VENDREDI 12 FÉVRIER 2021 / FRIDAY FEBRUARY 12TH, 2021
SCIENCES PO PARIS, CAMPUS DE MENTON 88 | ON THE OTHER SIDE OF TOMORROW, THERE’S STILL A MOTHER’S SMILE
10 | NEW : “LE COUP DE CRAYON” CARICATURES MENSUELLES / MONTHLY CARTOONS
60 | LA DÉCONSTRUCTION REPRÉSENTATIVE DU BLACK BLOC ET SA PERTINENCE AU XXIE SIÈCLE
12 | OLIVIER DUHAMEL: SONDAGE ÉTUDIANT / STUDENT SURVEY
2020-2021
N˚3
CONTENTS
What Does it Feel Like to be a College Student with COVID? by Ada Baser p. 8-9
La maison Sciences Po est battu par les flots mais ne veut pas sombrer par Joseph Siraudeau p. 18-19
NEW : “Le Coup de Crayon”, Caricatures Mensuelles / Monthly Caricatures par / by Eliana Seroussi p. 10-11
“Against the Loveless World”: Sciences Palestine’s Winter Break Book Club by Olivia Jenkins (Sciences Palestine) p. 20-21
Affaire Duhamel : Résumé, Caricature, Sondage Étudiant / Duhamel Case: Summary, Caricature, Student Survey par / by Eliana Seroussi p. 10-13
Should we Separate the Art from the Artist?: A Commentarty on Armie Hammer Allegations by Barbara Kuza-Tarkowska p. 22-23
Des Antilles au Chlordécone : quand un scandale d’état révèle l’héritage de l’économie de plantation coloniale par Elza Goffaux p. 14-17
Entretien avec Nesrine Slaoui, autrice de « Illégitimes » et ancienne élève de Sciences Po par Sania Mahyou p. 24-27
L’Émission de RFM Grâce au nouveau partenariat créé par l’association étudiante Perséphone avec la radio locale Radio Fréquence Méditerranée (RFM), Le Zadig a pu atteindre un public plus large en dehors des murs de notre campus. Le 23 janvier, avec les autres associations d’Agora et Sciences Po TV, ainsi qu’avec la directrice de notre campus Yasmina Touaibia, Le Zadig a participé à la première émission de la nouvelle série « Dictaphone », dans le studio de RFM à Castillon. Diffusée en direct sur Facebook et maintenant enregistrée sur le site web de RFM ainsi que d’autres plates-formes en ligne, l’émission comprenait une introduction de chaque association étudiante et une courte discussion sur le sujet de “La place des médias dans la société”, notamment sur les thèmes de la technologie dans les vies des étudiants, la subjectivité et l’objectivité dans les médias, et la liberté de la presse.
@lezadig
Nouvelle Série sur Insta New Series on our Insta Le Zadig est de retour sur Instagram! Promis, pour de vrai cette fois. Suivez @lezadig et retrouvez notre publication hebdomadaire, dans laquelle vous adorerez découvrir, tous les lundis, 5 faits d’actualité que vous avez (probablement) manqués. À venir : la présentation des brillants chroniqueurs de l’équipe, qui continuent de vous surprendre à chaque édition. D’autres nouveautés arrivent, mais gardons du suspense… Si vous avez des suggestions, glisser dans nos DMs ! Le Zadig is back on Instagram! We promise, and for real this time. Follow @lezadig and find our weekly series on Mondays, in which you’ll discover 5 news stories you (probably) missed. Coming soon: a presentation of Le Zadig’s brilliant columnists, who continue to surprise you with each edition. Other novelties are coming as well, but let’s keep suspense… If you have any feedback, slide into our DMs!
La Pornographie : plaisir éphémère, effet pervers par Daniel Santana p. 28-29
Does the Sciences Po Menton Administration Fall Short? by Celeste Abourjeili p. 42-45
ographie
(White) Emily in Paris: Reflecting on “Emily in Paris” as an American of Color in France by Santosh Muralidaran p. 46-51
Managing Migration: Now and in the Future by Philipp Frank p. 30-33
Rebranding Racism: How the American Left can Combat Racism More Effectively by Madeline Wyatt p. 52-53
Six ans plus tard : un « après » difficile pour la liberté d’expression en France par Noa Chasles p. 34-35
From Behind a Screen to in Riot Gear: How Social Media Fueled the Insurrection at the U.S. Capitol by Ada Baser Les élections législatives au Maroc : comment p. 54-55 la démocratie s’insère dans la monarchie dans le pays d’Afrique du Nord par Samy El Maloui p. 36-37 Le rapport de la France et la diversité culturelle par Mariem Ben M’Rad p. 38-41
Les Dangers de la « cancel culture » par Noa Chasles p. 56
Why Humans Aren’t Meant to Fly by Ismaeel Yaqoob p. 57 Street Food : origines et sociologie d’une pratique culturelle par Meriem Smida p. 58-61 La déconstruction représentative du Black Bloc et sa pertinence au XXe siècle par Joseph Siraudeau p. 62-65
What Rome Can Teach us About the Insurrection at the U.S. Capitol by Audrey Kost p. 72-73 “Euphoria”: A Personal Analysis by Maryam Alwan p. 74-75 “Ask Le Zadig” : Colonnes de Conseils 1-2 / Advice Columns 1-2 par Saad Semlali / by Celeste Abourjeili p. 76-81 L’idée de terre au sein du conflit israélo-palestinien : le regard double d’un espace partagé par Lounis Jahidi p. 82-87
Zionism and the Debate of Indigeniety: The Need to Shift the Conversation by Maryam Alwan p. 66-69 Kamala Harris in Vogue: An Anlysis on How we Portray our Female Leaders by Lucille Milligan p. 70-71
On the Other Side of Tomorrow There’s Still a Mother’s Smile by Yusef Bushara p. 88-89
Corrections from Dec. Edition #2
Notre Équipe / Our Team
In the article “The Arab World: Fractured or United?” on pages 42-43, Emmanuel Houalla was cited as a Lebanese Christian, when he in fact identifies as a Lebanese Sunni. His quote (“...it depends on the context…”) in the 10th paragraph is also corrected to be: “I think that it really depends on the political-social context in which we grow up, the different influences to which we may be subject, but also our adherence or rejection to them. We have to go beyond the religious identity stereotypes that we sometimes use too systematically. As an example, Michel Aflaq was surely one of the greatest thinkers of pan-Arabism, he is nonetheless of Christian origin. Issues of identity and belonging are complex.”
santosh muralidaran - rédacteur en chef editor-in-chief celeste abourjeili - head of staffwriters saad semlali - head of staffwriters selma sisbane - communications manager eliana seroussi - designer and cartoonist ada baser - designer emma pascal - designer maëlle liut - website manager
NOUVEAU / NEW
COURRIERS DES LECTEURS LETTERS TO THE EDITOR Chers lectures du Zadig,
Dear Le Zadig readers,
Ce que je vais dire peut sembler un peu cliché, mais c’est néanmoins vrai : en août dernier, à mesure que je me préparais pour une nouvelle année du Zadig, je n’aurais pas pu imaginer que, face à une pandémie (qui est, à ce stade, sans fin), notre journal connaîtrait une telle croissance et nous atteindrions des hauteurs jamais atteintes auparavant. Depuis le début, la force motrice du Zadig était le fait que le journal est autant le nôtre que le vôtre. Nous n’avons jamais essayé d’être exclusif parce que, dans un très petit campus et en tant que seul journal étudiant de ce petit campus, il est capital que nous offrions une plate-forme pour tous. Maintenant, dans cet esprit là, nous voulons aller plus loin.
I know it may sound rather cliché, but last August, upon preparing for a new year of Le Zadig amidst a pandemic that was starting to seem endless, I never would have imagined that, as a publication, we would end up growing as much as we did. Our paper has always been, since its inception, run on the premise that it is as much ours as it is yours. We never attempted to be exclusive because, as the only publication in such a small (at least in comparison the other universities I would have attended if not here) campus, it is imperative that we provide a platform for all. Now, we want to take this a step further.
Je suis ravi d’annoncer l’inclusion du “courrier des lecteurs” dans Le Zadig, écrits par vous ! Nous souhaitons vous donner une opportunité de répondre à un article avec vos sentiments, vos opinions, etc. Au milieu de l’amplification des voix de nos chroniqueurs, vos voix qui expriment vos réactions à ces articles ne doivent pas être réduites au silence.
I am pleased to announce the introduction of “Letters to the Editor” in Le Zadig, written by you! I am fairly certain you do not read our articles with a straight face (and we don’t write them with a straight face, either); therefore, we wish to provide you with an opportunity to respond to an article expressing your feelings, opinions, emotions, etc. Amidst the amplification of our columnists’ voices, we want to make sure your voice reacting to these articles are not silenced.
Pour un article qui soit vous met en colère, soit vous tient à cœur, soit même vous laisse questionner le sens de la vie*, faites un contre-argument, montez votre louange, réalisez une analyse—et nous publierons votre réponse !
So, go on: criticize, praise, analyze, give us your opinion on any article that either makes you angry or touches your heart, or perhaps even leads you to question the meaning of life*—and we will publish your response!
Comme le courrier des lecteurs que vous êtes sur le point de voir sur les pages suivantes, nous voulons entendre votre voix, parce que, après tout, ce qui nous motive à créer ces éditions, c’est vous tous, à qui ce journal appartient en fin de compte.
Similar to the one you are about to see on the following two pages, we want to hear your voice! Do not hesitate to submit one to us, because remember why we are continually motivated to do all that we do: Le Zadig is for you.
Cordialement, Santosh MURALIDARAN Rédacteur en chef
With love, Santosh MURALIDARAN Editor-in-Chief
*Heureusement, si vous déjà questionnez le sens de la vie tous les jours et, par conséquent, vous ne pouvez pas dormir la nuit, il y a quelque chose qui vous attend dans notre deuxième colonne de conseils “Ask Le Zadig” sur page 68 !
*If you already find yourself questioning the meaning of life on the daily and it’s preventing you from sleeping at night, to your luck, there is something waiting for you in our second advice column “Ask Le Zadig” on page 68!
ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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Dear Editor, What started off as a traditional—and yearly recurring—article in Le Zadig, with student voices complaining about Sciences Po and its administration (and rightfully so), quickly descended into a sanctimonious diatribe about Menton. Unfortunately, the criticism brought forth by the students interviewed for the article resembled the passive-aggressive criticisms of either our dearly beloved mayor, Jean-Claude Guibal, or of a teetotal priest.
In Response to the Ar
Menton is not perfect, not by any means and I’ll be the first to admit it. However, for the interviewees such as ‘Rachel’ to draw parallels of this community to fraternities is unforgivably ignorant, given the connotations associated with the term. Moreover, for ‘Cybil’ to call it “cliquey” and deliberately single out Sciences Po-Columbia Dual BA students as individuals with superiority complexes, feels like these criticisms arose after a post-Mean Girl’s watching enlightenment. Do superiority complexes exist amongst students? Of course, this is Sciences Po at the end of the day. Is it, however, a broad label that can be applied to a large number of students on campus in any track or program? Absolutely not. By doing so, the interviewee essentially ignores that a plethora of students struggle with impostor syndrome and anxiety about their academic performance and social stability. The problem with these generalized assumptions is that they don’t serve the function of showing the “other side” to Sciences Po in a constructive manner that can be addressed, but rather unapologetically undermine the legitimate struggles of the student community in a tougher academic and social environment than usual. Moreover, they’re contradictory: imagine citing sources on student mental health and then harshly criticizing the social outlets of students. From a very personal perspective, and one I’ve come to understand can be related to, it’s not easy moving to a small town in a country you’ve never lived in, where you don’t speak the language, far away from home where your closest friends and family reside. On top of that, to deal with a difficult administration and disillusionment with higher education adds to the toll (alongside, today, COVID-19 restrictions). Amongst all this, to expect organic friendships to just occur for every single student in a span of barely a whole semester is unrealistic. So when students, then, choose to enjoy their time by occasionally engaging in vices in an environment that they’re more comfortable in doing so, why is it being negated as a toxic culture? For many, Menton is a much more tolerant and safe place to enjoy their newfound independence, but that doesn’t mean that the social fabric of Menton is entirely reliant on hedonism—if we can even call it that in this day and age. To top all this sanctimonious drivel off, we, unfortunately, end up seeing one of the interviewees more or less act as religious police. No student, nor professor, nor administrator has any right to comment and decide if the religious practices of other students on campus are performative or not. I’ll admit, they were right to criticize the community practice of orientalist chants, as they are often shouted out without an acknowledgement of their ironic nature, and it’s something that needs to be worked on. However, what isn’t justified is the interviewee’s condescending outlook on alcohol consumption and the ‘tokenism’ based practice of Ramadan by Muslims on this campus. In the article, ‘Ashan’ implied that Muslims who wish to practice Ramadan in Menton, are in a sense token Muslims who wear Islam as a coat—which I find highly problematic, and frankly ironic. Why the irony is so stark is simply because an individual’s relationship with Islam, for example, is simply
“The Other Sciences P 26-29, Published on D Disclaimer:
This letter is solely in response to the sentiments ex any individual involved in the article’s publication, suc
rticle
Po,” Edition #2, Pages December 31st, 2020
xpressed by the interviewees in the article and not to ch as its author, designer, or editors.
that: their individual relationship—which is not to be judged by anyone but Allah (according to the texts of the Hadiths). Similarly, why I consider it problematic is because calling it tokenism simply ignores that not every Muslim practices Ramadan from a purely religious standpoint. There are many Muslims on- and off-campus who partake in Ramadan with respect to the cultural practice of the religion and as a homage and remembrance of the time spent with their family, often since they’re so far away. As a non-religious person myself—but born a Hindu—I often fasted in solidarity with my Muslim friends during Ramadan because it is a culture that I’m accustomed to, not because I’m a fake Hindu or a token Muslim. Talking about the negative elements of Menton and its student community has its place, and definitely deserves to be spoken about. Yet, doing so in such a destructive manner doesn’t bring any value or resolve to the issues listed by the interviewees. There exist platforms far more conducive to the goal of either improving the state of affairs or simply ranting—I don’t believe anonymous inputs in the Le Zadig article about the ‘other’ Sciences Po addresses those concerns, not in a valid nor legitimate manner. What I would advise and recommend, if it’s accepted, is to use student-based resources such as the peer supporters group or the Student Support Alliance (SSA). If that isn’t what you’re looking for, then attempt to reach out to people around you and rant, or take initiative to enjoy some quality time that doesn’t involve alcohol or nicotine if it bothers you. I promise you, there are a lot of people on campus who’d love to cook, bake or simply brunch with you—and there’s always more activities to do! Hell, I suck at replying these days but you can even reach out to me. This community, in my experience, is what you make of it. But you have to pace it and be open and welcoming, as well as invested in creating solid friendships and experiences—they don’t tend to just fall in your lap and require no reciprocal effort. “Magnificent memories” at the end of the day, are made by your experiences and engagement, not by scenic views on Instagram stories you saw before choosing this campus. In the end, it’s going to be spring soon with hopefully reduced COVID-19 restrictions and cases, which will do well to make up for all the intra-campus bonding time lost thus far. The ‘other side’ of Sciences Po, and specifically Menton, also exists for its positives, which are plenty of in nature. So at the risk of sounding cliché, I’d advise you to put on some green paint (metaphorically, given the unfortunate COVID-19 restrictions) and join the activities organized by the community—be it day parties, debate events on Zoom or movie screenings. Enrich yourself with the love, effort and knowledge that students here share on a daily basis, rather than with anger and spite that will do nothing to ameliorate the predicament that you find yourself in. These words and general sentiments of advice don’t come solely from my romanticized view of Menton, but rather from experiencing a very similar crisis and disillusionment in my first semester that left me wanting a transfer out of this place for good. While Menton may not seem to be this beautiful city of lemons at first-that changes. You’ll find that your perceptions will evolve and grow just as you do because things do get better. After all, even lemons can take up to a year to properly ripen sometimes. ■
Sincerely, Abhinav Shetty, Menton 2A
DECEMBER 16, 2020 Dear Ada, What does it feel like to be a college student with COVID?
were in their place. And you did—when others got sick, you checked in and made sure they were okay.
finish a final. That isn’t their fault, but recognizing that just makes you feel even more like a burden, an inconvenience.
ly searched online because sometimes seeing the statistics helps). How could you have known you had it?
What does it fee lege student with Not good. But that’s the obvious answer. The feelings come and go in phases. One moment, you’re grateful that it’s you and not your 80-year-old neighbor, which we have no shortage of in Menton. Next, you’re heartbroken because this means you can’t see your family or focus on your exams. Instead, you’re stuck inside, alone. The loneliness is unsettling. People tell you that they’re there for you online. And they are. There’s nothing more they can do, of course. You would send the same texts and the same voice messages if you
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This situation makes you appreciate the smallest of gestures which have the capacity to completely brighten your day—a friend stopping by on their way to the Nice airport, dropping off chocolate or making a list of movies to watch; someone sending a video of encouragement and reaching out to your friends back home to do the same; a video chat so you don’t have to eat alone. But life outside your room continues just as it had before. People log off of your Facetime call early to go to class, or maybe they don’t pick up at all because they’re trying to
Later yet, you’re thinking But think of all the plans you about the people who you’ve ruined. Your roommates were seen and inadvertently about to fly back home to the exposed to the virus. After US. Think of all the phone all, it’s It’s this calm after the storm, “not your except you haven’t even gotten fault.” Everyone to the worst part of the tornado yet. You’ve just survived the first you saw downpour. face-toface made a conscious decision to meet calls that were made, how you, knowing the world we many parents freaked out are living in. Around one in about the well-being of their five people with COVID are children. You’re the cause of asymptomatic, and critical, that, voluntarily or not. And fatal cases among the younger that’s the kind of guilt that population is close to 0%, doesn’t go away. although not non-existent. Or at least that’s what people tell You spent a lot of time thinkyou (and what you franticaling about what this might
ADA BASER
DESIGNER
feel like before. But now, you actually have it. And you really are alone in this. Your parents can’t even enter the country
later, you don’t feel anything. So, you take out your computer and you try to explain it with words.
dealing with this alone, in a foreign country. You don’t know what’s sadder: that you feel weaker than you have in
So stay at home. Don’t go out on walks until you’ve tested negative. Drink water and
el like to be a colh COVID? legally since the borders are shut off to non-EU citizens. You get this image of yourself dying in a hospital, your family and friends unable to attend your funeral (although being buried at Cimetière du Vieux Château wouldn’t be the worst thing in the world). And you laugh at how ridiculous that sounds coming from someone
It’s like this surreal emptiness—your brain is kind of fuzzy and you’re reminded of that feeling you get after sobbing hysterically for a few hours. Maybe that’s sort of what you did. But it’s this calm after the storm, except you haven’t even gotten to the worst part of the tornado yet. You’ve just survived the first
who doesn’t even have a fever. But the image stays in the back of your mind.
downpour.
Another moment, you can’t breathe. And yeah, you fear that it’s a symptom, but that’s just the overthinking and the anxiety. And thirty seconds
People say it’s going to require strength to get through this. That’s not necessarily wrong, but they might just be overestimating how strong one person can be. They say it’s commendable that you’re
a long time or that you can’t even respond to their kind messages because that just means accepting this is really happening. Returning back to the original question, it does feel horrible, which is the nicest word you can bring yourself to type right now. Because you should have been more careful, even
take Vitamin C, even when your brain is telling you to ignore everything COVID-related. Get some rest and try to distract yourself with the people who are here for you— they’re not going anywhere. Oh, and Ada? Take your own advice. ■
if you were one of the most careful ones around. And you’re going to spend the next few weeks wondering where you got it from. But that said, you have it now. This is your reality, and it’s the reality of everyone else around you too.
ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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FR Le 7 Janvier 2021, Camille Kouchner accuse son exbeau-père, le politologue Olivier Duhamel, dans son livre La familia Grande, d’inceste et d’abus sexuel de son jumeau alors qu’il n’avait que 13 ans. Bien connu par les étudiants de SciencesPo pour sa chaleureuse et sincère - leçon inaugurale, Olivier Duhamel a su cacher son vice au travers des institutions françaises : le Conseil Constitutionnel, le Parlement Européen, SciencesPo et la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) dont il était le Président depuis 2016. Dans la fin des années 1980, il use de l’immunité dont il est accoutumé pour abuser, dans le plus grand des silences, de son beau-fils. Camille Kouchner raconte l’histoire d’une famille torturée par l’inceste, défendant des valeurs bafouées. Pour ne pas citer son habituel manuel de droit constitutionnel, citons plutôt ses illustres paroles hors-champs : « Vous êtes mes enfants, et mieux encore », « Tout le monde fait ça », « Tu sais, pour ta mère, chaque jour est une victoire. Chaque jour est un jour de gagné. Laissez-moi faire. On va y arriver », ou encore ceux de sa femme Evelyne Pisier, « Ton frère n’a jamais été forcé », « Il regrette, tu sais. Il n’arrête pas de se torturer », « Olivier a réfléchi, […] tu devais déjà avoir plus de 15 ans… », c’était « seulement » des fellations (Ariane Chemin, Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence, Le Monde, publié le 04 Janvier 2021). Alors que « c’est avec stupeur » que nous découvrons les « faits très graves » d’Olivier Duhamel, Frédéric Mion nous rappelle la « valeur cardinale » de son institution : ne jamais transgresser l’intégrité morale et physique de la personne, sans oublier son consentement. Jusque-là, aucune raison de remettre en question le « devoir de clarté » de notre chère institution : SciencesPipotPo.
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:
L’affaire Duhamel ELIANA SEROUSSI
DESIGNER & CARTOONIST
EN
On the 7th of January 2021, Camille Kouchner accused her ex-father-in-law, the political specialist Olivier Duhamel, in her book La familia Grande, of incest and sexual abuse on her twin brother aged 13. Well-known by SciencesPo students for his—welcoming and sincere—inaugural lecture, Olivier Duhamel has successfully disguised his vice throughout multiple French institutions : the French Constitutional Council, the European Parliament, Sciences Po and the Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP), of which he had been the President since 2016. Towards the end of the 1980s, he used his accustomed immunity to abuse, silently, his son-in-law. Camille Kouchner relates the story of a family tortured by incest, defending tarnished values. Changing from his usual constitutional law manual, let’s quote some of his other honorable off-screen words (suggested translation from French) : “You are my children, and much more”, “Everyone does that”, “You know, for your mother, everyday is a victory. Everyday is a new opportunity. Let me handle this. We’re going to make it”, or even his wifes’ Evelyne Pisier, “Your brother was never forced”, “He regrets you know. He won’t stop torturing himself ”, “Olivier has reflected, […] you were probably already 15 years old…”, it was “only” oral sex (Ariane Chemin, Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence, Le Monde, published on the 4th of January 2021). While it’s with “shock and astonishment” that we discover the “very grave” doings of Olivier Duhamel, Frédéric Mion reminds us of Sciences Po’s “cardinal value”: never infringe one’s moral and physical integrity, without forgetting their consent. Until then, there is no reason questioning the “complete clarity” of our dear and beloved institution : SciencesPipotPo.
ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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Olivier Duhamel : sondage Continuerez-vous à vous référer à son travail/ livre?
Answers 68 Femme 28 Homm
Will you continue using his work/books?
Comment vous sente How do you fee
Frédéric Mion devrait-il démissioner? Should Frédéric Mion resign?
Pensez-vous que cette affaire “salit” votre diplôme et sa valeur? Do you think this event sulls the reputation of your education and quality of diploma?
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e étudiant
- student survey
s from : es/Woman mes/Men
ez-vous en un mot? el in one word?
ELIANA SEROUSSI
DESIGNER & CARTOONIST
Avez-vous reçu ou entendu dans votre entourage des critiques de SciencesPo qui vous ont atteint? Have you been the victim or heard critics of SciencesPo in your surroundings that have affected you?
Pensez-vous que SciencesPo a assez réagi? Do you think SciencesPo has reacted enough?
Pensez-vous que les politiques de SciencesPo contre les violences sexistes et sexuelles sont efficaces? Do you think SciencesPo’s measures agaisnt sexist and sexual violences are efficient?
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Empoisonnement des Antilles au Chlordécone :
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ELZA GOFFAUX
CHRONIQUEUSE
quand un scandale d’état révèle l’héritage de l’économie de plantation coloniale. ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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De 1972 à 1993, des bananeraies traitées au chlordécone empoisonnent les populations vivant dans les Antilles françaises et condamnent les sols pour plusieurs centaines d’années. Ce pesticide organochloré a été autorisé par le gouvernement français sous la pression des lobbys d’exploitants de bananes. Aujourd’hui encore, les martiniquais et les guadeloupéens peinent à obtenir justice et faire reconnaître l’empoisonnement à grande échelle dont ils sont victimes. Le 20 et 21 janvier dernier, le Tribunal Grande instance de Paris a entendu sept associations martiniquaises et guadeloupéennes qui avaient déposé plainte il y a quinze ans pour « mise en danger de la vie d’autrui et administration de substances nuisibles ». Les juges d’instruction ont annoncé que l’affaire pourrait tomber sous le coup de la prescription et que certaines preuves du dossier ont disparu. Le chlordécone, cette « petite boule blanche » utilisée dans les Antilles françaises pour lutter contre le charançon du bananier.
