february 2020
le zadig
identity
le zadig x aso
contents edito: pour en finir avec le theme de l’identité par ryan tfaily p. 4-6
interview with ASO by toshali sengupta p. 11-13 european identity by elza goffaux p. 14-15
terikhna, ou le réveil intelligent 21/08/2019 de l’identité collective by stavriana delipetrou par ryan tfaily p. 15-16 p. 7-10 my hidden identity boi tolo by ysabella titi by ian christensen p. 17-18 p. 19
by beeta davoudi by caitlin buckley
jordan bardella, ou le l’identité au service de soi nouveau politique ideal by maël liut by nolwenn ménard p. 23-24 p. 20-21
irrational homesickness les racines chrétiennes de by beeta davoudi la france, une nouvelle arme p. 27 by victoria bruné melt your curls away p. 22 by ysabella titi & moira shoush de l’hypocrisie à la p. 28-30 contradiction : accepter les ambiguïtés de alerte sur la disparition des l’engagement étudiant abeilles by ryan tfaily by lisa-marie auger p. 24-26 p. 31-33
Curieuse histoire que celle du terme identité. Il y a trente ou vingt ans, le mot était inconnu et totalement absent du débat public. Aujourd’hui, pas un jour ne passe sans qu’on ne serve aux Français un énième étalage d’opinions sur « l’identité française », « l’identité et l’islam », « l’identité européenne ». Jusqu’aux années 2010, seule l’extrême-droite se passionnait pour un concept qui intéresse désormais non seulement la droite mais surtout la gauche. Plus personne ne vit sans se poser de questions sur « son identité », ses « racines » ou son devenir. Evidemment, ces questionnements finissent par devenir une quête, puis une obsession, avec tout ce qu’elle contient de dévastateur. Dans cette identitarisation des sociétés et du débat public, le campus de Menton n’est bien-sûr pas épargné. Il est au contraire un micro-cas tout-à-fait révélateur du phénomène ayant lieu à l’échelle nationale voire mondiale. En France en général, et sur le campus de Menton en particulier, le thème de l’identité gangrène les esprits dans un contexte où la présence multiculturelle et diverse est sans cesse mise en avant : en France, tantôt comme un totem par une gauche multiculturaliste, tantôt comme un repoussoir par des partis en quête d’électeurs ; à
Menton, comme une aubaine par une institution fière de répéter partout que le campus accueille près de 70% d’étrangers. Pourtant, en France, comme à Menton, ce n’est bien-sûr pas la présence étrangère -aussi nombreuse soit-elle- qui est un problème en soi : c’est la manière dont les pouvoirs publics décident de la gérer, à travers ce prisme identitaire dont il est grand temps de sortir. Car tout a déjà montré qu’une politique fondée sur l’éveil des identités, ou leur oppression, aboutit à un malaise général qui finit par atteindre tout le monde.
L’identité contre la classe Le grand mensonge de ce début de XXIème siècle est celui de nous avoir fait croire que c’est d’abord notre identité ethnique et culturelle qui nous définit socialement, et qui doit prévaloir dans les débats de société. Or, rien n’est plus faux. Il existe une hiérarchie dans les identités définissant un individu ; et au sommet de cette hiérarchie, se trouve bien-sûr la classe sociale. Quiconque aurait un doute sur le fait que la classe sociale prévaut dans la construction des sociétés, avant l’identité culturelle, et avant même le genre, devrait se rendre sur le campus de Menton. Ici, des personnes très diverses
culturellement, mais unies par l’appartenance à des classes sociales globalement aisées, s’entendent toutes très bien, et ne font peu ou prou pas l’objet de racisme. Et pour cause : c’est la classe sociale qui définit notre place dans la société, avant toute autre catégorisation. Que Menton soit un campus aussi divers culturellement, mais qu’il y règne une excellente entente entre les communautés n’est pas la preuve que toutes les cultures peuvent cohabiter -ce qui est une évidence-, mais que l’union de classe rapproche les individus, avant les différences ethniques. A l’inverse, il suffit d’envoyer un marocain du campus, aisé financièrement, tenter de dialoguer avec des fils d’immigrés marocains de la cité des Moulins à Nice, pour comprendre que non seulement les deux individus ne se reconnaissent pas dans leur similitude -le lien avec le Maroc-, mais qu’en plus tout les oppose : la classe sociale, et l’univers culturel qui l’accompagne. L’évidence est qu’un blanc aisé s’entend mieux avec un non-blanc aisé, qu’avec un gilet jaune ; et Menton en est le plus flagrant exemple. Pourtant, la mode générale tend à nous faire oublier cette identité de classe, qui est la vraie barrière entre les individus, pour surévaluer l’identité culturelle dans la constitution du champ
by caitlin buckley
editorial: pour en finir avec le thème de l’identité
social. A y réfléchir, il n’est pas étonnant qu’une telle substitution de langage ait pu avoir lieu. Remplacer la classe par l’identité est un subterfuge qui sied très bien aux intérêts des tenants du système économique néolibéral. Il permet de fracturer la classe ouvrière, en la divisant entre « blancs » et « nonblancs » ; il permet même de fracturer la société entière en « communautés » qui deviennent autant de part de marchés dont on créé des besoins artificiels. Comme toujours, le thème de l’identité a pour fonction principale de masquer les inégalités sociales existant entre les individus : à Menton, on se gargarise de la diversité culturelle sans plus faire attention à l’inquiétante homogénéité sociale ; en France, on rouvre le spectre identitaire dès qu’une crise sociale pointe le bout du nez. Nicolas Sarkozy, en 2010, lorsqu’il ouvre son fameux ministère de l’identité nationale -l’une des
expériences les plus désastreuses de la vie politique françaisesouhaite faire oublier la crise économique qui a débuté deux ans plus tôt, et détourner les regards de la politique d’austérité que l’Union-Européenne s’apprête à mettre en place ; il en va de même pour Emmanuel Macron, lorsqu’à la rentrée 2019, après une année où, par la grâce des gilets jaunes, le thème social a justement préempté celui de l’identité, il ouvre le dossier de l’immigration en des termes pour le moins crus. Cette stratégie politique pourrait être anodine et facilement déconstruite si elle n’était pas en train de fracturer durablement les sociétés européennes, en les assommant du thème identitaire.
Individualisme ou communautarisme ? Car en France, tout comme à Menton, la société est prise en étau dans un double mouvement identitaire mal cerné, qui
conduit toujours plus à détruire le bien commun et l’unité nationale. D’un côté, une droite conservatrice cherche à imposer une identité collective obligatoire et exigeante, faite « d’assimilation » envers des fils d’immigrés dont on présuppose qu’ils ne sont pas assez français, de débats sur les « racines chrétiennes de la France » en même temps que de rappels à l’ordre paradoxaux sur la laïcité envers les femmes voilées, de grands prêches contre « le communautarisme » des banlieues, sans jamais définir et expliquer ce concept. De l’autre, une gauche multiculturaliste, poussée et soutenue par des associations de quartiers, tend à éveiller les identités singulières, à en faire autant d’armes contre « la majorité blanche oppressante », à défendre et accentuer tout ce qui peut différencier les individus entre eux dans l’espace public, à accepter les revendications individuelles d’affirmation identitaire. Ce face à face identitaire
des autres et à affirmer leur Moi tout puissant pour échapper à l’écrasant règne du groupe ?
De l’identité à l’unité La plus grande défaite sémantique de ce début de siècle est d’avoir réussi à imposer un terme, l’identité, et de l’avoir transformé en un besoin personnel et collectif impératif, en faisant oublier que les sociétés occidentales ont vécu des siècles sans se questionner tous les matins sur leur identité. Le combat culturel, s’il y en a bien un, consiste à faire reculer ce prisme de lecture des sociétés, qui n’a jamais été aussi peu pertinent. Le Zadig, en consacrant une édition spéciale sur le thème de l’identité, ne souhaite pas participer à l’emballement médiatique général pour ce leitmotiv, mais bien ouvrir la parole autour d’un sujet majeur sur un campus où, plus qu’ailleurs, les étudiants se posent des questions essentielles sur leurs identités. Quant à la France, il serait peut-être temps qu’elle se demande davantage si son unité existe toujours, plus que si son identité est la même qu’il y a mille ans. Quand l’identité cherche sans cesse à mettre en avant, dans l’espace public, ce qui nous différencie, l’unité, elle, trouve ce qui nous rassemble. Car l’identité, on le sait, est mouvante et sans cesse renouvelée : dès lors, la seule question qui doit nous animer est celle de savoir comment maintenir, dans cette fluctuation des identités, une unité nationale forte.
by caitlin buckley
est un jeu en miroir dont tous les responsables sont complices du résultat : éclater la communauté sociale en différentes communautés qui ne partagent plus rien en commun, sinon la consommation du samedi après-midi -faisant, là-aussi les choux gras du système économique actuel. Car contrairement à ce que l’on croit, il n’existe pas en France de « communautarisme » -une idée répandue selon laquelle les individus se regroupent dans des communautés qui les renvoient à des traditions réactionnaires-, mais un ultra-individualisme tout-à-fait compatible avec la modernité progressiste, tendant à imposer son identité singulière à la collectivité. C’est cette lecture qu’il faut par exemple faire du voile : en France, il n’est ni un objet de soumission, ni un signe traditionaliste, mais plutôt un symbole de la modernité individualiste et narcissique, qui cherche à faire prévaloir l’identité de l’individu sur celle du groupe. Bien-sûr, ces identités particulières finissent toujours par se regrouper -ce qui donne lieu au « communautarisme » qui n’est qu’une illusion cachant le règne tout puissant des individus. Et plus l’on cherche à enfermer le groupe dans une identité obligatoire et coercitive, plus se réveilleront les identités individuelles qui détruisent la cohésion. C’est ce même cercle vicieux qui s’observe à l’échelle du campus mentonnais : l’adhésion obligatoire à la grande Ummah toute puissante, avec ses chants, ses rituels, ses traditions et sacrifices ne s’accompagne-t-il pas d’un réveil des égos individuels, qui cherchent à se différencier les uns
« terikhna » ou le réveil intelligent de l’identité collective
Jeudi 6 février 2020, 18h00, théâtre Saint-Exupéry à Menton, une queue longue de plusieurs mètres ne sait plus trop quoi attendre du spectacle produit par l’Arab Student Organization dont la communication finement préparée avait annoncé un show hors du commun. A la sortie, c’est une succession continue de compliments. En une heure de spectacle, l’association a mêlé talents estudiantins, créativité, poésie et histoire pour livrer une prestation d’une qualité exceptionnelle. Peut-être faudrait-il commencer par souligner l’incroyable labeur fourni par l’ASO, dirigée par Daliah et Hashim, à cette occasion : costumes orientaux, textes, paroles de chanson et traduction sur un diaporama projeté, décors scéniques…tout a été finement pensé et préparé en amont, de sorte que tout le public a d’abord été ébahi par la performance technique des talents et de l’association.
