LE TESTAMENT D’AWDREY-GORE textes et dessins d’Edward Gorey
LE TRIPODE
Edward Gorey a dédié cet ouvrage à Agatha Christie.
note du tr aducteur
Nous avons choisi de ne pas traduire les délicieux noms de personnes et de lieux inventés par Edward Gorey : nous laissons au lecteur le plaisir d’enquêter.
© 1972 by Edward Gorey, © Le Tripode 2016 pour la traduction et la maquette Édition originale : Dodd, Mead & Company Le Tripode 16 rue Charlemagne, 75004 Paris www.le-tripode.net
note préliminaire, par e.g. deadworry Le jour de la Saint Spasmus, Miss Awdrey-Gore a été retrouvée morte, à l’âge de 97 ans. Juste avant l’aube, un braconnier anonyme a trouvé son corps dans une fontaine abandonnée, sur les terres de Lord Ravelflap. Elle se tenait rigoureusement droite sur une chaise de salon dorée faisant partie d’un lot de 17 exemplaires exposés dans les salles aux enchères de Sutbick & Upster, à Market Fooling. Sa main gauche serrait un lys en étain peint à la main, à l’intérieur duquel était enroulée une étiquette de sauce relish Cad d’un modèle antérieur à 1947. Un texte illisible était manuscrit au verso. Il ne faisait aucun doute qu’elle avait été assassinée, même si la cause de la mort demeurait inconnue.
On se souviendra que Miss Awdrey-Gore était l’un de nos auteurs de romans policiers les plus appréciés et prolifiques (dixit notre exemplaire de La Bibliothèque des Best-sellers) à l’époque où l’on perd sa trace, en 1927, la veille de la Saint Spasmus. On signala par la suite sa présence à maintes reprises. Elle aurait été notamment reconnue dans un hôpital psychiatrique privé, grimmée en homme au Taormina, mariée à un noble salubrien de Slobgut, installée comme mécanicien à Idle-on-Sea, ou encore engagée dans une retraite spirituelle sur les pentes du Kanchenjunga. Rien de tout cela n’était vrai : ce qu’elle fit durant les quarante dernières années de sa vie demeure un mystère.
Elle était assise là, mais l’instant suivant : évaporée the ipsiad, can. vi
Quelques jours après sa réapparition, un paquet enveloppé dans de la soie imperméabilisée fut retrouvé dans une villa isolée des environs, sous le faux socle d’un pied d’éléphant transformé en porte-parapluies. Fermé à l’aide d’une cordelette mauve et de cire bleu indigo, le paquet était adressé à feu mon grand-père – G. E. Deadworry – celui-ci étant alors (en 1927) directeur de Deadworry and Silt, sa maison d’édition. Les pages suivantes reproduisent la totalité de ce que contenait ce paquet, quand bien même, de toute évidence, certaines choses manquent.