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Afin de développer la production de bananes des Antilles, les exploitants agricoles ont appliqué du chlordécone pendant plus de vingt ans sur leurs terres. Cette « petite boule blanche », ainsi caractérisée par Laura
Mauconduit, étudiante originaire de Martinique interviewée pour Le Zadig, est un insecticide efficace pour lutter contre le charançon, un insecte qui vient se loger au cœur du bananier. Les ouvriers agricoles ont répandu ce pesticide sans gants, masques ou autres protections. Mais déjà dans les années 70, sa toxicité est exposée. Les États-Unis interdisent la vente du produit en 1977 suite au développement de troubles neurologiques chez des ouvriers travaillant dans une usine qui fabriquait le pesticide. En 1979, l’Organisation Mondiale de la Santé classe le chlordécone cancérigène probable.
Ces implications sanitaires ne sont pas un mythe. Plus de 90% des guadeloupéens et des martiniquais sont contaminés au chlordécone, selon
une étude de Santé Publique France. De même, ce perturbateur endocrinien augmente les risques de prématurité : d’après l’Agence Régionale de Santé, le nombre de naissances prématurées est quatre fois plus important en Martinique que dans le reste du pays. La Martinique possède aussi le record du monde du cancer de la prostate, avec 227,2 cas pour 100 000 hommes déclarés chaque année. Longtemps ignoré, de récentes études prouvent le lien entre l’exposition au chlordécone et les récidives de cancer de la prostate. 1 L’intoxication des sols s’ajoute à l’empoisonnement des populations. L’eau et les cultures sont contaminés durablement, certains sols seront toujours pollués dans 700 ans. De plus, ce sont les plantations proches du sol qui sont le plus infectées par le chlordécone. C’est donc une grande partie de l’alimentation des guadeloupéens et des martiniquais, majoritairement constituée de tuberculeux et de racines, qui est intoxiquée. Les espaces de pêche sont progressivement restreints suite à la découverte de nouvelles zones contam-
1 En 2010, les scientifiques Luc Multinger et Pascal Blanchar publie les conclusions d’une première étude sur le lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate https://ascopubs.org/ doi/full/10.1200/ JCO.2009.27.2153
inées. « Anxiété totale »
Laura Mauconduit affirme : « le chlordécone tu peux pas l’éviter, tu vis avec ». « Les martiniquais et les guadeloupéens vivent dans une anxiété totale, on ne peut même pas manger normalement puisque les sols sont infectés ». En plus d’impacter la santé et le quotidien des Antillais, l’infection au chlordécone a des conséquences économiques directes. Mauconduit souligne le « ras le bol chez les pécheurs » : « même les pêcheurs ne peuvent plus exercer correctement parce qu’il y a certaines zones qui sont interdites ». L’étudiante met aussi en avant le manque d’accompagnement pour les personnes contaminées et malades, « on ne va pas les considérer comme victimes du chlordécone, car techniquement les administrations de hôpitaux considèrent que ce n’est pas le chlordécone qui les a rendus malades ». État responsable, qui est jugé coupable ?
Il a fallu attendre 1990 pour que le chlordécone soit interdit en France. En revanche, des dérogations accordées aux exploitants békés par le ministère de l’agriculture permettent l’utilisation de l’insecticide jusqu’en 1993.
Les békés sont les descendants des premiers colons européens et propriétaires des terres agricoles aujourd’hui. Mauconduit explique que la classe békée, « c’est un lobby en lui-même ». Par exemple, Yves Hayot, fils ainé d’une puissante famille békée, reconnaît avoir pratiqué du lobbying auprès du ministre de l’agriculture Jean-Pierre Soisson qui lui a accordé une dernière dérogation en 1993. Les lobbys prétendent devoir écouler des stocks, stocks qu’ils s’étaient eux-mêmes procuré après la fin de l’homologation de l’insecticide. Dans une telle situation d’empoisonnement, où en est la justice ? En 2019, une commission parlementaire déclare l’Etat responsable pour la contamination des territoires au chlordécone. En revanche, la justice avance lentement et les lobbys ou les ex-ministres ne sont pas inquiétés. Du côté des études scientifiques et médicales, il a fallu plus de vingt ans après l’annonce de la toxicité du produit pour lancer les premières recherches sur les risques cancérogènes et trente ans pour étudier
la contamination des eaux. Ainsi, il est encore difficile de rendre compte de l’étendue de l’intoxication des Antilles et les populations empoisonnées n’ont pas obtenu justice.
« Maintenant la banane, on a l’impression que c’est la nouvelle canne à sucre »
Les travaux du chercheur au De son côté, l’Etat a lancé plu- CNRS Malcom Ferdinand sieurs « Plans Chlordécone démontrent que l’empoi» afin d’agir sur place. Le Plan sonnement des Antilles au Chlordécone IV, qui s’étend chlordécone est un cas de de 2021 à 2027, prévoit une justice environnementale qui large consultation des popula- « ravive des tensions coloniations des Antilles et le débloles et post coloniales ». Les cage de fonds pour étudier maladies liées au pesticide, les l’état de santé des populations dénis de justice, le retard de et effectuer la décontaminal’action étatique et le manque tion. de reAinsi, il est encore difficile de rendre Jusqu’ici, cherche compte de l’étendue de l’intoxication certaines sciendes Antilles et les populations emétudes tifique poisonnées n’ont pas obtenu justice. scienrendent tifiques compte n’ont pu aboutir et ces plans d’un mépris exprimé envers ont manqué d’actions conles populations martinicrètes. Mauconduit affirme quaises et guadeloupéennes. que « ce sont des plans […] Parallèlement, la structure qui sont la juste pour de la économique des îles est figuration ». directement héritée du passé colonial. Mauconduit affirme Les associations et les popque « maintenant la banane, ulations guadeloupéennes on a l’impression que c’est la et martiniquaises mettent nouvelle canne à sucre ». Aux en évidence des actions qui Antilles, la monoculture vient doivent être mises en place. remplacer l’économie de planLaura Mauconduit explique tation de la canne à sucre. Ainqu’il doit y avoir « un accom- si, aujourd’hui en Martinique, pagnement moral et financier près de 99% de la production » pour les victimes de l’infec- de banane commercialisée est tion au chlordécone. Un autre exportée et 50% de la surface élément important, c’est « agricole utile est destinée la reconnaissance, que l’Etat à l’exportation, d’après le français nous dise : j’ai fauté, ministère de l’agriculture. oui le chlordécone est un toxique, oui je le savais et on a Au sein de l’île, les rapports quand même permis ça […]. de production sont eux aussi Ça ferait beaucoup de bien ». hérités de la colonisation. Ce sont les békés, descendants des colons, qui possèdent une
grande partie des exploitations agricoles. Ils forment eux même une classe sociale particulièrement influente : d’après Mauconduit, « c’est une sorte de caste, elle ne souhaite pas se mélanger au reste de la population martiniquaise ». Ils ont promu leurs intérêts économiques auprès du gouvernement en formant un lobby et dominent l’économie. « C’est eux qui tiennent l’économie de l’île » dit Mauconduit, « c’est eux qui ont les centres commerciaux, les hypermarchés, les hôtels, certains restaurants ». Cette influence békée aux Antilles est ancrée : « ils sont tellement présents que ça ne nous laisse pas trop d’opportunités à nous les jeunes d’essayer de révolutionner et de reprendre un petit peu l’île. Ils sont tellement omnipotents qu’on n’a presque pas d’opportunités » explique Mauconduit. L’échange avec Mauconduit se clôt sur une attente essentielle de l’étudiante : il faut « qu’on prenne maintenant le chlordécone au sérieux et que l’Etat Français se rende compte. Qu’il fasse quelque chose, parce qu’on n’en peut plus. Ce n’est pas comme si le chlordécone était passager, on en a encore pour 500 ans à peu près.
Tant que la France ne reconnaîtra pas son histoire […] ça ne changera pas ». ■
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La MAISON
est battu par
Les révélations se succèdent au s Le livre de Camille Kouchner, La F grande école, qui tente de n La chute d’un homme La “maison commune”, comme se plaît à l’appeler Frédéric Mion - ancien directeur de l’Institut d’études politiques de Paris depuis 2013 - est soudain en proie aux flammes de l’indignation, et ce, du fait des agissements d’un seul et même homme : Olivier Duhamel. Sa stature en impose : éminent constitutionnaliste à Sciences Po Paris, il a aussi revêtu les habits de conseiller d’hommes politiques, d’homme politique, de chroniqueur ou encore d’éditeur. Parvenu au sommet de sa gloire après son investiture à la tête de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) en 2016, le septuagénaire, dans un dénouement tragique, a fini par déchanter. Dans ce monde parfaitement ordonné, chacun.e se dote d’un double visage, à la manière des sujets des anciennes cours royales. Le “roi” Duhamel vivait, quant à lui - en-dehors des fastes bourgeois -, dans la peau d’un violeur. Aussitôt après le premier article dévoilant le scandale et la parution, le 7 janvier, de La Familia Grande par la belle-fille de M. Duhamel, Camille Kouchner, M. Mion est monté au créneau. Ce dernier assure avoir pris connaissance “avec stupeur” de l’affaire. Deux jours plus tard, on apprend, à la surprise générale, qu’il était en réalité au courant des faits depuis plus d’un an. Confronté à la gronde étudiante, il ne cède pas. Dans un entretien accordé à Sciences Po TV lundi 11 janvier, le directeur campe sur ses positions : s’il se dit prêt à “en tirer toutes les conséquences”, il ne
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démissionnera pas. Point à la ligne. Comme tout feuilleton qui se respecte, d’autres révélations croustillantes ne manqueront pas d’abîmer un peu plus l’institution. En témoigne le papier du Monde publié hier, qui explique que Frédéric Mion avait été alerté dès février 2018 par Aurélie Filippetti. Une énième contradiction dans les discours - n’étant, au reste, pas du seul fait du directeur - qui rompt définitivement le lien avec les étudiant.e.s.
canique… Et permet de comprendre à quel point ces microcosmes impliquent des rapports de domination et de dépendance les rendant extrêmement friables. Il est inutile de reprend re
Dès lors, transformer “la colère en énergie positive” s’annonce périlleux. Comment peut-on raisonnablement envisager de rétablir un climat de confiance, lorsque l’on accumule les mensonges ? A part s’attirer un surplus de défiance,
l’ancien énarque ne fait que perpétuer la loi du silence qui dicte deux mondes :
à la fois celui de l’inceste et celui de la bourgeoisie. Terme trivial et tarte à la crème - d’autres préféreront parler d’oligarchie -, il est pourtant l’incarnation d’une sphère occulte, où se mêlent entregent, entre-soi et domination.
l a
S’en prendre à un de ses rouages a en effet pour conséquence d’enrayer toute la mé-
réseautage, véritable parangon pour les adeptes des thèses bourdieusiennes.
saisissante liste de soutiens, de proUn monde obscur tection et de légitimité dont Les mots de Camille Kouchner, en plus jouissait Olivier Duhamel au de destituer un homme, accablent la sein de l’établissement. “machine à fabriquer des élites” Par contre, il est intéressant de se pencher sur les soubassements de ce que constitue Sciences Po.
LA BIBLIOGRAPHIE POUR CET ARTICLE SERA SUR LA VERSION EN LIGNE QUI SERA BIENTÔT PUBLIÉ SUR NOTRE SITE WEB.
r les flots mais ne veut pas SOMBRER
sujet de l’affaire Duhamel. Familia Grande, a ébranlé la ne pas perdre la face. Les arguments opposés par Frédéric Mion, qui, en résumé, affirme avoir fait tout ce qui était en son possible pour éclaircir cette “rumeur”, semblent recevables. Au nom d’une morale personnelle ou du refus de la diffamation, il a
dans les cercles fermés du petit Paris,
le politologue a continué d’emprunter l’ascenseur social.
Sa nomination à la tête du Siècle en janvier 2020 et, plus récemment encore, sa leçon inaugurale dispensée aux jeunes “sciences pistes”, à la faveur de M. Mion lui-même, reflètent bien les principes supérieurs qui régissent la classe dominante française. Pouvait-il en être autrement ? Ce comportement est déterminé par un monde. Ce monde est cloisonné, souvent considéré comme quasiment impénétrable - et c’est le cas - et vit au gré des intérêts personnels. Ses membres préfèrent se taire car iels ont elleux-mêmes à y gagner. Les liens de pouvoirs ainsi créés forment un ensemble de relations - capital social - inextricables, mettant en situation de dépendance une galaxie d’individus. Le moindre faux-pas de l’un.e risque de précipiter la chute de toustes les autres.
“Si iel chute, je chute”,
préféré se terrer dans le silence. Mais, d’une part, le directeur “ne diligente aucune enquête fouillée” lorsqu’il est mis au courant de l’affaire et, d’autre part, “c’est une autre chose d’être au
fait du drame et de soutenir Olivier Duhamel sur la scène publique”, comme l’écrit Libération. Et oui : pen-
dant des années, alors que des bruits de couloir commençaient à s’éventer
en somme. Cette imbrication révulsante produit au mieux un auto-contrôle et un matraquage sur le plan psychique - la retenue n’a rien de naturelle -, au pire conduit aux pires méfaits - dissimulés coûte que coûte. Tout cela au prix, on l’a une nouvelle fois constaté, de l’indifférence et de l’écrasement de la parole des victimes - Camille Kouchner parle ici plus finement de “rescapé.e.s”.
JOSEPH SIRAUDEAU
CHRONIQUEUR INVITÉ
M. Duhamel n’était pas inquiété car il était intouchable. Essayer de le faire tomber relevait non seulement du domaine de l’impossible mais aussi du sacrifice. Rappelons qu’en 2013, M. Mion se voit octroyer le poste de directeur de Sciences Po Paris par la bénédiction, entre autres, d’Olivier Duhamel. L’intéressé a fait campagne “pour ce
quadragénaire qui promet [...] de préserver son héritage”, précise Le Monde. Cet écosystème se fonde sur une hiérarchie et qui
dit hiérarchie dit sommet et donc métronome. Pendant toutes ces années, l’agresseur a été ce métronome.
Quand on s’aperçoit de la kyrielle d’articles parus ces derniers jours, il convient également de s’interroger.
L’affaire Duhamel, en plus d’être le fait d’un problème structurel, est un scandale politico-médiatique.
Or, les journalistes à l’origine de ces révélations en masse - Ariane Chemin, Jérôme Lefilliâtre - ont eux-mêmes fait leurs armes dans la prestigieuse école. Entre neutralité journalistique et acharnement vindicatif, la confusion n’est pas loin. Un étudiant, en référence aux appels à la démission de Frédéric Mion, conclut ainsi :
“Étant donné que nous en som-
Là où règne le secret, garant du mes à couper des têtes, autant cosmos mondain, prospère aussi couper celle du roi”. ■ jeux de domination et cannibalisme.
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“Against the Lovele Over the month of January for winter break, SciencesPalestine President Ysabella Titi hosted a book club to discuss the novel Against the Loveless World. Its author, Susan Abulhawa, is a Palestinian-American political activist and founder of the non-profit Playgrounds for Palestine, which builds playgrounds for children in Palestine.
background of many key events in Pales- government has used ecological warfare tinian history, Against the Loveless World against Palestinians. At one point in the explores the lives of Palestinians through- novel, the main characters are attacked by out the upheavals following the establish- Israeli soldiers while harvesting the olive ment of the state of Israel in 1948. The plants on their orchard. The novel draws novel is filled with rich and compelling from true events in Palestine where Israeli characters who make the book easy to soldiers and settlers have been responsible read as they struggle to find their place for the destruction of thousands of olive and purpose in a world which has contin- trees1, a plant vital to Palestinian identity uously uprooted and sustenance. Set in the background of many key “Against the Love- events in Palestinian history, Against them. less World told a the Loveless World explores the lives “There were several subtle details that I fictional story that of Palestinians throughout the upAgainst the wanted to explain or look into the grander gave insight on the heavals following the establishment Loveless World context of what was happening historicalreal-lived, daily of the state of Israel in 1948. is beautifully ly in that moment. Also, if I found anyPalestinain expewritten as Abul- thing particularly beautiful or troubling, I rience, especially through key events like hawa weaves in themes of occupation, wanted to share that with everyone else,” occupation, the Intifada, and small acts resistance, love, sexuality, and purpose. Titi stated. of resistance,” Titi said. Released in 2020, The writing is powerful and filled with imthe novel centers around the main charac- pactful and intense one-liners. One of the All in all, the book club provided an inter, Nahr, reflecting on her life in an Israeli novel’s strongest elements is its character sightful and thought-provoking discusprison. Readers follow Nahr as she grows relationships, both platonic and romantic. sion of Against the Loveless World and, up in Kuwait and her subsequent journey The main character, Nahr, and her con- more generally, Palestine and Israel. A between Jordan and Palestine. Set in the nections with her grandmother, mother, strong and compelling novel coupled with husband and friends give insight into how discussions led by Titi created a positive the lives of Pal- The main character, Nahr, and her and informative estines both in connections with her [family] and experience for atand out of Pal- friends give insight into how Palestendees. estine are com- tinian lives both in and out of Palplicated by both estine are complicated by both the As for future book the occupation occupation as well as the patriarchy. clubs, said Titi, and displace“Whatever people ment as well as gender norms, the patriar- are interested in, I think it is nice to read chy and homophobia. more lighthearted works, similar to Susan Abulhawa’s novels since they are nice While discussing Against the Loveless and easy to read, but still give important World in the book club, Titi compared insight into Palestine and the lives of Palstories of Palestinian culture and politics estinians.” ■ with the events of the novel. As Nahr described the deep connection between 1. Ibrahim, Noor. “Why the West Bank Olive Harvest Is a Flashpoint Palestinians and the land and animals of for Conflict.” Time, Time, 1 Nov. 2019, time.com/5714146/olivePalestine, Titi brought up how the Israeli harvest-west-bank/.
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ess World”: A Novel Sciences Palestine’s Winter Break Book Club
OLIVIA JENKINS ON BEHALF OF SCIENCES PALESTINE
COLUMNIST
“If I found anything particularily beautiful or troubling, I wanted to share that with everyone else.” - Ysabella Titi, President ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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g n i t a r a t p r se he a e h t t m o fr ist t r a
THE ARMIE HAMMER SCANDAL
BARBARA KUZA-TARKOWSKA
COLUMNIST
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The New Year began with what is arguably one of the most disturbing celebrity scandals in a long time. Armie Hammer — you may know him as the actor from the hit movie “Call Me By Your Name” or “The Man From U.N.C.L.E.” — was accused of cannibalism and sexual ...h violence. Screenshots H of his Direct Messages (DMs) were posted artist by an anonymous ground Instagram account, Can th @houseofeffie. The screenshots show what be r appears to be Hammer confessing to fantasies of cannibalism and rape. “I want to see your brain, your blood, your organs, every part of you,” and, “I am 100% a cannibal,” are just the tip of the iceberg of some incredibly unsettling messages. According to @houseofeffie, the messages were sent nonconsensually. While these DMs have not been verified and remain as allegations, several other women came forward to disclose that they have experienced physical and emotional abuse from Hammer. Some include Hammer’s ex-girlfriends, for instance Paige Lorenze, who claimed Hammer engraved the letter “A” on her groin and told her he wanted to remove and eat her rib. Viewers and fans might watch Hammer’s work in a very different light from now on. A few might refrain from watching entirely, others might feel uneasy or disgusted as he appears on the silver screen. But
regardless of whether these allegations and screenshots are true, should we continue watching Hammer’s movies? Can we separate the character he is portraying from the actor himself? These questions do not apply solely to the case of Armie Hammer. History
how personal is art? How heavily has the t’s character and backd influenced their work? he product of their talent regarded as separate from them?” has tested us with artists with questionable morals over and over again, be it Amerighi da Caravaggio, an Italian artist who was also a murderer; William Golding, the author of “Lord of the Flies,” who tried to rape a minor; Le Corbusier who was a fascist, or other more up-to-date examples such as Harvey Weinstein and Kevin Spacey. If the paintings of artists who were murderers and abusers were hidden away in a dusty basement, if the movies of actors and producers who were (or still are) perpetrators of sexual assault were taken down from streaming platforms, and novels of writers who were, to put it simply, terrible people were to be burnt, would there really be many oeuvres left to appreciate? The case is more complicated when the artist is alive. We can freely appreciate Caravaggio’s
genius detail and mastery of shadow and light in “Judith Beheading Holofernes” since the artist lived and painted on the brink of the XVII century and not in 2021. We are living in a conscious age, one in which allegations of any kind of abuse cannot and must not be swept under the rug. The #MeToo movement itself began with women coming forward and sharing their stories of Harvey Weinstein’s sexual assault. His conviction of 23 years in prison, sentenced last year, was a light of hope for rape and assault survivors. The fact remains that consuming the art of a living artist with questionable morals provides them with financial support. This holds true no matter how genius they are, even if their book or movie is your favourite. Actors receive so-called residuals for movies that are streamed, and producers are paid for licensing deals. Economic profit is similar for DVDs and copies of novels.
with an abuser undermines separated from the artist and the survivor’s trauma and the choose to boycott them, you immense amount of work that are making a morally good the victim had (and may still decision. However, if you have) to put in to move on. do decide that the art can Most would not purposefully be separated from the artist, support an abuser financially. you must be conscious of the So why do we “But regardless of do this in the whether these allegations case of celebrities? Why do and screenshots are true, we give them should we continue watching the benefit of Hammer’s movies? Can we the doubt? Perhaps the separate the character he is answer is that portraying from the actor it does not himself?” seem as personal. The debate of whether art atrocities committed and conshould be separated from the demn the artist for them. artist remains unresolved. Hammer has dropped out Some might argue that this of the production of the decision is purely personal, upcoming movie, “Shotgun just like interpretations of Wedding,” in light of the paintings or movie scenes. recent accusations. He also Another question is, how gave a statement saying that personal is art? How heavily the allegations are “bullshit has the artist’s character and claims.” The alleged screenbackground influenced their shots of DMs remain on @ work? Can the product of houseofeffie’s Instagram story highlights and are labeled as “The case is more sensitive content. It is yet to be seen whether the Armie complicated when the Hammer scandal will die artist is alive.” with the twenty-four hour news cycle or end his career. their talent be regarded as Notwithstanding, we must When finding out about a separate from them? Today’s be more conscious of artists’ case of rape, assault, or abuse society leaves every one of us background the next time we inflicted by one’s friend onto a choice, and we must strive decide to admire their art. ■ another, most will want to to strike a balance. Taking disassociate with the abuser. It down the art of all the artists is expected that most people who have ever had questionwill not want to hear from able morals would be robbing the abuser or communicate society of cultural capital. with them in any way. Most But we most certainly cannot probably, people will also look past their actions. If you boycott their new book or decide that the art cannot be new movie. Staying friends
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Sania Mahyou (S.M.) : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire « Illégitimes » ? Nesrine Slaoui (N.S.) : Le projet était dans ma tête quand j’étais encore étudiante, c’était en 2016-2017. À cette époque, j’ai commencé à faire des interviews de personnes issues de milieux populaires étudiantes à Sciences Po Paris, notamment celles qui étaient passées par la procédure CEP. Mon but initial était de faire un livre-portrait. D’ailleurs, dans le livre on en retrouve deux, Rayan et Maxime. Mais je ne savais pas vraiment comment mettre ce livre en forme. Il se trouve que pendant le confinement je suis retournée chez mes parents dans le Sud, et je me suis posée beaucoup de questions, comme la plupart des gens je pense. « Qu’est-ce que ça veut dire de venir un milieu populaire et d’entrer dans un milieu bourgeois ? … » Je voulais finalement raconter tous ces questionnements en faisant une introspection. J’ai aussi commencé à
questionner l’histoire de ma famille. D’ailleurs, ce livre, on le présente beaucoup comme un livre sur mon parcours, mais je n’ai pas vraiment l’impression que c’est ce qu’il est réellement. Evidemment, je suis un fil conducteur dans le livre, mais je ne parle pas beaucoup de moi. Je parle effectivement de mon ressenti face à la violence de classe mais j’ai essayé de dresser le portrait de personnages qui font partie de mon cercle familial, que ce soit mon père, mon grand-père, ma grand-mère, mon cousin… Les gens le présentent beaucoup comme un livre sur mon parcours, mais moi ce que je voulais, c’est que mon parcours ne soit qu’un prétexte. S.M : Raconter votre histoire et celle d’autres illégitimes, est-ce une manière de conquérir l’espace médiatique, qui donne souvent la voix aux mêmes types de profil ?
Rencontre avec Nesrine Slaoui : « Je voulais que ma vengeance soit de continuer à exister » SANIA MAHYOU
CHRONIQUEUSE
Le 6 janvier dernier, paraissait chez Fayard « Illégitimes », le premier livre de Nesrine Slaoui, journaliste pigiste et ancienne Sciencepiste. Dans ce récit écrit à la première personne, Nesrine Slaoui parle de ses réalités et des réalités des siens, les illégitimes. Ceux et celles, issus de milieux populaires ou immigrés, dont l’existence déroute, dérange et déplaît. Ceux et celles qui, parce que minoritaires et défavorisés, doivent se battre dix fois plus pour réussir. Rencontre avec cette jeune auteure de talent, juste dans ses mots et admirable par son courage.