Emouvant, détonnant, somptueux Pourtant, loin d’avoir succombé à la rigidité de la technique, la production est demeurée incroyablement humaine et humaniste. Emouvant, le spectacle l’est d’abord parce qu’il prend le parti pris assumé de raconter une histoire éprouvante, faite de souffrances et surtout d’oppression politique. Le monologue de Rym, qui incarnait manifestement une cause qui lui tenait à cœur, n’est pas sans rappeler la fatalité et la peine des tragédies grecques ; il en va de même pour les mimiques faciales des acteurs lors de l’accord de Sykes-Picot qui évoquent là-aussi les masques exagérés des acteurs grecs. La douleur le dispute
pourtant à l’héroïsme, et c’est ainsi que le spectacle en devient détonnant. Loin de se contenter de narrer une histoire victimaire et d’assommer son public par l’affliction, Teriknha se proposait au contraire de le surprendre. Ainsi la combativité des révolutionnaires maghrébins contre les colonisateurs, mais également, les références aux révolutions actuelles qui secouent le Moyen-Orient, et celles, passées, des Printemps arabes. L’explosion violente n’est pas que celle de la tristesse : elle est aussi celle du combat. Finalement, c’est une scène éminemment somptueuse qui s’est présentée face à nous. Somptueuse, car elle rayonnait d’ingéniosité et de conviction. Une force inconnue et inexplicable se dégageait des yeux des acteurs, dont on présentait bien qu’ils racontaient tous quelque chose d’important et de poignant pour eux. C’est le pari gagné de n’avoir choisi que des talents venant de ce monde arabe : une émulsion artistique et intellectuelle infusait de la scène, comme une explosion soudaine de voix qui ne demandaient qu’à s’exprimer, et qu’on n’entend pas assez. Il est rare, à Sciences Po, de sentir des élèves prendre autant de plaisir à réaliser quoi que soit. Jeudi 6 février, nous avons vu des étudiants touchés et animés par une cause, l’exprimant avec somptuosité sur scène.
L’art pour valoriser, l’humour pour inclure Cette cause, elle était assumée : réveiller une fierté arabe, trop longtemps opprimée par l’impérialisme occidental. Et quoi de mieux que l’art pour révéler la grandeur d’une civilisation ? Fait remar-
by caitlin buckley
quable, ASO a intégralement puisé de références arabes pour monter le spectacle : Fayrouz, Adonis, des poètes palestiniens, des danses orientales, des textes en arabe… Il n’est pas question de verser dans l’orientalisme, pour une association
dont l’intérêt est justement de se détacher de la vigueur orientaliste qui sévit sur le campus. Non, pour l’ASO, le monde arabe est un monde à prendre au sérieux, avec ses traditions, ses histoires propres, sa langue et ses dialectes dont le spectacle rendait justement compte de la diversité. Nul besoin de références occidentales pour raconter une histoire arabe : c’est tout le but d’un show qui voulait d’abord montrer qu’une histoire arabe écrite par des arabes est possible. Le risque aurait été de tomber dans un panarabisme ou un nationalisme arabe stérile, archaïque et excluant pour les étudiants du campus ne venant pas de cette histoire. Piège évité, car ASO a montré qu’il était possible de réveiller les consciences arabes en incluant tout le monde. Par des subterfuges subtiles dont l’humour est une arme éloquente. En témoigne le choix d’étudiants incarnant le prototype du blanc colonisateur pour présenter les dignitaires français et anglo-saxons lors des accords de Sykes-Picot. En témoigne la déclaration d’indépendance d’Israël proclamée par Jacob.
Finalement, rien de très original : l’art et l’humour comme armes universalistes, pour atteindre l’universel en partant du particulier, toucher le monde tout en réveillant des consciences définies. Mais l’on avait tant oublié à Menton, qu’il était possible de porter un regard sérieux, artistique et non-orientaliste, sur l’identité arabe, que le show est venu nous rappeler notre rôle, à nous, d’étudiants de la zone Moyen-Orient : faire vivre une région du monde, autrement que des étudiants d’autres universités, peu connaisseurs, le feraient.
er parfois des aspects victimaires. On peut lui reprocher un manque de finesse et de subtilités -mais est-ce possible de faire mieux en une heure et avec les moyens disponibles ? On ne peut pas aimer son parti pris politique -mais comment empêcher des étudiants en science politique de faire de la politique ? Mais il faut absolument lui reconnaître une chose : pour la première fois à Menton, l’identité du campus a été réveillée de manière à la fois sérieuse et légère, intellectuelle et artistique, profonde et émouvante. Loin des chants de campus, loin des Repenser l’identité sur le déguisements orientalistes du Minicrit, loin des sempitercampus nelles caricatures d’étudiants On peut par ailleurs penser ce représentant le campus à coup que l’on veut du contenu du de « Ummah », « Shababes » spectacle. On peut lui object- et autres « mécréants » -autant
de folklores qui font, eux-aussi, l’identité du campus, mais qui ne doivent pas la préempter intégralement comme c’est trop souvent le cas-, « Tarikhna » a réveillé de manière intelligente l’identité moyen-orientale et arabe de Menton. Et l’on aimerait bien que les « Mentoniyah Mentoniyah » et les « Mentonnaises » -dont on peut par ailleurs penser du bien- laissent plus souvent la place aux arts et à la littérature arabes pour souder des promotions.
by caitlin buckley
interview with the board of
ASO I look up from my questions to see Hashim and Dalia caught up in a heated debate about the etymology of the Holy Month. Dalia, with her usual energy, jumps up to demonstrate “Ana my life is NOT based on Wikipedia” and Hashim chips in with the “but the Holy Month of the Islamic calendar IS Ramadan”. Hesitant to interrupt the lively Arabic-English-French conversation with my rather bland
questions, I wait patiently for a window of quiet which is when I hear the following: Dalia: I HATE MY CO-PRESIDENT. Hashim: No ya3ani…this is to develop your character. Dalia, with a pinch of salt coating her words: Thank you. Hashim is my saviour, my master. Thank you for developing my character. A pause, where Hashim searches for a witty response and finally, my time to intervene. T: Could you briefly introduce yourselves? D: I’m Dalia Atalla, I am Lebanese, and I lived in Armenia for two years, studying at UWC, before coming to Sciences Po Menton. H: I’m Hashim Shubbar, I am a student here at SciencesPo Menton. I am Iraqi and I grew up
between Baghdad and the UAE. I have always had an interest in the Middle East, both in terms of history and current events. T: How was the Arab Student Organisation (ASO) born? What was your personal motivation for starting this group? H: The ASO was born over the summer of 2019 as Dalia and I realized that the Middle East and Mediterranean campus needed an association that promoted not just the academic aspect of the MENA but also the culture of the region through discussion and activities that go beyond the classroom. The ASO’s mission is deconstructing misconceptions by sharing different perspectives, and presenting the diversity, complexity and realities of the MENA by providing the campus with a mechanism for exposure to debate of the Arab world as a region: the peoples and societies within it. Its vision is to foster and share Arab identity and culture and bring to the spotlight the MENA’s issues and events while allowing for a forum of discussions on Arab society’s most prominent phenomena and beliefs. To date, we are dedicated to this mission and vision statement and we hope to fulfil it in an apolitical and objective manner. D: Saraha, as Hashim said, coming to the campus du Moyen-Orient last year I was really surprised by a lack of specialization on the region. I also recognized that it was important to create a platform to get a firsthand understanding of the Arab world. We are on a campus
partnership with other associations on campus. I am most proud of our production – it was a longterm effort, it brought together a large portion of the campus as well as people from a variety of backgrounds. They came together to produce something that I, and I hope the rest of the campus, found impactful. Hopefully, everybody that was present in the audience felt something too. D: We also organized a jam session with the music club! Honestly, I am proud of the smallest to the biggest events, the simplest to the most complex, the most challenging to the easiest. Every single event was able to fulfil its purpose and was T: Hashim, why did you say that you wanted able to show what the ASO stands for, which is, promoting Arab culture, showing the diversity of to keep ASO apolitical? H: Everything from the region seems to need to the Arab world, and triggering the interest of the have a political angle, most news received is po- participants. liticized and biased, the viewpoints people come with are biased and political. So, we thought T: What are the future events scheduled for that there needed to be an organisation on this this year? campus that needed to represent all opinions. D: We intend on continuing the Arabic lessons We wanted to bring people to the table but not necessarily impose on them anything of our own, and perhaps even expanding its scope. Primarithus we wanted to keep it as apolitical as we ly, we want to organize more conferences, invite more people, and open ourselves to more collabcould. orations. T: What role do you two play in ASO? What is H: For the last part of the year ASO hopes to focus on the Arabic language and the more politithe Majless El Shaab? cal aspects of the MENA region. One of our more D: ASO is kind of our brainchild and we are the definitive plans is to invite Feurat Alani, an Iraqi founders and co-presidents of the organisation. journalist in France, to campus. He has made a The Majless El Shaab is our core group that is ex- documentary on his experience as an immigrant tremely passionate and dedicated to our mission in France and Insha’Allah he will be available to and vision. What was so beautiful about the Ma- share his thoughts with us soon. jless El Shaab this year was that people who did T: Finally, where do you hope the next generation not have personal connections to the Arab world of Majless El Shaab takes ASO? were still so dedicated to the cause. Honestly, I H: I want next year’s Majless El Shaab to take the too learnt a lot – I was a little ignorant about my ASO to new heights, to strive further, and hopeown region before. The Majless El Shaab meets fully, this will become a permanent organization every Sunday to brainstorm and organise events on campus. that aim to have a powerful impact on the cam- D: I believe that with passion anything can be accomplished. As long as the Majless El Shaab next pus to fulfil our mission and vision. year is working hard, passionate, and know their T: What are the events ASO has been involved mission and vision – H: And adhere to them – D: and adhere to them, they will be able to take it in and what are you most proud of? to the next level and use the foundation that we H: ASO has been involved in 2 major events so far have created as a stepping stone to build upon. - a panel on identity that was introduced by Mme T: Wonderful. Thank you for taking time to do this Azab and our production Tarikhna. We also con- and I’m looking forward to the next big thing the tinued more small-scale activities such as part- ASO will bring on to our campus! nered language tutoring and screening of films in
by caitlin buckley
where people have an abundance of academic knowledge but are not taught to develop emotional knowledge and intelligence to complement their academics; so, we wanted to create an organization that facilitates filling this gap. Moreover, the people in Menton are not known to be the most open minded about Arabs given their “complicated history” with North Africa…so our idea was to have initiatives that would also involve people from the town to help them connect to our campus, its students, and most importantly, to the Arab world.
