Supernature

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SUPERNATURE Anthologie de la scène pastorale édité par le Vilain Volume III paysage au joueur de flûte

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Contenu La série d’éditions Supernature se concentre sur une étude contemporaine des thèmes de la scène pastorale, sa tradition, son éthique, son esthétique.

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Éditorial Collectif artistique, le Vilain se construit au sein du contexte rural de son lieu de création, le pays foyen, Aquitaine, France.

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Contributions Chloé Cappelli, Fanny Garcia, Marie-Héléne Garcia, Sylvain KLN Garcia

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Guitton Comment as-tu atterri à Juillac ? Une histoire de fesses. J’ai une autre fonction que peintre, je suis tailleur d’arbres fruitiers, moniteur d’état par la même occasion. Cette personne, ayant une propriété de prunes, a joint l’utile à l’agréable, comme toute femme qui se respecte. Je me considère, à l’âge que j’ai, comme peintre, mais pas comme peintre officiel dans la mesure où j’ai toujours refusé de me déclarer à la sécurité sociale comme peintre. Le fait d’être peintre passe à travers ce que l’on produit, ce que l’on fait, et non pas par rapport à une déclaration complètement bidon. À l’heure actuelle, je peux me considérer comme peintre, parce que d’autres personnes me le disent. C’est très récent.

Quelle est la définition de l’artiste pour toi ? Passion. Fais-tu le lien entre ton métier d’ouvrier et ton art ? Un lien mais pas par rapport à l’inspiration. D’abord il me permet de bouffer. Deuxièmement, ça me permet d’être équilibré au niveau mental. Parce que c’est un travail profondément physique. C’est un équilibre total. Et deuxièmement je travaille seul, donc j’ai un contact particulier avec la nature. Les arbres m’ont appris des choses en peinture, c’est-à-dire être humble. C’est-à-dire qu’on n’impose jamais à un arbre une structure. C’est l’arbre qui vous utilise pour pouvoir répondre à une attente.

Avant tu n’étais pas peintre ? Première exposition, je devais avoir 17 ou 18 ans, à une exposition internationale. Sinon, j’avais travaillé sur les mains de Van Gogh. Ce qui avait occasionné d’ailleurs un premier choc avec mon paternel. Après, le cursus à la mords-moi le machin, j’ai fait Beaux-Arts en auditeur libre, mais comme c’était le début du conceptuel, ça ne m’a pas intéressé. Grâce à une autre paire de fesses, je me suis inscrit à l’école d’architecture. Et puis, je me suis fâché avec la profession par ma démarche. À l’époque, on ne faisait pas de film vidéo, et j’ai fait un film vidéo pour préparer mon diplôme. Et quand je l’ai présenté en public, je me suis fait huer copieusement. Donc je me suis un peu grillé. Et par la suite, j’ai essayé de comprendre. L’art d’un côté, et deuxièmement j’ai toujours vécu, c’est-à-dire, j’ai toujours bossé en tant qu’ouvrier. Ça c’est un choix délibéré et aussi une protection. Je ne suis pas un peintre d’un mouvement je suis un peintre qui a un nom.

Quelle est ta fréquence de production ? Ça dépend de mes moyens financiers. En ce moment je suis plutôt raide, donc j’efface des tableaux et j’en refais d’autres par-dessus. On ne te le reproche pas ? Si, certains veulent me tuer. Mais c’est facile de dire à quelqu’un qu’il est bon, il faut passer à l’acte. Parce que je ne vis pas que de l’air du temps. Mes tableaux se monnayent au prix de l’heure. Il y en a quelques-uns qui ne sont pas signés. Quand on les voit, ils sont signés. Un Guitton, c’est un Guitton. Et tu ne les titres pas ? Ah, c’est chiant ça. C’est évident quoi. Ceux là, ils s’appellent, Chaise 1, Chaise 2, Chaise 3. La Femme et l’Enfant 1, 2, 3, 4, 5.

As-tu un style, un courant que tu revendiques plus particulièrement  ? Je revendique une seul chose : Je suis quelqu’un qui vit à mon époque, qui essaie d’être le témoin pictural de cette époque. C’est-à-dire du ressenti que j’ai de l’époque dans laquelle je vis.

As-tu des modèles ? J’ai pas besoin d’avoir des modèles. J’ai des bouquins d’anatomie au cas où j’ai des doutes.

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Est-ce que c’est toi qui as choisi la disposition des tableaux dans la pièce ? Tous les deux, avec Claire et l’échelle. C’est elle qui va vivre avec mes tableaux, c’est pas moi.

