-même, étant donné qu’elle a été inspirée en partie par le comédien David Murgia. C’est une première pour l’auteur mais l’acteur choisi est idéal. Avec une prononciation bien travaillée, il nous joue le texte rythmé et rapide à la perfection. Il capte son public, se métamorphose, se déchaîne… Bref, David Murgia est incroyable, débordant d’énergie.

Tout le reste est du Ascanio Celestini comme on l’aime, c’est-à-dire avec une scénographie simple, efficace, avec un décor mobile et transformable. Sa marque, c’est aussi son texte cynique et engagé, qui nous raconte divers récits d’un seul point de vue, celui de la classe dominante qui se moque bien de nous et de notre passivité.

Ensuite, tout le texte est accompagné de musique interprétée en direct par le bassiste Carmelo Prestigiacomo. Ce rythme donne une ambiance à l’acteur qui développe ainsi sa déclamation d’une autre manière. Cela permet, aussi et un

Oui nous sommes tous coincés chez nous parce qu’il pleut. Oui, les riches sont des hommes à parapluie qui nous laissent nous installer sous leurs pieds, nous procurant ainsi abri, miettes, mégots et excréments. Oui le capitalisme a fait de nous de gentils rebelles qui rentrent dans les

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Ce texte, traduit par Patrick Bebi, est joué jusqu’au 4 mai au Théâtre National. Si vous souhaitez assister à un spectacle qui capte votre attention, qui vous fasse rire (parfois jaune) qui vous dérange et qui vous questionne, foncez voir Discours à la Nation. De Gramsci à Marx, en passant par le cannibalisme, ironique, de Jonathan Swift, vous ferez un nouveau voyage dans votre propre pays…

Anastassia Depauld


La réflexion ça gâche tout !

3 1 0 i 2 a m 2 au ’ u q s u J © Charlotte Sampermans

La critique Nous entrons dans la salle du Marni. Une cinquante de chaises y sont placées en cercle. Nous nous asseyons. Les portes se referment. Il ne se passe rien pendant trois minutes durant lesquelles, toujours dans la lumière, nous nous observons. Une des personnes assises prend la parole « veuillez éteindre vos GSM ». À nouveau du silence. À nouveau une période d’observation. Les lumières ne s’éteindront pas. Une des femmes du cercle prend la parole. Elle nous explique qu’elle garde des enfants et que c’est la situation parfaite puis-qu’elle les prend le matin, les redonnent le soir et peut avoir trente enfants d’un coup et par-dessus le marché en faisant payer. La totalité du spectacle se déroule comme cela. Les comédiens sont disséminés au milieu des spectateurs et se confient comme dans un groupe de parole, car c’est bien ici la volonté de la compagnie. Des « Monsieur » et « Madame Tout-lemonde » se confient, de petites gens comme on dit. Tout d’abord en se présentant professionnellement ou par leurs loisirs puis ils vont plus loin en racontant un évènement qui a changé leur vie. C’est sans doute cet événement qui les a poussé à venir se confier ici. Ce spectacle est basé sur la traduction et l’adaptation de sept nouvelles de l’auteur hongrois Szilàrd Podmaniczky dont la quasi-totalité des

écrits est basée sur les petites gens et la simplicité qu’on leur attribue. En prenant ces sujets pour raconter ses histoires, l’auteur amène sur des sujets banals une réflexion plus forte. Cet auteur est très actif en Hongrie, où il publie notamment des textes chaque semaine dans les deux revues les plus importantes de Hongrie. Il a récemment publié un dictionnaire dans lequel il décrit cinq-mille micro-histoires, ces dernières ayant également fait sa renommée. « Les comédiens sont disséminés au milieu des spectateurs et se confient comme dans un groupe de parole (...). » Dans Territoire Gardé par un chien crevé nous suivons les confessions de sept personnes qui nous racontent comment d’une vie simple et sans souci, un événement les a amenés à réfléchir et donc à leur compliquer la vie. Pour l’un c’est une érection après son vol non-prémédité d’un sachet de soupe en poudre, pour une autre c’est quand elle a porté du rouge et qu’on l’a soudainement trouvée attirante, etc.

devant vous, on ne sait même plus quoi en faire. » Les comédiens sont tous très touchant, drôles et beaux dans leur personnages, car ils suscitent moins la pitié que la compassion et du coup l’identification. Leur peur d’en arriver à réfléchir et à changer leur vie et celle que l’on a tous ou que l’on peut tous ressentir à un moment donné. La justesse des comédiens et du texte enlève toute idée de voir ces personnages comme inférieurs mais tout simplement comme des gens aux prises à des désirs et à des pulsions qu’ils rejetaient au début et qu’ils ont voulu comprendre. De la découverte d’un auteur hongrois aux textes drôles, satyriques, touchants et intelligents à un l’expérience d’un spectacle entrainant dans lequel le spectateur est mêlé aux comédiens ou tout simplement pour passer un bon moment et rire, il n’y a décidément que des bonnes raisons pour se déplacer au Marni cette foisci.

Baptiste Rol

« La réflexion ça gâche tout. Il ne faut pas réfléchir, sinon on se rend compte de trop de choses, ça enlève l’envie, ça coupe l’appétit, on commence à faire le difficile. Et votre femme a beau être là toute nue

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Hors-champs au Théâtre National

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© Sergine Laloux

La critique La chorégraphe Michèle Noiret est connue pour créer des spectacles questionnant le théâtre vivant au travers de la vidéo, en intégrant sur scène des caméras et des écrans mais aussi en créant des scénographies mobiles. Hors-Champs ne déroge pas à la règle. Au début du spectacle, le plateau est occupé par des structures en bois en fond de scène qui ressemblent plus à l’arrière d’un décor qu’au décor luimême, et au centre en hauteur est placé un grand écran. Un caméraman est également présent sur scène et suit les évolutions des cinq danseurs se positionnant tantôt presque dans les coulisses et se rapprochant parfois jusqu’à nous cacher les danseurs et ne permettre aux spectateurs de ne les voir qu’à travers l’écran. L’entrée en matière nous donne d’ailleurs l’impression d’être au cinéma plus qu’au théâtre puisque le spectacle débute par une projection d’un générique avec le titre du spectacle, le nom des acteurs et le reste de l’équipe, lequel est suivi par une séquence filmée de cinq minutes se déroulant dans une rue puis dans un immeuble et plus précisément dans un salon. Lorsqu’un des personnages de cette vidéo sort du salon pour se rendre dans le jardin, il fait coulisser la vitre du module en fond de scène et vient sur scène. Il faut dire que la synchronisation entre les séquences pré-filmées et celles filmées en direct est parfaite

est que l’illusion est intacte. Ce n’est donc pas d’un simple salon de théâtre que sort le comédien mais du salon situé dans l’immeuble et dans la rue que nous avons vus. Et c’est pour cela que la vidéo apporte vraiment quelque chose au début du spectacle.

De nombreux plans évoquent plus Plus belle la vie que David Lynch* (*inspiration prônée par Michèle Noiret). De plus, ces scènes sont un peu trop longues, et les scènes de danse intéressantes sont trop peu nombreuses et, de mon point de vue, la vidéo fini par les gâcher.

La trame du spectacle tourne autour du secret des personnages dont les histoires se croisent au fur et à mesure que l’on avance. Un des plans du cameraman est d’ailleurs génial en ce qu’il représente la situation labyrinthique dans laquelle se trouvent les différents protagonistes. Cependant, les décors mobiles déplacés en permanence afin de créer de nouveaux décors ainsi que la vidéo deviennent rapidement des « joujoux » qui n’apportent pas forcément quelque chose, ou du moins pas sur la longueur.