european identity: time to make a choice How does it feel to be European? Has European identity ever existed? Is it still necessary? Do European states feel the need to cooperate with each other? We tried to answer these questions with the help of Sciences Po students. Lately, we have been questioning the existence of a European identity that bonds European citizens as well as nations together. Firstly, the idea of citizenship itself is challenged as the participation rate in the European elections fell from approximatively 62% in 1979 to 50% last year. Similarly, we might think that the states lack political and economic cohesion, as illustrated by the Brexit, the economic inequalities between countries and the weak cooperation in the handling of migration inflows. These cracks have come to challenge the strength of the European identity. However, other trends depict a different situation. As a matter of fact, pro-EU sentiment has risen after Brexit, especially, according to an investigation by Le Monde, in France and Germany. Sofie Højstrup Overgaard, a Danish student, argues that “Brexit made us aware of the consequences of being out of the European Union”. Indeed, it highlighted the benefits of being a member and acted as a reminder that the peace achieved through the Union cannot be taken for granted. In that sense, Brexit shook EU citizens in their own identity, an identity that goes beyond the benefits of the Union. This European identity is grounded in our shared values. To Marco Iarocci, from Italy, “It is an identity that is based on general values accepted by everyone, human values” like dignity and freedom. He argues that this identity is also “based on the legacy of the Enlightenment” and is characterised by the important place given to the welfare state. Maria
Garriga Zamora adds that “being European is being progressive, tolerant, being modern, pro-change”. It is also having the will to “avoid any war”. Along with this historical process, a political construction also contributed to the creation of a European identity. This political construction has been built step by step, following the integration of different countries through time and the creation of institutions that aim to achieve global governance and represent EU citizens. This political construction of the European identity is characterised by symbols and a concrete will of the states to build a so-called identity. In this sense, European identity cannot be seen as something static. It is an entity that evolves, is challenged and is still under construction by the states and their citizens. This is why we can say that European identity gains strength with time and through generations. As an example, Maria Garriga Zamora, from Catalonia, compares the conceptions of European identity of old and young people and argues that old people’s identities were already built by the time the Union was founded, whereas younger people were born in the EU, and constructed their identities within its framework. This gap is reflected in the Brexit voting patterns, as people under 25 mostly wanted to stay in the EU (73% of 18-24 y.o voters) whereas the majority of citizens above 65 voted “leave” (60% of 65+ y.o voters). European identity is also built at a personal level in which European and national identities coexist. Thus, both identities cannot really be separated, as they are constructed together. This is what Sofie Højstrup Overgaard expresses: “I definitively feel more Danish than European but I’m starting to see how part of my Danish identity is actually founded on being
European too”. Marco Iarocci also emphasizes this point: “I think that [both identities] should coexist, I don’t think one should surpass the other, European identity has different connotations” and he adds that “Europe is complete in itself with all its national differences”. Therefore, national identities and a supranational European identity do not oppose each other and are reflected in the motto “United in Diversity”. A European identity rooted in consciousness as well as more representative institutions could be a solution to the distrust and to the lack of political cohesion between states. Maria Garriga Zamora argues that “young people have been disappointed by the European Union’s lack of communication in terms of refugee policy and helping each other out”. To strengthen our identity, she adds that “we should work on carrying out the policy and the action we want to see in the EU and what we want to be represented by” and ends saying that there is a “need to work on a more representative organ that would actually speak out for people”. Marco Iarocci stresses that “education, exchanges, studying Europe at school from a European standpoint” are ways to enhance the European identity. According to him, “if you democratise EU institutions, you give more power to the European parliament, the commission is directly elected by the parliament, we get a European constitution, then EU citizens will feel that they have a say in what happens in Europe, and this is how they will feel more European”. Therefore, European identity and European institutions have to evolve simultaneously. However, it is a matter of choice, and we need to choose to build stronger institutions, in order to enhance European identity.
21/08/2019 Home. It is not a house, for what is in a house if not soulless furniture inside walls crowned by a roof? It is not even a country, at least not for me, not anymore. I still hear my grandpa’s voice in my head, heavy and steady, and I can almost look in his dark brown eyes while he’s saying that the unhappy is he who is trapped between two homes, between two lands, between two worlds. I remember myself before I left, trying to memorise all the places I had ever been to, all the streets that I had ever walked, the smell of spring during what had appeared to be just another cold winter day. I hopped on a train with no destination and every destination. I said goodbye to the sea, the vast, infinite sea and to the bright, endless sky above it. I said goodbye to the rhythm of the city,where everything moves so fast or suddenly stops. I said goodbye to those ancient marbles, caressed by the warm Mediterranean sun, that are still standing still, witnessing silently secrets from another era—secrets that I almost touch from time to time—without ever uncovering them. I said goodbye to everything and everyone. Knowing deep inside me that, when I would come again, I would not be coming “back”. I booked a ticket, and it was the first ticket that I had everholded in my hands with no return. And I didn’t shed a single tear. I didn’t cry for the country that had been a mother to me for eighteen whole years—an entire life. Very often I would hear myself say that it
never felt like home. But how would I have known what a home felt like? Still, something wasn’t right. I could feel an empty space, a void that my beloved Greece had never achieved to fill. And then I turned to France, hoping that I would find that thing I had been looking for. And a part of me was happy, happier than it had ever been. But,
ed it tighter than I had ever done before. I now carry with me an olive branch, an “opa” we would shout with joy while dancing, and some basil, just like the one my grandmother gives me every time I leave her house. But I also have the colorful houses of Menton. I have the parties and the people that I am
all of a sudden, I would look at the olive oil from my village on the kitchen table. I would smell the herbs that I collected one by one from our garden. I would turn my eyes to the pictures over my desk, pictures with smiling faces and happy eyes that I got used to seeing only through my phone’s bright screen. Yes, in France, I am Greek. More than I have ever been in my entire existence, to be honest. Never have I heard this many greek songs, never have I cooked such huge quantities of moussaka, never have I talked as much about my beautiful and weird Mediterranean country. Not until now. But the thing is, I am “the Greek” everywhere— except for Greece. Over there, I am “the French”, as if six months away makes you a different person. Or maybe it does, I haven’t figured it all out yet. The year was 2019. The calendar wrote August 21st. And that date will always be inked inside me, with clear, big letters. It was the day were I left my identity behind me, and somehow I hold-
proud to call my friends. I have sea, sun and lemons. And I have stories. Stories from the States, from Lebanon, from Tunisia, from Italy, and from Turkey. I am Greek, Athenian, French, Mentonese. I am human. I am everything and nothing at all. But, in reality, aren’t we all everything and nothing at the same time? Aren’t we all coming from that same, slightly peculiar, blue globe that, no matter what, keeps spinning around a medium-sized star? At one time, some walls cut the earth in little pieces and created pain, sorrow, hate. They divided people into nations. And they turned them against each other, as if it were not brothers fighting brothers and mothers fighting children. The year was 2019. The calendar wrote August 21st. And that date will always be inked inside me, with clear, big letters. It was the day were the biggest adventure of my life had begun: I started discovering my home.