N.S. : Totalement. L’enjeu est très compliqué car il faut tenter de porter la voix des personnes qui ont basculé d’une classe à une autre sans que cela soit une violence pour le milieu d’origine. C’est-à-dire que je ne veux pas me hisser en modèle de méritocratie, car comme je le dis dans le livre, la méritocratie est un leurre. Malheureusement, on ne réussit pas dans la vie en fonction de son mérite, on réussit dans la vie en fonction de sa classe sociale. Le poids de la classe sociale est encore très important. Mais aussi, je ne veux pas devenir une dominante. Je ne veux pas que nos histoires « personnelles » écrasent le collectif et qu’on se dise : « regardez, si elle y est arrivée, tout le monde peut y arriver » et qu’il y ait un discours culpabilisant envers les plus pauvres et les autres habitants de quartiers populaires. De fait, il y a beaucoup de gens qui n’ont pas envie de faire Sciences Po ou d’intégrer des
grandes écoles. Il y a des gens qui veulent être épiciers, électriciens… Par exemple, je ne suis pas plus glorieuse que mon cousin qui est toujours dans mon quartier d’origine et qui n’a pas envie de le quitter. Il y a donc un double enjeu de la représentation. Je me demande souvent : « Quel discours est porté à travers nous ? » car il est très compliqué de ne pas devenir un instrument au service du discours dominant. Au cours de ma vie, beaucoup de gens ont voulu me hisser en modèle de méritocratie, alors que ce n’est pas du tout en adéquation avec mon discours. S.M. : Dans « Illégitimes », vous avez exprimé la honte que vous ressentiez par rapport à vos origines sociales, honte provoquée par votre entrée dans un monde bourgeois. Vous exprimez également ce décalage entre votre culture générale et celle de
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la majorité de vos camarades – comment avez-vous réussi à faire la part des choses entre sacrifier une partie de votre identité pour entrer dans le moule bourgeois que sont les grandes écoles et rester vous-même ? N.S. : Au début, c’est très compliqué à faire, car on ne comprend pas trop ce qui se joue. On a tendance à avoir honte, à se changer un peu, à se moquer de soi-même. Je n’en veux pas aux personnes racisées qui, une fois arrivées dans ces grandes écoles, font de l’auto-dérision, c’est-à-dire qu’elles se critiquent beaucoup elles et leur milieu d’origine et cachent d’où elles viennent. C’est la violence symbolique de l’école qui explique notre sentiment de honte. En effet, on dénigre tellement tout ce qui est populaire dans les grandes écoles qu’il y a ce mécanisme qui se met en place. J’ai évidemment changé beaucoup de choses : ma manière de m’exprimer, mon vocabulaire, mon style vestimentaire… Il y a une scène qui m’a beaucoup marquée à Sciences Po Grenoble : je portais un survêtement en entrant dans la classe de TD parce que je n’avais pas eu envie de me changer après le cours de sport. Toute la classe m’a appelée ‘wesh’. Je me suis dit que c’était fou, parce que si j’avais été quelqu’un d’autre, on ne m’aurait pas appelé comme ça. Il n’y avait que moi qui était associée à l’imaginaire de la banlieusarde. On est poussé à avoir honte, on critique nos tenues, on se moque de nous, de notre façon d’être, de notre façon de parler… On essaie naturellement de se fondre dans la masse et de se faire discret, et parfois de se dénigrer soi-même. Mais je me suis rendu compte que quoique je fasse, je resterai une femme maghrébine ! Je ne vais pas blanchir ma peau, changer de prénom et devenir blonde pour passer inaperçue. Dans mon livre, je dis que j’ai eu « honte d’avoir honte ». Je raconte même qu’à un moment donné, je suis une violence pour mes parents : quand je retourne chez eux et que je leur dis qu’il faut changer la nourriture, la décoration… Parce que je suis en train d’intérioriser des codes de classe qui ne sont pas les miens. Je m’attache aussi à déconstruire ce qu’est la culture générale. A mon arrivée à Sciences Po, ce n’est pas que je n’avais pas assez de culture. J’ai de la culture, mais ce n’est pas celle de la bourgeoisie. Sauf que c’est cette dernière qui est valorisée dans les grandes écoles. A posteriori, on se rend compte que même après avoir fait Sciences Po ou HEC, il y aura toujours de la discrimination à notre égard parce que nos prénoms, nos adresses et nos faciès, eux, ne changent pas. Ma mère déteste le mot « pauvre », le mot « popu-
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laire » et je le dis : je n’ai pas grandi dans la misère. Pourtant, on a grandi dans un HLM, dans un milieu ouvrier et issu de l’immigration : tous les codes d’un quartier populaire. Pour ma mère, dire qu’on est pauvre est une insulte mais moi je me suis rendu compte que j’étais populaire quand je suis arrivée à Sciences Po. C’est là que j’ai saisi l’ampleur de la différence de moyens entre les autres élèves et moi. Et pourtant nos parents ne sont pas moins méritants : ils sont juste mal payés par rapport aux sacrifices qu’ils font. C’est pour cela aussi que je m’attache à décrire les corps de mes parents : je veux raconter que les métiers ouvriers abîment physiquement. Mon rapport au travail est différent de celui de la plupart des gens : pendant longtemps, je faisais souvent une comparaison entre la somme gagnée et ma charge physique de travail. J’ai encore du mal à comprendre qu’on me paie pour réfléchir, pour écrire… Parce qu’inconsciemment, pour moi ce sont des choses qui ne se paient pas, vu que ça ne me demande aucun effort physique. En tous cas, au début, j’ai eu honte de qui j’étais et dans un deuxième temps, après avoir compris tous les mécanismes de classe qui étaient à l’œuvre, j’ai eu honte d’avoir eu honte. S.M. : Dans votre livre, vous parlez également de vos origines arabes et la phrase suivante m’a beaucoup marquée : « Mes parents pensaient aussi qu’avec un 20 à l’oral de français, je ne serais plus vue comme une Arabe. » Quelle est votre relation actuelle avec l’arabité? N.S. : Je n’avais pas conscience du racisme avant d’entrer à Sciences Po, même si j’avais déjà été l’objet de propos racistes dans mon adolescence. Mais je me suis rendu compte que j’étais une femme maghrébine quand je suis entrée à Sciences Po. Aujourd’hui, j’en suis très fière. A Sciences Po Grenoble, j’ai fondé l’association Sciences Po Grenoble Monde Arabe, qui existe toujours aujourd’hui. C’est une de mes plus grandes fiertés même si bien sûr, quand je l’ai créée, on m’a reproché d’être communautaire. Cela résultait d’une volonté d’apprendre à connaître la région MENA, surtout la culture moyen-orientale. J’ai appris à parler l’arabe littéraire quand j’étais à Sciences Po, mais toutes ces années passées à dénigrer la langue arabe m’ont beaucoup coûté. Le discours médiatique et politique font que la langue arabe est dénigrée et cela m’a fait perdre de nombreuses années d’apprentissage. Alors que cette langue est magnifique, si
poétique…
toujours que ma vengeance serait ma réussite ; même si je n’en veux pas aux gens qui abandonnent. La seule chose que je voulais faire de S.M. : Qu’est-ce que tu retiens de tes années à Sci- ma vie, c’était d’être journaliste. C’est ce qui m’a permis d’aller à Parences Po, que ce soit à Sciences Po Grenoble ou is : j’étais tellement mal à Grenoble que je devais trouver un moyen Sciences Po Paris ? d’aller ailleurs. Je ne pouvais pas rester dans cette école. Mais je ne pouvais pas abandonner, parce que mes parents avaient mis trop N.S. : Intellectuellement, j’ai beaucoup été stimulée et bizarre- d’argent dans mes études. J’étais devenue une fierté. Tout ce que ment, c’est Sciences Po qui m’a fait découvrir l’antiracisme. J’ai je fais dans la vie, c’est pour mes parents et pour mes grands-paradoré mes études et le fait que cela soit tellement porté vers ents. J’ai ce désir en moi de vouloir les rendre fiers. Il fallait que je l’international. J’ai gardé des cours entiers chez mes parents trouve un moyen de m’en sortir. Je voulais que ma vengeance soit que je feuillette parfois. Ce que Toute ma famille est illégitime, parce de continuer à exister, parce que c’était mon j’ai détesté par contre, c’était le qu’ils sont issus de l’immigration et existence même qui dérangeait. Donc mainteharcèlement scolaire et le fait que que celle-ci est encore vue comme nant, j’existe encore plus. (rires) je ne m’y sentais pas à ma place, une plaie en France. Mais en même ou plutôt, qu’on me faisait ne pas temps, ce sont tous ces gens qui ont S.M. : Qui sont les « Illégitimes » ? m’y sentir à ma place. Mais les essayé de quitter une classe sociale enseignements m’ont beaucoup pour atteindre une autre sphère mais N.S. : Dans le livre, ce sont tous ceux qui ont apporté. Les biais qu’on retrouve qui ne sont de toute façon jamais à immigré (mon grand-père), tous ceux qui dans la société sont exacerbés à leur parce qu’on les ramène toujours ne parlent pas français en France (ma grandSciences Po et dans les grandes au fait qu’ils sont issus d’une classe mère, mon père…) ou qui portent le foulard. écoles : l’homophobie, le racisme, populaire, de l’immigration... Toute ma famille est illégitime, parce qu’ils la grossophobie, le sexisme sont sont issus de l’immigration et que celle-ci est très présents et les blagues sont quand même assez prenant- encore vue comme une plaie en France. Mais en même temps, ce es. Par exemple, je n’allais pas souvent en soirée et on me le sont tous ces gens qui ont essayé de quitter une classe sociale pour reprochait souvent. On me disait que je ne voulais pas m’in- atteindre une autre sphère mais qui ne sont de toute façon jamais tégrer mais je ne pouvais pas supporter d’entendre les chants à leur place parce qu’on les ramène toujours au fait qu’ils sont issus estudiantins, qu’ils soient antisémites, sexistes ou racistes… Je d’une classe populaire, de l’immigration… n’ai jamais chanté dans ce genre d’événements, même si je n’ai jamais jugé les gens qui le faisaient, parce qu’il est très difficile S.M. : Si vous aviez un conseil à donner aux transfuges, de résister à la pression sociale. J’étais très mal à l’aise avec ce quel serait-il ? genre de pratiques, qui ne sont pas Je n’avais pas conscience du racpropres à Sciences Po d’ailleurs, et isme avant d’entrer à Sciences Po, N.S. : Les transfuges sont ceux qui sont passés il faut absolument les déconstruire. même si j’avais déjà été l’objet de d’une classe sociale défavorisée à une classe sociale plus aisée. Je n’aime pas ce mot, car il propos racistes mon adolescence. S.M. : Dans votre livre, vous induit une notion de traître. C’est comme si relatez des épisodes très violents qui ont rythmé passer d’une classe à l’autre signifiait devoir se renier totalement, votre parcours, comme le harcèlement scolaire que et comme si tu devenais bourgeois du jour au lendemain. Je préfère vous avez subi. Pourtant, vous avez tenu bon et l’appellation “chevaux à bascule” parce que je ne suis pas devenue vous êtes aujourd’hui autrice et journaliste, ce dont bourgeoise. Je suis encore, dans beaucoup d’aspects, populaire. Et vous aviez toujours rêvé. D’où vient votre force ? même financièrement, je fais toujours partie de la classe basse, je Est-ce que vous avez puisé celle-ci dans le désir de ne gagne pas extrêmement bien ma vie. Mais je suis dominante sur prendre votre « revanche » sur toutes les discrimi- d’autres points : mon accès aux médias, à la culture, mon capital nations que vous et vos ancêtres avez subies ? social… etc. Et je ne serai jamais bourgeoise. Peut-être que ce qu’il me manque c’est de gagner beaucoup d’argent. (rires) Mais je ne N.S. : À Sciences Po Grenoble, j’ai subi un harcèlement sco- suis même pas sûre que je serais considérée comme bourgeoise. Je laire. J’avais pris du poids et j’avais un rapport super étrange resterai une maghrébine et une arabe aux yeux de la société. Si j’avais avec la nourriture, on pouvait voir physiquement que je n’al- un conseil, ce serait de n’absolument pas chercher à être légitime. lais pas bien, mais cela n’a pas poussé les étudiants à arrêter. Le titre du livre n’est pas une insulte. Nous sommes illégitimes, et Par exemple, quand je passais dans les couloirs, des groupes ce n’est pas dégradant. Au contraire : j’accepte cette illégitimité-là. rigolaient alors que je ne faisais que marcher. C’était quotidien. Parce qu’être légitime signifie être dominant, et être dominant dans Je recevais aussi des messages qui disaient « ça va la beurette une société inégalitaire ne m’intéresse pas. ■ ? ». Je racontais à ma mère ce que je vivais et je lui disais
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ographie Dans les années 80, à travers des magazines avec des images des femmes nues, comme le très populaire Playboy, des films et d’autres réseaux, la propagation de la pornographie était restreinte, puisque son accès était privé. Cependant, l’essor des nouvelles technologies a démocratisé l’industrie du sexe, en mettant la femme encore plus dans une position soumise au patriarcat. Avec la popularisation de la pornographie, des plaisirs très obscurs qui dépassent la dignité de l’autre sont mis en évidence. Ainsi, à partir du moment où plusieurs enfants avec une sexualité précoce, avec aucune idée de comment l’acte sexuel fonctionne regardent des vidéos d’hommes étranglant des femmes avec leur génitales, les frappant au visage et les traitant sans aucun respect, la notion de la sexualité hétérosexuelle commence à germer.
:
88%
de scènes et de pornographie les plus louées et téléchargées dépeignent la violence à l’égard des femmes
35%
de tous les téléchargements sur Internet sont de la pornographie
20%
D’après l’organisation “Culture Reframed”, 88% des “sexts” sont des photos d’enfants, des vidéos les plus regardées sur des sites pornographiques mettent en scène une agression pincipalement des filles, âgés de 15 ans physique ou verbale contre une femme. ou moins De ce fait, la pornographie perpétue une attirance sexuelle basée sur des principes très sexistes, créant des normes néfastes et imposant de la violence pour une nouvelle génération qui mature la façon dont elle se sent attirée. Des petits garçons qui stimulent leur attirance par des images de viol, d’agressions banalisée et parfois pédophile, et des petites filles qui subissent une normalisation de leur douleur et humiliation.
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un tiers des jeunes ont vu de la pornographie à l’âge de 12 ans
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Selon Dr Gail Dines,
les réseaux sociaux envoient des publicités de sites pornographiques aux enfants dès leur plus jeune âge, en créant un âge moyen d’onze ans (pour les garçons) d’accès au contenu pornographique. En conséquence, il est remarquable qu’une personne avec aucun répertoire sexuel et maturité pour distinguer ce qui est moralement correct est victime d’une telle industrie.
plaisir éphémère, effet pervers... DANIEL LEAL DE MORAES SANTANA
CHRONIQUEUR
Ils sont donc susceptibles à des images de femmes agressées : leurs cheveux tirés et on leurs crache au visage. De même, le viol annal érotisé et la pédophilie banalisée sont non seulement très communs, mais aussi les contenus qui sont les plus demandés. C’est ainsi que l’on se demande : quelles sont les conséquences pour la sexualité de ces enfants, et même pour notre société qui va endurer une génération avec ces plaisirs ?
“75% des filles de 18 ans disent que « la pornographie fait pression sur les filles et les jeunes femmes pour qu’elles agissent d’une certaine façon »” “Les sites pornos reçoivent plus de visiteurs chaque mois que Netflix, Amazon et Twitter réunis“ - Alexis Kleinman Deputy Managing Editor Of Impact & Innovation, The Huffington Post . Malheureusement, la tion nous est déjà pornographie virtuelle
réponse à perceptible, n’est pas
cette quespuisque cette si nouvelle.
Des indices de violences sexuelles sont chaque jour plus récurrents. La dégradation, l’humiliation, et la violence ayant un rôle central dans les relations d’intimités, le sexe, la perception de genre, et des croissants rapports de dysfonction érectile sont la partie émergée de l’iceberg de l’obsessive masturbation engendrée par la normalisation de la pornographie. Pareillement, le fait que la pornographie est un engrenage essentiel pour comprendre nos perceptions autour de la fluidité entre l’identification du genre féminin et masculin nous montre l’importance des actes sexuels pour notre structure sociale.
Au-delà d’une nationalité, il engendre une culture où l’homme affirme sa virilité en mettant la femme dans une position d’objet soumis, en perpétuant des comportements toxiques tant pour la femme, que pour l’homme.
“Les sites pornos reçoivent plus de visiteurs chaque mois que Netflix, Amazon et Twitter réunis” “75% des filles de 18 ans disent que « la pornographie fait pression sur les filles et les jeunes femmes pour qu’elles agissent d’une certaine façon » - Middlesex University London À plus grande échelle,
ce monde caché véhicule et impose un modèle pour les deux sexes : l’homme avec une position dominante, sans sentiments, viril ; la femme lui obéissant, servante de son plaisir comme un objet (plusieurs vidéos pornos s’arrêtent quand l’homme jouit). Il n’en résulte que c’est suivant ce schéma que les garçons d’onze ans aujourd’hui apprennent leur sexualité. En effet, le rapport entre l’hypersexualisation et l’objectification des femmes, l’intensification d’une masculinité toxique et la pornographie est choquant et évident. Compte tenu de tout cela, je demande à ceux qui en regardent depuis des années, en vaut-il la peine ?
Êtes-vous vraiment libre d’arrêter d’en voir ? Êtes-vous vraiment d’accord pour nourrir ce système qui vise à attirer des enfants d’environ onze ans ? ■
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MANAGING now and in the future
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MIGRATION PHILIPP FRANK
COLUMNIST
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On 1st January 2021, Portugal took over the presidency of the Council of the European Union from Germany, running under the motto “time to deliver a fair, green, and digital recovery.” The change went rather unnoticed at a time with many events that drew far more media attention: the ongoing ravaging of the COVID-19 pandemic, the first launches of vaccine campaigns to end it, the U.S. Capitol raid. Within the E.U. alone, further political events have made the start of the Portuguese presidency harder than it had already been: by the time I am writing this article, three European governments are in a major crisis. The Estonian Prime Minister Juri Ratas has resigned over allegations of corruption, the Italian government coalition of Prime Minister Guiseppe Conte has collapsed and lost its majority, and the whole Dutch government under Prime Minister Mark Rutte has resigned over a welfare fraud scandal, all within three days. Within the E.U. alone, further political events have made the start of the Portuguese presidency harder than it had already been: by the time I am writing this article, three European governments are in a major crisis.
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Yet, the Portuguese presidension of the migration wave, cy could potentially have a tre- and many European governmendous impact on the future ments failed to find common of the E.U., and depending on ground on the fair and equal its success, it could become distribution of the migrants very noticeable. Among its and refugees. A major reason goals is the adoption of the for this failure was the Dublin “New Pact According to a publication from the United Reguon Migralation, Nations Conference on Trade and Develtion and the E.U.’s Asylum” opment (UNCTAD) in November 2020, an treaty for which was asylum estimated additional 130 million people introduced policy, by the E.U. will be living in extreme poverty due to the which depandemic’s effects. Commistermines sion under that Ursula von der Leyen on 23rd asylum applications have to September 2020, and which be examined in the applicants’ still waits for its passing by the country of first arrival. When Council of Ministers and the the European migrant crisis E.U. Parliament. Portugal inunfolded, the southern memherited the task of negotiating ber states were disproportionthe pact of Germany, which ately affected and overburtried to strike a deal during dened. Meanwhile, asylum its own presidency but failed seekers risked not getting to do so before Portugal took decent shelter, fair examinaover. After all, migration and tion of their asylum applicaasylum policy have been at the tions, and the possibility of centre of European politics for at least the latter half of the previous decade when the European migrant crisis of 2015/16 sent an enormous, unparalleled wave of migrants and refugees to European shores. Their arrival along with the governments’ reactions polarised the political and public debate about what ought to be done. The political and social aftermath of the crisis is still felt throughout Europe being sent back to their home today. countries. It became clear that the E.U.’s modus operandi In 2015, the main problem simply does not work in crises. facing the E.U. and its member In order to tackle this probstates was the sheer dimenlem and prevent the chaotic
situation from the European migrant crisis from repeating itself, the Commission introduced the new pact with the goal of “striking a new balance between responsibility and solidarity.” First, it must be noted that the countries of first arrival keep the core responsibility of accommodating migrants and examining asylum applications. However, in order to make application procedures faster, more effective, and more trustworthy, the Commission has introduced pre-entry screenings in which migrants are registered, their identity verified, and a health & security check is made. The data comes to the E.U. Eurodac database and determines the correct asylum procedure out of two possibilities; one for those where a negative decision is likely (border asylum
procedure), and the other for those where a positive decision is likely (normal asylum procedure). As a general rule, asylum seekers from a country with an acceptance rate lower
than 20% will be redirected economic cooperation with What further speaks for the to the 12-week border asylum home and transit countries. adoption of the pact is the procedure while vulnerable fact that time is running out: groups like children or famThe pact has been criticised fuelled by the grave effects of ilies will be redirected to the particularly for the return the COVID-19 pandemic on normal asy- [The European Commission] requires sponsorpublic health and the economlum proce- member states to show “solidarity” with ships as ic and social living conditions dure, even a form of of millions of people around the frontline states, meaning that they can though “cynical the world, particularly in either take in asylum seekers themselves or solidarithe E.U. countries in southern Mediemphasizes offer operational support to frontline states. ty” since terranean, Sub-Saharan, and its focus on it allows Levantine countries, mass miindividual countries cases. The whole process is to effectively ‘buy’ themselves gration to Europe is likely to continue (or increase) in the coordinated by a new E.U. out of the responsibility of coming decade. According to Agency for Asylum, reinaccepting asylum seekers and a publication from the United forced by improved digital could even provide the same Nations Conference on Trade infrastructure, and guaranteed governments with a political and Development (UNCto protect the fundamental weapon to exploit in their TAD) in November 2020, rights of asylum seekers. national electoral campaigns. an estimated additional 130 However, the pact explicitly million people will be living As far as distribution of asyincludes all E.U. member in extreme poverty due to the lum seekers, another heated states in some way, making pandemic’s effects. A more reaspect of asylum policy is that migration a European, not cent study by the World Bank the Commission has proposed merely a Greek or Italian, a new “solidarity mechanism” problem. Moreover, it defines in January 2021 estimated that to come into action when an a clear strategy in the event of the COVID-19-induced inassessment by the Commisa crisis through a compromise crease in global poverty would sion concludes that a migrawhich might not make the sys- include between 119 and 124 million tory crisis is unfolding. It retem perfect, It became clear that the E.U.’s modus people, quires member states to show but at least operandi simply does not work in crises. In causing “solidarity” with the frontline provides states, meaning that they can a strategy order to tackle this problem and prevent the the first global either take in asylum seekers and imchaotic situation from the European migrant overall themselves or offer operation- proves the crisis from repeating itself, the Commission increase al support to frontline states. procedures. introduced the new pact with the goal of in poverMore importantly, memFinally, it ber states can offer “return is more or “striking a new balance between responsi- ty since 1999. sponsorships’’ whereby they less without bility and solidarity.” The same have to organise the E.U.-wide alternative. study return of asylum seekers to a Migration has been debated also estimated output in the certain home country within for so long and so extensively MENA region to have coneight months. Finally, the within the E.U. to the point tracted by 5% in 2020, and Commission aims to comwhere everyone knows each blamed COVID-19 for leaving bat the long-term factors for others’ positions anyway, and massive migration waves by no one wants the E.U. to break “lasting scars” on productivity and growth. Moreover, secucombatting human trafficking over another migratory crisis rity has not improved either. and expanding diplomatic and either.
Civil War remains the scourge of Syria, Libya, Ethiopia, and Yemen, while its unstable aftermath still occupies Sudan and South Sudan. Diplomatic tensions and armament between Iran, Israel, and the Arab Gulf States continue to rise, and Islamic terrorism remains a powerful destabilizing force in countries such as Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, and Nigeria. Finally, the picture of wealthy, mostly Western countries gaining access to the COVID-19 vaccines first and keeping them solely for themselves will probably increase Europe’s attractiveness as a migration destination, too. It is obvious that migration will continue to affect Europe and the E.U. in the future. All member states are aware of this, and the urgent need for a common European answer grows with every passing day as the catastrophic humanitarian conditions in the MENA region and beyond continue. Notably, there have been no rigorous rejections of the new pact by any member state yet; therefore, in the interest of all, Europe needs to consolidate itself. ■
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Six ans après les attentats De fait, le blasphème, c’est-à-dire la critique d’une relide janvier 2015, la cica- gion, n’est pas évoqué dans le droit français, le rendant par CHRONIQUEUSE trice laissée par les frères conséquent non punissable aux yeux de la loi. La nuance Kouachi semble s’ouvrir un peu plus à chaque crise, lais- est on-ne-peut plus importante : en France, en vertu de sant libre cours aux discours de haine en tout genre. La la laïcité et dans la continuité de la liberté d’expression, question épineuse de la liberté d’exil est ainsi possible de proférer Réelle frontière ? Limites floues ? pression continue donc de ponctuer des discours de haine envers une La nuance peut sembler ridicule : régulièrement le débat public croyance mais pas envers des critiquer une religion violemment ou français, omniprésence révélatrice croyants. Aussi irrespectueux insulter ceux qui la pratiquent, quelle de la difficulté de l’appliquer dans que l’on ait pu juger les propos différence ? une société divisée. tenus par Mila en janvier 2019, ceux-ci n’étaient donc pas susceptibles d’entraîner des Pourtant, celle-ci a été établie par la Déclaration des conséquences légales. Droits de l’Homme et du Citoyen en 1789, définie par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme 159 ans Réelle frontière ? Limites floues ? La nuance peut sembler plus tard et inscrite dans la Convention européenne des ridicule : critiquer une religion violemment ou insulter Droits de l’Homme l’année d’après. L’idée selon laquelle ceux qui la pratiquent, quelle différence ? Qu’on approuve chaque individu dispose du droit inaliénable d’avoir une ou non les caricatures de Charlie Hebdo, l’acceptation de opinion et de l’exprimer ne date donc pas d’hier. Elle s’in- toute opinion demeure cependant le ciment sur lequel scrit au contraire dans une histoire continue et commune, repose la liberté d’expression. C’est un dilemme éternel de la prise de la Bastille à la création de Twitter en passant par la IIIe République et les Trente Glorieuses. Hors du seul idéal démocratique que sous-tend nécessairement le respect de la liberté d’expression, c’est donc également son statut de pilier fondateur qui rend sa protection si nécessaire. NOA CHASLES
Néanmoins, si l’idée de garantir la libre circulation des idées et des opinions est généralement unanimement partagée, cela ne la rend pas absolue pour autant. La loi définit donc certaines limites afin d’éviter des dérives violentes, sinon liberticides. Ainsi, l’atteinte à la réputation d’une personne, la discrimination et la haine à l’encontre d’un individu ou d’un groupe en raison de son appartenance religieuse peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires. Ces restrictions jouent un rôle clé lorsque la liberté d’expression vient se heurter à d’autres droits, à l’instar de la vie privée ou du droit de croyance. La violence de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty en octobre 2020 montre d’ailleurs la relation dangereuse qu’entretiennent liberté d’expression et liberté de blasphème, tout particulièrement lorsque la première vient se heurter au fanatisme religieux.