En bref, si vous êtes intéressés par un spectacle de danse qui cherche sans cesse à se mêler à l’univers du cinéma, je vous le conseille, mais si vous en avez déjà marre en y pensant cela n’en vaut selon moi pas la peine.

« Cette mise en scène est captivante, les allocutions changent, les histoires s'entremêlent. » L’histoire dérape également très vite, entre le rêve et la réalité, pour en arriver jusqu’à un combat dansé faisant référence à des films de kung-fu (une des danseuse en arrivant même jusqu’à pousser un cri digne de Bruce Lee). En le prenant au trente-sixième degré cela est très drôle, mais si elles ne sont pas assumées, de nombreuses choses deviennent tout simplement risibles.

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Baptiste Rol


Mars à l’Océan Nord

© Jacques Verrees

La critique Voilà toute l’histoire de Fritz Zorn, le héro ou plutôt anti-héro de ce texte, un jeune homme de 35 ans qui lutte contre la manière dont son milieu l’a construit. « - Fritz Angst? - Non, mon nom est Zorn. Angst signifie peur, moi c’est Zorn avec un Z comme colère ». Mars est l’unique texte de l’allemand Fritz Angst, qu’il a signé sous le pseudonyme de Fritz Zorn pour les raisons expliquées dans le spectacle et dans cet extrait ci-dessus. Fritz Zorn a donc 35 ans et il va prochainement succomber à un cancer. Il décide alors de faire le point sur les années écoulées en nous racontant son enfance, son adolescence et son université. Tout part donc de sa famille bourgeoise dans laquelle on recherche « l’harmonie » à tout prix. Pour cela, ses parents répondent par exemple à toute question posée par l’expression magique « c’est compliqué », ce qui implique que l’on ne peut pas traiter ce sujet-là, et ce qui leur permet alors de ne pas y répondre. La première partie du spectacle est donc cette description hilarante et cynique d’une famille bourgeoise qui élève ses enfants dans une bulle en les coupants de tout impératif économique et social de la vie. Puis Fritz Zorn évoque ses problèmes de sociabilisation avec ses camarades potentiels depuis son enfance jusqu’à ces mêmes problèmes aves les filles à l’université.

L’ensemble est une réflexion sur la vie, et un cri de révolte sur le besoin de vivre et de lutter contre ce qui nous a rendu malade. Le metteur en scène, Denis Laujol, a fait le choix de répartir le rôle à sept comédiens et comédiennes, qui se partagent chacun des moments de la vie de Fritz Zorn. Ce parti pris rend les choses géniales puisque chacun a son caractère et sa manière d’annoncer les choses. Celui au look de puceau timide, très drôle lorsqu’il raconte sa vie amoureuse inexistante. Adriana Da Fonseca très convaincante dans la partie sérieuse et plus révoltée du texte. Ou encore Sophie Sénécaut, que vous avez déjà pu adorer dans Ivanov re/mix et La Peur de Armel Roussel, et qui est encore une fois géniale, se donnant ici des airs de grande bourgeoise. « L’ensemble est une réflexion sur la vie, et un cri de révolte sur le besoin de vivre et de lutter contre ce qui nous a rendu malade. »

metteur en scène et l’on ne peut qu’être d’accord sur la réussite de son projet à la fin de la pièce. Et même si l’on peut être parfois déçu qu’un des comédiens finisse sa partie, c’est toujours avec plaisir que l’on se rend compte que celui ou celle d’après est également à un excellent niveau et que tous savent apporter leur touche personnelle qui fait la différence. Denis Laujol a également ponctué le spectacle de petits délires qui s’éloignent du côté réaliste de l’histoire racontée et la traite avec des métaphores très amusantes et pour le moins décalées. Le tout est très divertissant et a en plus le mérite de nous suggérer de nombreuses pistes de réflexions sur la manière dont on essaye de se construire et sur la manière dont notre entourage nous construit et bien entendu sur le sentiment de révolte qui peut tous nous habiter à un moment donné.

Baptiste Rol

De plus, ce choix de découpage rend la pièce dynamique et variée. « Zorn a appris à ses dépends que dans la vie il n’y a pas de répétitions, pas de seconde représentation, et c’est cette sensation d’urgence que je voudrais faire partager sur scène, cette priorité absolue des élans vitaux sur tout ce qui peut les entraver, que ce soit dans la société ou a l’intérieur de soi. » Ces mots sont ceux du

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Rien à signaler au Poche

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© Spitacle

La critique « Un drame "invisible" se noue chez les voisins d’en bas. Milly, la dame du premier, se doute bien de quelque chose mais, dans le doute… on s’abstient n’est-ce pas ? Son voisin de palier, lui, s’est transformé en autiste depuis qu’on lui a retiré la garde de ses enfants, il se contente d’observer Carole, la jeune femme du rez-de-chaussée lorsqu’elle prend son bain de soleil dans le jardin en surveillant sa gamine. Le pire va se dérouler dans l’ombre… » Le spectacle est une mise en scène du texte « Getting attention » de l’auteur britannique Martin Crimp. Ce dernier est connu pour écrire des textes traitant de la violence quotidienne et devenue banale dans la société contemporaine. Ce texte-ci aborde le sujet de l’enfance maltrai-

tée et de la capacité que nous avons à occulter des horreurs qui se déroulent à notre porte. N’ayant pas lu le texte, je ne peux pas dire ce qu’il en est, cependant je pense que le spectacle ne parvient pas à atteindre son but. Pourtant, l’entrée en matière était plutôt bien. Le début du spectacle est une présentation des différents voisins avec une musique très entrainante, du rythme et tout ce qu’il faut pour bien commencer un spectacle. Les répliques sont drôles, surtout celles de la dame âgée et son voisin de palier, qui sont par ailleurs très bien interprétés.

intéressants, les deux jeunes qui tagguent les murs en portant un masque de gorille ne sont pas vraiment justifiés et le rythme se perd peu à peu. À vouloir ne rien montrer mais seulement suggérer, à vouloir faire des voisins des monstres mais qui sont tout simplement humains, à vouloir moraliser sans moraliser, le metteur en scène créé un spectacle qui parle de sujets sans en parler.

Baptiste Rol

À partir d’un certain moment, on commence réellement à attendre qu’il se passe quelque chose. Les voisins ne sont finalement pas si

© Spitacle

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Littérature L’ interview de Franck Ferric

Franck Ferric est né en 1979. Il est romancier, mais aussi nouvelliste. Présentation de son dernier recueil de nouvelles Dernière semaine d’un reptile. Peux-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ? Alors je m’appelle Franck Ferric, j’ai 34 ans et j’écris des trucs. Des nouvelles (une quarantaine, publiées un peu partout), des recueils (Marches Nocturnes, ed. Lokomodo et Dernière semaine d’un reptile, ed. du Riez) et des romans (La Loi du désert, ed. du Riez et Les Tangences divines, ed. du Riez). Ton recueil, Dernière semaine d’un reptile, qui vient de paraître aux éditions du Riez, met en scène l’histoire et les histoires de Julius. Peux-tu nous dire un mot à propos de la genèse de cet ouvrage ? Comme j’avais dans mes tiroirs un paquet de nouvelles dont je disposais des droits, je me suis dit qu’il y aurait peut-être là matière à assembler un recueil. J’ai sélectionné huit textes, dont les thèmes centraux touchaient d’assez près à la mythologie et abordant les différents genres des littératures de l’Imaginaire. Et puisque j’aime bien qu’un recueil ait sa cohérence interne, qu’il ne soit pas une simple succession de nouvelles, j’ai tenté de relier ces textes de la manière la plus étroite possible, en refilant leur paternité à Julius, écrivain paumé et inadapté à tout ce qui fait la vie et le bonheur d’un homme normal. Une fois le manuscrit accepté par Alexis,