my hidden ethnicity On the first day of my summer internship, my am not obviously Palestinian or even Middle Eastmom sent me the following text: “Don’t tell any- ern to the rest of the world, I had hidden behind one you’re Palestinian.” this mask of ambiguity, viewing my background as interesting but something I did not need to Though her words would outwardly acknowledge. soon return to me, I didn’t give them much thought that I didn’t anticipate that working for an Israefirst morning. The only thing li-American would elicit such inner conflict— on my mind was getting to mainly because of my ambiguous appearance. my congressman’s office in However, appearance is not the only trait of relethe center of U.S. politics— vance in one’s identity, and my father being PalesCapitol Hill in Washington tinian defines me whether I want it to or not. My D.C. I was nervous but excit- connection to this identity is not the type of coned to be on the Hill, where nection to an ethnicity one feels through a trendy policy decisions and debate DNA test but rather the kind that grows out from filled the air and change the roots of childhood memories and the stories I appeared inevitable rather was told of our homeland. than merely possible. What I didn’t realize, however, was My experiences on the Hill encouraged me to rethat my internship, the sum- flect on events in my past that I had previously mer before the 12th grade, not given a second thought to. One day in high would teach me more about school, I was airing my grievances to a close friend myself than it would about about another girl who was bothering me. My American policy. friend told me, “Don’t worry, she’s gonna bomb the place anyways.” The girl we were talking While I knew I was interning about is a Muslim who covers her hair. Her identifor a Jewish, strongly pro-Is- ty was obvious, yet mine was completely hidden. raeli Congressman, I didn’t think this fact would My dad is a Palestinian Muslim immigrant, and personally affect me. At the time my main inter- one of my best friends didn’t even know that I est was domestic American politics. It was enough was Middle Eastern. While her background was for me to be able to secure an internship for my open for the world to judge, my traditional dress Congressman at such a young age. However, my of the city of Jaffa is shoved to the back of my blissful perception changed almost immediate- closet, hidden so that when my friends go lookly. On my first day, during an initial run-down of ing for something to borrow they see my short the basics, a fellow intern invited me to an event sundresses and huge collection of knit sweaters hosted by America’s Pro-Israel Lobby. It was a bi- instead of the white floor-length dress with colorpartisan congressional panel for D.C. interns in- ful embroidery. terested in U.S. relations to the Middle East; this event’s particular focus was on how to counter Working on the Hill fundamentally challenged divestment from Israel. I took the information he how comfortable I had been with the safety net wrote down for me on a post-it, but I knew I’d be of appearing ethnically ambiguous in a country uncomfortable attending. After all, it was families with a troubled and ever-changing relationship like my own in which divestment aimed to help. It with race. But it was this failure to understand the was through this, my first experience on the Hill, implications of my background that taught me a that I realized I had failed to think about my back- greater lesson of self-identity. Although I am still ground in a truly comprehensive and meaningful unsure of what it all means, I’ll start by owning way. Instead, I chose ignorance—for years. Since I my identity and challenges as a half-Palestinian
woman. There is no bliss when we are ignorant of ourselves. After that summer, I stopped looking at my ethnic ambiguity as a hiding spot—it is not. Since then, I have changed drastically. For starters, I came here to Sciences Po Menton to study the Middle East and I began to say my ethnic background with pride rather than fear of judgement. Despite what my family’s history in Palestine means to me, I know that my experience will never extend out to Palestinians elsewhere. My experience will never extend to my cousins who speak Arabic in public with each other and wear their hijab in America’s southern suburbs of football games and sorority girls. My experience will never extend to my father’s, as Palestinian in America when a (now very prominent) journalist came to interview him while investigating the 9/11 attacks. My experience will never extend to my family living on the Gaza Strip. My experience in my bubble of American privilege will never extend to the lives of true, born, raised, persecuted Palestinians. While my story may not extend to those whose Palestinian identity defines them most, I still am Palestinian...and I can no longer reside contentedly in a silence of my own making.
by ian christensen
boi tolo With each passing day my identity feels like a child on a raft drifting further and further out into the sea. Lost. « I don’t know who I am. I don’t know what I want. » The cold marble steps hugged me as I looked through the eyes of someone I can’t remember, or maybe never really knew? Yeah, I think it is the latter. Running - once with meaning - now with no direction but away from that which I can’t understand, because it scares me. I think it always scared me. But for a brief, albeit-in-the-moment-kind-of-complicated (but not really all that complicated) moment, that tight twisting and torrential wrenching ceased. I don’t know how to say this without sounding like a basic scruff trying to be deep but hold your vomit for the end, please. It was a blue, shimmery, glowey, Oh So Groovy FLOODing out of all that funk. The first time I felt it was on the street. Frying eggs and sticky smelly human waste littered my world. Haha, but then a random face. Red floral shirt. Electric blue, dazzling supernovas cradling dark brown, gentle eyes. Lost again. But a good lost. A lost that felt so sweet, so safe, so secure. A look, two seconds, turn, approach, and a cute little jump. BEAUTIFUL. But honey that was only the start. The icing on the cake, the one for the ages, the one I’ll tell my own kids when they too feel they have lost themselves. Blue again, this time stoic Ludwig sky. Soft rain stinging skin cradled by the echoes of the birds far off in the tropical trees. I had to look again…it couldn’t be real. But every damn time I peaked my eyes open there he was in so much beauty. My heart flipped, I thought it fell out of my chest. I almost wanted it to, because the berating and screaming it was doing inside me was almost too much to bare. That was a fall, but you know what really threw me off a mile-high cliff? A crowd. A big one. Purple lights and hot muggy air. Petite palm trees towering above. And that song…that song from an era long long past, from the beginning of my case of stolen identity. But he did it again. Jumped. And an unbearable tantrum of my heart. Then brown eyes, and then, wow, stay with me here: a Peace. A Peace like You. Can’t. imagine. At least I never could have, until I felt it. I don’t know what my identity is. But for just a little while, it didn’t seem to matter. That raft, that big open sea…it wasn’t something to fear, it was something to explore, with Him. Now I wear the memory in painted bees and rosy weeds until our rafts collide again.
jordan bardella, ou le nouveau politique idéal Nous sommes début 2019 quand le Front National (ou Rassemblement National), en crise et en recherche d’une dédiabolisation électorale, dévoile sa nouvelle étoile. Jordan Bardella, un géant de 23 ans à l’époque, est tête de liste du parti eurosceptique aux élections du parlement européen (un paradoxe fascinant qui a séduit les français). Oubliée Marion Maréchal (-Le Pen). Place à Jordan, qui s’impose autant par sa carrure et son physique de “français” que par sa troublante capacité à débiter des absurdités avec une confiance et un aplomb qui les rendent presque crédibles. Celui qui est maintenant vice-président du RN cite de Gaulle, fait référence à Voltaire et défile sur tant d’antennes télévisées qu’on se de-
mande si ça lui arrive d’être à Bruxelles. Il est contre la violence, l’antisémitisme et par son charisme, il permet au RN de retrouver une image “glamour” que la haine raciale et l’extrémisme lui enlevaient jadis. Il dépasse par la même occasion la France Insoumise et son image people et roots: un grand blond qui parle fort, c’est plus sexy que François Ruffin et son look de daron. C’est pour ça que celui qui est maintenant vice-président du RN est le nouveau politique idéal dans une société qui s’intéresse de moins en moins au fond et qui se raccroche à la forme. Sa méthode: répondre à tous les problèmes de la France par des solutions extrêmes de repli. Le coronavirus se propage dans le monde? Fermons les frontières. Le gou-
vernement veut faire un plan de lutte sur le communautarisme? “Il faut aujourd’hui éradiquer le fondamentalisme islamiste, [...] expulser les étrangers qui ont un lien avec le fondamentalisme islamiste.” Les français ne sont pas contents par rapport à la réforme des retraites? Votez Marine 2022, on retirera le texte. L’antisémitisme monte en France? Eh ben, c’est une fois encore la faute du fondamentalisme islamiste! Expulsons les fichés S étrangers... Le génie de Bardella repose aussi sur des raisonnements populistes habillés pour concurrencer les “vrais” partis. Point de départ de la démonstration: les politiques d’aujourd’hui sont déconnectés et n’écoutent plus les français. Inventons un héros, digne d’une tragédie de
Shakespeare: le “vrai” français. Le “vrai” français est pauvre et délaissé par l’Etat, car le RSA, l’école gratuite, la sécurité sociale, les APL, ce n’est vraiment plus assez, le “vrai” français est contre les migrants, car ils souillent sa culture et volent son emploi. Le “vrai” français est victime de la fracture entre le gouvernement et le peuple, parce que les macronistes sont arrogants et portent atteinte aux valeurs démocratiques. Le “vrai” français, finalement, est une victime, et Jordan son libérateur. Au débat des Européennes sur France 2, on lui demande d’amener un objet symbolique de l’UE. Il amène une passoire pour symboliser l’incapacité de l’Union à protéger les français. Tout le monde a une passoire dans sa cuisine, ça fait objet simple, du peuple. La passoire crie “je suis un des vôtres! Je vous ai compris, et je vous aime. Grâce à moi, tout ira mieux.” Ce qui nous amène à la conclusion finale: le RN est la solution à tous vos problèmes car ils sont connectés à vous. Ils sauveront les “vrais” francais de la position de victime dans laquelle ils sont actuellement plongés. Plus dangereux encore, Bardella n’a pas l’incompétence à peine masquée de Marine Le Pen et n’a pas l’audace de vouloir ramener l’écu ou de mener d’autres réformes farfelues. Il apparaît presque comme un “vrai” politique. Quand on le voit, on a une pointe d’amertume dérangeante. Comment se fait-il que ce grand communicateur bourré de charisme et de détermination a choisi l’extrême et ne s’est pas mis au service de la politique de la rationalité qu’est la gauche,
la droite, le centre? Comment se fait-il qu’un jeune homme ait choisi cette ligne politique si datée et si réductrice? J’appelle donc à un nouveau Jordan, un socialiste, un républicain, un centriste, un macroniste qui charme et qui rassemble, audelà des idéologies politiques, pour le vivre ensemble et le bien commun. Les techniques oratoires des populistes sont à étudier, puisqu’elles semblent être si séduisantes pour les “vrais” français. Apprenons à parler la langue de celui qui écoute (le populisme est une nouvelle grammaire politique, dixit Le Monde), plutôt que de décorer nos phrases de mots scientifiques ou d’expressions méprisantes (songeons au “pognon de dingue” d’Emmanuel Macron) pour cesser de faire courir l’idée qu’une Marine ou un Jordan sont mieux placés pour diriger notre pays et pour être à l’écoute des “vrais”. Cette nouvelle gamme de populiste, qui incluera très certainement Marion Maréchal dans le futur, est la plus dangereuse que nous ayons jamais connu. Jean-Marie et Marine Le Pen, c’est une chose, mais cette génération de jeunes extrémistes sera mortelle parce qu’elle arrivera à s’asseoir à la tête du monde. Arrêtons les! Ravivons la flamme du pluralisme politique, réinventons la manière dont nous parlons aux électeurs. Cessez de prendre les gens pour des cons, cessez de les prendre de haut. A partir du moment où nous sommes en démocratie, nous devons accepter ces voix extrêmes. Mais nous avons donc un devoir d’être à la hauteur du combat et de les empêcher d’ac-
céder aux postes clés du pays, et cela passe par une meilleure attention envers les régions délaissées de ce pays. Ma Moselle familiale, le Nord, tous ces territoires où les gens tournent en rond entre deux tours, deux cités, sans jamais connaître ne serait-ce qu’un espoir d’ascension sociale. Faites comprendre aux français qu’il n’y a pas de “vrais” français. Nous sommes tous une France, diverse mais à unifier.