PHOTO PAR CREATIVE COMMONS
6
ans p un « ap
pour la d’expre
: plutôt favoriser un respect total des idées de chacun, au risque de diviser encore davantage la société, ou une tyrannie du politiquement correct qui s’éloigne de l’idéal démocratique ? Si les questionnements à ce sujet sont légitimes et nécessaires, le débat est rendu stérile et sans issue par des différends irréconciliables et des figures politiques qui craignent de se prononcer. Au lendemain de l’affaire Mila, les propos tenus par Ségolène Royal ont d’ailleurs été vivement critiqués par le reste de la classe politique. Elle avait ainsi déclaré : « Il y a une liberté de critiquer les religions, mais moi je refuse de poser le débat sur la laïcité à partir des déclarations d'une adolescente [...]. Critiquer une religion, ça n'empêche pas d'avoir du respect, de l'éducation, de la connaissance, d'être intelligent par rapport à ce qu'on dit. Certainement pas d'ériger une adolescente qui manque de respect comme le parangon de la liberté d'expression », des propos qui ne défendaient pas suffisamment le droit de blasphème. Sans que cela ne justifie
d’aucune façon l’avalanche de menaces de mort subies par la jeune fille, la question est légitime : entre véritable emblème de la lutte pour la liberté d’expression et cas symptomatique de l’ampleur que peuvent prendre des déclarations tenues sur la Toile, il y a un monde. De fait, à la complexité que suggère déjà le respect de la pluralité des opinions, est récemment venu s’ajouter le phénomène des réseaux sociaux. Des plateformes très accessibles et une possibilité d’expression infinie : à première vue, le terrain idéal pour une liberté d’expression sans limites. Pourtant, entre cancel culture, harcèlement de masse et fake news, les réseaux sociaux comportent également leur lot de dangers, tout particulièrement lorsque l’équilibre entre liberté et réglementation est aussi fragile. Dernier exemple en date : la fermeture du compte Twitter de Donald Trump. On peut s’en réjouir mais la censure (hors des limites de la loi) n’est jamais une bonne nouvelle pour la liberté d’expression, comme en témoigne les réactions inquiètes d’une grande partie de la classe
plus tard : près » difficile
liberté ession en France
politique française, du RN jusqu’à la France Insoumise.
En France, la liberté d’expression a donc de fervents défenseurs. Pourtant, l’Hexagone n’apparaît qu’à la 34e place dans le classement de Reporters Sans Frontières sur le respect de la liberté de la presse dans le monde, un chiffre bien étonnant pour un pays si fier de son héritage révolutionnaire et de ses idéaux démocratiques. Le problème se dévoile alors dans toute sa complexité : l’image caricaturale de grands barbus kalach à la main, hurlant « Allahu akbar » à gorge déployée, si présente dans l’imaginaire collectif, ne peut durer éternellement.
DES CAPTURES D’ÉCRAN DU SITE WEB OFFICIEL DE REPORTERS SANS FRONTIÈRES (RSF), https://rsf.org/fr/france
La liberté d’expression n’est pas seulement menacée par le débat qui entoure la notion de blasphème mais également par la mainmise d’une élite sur une majorité des médias traditionnels. Par l’influence exercée par le gouvernement sur les chaînes d’information. Par la difficulté pour les journalistes d’exercer leur métier. Par la méfiance générale de la population française face aux médias. Par l’écrasement progressif du politiquement correct sur le débat d’idées. Par le développement de la cancel culture. Protéger ce droit fondamental ne peut pas passer par la sélection des menaces auxquelles il fait face, surtout quand cellesci sont fortement instrumentalisées.
Portant, entre cancel culture, harcèlement de masse et fake news, les réseaux sociaux comportent également leur lot de dangers, tout particulièrment lorsque l’équilibre entre liberté et réglementation est aussi fragile. Derner exemple en date : la fermeture du compte Twitter de Donald Trump. On peut s’en réjouir mais la censure (hors des limites de la loi) n’est jamais une bonne noubelle pour la liberté d’expression, comme en témoigne les réactions inquiètes d’une grande partie de la classe politique française, du RN jusqu’à la France Insoumise
Sous le voile doré des millions de #JeSui s Charl i e, l’union illusoire rêvée n’aura en tout cas pas duré bien longtemps. ■
GRAPHIQUE PAR PIXABAY, CREATIVE COMMONS
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Les élections législatives au Maroc: comment la démocratie SAMY EL MALOUI
CHRONIQUEUR
s’insère dans la monarchie
En seulement un mois, l’année 2021 a déjà offert son lot d'événements imprévisibles. Entre variants multiples du COVID-19 sans-frontière, du Cap jusqu’à Londres, attaque populaire d’un symbole de l’institution démocratique étasunienne, façon prise de la Bastille bien moins glamour, ou encore scandales moraux au sein du “Harvard français”, elle est également le théâtre d’un processus important au sein de la vie politique marocaine. Le mois de septembre marque le début des élections législatives au sein du royaume chérifien, afin d’élire les membres de la Chambre des représentants, la chambre basse du parlement de type bicaméral. Pour comprendre cet événement dans sa globalité, souvent méconnu en France, il est nécessaire de se pencher sur l’organisation du système politique marocain. Le Maroc est une monarchie constitutionnelle. Qu’est-ce qu’une monarchie constitutionnelle ? (Pour les personnes qui n’auraient assisté qu’à un nombre lamentable de cours magistraux) : elle se définit comme une monarchie où le pouvoir de la figure royale est contrôlé par un ensemble de textes constitutionnels. Au Maroc, l’organisation des institutions est ainsi définie par la constitution du 1er juillet 2011 même si le roi garde malgré tout un certain pouvoir au-delà de son rôle symbolique. Le pouvoir se sépare entre trois entités : l’exécutif, le législatif et le pouvoir judiciaire. L’exécutif est détenu par le gouvernement sous la supervision de l’entité royale incarné par le roi Mohamed VI et le pouvoir législatif est bicaméral (coucou monsieur Tusseau). Il se divise donc entre la chambre basse, la Chambre des représentants dans laquelle siègent près de 395 membres ainsi que la chambre haute, la Chambre des conseillers dans laquelle siègent 120 membres depuis la révision constitutionnelle de 2011. Le pouvoir judiciaire est détenu quant à lui par les institutions juridiques comme les tribunaux. Nous allons nous pencher ici sur le pouvoir législatif et notamment l’élection des membres de la chambre des représentants. Les élections se déroulent tous les 5 ans, les précédentes ayant eu lieu en 2016. Elles intègrent un mode de scrutin hybride. Sur les 395 sièges, 305 députés sont élus par suffrage majoritaire plurinominal au sein de 92 circonscriptions tandis que les 90 restants le sont au scrutin propor-
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tionnel plurinominal au sein d’une seule circonscription. Il faut noter que pour ces derniers, une discrimination positive a été mise en place avec une obligation d’accorder 2/3 des sièges à des femmes et le reste aux candidats ayant moins de 40 ans. Pluralité idéologique étant caractéristique d’élections démocratiques (sauf dans certaines démocraties africaines où le président sortant remporte les élections avec 120% des voix), il existe différents partis politiques dont il est nécessaire d’expliciter les opinions. Les plus importants en termes de sièges sont : le Parti de la justice et du développement, parti à tendance conservateur d’idéologie islamiste et placé à droite de l’échiquier politique, le Parti authenticité et modernité, de centre-gauche à l’opinion libéro-socialiste, le parti de l’Istiqlal, premier parti à avoir vu le jour au Maroc dans le contexte du combat pour l’indépendance qui se revendique conservateur ainsi que nationaliste et qui est placé à droite ainsi que le Rassemblement national des indépendants (pas celui auquel vous pensez) de centre et royaliste. Après avoir vu le fonctionnement technique des élections législatives et les partis les plus représentés, nous pouvons alors légitimement nous demander quelle est l’importance réelle de ce processus démocratique au sein d’une monarchie constitutionnelle à l’exécutif puissant comme peut l’être le Maroc. Après les révolutions arabes de 2011, de nombreux pays du monde arabe ont entamé une transition démocratique plus ou moins réussie, et cela est passé par une période d’instabilité encore présente aujourd’hui (l’exemple de la Syrie est particulièrement frappant). Le Maroc ne fut pas épargné et malgré une contestation moindre que dans d’autres pays arabes, elle était malgré tout bien présente. La réponse du pôle de la gouvernance s’est articulée notamment par la révision de la constitution de 2011 avec l’introduction du respect des droits fondamentaux dans les textes constitution-
nels notamment. Un autre évènement important cette année fut symbolisé par les élections législatives de novembre 2011 dans la continuité de cette réforme avec la victoire du PJD, parti conservateur et islamiste, qui dans son socle d’opinion se retrouve être opposé au gouvernement. Nous pouvons alors nous dire que ce processus permet l’intronisation de la démocratie au Maroc, avec des élections qui auraient permis au peuple de montrer son désaccord avec l’exécutif, le tout dans un environnement politique varié où régnerait la pluralité idéologique et le débat d’idées. Sur le papier, tous ces paramètres sont réunis. La réalité est cependant bien plus complexe. Les partis politiques n’ont que peu de pouvoir et les élus au parlement approuvent dans la majorité des cas les projets de loi gouvernementaux. La séparation égalitaire des pouvoirs n’est pas assurée puisque l’exécutif garde une domination sur l’entité législative et le fait que le roi puisse dissoudre le Parlement, suspendre la constitution ou encore légiférer par décret royal (dahir) illustre bien cela. L’opposition ne peut donc décemment pas représenter un danger pour le gouvernement avec la présence de cette mainmise. Il est impossible de critiquer la politique du gouvernement sous peine de s’exposer à des sanctions judiciaires, ce qui rend quasi impossible les discours désapprobateurs. Les partis ne sont pas vecteurs de grands changements car étant fortement reliés au pouvoir avec des nombreux membres en leur sein issus du Makhzen (le pouvoir marocain). Les scandales internes qui entourent les différents partis politiques ne permettent également pas un développement cohérent notamment avec la problématique de la non-déclaration du patrimoine. Ainsi, de nombreux élus communaux furent déchus de leur fonction en juin 2020 par cette raison. Face à cet ensemble de doutes, les citoyens expriment leur lassitude par un fort taux d’abstention. Pour illustrer mon propos vis-àv i s de la faiblesse des partis dans la vie politique marocaine, je prendrai l’exemple d’un évènement récent qui a fait grand bruit : la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Comme un symbole, c’est le chef du gouvernement, tête d’affiche du PJD par ailleurs, Saad-Eddine El Otmani, qui a signé l’accord entre les deux pays. Il avait pourtant toujours affirmé son opposition à toute normalisation avec l’État hébreu, ce qui montre le flou autour de la supposée liberté des partis politiques. L’année 2021 rajoute une problématique importante : la situation absolument préoccupante au niveau socio-économique du
Maroc, en raison de la pandémie de COVID-19 qui a très durement touché le pays. L’état de l’économie est dramatique et le roi Mohamed VI s’exprimait en ces mots lors du discours à la Nation lors du 67ème anniversaire de la révolution du roi et du peuple : « Malgré ces mesures et en dépit de nos efforts pour atténuer l'acuité de cette crise sanitaire, Je le dis en toute sincérité, les incidences seront rudes ». Les partis politiques doivent donc composer avec un contexte difficile. Il sera nécessaire de retrouver la confiance du peuple dans le processus démocratique après une gestion difficile de la pandémie en 2020 par les instances politiques. Un autre enjeu de taille consistera à dynamiser la participation des tranches les plus jeunes qui ont quelque peu délaissé le jeu politique par désenchantement et déception face à leurs revendications peu entendues. Pour l’analyste politique marocain Mohamed Bouden, le discours des partis politiques doit passer des « promesses vagues » à de réelles propositions concrètes, en accord avec les problématiques qui touchent la société marocaine d’aujourd’hui. Le coronavirus menace également les élections d’un point de vue organisationnel et logistique ce qui pose la question d’un report (dans le pire des cas) ou d’une adaptation flexible avec par exemple les votes par correspondance (en évitant si possible des polémiques de l’ampleur de ce qu’il a été possible de voir aux États-Unis). En définitive, les partis politiques en course devront tenter de répondre aux inquiétudes légitimes des marocains par des programmes cohérents en composant avec les doutes grandissants au sein du peuple, malgré leur faible espace des possibles au niveau décisionnel. En conclusion, les élections législatives représentaient sur le papier un processus intéressant notamment dans le cadre du potentiel virage démocratique que devait prendre le Maroc en 2011. Elle voit s’affronter des partis politiques aux idéologies différentes qui permettrait au peuple de voir un véritable affrontement sur le front des idées et l’incarnation de toutes les opinions contenues au sein de l’entité populaire. Malheureusement, elles s’avèrent être davantage une simulation grotesque d’une démocratie dans la théorie seulement afin de servir de vitrine positive, et qui s’effondre dans son application réelle par la répression de la vraie opposition, et non pas celle qui en donne l’illusion seulement. L’influence dominante de l’exécutif sur les partis politiques rend la démocratie, dans sa définition purement essentialiste, impossible à mettre en place de manière totale. L’application réelle de la démocratie passe donc par un changement drastique au niveau systémique ce qui remet en cause une structure présente depuis des siècles, la monarchie autoritariste. Le Maroc est-il prêt à aborder ce virage effrayant aux premiers abords ? La question est délicate, difficile à entendre et nécessitera un long cheminement sinueux pour trouver une réponse qui permettra le développement au niveau socio-économique d’une nation qui mérite bien mieux que le marasme global actuel qui y règne. ■
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le rapport de la France MARIEM BEN M’RAD
CHRONIQUEUSE
PUBLIÉ À L’ORIGINE SUR
LEZADIG.COM
L’
Unesco, à travers la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles promue en 2005, définit la diversité culturelle comme étant la multiplicité des expressions culturelles des groupes d’une société donnée. Ces expressions culturelles se transmettent de génération en génération, au sein de groupes distincts, mais aussi entre les groupes. Mais est ce que cette définition suffit ? La diversité culturelle en France représente-t-elle seulement les nombreuses formes à travers lesquelles le patrimoine culturel est exprimé, enrichi et transmis et les divers modes de jouissance artistiques ? Quel est le rapport de la France avec cette diversité culturelle ? Entre laïcité, essentialisation et stigmatisation, de nombreux débats ont éclaté ces dernières années à travers les médias, ce qui met encore en lumière aujourd’hui de nombreux questionnements autour de cette diversité. Pour tenter de les décortiquer, cet article prendra appui sur la place de la culture arabo-musulmane dans la société française. Avec plus de 8 millions de musulmans français, la question de leur intégration dans l’espace public est au centre des problématiques actuelles. Instrumentalisés, raillés, loués, critiqués ou communautarisés, les musulmans et l’islam européen sont un sujet sensible, qui croise tour à tour les routes d’autres questions qui le sont tout autant ; l’identité, l’intégration, l’immigration, la pauvreté, la laïcité européenne, entre autres. En effet, cela fait maintenant plus d’un
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Admettons que... je change de prénom. Du coup est-ce que tu vas oublier que je suis moins clair que les autres prénoms ? Genre si j’ai un prénom plus typiquement français, plus blanc, ton projet c’est quoi, c’est que je le devienne avec le temps ? (...) Et si je change de prénom et que je suis asiatique est ce que ca sera plus facile pour toi à prononcer que grain de riz ? Et si je change de prénom, est-ce que tu vas choisir autre chose pour moi ? Ça ça m’intéresse. (...) Genre est ce que tu vas choisir comment je dois m’habiller, comment je dois pas m’habiller , si je suis une femme comment je dois me désabiller à la plage ? (...) Ok. Et si je change de prénom, toi qu’est ce que tu changes ? Moi je veux bien changer, mais toi qu’est ce que tu changes ? Est ce que tu vas te décoincer, est ce que tu vas te détendre ? Parce que j’ai l’impression que t’as peur en fait. J’ai l’impression que t’as peur que ton monde change. T’as peur que je te change alors que tu veux me changer en premier. J’arrive pas à comprendre ce que tu veux en fait. Tu veux que je change pour que je me sente plus chez moi, mais quand je me sens plus chez moi tu croies que je vais te “grand remplacer” ? Si je change de prénom est-ce que je pourrais enfin arrêter de me justifier quand quelqu’un qui me ressemble fait quelque chose qui ne me ressemble pas ? (...) Et est ce que ça changerait quelque chose pour toi si l’équipe de France gagnait deux fois la coupe du monde avec des français avec des prénoms pas français ? T’as vu je fais du sarcasme, c'est français ça hein ? - Fary, Faciès siècle que la France a vu arriver “ un Autre” sur son territoire et qu’elle est devenue une terre d’immigration. Depuis le début du XXème siècle, les entreprises puis l’Etat ont largement fait appel aux immigrés pour venir travailler en France, participer à la reconstruction et à la modernisation du pays. Suivie d’un regroupement familial, l’immigration a été un véritable pilier pour la reconstruction de la Nation française et l’équipement de son territoire. Ces hommes et femmes se sont installés en France et aujourd’hui, ces familles se construisent sur plus de
avec la diversité culturelle quatre générations; pourtant la question de leur intégration envahit encore l’espace médiatique. On ne compte plus les œuvres artistiques produites par ces générations; qui semblent avoir pour revendication principale d’être acceptées par ce pays qui est aussi le leur. Mais quelles sont les raisons de ce rejet ? Qu’est ce qui fait que la France est encore partiellement réticente à considérer ces hommes et femmes comme Français ?
I/ La laïcité pour une France une et indivisible Lorsque l’on pose le regard sur la France, nous sommes mis face à une nation extrêmement attachée aux symboles, à ce qu’ils représentent dans la société française. Ils sont censés rappeler aux Français les valeurs de leur pays, le fait qu’ils soient unis par la même histoire et les mêmes traditions et qu’ils doivent en être fiers. Depuis les attentats meurtriers du vendredi 13 novembre 2015, et ceux qui leur ont succédé, les Français se raccrochent aux symboles républicains. De la Marseillaise scandée dans les écoles et dans les stades, aux drapeaux tricolores affichés sur Facebook, ces emblèmes font figure de valeur refuge et semblent répondre à un besoin d’unité nationale. Mais est-ce que la France est prête à prendre du recul sur des symboles si chers à ses yeux, pour donner une réelle place à des groupes culturels diversifiés dans l’espace public ? Ainsi, lorsque l’on veut traiter de la question de la diversité culturelle en France, un symbole tout à fait fondamental n’est à pas omettre. En effet, la France repose d’abord et avant tout sur le principe de laïcité. Symbole de la Nation française, elle garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit
à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion que d’en avoir une autre ou d’en changer, ou encore, de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses. La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public. Voilà comment la laïcité est présentée dans les textes. Fondement tout à fait louable, elle devrait permettre la mise en place d’une société stable où chacun a sa place. Cependant, la réalité des faits est bien différente, certains considèrent d’ailleurs que la laïcité ne peut être la solution pour une bonne cohabitation entre tous. En effet, peut-on considérer que la laïcité ne permet pas d’effacer les différences mais seulement de les maquiller ? L’article 1er de la Constitution de 1958 prévoit que « la France est une République indivisible, laïque (...)», que le peuple français ne fait qu’un, et que le ciment de cette unité est entre autres le fondement laïque de la Nation. Mais cette affirmation est déjà discutable. La laïcité veut créer un espace public neutre, où la diversité culturelle s’éteint pour laisser place à une société sans mélange. Il est peut être caricatural de ma part de présenter les choses de cette manière, mais les débats médiatiques qui émergent depuis plusieurs années reposent tout de même beaucoup sur cette idée. Aseptiser la société, la rendre homogène, pour que tous puissent trouver leur place… mais que personne
ne soit tenté d’exprimer sa diversité. Il me semble ainsi que c’est également sur cette idée que repose la laïcité à l’école : effacer les différences pendant les 17 ans de scolarité, et n’y faire face que plus tard. Ainsi, lorsque quelqu’un “sort du moule” et exprime sa différence, le regard des autres n’est pas forcément des plus affectifs. A titre d’exemple, on peut reprendre la question du voile en s’appuyant sur les écrits de Hamza Esmili et particulièrement sur son article La Communauté qui est venue. Voile et politique en France contemporaine, publié sur Lundi Matin. Dire du voile qu’il n’est pas souhaitable dans « notre société », c’est d’abord affirmer qu’il lui est étranger. La thèse n’est pas neuve, elle a été très explicitement soutenue par un ancien Premier ministre qui, à l’aube de sa campagne électorale d’alors, avait dit de Marianne qu’elle avait « le sein nu » et qu’elle « n’était pas voilée ». Il apparaît ainsi que l’actualisation de la Nation et de son gouvernement par la focalisation du débat politique sur le voile islamique est d’autant plus recherchée qu’elle s’inscrit dans une trame contemporaine plus large où s’enchevêtrent, au plus haut niveau de l’Etat, les injonctions à lutter collectivement contre la « radicalisation » et le « communautarisme », à la fois à travers et par-delà le cadre institutionnel. Cette lutte a donc un effet évident et direct sur la diversité culturelle et la place des populations arabes musulmanes*dans l’espace public. En outre, le voile semble donner une puissante incarnation aussi bien à l’ennemi intérieur, celui d’une communauté qui selon la rumeur publique aurait fait sécession du corps national, que ce qui est tenu pour être une manifestation en acte de l’emprise exercée par une idéologie réputée régressive.
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II/ Une essentialisation des musulmans La laïcité permet d’éviter un problème, de fermer les yeux face à la réalité. On peut également considérer la laïcité comme l’une des sources d’une essentialisation des musulmans français et d’un repli communautaire, même si elle n’est pas la seule. Par définition, essentialiser, c’est réduire un individu à une seule de ses dimensions. Ainsi, un Français est blanc. ... Et qui plus est, l’essentialisation crée un phénomène dangereux qui pousse les individus à se définir eux-mêmes selon la catégorie dans laquelle on veut les faire entrer. Cette essentialisation “à la française” constitue entre autres une réaction de défense à la peur d’un éternel « Autre » dont le musulman semble remplir le rôle à la perfection. En effet, les actes terroristes ayant ponctué les années 2000 et 2010 ainsi que la question omniprésente de l’(in)compatibilité entre les valeurs européennes et les coutumes musulmanes a amené les gouvernements européens à mener une institutionnalisation du culte musulman. Le discours médiatique est tout à fait représentatif de cette essentialisation et contient souvent de nombreuses confusions comme relevées par Philippe Corcuff, qui déconstruit dans son article les glissements sémantiques trompeurs répandus par la télévision. Il dénonce ainsi les « amalgames à tendances islamophobes » d’une certaine gauche, incarnée dans les médias par Caroline Fourest, qui dans l’exemple développé par Corcuff – la candidature d’une jeune femme féministe et voilée aux élections régionales – assimile sans explications « islam » et « islamisme obscurantiste ». De la même manière, au sein de la droite réactionnaire, le discours d’Eric Zemmour repose sur la construction d’une égalité parfaite entre « islam » et « race », par le biais de glissements sémantiques subtiles. Enfin, Nadine Morano, députée européenne et ancienne ministre, dans son intervention très controversée en septembre 2015 sur le plateau de l’émission « On n’est pas couché », pose une série de mots présentés comme des synonymes, entre « nation », « culturel », « religieux » et « race », respectivement accompagnés d’adjectifs tels que « blanc » et « judéo-chrétien » ; série de termes à laquelle elle oppose très naturellement l’expression de « France musulmane ». L’essentialisation est donc double, du « côté » musulman comme du « côté » français, et les confusions sémantiques sont présentées comme des faits ou des certitudes intellectuelles qui induisent le spectateur en erreur. Mais cette dimension de l’essentialisme pose un problème fondamental. L’essentialisation fonctionne dans les deux sens et n’est pas réservée aux musulmans ; elle construit un « nous » français et un « eux » musulman, distinction dont le caractère binaire permet de rappeler sans cesse, par différentiation, les caractéristiques du « bon citoyen » et des « valeurs de la République ». En essentialisant l’intégralité de la société en deux « camps », on crée des normes ex-
clusives, autoritaires, dangereuses pour la diversité culturelle française.