le big boss du Riez, je suis allé trouver mon copain Bastien pour qu’il habille le tout avec son art. Et voilà. Tu mêles allègrement les différents genres de l’Imaginaire au sein d’un même recueil, ce qui est très rare. Quelle est ta recette ? Comment entames-tu l’écriture d’une nouvelle ? Suis-tu un schéma précis et préétabli ? Une recette, oui. Mais je doute qu’elle soit très originale. L’écriture d’une nouvelle part d’abord de son thème, qu’il soit choisi ou imposé par une commande. J’essaie en premier lieu de trouver un angle satisfaisant sous lequel aborder ce thème (le plus souvent, l’angle qui me botte le plus est un angle de travers). L’histoire en sort généralement dans les jours qui suivent. Je la fixe alors sur un synopsis qui me tient lieu de chemin de fer, que lors de la rédaction je m’interdis absolument – formellement - impérativement de quitter. Pas par plaisir de m’infliger un plan, mais parce qu’avancer sans plan, c’est à coup sûr – du moins en ce qui me concerne – arriver n’importe où, ou perdre beaucoup, beaucoup de temps. Après quoi, je relis le résultat. S’il me semble publiable, je le propose. Sinon, je le valdingue dans le dossier « trucs foirés » de mon poste de travail et je passe à autre chose.

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On remarque de nombreuses connotations mythologiques dans tes nouvelles. Es-tu passionné par la mythologie ? Oui, et depuis tout gosse (surtout le mythe de Pan). Le premier bouquin de non-fiction que je me sois payé avec mon argent de poche était un précis de mythologie grecque. Les mythologies, et l’histoire des religions plus généralement, sont à mes yeux une source inépuisable d’histoires et d’apprentissages. Quels sont tes projets en cours ? Nouvelles ou romans ? Les deux à la fois ? Au niveau des nouvelles, j’ai plusieurs commandes sur le feu pour des anthologies dont les thèmes me plaisent beaucoup. J’espère être en mesure de les honorer. Au niveau des romans, j’ai achevé la rédaction d’un texte qui court actuellement les éditeurs. Et je suis en train de travailler sur un texte se déroulant dans le monde de La Loi du désert, qui sera mis en illustration par LePixx. Si tout va bien, l’ouvrage devrait sortir en 2014, aux éditions du Riez. Pas mal de boulot, donc. Et c’est tant mieux !

Propos recueillis par Frédéric Livyns


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Dernière semaine d’un reptile de Franck Ferric Editions du Riez

La critique Dans son petit appartement minable, Julius vit une existence qui ne vaut pas beaucoup mieux. Sa petite amie l’a plaqué. Son job est idiot. Sa voisine est fêlée. Son unique échappatoire est l’écriture, à laquelle il se consacre tous les jours. Ses histoires parlent de plombiers de l’espace lancés à travers les intestins de l’Univers, de clochards vampires courant après le soleil, de gamins qui préfèrent la chasse au dragon aux bancs de l’école. À travers huit nouvelles de fantastique, de fantasy et de sciencefiction, toutes liées à de grands thèmes mythiques ou légendaires, Dernière semaine d’un reptile retrace les sept derniers jours d’un écrivain looser et solitaire, sa glissade délirante dans sa folie intime, dans la folie du monde. Avec Dernière semaine d’un reptile, Franck Ferric nous livre un recueil de nouvelle proche de la perfection ! Le reptile s’appelle Julius. Un pauvre gars paumé coincé dans une vie misérable qui écrit pour échapper à son quotidien de misère. L’architecture du recueil est très originale ! Chaque jour, nous avons droit à une scène du quotidien de Julius et à la petite nouvelle qu’il écrit. Ce fil conducteur est très bien imaginé et apporte une dimension supplémentaire à Dernière semaine d’un

reptile. Bien vite, le quotidien sans saveur de Julius va basculer sur l’étrange, au rythme de la folie qui s’empare de lui. Les nouvelles sont très variées et abordent tous les genres mais l’un d’entre eux ressort indéniablement du lot. Il s’agit de Eux plutôt que moi, une véritable perle malsaine à souhait et extrêmement proche de l’horreur qu’un homme bien résolu à survivre est capable de faire. Cet univers étouffant m’a fait penser aux visions des camps de la mort mais du point de vue du bourreau, de celui qui ferme la dernière porte. Un véritable chef-d’œuvre !

Un texte sombre, désespéré, magnifiquement mis en scène. Franck Ferric réussit le tour de force d’aligner dans un même recueil, au sein d’une même ligne directrice, des textes aux genres diversifiés tout en conservant une unité solide. Un recueil à lire absolument !

Frédéric Livyns

« Les nouvelles sont très variées et abordent tous les genres (...) » Les autres textes ne sont pas en reste. Chacun a son identité propre, ses phrases-choc que le lecteur n’est pas prêt d’oublier. Les pas du golem et son univers apocalyptique crasseux, ses bas-fonds nauséabonds, met mal à l’aise et vous plonge dans un monde effrayant. « Dieu de bile » propose un fantastique classique mais de très belle facture. Terminus vous emmène dans notre univers quotidien aux côtés de représentants désabusés du petit peuple.

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Bernard du Boucheron fait partie de ces passionnés de littérature qui ont patienté jusqu’à la retraite pour enfin s’adonner à l’écriture. Né en 1928, c’est en 2004 que celui-ci se fait découvrir du lectorat avec son premier roman intitulé Court Serpent, pour lequel il fut récompensé du Grand Prix de l’Académie française. Depuis lors, Bernard du Boucheron n’a pas chômé, puisque c’est aujourd’hui son huitième roman qui voit le jour. Long-courrier se veut un travail littéraire profondément ancré dans la société de son temps. L’auteur tente d’y exprimer le monde actuel sans fioriture, dans toute sa complexité et sa diversité. Long-Courrier de Bernard du Boucheron Editions Gallimard, 160 p.

Pour exprimer cette diversité, un relais de narrateurs nuance sans cesse les points de vue adoptés au fil de l’œuvre. Trois narrateurs principaux se cèdent ainsi la parole et racontent tour à tour leur quotidien, partageant préoccupations, souvenirs et opinions avec le lecteur. Il en résulte un roman polyphonique, où chaque voix s’exprime dans un style qui lui est propre.

En juin 2012, les éditions Cambourakis firent preuve d’un flair hors pair en dévoilant pour la première fois Don Carpenter, un auteur américain jamais traduit en français et qui pourtant méritait largement le détour. Aujourd’hui, avec La promo 49, l’expérience est réitérée, mais saura-t-elle produire le même effet ? Au bout de vingt pages à peine, la réponse apparaît clairement : La promo 49 regorge à son tour de qualités et Don Carpenter mérite bien sa réputation croissante. Il est un écrivain avec lequel il faudra désormais compter. La promo 49 de Don Carpenter Editions Cambourakis, 144 p.

La promo 49 n’est pas construite comme une simple histoire, un récit unique, mais plutôt une kyrielle de saynètes successives, presque anecdotiques, qui une fois regroupées, permettent une vue d’ensemble de ce que furent aléatoirement les joies et tracas de jeunes lycéens durant les derniers mois de leur parcours scolaire. Avec le lycée, c’est l’adolescence qui prend fin. Et les voilà déjà, tous ces jeunes, confrontés aux choix posés par leur entrée dans le monde des adultes.