Les racines chrétiennes de la France, une nouvelle arme ? Les mascarades les plus absurdes du bal de la présidentielle de 2017, continuent à défiler. Les événements et polémiques stériles ou non relancent des débats sur la question de l’islam en France, de l’immigration... La mélopée continue de monter en pression dans ce bal politique : les racines chrétiennes de la France, chantée par la droite et ses bords les plus extrêmes. En effet, face au péril de l’islamisme (ou de l’islam pour certains) d’aucuns exaltent et encensent les racines chrétiennes de la France. L’étendard des racines chrétiennes de la France a été agité lors des attaques qui ont ensanglanté la France, mais aussi contre « l’invasion » de migrants qui annoncent le « Grand Remplacement », ce ridicule épouvantail. Ceux qui chantent les racines chrétiennes de la France devraient savoir que la chrétienté s’est imposée à coup d’épées – comme l’attestent les multiples guerres de Religion, l’Inquisition… De même, ceux-là ne devraient pas oublier que la chrétienté porte un certain nombre de valeurs. Ceux qui rejettent avec violence les migrants en chantant les racines chrétiennes de la France connaissent-ils les versets bibliques qui suivent ? « Exercez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmures » (1 Pierre 4:9) et « Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable » (Esaïe 58:7). Ces chrétiens qui se rapprochent plus de la racine de la déformation de christanus et qui vomissent sur les étrangers (extra-européens), connaissent-ils ce verset biblique ? « Tu n’opprimeras point l’étranger ; vous savez ce qu’éprouve l’étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte » (Exode 23:9). Ceux qui s’érigent en défenseur de la laïcité, ne trouvent-ils pas étrange de faire preuve de partialité envers le
Christianisme et contre l’Islam ? Que dire de la pensée antinomique de Philippe de Villiers qui exaltait une « laïcité chrétienne » ? Ceux qui chantent les racines chrétiennes de la France savent-ils qu’une partie de la France fut musulmane comme l’atteste la découverte de tombes musulmanes datant du VIIème et IXème siècle ? Pourquoi exalter l’origine chrétienne de la France tout en ne respectant pas ses valeurs ? Cela revient à se comporter comme ces intégristes qui ôtent les vies sacrées en invoquant haut et fort le Coran. Face aux événements qui continuent à bouleverser le monde encore et encore, ne sombrons pas aux appels de ces sirènes identitaires des profondeurs abyssales qui prétendent préserver le trésor culturel de la France. L’identité de la France n’est pas immuable et n’a pas vocation à devenir un lithopédion identitaire. La France fut auparavant celte, se métissa avec les populations diverses qui s’installèrent au fil des siècles (Wisigoth, Francs, Burgondes...). La culture française ne fut donc pas calfeutrée dans cette identité-prison dans laquelle les extrêmes tentent de nous précipiter. « Ne soyons plus anglais ni français ni allemands. Soyons européens. Ne soyons plus européens, soyons hommes. – Soyons l’humanité. Il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie » – Victor Hugo.
L’identité au service de soi L’analyse de l’identité nous conduit à douter de ce dont nous croyons être l’émanation. Exactement comme la mémoire collective à l’échelle d’une société, l’identité individuelle est la mise en adéquation d’un ensemble confus d’évènements et de désirs dans le but de lui donner un sens. Plus que la conscience de ce que nous sommes, l’identité est la construction permanente de ce que nous désirons être. Sur notre campus, la réalisation de soi par la distinction identitaire est un des phénomènes le plus marquant que l’on peut observer. L’accomplissement individuel, ultime niveau de la pyramide des besoins de Maslow, incarne désormais le premier d’entre eux, en ce qu’il correspond à l’étape à laquelle l’ère post matérialiste de nos sociétés occidentales nous a propulsée. Au regard de l’environnement socio-scolaire du campus, l’usage instrumental bien que subconscient de son identité, apparaît comme le moyen privilégié de se réaliser. Opérons pour l’éclairer une distinction conceptuelle entre le contenu d’une idée politique et son contenant. Dire qu’une jeune bourgeoise parisienne devient vegan par adhésion intellectuelle aux valeurs altruistes et écologiques, c’est expliquer un positionnement par le contenu, la substance d’une idée, et c’est passer à côté de l’essentiel. Comprendre que cette attitude dont la rationalité politique est absente relève d’une affirmation identitaire associant volonté de rupture et désir de distinction, c’est rendre compte d’un positionnement politique sous le prisme de ce que cette posture lui confère. L’élite cosmopolite qui manifeste à la frontière sa solidarité avec les migrants, les entre-soi associatifs, conférant à ses membres le supplément d’âme qu’ils sont venus chercher, la pauvreté devenu vertu social dans le contexte de l’ère méritocratique, rentrent dans ce cadre d’analyse. Cette nouvelle grille de lecture qui pense le contenant d’une idée plus que son contenu rend alors visible cette fougue de la jeunesse, qui nous anime tous à différent degré. Le militant anti-nucléaire Jacques Chirac, le sympathisant socialiste
Mussolini, l’idéaliste de gauche Georges Clémenceau, ont eux aussi incarné cette étape de l’existence. Car le principal est ici d’éprouver sa vitalité, de se sentir devenir, d’être en communion avec l’être profond, qui n’est pourtant qu’un mirage. C’est ensuite l’expérience, la stabilité, l’enracinement de l’être dans une dynamique durable et rassurante, qui ancre la pensée dans la tradition. C’est également l’amorce du déclin. En prolongeant la réflexion, cette perspective nous permet de penser la contingence de la substance de l’idée, idée-positionnement devenu racine identitaire. L’existence social détermine la conscience disait Marx, L’identité sociale se forme dans le miroir que les autres nous donnent à voir de nous-même observait Cooley. Si la structure sociale sculpte l’être, à quoi ressemblerait l’être sans sa sculpture ? On peut répondre que l’être naît avec des propensions, propensions que l’existence active ou n’active pas – ce qui a l’avantage de penser la question du genre outre que dans une démarche purement constructiviste. Mais force est de constater que dans la détermination identitaire, le contexte est roi et l’individu très peu. Ainsi cette jeunesse citadine en perte de repères et en quête de sens, celle qui se rassemble aux marches pour le climat, qui modifie ses habitudes de vie, qui place ses espoirs et son énergie dans la lutte pour un nouveau monde, qu’est-ce qui la différencie des nazis du siècle dernier ? Dans les deux cas apparaît une dynamique réactionnaire, celle de la reconnexion avec les origines face à un capitalisme mondialisé et déstructurant. La vraie différence ne se situe pas dans le critère du bien et du mal qui appartiennent à la postérité, variable évolutive. Elle réside dans le degré d’anomie, d’errance, paroxystique dans l’Allemagne des années 1930, qui fut convertit en matrice identitaire d’une radicalité violente, conférant à ses membres un sens à leurs souffrances. Pourquoi choisir pareil exemple ? Pour souligner avec fracas la contingence de l’identité que le contexte nous donne à embrasser. Au siècle dernier, dans les rues d’aujourd’hui, sur notre campus, cet éternel mouvement de l’esprit qui renverse l’ordre établi et prend à revers ce qui est, est aveugle à la substance des choses et ne vise qu’à asseoir l’être dans une cohérence identitaire d’où il pourra se réaliser. Il n’y a en effet qu’une seule chose qui nous pré-
serve de l’anomie angoissante, qui nous sépare du vide, c’est la croyance. Nous aimons à croire. Ces ruines d’un passé sacralisé sur lesquelles on se console, le besoin de trouver et de nommer le mal qui s’incarne dans l’avatar qu’on lui a choisi : la destruction de la Terre, le libéralisme, le patriarcat. La survie de l’être en dépend.
De l’hypocrisie à la contradiction: accepter les ambiguïtés de l’engagement étudiant - Droit de réponse à l’article anonyme « Chers étudiants de Sciences Po » Cher anonyme, merci pour ton article ! Ta contribution est la bienvenue au Zadig, journal portant le nom de l’ouvrage d’un auteur qui jurait de défendre le droit, pour les autres, d’exprimer des opinions contraires à celles qu’il portait. De surcroît, ton article sous forme de pamphlet s’inscrit dans la tradition française de la polémique étudiante et puisque tu as décidé de t’engager sur le terrain de la controverse, la suite logique serait bien sûr un droit de réponse. Ainsi donc, tu estimes que la majorité des étudiants du campus, dans lesquels tu t’inclus –ce qui est fort bienvenu–, sont hypocrites dans leurs positionnements politiques. Tu cites les exemples majeurs du féminisme, de la critique du néolibéralisme, de l’écologie, des principes de tolérance qui contrastent avec le prétendu mépris affiché de certains étudiants. Encore une fois, ta lettre traite de sujets importants, puisqu’elle concerne l’engagement étudiant et la politisation sur le campus, deux thèmes auxquels le Zadig prête une attention particulière.