III/ Que demande-t-on aux arabes de France aujourd’hui ? Mais que demande-t-on à ces français aujourd’hui ? Ces français d’origine étrangère qui ne savent plus quoi faire face à un État qui leur demande un effort d’intégration tout en insistant sur leurs différences. On leur demande par exemple d’accepter le blasphème, de le voir comme une consécration de la liberté d’expression. Pour reprendre une définition claire du blasphème, c’est une parole qui outrage la divinité, la religion, le sacré, et, par extension une personne ou une chose considérée comme quasi sacrée. Mais en réalité, quelle est son utilité ? Pourquoi insulter la religion d’un autre ? En quoi remettre en question une diversité culturelle fait avancer la société ou réfléchir sur des concepts ? J’ai sincèrement cherché une réponse à ces questions mais en vain. Ainsi, je suis navrée d’y croire mais je considère sincèrement le blasphème comme une attaque gratuite envers un peuple, par ailleurs porté par une culture bien plus noble qu’elle n’est montrée dans les médias. Pour citer Pierre Rabhi dans le chapitre “caricatures et dérisions” de La convergence des consciences, caricatures et dérisions sont humiliation et blessure de l’autre - et donc violence sournoise - au nom d’une lucidité autoproclamée que s’octroie l’observateur “éclairé”. A la différence de l’ironie qui pointe les lacunes en souriant, la dérision n’est pas une expression de la liberté de parole. Dans le débat et la critique même, on ne doit à aucun moment se départir d’une certaine bienveillance. (...) Détruire l’estime de soi, attenter à la réputation ou porter atteinte au sacré et à la dignité des autres ne fait qu’engendrer de la violence en retour. Ainsi, est ce qu’il est légitime de demander à ces populations d’accepter ce que l’on peut maintenant appeler des attaques ? Il me paraît tout à fait logique que le blasphème ne soit pas perçu comme une représentation de la liberté d’expression; mais plutôt comme la représentation d’un « vous n’êtes pas les bienvenus en France ».
Pour clore cet article, il me paraît important de mettre en valeur la parole d’artistes français qui revendiquent encore et toujours leur place dans l’espace public. Voici donc un florilège de citations qui, je l’espère, vous inspireront. BIBLIOGRAPHIE (1/2) : Dimensions de la laïcité dans la France d’aujourd’hui Martine Barthélemy, Guy Michelat Dans Revue française de science politique 2007/5 (Vol. 57), https://www.youtube.com/watch?v=nr0RPVvKWDI. Video Fary
Depuis la bonne idée d'l'État d's'enrichir sur les immigrés Leur refourguer les quartiers où la classe moyenne se suicidait Orelsan, Kery James - A qui la faute
Marine Regarde-nous, on est beaux On vient des 4 coins du monde, mais pour toi on est trop (...) J'ai peur du suicide collectif des amoureux en couleur Diams - Marine
Car c'est bien là tout le problème, dans le fond je suis aimante Leur seul argument pour vous dire à tous que je suis gênante C'est de vous dire que je suis l'ennemie Parce que je suis une femme convertie Et que je porte le voile Diams - Lili
Paris bohème, Paris métèque, Paris d'ancre et d'exil "Je piaffe l'amour" médite une chinoise à Belleville Leonardo da Vinci se casse le dos sur un chantier Je vois la vie en rose dans ces bras pakistanais Une ville de liberté pour les différents hommes Des valises d'exilés, des juifs errants et des roms Aux mémoires de pogrom, aux grimoires raturés Des chemins d'Erevan, aux sentiers de Crimée Caravanes d'apatrides, boat people, caravelle Sur tes frontons Paris viennent lire l'universel Gaël Faye - Paris Métèque
Bientôt, toute l’humanité sera en uniforme. C’est l’un des plus grands signes des temps : l’éradication de toutes les originalités fondées sur la diversité culturelle. La monoculture galopante n’est à l’évidence pas sans risque pour la poursuite de l'Humanité Pierre Rabhi - La convergence des consciences
C’est vrai, nos mots sont durs mais en rien illégaux Vous, vous les qualifiez d’impurs car ils ne flattent pas votre ego C’est juste un cri de colère d’un jeune au bout du rouleau Qui en veut à la Terre entière car il est mal dans sa peau Sniper - La France, itinéraire d’une polémique
BIBLIOGRAPHIE (2/2): LA COMMUNAUTÉ QUI EST VENUE. VOILE ET POLITIQUE EN FRANCE CONTEMPORAINE Hamza Esmili
Vous nous traitez comme des moins que rien sur vos chaînes publiques Et vous attendez de nous qu'on s'écrie "vive la République!" Kery James - Lettre à la République. ■
paru dans lundimatin#216, le 14 novembre 2019 Corcuff, Philippe. “Prégnance de l’essentialisme dans les discours publics autour de l’islam dans la France postcoloniale” Confluences Méditerranée 45 (2015): 119-130
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CELESTE ABOURJEILI
HEAD OF STAFFWRITERS NOTE: Many students quoted in this article have decided to remain anonymous to avoid facing repercussions from the administration which have been observed in the past. As the author, I have decided to leave my name on the article and defend my position in spite of the potential consequences.
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DOES THE MENTON ADMINISTRATION FALL SHORT? Students Compensate for a Weak Administration
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For many students, the excitement of being accepted at Sciences Po quickly turned into a self-deprecating humor as the true nature of the school’s administration was revealed. While Sciences Po likens itself to the “Harvard of France,” most students would argue that the Menton administration does not live up to this reputation. In fact, it seems that students have taken it upon themselves to do the job of administering when possible. For instance, the Menton Policy Review is an initiative launched by students this year which sends a weekly bulletin to the entire student body on Sunday of each week. The bulletin includes updates about COVID-19 and local policies, news from student associations, and information about school events that pertain to 1As, 2As, and exchange students. However, at most institutions, this information is communicated from the school directly. Students enrolled in the SciencesPo-Columbia Dual BA, for example, are used to receiving frequent updates about security in France (sometimes several a day) and general information from the Columbia administration—and this is without even having reached the Columbia portion of their education. The constant slew of emails from Columbia stands in stark contrast to the silence of the SciencesPo administration. Perhaps the lack of administrative prowess comes from the $90,000 difference in tuition between the two institutions. But the staggering prices of American universities should not serve as reference to the rest of the world, especially not in Europe where comparable top universities are considerably cheaper than universities in the US. One would expect €10,000 to at least cover email responses from the school, yet the Menton administration is known for its poor response rate. When student Ada Baser tested positive for COVID-19 in the middle of finals week, she received a limited response
from the administration.
“It was incredibly frustrating to be sick while simultaneously trying to get responses from the admin regarding my health and taking my final exams,” Baser said. “I can understand the difficulty of managing the school on a limited staff, but a responsive staff would have gone a long way to help a sick student feel at ease.” The night before the Media in the Middle East seminar was scheduled to begin this semester, students were frantically searching for a Zoom link or information on whether the class would be in-person. “I just emailed ***** *** ***, the Academic Advisor [to find out if there is a link],
“but I don’t expect a response,” an anonymous student said in the group chat that night. *** *** responded to tell the student that the class would be online, but did not provide a link. Just 11 hours before the class’s debut, another student messaged in the group chat stating that it was postponed. There had been no formal communication to all the students in the course from the teacher or the administration by this point, and without the student body’s self-support, most would probably have been fooled by their schedule which still displayed the course. Those students can consider themselves lucky for even having heard any information in advance. For English Track 1As, it became clear that the first Arab Spring seminar course would not be taking place only after it was meant to begin. With no notification from the teacher nor the ad-
ministration, the student body once again relied on itself to ensure that it wasn’t collectively going crazy. The very next day, a student singlehandedly notified the entire 1A class that the Sociology lecture scheduled for that day would also be cancelled. When Sociology seminar teacher ***** ****** came to class the following week, his whole lesson plan had to be modified on the spot when students told him the first lecture had not occurred—apparently nobody informed him either. One week later, the night before what should have been the second Sociology lecture, students were once more uncertain whether the class would take place, still having heard nothing from the teacher. A student in the 1A group chat asked, “Is there any info[rmation] on whether or not the Sociology lecture is happening tomorrow?” While the sense of camaraderie the student body has developed is inspiring, the fact that students regularly turn to each other in desperation instead of simply receiving information and support from the administration is disheartening. An anonymous student representative commented on this element of self-reliance among the student body. “What shocked me the most was that
“when a student brought up the fact that the administration is [understaffed], the director, *******, said that we as students could contact unions and try to make the change,”
the student said. “It’s frustrating because we are not paid for this,
“we [as students] are not paid to do the administration’s work, and it is shocking that they all know they are understaffed but they don’t do anything about it... we, the pupils, are the victims.” Most SciencesPistes are now accustomed to the shortcomings of the SciencesPo Menton administration and it has become somewhat of a joke among students when the administration is responsible for just about anything. Course registration in mid-January was no exception—the 1A Facebook Messenger chat exploded on January 12 as many students were unable to sign up for all their classes in the 1-hour allotted time slot, which was not accommodated for students in different time zones. For some, the issue was that their triplette classes—mandatory core classes—conflicted with their choice of exploratory and art seminars. In many cases this was hard to foresee as course schedules changed just the night before course selection. In other cases, the classes that students were eligible for became full before they could sign up, and they were left with no options that fit into their schedules. The scheduling conflict was only exacerbated by the fact that students had only two pieces of information to base their choices on: the course name and the time. 1As had no course descriptions to help with their choices and since the seminar classes were all new, 2As, who are the
usual source of help, were unavailable. For 2As, course descriptions were made available, but only the night before course registration. Language registration, which was the responsibility of the students this semester for the first time ever, came with similar shortcomings.
three emails throughout the hour of registration. There wasn’t any reply until 2 minutes before the end of registration, when I was told I would have a sufficient language level to follow a class in French.” Heblich explained that, beyond being unable to register for the anglophone class, “the bigger issue was that [by that point] I couldn’t even register for a French one without [a] schedule conflict. I definitely didn’t appreciate our academic advisor’s communication at that moment.”
Student Jenna Leguellec said, “I am still not registered…. when I clicked on the languages I needed to register there were no courses at all. I just couldn’t do any- A few days later, however, the administrathing…. I wrote to the admin [immedi- tion resolved Heblich’s problems and he ately] and they never responded to me.” was happy with his course schedule. Even though he expected more attentiveness in One student found herself as the only the situation,” Heblich believes that it is Mentonnaise SciencesPiste in B2 English. not merely the job of one individual facSince the school could not make a class ulty member of the administration to imfor one person in Menton, the student prove. “I rather think the university could has to take classes with the Paris campus. establish a more anticipated approach to For the student, this has resulted in many course registration and schedule conflicts and they have multiple classes at the same time. “For [the administration] to actually notice that [it] couldn’t put me in B1, I had to call multiple times,” said the student. The small size of the campus may be one struggle that the administration has to tackle, but for many students it is the unresponsiveness that bothers them the most. considering that we only have one hour of registration.” Even so, the SciencesPo Menton administration does seem to work for certain The administration can be incredibly efstudents. Lionel Chambon received help fective and helpful when it wants to be, from the administration when he lost his but its inconsistent work ethic and lack of power during a storm. “They called me im- responsiveness pose major problems for mediately and asked if I was okay, offering students. An anonymous student reprethe assistance I needed,” Chambon said. sentative said it best: “the administration The administration also quickly reached doesn’t realize how [its] inefficiency afout to Chambon when he was sick. “Of fects us because [it is] always late… [it] course I also have my share of emails that is stressing us… it’s not a little problem go unanswered, but I was never left alone to do everything last minute—it’s actualwhen I had a serious problem,” he said. ly impacting [the students in Menton] so much.” For students like Leander Heblich, the administration also proved to be help- At the end of the day, the message from ful, but only after persistent effort on his the Mentonnaise SciencesPistes to their part. “I had an issue as I wanted to regis- administration is clear: for a school that ter for an anglophone Arabic course, but cares so much about reputation, you the only one without schedule conflict could do the bare minimum of respondwas already full when I logged in… I sent ing to your students’ emails. ■
“designate more than one person as an immediate contact,”
(White)
EMILY IN PARIS
Reflecting on the Netflix Show as an American of Color Living in France SANTOSH MURALIDARAN
EDITOR-IN-CHIEF
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Many diamonds filled my backpack that day of school. Not real diamonds—although still very much symbolic of wealth, just a different type—but edible ones. In a container that was the stereotypically immigrant tupperware. I was 11-years-old. “It means cashew slice,” I affirmed. And it was made of cashews too (hence the translation), and very much tasted like them as well. I wrote down the actual name on a piece of paper. “Kah-joo,” they tried. “Bah—” Not quite, I thought, yet I had little to no clue either. They liked the taste, nonetheless. I was glad. It was “culture day” in my fourth grade class, and I brought one of my favorite South Asian sweets, Kaju Bharfi, which is shaped like a diamond, to school to share with my classmates. I had eaten it very frequently while growing up—yet I never succeeded in pronouncing it correctly. To this day, as I write, I am unable to string the letters together in a way that would resemble its correct pronunciation, whatever that may be. To be fair, I was unable to string the letters together of any word in any South Asian languages, let alone my mother tongue, Tamil (spoken in the Indian state of Tamil Nadu as well as Sri Lanka). Born and raised in the United States in an Indian household, I was blessed with an ability to understand it, yet cursed with an inability to speak it.
PART I: “Representation”—Or Not Emily in Paris touched my heart when Emily unknowingly stepped on a pile of dog poop on a French street. For someone whose experiences of inadvertently stepping on dog poop in France may well be in the double-digits, as silly as it seems, witnessing another American having to maneuver French streets’ abundance of dog poop all while facing the larger, more pressing issue of having to assimilate into French culture provided me with a sense of comfort. In my initial stages of watching the show, I indeed sought these moments of connection; after all, Emily in Paris was the American’s story in France—the lost, non-Francophone American attempting to assimilate in a land in which their American-ness is no longer the norm, much less the center of the world (as it is very much perceived to be in America).
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Accordingly, I am hit, upon my arrival back to the United States each break, with questions on how much of Emily’s life resembles mine. Yet after much thought, in the end, the only story that appears close to my experiences here is that of the dog poop.
PART II: Roots As a racial minority in the outside world, the best part of growing up in a place where people look like you is that they look like you. The worst part? That they really do, indeed, look like you. The Silicon Valley is renowned for its technology industry, where the famous line from Hamilton “Immigrants: We Get the Job Done” resonates deeply, for at the very heart of the area lie companies who owe their very existence to immigrants and/or their children: Steve Jobs (son of a Syrian immigrant, founder of Apple), Stergey Brin (Russia-born immigrant, founder of Google), and Eduardo Saverin (Brazilian native and U.S. immigrant and later citizen, co-founder of Facebook), to name a few. Much of Silicon Valley’s immigrant population today consists of immigrants and their sons and daughters from East and South Asian countries. In this year’s census of my high school, located in the heart of the Silicon Valley and a mere three kilometers from the headquarters of Apple, students under the “Asian” category constituted approximately 72% of 2,195 total students. America’s history and nature of dominant whiteness, the same whiteness that 60.1% of the population* bears today, according to the latest national census, is a reality so detached from the rigid bubble we lived in that it could only be conceptualized rather than seen (or experienced). Thus, when the idea of it permeated
within the student body, school culture depicted it as antithetical and innately threatening to our Asianness—our successful, scholastic, Stanford-aspiring (and Stanford-attending, if we’re exceptionally lucky) Asianness. This manifested itself in norms and rules in among our student body that regulated just how American and just how Asian we were supposed to be. Not being able to pronounce Kaju Bharfi was the beginning as it portrayed a lack of genuine connection with my supposed culture. And yet, it was this same “culture” which I was expected to disassociate from when it was deemed to be “too brown.” The ability to speak fluent Tamil was thought of as paying respect to my heritage, yet when speaking English, it was necessary to speak with an American accent because an Indian accent indicated a lack of proper assimilation into American culture. My lack of knowledge in the vast film industry, Bollywood, meant I spent my time consuming more American media (it’s true), rendering me a disgrace to my culture, and yet playing classical Indian musical instruments such as the tabla (an Indian drum) or the Indian flute was too Indian. It was crucial to internalize some aspects of American culture, yet not all, and the line was fairly blurry. To be a FOB (Fresh off the Boat, a derogatory term used to refer to immigrants who recently immigrated from their home country and have not adopted the values or societal norms of their host country) was to commit social suicide, but to be a coconut (“brown on the outside, white on the inside”, or too American) was the equivalent of the disgraceful act of bowing down to the white man. America is majority white, the outside world’s image of a typical American is a white person (not one with a long and difficult-to-pronounce last name who brings food that has a peculiar, unfamiliar smell to school everyday), and we knew—but we didn’t experience. We didn’t experience, so we pretended, and threatened to tear each other down in the process. This was our story—perhaps almost utopic, for there may not be another time in our lives where we are a majority and not a minority—but but we still yearned to fit into white America, to reach the perfect equi-
librium point at which both our American and Asian identities were just right. The point, however, was as unattainable as it was fantasized. I remind you: the worst part is that they really do, indeed, look like you. *In the official national census, this percentage excludes Americans who are Hispanic or Latino but includes Americans of Middle Eastern or North African descent.
PART III: Emily, Mindy, and the world in between “You think you can change the whole French culture by sending back a steak?” Mindy, a Chinese national living in Paris who quickly befriended Emily, asked as they sat in a restaurant. Emily, frustrated that her steak was not cooked properly, demanded the chef make a new one on the basis that “customers are always right.” She was reminded by Mindy that this principle does not hold in France. Apart from a short scene in which Emily was portrayed taking a French class in the beginning of the season, and the few times she used Google translate to talk to the few people at Savoir (the company where she worked) who did not speak English, Emily largely expected French culture to adapt to her overt Americanness. In a restaurant, Emily yelled at a waiter who “mixed up the dates” when it was she who refused to acknowledge that, in France, the dates read DD/MM/YYYY rather than MM/DD/ YYYY, as in America. She constantly viewed Paris as an amusement park and glorified the aspects of its culture which pleased her—the pains au chocolats, the wine, the men who she slept with (who all, coincidentally, spoke perfect English just for her), while she could not stop complaining about minor aspects of the culture that inconvenienced her. Mindy, on the other hand, experienced an entirely different French expat story. Whereas Emily was offered the privilege of demanding the French change their culture to accommodate her, Mindy had to bow down to the French as they were the ones who saved her from the backwards Eastern world from which
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she escaped. Whereas it was impossible for Emily to get fired, it was considerably easy for Mindy—because, of course, it is Mindy who holds the expired visa. Whereas Emily’s national origin gave her the confidence to provide an “American voice” to Savoir, Mindy’s character was used to perpetuate Asian stereotypes through the mouth of an Asian herself (“If she’s mad enough, a chopstick can puncture your skin, don’t ask how I know that” / “Chinese people are mean behind your back” / “You can’t punish people for their thoughts. I’m from China, we’ve tried”). And whereas the character of Emily had to be played by an American actress with a strong American accent and knowledge of America, Mindy was a Chinese character played by Korean-American actress Ashley Park who has a thick, noticeable accent when she attempts to speak the unfamiliar language of Mandarin, an indictment of American mass media’s tendency to group all East Asians together.
Part IV: Transitioning When others asked me why I had not applied to the Euro-Asian Sciences Po campus of Le Havre, I often responded with “too many Asians”—furthermore, I would also be enrolling in the dual degree with the University of British Columbia, a university that, too, has its fair share of a large Asian demographic, nicknamed the “University of Billion Chinese.” Although I (thankfully) broke myself out of this mentality and it was ultimately my growing passion for understanding Middle Eastern politics, cultivated by previous visits to Egypt and Morocco and experiences reading books about the Arab Spring and the Israeli-Palestinian conflict, that led me to choose the Middle East-Mediterranean campus of Menton, I originally believed transitioning from one highly Asian-concentrated environment to two others would be a missed opportunity for me me adjust to different environments and experience true diversity. And yet, when I was finally one of the faces of the student body diversity that Sciences Po so proudly promotes in Menton, a cold reality quickly hit: You’re not ready to be the one who sounds out, either.
Part V: A Minority Status I watched Emily in Paris with the hope that I would see myself and my experiences on television—that perhaps high school had
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its own unique hoops and hurdles, but here is something I can now relate to. Menton was the first place in my then-18 years of living where I had to confront the reality of being a minority. In August 2019, I left my hometown as the only one to venture across the Atlantic Ocean for my undergraduate studies. Viewing my pictures, some high school peers would often joke “How did you find so many brown people in France?”, unaware of the demographic composition of the Menton campus boasting a percentage of international students at a whopping 70% of the campus population. Yet, as a minority among that 70%, I was the South Asian in Mewnton among very few others: All at once, I am the educator (“actually, Indian is not a language), the apologizer (“Sorry, my last name can be difficult to pronounce, you don’t have to say it”), the one who surprises (“no, actually, America is really where I’m from!”), the one who disappoints (“no, I’m sorry, I don’t know how to cook many Indian foods”)—and perhaps the most thrilling since you never know when it’ll hit you, the criminal (“non, monsieur, cette carte d’identité n’est pas fausse”). It is simply not (and for good reason) in the immigrant’s place to enter a new country and demand that the population forgo their language and culture for them as Emily did, because those are the same rules often imposed on themselves. This results in an internal identity crisis that is as foreign to Emily and the pains au chocolat she immersed herself in for the first time in France. Instead, our story is watching Emily discuss how she hopes to travel Europe and take advantage of the open borders while we have fear crossing one of such open borders in case our legality is questioned; watching others upset with Emily’s Americanness only because of her accent while a waiter asks us if they even wash their hands before eating in restaurants in India or Pakistan or Bangladesh; watching the actress Lily Collins herself (who plays Emily) talk in a LIFEKellyandRyan interview that she hopes to do a season 2 because everything is just so much more “local and romantic” in Paris, and being hit with the truth: the American romanticization of Paris and the rest of France is a reality reserved to Americans whose skin color does not scream “refugee” at the French-Italian border, whose biggest fear on the streets of
France just may be dodging dog poop (and not, for example, the fear of the police who patrol the streets nearby), whose “culture” so perfectly fits into the American archetype that it was never a source of internal conflict.
own “American in France” story. I assure you it will receive as many (or more) watchers as your Instagram posts do with likes. Why? For starters, it really hits the feels if I may say so myself; after all, my 20 years of knowing you led me to realize:
Part VI: A Letter to You, Emily
Any experience I have attempting to “fit in” in a new environment with new people will be inherently shaped by my childhood attempts to position myself in between Mindy and yourself—yet at the same time, if (and when) I do succeed in such environments, your stories may always be the ones that are told.
Dear Emily, You win. I share your nationality—but the world may forever see me as your foreign friend, Mindy. And yet, when I spent 18 years of my life surrounded by my fellow Mindys, we still aspired to be you, we still sought to embody parts of your persona, we still yearned to adopt aspects of your lifestyle and customs, nearly ripping ourselves apart in a game of tug of war between our Mindyness and your Emilyness because we knew too much of our Mindy-ness could never earn us a position on the throne on which you so comfortably stand.
People like you may forever be barred from understanding my struggle (not that I will always be in a place to explain it to you, either). Among my immigrant background identity and my passport identity, it is the former that will be recognized more often than the latter. For I am my skin color first, then I am American. Yes, they are one and the same, but I will always struggle to get others to think of it as such when I couldn’t even do so myself.—
dear god i come from two countries one is thirsty the other is on fire Now, however, I encourage you to venture south from Paris, both need water. where the highly scenic TER train ride from Nice to Ventimiglia (in Italy) awaits you. If you encounter the French border guards, later that night they will only speak English to you if your appearance suggests i held an atlas in my lap you might hail from a far away third-world country of brown or ran my fingers across the whole world Black people. Use, therefore, their “Bonjour” or “Bonsoir” greet- and it whispered ing to let go of your American culture and instead immerse your- where does it hurt? self in the Frenchness that surrounds you. Act accordingly and respond with a kind greeting. You may even be able to grab a cof- it answered fee with one of the guards later, but beware if it’s in Ventimiglia! everywhere Having to so abruptly switch to “Ciao” after barely learning the everywhere proper pronunciation for “Bonjour” will put the list of challenges everywhere. you faced as a foreigner in Europe at a grand total of two, which may just be the tipping point that pushes you over the edge. - Excerpt from “what they did yesterday afternoon” by Warsan Shire But should you fall, there are many of us whom you will encounter who yearn to climb up. We may never be able to, but bring —and, Emily, you’re the only one with the power to shine the the cameraman of your show down with you and let us pitch our spotlight away from yourself and on those like us. So, will you? ■ You need not have starred in your show, Emily, as even the most Mindy-saturated of environments knew you from the beginning.