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On découvre d’abord un « jeune Beur ». Incapable de surmonter un complexe d’infériorité dû à sa couleur de peau trop bronzée à son goût, il se sent discriminé et voit du racisme partout autour de lui. Il y également une hôtesse de l’air. Aussi belle que superficielle, elle confie, dans un français qui ferait sortir les académiciens de leurs gonds, ses obsessions pour le sexe et l’argent. Enfin, intervient un ingénieur en aéronautique. Soumis aux caprices de son patron, ce dernier est terrorisé rien qu’à l’idée de monter dans un avion. Et les voilà tous les trois réunis dans un long-courrier qui les mènera où le roman voudra. Derrière tout ce travail de forme, on regrettera peut-être une certaine superficialité des thèmes exploités, largement basés sur des stéréotypes et des clichés parfois dépassés, plutôt que sur une analyse plus fine des tensions qui meurtrissent la société occidentale à l’heure actuelle.

Ivan Scullier

Incisifs, instantanés, les chapitres se focalisent tour à tour sur les parcours disparates et éparpillés de ces lycéens pour en faire éclater toute la signification, voire même toute la dérision. Certaines trajectoires ne se croisent jamais tandis que d’autres s’enchevêtrent, et sans cesse les propos du narrateur oscillent entre humour et profondeur, ironie et nostalgie, si bien que le lecteur ne parvient pas même à s’apitoyer sur le sort parfois cruel des personnages : devant leurs misères, il n’a d’autre choix que celui de s’amuser ou de s’attendrir. En somme, La promo 49, c’est une mosaïque d’émotions habilement disséminée dans un assemblage de séquences romanesques, dont le résultat est d’offrir un souvenir impérissable de ce que fut avoir 18 ans à Portland en 1949. Don Carpenter connaissait bien son sujet : lui-même avait 18 ans à Portland en 1949.

Ivan Scullier


Le 15 septembre 2010, Arthur Dreyfuss, en marcel et caleçon Schtroumpfs, regarde un épisode des Soprano quand on frappe à sa porte. Face à lui : Scarlett Johansson. Il a vingt ans, il est garagiste. Elle en a vingt-six et elle a quelque chose de cassé.

La première chose qu’on regarde de Grégoire Delacourt Editions Jean-Claude Lattès, 250 p.

Re-lier de Jeannine Stein Editions Eyrolles, 144 p.

Où se situe la limite entre « coup médiatique » et roman sincère ? Quand peut-on soupçonner un auteur de faire preuve de cynisme plutôt que d’une simple envie de toucher le public ? Quand un roman devient-il un prétexte à attirer le regard, la presse… voire les producteurs de cinéma ? Franchement ? Ce sont des questions qui n’ont pas cessé de me traverser l’esprit à la lecture du roman de Grégoire Delacourt. Auteur comblé par la critique et adoré par le public avec La liste de mes envies, le voilà de retour avec un roman… au mieux inoffensif, au pire suspect. Au mieux donc, on assiste à une histoire bulle de savon, une dramédie romantique, qui flingue tranquillement son idée de départ après 40 pages, pour ensuite effleurer la thématique de la personnalité (qui sommes-nous ? qui nous modèle ?

comment les autres nous voient-ils ?) au fil d’une galerie de personnages typés, voire stéréotypés. On ne s’ennuie pas vraiment, c’est court et surtout très bien écrit. Au pire, on assiste un peu gêné à une sorte de numéro de singe savant de l’écriture, un exercice dont la facture n’est pas à mettre en cause (un livre bien écrit, reste un livre bien écrit…) mais dont la finalité reste de l’ordre du fantasme : « Et si, quelqu’un, là, filait le bouquin à Scarlett Johansson… ». Hein ? Et si ? Encore faudrait-il qu’elle craque pour cette histoire définitivement cousue de fil blanc, où les motivations des personnages semblent tout droit sorties du Petit manuel des fêlures psychoromanesques pour les Nuls et les retournements de situation plus que téléphonés. Sur ce, je vous laisse, je vais écrire un roman où un écrivain inconnu s’éveille un matin dans la peau de Virginie Effira !

Christophe Corthouts

Grâce à ce livre astucieux, chacun pourra imaginer et concevoir son carnet unique fait à partir de matériaux recyclés ou détournés. Jeanine Stein livre ses astuces pour créer soi-même des carnets originaux et utiles. 16 projets tous plus ingénieux les uns que les autres sont illustrés et expliqués pas à pas. Une seule règle pour ces créations, donner une seconde vie à des matériaux du quotidien : des dessous-de-verres revisités en livre de recettes, des pochettes de disques transformées en porte-folio, un journal de bord fait à partir d’une bouillotte, etc. Avant de se lancer, l’auteur revient sur les bases de la reliure. Les néophytes découvriront les différentes parties du livre, une grande variété de reliure – du point de croix à la charnière à anneaux – mais aussi des pistes pour savoir où et comment rassembler ces fournitures parfois insolites mais toujours à portée de main et bon marché. La reliure n’a ni règles ni limites. Pour le prouver et éveiller l’imagination du lecteur, Jeanine Stein propose une galerie photo regroupant le meilleur de la création des artistes-relieurs contemporains.

au fil des pages. De quoi faire le bonheur des apprentis relieurs comme des plus confirmés !

Et il y en a pour tous les niveaux car les projets sont de plus en plus complexes

Marc Bailly

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Jeanine Steine est américaine. Elle est relieur depuis plus de quinze ans, explorant différentes techniques et maté-riaux. Depuis, elle fabrique des carnets entièrement basés sur le recyclage, revendiquant la protection de l’environnement. En plus d’enseigner la reliure, elle est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages autour du travail du papier. Au sommaire • •

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On n’est jamais mieux que chez soi... pour créer un carnet A la chasse aux trésors : marchés aux puces et boutiques d’occasions De l’ordinaire à l’extraordinaire : quincailleries, magasins de bricolage et de fournitures de bureau Lancez-vous : l’art de la récup En reliure, les meilleures choses sont gratuites Galerie

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Lorsque Baldur, archéologue spécialiste des vikings, aux thèses très controversées, disparaît ; que son bureau se voit transformé en site sacrificiel païen et que sa femme de ménage est assassinée, Embla, jeune archéologue et ancienne élève du vieil homme disparu, travaillant pour le musée de Reykjavik, est contactée par la police afin d’apporter, sur les lieux du crime, son expertise dans le domaine.

Le sang d’Odin de Óttar Martin Nordfjörd Editions Prisma - Noir, 429 p.

Monstre à tuer de Josh Bazell Editions Jean-Claude Lattès, 350 p.

