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Le feminisme identitaire: nouvelle lubie de l'extrême droite

Par Camille Lebègue

Le féminisme identitaire a surgi en France en 2019, après la diffusion du mouvement Metoo. Alors fortement médiatisés, les mouvements féministes plus « traditionnels » ont vu émerger parmi leurs rangs une mouvance identitaire, qui ne cache pas ses affiliations politiques avec l’extrême-droite. Unique en son genre, le collectif « féministe identitaire et anticonformiste » Némésis fait depuis régulièrement irruptions lors de rassemblements féministes à grands renforts de déguisements, de faux sang et de slogans coups de poings pour dénoncer les dangers de l’immigration en France. Il est intéressant de relever qu’aucune allusion au patriarcat n’est faite ; la principale menace pour les femmes en France vient à leurs yeux des transgenres et des « hommes de nationalité étrangère », qui selon une affiche brandie à Nice en 2021 commettraient 52% des viols sur le territoire français. En matière d’anticonformisme, le collectif fait figure de proue : évoluant aisément dans la fachosphère, elles prônent le « vote patriote » pour le Rassemblement National et alertent sur les incohérences mensongères et populistes de la gauche.

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Infiltrée dans le cortège Nous Toutes du 19 novembre 2022, les militantes de Némésis s’étaient alors vêtues de faux niqab, la tenue islamique qui couvre l’intégralité du corps et du visage de la femme, ne laissant un trou que pour ses yeux, afin de dénoncer « l’incohérence du néoféminisme face à l’islam politique », prochaine menace pour la France à en croire leurs affiches. L’action, qui avait pour but d’être médiatisée, avait consisté à brandir des affiches chocs où on pouvait lire « Féministe et islamiste », « ma burqa, mon choix », « mon coran, mes lois ». Alice Cordier, membre fondatrice du collectif, explique qu’elles ne se sont pas faites prendre à parti comme elles en ont l’habitude lorsqu’elles ne se déguisent pas, que « dénoncer l’immigration nous avait valu des coups les autres fois. En revanche cette année, déguisées en tenue islamiste, 0 stress. » L’intégration des musulmans en France semble donc couver un grave danger de glissement de la société vers l’islam. Après leur « action éclair », visiblement rejetées par le cortège, les militantes déguisées sont rapidement parties, préférant « la sécurité de [leur] militantes ». En réponse, Nous Toutes s’était fendu d’un communiqué condamnant l’islamophobie ainsi que l’action de Némésis. Deux ans plus tôt, elles s’étaient déjà faites remarquées avec des affiches telles que « femmes = frontières violables », ou « Cologne, Roterham, bientôt Panam’ », où des faits de viols avaient été attribué à des migrants.

Si leurs principaux « ennemis » semblent être les hommes issus de l’immigration, leur doctrine préserve en revanche les « français », comprendre ici les citoyens à la peau blanche, qui sont pourtant les premiers oppresseurs aux yeux des autres collectifs féministes, puisque ce sont qui accèdent aux postes de pouvoir. « Parce que les hommes ne seront jamais nos ennemis mais nos alliés », explique l’un des premiers post Instagram du compte de Némésis. Il n’est fait aucune allusion au patriarcat au cours de leur 341 posts, seulement à « la soumission » des femmes, à laquelle est étroitement associée le port du voile, mais aussi aux violences faites aux femmes, dont « les hommes de nationalité étrangère » sont les principaux auteurs à en juger par les statistiques phares brandies lors des rassemblements dans lesquelles elles font irruption. Le collectif estime par ailleurs que l’égalité des sexes est atteinte, et refuse de se positionner sur d’autres sujets comme la PMA ou la GPA. Némésis ajoute qu’il y a « énormément sinon trop » d’avortements et refuse de voir l’interruption volontaire de grossesse comme anodine.

Les militantes identitaires ne semblent pas si nombreuses, à en juger par les photos qu’elles partagent, où cinquante d’entre elles figurent au grand maximum, mais elles semblent en revanche attirer une sympathie marquée d’une partie de la sphère d’extrême droite dont elles se revendiquent sans trop de gêne. Les militantes à l’origine de la fondation du collectif en 2019, Alice Cordier et Mathilda, ainsi que plusieurs autres membres ne cachent pas leurs opinions politiques, et s’affichent fièrement aux côtés de Marine Le Pen (Marie Emilie Euphrasie, ancienne membre de la Cocarde étudiante et membre fondatrice de Némésis, s’engage dans la campagne de Marine Le Pen à la présidentielle et aux élections législatives de 2022), Julien Rochedy ou encore parmi les militant-es de Génération Z. Plusieurs militantes fondatrices de Némésis Suisse, dont sa présidente régionale Sarah Prina (pseudonyme)11, sont issues du groupe néonazi Militants suisses.

Enfin, pour achever de se démarquer des cercles féministes majoritaires et parfaire son intégration aux cercles d’extrême droite, Némésis prône une transphobie décomplexée, refusant de considérer les transgenres comme des femmes, et affichant dès que possible des crimes, délits ou exploits sportifs commis ou accomplis par des personnes issues de la communauté trans. Le collectif utilise la même stratégie généralisatrice : quand un fait divers est commis par une personne immigrée ou issue de l’immigration, ou bien par un transgenre, elles publient sur instagram un post sur le sujet, ne manquant pas de dénoncer la lâcheté politique du gouvernement qui « refuse de stopper » l’immigration.

Le dernier champ de bataille du collectif non déclaré est la justice. Les militantes dénoncent ainsi à cors et à cris le laxisme de la justice en matière de harcèlement de rue, de droit des réfugiés, ainsi que son incapacité à faire respecter les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF). La justice ferait partie d’un engrenage pro-migration, et donc faillirait à sa mission de protéger les françaises, qui, comme elles aiment à le rappeler, « ne sont pas des frontières violables ».•

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