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From the War on Drugs to the War on Terror, the American Left has an impressive record of losing political semiotics to conservatives. In keeping with this tradition, the Left has yet again failed to effectively market efforts to eradicate racism in such a way that is coherent and cogent to a divided American constituency that is suffering from endemic ‘White guilt’ and ‘White fear.’ The former is anxious by the inadequate action of the Left to address racial inequality while the latter is anxious about the extreme action of the Left to create racial equality. In spite of the perceived dichotomy, the two poles are nonetheless united as one: they are distinctly distressed by the power of their race. While the apologists are disturbed by the importance of their skin color out of guilt from the sins of their ancestors, the white supremacists feel threatened by the perceived decrease in power of their whiteness —most ironic, however, is that both are engaging in yet another form of reductive imperialism wherein their emotions are posited at the core of racism as opposed to the struggles of those whom racism truly impacts. While the United States is an admittedly difficult country to appeal to, the Left has done itself no justice in its efforts to repair the racial divide. Perhaps
most pertinent to the racial division is the very definition upon which it is founded:
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racism. By and large, the issue with racism in America isn’t so much that we don’t agree that it exists at all, so much as it is that we fail to agree on a singular definition of the term. The Left has been attempting to argue the existence of racism using a definition that conservatives didn’t even know existed. To the
Left, racism (alongside all the other phobic ‘-isms’) is what sociologist Margaret Andersen would describe as a “matrix of domination,” where racism is a system of power that will determine one’s agency in society. In contrast, the conservative conception of racism is primarily centred on a sense of racial superiority. Here, the individual is racist, not the system. Because the intent of this article is dealing with terminology, it is first necessary to define what power is. It is simply not enough to maintain an abstract definition. Power must not be confused with agency. Agency is simply the capacity to act independently in a system. Power, however, if we are to follow preeminent German sociologist Max Weber’s definition, is the ability to exert one’s will over others’s actions. While there are numerous modes to influence the actions of others, in the late-stage capitalism of the U.S., the most determinant method of influence is arguably economic: wealth begets wealth, and without wealth there is nothing to beget. Weber argued that in addition to Marx’s notion of economic power, political power is inherently economic as evidenced by the military industrial complex. Arguably, in the U.S. specifically, eco-
nomic power can be generalized to be political when taken with American campaign finance laws, super-PACs, and lobbying. As Black Americans have been historically oppressed because of slavery and segragation, they themselves rarely—if ever—had an opportunity to accumulate wealth in the way that their white counterparts could. Black Americans largely lack power (economic and political) because there is no will without wealth to exert it. For the first time in statistical American history, the White percent increase in poverty is greater than any other racial group. American capitalism is driving millions into the lowest echelons of society—regardless of race. As the weight of economic oppression begins to weigh on all races, the Left must capitalize on the disaffection of the poor and route it as an instrument for change. Simply promot-
ing economic equality for Black people as an antidote to White guilt does not fundamentally change the system of oppression itself,
the foundation of which is built on privileging wealth. It is therefore that the Left must center their rebranding of racism on an oppressive classist economic foundation instead of white guilt and historical injustice. More hazardous to efforts to combat racism is that the Left’s preferred terms for racism is either ‘institutional racism’ or ‘systematic racism,’ which, while often used interchangeably, do in fact have nuanced definitional distinctions. According to the Alberta Civil Liberties Research Centre, institutional
racism is better understood as a subcategory of systematic racism, in that systematic racism requires no racist individual intent while institutional racism refers more to the discriminatory actions of individuals operating under the direction of a prejudiced society or individual. In keeping with the American conservative’s accusation that liberals are out-of-touch coastal elite yuppies, branding racism as institutional or systematic remains largely abstract for swathes of America: it is an incredibly academic term, and conservatives in more recent decades have shown a persistent aversion to academia. From a specific linguistic perspective, and on an abstract level, using the term ‘institutional’ carries unintended connotations. While ‘institution’ is generally defined as the social organizations ordering society, a more appropriate definition arises from Samuel P. Huntington, where he defines institutions as “stable, valued, recurring patterns of behavior.” By this definition, institutional racism is not a latent power structure, rather, it is an effectual system methodically targeting non-Whites. But that isn’t quite right. If we are to use the definition of the Alberta Civil Liberties Research centre of institutional racism, institutional racism cannot be classified as ‘stable’ when it is dependent on the whims of others. In the case of America, governing institutions are in a near constant state of change due to congressional term lengths and executive bodies changing personnel depending on the president. In fact, President Joe Biden is set to assemble
RACISM
MADELINE WYATT
COLUMNIST
How the American Left can combat racism more effectively
the most diverse executive cabinet in American history. But institutional racism is dependent upon an individual’s actions, so does this mean that institutional racism has been solved in society? The obvious response is a resounding no, and it is because of the persistence of socioeconomic inequality borne of slavery and Jim Crow laws. The term institutional racism is at best an erroneous presentation of racism in America as it is too abstract, and even in abstraction, it still fails to properly encapsulate and address American racism. The other preferred term— systematic racism—fails for similar reasons as institutional racism. Systematic racism does not require individual intent or action: it exists in and of itself. Systematic racism as a term is problematic in that it implies that any attempt other than complete destruction of the system and society at large is futile in combating racism. If the default reaction to progress in America is clinging to
the status quo, the Left lacks an appropriate branding of racism. It should be noted that in this article I almost exclusively use a Black/White racial dichotomy of power, and while there are many other marginalized racial groups in America, the “Social Justice Warriors” preaching anti-racism have by and large ignored them. People prefer to help those who are visibly struggling, if only to ease their pity and discomfort and veil the misery of those visible to them—but most tragically, this tendency most harshly impacts the original victim of America: Native Americans. Out of sight out
of mind. Because we cannot see them, we do not feel their pain. This is conceivably symptomatic of a larger issue in America, where privileged Americans prefer to remain ignorant until the problem is in the streets forcing them to look at it in horror. Perhaps, more horrifying is when we realize that the abstraction of the Left’s
institutional and systematic racism instead helps obfuscate the day-to-day realities people face as consequences of racism. It is yet another instrument through which politicians can resist taking direct action on racism: because the system is inherently racist, they argue that they cannot resolve it barring total destruction of the system—and the overwhelming majority of Americans have no interest in starting society afresh. It very simply is yet another example of propagating the status quo. These brandings of racism packaged it cleanly and placed on a shelf for safe keeping, people knowing it exists but no longer caring because they did their obligatory performative protesting. It has become like climate change: we know it is happening in real time, but because we are not exposed to the realities first-hand, we brush off our complicity in the problem.
If the Left is sincere in its desire to combat racism, it must explore alternative methods outside of their preferred “systematic” and “institutional” racism. This is not to say that the Left’s arguments regarding the existence of these things is false—quite the opposite, in fact—but American politics has always been a game of semiotics, and the Left needs to rebrand in order to better fight racism. Ameri-
cans have always responded best when an issue is driven with an economic framework in mind. And while institutional racism rightfully includes economic inequality, the Left needs to focus on the economic aspect of it and needs to rebrand accordingly. The Left finally has an opportunity to make meaningful progress on racism borne of historical policies and actions, and they must market their fight carefully in order to effectively create change. ■
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#StopTheSteal From behind a screen to sporting riot gear
Shock, disgust, and chaos seem to be common sentiments following the insurrection on the United States Capitol on January 6, 2021. For some people on online chat rooms, however, the decision to storm a building that symbolizes the democratic institutions of the nation was nothing if not premeditated. Based on ex-president Donald Trump’s false claims that the election was rigged and “stolen,” some of his supporters from around the na-
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tion convened in Washington D.C. in protest of Congress’s proceedings to confirm the results of the Electoral College, which would establish Joe Biden as the 46th President of the United States. Thousands gathered, many sporting MAGA (Make America Great Again) merchandise as well as Confederate flags and riot gear. Participants included members of Proud Boys, a neo-fascist group; QAnon, a conspiracy organization; and other extremist groups. Around 2 P.M., hundreds of rioters had infiltrated Congress, an occurrence which has not transpired since the War of 1812 against Great Britain.
ADA BASER
DESIGNER
Even minutes after news of sibility of the government to the insurrection hit mass meprovide security to its people dia, people started questionand their representatives? In ing not only the motivations that case, what justifies the of the participants, but also three hour gap between the the responses of the police official request for the Naforce. First of all, the United tional Guard and their arrival States police A grimmer consideration—will at the scene, force, known the conflict and violence con- long after the for being tinue after Biden’s few weeks of height of the systematical- presidency? violence had ly racist, was died down? brought under fire through side-by-side comparisons of Yet in order to understand the its response to the insurrecconflict, the origins must be tion beside the numerous inspected. Hundreds of thoupeaceful Black Lives Matter sands of people had been mesprotests earlier this year. saging about a desire to breach Social media posts following the Capitol and #StopTheSteal the event prompted people of the 2020 election, which to question what the insurwas allegedly stolen at the rection would have looked hands of the Democratic Party like if the instigators had been through fraudulent election people of color. Would the five practices, a claim supported deaths have been doubled? by Trump and disclaimed by Tripled? Would the number Congress. The original plan, of arrests have been the same? outlined on online platforms Secondly, the inefficiency of like Gab and Parler, was to the National Guard in protect- stop the vote from the Senate, ing one of the nation’s most which would later validate the
sacred symbols of democracy and the countless lawmakers and aides therein reveals the politicized nature of the country’s security forces. Is it not the first and foremost respon-
Electoral College. If there was previous knowledge of this breach, why was the police response so low? Ruth Steinhardt, in an article for George Washington University Today,
postulated that one reason was “institutional reluctance to take online conversations seriously as actions plans.” Although this is true to a certain extent, it is naïve to take for granted that the online world will always stay online. History has shown time and time again that legitimate violent attacks have arisen from “mere” texts, tweets, or posts, and that social media has even helped in the creation of new neo-fascist organizations like Young Boys. In fact, social media and online agitators further pushed for violence, even during the riots. So, where do we go from here? The threat of an attack is far from over. One of the participants in the insurgency, a domestic terrorist, might convert to extreme violence to highlight their point. Predicting an assassination or attack is terrifying, but the responsibility for preventing such occurrences is twofold: monitoring social media activity and holding responsible people accountable. The FBI must treat the threat on chat rooms like Parler and Gab as they treat foreign terrorist threats to US soil and assets. Although deplatforming individuals from online resources does not stop the threat completely, especially due to COVID-19 restrictions for organization in person, it is absolutely necessary to take the online component seriously. Regarding accountability, not only must the instigators of such attacks that spread
false facts (albeit promoted by Trump) face the criminal justice system, but also platforms which allowed such extremist discussions to go unchecked must be, for the lack of a better term, “checked.” Furthermore, the elected officials that supported such claims and in turn offered
legitimacy and a platform to these terrorists must be held accountable for supporting an insurgency, whether intentionally or not. Some have argued the direct impact that the now ex-president had on the insurrection. However, Gab threats against former Vice President Mike Pence appeared directly following Trump’s critique of Pence through Twitter for not “do[ing] what should have been done” by invalidating the Electoral College, which
Pence rightfully asserted was beyond his Constitutional abilities. The appearance of “unrest” and related terms on social media started rising at the start of Trump’s rally earlier that day, and only spiked with the breach of the Capitol. It was only after the mob assault that Trump was blocked from Twitter, yet his
misinformation, perpetuated by other politicians, had already circulated the Internet. People in positions of power, politically and economically, have seldom been limited from social media networks in the case of misinformation and the consequent instigation of hateful movements. A grimmer consideration— will the conflict and violence continue after Biden’s few weeks of presidency? Sites like Parler have been shut down,
but what’s to stop another application from popping up in the next few days, weeks, months? Simply expecting private companies like Facebook and Twitter to block extremist content is not sufficient in eradicating the issue—on the Internet, any single post can be screenshotted and circulated through a multitude of different platforms. Moreover, information can be taken out of context when communicated through the 280 characters of a Tweet. So, what does the future look like? Former FBI analyst Daniel Jones foresees increased violence; in fact, the priorities of the FBI in upcoming years might even shift towards monitoring these instances of domestic terrorism. In this day when we rely so heavily on social media to get information and stay connected with friends despite lockdowns, it is perhaps difficult, but even more so, important to note how violence can build up online and spill out into the streets and into national buildings. Will this event change how we view the role of social media? Will the Biden administration be able to reassure democracy in the United States? Only time will tell. ■
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Les DANGERS de la
« CANCEL CULTURE » NOA CHASLES
CHRONIQUEUSE
PUBLIÉ À L’ORIGINE SUR
LEZADIG.COM
En septembre dernier, le rappeur belge Roméo Elvis s’est retrouvé au cœur d’un déluge médiatique sur Twitter après qu’il ait été accusé par une jeune femme, d’agression sexuelle et de gestes déplacés. L’embrasement immédiat des réseaux sociaux, devenus presque simulacre d’une cour de justice, reflète une pratique venue des Etats-Unis et fortement contestée : la cancel culture, aussi dite culture de l’élimination ou de l’annulation. De fait, si l’idée de lynchage ne date pas d’hier, il prend aujourd’hui une forme très particulière, et se consacre paradoxalement dans un monde dématérialisé, à coup de hashtags et de captures d’écran. Blackfaces, tweets compromettants, déclarations polémiques en tout genre : la « cancel culture » s’érige ainsi en une forme de nouvelle justice visant à dénoncer publiquement une personne pour des propos ou des actions jugées problématiques. Elle prend généralement la forme d’un lynchage public, d’un boycott ou même d’un harcèlement de masse, allant parfois jusqu’à la
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volonté de destruction d’une carrière ou d’une marque. L’auteure J.K. Rowling en a fait les frais pour des propos transphobes, tout comme l’actrice Léa Michele (Glee, Scream Queens) qui s’est retrouvée sous le feu des critiques après avoir fait l’objet d’accusations de racisme, et la liste est encore longue... Favorisée par l’explosion de l’utilisation des nouvelles plateformes et ravivée par le mouvement MeToo en 2017, cette pratique s’est plus récemment exportée en France. Chaque vague de révélations, particulièrement lorsque celles-ci ont trait à une personnalité publique appréciée, suscite un engouement considérable, particulièrement chez les jeunes générations mais cela pose un certain nombre de problèmes. D’abord, la cancel culture s’établit comme une justice alternative et manichéenne qui exclut toute possibilité de pardon, d’erreur et d’ignorance.
Elle donne un pouvoir considérable aux masses sur la perception d’un individu, allant parfois jusqu’à la destruction d’une réputation sur de simples allégations, et rend périlleux le développement d’un libre-arbitre en s’opposant à l’établissement de tout débat. En impactant la possibilité d’un contre-discours, la liberté d’expression elle-même s’en voit directement menacée au profit d’une vérité unique difficile à critiquer. Dernier recours pour certains, la cancel culture possède l’avantage de se rendre accessible au plus grand nombre, ce qui est loin d’être le cas des médias traditionnels. Par ailleurs, si la cancel culture n’est pas une réelle solution, elle pose la question d’une insatisfaction grandissante face au fonctionnement de la justice et des institutions, Twitter devenant alors temple de la vérité et défouloir face à l’absence de conséquences et d’évolutions juridiques, tout particulièrement dans le cadre de mouvements comme MeToo ou plus récemment BlackLivesMatter. ■
Why humans were never meant to fly ISMAEEL YAQOOB
COLUMNIST
I have always felt that our feet don’t allow us to walk at a pace that can perfectly accompany the race of our thoughts. Sometimes it feels like the ability to spread your wings and fly could offer the ultimate relief. But all things considered, I also feel like flying would be at most a non-human act that we do not at all deserve. Clocking up some hundreds of hours in the skies had me thinking for a long time about our relationship with the art of flight. Indeed, it is something that mesmerises the human psyche, and the ability of our bird friends has always been an enviable trait, so much so that we caricatured them; then called it a plane. We are, however, limited to a view that allows our minds to only flirt with the idea of what it feels like to fly. And our natural inclination for division has produced borders that are aware of the relative incapacity of humans to move around simply through bodily means.
In an increasingly globalised world, we have created corridors between countries on either side of the world, producing an abundance of transport links as cheap as they are speedily efficient. Instead of embracing the nomadic spirit of those who came before us, we drew borders, rallied behind this notion of the state, and raised flags over one another. In a world where land has been poisoned by human greed and exploitation, where territory has been nurtured into a com-
modity, it is clear we are unable to really engage in the coexistence we so desperately pretend to love. For us to exist in the skies would indicate we have accomplished at least a basic mutual sense of compassion for one another. For all the harm we have managed to manufacture with merely two feet that can barely manage a walk across town, I wonder the state of affairs were we to have wings. There would probably be regulated flying hours and minimum ages imposed. A European passport would entitle you to unrestricted travel whilst permits to fly over the continent would probably take years to attain. The responsability for a pair of wings is one that humans will never be ready for.
Such a privilege wouldn’t even be in question for those most optimistic about our condition. It is, however, most human to feel a certain awe when experiencing the natural world. When birds take flight, there is a certain veneration coloured by a shade of jealousy for the freedom and fulfilment they can enjoy. Technological progress has however made the first forms of human flight, probably reserved for a people extremely out of reach. Maybe one day, flying will become a new normal, just as those on camelback joined a society of limousines and 4x4s. Until then, however, I’ll keep taking my 9.99 euro Ryanair flights so that I can go on flirting with the idea of spreading my wings and taking flight. ■
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street food : Origines et Sociologie d’une pratique culturelle MERIEM SMIDA
CHRONIQUEUSE
TOUTES LES PHOTOS GRÂCE À CREATIVE COMMONS
Photos de Tunis, Tunisie
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Le 17 décembre 2020, la fierté du peuple chinois est grande face à l’inscription au patrimoine universel de l’UNESCO du Tai chi chuan, art martial ancestral qui a vu le jour il y a plusieurs siècles dans l’Empire du Milieu. Ce faisant, le célèbre organe des Nations Unies reconnaît l’appartenance du Tai chi chuan à un panel de traditions culturelles que l’on appelle le patrimoine culturel immatériel. Ce patrimoine est vaste : chansons, pratiques sociales, rituels, savoirfaire et artisanat font partie de cette liste dressée par l’UNESCO et qui ne cesse d’évoluer au fil des ans.
ents en tout genre : les images font rêver tant elles stimulent notre imagination sur les pratiques culinaires de la civilisation romaine. La « street food » a réellement voyagé à travers les siècles et les époques. De cette petite échoppe romaine à la tendance naissante des food trucks de cuisine gastronomique, un nombre incalculable de pratiques culinaires de rue ont vu le jour.
On a d’ailleurs tendance à présenter la street food comme un Ma nature gourmande fait que je me suis Je n’avais jamais douté de la dimode de consommation importé souvent intéressé au patrimoine culinaire et mension sociale de la cuisine : qu’il d’Asie. D’un côté, oui, car la street sur ce que la cuisine nous dit sur le passé (et s’agisse de partager un couscous food répandue aujourd’hui en Occile présent), mais c’est un visionnage récent avec sa famille ou de prendre un dent (et surtout en France) est très qui a attisé ma curiosité pour une pratique café avec des amis. largement inspirée de celle que l’on fascinante à laquelle, comme tout le monde, retrouve dans les rues de Tokyo ou j’ai beaucoup pris part. Il y a quelques semaines, j’ai découvert une dans celles de Phnom Penh. Mais d’un autre, si l’on regarde série Netflix qui vaut le détour : Street Food Latin America. Ce do- dans le passé, les marchands ambulants de baozi en Chine concu-série, dont il existe aussi une version sur la tradition culinaire naissent des équivalents dans d’autres régions, notamment en asiatique, présente plusieurs « chefs de rue » issus de plusieurs Europe où des marques de l’existence de la cuisine de rue sont pays d’Amérique Latine et qui nous emportent dans un voyage cu- visibles au Moyen- ge. Certaines de ces pratiques médiévales, linaire et culturel exposant à la fois leur histoire et celle des plats comme la vente de châtaignes rôties dans les rues de France, qu’ils cuisinent et revisitent. sont encore présentes aujourd’hui, notamment pendant Noël.
Lors de l’épisode dédié à Lima, c’est à travers l’exemple du ceviche péruvien que l’on voit l’histoire d’un plat né du mélange des traditions culinaires japonaises et péruviennes du fait de la vague d’immigration japonaise dans les années 1930. Un sujet fascinant qui mêle gastronomie et Histoire, qui m’a donné envie d’en savoir plus. En me documentant sur le sujet, je me suis vite rendue compte que j’en savais en réalité très peu sur la street food. Je la croyais relativement neuve, conséquence de la « fast life », née de la frénésie et de l’urgence de notre mode de vie mondialisé. Je n’avais en fait pas considéré son existence sous des formes différentes que celles sous lesquelles on la connaît aujourd’hui. En réalité, elle puise ses origines dans l’Antiquité. La nouvelle avait défrayé la chronique le mois dernier : un thermopolium (ancêtre des échoppes de street food) datant d’il y a plus de deux mille ans a été découvert dans la ville de Pompéi, enfouie sous plusieurs couches de sédiments volcaniques et qui continue de révéler ses secrets au fil des fouilles archéologiques. Fresques, pots et récipi-
En voyant les images de cette petite échoppe antique, quasiment intacte, j’ai essayé de m’imaginer la vie urbaine que menaient les romains et les possibilités d’interactions sociales que cette échoppe permettait. Je n’avais jamais douté de la dimension sociale de la cuisine : qu’il s’agisse de partager un couscous avec sa famille ou de prendre un café avec des amis, les interactions qui naissent du partage culinaire sont infinies. Je pense ici à la culture du café comme lieu social qui a marqué l’Europe du XXIème et qui continue d’occuper une place centrale dans les cultures des pays arabo-musulmans. Cependant, je trouvais que la « street food », mode de consommation radicalement différent, en coup de vent, situé au coeur de la ville, impliquait une réduction de ces interactions qui avaient, selon moi, du mal à se créer dans l’urgence de la rue. J’avais, comme vous pouvez le deviner, bien tort. PHOTOS PAR MERIEM SMIDA
Les petites échoppes, food trucks et autres formes de street Me promener dans les rues de Tunis est food permettent un brassage social inouÏ par leur ancrage sans doute une de mes activités favorites. dans la ville et donc leur accessibilité. La cuisine de rue est Il y a une ambiance particulière, une effercélèbre pour être un lieu de socialisation privilégié par la vescence qui me rend nostalgique par moclasse ouvrière (prix abordables, et possibilité de manger enments, une palette de sons et d’odeurs qui semble lors des pauses y favorisent La crise sanitaire pose un nombre me rappellent des souveles échanges) mais on a eu tendance faramineux de questions sur le futur nirs d’enfance. Sidi Bou à extrapoler et à la considérer comme de certains secteurs [de street food]. Saïd est un des endroits étant exclusivement réservée à cette Alors, tandis que la restauration classe. Or sa dimension avant tout que je chéris le plus, avec souffre grandement des restrictions culturelle efface beaucoup la notion son bouillonnement habitugouvernementales imposées en du prix comme marqueur social et el et ses nuances bleues et France et autre part, qu’en est-il la fait d’elle une pratique populaire chez blanches qui se confondent street food ? tous les individus qui partagent alors avec le rivage que le village un héritage culturel commun, mais aussi chez les touristes cusurplombe. Mais si j’aime tant Sidi Bou Saïd, rieux de découvrir la culture du pays à travers sa gastronomie. Tous ces éléments, et cela déconstruit encore plus ma conception initiale, font que les rencontres fortuites sont fortement favorisées par ce moment social, perdu à mi-chemin entre la frénésie paradoxalement froide de l’espace urbain et l’intimité inviolable des intérieurs. Que les plats soient traditionnels ou non, ces petites échoppes permettent toutes sortes de conversations éphémères, beaucoup moins engageantes que celles que l’on pourrait avoir dans des restaurants ou des cafés où les discussions entre étrangers sont peu communes. Malgré sa popularité, cette cuisine de rue est accompagnée par son lot de problématiques, la plus centrale étant la question de l’hygiène. Cette remise en cause a d’ailleurs conduit à son interdiction dans la ville de Montréal dans les années 1940, suite à de nombreuses plaintes déposées par les citoyens. Vous vous en doutez bien, la pandémie est loin d’apaiser le débat.
c’est aussi à cause de (ou grâce à) ma nature gourmande dont je parlais. L’odeur du bambalouni chaud (beignet traditionnel tunisien souvent servi avec du sucre) qui se dégage de cette petite échoppe perchée sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd ajoute un charme essentiel à ce coin de paradis méditerranéen que j’aime tant.
C’est pour cet amour de l’héritage culturel mondial que la protection du patrimoine immatériel mais aussi matériel me tient à cœur, particulièrement aujourd’hui, alors que la pandémie sévit et que le désintérêt de plusieurs gouvernements pour certains secteurs est frappant. La street food fait indéniablement partie de ces sacrifiés, à la fois par son appartenance au secteur de la culture, de la restauration et du tourisme : il reste à voir si « l’après COVID » changera radicalement la cuisine de rue et comment nous la consommons. ■
La crise sanitaire pose un nombre faramineux de questions sur le futur de certains secteurs. Alors, tandis que la restauration souffre grandement des restrictions gouvernementales imposées en France et autre part, qu’en est-il de la street food ? Sans doute est-elle encore plus fragilisée et menacée. Criblée de critiques pour son manque d’égard envers les normes d’hygiène, généralement gérée par des individus issus de la classe moyenne, la street food est fortement touchée par la pandémie. La crise plonge ces restaurateurs urbains atypiques dans la précarité et plonge l’espace urbain, privé de l’ébullition que la cuisine de rue génère, dans la morosité et la grisaille de la ville.