Les forces de l’ordre, parmi lesquelles Grimur, frère du disparu, vont rapidement renvoyer la jeune femme dans les allées de son musée, croyant avoir assez d’éléments pour mener à bien cette enquête. Mais Embla sait que les policiers font fausse route et va tout faire pour les mettre sur la bonne voie, ce qui ne sera pas une mince affaire... Le 21 mars, date à laquelle se déroule le récit, est une date spéciale, c’est l’équinoxe de printemps, date importante pour Saemundur, chef de l’ordre de la croix solaire, communauté qui prône les va-

Le Dr. Pietro Brwna, alias Peter Brown, est pourchassé par la mafia, son ancien employeur. Avec un nouveau nom et un nouvel emploi, il cherche un moyen de frapper la pègre un grand coup pour qu’enfin elle le laisse tranquille. Le Dr. Violet Hurst, une paléontologue sexy et autodestructrice, est recruté par un millionnaire reclus qui se passionne pour une légende urbaine concernant un monstre vivant dans les forêts du Minnesota. Canular ou réalité ? Pendant que Violet est censée le découvrir, Peter est embauché pour assurer sa protection. C’est l’opportunité qu’il attendait. Bien sûr, il peut y avoir des dangers cachés meurtres mystérieux, corruption, irrationalité, trafic de drogue, voire l’apparition d’un monstre du lac mais c’est peu probable. Malheureusement, avec Peter Brown, l’improbable est toujours au rendez-vous. Et pis encore. Aux deux tiers de son deuxième bouquin, Josh Bazell nous livre une analyse/ relecture bien barrée de Scoobidou, la série télé animée d’Hanna Barbera. Une relecture bien barrée certes. Mais totalement gratuite. Cela ne serait pas un trop gros problème si tout le roman ne

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leurs du peuple islandais, de ses origines et qui se bat contre l’invasion des étrangers sur ses terres. En ce jour si particulier, plusieurs lieux symboliques d’Europe du Nord seront témoins d’actes libérateurs pour les uns et criminels pour les autres. Entre mythologie scandinave, histoires de vikings, idéologie néo-nazi, secrets familiaux, haine, trahison et découverte de l’Islande, de Reykjavik au sud de l’île, c’est un thriller bien ficelé, au rythme soutenu et captivant qui prend place, bien que le dénouement en soit un peu trop simpliste et prévisible. Vous n’échapperez pas aux rites sanguinaires de la croix solaire ! Déjà best-seller en Allemagne et en Islande, Óttar Martin Nordfjord, jeune auteur d’à peine 32 ans, est le nouveau prince du polar islandais. Indridason et Thorarinsson n’ont qu’à bien se tenir.

Emmanuelle Melchior

souffrait pas du même défaut : une tendance lourde à sacrifier le moindre paragraphe sur l’autel du bon mot, de l’humour scatologique ou encore de l’aparté sexuel potache. Dans Docteur à Tuer, le premier roman mettant en scène Peter Brown, on comprenait rapidement l’enjeu derrière la narration… Et surtout on vibrait avec le personnage principal, cible première d’une bande de mafieux bien allumés. Ici, la tendance à la déconne et aux effets de manches parasite le récit, plutôt que de l’épaissir et le lecteur finit par se demander quand une bande d’extra-terrestres héroïnomanes ou des nains mutants avec des chapeaux tyroliens vont s’inviter à la fête. Les personnages sont à peine esquissés, les seconds rôles entrent par la fenêtre et sortent par le soupirail sans laisser le moindre souvenir… Et au final, la résolution de l’énigme ressemble à… un épisode de Scoobidou ! Y aurait-il donc une logique derrière tout cela ? Non. Ou alors, une simple nécessité commerciale d’exploiter un filon après le succès mérité d’un premier roman. Dommage. Décevant.

Christophe Corthouts


Oubliez les fictions : la réalité les dépasse toutes. 1990. Prison de Springfield. Quartier de haute sécurité. James Keene, fils d’une famille influente de Chicago, est arrêté pour trafic de drogue. Condamné à dix ans, le FBI lui propose alors un étonnant marché. Il doit gagner la confiance et obtenir les aveux d’un dangereux tueur en série, incarcéré dans l’unité psychiatrique de Springfield. Larry Hall n’a été inculpé que d’un meurtre. On le suspecte d’en avoir commis une vingtaine… S’il réussit, il retrouve sa liberté. Avec le diable de James Keene & Hillel Levin Editions Points Seuil, 327 p.

Les Beatles pour les nuls de Pierre Mikaïloff et JeanEric Perrin, dirigé par Gilles Verlant Editions First, 250 p.

Découpés en chapitres qui font successivement le point sur la vie de James Keene, sur son histoire, comment il est arrivé en prison ; sur l’enquête menée par le sheriff Miller ; et bien entendu sur Larry Hall, le tueur. Le plus passionnant dans ce récit, ce sont les chapitres consacrés à la manière dont James Keene se rapproche petit à petit du tueur pour essayer de lui extirper des informations en prison. La tension entre les prisonniers est palpable et la vie en prison est décrite de manière assez réaliste avec sa violence, ses rapports de force.

Tout est vrai dans cette histoire dérangeante et terrifiante, digne des plus grands thrillers.

Le personnage de Larry Hall a tout du personnage de roman, considéré comme un débile, il fait preuve d’une belle érudition et d’une intelligence sauvage.

Une histoire digne des plus grands thrillers, dont les droits d’adaptation cinématographique ont été achetés par la maison de production de Brad Pitt (Seven).

Une enquête surprenante qui se rapproche d’une approche romanesque. On ne s’étonne qu’à moitié que Hollywood s’intéresse à cette histoire terrifiante.

La célèbre collection « Pour les Nuls », 14 millions d’exemplaires vendus en langue française, inaugure un nouveau genre, cher au public de la collection : les grandes biographies. Un nouveau format et une maquette revisitée identifieront cette nouvelle série « Pour les Nuls ». Racontés avec toute la verve de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin, Les Beatles ouvrent le bal des grandes personnalités du monde dans cette nouvelle série.

« Nuls » comme aux fans un récit et une analyse poussée du secret de la réussite d’un groupe devenu iconique. Un livre super intéressant formidablement bien raconté et documenté. Tout en gardant un côté fun, cette bio est une somme sur tout ce qu’il faut savoir sur les Beatles.

Comment ce groupe mythique a-t-il débuté à Liverpool ? Comment s’est opéré le rapprochement avec Ringo Starr ? Quel rôle a joué Brian Epstein dans leur éclosion ? Comment ont-ils vécus la Beatlemania des années 1963-1964 ? Comment le Fab Four ontils marqué un tournant décisif dans la pop musique ? Dans cette biographie rock’n roll des quatre garçons dans le vent, Gilles Verlant et ses acolytes nous offrent des Beatles à vif, avec leurs passions, leurs doutes et leurs errances, et livrent aux

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Marc Bailly

Gilles Verlant est journaliste, auteur, homme de radio et de télévision. Spécialiste du rock et de la chanson française, il a signé ou cosigné plusieurs biographies et des ouvrages de références. Pierre Mikaïloff est guitariste, compositeur et auteur de nombreux ouvrages aussi bien romans, essais, recueils de poèmes et biographies. Jean-Eric Perrin est l’ancien rédacteur en chef de Best et de Rolling Stone. Il est l’auteur de documentaires et d’une trentaine d’ouvrages autour des musiques électriques et de la pop culture.

Marc Bailly

30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts !

Sans forme (Le protectorat de l’ombrelle, tome 2) de Gail Carriger Editions Le Livre de poche

La critique Un jour qu’elle se réveille de sa sieste, s’attendant à trouver son époux gentiment endormi à ses côtés comme tout loup-garou qui se respecte, elle le découvre hurlant à s’en faire exploser les poumons. Puis il disparaît sans explication... laissant Alexia seule aux prises avec un régiment de soldats non humains, une pléthore de fantômes exorcisés et une reine Victoria qui n’est point amusée du tout. Mais Alexia est toujours armée de sa fidèle ombrelle et des dernières tendances de la mode, sans oublier un arsenal de civilités cinglantes. Et même quand ses investigations pour retrouver son incontrôlable mari la conduisent en Écosse, le repère des gilets les plus laids du monde, elle est prête ! J’ai découvert le premier tome, il y a peu de temps. Mais quelle découverte... Je l’ai dévoré (vive les lectures tard le soir), je ne pouvais plus le lâcher. C’est à vous dire à quel point j’attendais la suite des aventures de notre héroïne Alexia. Le contexte : l’époque victorienne avec la présence connue de tous, des vampires et des loups-garous, le tout à la sauce Steampunk. Style qui, je trouve, se fait rare. On y retrouve ce qui m’a plu dans le premier tome et ce dès les premières

pages : des réparties et des réflexions empreintes du célèbre flegme britannique. On en apprend plus sur les personnages secondaires, leurs personnalités étant plus fouillées, plus approfondies. Leurs rôles ne se limitent pas à être présents, ils ont une réelle fonction à jouer. Sans oublier, l’arrivée d’un nouveau personnage qui à lui seul apporte pas mal de questions et de nouveautés. Le style est comme à son habitude, empreint de légèreté et d’humour. Partir à la découverte de cette société victorienne est un pur plaisir. On se surprend d’ailleurs plusieurs fois à rire des situations dans lesquelles se retrouvent nos personnages. « Le contexte : l’époque victorienne (...) avec des vampires, des loups-garous, le tout à la sauce Steampunk. » Un autre point positif, le voyage. On ne se limite plus à Londres. Nous prenons le dirigeable pour partir en Ecosse... On pourrait peut-être lui reprocher des personnages à la limite de la caricature, mais je trouve que cela fait ici partie intégrante du charme et de l’ambiance générale. J’ai aussi beaucoup aimé cet univers de machi-

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ne et d’invention. Par contre, pour certaines d’entre elles, je regrette l’absence d’illustration. En lisant la fin de ce tome, on ne peut qu’en vouloir à l’auteur et en ressortir frustrée. En effet, on n’a qu’une seule envie : se précipiter en librairie ou en bibliothèque et prendre le 3ème tome. Deux petites secondes d’arrêt sur la couverture. Je dois dire que je préfère l’illustration du format poche à celle du grand format. Illustration que l’on doit à Stephen Hilden qui est un illustrateur allemand. Ce dernier a illustré de nombreux romans. Je vous recommande évidemment son site www.hildendesign.de Pour ceux et celles qui seraient impatients de découvrir la suite, sachez que la saga comporte 5 tomes dont le 5ème est prévu pour le mois de mai aux éditions Orbit. Une suite basée sur un autre personnage est d’ores et déjà prévue.

Marylise Dufour


Cinéma / Musique / Scène / Bande dessinée / Arts !

Les Enquêtes du limier (Tome 1 : Chien d’aveugle) de Jinô Taniguchi et Itsura Inami Editions Casterman

La critique Jiro Taniguchi est l’un des maîtres incontestés du manga dont les dessins et les histoires ont fait le tour du monde. Décoré et récompensé à de nombreuses reprises, l’homme a même eu l’honneur de voir l’une de ses oeuvres, Quartier Lointain, adaptée par le belge Sam Garbarski en 2010. Mais voilà, même si le manga a encore de beaux jours devant lui, le genre reste très cloisonné. Les adeptes ou aficionados de ce style de bande dessinée restent une minorité dans nos contrées. L’aspect graphique assez stéréotypé et les allusions nippones ont vite fait d’exaspérer les plus récalcitrants à cette suite d’images non abouties (définition même du mot manga). Enfin, même si la pratique tend à se propager à la nouvelle vague de dessinateurs occidentaux, le choix du noir et blanc marginalise un peu plus le produit. La nouvelle série de Jiro Taniguchi, Les Enquêtes du Limier, devrait, selon toute vraisemblance, plaire aux fans du mangaka japonais. Dans le même style que ses précédents coups de crayon, cette nouvelle épopée nipponne nous emmène dans la vie de Taku Ryûmon, un détective privé vivant de manière recluse et solitaire avec son chien. Ce détective étant spécialisé dans les enquêtes sur les

chiens de chasse disparus. Dans le premier tome, Chien d’Aveugle, Taku devra cependant enquêter sur la disparition d’un chien d’aveugle appartenant à une jeune fille. Cette enquête un peu surprenante au premier abord, emmènera notre détective à la découverte des relations que peuvent entretenir un aveugle et son fidèle compagnon. Autant prévenir les amateurs, cette nouvelle saga, ou du moins le premier tome, sonne comme un manga josei même si l’on pourrait le confondre avec le seinen. De fait, Jiro Taniguchi nous avait habitué à des mangas plus durs se dirigeant plus aisément vers un public masculin. « La nouvelle série de Taniguchi (...), devrait selon toute vraisemblance plaire aux fans du mangaka japonais. » Mais ici, l’histoire, si tragique et sombre soit-elle, laisse la place à un roman très féminisé. Et pour cause, l’obnubilation canine du récit et l’angle affectif avec lequel Jiro Taniguchi l’a traité plaira davantage à la gente féminine. Outre cela, l’histoire n’est pas déplaisante à suivre mais reste d’une incroyable crédulité scénaristique

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malgré une profondeur sentimentale indéniable. Si les dessins se suivent de manière agréable, on ne peut pas en dire autant du texte qui semble poussif et quelques fois inutile. Preuves en sont les innombrables absences de phylactères prouvant leur triste inefficacité. En résumé, nous ne sommes à aucun moment arrivés à entrer pleinement dans l’histoire tant elle stagne en surface. Ce manque de transparence scénaristique permettant à tout un chacun de vivre une histoire est probablement dû en grande partie à l’absence de charisme du personnage «humain» principal, Taku Ryamon. Seul le limier compte et cela est dommageable au récit.

Matthieu Matthys


Cinéma / Musique / Scène / Bande dessinée / Arts Les bandes dessinées western reviennent en force. Casterman sort cette fois-ci La Différence de Didier Daeninckx et Mako.

La Différence de Mako et Didier Daeninckx Editions Casterman, 104 p.

Au 19ème siècle, dans le sud des USA, près du Mexique, Johnny Shaw, jeune homme blond de 19 ans est en fuite. Le clan Reardon le piste pour venger la mort du plus jeune des fils, que Johnny affirme avoir descendu « à la régulière ». Traqué, il reçoit l’aide de Dover, un ancien tueur à gages devenu maréchalferrant, qui lui enseigne le maniement des armes et la survie à tout prix. Comment être sûr que Johnny, violent et immature, ne vas pas se laisser griser par ses nouveaux talents ?

Johnny ne fera pas exception. On n’est pas tout à fait sûr qu’il n’ait pas descendu son rival avec traitrise. Et puis les aidants ne font que rarement ça gratui-tement et les aidés n’ont que peu de gratitude. Dans l’envers du décor, l’on retrouve Mako, un habitué des éditions Casterman et Didier Daeninckx remarqué pour avoir travaillé avec Tardi sur La Der des ders en 1997. Une plongée habile au dessin agréable fait de La Différence un récit plaisant à la fin peut-être trop surprenante.

Loïc Smars

Le Far West inspire toujours et encore. L’histoire de Johnny Shaw n’est pas rose comme l’étaient vraisemblablement les vies de la majorité de ces habitants du nouveau monde. Personne n’est tout blanc ou tout noir,

Plongeon direct dans la noirceur, Cauchemar dans la rue ne nous épargnera pas. Il faut dire que la BD est adaptée d’un roman de Robin Cook (ne pas confondre avec son homonyme américain), un des maîtres du roman noir influencé par une vie fort mouvementée (trafic d’art, vendeur de lingerie, les prisons espagnoles, etc.). Nous suivons cette fois, Kleber, flic à Paris qui a été mis à pied car il a dénoncé les dérives de ses collègues. Heureusement, il lui reste sa femme dont il est raide dinge amoureux. Cauchemar dans la rue de Robin Cook et David Sala Editions Rivages/ Casterman/Noir, 100 p.