et malgré soi, à exprimer deux opinions contraires, ou bien à agir en porte-à-faux avec ce que l’on dit habituellement. Les différences notables sont l’intention et le but des deux attitudes : car a contrario de l’hypocrisie, la contradiction n’est jamais sciemment motivée et n’a aucun but précis. Et pour cause, la contradiction est un phénomène profondément naturel et rassurant. Que les jeunes marchant pour le climat à Paris soient parmi les plus gros pollueurs de la planète est un lieu commun sans cesse ressassé ; que, d’une manière générale, les militants, dans leurs actes, entrent en contradiction avec leurs idées est une évidence vieille comme le monde. Marx était un bourgeois ; Rousseau qui ne s’est pas privé de délivrer ses théories sur l’éducation a luimême abandonné ses enfants ; Jules Ferry était républicain et colonialiste. Dès lors qu’un individu s’engage politiquement ou exprime des avis, il est condamné à la contradiction. Et c’est tant mieux. Car la continuité, la totalité, et la parfaite cohérence, outre le fait qu’elles soient inatteignables pour un humain, ne sont pas, à bien y réLa continuité et la cohérence n’existent pas fléchir, une preuve de bonne foi : elles peuvent au contraire être vues comme des freins à la nuance, Ta première erreur est d’avoir confondu hypoc- à la dialectique, et même comme un signe d’enrisie et contradiction. La première relève d’une fermement idéologique. Il est heureux que dans volonté ouverte de faire ou de dire le contraire un système de pensée, il y ait des opinions conde ce que l’on pense, ou bien d’agir à l’inverse tradictoires, parce que cette apparente faille est de ce que l’on prône avec un but bien précis : une force : elle démontre que la réflexion laisse plaire en société, poursuivre un intérêt que l’on place au recul, à l’esprit critique, à la connexion ne pourrait obtenir sans cette attitude hypocrite. avec le réel. Tu en es d’ailleurs l’exemple parfait La deuxième consiste, pour des raisons pratiques, : tu te qualifies d’hypocrite car tu n’assumes pas
tes positionnements politiques. Cher anonyme, je te rassure, tu ne l’es pas : tu es simplement contradictoire, et tu aimerais qu’il y ait des opinions fortes et assumées sur ce campus, mais tu ne peux toi-même te prêter à cette attitude, pour des raisons pratiques qui te regardent et que nous devons tous respecter. Cela n’enlève rien au crédit de ton idée, ni à sa pertinence, ni même à sa sincérité. De même, les étudiants dénonçant le néolibéralisme mais continuant à jouir des plaisirs de la consommation ne sont pas hypocrites : eux aussi se contredisent, car ils ne sont nullement motivés, lorsqu’ils critiquent le libre-échange ou la financiarisation de l’économie, par une volonté de plaire ou d’obtenir quelconque intérêt. Sincères dans leurs idées, et dans leurs actes, ils n’arrivent simplement pas, pour l’instant, à mettre en cohérence les deux. L’hypocrite est celui qui n’est pas honnête dans ses idées, qui prêche une théorie alors qu’il pense exactement l’inverse, par intérêt. C’est Tariq Ramadan, dont on apprend toujours un peu plus le caractère pour le moins débridé de sa vie sexuelle, qui vient prêcher la bonne morale pour étendre son influence sur les jeunes. Les anticapitalistes de ce campus, bien qu’ils mangent au McDonald le midi, pensentils le contraire de ce qu’ils disent ? La réponse est non.
de celui qui la prononce. Quel dommage ! Dans l’espace public, les vies personnelles et les arguments ad hominem comptent moins face à l’engagement public. Cette séparation des sphères entre le public et le privé est au fondement du principe de la conversation à la française, et de toute la démocratie en général. Ce qu’un individu fait dans sa vie privée, du moment qu’il reste dans le cadre de la loi, ne doit pas intervenir dans le débat. Pour juger de la crédibilité et de la légitimité de sa prise de position, seule la consistance de ses arguments, la profondeur de son raisonnement et l’intérêt de ses exemples importent. Bien sûr, si sa vie personnelle est en parfaite cohérence avec ses engagements, cela donne un poids supplémentaire à son propos, mais la conformité entre vie privée et vie publique est loin d’être le seul crédit pour juger d’une opinion.
chose, pour changer le monde, pas plus que ne le peut une somme d’individus : ce sont les choix collectifs qui comptent. Comment reprocher à des individus de prendre l’avion tant qu’aucune forme de rationnement des voyages ne sera pas mise en place, et tant que l’on vivra encore dans un système social, culturel et économique fondé sur la mobilité ? Savoir si les écologistes du campus prennent l’avion ou non est un débat accessoire face à celui consistant à déterminer si ces mêmes écologistes veulent ou non en finir avec le libre-échange, la financiarisation de l’économie et les industries polluantes qui sont les responsables du désastre écologique. De l’hypocrisie de droite
Ta quatrième erreur, qui résonne plus comme un lapsus révélateur, est de n’avoir pointer du doigt que « l’hypocrisie L’action individuelle compte » de gauche : celle relative au moins que la régulation col- féminisme, aux droits de l’homlective me, à l’écologie, à l’anticapitalisme... bref, à des valeurs Ta troisième erreur est certaine- traditionnellement classées à ment la plus cruciale. En visant gauche. Quel dommage d’avoir par exemple les écologistes qui oublié les personnes du camn’hésitent pas à prendre l’avion, pus se réclamant d’une droite tu as sous-entendu que la poli- forte, et que l’on aperçoit partique était une affaire de com- fois fumer des substances peu portements individuels. Il y a compatibles avec le conservadans ce raisonnement quelque tisme sociétal ! Quel dommage chose de profondément anti- aussi, de ne pas avoir mentionpolitique : car le présupposé né les macronistes invétérés de la démarche politique est de qui se permettent de faire des La vie privée n’est pas le seul penser que les comportements remarques déplacées sur le crédit d’un engagement poli- individuels ne se régulent pas mode de vie dépensier ou le tique seuls, et qu’une instance ap- prétendu excès d’argent d’aupelée l’État est chargée de la tres étudiants du campus ! À se Ta deuxième erreur est d’avoir régulation collective. Autre- pencher sur la question, il n’est réduit la légitimité d’une prise ment dit, un individu ne peut pas étonnant que tu aies inconde position, à la vie personnelle rien, ou en tout cas pas grand sciemment omis cette forme
gauche n’y est pas pour rien dans cette défaite de la réflexion. Encourager plutôt que délégitimer
Ta cinquième erreur, enfin, est la plus grave. En parlant de la sorte de la politisation sur le campus, et en décrédibilisant l’expression d’avis engagés, tu commets le risque de délégitimer et décourager un peu plus des étudiants qui peinent déjà à s’engager politiquement, voire à s’engager tout court. Dans un campus où un tri parfaitement implicite et arbitraire est fait entre ceux que l’on a l’habitude de voir s’exprimer et ceux dont l’on a défini qu’ils n’auraient jamais la parole, où des personnes confient n’avoir pas osé s’exprimer lors de débats politiques, où l’on assiste encore à des hésitations, à de longues précautions oratoires avant de prendre la parole en classe, où peu d’étudiants sont politisés comparativement à d’autres campus, penses-tu que la priorité est d’encourager l’expression étudiante, de la valoriser, de s’efforcer d’y trouver un intérêt quelconque, ou bien de la décrédibiliser en la taxant sans excès de finesse « d’hypocrisie » ? Ce n’était peutêtre pas ton but, mais voici le résultat : contribuer, toujours plus, pour se donner bonne conscience, à un conform- à faire peur aux étudiants et à les cenisme général, ou justement à un anticonform- surer de manière insidieuse. Pour ma isme lié à la fougue de la jeunesse. Jamais une part, je considérerais que, tant qu’il personne ayant quelques valeurs de gauche n’a y aura toujours des blocages à l’exde convictions profondes. Au contraire, les gens pression engagée d’étudiants, la pride droite sont ceux qui réfléchissent, qui ont de orité sera de faire sauter ces blocages, véritables convictions fortes et détonantes – ja- plutôt que de discuter du bien-fondé mais ils ne pourront être taxés d’hypocrisie. Ce de telle ou telle intervention, de l’hyraisonnement qui nimbe ton pamphlet n’est pas pocrisie ou non de telle ou telle prise uniquement de ton fait : c’est tout une hégé- de parole. monie culturelle qui laisse penser que gauche et hypocrisie sont fondamentalement liées – et la
by beeta davoudi
d’hypocrisie de droite, que j’appellerai pour ma part « contradiction », car je ne remets nullement en question la sincérité des étudiants de droite. Dans l’imaginaire collectif, et dans le tien semble-t-il, il est a priori suspect d’être de gauche et d’être sincère : toute forme de pensée de gauche, même articulée, est assimilée immédiatement à la bien-pensance, à une forme d’hypocrisie faite
irrational homesickness Homesick for a place that I have never called home. Not sure how or why because it is all quite nonsensical. But I still miss the dusty streets. The busy roads. The smell of cooking meat. Parks filled with families in the night. This place has never been my home and yet I miss it every day, as if I have known its red lips, its white skin, and its green hair. Looking out the plane window, you could always see the huge ‘Z’ drawn with street lights, like the golden beads of a necklace, across the twinkling Tehran night. Stepping out of the plane to smell the gasoline in the warm air. Laughing and crying in the arms of aunts and uncles who, for years, were mere voices on the phone. These were moments that, when they came, I would clutch onto, so tightly that my nails would dig deeply into them, and as they passed by slowly I would still cling onto, so that they would pass a bit slower, so that their sweet taste could stay in my mouth a little longer, so that they would become a memory a little later. Summer days passed with my face in front of the
warm breeze from the air con of a 5 seater Peykan which was carrying the 9 of us. Looking out from the dusty window at the Alborz mountains which drew a brown horizon against the warm blue sky. Cutting into a cold watermelon, the crack of the hard skin, showing us a red as sweet as honey. Watching the Caspian Sea calmly rock back and forth. The red flesh of the watermelon spills onto the sky so it becomes purple as the sun begins to hide under the sea. Swinging back and forth on a tire hung under an apricot orchard tree. My brother shooting tin cans. The smell of charcoal dancing in a fire. These long summer days are engraved in my mind. They are the reason why I dance with my hands, take my tea red, and coordinate my breaths with the rhythm of the tide. When I listen to Yaghmaei singing through my orange speakers, I look out my window onto the Mediterranean sea, and I smile at it because she looks so familiar; she shines clear white just like the Caspian Sea. But the zoolbia here just tastes different. The taarof could never be as intense. The tadig not as golden. I still find it strange that I have such a strong inclination to be beside a sea which I have only known for a few days every couple of years. It makes little sense that I yearn for a soil which has touched my skin only in passing. I find it hard to understand that my lungs prefer the taste of an air which have long passed out of their system. It must be something as irrational as the air, the soil, and the sea, and its chemistry with my body, for I have no other explanation. It’s certain sights, smells, sounds which speak to the soul and which are transcribed directly onto the mind, in the form of a tattoo, beautiful, and intricate. I’ve heard that the Alborz isn’t as powerful anymore; they took of the soil that used to sit on his head like a crown, and they made bricks with it. They told me that the Caspian doesn’t glow blue anymore; they made it muddy with waste. They say that you don’t see the purple as the sun sets, because she rises and sets from a grey cloud of pollution. I wish that I could see for myself. But most of all I hope that the yellow Z, sketched across Tehran, can still be seen before landing.