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Depuis son apparition formelle en Allemagne dans les années 1980, le black bloc, ce rassemblement éphémère et ponctuel de plusieurs anonymes, est venu troubler l’ordre aseptisé de la contestation sociale. Largement - ou stratégiquement - incompris, il périclite, au lieu de banalement saccager l’espace public, les soubassements du système actuel. Et c’est tant mieux.
La déconstruction représentative du black bloc et sa pertinence au XXIe siècle
JOSEPH SIRAUDEAU
CHRONIQUEUR INVITÉ
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Le black bloc, une méthode incomprise
aucune préparation préalable, il est également composé de groupes affinitaires, fonctionnant par connivence visuelle et connaissance mutuelle. Mais A intervalle régulier, les journaux les actions demeurent spontanées et ne s’emparent d’une question de la plus font jamais l’objet de concertation et haute importance : qui sont (vrai- de planification quelconque. Les seuls ment) les black blocs ? Terrible par- moments de rencontre se déroulent au adoxe, quand nous connaissons la sein-même des manifestations et autres couverture médiatique dont béné- “traditions festives, comme le premier ficie ce mode d’action particulier. mai ou les fameux G7 [groupe de dis-
Tantôt tête de turque, tantôt tête de gondole, la tactique du bloc reste généralement méconnue ou mal interprétée.
cussion des 7 plus grandes puissances mondiales]”, témoigne un ancien participant au black bloc pour Le Zadig. Par ailleurs, cette absence d’identité parcellaire au profit du visage de la Manifester ne se réduit pas à docilement masse ne doit pas occulter le fait que se déplacer d’un point A à un point B. “le bloc est majoritairement Nous en voulons pour preuve le black blanc” et reste “un privilège”. bloc, technique de manifestation à visée Certes, on ne peut nier l’aspect composdisruptive, notamment par le biais de ite du bloc : professeur.e.s, étudiant.e.s, l’action directe. L’action directe peut se bénévoles... De même, la présence des définir comme le fait d’agir soi-même, femmes et des personnes opprimées par voie légale ou illégale, violemment en général est une réalité. Mais force ou non et sans intermédiaire - comme est de constater l’abondance d’hommes blancs, dont la violence incarnerait un parti politique, par exemple.
“l’expression de la masculin-
Une autre des caractéristiques essentiité” (1) elles dudit bloc réside dans son anony- au sein du bloc. Inutile de préciser, mat, choisi avant tout pour son caractère aussi, que les personnes racisées font le idéologique et protecteur. D’un côté, le plus durement face à la répression.
net refus de la hiérarchisation Cette esquisse du black bloc méritet de la domination.
“Si le public en général se réjouissait de ce que nous faisons, ce serait la preuve que notre guerre est inefficace. Nous n’espérons pas que vous soyez contents” (2).
Désacraliser la violence Le black bloc ne peut cependant pas se départir de sa portée destructive, ellemême déterminant de sa représentation politique, médiatique, théorique et populaire. Par abus de langage, nous parlons spontanément de “casseurs” pour décrire les actes de vandalisme dont ses “membres” sont les auteur. rice.s. Si cette construction discursive perd tout son sens dès lors que l’on définit ce qu’est un black bloc, elle doit démystifier la violence qu’elle lui incombe systématiquement. Cette pratique est apparue comme le spectre des manifestations. L’épithète “violent” lui est associé à tout va et participe, de fait, à la crainte qu’elle inspire. Le concept - car il ne s’agit ni plus ni moins que d’un concept - de violence a une connotation éminemment négative. Il vient heurter nos sensibilités et évoque généralement la souffrance ou la brutalité. Mais il serait fallacieux de circonscrire l’étude de la violence à sa seule dimension physique et émotive. Le règne de la paix et de son corollaire, la non-violence, a permis, au sein des espaces “développés” - économiquement et politiquement parlant -, à un phénomène d’invisibilisation de la violence de s’installer.
erait d’être mieux connue afin d’éviter déjouer l’appareil de surveil- la méprise dont il fait continuellement l’objet. Surtout, au lieu d’être accusé de lance et de répression. Ce choix de la - partielle - invisibilisa- nuire au message du mouvement social tion traduit un rejet de l’individualisa- par les autres manifestant.e.s jugé.e.s tion, formant ainsi non pas un groupe “pacifiques” - “paciflics” -, il devrait organisé mais une onde noire et subver- être respecté et encouragé. Le bloc sive. Parler “ des” black blocs est donc peut parfaitement décider de protéger la manifestation des forces policières erroné sur le plan conceptuel. et porter, par exemple, secours aux Il existe, pourtant, une pléthore de processus vioDeux nuances doivent ici être ap- marcheur.euse.s en danger et riposter portées. Si le black bloc n’est pas un contre les forces de l’ordre. Dans tous lents à l’oeuvre dans nos sociétés contemporaines. collectif et se constitue sur le tas, sans les cas, le black bloc se suffit à lui-même, comme l’affirme l’un de ses usager : De
l’autre,
faire
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A partir de ce constat d’insensibilisa- ances en votant, ici, des lois aution des corps à la violence, celle extoritaires ercée par le black bloc se dote de nou- (e.g., la “loi anti-casseurs”, en avril 2019, velles considérations : elle s’érige comme en France (5)) et recourant, là, à l’arbitraiun outil de contre-pouvoir ou re (e.g., les perquisitions dans les réseaux une volonté d’inverser les rap- d’extrême-gauche français en 2008 (6)). ports de force (3) en réponse Mais la “microviolence” voire la “nanovà des violences de plus grande iolence” (7) du bloc, en comparaison à l’extrême militarisation et policiarisation ampleur, d’ordre symbolique étatique, qui entraîne arrestations, blessou systémique. ures et décès, pèse un poids plume. Pour En démolissant les devantures, par exem- cet ancien habitué de la tactique du black ple, de grandes enseignes ou de banques, bloc, “manifester peut mettre en exergue la l’agissement des participant.e.s répression de l’Etat”, en soulignant la “dis-
tres, de prendre part sans heurts aux rassemblements contestataires et de défiler dans les règles de l’art.
Ces divergences stratégiques n’ont jamais été véritablement tranchées. C’est pour cette raison que le bloc optera, non pas pour l’une ou pour l’autre, mais pour la diversité des tactiques. La violence, comme la non-violence, sont jugées pareillement légitimes et reçues avec respect. Néanmoins, une contradiction subsiste : quand les partisan.e.s de la non-violence désirent amener au bloc ne se résume pas à un proportion [qu’il existe] entre un dommage matériel et un dommage humain”. le pouvoir à la table des négociacatharsis tions, la radicalité du bloc le pousse - bien qu’il en revêt indéniablement les “Oui, ça arrive que le bloc pro- à se pratiquer et à se penser en dehabits. Au contraire, pour Francis Du- voque la police, mais en quoi ça hors des structures dirigeantes. puis-Déri, dans son ouvrage Les black vaut un oeil, un bras cassé ou blocs : la liberté et l’égalité se manifestent, même une jambe ?”, poursuit-il. La gauche exaltée, le choix de telle ou telle cible laisse passer un message. Le soi-disant “casseur” va Ces distinctions en termes de degré de pour le peuple et par s’attaquer à des symboles du capitalisme la violence ne doivent pas s’opérer sans le peuple et de l’Etat, intrinsèquement violents et tenir compte de son efficacité dans les infiniment plus destructeurs que ces ac- luttes. La posture, adoptée autant par les A contre-courant des mouvetions de type directes. manifestant.e.s que par les politiques, qui ments progressistes, ouverts au veut faire de la “violence” du black bloc dialogue avec les institutions et La sacralisation du bien matériel, à la fois une entrave à la diffusion et à l’audibil- chantres de la volonté collective comme créature et créateur de la société ité du message “légitime” - encore une d’une homogénéité repoussante -, de consommation (4), recouvre des réal- fois, il n’y aurait qu’une revendication le black bloc oppose la pluités beaucoup moins attrayantes, en par- digne d’avoir voix au chapitre - annihile ralité. ticulier la violence quotidienne de l’Etat. tout débat. Or, ce mode d’action mis en Plus que tout, il récuse les idées L’autorité publique détient, cause ne ferme lui-même pas la porte à de représentation et de hiérarchie, conformément aux clauses du la critique. En fait, il s’agit d’une contro- s’inscrivant en ce sens dans la veine contrat social, le monopole de verse récurrente au sein de ces cercles-là. anarchiste. Déclaré néfaste au mainl’usage légitime de la violence. Si la majorité des acteur.rice.s du black tien de la démocratie, le bloc accroît La moindre usurpation qui excèderait les bloc perçoivent dans la violence une util- au contraire l’ensemble des possilimites dressées par cette violence instru- ité et une nécessité, elle ne dénigre pas bles démocratiques. En se présenmentale - calculée et calculatrice - se ver- pour autant l’alternative. Autrement dit, tant comme une voie libertaire et rait anathémisée. Par conséquent, l’action l’usage de la force ne les égalitaire, il se défait des courroides plus radicaux.ales, tels que le bloc, empêche pas d’avoir recours à es représentatives. L’horizontalité est perçue comme une atteinte déme- des formes d’action non-vio- prônée vise à “en finir avec l’hégémonie” (8) et décrit avec plus de surée - si ce n’est “terroriste” - à l’une des lentes. justesse le projet anarchiste - plutôt prérogatives fondamentales du pouvoir. Iels sont tout aussi susceptibles, entre au- que le prisme essentialisant de la vi-
Le régalien punit donc ces dévi-
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olence.
“Il y a une chorégraphie [...], politique
une langue qui se parle à travers
Le black bloc ainsi identifié les manifestations. Les scènes, (10) Eddy Fougier, “L’émergence d’une extrême gauche « hors les murs »” est et ne peut être qu’une c’est la rue, c’est le réel” force de gauche. abonde un ex-participant au bloc ayant Même si une sociologie précise du mouvement demeure à réaliser, nous pouvons caractériser ce moyen d’action comme l’émanation d’un peuple émancipé. Ce peuple n’a rien à voir avec l’ultra-gauche dont il est affublé à outrance ; ou plutôt, il n’a cure d’être rattaché à telle ou telle branche du spectre des courants philosopho-politiques.
accepté de répondre à nos questions. Si nous pouvons ne pas complètement nous identifier à la technique du black bloc,
nous devons dès maintenant en saisir la pertinence et encourager les pratiques qui bousculent l’ordre des choses. ■
Il est l’expression d’un Notes : “étouffement que l’on vit (1) Francis Dupuis-Déri, Les black blocs depuis 40 ans” (9) : la liberté et l’égalité se manifestent du fait de l’omniprésence et de l’omnipotence de la droite dans le champ politique. Et nous fait dire que le bouleversement sociétal, aujourd’hui inévitable, ne proviendra ni de “la droite”, rompue à l’inamovibilité et à l’inanité, ni de “la gauche” présidentiable et gouvernante. Mais bien du peuple soulevé, anti-autoritaire et autonome, délesté des carcans de la domination.
(2) Francis Dupuis-Déri, Les black blocs
: la liberté et l’égalité se manifestent
(3) Caroline Guibet Lafaye, Légitimer,
rationaliser, expliquer la violence politique (4) Jean Baudrillard, La société de con-
sommation
(5) “Loi n° 2019-290 du 10 avril 2019
L’objectif culminant du visant à renforcer et garantir le maintien black bloc réside finalement de l’ordre public lors des manifestations” dans sa prétention à se réap(6) Voir Affaire de Tarnac, novembre proprier la rue. Spontanément, la vie, celle que l’on a oubliée par atrophie de notre capacité à créer du lien, reprend vie. En cherchant “à créer des poches alternatives” (10) au sein-même du système, les usager.ère.s du bloc - dont l’engagement se décline en une multitude d’occupations hétérodoxes, qui permettent de penser différemment - visent à saper l’appareil d’Etat.
2008.
(7) Francis Depuis-Déri, Les black blocs :
la liberté et l’égalité se manifestent
(8) Le Comité invisible, L’insurrection
qui vient
(9) Geoffroy de Lagasnerie, interrogé sur France Inter en septembre pour son nouvel ouvrage, Sortir de notre impuissance
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ZIONISM: MARYAM ALWAN
GUEST COLUMNIST
Picture this: you’re sitting on the couch watching television when your older sister comes over and brutally forces you out of your seat, beating you up in the process. You look up at her indignantly and ask her why she did that, to which she responds, “I sat on this couch before anyone else when we first got it. Despite the fact that you had already been sitting here for a long time as well when I kicked you off, I was technically here first, and therefore I own this couch.” When you attempt to regain your spot, she calls you:
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Why we need to
shift
the conversation “a bigoted terrorist”, for not allowing her a safe space—even though she is the one actively depriving you of that. All you want is to get back on the couch, even if it means sharing it with the bully, but she manages to somehow always shift the conversation to how your wish for dignity and equality is a threat to her safety. She uses this as an excuse to boss you around further as you remain stranded alone on the uncomfortable floor...
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This metaphor may not be perfect, but it’s the best simplification of the creation of Israel and its subsequent occupation from the Palestinian perspective. For some reason, the focus always returns to Israel, or the “older sister,” even though it is not the victim in this situation, but the active oppressor. Why are we so caught up in the xenophobic conspiracy that Palestinians will wipe out Israel if they are given liberation? Extremists hold that viewpoint, but many people act as if the majority of anti-Zionists wish to kill or expel Israelis, which is not only not accurate, but also ignores that this already happened (and continues to happen) to Palestinians in order to create and maintain the ethnocracy in the state. It is necessary to remember the need to protect and provide a haven for Jewish people as we work towards a solution, but that should not be the current priority since their state has already been established and is no longer at risk. Meanwhile, with Palestinians being the largest refugee population still 70 years later; settlements, evictions, and annexations being the new normal; and state and identity not even being recognized—which one of the two groups is actively undergoing ethnic cleansing? Why are we tolerating and even supporting this horror against Palestinians when it is considered anti-semitic to even grant citizenship to occupied or diaspora Palestinians because it would “ruin the Jewish character of the state”? The answer as to why the reprehensible has become moral is that we’ve warped the conversation, distracting from the issue at hand by debating over definitions of contested terms, the primary one being “Zionism.” If we updated the terminology to reflect current reality, surely it would become socially unacceptable to oppose basic human rights for Palestinians. We seem to be stuck in 1900, debating whether or not Israel should exist when it already does and is not going
We seem to be stuck in 1900, debating whether or not Israel should exist.
anywhere. Palestine is the one that is in danger of erasure. We need to create a term to support Palestinian self-determination before it’s too late because, at this rate of normalization and expansion, the entirety of so-called “Eretz Yisrael” will be colonized; if you don’t already believe that the current system, wherein the Occupying Power controls the whole region, is apartheid, it will become more than apparent when there is only one state. Not only does the fight over Zionism deflect from the plight of Palestinians, subliminally framing the persecutor as the persecuted, but it leads to a counterproductive battle over semantics. Upon looking up the definition of the term, you will find a plethora of interpretations. Many Zionists say that only they should have the right to define the term, but even then there is no consensus. The agreed-upon basis seems to be support for Jewish self-determination. If anyone were to oppose this, it could appear as anti-semitic, as it would be applying a double-standard to deny Jewish people a right that many other peoples have (although exempting many, such as Kurds, Kashmiris, and now Palestinians who do not have that right). Building on that foundation, however, some say that Zionism is support for Jewish self-determination in their historic homeland. Here is where the dilemma arises: this definition ignores that Jewish self-determination in Israel has historically and consistently come at the expense of not only Palestinian self-determination, but also mere equality. Regardless of whether you believe that political Zionism has been a deliberately colonial or racist movement since its birth, the practice of forcibly displacing the existing population in order to establish a Jewish majority is indisputably immoral. And if matters weren’t complicated enough already, there are also the different types of Zionism, not just between cultural and political, but within the latter category. For example, Revisionist Zionists don’t just desire a Jewish majority somewhere in the area, but in the entire land of “Greater Israel,” which initially included Jordan. Far from a fringe group, they were key players in the foundation of Israel and have dominated the government since the Likud party first came to power in 1977. So when a person identifies as a Zionist,
they may mean that they want some sort of Jewish state in the land, but there is a lot to read between the lines. A Palestinian cannot help but question if they are in favor of the traumatic Nakba that took place in order to create said state, or worse, if they support its continuation as Israel attempts to conquer the whole region. To top it all off, Palestinians are smothered with the blanket accusation of antisemitism for opposing the ideology that steals their home and dehumanizes them in the process. Jewish people should have the agency to define their beliefs, but it is also unfair to ignore the implications of said beliefs on their victims and to then weaponize their interpretation. Zionism became a Palestinian issue the minute it began to rip apart their lives. Creating a concrete ideology for Palestinian self-determination won’t solve everything, but it’s an essential step. Instead of fruitlessly debating whether Israel should have been created—because it already has been— we need to expose hypocrites who do not support Palestinian rights. There is no point in haggling over the past, but we can still fix the future. No matter how much certain Zionists may want you to think so, extending freedom, equality, and the right of return to Palestinians does not endanger Jewish liberty. It doesn’t have to be a zero-sum game—the interests became mutually exclusive when Zionism forced an ethnocracy in a place where they were the minority. Using the term “Zionist” without a counterpart creates a subconscious bias towards Israel and sets the stage for endless misunderstanding. We’re not going to get anywhere if we continue to cater to and focus on the older sister who is already sitting comfortably on the couch. It’s time to help her younger sister on the ground before she is kicked out of the living room with no feasible path of return. ■
Creating a concrete ideology for Palestinian self-determination won’t solve everything, but it is an essential step. There is no point in haggling over the past, but we can still fix the future.
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KAMALA HARRIS IN
VOGUE LUCILLE MILLIGAN
COLUMNIST
Analysis on How we Portray our Female Leaders Disrespectful,” “diminishing,” and “ignorant” to the monumental significance of VP Harris’ achievements... 70
...crisis of “likability”—a problem hardly ever faced by male opponents... ...balance of perceived “likability” and competence...
Just one week prior to her inauguration as Vice President (VP) of the United States, Kamala Harris sparked conversation and heated debate across news outlets and social media platforms. Despite her position, the controversy was surprisingly not about policy or the future of the Biden-Harris administration, but rather a photograph. On the cover of the February edition of Vogue magazine, VP Harris was featured in relaxed clothing and Converse sneakers against a pink and green backdrop. Very quickly after the announcement, criticism began to mount, mostly aimed at the informal nature of the styling. “Disrespectful,” “diminishing,” and “ignorant” to the monumental significance of VP Harris’ achievements were all common lines of critique. Beyond the tonal incongruity of the photograph and political moment, many
that is entirely irresponsible, especially in the context of her historic place as the first ever POC Vice President.
For now, institutions like Vogue must recognize the level of responsibility they hold in their depictions of female politicians, and the gravity of the ways that their work may be utilized to both combat and exacerbate stereotypes.
According to new outlets like CNN and The Associated Press, VP Harris and her team were reportedly “blindsided” by the choice of cover. For their part, Vogue editor-in-chief Anna Wintour and editorial board defended their decision, stating that “it was absolutely not our intention to, in any way, diminish the importance of the vice president-elect’s incredible victory,” and it was recently announced that an alternative cover in a more formal style,
why, after decades of progress, does this phenomenon still persist?
also called attention to the poor lighting, which seemed to create a “white-washing” effect. Whether or not the lightening of VP Harris’ skin was deliberate, it is nonetheless a feature of the photograph
plifies the enhanced scrutiny and precarious position of any female politician in the realm of media coverage. Yet again,
using the photograph that VP Harris’ team had allegedly approved, would be run concurrently with the old. More than anything, this controversy of covers exem-
a system of double standards is arranged in such a way that she is “damned if she do, damned if she don’t.” These same issues have existed since the days when women were required to wear skirts on the Senate floor and have continued into the modern day. During her 2016 presidential campaign, Hillary Clinton, in the midst of a crisis of “likability”—a problem hardly ever faced by male opponents—faced continuous criticism over wearing pantsuits. In 2018, the haircut of Representative Alexandria Ocasio-Cortez somehow made national news. All of this shows how physical appearance is still intrinsically tied to public opinion for female politicians. But why, after decades of progress, does this phenomenon still persist? Unfortunately, due to an
enormous amalgamation of stereotypes and social history, in the minds of many, women are not inherently “fit to lead,” but must continuously defend and prove their ability to lead. Women in politics are tasked with emulating strength, amicability, intelligence—in essence, perfection—in a way in which their male counterparts are simply not required. And so heightened is this scrutiny, so fragile is this balance of perceived “likability” and competence, that even the smallest facets of public perception, pictures, TV appearances, can cause great damage. It is by confronting and comprehending these social truths that we can better understand the intense reactions against the seemingly haphazard mode of portraying VP Harris as more than reasonable. For now, institutions like Vogue must recognize the level of responsibility they hold in their depictions of female politicians, and the gravity of the ways that their work may be utilized to both combat and exacerbate stereotypes. Moreover, they must acknowledge the necessity of the politician’s own agency in their portrayal. All the while, we can hope for, and work for, a future without the prejudices that predicate these problems in the first place. ■
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What
AUDREY KOST
COLUMNIST PHOTO COURTSY OF AUDREY KOST
ROME
can teach us about the insurrection in the SULLA 138-78 BCE
U.S. CAPITOL “Those who cannot remember the past are condemned to repeat it.” - Santayana
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As an American, I am angry about the 2021 insurrection in the U.S. Capitol. It is upsetting to see democratic processes undermined by a small subset of the population. As a history student, I am also worried. Although the U.S. is nothing like the Roman Republic, the dangers that American democracy faces today are very similar to the dangers faced by the Roman Republic in the last 100 years of its existence.
In classical Rome, the Sibyl prophecies foretold the destiny of the Republic and claimed that Rome would eventually fall due to the greed and pride of the Roman people. Sibyl’s prophecy proved right; personalized rule, failure of institutions, political violence, and bipartisanism all emerged as Senators abused their power. Scipio Africanus, after leading Rome to victory in the Second Punic War, amassed personalized rule and incredible power—after all, who could challenge the man that saved Rome? Institutions broke down as a military-fiscal complex arose and foreign riches were obtained through collusion of the public and private sectors. The populares (populists), who advocated for the non-noble families in politics and the poor, were pitted against the traditionalist optimates. Violence ensued between the two factions. Broadly, there were many challenges Rome faced in its last 100 years, most of which exist to some extent in the U.S. today. However, the most salient analogy that can be drawn from the Roman Republic is the likening of consul Lucius Cornellius Sulla to former president Donald Trump.
Although Sulla is not the most famous of Roman leaders, he is similar to Trump in that he responded to perceived democratic injustices with an abuse of power and political violence. Sulla believed it was his traditional right, as an elected consul in Rome, to lead the war in Greece. After the senate voted to have Sulla’s rival, Marius, lead the war, Sulla considered it a democratic injustice and argued that Rome was filled with tyrants.
In the 2020 election, rather than concede immediately, after the election results Trump maintained the narrative that it was “stolen” from him.
He misinformed a large subset of the population and convinced them that they had been robbed of their democratic rights.
Despite inquiries in different states about election results reaffirming Joe Biden’s victory (and the fact that today he is president of the United States), Trump and a subset of his supporters remain firmly rooted in their belief that the 2021 election was undemocratic. In 88 BCE, Sulla decided to march on Rome instead of accepting his fate and sending his troops to his rival, Marius. For the first time, armed citizens entered Rome and the military displayed loyalty to one man instead of to the constitution and institutions of Rome. Sulla ordered his rival killed, alongside other politicians involved in his opposition. He posed himself as the protector of Rome, arguing he had saved the Republic (or at least made it great again). However, according to Roman historian Appian, Sulla’s coup had left “nothing which could shame warlords into holding back on military violence—not the law, not the institutions of the Republic, nor even the love of Rome.” The insurrection in the U.S. capitol was similar, as it set a new standard for abuse of power
—one that we’ve almost never seen in U.S. history. The bar has been dropped exponentially. We’ve seen politicians breaking ties with Trump and many insurrectionists have been arrested, but the vast majority of Senate Republicans still voted against impeachment. The analogy of Sulla is extreme and imperfect as Trump never mobilised an army or killed his rivals. However, the aftermath of Sulla’s story emphasizes the importance of taking the insurrection seriously. A few of Sulla’s generals resigned after his march on Rome, recognizing his abuse of power, but most did not. Sulla went on to lead the war in Greece and win. He then marched on Rome again when he returned. As a result of amassing so much power, the Senate voted to name Sulla dictator for life in 81 BCE. At this point, no one could imagine that the Republic would fall, and no one knew what could possibly replace it. So life went on, concerns were forgotten. Sulla resigned his dictatorship in 79 BCE, after passing a series of reforms, but his legacy inspired Julius Caesar and Pompey to later pursue similar abuses of the law.
Short-sightedness blinded the Senate in understanding just how dangerous Sulla’s political career would be for Roman republicanism. When the Roman orator Cicero prosecuted a corrupt politician, he warned that if the man was not convicted, “the
Republic will be doomed, for this monster’s acquittal will serve as precedent to encourage other monsters in the future.” We cannot be short-sighted when considering the impact of the U.S. insurrection. Republican or Democrat, Americans should value democratic processes and rule of law. Trump must be convicted by the Senate for inciting an insurrection and barred from running for office in the future. A precedent must be set to show that purposely misinforming citizens, undermining democratic processes, and inciting political violence will not be tolerated going forward.