C’est ce moment que choisi Marc, ami de longue date et truand, pour lui demander son aide. Kleber dans le bordel qui s’en suit descend trois des méchants. Dès le lendemain, sa voiture explose et c’est Elénya, son épouse qui conduisait. Il ne reste alors à Kleber, homme assez fragile, plus rien à espérer de rien ni

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personne. Qu’est-ce qui peut encore l’empêcher de se venger ? Il commence à errer dans Paris, hanté par le fantôme de sa femme, à la recherche des coupables. Malgré un dessin difficile d’accès (comme souvent ces derniers temps), David Sala réussit à nous conquérir avec son exploration des couleurs ternes pour le réel et les couleurs vives pour l’irréel. C’est d’ailleurs la grande force de cet ouvrage qui finit trop brusquement, l’auteur n’ayant peut-être plus assez de pages pour finir en prenant son temps ?

Loïc Smars


Alors que ça faisait plus d’un an que l’on attendait la suite des aventures du gaulois, ces derniers mois on nous sert deux nouvelles aventures d’Alix. Le premier en novembre 2012, L’Ombre de Sarapis (critique dans le numéro 7) et le second ce mois-ci. La Dernière conquête, Tome 32 du héros créé par Jacques Martin est comme son prédécesseur écrit et dessiné par des personnes différentes qu’habituellement.

Alix, La Dernière Conquête de Marc Jailloux et Géraldine Ranouil d’après Jacques Martin Editions Casterman, 48 p.

España la vida de Eddy Vaccaro, Maximilien Le Roy Editions Casterman, 128 p.

A Rome, la guerre civile est sur le point d’éclater entre Pompée, le général qui administre Rome depuis des années et son rival César, qui vient tout juste d’entrer en Gaule en conquérant victorieux, auréolé de gloire. La balance du pouvoir s’apprête à changer de camp.

Alix : trouver et rapporter l’anneau réputé magique du plus grand conquérant que l’Histoire ait connu, Alexandre. César y voit à la fois une protection divine et l’instrument de ses desseins : quiconque sera porteur de l’anneau pourra légitimement revendiquer l’union politique de l’Orient et de l’Occident. Marc Jailloux, le nouvel auteur de cet opus, n’est pas un novice dans le monde de Jacques Martin. Il avait déjà repris la série Orion. Il assure, et très fidèlement, le dessin et le texte. Depuis que Martin est décédé, les différents auteurs restent très fidèles à la personnalité d’Alix. Et on remercie Casterman de ne pas juste exploiter bêtement une de leurs séries à succès.

Mais l’ambitieux César, à qui l’on prête le projet de transformer la république en Empire, ne veut pas se contenter de ses conquêtes occidentales. Fasciné par l’Orient, il confie une mission secrète à

Encore un épisode réussi.

1937. Les tragiques événements de Guernica, dont Picasso a fait le sujet de l’une de ses plus célèbres toiles, viennent de se dérouler en Espagne. À Paris, Jean-Léonard dit Léo fait partie d’un petit groupe de jeunes adultes d’obédience anarchiste que l’actualité espagnole fait bondir. Mais Léo est issu d’une famille bourgeoise, très marquée à droite, et il y a loin de l’indignation à l’action concrète… Sa rencontre avec l’écrivain militant Victor Serge va pourtant tout faire basculer : malgré son attachement à sa petite amie Louise, Léo se décide à tout plaquer, direction Saragosse, pour y rejoindre la célèbre colonne Durruti, une brigade internationale où se retrouvent, engagés aux côtés des républicains espagnols, des combattants idéalistes venus de tous les horizons de la planète…

Maximilien Le Roy aime explorer les évènements historiques (voir Faire le mur sur le conflit israélo-palestinien) et réitère en partant du fameux tableau de Picasso : Guernica.

Loïc Smars

Si l’entreprise est réussie au niveau du scénario, elle l’est pourtant moins du côté du dessin, qui, comme souvent ces dernières années, n’est pas très agréable. Et ce genre de sujet, prit avec beaucoup de sérieux, aurait mérité un dessin beaucoup plus réaliste. En définitive, c’est un semi-échec. Un scénario passionnant et un dessin difficile d’accès.

Loïc Smars

Comme indiqué ci-dessus, l’ouvrage essaye de présenter une partie de la guerre civile espagnole en seulement 128 pages, ce qui se révèle déjà un défi.

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30 avril 2013


Cinéma / Musique / Scène / Bande dessinée / Arts « Durant la Seconde Guerre mondiale, la jeune Julie, après avoir grandi dans la campagne normande, part vivre avec sa mère à Paris dans la maison close où cette dernière officie. Julie devient d’abord femme de chambre, mais commence très vite à assister les “filles” qui assouvissent les étranges fantasmes des clients, en rêvant de devenir l’une d’entre elles...

Dodo, chronique d’une maison close - Intégrale de Francis Leroi, Giovanni Romanini, Georges Lévis et Lucio Filippucci Editions Glénat, 96 p.

Mais loin du secret des alcôves, la guerre se termine, et bientôt Marthe Richard mettra fin à ces lieux de plaisir où travaillent les ouvrières du “plus vieux métier du monde”… »

Dans ce premier tome, les Elfes d’Ennlya ont tous été massacrés. Les soupçons se dirigent les Yrlanais, tribu humaine du nord, haïssant plus que tous leurs voisins immortels.

Editions Soleils Productions, 52 p.

Une agréable surprise, moi qui tiquais un peu à l’idée de lire ce genre de BD.

Nele De Smedt

L’univers des années 1940 est très bien illustré, avec des personnages au caractère bien trempé.

Ces deux auteurs ont imaginé, pour chaque album, des peuples différents évoluant sur une carte unique morcelée en plusieurs territoires.

de Jean-Luc Istin, Kyko Duarte

Dès les premières pages on découvre les « bons » et les « mauvais », et l’histoire tient parfaitement la route.

Une Bd déjà parue durant les années 80 qui allie parfaitement érotisme et histoire.

Elfes est la première sérieconcept développée par les Éditions Soleil, sous l’impulsion des concepteurs Jean-Luc Istin et Nicolas Jarry.

Elfes 1 : Le Crystal des Elfes bleus

Le décorum et les personnages sont cohérents et leurs pensées et émotions sont très bien illustrées.

Entre temps, dans la cité île Elsemur, une jeune Elfe bleue prénommée Vaalan doit passer l’épreuve de l’eau des sens. La mère prophétesse voit son avenir proche, un avenir lié au cristal sacré. Tout porte à croire qu’elle serait le messie tant attendu des Elfes bleus.

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Mais de nombreuses désillusions s’apprêtent à surgir… Ce premier tome est une véritable réussite ! Les adeptes du monde elfique seront plus que servis tant au niveau de l’illustration d’une magnifique finesse, que de l’univers ici présenté. Un livre parfait pour s’évader même si l’histoire n’est pas des plus joviales. Néanmoins, il en vaut vraiment la peine. La suite s’annonce bien !

Nele De Smedt


La Beauce, dans la fournaise d’un été caniculaire. Un Américain en fuite après un hold-up, Jimmy Cobb, s’efforce d’échapper à la gendarmerie lancée sur ses traces. Il vient de dissimuler son butin en l’enterrant à proximité d’une ferme isolée où il trouve refuge, in extremis. Il n’a pas vu qu’un enfant dissimulé dans le blé a assisté à toute la scène. Et ne sait pas encore que la ferme où il se cache est un modèle réduit de l’enfer.

Canicule de Baru d’après le roman de Jean Vautrin Editions Casterman, 112 p.