melt your curls away We tend to praise America for being a melting pot of different cultures, but the very action of melting away our differences is exactly why this narrative is so problematic... Frizzy. Poofy. Knotty. Ugly. For practically our whole lives, those were the only words we deemed appropriate to describe our curls. We accepted as an undeniable truth that our hair was hopelessly hideous, and absolutely nothing was going to change our minds.Subsequently,we set out on a quest tohide our hair. Whether we tamed our frizz with two braids, unlovingly piled it in a bun, or heartlessly burned our curls with a straight-iron, we were hoping to fit the beauty standards we let society define for us. These are our inherently different stories, told through the crossroads of hair, skin, and identity.
childhood Ysabella I plucked my eyebrows from the third grade, straightened my hair since the fifth grade, and always wore 100 spf sunscreen and avoided the sun.My childhood can be defined by the feeling that Iwas the “ugly” girl in my predominantly white town and I did everything I could to fit in with the girls that we all considered to be pretty. While my experience is not the same as a black girl’s, and I recognize that I did have many privileges in the society I grew up in, this does not invalidate the feeling of pressure from living in America that causes anyone who does not fit the look of the “girl-nextdoor” to feel like an outcast. Moira When I was in preschool, the other kids would call me and my older brother “poop-skin.” Though I didn’t understand much about the real world at the time, I was certain that life would be much more enjoyable if only I had blonde hair and blue eyes, just like the Barbie dolls that Inot only played
with, but idolized as the epitome of beauty. In elementary school, when we would learn about slavery during black history month, teachers and classmates would look at me partly apologetically, partly excitedly, as though I could relate to the experience of being a slave and assure them that it wasn’t that bad. I was “jokingly” called a lion throughout elementary school because of the frizzy baby hairs that framed my face like a lion’s mane.One day in second grade, when my mom convinced me to wear my natural hair down, I came home sobbing because of all the people touching my hair with disgust and laughing about how big and poofy it was. Iwas constantly asked why my legs were so ashy and why my hair was so frizzy. I would get so embarrassed whenever my parents would come to school and my friends would hear their accents and ask how my dad’s skin could be so dark. Going to stores with my dad would make me feel so anxious because I dreaded seeing the hurt and humiliation on his face when he realized he was getting followed.In middle school, a friend of mine told me that all black girls were ugly and
he would never want to date one. He and our other friends then got annoyed with me for being hurt because Iwas “only partly black” so he was not really talking about me. When my friends would use “the n word” with eachother and in songs, I would feel powerlessto speak up against it because I feared more than anything of associating myself with the stereotype of the angry, aggressive and unapproachable black woman. I poured all my energy into becoming “nice” enough,which in reality just meant passive enough, that my identity as a black person could be overlooked. By the time I got to high school, I had very little confidence in myself, a consequence of years of feeling as though the color of my skin and the texture of my hair undeniably defined me as inferior. My negative self regard was perfectly reflected in the way I treated my hair: spending hours every week destroying my curls with a straightener, hoping to reduce the unwanted visibility of a person of color in my small Pennsylvanian town. Ysabella
My “skin-brightening” toner was a little green bottle of magic that promised me beauty when Iwas younger. I would use this product religiously, in hope of lighter skin. While gym was everyone’s favorite class in elementary school, I hated how every time we went outside Iwould get darker.To me each layer oftan was something more I needed to worktotake off, tomelt down into beautifully brighter skin. I would avoid the sun for so many summers, sometimes because my mom told me to, but mainly because I felt like Ineeded to. I was a kid who cared more about avoiding a tan than I did about having fun and enjoying my summer. As I grew up, the ethnic-ambiguity of my appearance often resulted in me being described as “exotic.” While dehumanizing, I also often took it as a compliment when people would askme if I was from various European countries, as I associated these people as closer to the beauty standard that I wanted so badly to achieve. The melting pot of America meant that any background was possible, yet it still imposed upon us an image that we were supposed to conform to in order to be considered beautiful.But my curl’s roots are not in my head, they are in the waves of the Pacific and Mediterranean Seas, and they never fit into the the strictly cut highways that carved New Jersey’s suburbs.
Menton, the heat and humidity quickly made my previously perfectly straightened hair frizz and curl, showing its more natural state.My routine proved itself to be unsustainable, and I quickly learned that my natural hair would be something that I would need to learn to embrace. This sentiment was further fostered by the way that the diverse people on this campus wore their hair with so much confidence in all its natural glory. While I was burning and literally melting away my hair to fit in with what I considered to be beautiful, Ifailed to turning point recognize the ugly side to fitting in withthe people around me. I should have been proud of how Moira Spending my junior year abroad I looked for years instead of in Toulouse, France was the first straightening out my hair and time in my life that I would be hiding what made me different. living outside of my small town. Embarrassingly enough, I would My two best friends in class straighten my hair for everywere named Cristiana and Ro- thing—even trips to the beach. simèle. Cristiana was half-Italian, half-Equatorial Guinean, Moira and Rosimèle was half-French, I began to wonder why I wasn’t half-Mozambican. Both had as proud of my origins, and lived in Africa for most of their when I could not think of an lives, a fact they often proud- acceptable answer, I came up ly stated. I am half-Sudanese, with a new challenge for myself. half-Egyptian, but because most Instead of hiding my frizz, I was of my American classmates had going to embrace it—a no idea where Sudan was and feat much easier said than simply associated Egypt with done. The first time I ever wore pharaohs and mummies, my my natural hair down was one ethnic identity was not a sub- of the most terrifying days of ject I openly discussed. Seeing my life. I had never felt so vulmy twobeautiful friends so con- nerable. Walking into school fident in their dark skin, long that day, I dreaded the inevitalanky legs and big frizzy hair ble comments on the bigness It was not that our families did was eye-opening. I didn’t know and frizziness of my curls. As I not tell us that we were beau- that anyone who looked like me braced myself for the countless tiful, it was the world around could be so confident in their unwelcome demands to touch us that made us believe that own skin. my hair, Ialmost convinced we were not. All we knew was myselfto use the emergency “normal”, small-town Amer- Ysabella scrunchie I had put in my bag. ica. Not even the TV shows I The first day of school here in To my surprise, however, my watched had black characters that I could relate to; instead, all of them seemed to be oversimplified caricatures of who a black person is. And just forget about seeing an Asian or Middle-Eastern girl in American TV shows. We had never fit America’s mold, so we straightened our hair so that maybe we could melt just a little. For girls of color, straightening our hair does not make us feel prettier; at the very root ofit, it feels like a necessary step to make us pretty in the first place.
classmates ended up finding my hair beautiful. Yet as much as it felt nice to have their approval, what was really meaningful about that day was the validation I gave to myself. Living in France was the first time I felt as though my physical appearance was not the main defining factor of who I was and of what I was capable of.I was asked about my “origines” and my “nationalité”, but never my race (a forbidden word in the French language). The sudden loss of race as my defining factor gave me the confidence to define my identity by my accomplishments and my actions. It was an incredibly liberating feeling that has had lasting effects on who I am today, for which I will forever be grateful. However, coming back to France for a second time this year has given me a more ambiguous view of this characteristic of French culture. Ysabella As a half-Asian, half-Arab American, I have finally been learning to accept that the thoughts Iwould have about the reflection I saw in the mirror were more than just wrong: they were grossly an unacceptable product of American society. I do not fit intothe typical beauty ideal and I never will. Iamnot perfect, but I am learning more and more, each day since joining the diversity that is Sciences Po Menton, on why the world should not reflect impossible homogeneity. Instead it is our differences that make life beautiful. There should not be a look of an “American girl”—we should not all melt into one entity—but instead embrace the fact that we are all different.
france, re-evaluated While we are endlessly grateful for the confidence that we have gained since living in France, we have become aware that its mentality on race relations is problematic as well.In America, our differences in race are all that we are, whereas in France, these differences that have shaped our identities are completely overlooked. While appearance defines the American experience and racism is proven to exist, the word race is not part of the discussion in France—when it should be. We are not blind to race. In fact, if you do not see one’s race you can not see a part of their history in this world. Society is not blind, and race plays an integral role in determining our treatment in this world. While race relations may appear to be less prominent in France, a much bigger issue is at stake. In this country, people’s refusal to accept that race effects experience disguises French ignorance of a race problem under the pretext of promoting equality. We are not all treated equally and if we do not talk about how our differences have defined us and how we act in relation to others, we are even worse off. To not acknowledge an obviously present issue allows those who refuse to acknowledge its existence—our existence—to continue to enforce a harmful narrative that our stories and our experiences are inherently less valuable. Our hair does not tell our full story of identity, it represents just a small aspect of the trou-
bling mentality that to be “American” means to look a certain way that fulfills American beauty standards. America taught us to attempt the impossible task of fitting in, while France taught us that superficial acceptance does not always translate into a healthy relationship with identity. We still struggle today with how we define ourselves through the blur of race, ethnicity, and appearance, but one lesson that is clear is that we cannot pretend like we do not see the power of color in a world that is intrinsically diverse.
alere sur la disparition des abeilles
Décimées par les pesticides, menacées par le réchauffement climatique ou encore dévorées par des parasites ou des espèces invasives... depuis plusieurs années, à travers le monde, les apiculteurs tentent d’alerter la population sur la disparition des abeilles. Il semblerait que nos dirigeants et concitoyens ne mesurent cependant pas le désastre imminent que la disparition des abeilles, et plus largement de tous les insectes pollinisateurs, représente pour l’humanité. Dans un monde où certains agriculteurs chinois se retrouvent contraints de polliniser à la main et où la France et l’Espagne sont les plus gros consommateurs de pesticides, il est important de laisser s’exprimer et surtout d’écouter ces apiculteurs qui tirent la sonnette d’alarme. Dans cette perspective, il paraît intéressant de donner la parole à deux hommes d’une même génération, paysans partageant la même passion pour leurs terres et leurs abeilles mais vivant sur deux continents différents. L’un est agriculteur à la retraite vivant dans l’ouest de la France et se consacrant à l’apiculture de loisir. L’autre est apiculteur professionnel possédant des ruches dans l’ouest de la Colombie, au milieu des champs de café, depuis près de quatre-vingts ans.