À l’époque, le directeur du CAPC est tombé en arrêt devant un plâtre que j’avais fait pour l’inauguration de l’école d’architecture, et il voulait absolument l’avoir. Ça a été non. Ça m’a coûté cher. Et je l’ai toujours. Donc je démarrais mal ma carrière, dès le départ. Maintenant je suis plus tranquille. Quand vous avez la filiation directe qui vous reconnaît, vous pouvez dire, je suis peintre. Mais moi, quand j’ai commencé mes machins, mes trucs, mes coloriages, heu… Je fais de la figuration libre. Je ne suis pas dans un phénomène de mode. Je suis avec le monde. Et je montre ce qui est du monde. Et si vous voyez ces femmes, c’est qu’à l’heure actuelle, on vit plus dans une société d’apparat et de reconnaissance d’un extérieur, que des valeurs profondes qui peuvent animer notre société. Il faut revenir aux valeurs fondamentales, c’est-à-dire la maternité. C’est-à-dire qui es-tu toi en tant que femme qui fait un enfant ? Qui es-tu toi que je rencontre tous les jours ? C’est ça qui me passionne.

Comment pourrais-tu décrire tes tableaux ? La journée tout est calme, et la nuit les personnages sortent des maisons. Et entre-temps, ils se racontent des petites histoires. J’ai un avantage sur tous les autres peintres du monde, c’est que les enfants sont amoureux de ma peinture. Le seul problème qu’ils ont, c’est qu’ils n’ont pas le carnet de chèque. Où as-tu exposé ? Les dernières que j’ai faites, c’était les Chartrons et le Casino de La Rochelle. Et puis j’ai eu la reconnaissance essentielle pour moi en tant que peintre, c’est que Madame Picasso a eu mon book entre les mains, et a trouvé ça fort intéressant. J’ai eu l’absolue reconnaissance pour quelqu’un qui vit dans son trou depuis 15 ans. Comme me disent certaines personnes : « T’as une fortune chez toi, et tu vis dans la misère  ». C’est pas logique quelque part.

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Est-ce que tu côtoies d’autres artistes ? Absolument pas. Le dernier artiste que j’ai rencontré, je lui ai dit que j’avais trop de respect pour la peinture pour continuer cette discussion avec lui. Il m’a gavé. Parce que quand on me parle de mouvements par rapport à la peinture, non, non, je suis pas là-dedans. En plus, si vous regardez mes bordels, y’a une composition, y’a une rigueur. On ne fait pas n’importe quoi. Un truc comme Mona Lisa, je la supporte pas moi la bonne femme, mais quand je regarde le tableau, putain, qu’est ce qu’il est bien fait. Le mec, il a pas déconné quoi, il nous a pas menti, sur sa stature de peintre. Après, j’aime ou j’aime pas, ça c’est un autre problème. On prend un Caravage, haha, on prend du Rubens, haha, ok ? On prend un Gauguin hein, ça tient la route. On prend certains Picasso, putain, ça tient la route quoi. Vous savez comment on regarde la composition d’un tableau ? Vous prenez un Guitton, et vous prenez un Bruegel à côté, vous faites le flou avec vos yeux, vous n’allez voir que les taches de couleurs, et vous allez voir comment tout est harmonisé, comment tout est équilibré.

Pourquoi retrouve-t-on souvent ces paysages de mer ? J’ai vécu sur le bassin d’Arcachon. Le maire de Gujan-Mestras disait : « Il fait des personnages qui me foutent la trouille ». Exposes-tu des tableaux de toi dans ta maison ? Ah oui, y’a mes références. Claire : « Je me suis faite engueuler quand j’ai voulu l’exposer. Parce que j’ai déstructuré son lieu de travail ». Ces deux esquisses de femmes étaient posées à des endroits parce que je les aime bien, et elles m’apportent un calme, elles me rassurent. Tu as un rapport affectif avec tes tableaux ? Ah oui. Totalement. Chaque tableau, c’est quelqu’un. C’est une personne. J’ai pensé à quelqu’un. Ils sont vivants de la trace des gens que j’ai rencontrés, d’un contact, d’une situation. Depuis 35 ans, j’ai tous mes tableaux en tête. Quelle est ta philosophie de vie, ton mot fétiche ? Passion.

À quoi ressemblaient tes premiers tableaux ? Surréalisme. C’est-à-dire les cauchemars.

Juillac / 3 Septembre 2009

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