Horace le tyran domestique libidineux ; sa femme Jessica vibrante de haine ; son frère Socrate confit dans l’alcool ; Chim l’enfant battu ; Ségolène la folle nymphomane ; Gusta la vieille au bord de la tombe… chacun des habitants de cet univers rural en vase clos est une bombe en puissance, taraudé jusque dans l’intimité de sa chair par cette canicule à vous rendre fou. Leurs psychoses conjuguées sont les ingrédients d’un mélange instable et hautement explosif, auquel la présence de Cobb et de son argent va servir de catalyseur.

rance et sclérosé et glisser inexorablement vers une conflagration d’une violence inouïe. Dans l’esprit de Pauvres z’héros, Baru revient sur le devant de la scène avec cette spectaculaire adaptation de Canicule de Jean Vautrin, d’une noirceur impitoyable. Un très grand polar, qui inaugure une série d’adaptations des meilleurs romans de Vautrin en bande dessinée. Style particulier pour cette BD qui tente avec un certain succès de développer un scénario riche en sensations et en ressenti, mais dont les dessins parfois trop sommaires peinent à rendre. Le rythme de l'histoire est très justement adapté, et une fois la barrière de l'illustration dépassée, les plus de 100 pages se laissent dévorer. Prévoyez un ventilateur et un parasol pour éviter l'insolation !

Julien Fontignie

Bientôt tout va déraper dans ce monde Début des années 80, au Japon. En l’absence de sa mère, Nanami, une adolescente très énergique, vit seule dans la maison familiale avec son grand-père Tokushirô. Sa profonde affection pour ce vieil homme excentrique et original n’empêche pas les conflits.

PIL de Mari Yamazaki Editions Casterman, 192 p.

Nanami entretient ainsi une guérilla permanente avec l’inconséquence et la prodigalité de son grand-père, incapable de gérer correctement le peu d’argent dont ils disposent pour vivre et se nourrir. Tokushirô de son côté, tout en ayant conscience de certaines des angoisses de sa petite fille, ne parvient que difficilement à brider son côté jouisseur et fantasque. Heureusement, l’un et l’autre partagent un vrai goût de l’anticonformisme et une fascination pour la culture britannique : Tokushirô a autrefois vécu en Grande-Bretagne et parle l’anglais, une rareté chez les Japonais, tandis que Nanami vibre pour les musiciens punks anglais qui occupent alors le devant de la scène rock internationale, à l’image de son groupe fétiche P.I.L.…

d'une ado japonaise. Ce manga, très accessible pour les néofites du genre, présente via des dessins dépouillés (en noir/blanc) mais soignés, le conflit intergénérationnel entre un grand père et sa petite fille. Le fond de l'histoire est très intéressant dans le développement de la problématique, décrivant bien les affrontements entre le vieil homme et la jeune rebelle, sur fond d'amour mutuel. Via le transfert de responsabilités que doit prendre la jeune Nanami - gagner sa vie, pour manger et étudier- , tout en tentant de trouver sa propre voie - son amour de l’Angleterre, son rejet des valeurs traditionnelles japonaises, notamment via le punk anglais nous voyons la jeune fille grandir et murir. Arrivera-t-elle à s'entendre avec son grand père, et, surtout, parviendra-t-elle à réaliser son rêve d'aller vivre à Londres ?

Julien Fontignie

Sans aucun doute inspirée par sa propre histoire, Mari Yamazki nous présente la vie attendrissante et parfois difficile

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30 avril 2013


Happy Birthay Mr. Suricate Kill bill

2003

©TFM Distribution

D’abord conçu comme un seul et unique long métrage, Kill Bill de Quentin Tarantino prend forme sur le tournage de Pulp Fiction, lorsque le réalisateur et Uma Thurman imaginent l’histoire de « La Mariée », tueuse à gages laissée pour morte devant l’autel, qui exerce sa vengeance, sanglante, à l’encontre de ses agresseurs, un groupe de mercenaires pour le moins pittoresques, dirigé par un certain « Bill ». Après avoir réalisé Jackie Brown, qu’il adapte d’un roman de Elmore Loenard, Tarantino ne revient pourtant pas vers la mariée. Il s’attèle à l’écriture d’un certain... Inglorious Basterds ! Mais le destin va jouer les trouble-fête en la personne de... Uma Thurman. Alors qu’il renoue avec cette dernière de façon tout à fait amicale, Tarantino repousse l’écriture de son film de guerre pour revenir sur l’histoire de « La Mariée ». Assez rapidement, les influences de ce nouveau long métrage font jour : les films de sabre japonais, les westerns spaghetti, les films de vengeance des années ’70 et les animés. Durant toute l’année 2000, Tarantino est chevillé à sa machine à écrire... Et dévore au quotidien des tas de films, qui alimentent peu à peu ce qui s’apparente déjà - alors qu’il ne s’agit que de son troisième long métrage -, comme un film exceptionnel. En mai 2001, alors que des décors sont déjà construits, Uma Thurman annonce au réalisateur qu’elle est

enceinte. Tarantino prend alors une décision rare dans un milieu où l’efficacité et le retour sur investissement a plus d’importance que les choix artistiques et humains : il repousse la date de début de tournage. Il y perd son acteur principal, « Bill », en la personne de Warren Beatty. Un Beatty qu’il replace, de façon pour le moins surprenante par... David Carradine. En juin 2002, le tournage peut enfin débuter, d’abord au Japon puis aux Etats-Unis. Pour les combats, nombreux, Tarantino fait appel à Yuen Woo Ping, dont la technique et les chorégraphies « câblées » ont fait des merveilles dans Matrix ou encore Tigre et Dragon. C’est en juillet 2003, après d’infructueuses tentatives pour réduire le montage de Kill Bill, que Tarantino propose à Harvey Weinstein de sortir le film en deux volets, l’un en novembre 2003, l’autre en mai 2004. Ce dytique permet non seulement à l’histoire de « La Mariée » de conserver toute sa splendeur, mais surtout à Tarantino d’offrir aux spectateurs une palette de mise en scène, de sentiments et d’ambiance d’une nuance inégalée. Le premier volet rend un hommage vibrant aux films de sabre, enchaîne les scènes d’actions, s’offre le luxe d’un long passage en animation (d’une réelle beauté formelle...) et flirte avec les limites du gore lors du combat final... Combat qui sera d’ailleurs proposé en noir et blanc

afin d’adoucir quelque peu sa violence. Le second opus ralentit lui la cadence, approfondit les personnages... Et revient sur les motivations des uns et des autres. Un changement de ton que renforce encore « la tactique Tarantino » : la présentation de l’histoire de façon non-chronologique. Peut-être moins « flamboyant », ce second volet ouvre déjà le cinéma de Tarantino, lui permet de quitter les rivages peut-être trop étroits du cinéma référentiel, pour s’avancer en « eaux profondes » dans un style plus mature, où les influences sont digérées et où l’émotion a droit de cité. Le succès est une fois encore au rendez-vous pour Kill BillI, même s’il s’accompagne des inévitables réflexions de tabloïd sur la soidisant fascination de Tarantino pour la violence... Ou la moralité plus que douteuse défendue par ses personnages. Quoi qu’il en soit, on rêve de voir, pour célébrer l’anniversaire du film, débarquer en Blu-Ray Kill Bill The Whole Bloody Affair, version présentée à Cannes en 2004, qui fusionne les deux films pour ne plus en faire qu’un seul, réinstaure quelques plans pas piqués des vers dans la séquence animée et propose le combat entre la Mariée et les 88 fous, en couleurs.

Christophe Corthouts

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