- Vous êtes donc également apiculteur, combien avez-vous de ruches ici et depuis combien de temps ? Comment décrieriez-vous votre activité apicole, est-elle professionnelle ou récréative ?
Felipe : J’ai des ruches depuis mes six ans, période où je vivais avec ma famille à l’Esperanza, où nous gérions une plantation de café. J’ai commencé par avoir des abeilles “meliponas”, c’est-à-dire des abeilles qui ne piquent pas car elles n’ont pas de dard. Il en existe plusieurs races comme les “Angelitas” qui sont extrêmement petites, - Bonjour, pouvez-vous vous ment à coté de la municipalité les “Cortas-cabello” et les “Cride la Celia, êtes-vous né ici? présenter en quelques mots ? ollas”. Le problème avec le miel de ces abeilles c’est qu’il est Felipe : Je m’appelle Luis Felipe Felipe : Oui, je suis né à la Celia périssable, il ne contient pas Echeverry et j’ai quatre-vingt-six dans la région de Risaralda en de substances préservantes. ans. Je suis apiculteur depuis Colombie, mais j’ai beaucoup Les abeilles qui ont des dards mes six ans et je dispose donc changé d’endroit au cours de piquent les alvéoles et y dépode beaucoup de connaissances ma vie avant de revenir m’in- sent des préservants qui font sur les abeilles : comment nais- staller ici. que le miel peut être conservé sent les reines, comment s’expendant sept cents ans sous trait le miel et le pollen…. J’ai - Vous vivez actuellement à la forme cristallisée. Quand un commune miel se cristallise cela indique fait des études de technicien Chapelle-Launay, agricole au sein de la fondation dont vous avez été maire durant que c’est du bon miel. Manuel Mejia pendant deux 24 années et sur laquelle vous ans, puis à l’université de Caldas avez également été exploitant Alphonse : Comme je viens de agricole, êtes-vous né sur ces l’indiquer j’ai une activité apidurant une semaine. terres ? cole récréative, je produis du Alphonse : Bonjour, je m’apmiel pour ma consommation pelle Alphonse Allain, j’ai ac- Alphonse : Je suis né au Pon- personnelle ainsi que celle de tuellement quatre-vingt-neuf treau à la Chapelle-Launay tout mes proches. Je possède actuelans. Je vis tout près de la Cha- près de mes terres, je suis actu- lement 4 ruches. J’en possédapelle-Launay dans la région des ellement agriculteur retraité et is une de plus en 2019 mais la je suis devenu apiculteur de loi- reine a dû mourir et la ruche n’a Pays de la Loire en France. sirs il y a de cela environ quinze pas réussi à remérer, c’est-à-dire - Vous vivez dans la région du ans. reproduire une nouvelle reine café en Colombie, plus précisépour diriger la ruche.
- Votre production est-elle influencée par les saisons ?
onde récolte fin aout, début septembre. C’est la récolte la plus importante en quantité et Felipe : Ici nous n’avons pas réel- c’était la seule récolte possible lement de saisons, nous avons avant l’arrivée des cultures de un climat clément toute l’année. colza. Il y a deux périodes de pluie en avril et mai, puis en octobre et - Avez-vous été témoin de novembre, mais ces périodes changements environnemenpluvieuses n'empêchent pas les taux significatifs dans cette réabeilles de travailler. Elles ne gion depuis que vous êtes apisortent pas sous la pluie mais au culteur ? Quels sont les effets moment où le soleil revient elles sur les abeilles ? Selon vous, partent butiner et en seulement quels dangers cela représente quelques heures il y a du miel pour les animaux ? qui peut être récolté. S’il pleut durant plusieurs jours et qu’elles Alphonse : J’ai pu observer en ne peuvent pas sortir, elles vont tant qu’agriculteur l’arrivée du manger du miel pour survivre. varois vers les années 1980. Le Ici, les abeilles produisent toute varois est un parasite particul’année. Sur ces terres, nous lièrement nuisible qui s’introavons une température qui se duit dans la ruche, s’attaque aux maintient entre 18 et 20 degrés. abeilles et particulièrement aux Cela permet d’avoir du miel couvains de celles-ci. pur toute l’année, comme nous n’avons pas de période de grand Il y a ensuite eu l’arrivée du frefroid, il n’est pas nécessaire d’al- lon asiatique depuis environ dix imenter les abeilles avec du su- ans. Il est arrivé en France via cre par exemple. Si une colonie Bordeaux et il est remonté vers est un petit peu fragile, je vais la le Nord peu à peu. Il est nécesnourrir avec le miel d’une autre saire de surveiller les frelons colonie qui est plus forte. avec l’arrivée du printemps et de tenter de les piéger car sinon Alphonse : En France, la pro- ils risquent de détruire les esduction de miel est forcément saims. Personnellement, je n’ai influencée par les saisons, elle pas encore été concerné mais s’étend pour ma part entre mai j’ai beaucoup de collègues qui et juillet. En dehors de ces mois, le sont. les abeilles ne sortent pas ou Depuis 3 ans, la sécheresse sévit peu, et récoltent uniquement dans la région. Les abeilles arpour se nourrir. Depuis quelques rêtent donc plus tôt leur récolannées, je fais une récolte au te car elles trouvent moins de printemps, cette récolte est di- plantes à butiner, elles arrêtent rectement liée à la culture du généralement fin juin. Colza dans la région. C’est une Il existe également un risque récolte assez spécifique car si le avec les produits phytosanimiel n’est pas récolté au prin- taires qui peuvent entrainer temps, le colza se fige dans les une diminution du nombre alvéoles, il durcit et ne peut plus d’abeilles et de la pollinisation être extrait. des végétaux. C’est en période Il y a obligatoirement une sec- de floraison qu’il y a le plus de
risques pour les abeilles ! Les insecticides et les fongicides sont les plus dangereux mais de façon générale les herbicides ne sont pas très bons non plus. Felipe : Je n’ai plus de problèmes avec le “Varois” depuis que je fumige les ruches avec de la fumée d’‘Altamisa” qui est une plante qui tue les “varois”. - Avez-vous constaté un changement important dans votre production récemment ? Felipe : J’ai eu des problèmes avec un voisin qui m’a tué cinquante-quatre ruches en fumigeant avec un insecticide très fort appelé Thiodan. Il fumige ses plans de café pour détruire la “Broca” qui est un parasite qui s’attaque aux plantations de café. Mon voisin fumige avec des machines fixes mais aussi avec des appareils se portant sur le dos. Il fumige la caféière pendant la période de floraison et toutes les abeilles qui butinent les fleurs à cette période soit sont tuées sur le coup, soit contaminent le reste de la ruche. Pour moi les actions de cet homme sont illégales car tout le monde sait que si les abeilles disparaissent, le monde disparait avec elles. Le problème en Colombie est que les riches ont tous les pouvoirs, dans mon cas, mon voisin est un médecin qui dispose d’une influence sociale suffisante pour fumiger sans avoir peur d’éventuelles sanctions. Alphonse : J’ai eu un changement de production suite à l’arrivée du colza (deuxième récol-
te réalisée à la fin du printemps) mais j’ai également subi des changements dus aux vagues de sécheresse des dernières années.
essayer de récolter le miel avant les périodes de fumigation. Aujourd'hui mes ruches sont situées sur un site qui fait partie d’une campagne du ministère de la santé qui tente d’inter- Selon vous, quelles solutions dire les fumigations proches de pourraient être apportées afin certaines terres comme celles de sauver les abeilles ? hébergeant des ruches. CepenFelipe : Nous sommes obligés dant ces campagnes prennent de subir les conséquences des un temps considérable avant fumigations car nous n’avons d’obtenir des résultats. pas la force pour nous y oppos- Alphonse : Il y a besoin de luter. Notre unique solution est de ter contre le frelon asiatique, continuer à diviser les ruches et le varois et les autres parasites
potentiels en appliquant des traitements réguliers qu’il faut répéter tous les ans. Pour la sécheresse, il est malheureusement impossible d’y remédier individuellement, il faut que ce soit une action globale. - Sans changements, quels sont vos pronostics quant à l’avenir des abeilles en France, et plus largement à l’échelle planétaire ? Felipe : Il faut lutter et surtout ne pas faillir car si nous abandonnons : premièrement en tant qu'agriculteur nous perdons notre revenu mais surtout, nous nous devons de protéger les abeilles. Personnellement, j’adore les abeilles, cela fait 80 ans que je passe du temps avec elles. Alphonse : Sans changements nous allons faire face à une aggravation de la diminution des abeilles et à de plus en plus de difficultés pour la pollinisation des végétaux, ce qui est un problème capital dans notre société actuelle car nous avons besoin des cultures et de la nature pour survivre sur notre planète.
felipe, apiculteur colombien by lisa-marie auger
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