As we prophesize what will happen in the aftermath of the 2021 insurrection in the U.S. Capitol, we lack a Sibyl to tell us what will happen next: we can only look to the lessons of the past.
Life cannot go on as it did in Rome after Sulla’s march. We cannot underestimate the degradation that has occured, both physical and symbolic, of American institutions and rule of law.
Luckily, it took 40 years for the republic to fall apart after Sulla’s first march on Rome. While we may still have plenty of time, it is imperative to work now to analyze the longterm impacts of the insurrection and set a precedent to protect the constitution and our democratic institutions in the United States from any and all future abuses.
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“Trouble Don’t Last Always” A personal analysis of a Euphoria episode Growing up, every birthday was a mile marker on GUEST COLUMNIST a road that, I was cognizant, led not only to death, but to something arguably worse: adulthood. To my middle- and high-school self, adulthood was not only merely the terrifying concept of independence: it was also the loss of identity. In my experience, adults were so far removed from their previous selves that they could no longer remember what it felt like to be a teenager, subsequently patronizing youth for “not having enough life experience or wisdom.” I vowed that I would be different, that I would never forget the all-encompassing angst and existentialism that came with being seventeen. Merely a year later, the latest episode of Euphoria, “Trouble Don’t Last Always,” has made me realize that I’m already starting to renege on the promise to myself. MARYAM ALWAN
The hit HBO show follows many plotlines, the primary one being that of teenager Rue and her struggles with drug addiction and mental illness. The December episode, which took place in the form of an hour-long conversation, covers a plethora of deep subjects from revolutions to romance to religion, but the focus of this article will be a fourth R: recovery. I’ve found that the insight shared is relevant to many hardships common among young people, regardless of direct correspondence with Rue’s particular health issues. For me personally, watching the dialogue unfold was like taking a time machine back to my junior year of high school. The main scene opened with Rue, clad in her trademark red hoodie and visibly high, in a diner booth across from her Narcotics Anonymous sponsor, Ali. It took him no time to call her out for breaking sobriety, to which she pushed back before finally letting her guard down and admitting that, paradoxically, drugs were sometimes the only thing keeping her alive. Not even ten minutes in, I was already struck by the parallels between Rue and my previous self. During the darkest period of my life, I also turned to numbing coping mechanisms, doing whatever it took to avoid the cruelty of consciousness. Observing Rue’s mannerisms, too, was a surreal looking glass into the past, from the scoffs and eyerolls of feigned indifference to the evasive eye contact and hesitant whispers of honest vulnerability. Throughout the whole episode, Ali provided tough love, never coddling Rue nor mincing his words. In response to her reversion to forced apathy, he said, “You’re too busy running around trying-
bulls**t everybody into thinking you’re hard and don’t give a f***, when, in reality, you give so much of a f*** you can’t even bear to be alive.” This phrase left me doubled over as if it were a punch to the gut. Rue, in a move I recognized from one master to another, acted tough by blaming her relapse on her ex-girlfriend, vilifying her in order to smother unrequited love with artificial hatred. More importantly, by accusing external factors, Rue protected herself from grappling with the true culprits which stemmed from within: fathomless guilt and unwillingness to change. Any fan of the series can recall the bad decisions Rue has made, decisions that often hurt the people she loves most. Her emotional deflection is a defense mechanism against confronting her pent-up shame, the elaborate performance having been dissolved within mere minutes. Ali, however, forced her to face the guilt for her recklessness head-on. Soon enough, Rue caved, describing the aftermath of her erratic actions candidly: “You’re never really emotionally prepared for someone to leave you. And it just started, like, this avalanche of s*** about maybe I deserve it. Maybe this is the universe’s punishment for me being a piece of s*** my entire life.” I understand Rue’s plight all too well: I was once stuck in the same pattern of mistakes and self-blame. As the frequency of fights and fragmented friendships in my life increased, I attributed their cause to the “fact” that I was unforgivable. Ali emphasized that if you give in to this self-flagellation, you perpetuate a positive feedback loop because forgiveness is the key to change. Self-labeling as unforgivable is “way too harsh and it’s also way too easy. It allows you to keep doing exactly what you’re doing without changing.” He further noted that if everyone decided that they were inherently incorrigible and stopped caring about redemption, the world would be a terrifying place. After a series of exchanges, Rue came to realize that the struggle of all human beings is living up to their belief systems, and that this battle is only amplified in those with neurochemical disorders. Her issue wasn’t that she lacked a conscience; it was that she was more prone to losing control of her behavior than most, due to what Ali described as an unlucky crossing of wires in the brain. That being said, using mental health problems as an excuse instead of motivation for progress is just as dangerous as disproportionate self-blame. My issue mirrored Rue’s: rather than finding an equilibrium, I oscillated between victimizing and loathing myself, with both only enabling me to get worse. Invoking Ali’s wisdom yet again, the longer you
allow yourself to spiral, the longer and uglier your list of reprehensible deeds becomes, stealing your values until you don’t recognize who you are anymore. The solution lies in finding a gray area, in holding yourself responsible without wallowing in self-pity. The episode's overarching thesis—containing its eponymous title—was uttered with relation to Rue’s substance abuse, but like every other point, its profoundness cannot be contained to just those battling addiction. “Trouble don't last always,” the quote began, “but only if you make a change— which is up to you.” In short, no amount of external help will succeed if you’re rooted in your mindset. Here, I am reminded of Albert Einstein's proverb: “The definition of insanity is doing the same thing over and over again, but expecting different results.” I had heard this thought quite a few times before, but it didn’t make sense in the moment—it almost felt like people were accusing me of not trying to get better, of wanting to be miserable. Now, I’m able to understand. Like with Rue’s hidden stash of pills “for emergency purposes,” I was subconsciously setting myself up for failure. But unlike Rue, I was able to pull myself out of my self-destructive tendencies because I finally realized that they were fueling a cycle that was unsustainable; they were accelerating a spinning motor that would inevitably explode. It is true that no mortal can definitively judge something as complex as character; man has spent centuries crafting philosophies trying to compensate for lack of omniscience, to no avail. Yet, despite this reality, you cannot condone unacceptable habits when there is no genuine effort to break them. A seemingly bottomless pit only hits rock bottom if the life trajectory changes, and the onus is on you to change it. Thus far, I’ve successfully balanced on a tight-rope of self-accountability without falling into a pit of self-condemnation. Crucially, I’ve also managed to foster genuine growth, conscious of when I’m subliminally sabotaging myself. These are the two reasons why I was able to hoist myself out of an ever-deepening hole. Be that as it may, one last vital factor in the equation is hope, the addition of which, Rue illustrates, is not as easy as it looks. The more the conversation progressed, the more Rue’s defensive airbags deflated. Gone was the defiant and sass-filled girl from the start of the episode, having been replaced by the human manifestation of exhaustion. In a single line, Rue managed to capture the dilemma that I, too, once felt: “The tough part about all this is that I agree with almost everything you’re saying, and I understand it. But I just don’t plan on being here that long.” What use is change when you have no intention of sticking around long enough to see its impacts? Even if change is possible for Rue, it doesn’t seem worth it, especially since life’s bigger issues would remain unresolved.
A common misconception is that people with mental illness don’t think beyond themselves, but this is often the opposite of the truth. Heightened perception and empathy make it all too easy to siphon other people’s pain; the bombardment of instant news updates exacerbates this exponentially. For people like Rue and me, everything we feel is compounded by hyper-awareness of the world’s afflictions: “The world’s just really f***ing ugly, and everybody seems to be okay with it, you know? The anger… the level of anger… everyone just out to make everyone else not seem human. And I don’t really wanna be a part of it. I don’t even wanna witness it.” Staying true to his authenticity, Ali didn’t pretend to have all the answers. While he couldn’t provide much universal insight into why life is worth living, he simply encouraged Rue to hold on by appreciating the so-called “poetry,” or little things, in life. Indeed, by taking life one day at a time, I have been able to appreciate the small joys without over-contemplating anything—I have been able to find peace. Rue could not reconcile her omnipresent suffering with meaning just yet, but her reason to keep fighting was exhibited when Ali inquired how she would like her mom and sister to remember her. “As someone who tried really hard to be someone I couldn’t,” she said. This quote is certainly bleak on the surface, revealing Rue’s lingering doubts about her self-worth and ability to succeed, but ultimately, it reflects the daily sacrifice she made in the interest of her loved ones—a sacrifice all too familiar to many still entangled in the web of despair. Rue may not want to live for herself yet, but I have confidence she will one day—I was able to, after all. Perhaps what is most jarring to me is that, within the few short months of beginning my college journey, I completely forgot what it was like to sit on Rue’s side of the booth in that diner. While I’m thankful that I’m no longer in that position, I have to continually ground myself lest I fall back in my destructive tendencies. Ali himself said that you relapse when you forget how bad it is. Hopefully, this reality check will serve as a reminder of every facet of my youth as I become an adult. I no longer live in Neverland nor frolic in the rye fields, fantasizing about freezing time, but I still worry about maintaining the memories of my youth as I become an adult. What good are the lessons learned and virtues earned in childhood if they don’t stick? What good are my moral standards if I grow up to become the condescending, imagination-less antagonist that I once despised? And what good are my struggles if I am doomed to perpetually forget and repeat them? I may never be able to overcome them completely. Perhaps I will always “beat on, boat against the current, borne back ceaselessly into the past.” But all I can do is keep going in spite of that, without losing touch with my previous experiences, in the hopes of one day becoming the Ali for someone else. ■
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LE ZA
How can you deal with reporting sexual abuse on campus?
Director Yasmina Touaibia Although Menton is known or faculty member Dania Del to be the “fun” campus of Ben directly with a statement SciencesPo, it is not immune summarizing the incident. to sexual abuse and violence, Menard warns us which are too Hotline for Gender Equality that the adminoften overAmy Greene : +33 1 45 49 50 23 istration will ask looked and amy.greene@sciencespo.fr for proof in the taken lightly Director Yasmina Touaibia : form of texts, by students. yasmina.touaibia@sciencespo.fr Dania Del Ben : photographs, and 2A Nolwenn dania.delben@sciencespo.fr other physical Menard, the Police Municipale - Menton : evidence. In president of Rue Saint-Charles, 06500 Menton, the past, when France ; +33 4 92 10 50 50 the Feminist students have Union (FU), reported such inoutlined a few cidents to the administration, options for victims and witthe solution offered to both nesses of acts of sexual abuse the victim and the perpetraor violence. When reporting an incident to the administra- tor was to switch campuses. Another option is to go to the tion, students should contact police, which Menard says would be most effective imSAAD SEMLALI mediately after the incident, HEAD OF STAFFWRITERS when physical evidence may CELESTE ABOURJEILI still be intact on the victim’s HEAD OF STAFFWRITERS body. The same is true when reporting the incident to campus as there will be a medical examination of the victim, so Menard advises victims not to shower or clean up if report-
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ing such an incident directly after the act. The SciencesPo hotline for gender equality is also available for problems of this nature, and the contact is Amy Greene, who can be reached at +33 1 45 49 50 23 or amy.greene@sciencespo.fr. Menard encourages victims and witnesses alike to reach out to Greene for guidance since she is strictly confidential and will only take disciplinary action against the perpetrator if requested to do so. Finally, Menard reminds students that she, Mahaut de la Brosse, Elza Goffaux, Zaidie Long, Eulalie Moquet, and Jaeli Rose are also available to talk to victims about their options on behalf of the FU. 2A Irem Tarcan, who shared her story on the FU’s Instagram page earlier this year, advises victims to share their story only if they feel one hundred percent ready to do so and if they feel that it would be conducive to their healing process. Tarcan also talked about the importance of naming an act of abuse. She said, “it took me a long time to process and realize
what happened, and I think it is very natural.” In such a situation, it is important not to base one’s definitions off of the common depictions of a certain form of abuse, and to instead be honest with oneself about the events that occured. Tarcan concluded that victims, “should take their time, be easy on themselves and try to see how what happened affected them… it is not [the victim’s] fault, it does not define [them] in any way.”
Comment choi l’anné How shoul major to t Alors que les 1A sont en train de devenir 2A, la question du choix de majeure devient de plus en plus pressante. Les étudiants à Sciences Po ont le choix entre trois options : Economie et sociétés, Humanités Politiques et Politique & Gouvernement. Le 2A Eren Işıktaş, étudiant en Economie et Societe, conseille aux 1A d’attendre la fin de l’année, lorsqu’ils auront eu tous leurs cours et qu’ils auront mieux
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ADIG compris leurs différents intérêts avant de se décider. “Les cours d’économie en 2A sont différents de ceux en 1A. C’est pourquoi je recommande de discuter avec différents 2A de toutes les majeures”, nous dit Işıktaş. Le 2A Maxim Karkutli, étudiant en Humanités Politiques, ajoute que cette majeure est “une superbe opportunité d’explorer de nouvelles choses, de développer de nouveaux intérêts, et élargir ses horizons”.
isir ma majeure pour ée prochaine? ld I decide which take next year? Par rapport à l’impact que la majeure a sur la 3A, il est important de noter que la majeure n’apparaît pas sur les diplômes et ne vont en aucun cas impacter votre choix de Master, si vous souhaitez le faire à Sciences Po”, nous dit Karkutli. Cependant, pour les étudiants qui ne sont pas en double diplôme, les choix de 3A vont devoir être liés à la majeure, donc si une certaine université ne s’aligne pas avec
la majeure choisie par l’étudiant.e, celui/celle-ci ne pourra pas compléter sa 3A là-bas. “S’il y a une université ou une ville dont vous rêvez pour votre 3A, regardez vite sur le site de Sciences Po quelles majeures sont acceptées làbas”, dit Karkutli. Il rappelle également aux 1A de ne pas seulement penser au longterme, mais aussi en matière d’intérêts. “Les majeures en 3A sont le dernier moment que vous avez d’explorer les différents aspects des sciences sociales qui pourraient vous intéresser mais que vous ne jugez pas importants pour votre carrière… c’est pour ça que j’ai choisi Humanités Politiques”, dit-il. Karkutli détaille plus sur la majeure Humanités Politiques, déclarant qu’il a adoré son premier semestre et qu’il n’est pas le seul. Il fait notamment l’éloge des cours magistraux, des professeurs et nous parle également du workshop
en anglais, Creative Writing, enseigné par Daniel Rugo, un célèbre réalisateur de documentaires. Karkutli pense que c’était “le meilleur cours que [j’ai eu] à Menton”. La majeure Humanités Politiques est plus adaptée aux étudiants créatifs, théoriques et philosophiques. “La charge de travail est absolument gérable, et consiste surtout en lectures. Le cours Narratives n’a pas de partiel puisqu’il n’y a pas de projet continu sur lequel on travaille durant l’année, et le workshop Creative Writing n’a pas de partiel ou de final pour la même raison”, nous dit Karkutli. Selon Işıktaş, la majeure Economie et Société est plus adaptée à ceux passionnés par les maths ou l’égalité de genre. “Cette majeure a moins de lectures comparé aux autres majeures mais [l’aspect économique de la majeure] requiert des révisions hebdomadaires, notamment à cause
des quizz à chaque séminaire”, nous dit Işıktaş. La majeure Politiques et Gouvernement est adaptée à ceux intéressés par le droit et le gouvernement. Cette majeure assure une balance entre les sciences dures comme les maths, plus retrouvées en Economie et Société, et les sciences douces, retrouvées surtout en Humanités Politiques. Le Pôle Service Sociaux du BDE organisera un événement virtuel pour discuter des avantages et inconvénients de chaque majeure au semestre prochain, donc restez connectés aux pages Facebook et Instagram du BDE pour plus d’informations !
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As 1As become 2As, the question of choosing a major becomes more and more pressing. Students at SciencesPo have the choice between three options: Economy & Society, Political Humanities, or Politics & Government. 2A Eren Işıktaş, who is an Economy & Society major, advises 1As to wait until the end of the year, when they have taken all of their classes and better understand their interests, to decide. “2A classes are different from 1A classes for economics… That’s why I would recommend speaking to several 2As from all majors,” Işıktaş said. 2A Maxim Karkutli, a Political Humanities major, adds that the major “is an amazing opportunity [for students] to explore new things, develop new interests, and expand [their] horizons beyond what [they] have already set [their minds] to.” With regard to the major’s impact on the third year and beyond, the major will not appear on students’ diplomas and will “in no way affect your Master’s choice if you decide to do it at SciencesPo,” Karkutli said. However, for students not in a dual BA program, 3A choices will have to be linked to the major, so if a certain university does not align with a student’s major, the student will be ineligible to complete their 3A there. “If there is a DREAM university or city you’re targeting for 3A,
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quickly check on the SciencesPo website what majors are accepted there,” Karkutli said. He also reminds 1As to think not only long-term, but also in terms of interests. “Majors and 3A [are] the last moment you have to explore some different aspects of social sciences that you might be just as interested in but don’t see being important for your career… that is why I chose Political Humanities,” he said. Karkutli elaborated on the Political Humanities major, stating that he loved his first semester and that he is not the only one. He praised the major’s core classes along with their professors and also talked about the major’s workshop in English, which is Creative Writing taught by Daniel Rugo, a famous documentary director. Karkutli claims that the class was “hands down the best class [I’ve taken] in Menton.” The Political Humanities major is better suited for more creative, theoretical, and philosophical students. “The workload is definitely manageable, mostly consisting of readings. Narratives has no midterm as there is a continuous project you work on during the year, and Creative Writing has no midterm or final for the same reason,” Karkutli said. According to Işıktaş, the Economy & Society major is better suited for those passionate about math or gender issues. “This major has less readings compared to others but [the economy aspect of the major] requires weekly [studying] due to the quizzes each seminar,” Işıktaş said.
The Politics and Government major is a better fit for those interested in law and government. The major seems to provide a balance between hard sciences such as math, more prevalent in Economy & Society, and soft sciences, which are more prevalent in Political Humanities. The Social Service Pole of the BDE will be organizing a virtual event to discuss the benefits and drawbacks of each major in the coming semester, so stay tuned to the BDE Facebook and Instagram pages for more information!
Samuel Hodman, également en deuxième année, insiste lui tout particulièrement sur l’importance pour chacun de suivre ses intérêts et de garder en tête la troisième année. “Honnêtement, faites ce qui vous intéresse le plus dans le domaine de l’humanitaire, ou quelque chose de semblable, pour votre parcours civique… Pour les étudiants qui ne sont pas en double-diplôme, la décision est encore plus importante puisqu’elle guide en partie votre choix pour la troisième année”.
Quelles sont les ressources pour les 1A en quête d’un parcours civique? What are the best resources for 1As trying to find their civic course? En cette période de transition entre la première et la deuxième année des étudiants de Sciences Po, il est obligatoire d’effectuer un programme d’apprentissage civique, ou parcours civique. A ce sujet, Eren Işıktaş, en deuxième année, conseille aux 1A de contacter des associations avec qui des étudiants de Sciences Po ont déjà travaillé par le passé, ou d’user de relations déjà existantes avec des organismes. “A cause de la covid, il n’y a pas beaucoup de choix et l’école n’est pas d’une grande aide pour cela. Au pire, il y a l'association TAF à Monaco… mais mes amis n’en étaient pas très satisfaits”.
In the transitionary period between students’ 1A and 2A years at SciencesPo, it is compulsory to conduct a Civic Learning Program, or a Parcours Civique. When it comes to the Parcours Civique, 2A Eren Işıktaş advises 1As to try to contact organizations that they have worked with in the past, or to use their existing connections. “Because of COVID, there aren’t many options and the school isn’t very helpful about this. At the worst case, there is [the organization] TAF at Monaco… but my friends were not satisfied with it,” said Işıktaş. 2A Samuel Hoodman placed a greater emphasis on pursuing one’s interests and keeping the 3A in mind. “Honestly,
just do whatever interests you the most humanitarian-wise for the Parcours Civique… For the non dual-BAs, the pick matters more since it helps guide our third year,” he said.
How to be nicer to 1As? Comment être plus gentil aux 1As? As a 1A entering SciencesPo, it is easy to strive to befriend all of one’s peers, older or equal, but for the rising 2As and 3As, talking to the new kids may not seem as appealing. 3A Angie Weitz, famous for her warm and inviting personality, tells her peers to “just remember how you felt as a 1A and what behavior you would have appreciated from your 2As…. they weren’t perfect and neither [are] you, but you have been in [the 1As’] shoes, and their integration is even more difficult with the pandemic.” 2A Ysabella Titi, also known for her friendliness, said that, “besides the fact that there’s no good reason to not be kind to someone, I do think kindness is an important part of what makes our community so great. Especially because everyone in Menton is a little bit quirky, I really think you can find an unexpected friend in a lot of people.” While it may feel scary to be the big guy reaching out to the new kids, students in Menton are known to be friendly and accepting to all, so just make an effort from your end and see where it takes you!
En tant que 1A fraîchement arrivé à Sciences Po, il est facile de socialiser et de se lier d’amitié avec ses pairs, qu’ils soient du même âge ou plus âgés, mais pour les 2A et 3A, parler et s’intéresser aux petits nouveaux peut ne pas sembler très intéressant. Une 3A Angie Weitz connue pour son caractère chaleureux et sa personnalité accueillante, dit à ses pairs « Souvenez-vous juste comment vous vous sentiez en tant que 1A et de ce que vous auriez apprécié de la part des 2A … ils n’étaient pas parfaits et vous ne l’êtes pas aussi, mais vous avez été dans la peau de 1A, et aujourd’hui leur intégration est encore plus difficile avec la pandémie.» Une autre 2A, Ysabella Titi, elle aussi connue pour sa gentillesse, nous a dit que « Outre le fait qu’il n’y ait aucune raison de ne pas être bon envers quelqu’un, la tendresse et la bonté sont une part essentielle à notre formidable communauté. Surtout qu’ici à Menton tout le monde est un peu bizarre et excentrique, je pense vraiment
qu’il est possible de trouver un ami inattendu dans beaucoup de gens ici. » Bien que cela puisse sembler effrayant d’être le grand frère qui tend la main aux petits nouveaux, les étudiants à Menton sont connus pour leur bienveillance et leur ouverture aux autres, alors il suffit d’un petit effort de votre part et vous verrez où cela vous mène !
You can always submit more questions to “Ask Le Zadig” to be addressed in both English and French in upcoming issues. Vous pouvez envoyez vos questions à « Ask Le Zadig » pour avoir un réponse en français et en anglais dans les prochaines éditions.
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ASK ? LE ZADIG Édition de Jan./Fév. Jan./Feb. Edition
Quel est le sens de la vie? Que de philosophie ! Très peu pour moi ! Dieu merci j’ai de bon amis, qui m’ont servi sur un plateau bien fourni leurs savoirs sur le sens de la vie. Lucky you, vous figurez parmi les heureux bénéficiaires des précieuses pensées de ces illuminés.
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Le sens de la vie c’est d’en trouver un. Toutefois, trouver un sens à sa vie revient à y mettre fin. Mettre fin à tous les questionnements, les doutes, les hésitations et ainsi surmonter tous les obstacles qui se dressent devant nous. Enfin, non, pas les surmonter, plutôt les supprimer, les radier, les éradiquer. Faire en sorte que tout soit fade. J’aimerai que l’on dise de moi que j’ai trouvé un sens à ma vie, mais plus tard. Pour l’instant, j’apprécie les doux moments de joie arrivant après les tempêtes. La vie s’achève quand on la comprend enfin, mais après, elle n’a plus de goût.
What is the meaning of life? 42.
La meilleure façon de s’impliquer en toute sécurité dans la communauté du campus? Il n’y a surement pas de façon optimale pour s’impliquer dans la vie de notre beau campus, mais selon une prêtresse pertinente mais qui n’attire pas foule, il faut penser votre expérience sciencepiste de la manière suivante : Pour vous impliquer dans la vie du campus vous ne disposerez pas d’une infinité d’options : les associations constituent le terrain privilégié. Elles sont au nombre de plusieurs dizaines et traitent de thèmes si divers qu’il est certain que vous trouverez en elles l’élue de votre cœur. Vous pourrez devenir membre de plusieurs associations, en prendre même plus de quatre si elles vous séduisent. En revanche, si vous voulez vous impliquer dans la vie du campus, continuer de façonner son âme, pour le rendre pérenne, vous le ferez en toute sécurité. Vous tous connaissez par coeur à présent les nouvelles règles d’hygiène sanitaires à la mode: votre masque devra être d’une couleur différente que celle de votre veste au risque de tomber dans le “has-been,” votre gel hydro alcoolique pourra
avoir une texture collante, vous ne serrerez pas de mains de toutes façons, distanciation sociale oblige. D’un autre côté, pour observer la sécurité, vous saurez faire en sorte de préserver votre santé mentale, ne pas vous imposer une trop grande pression au risque d’imploser, et de faire imploser au même titre ce campus
que vous avez tant convoité. Passé ces formalités, venonsen à ce qui compte lorsque l’on mentionne sécurité et communauté du campus: le déni de votre arrogance, la culture de votre passion. Pour vous impliquer en toute sécurité dans cette communauté, il faudra choisir les projets dans lesquels vous vous investirez munis d’une minutie sincère, dénuée de toute volonté d’impressionner votre entou-
rage ou de flatter votre égo. N’en choisissez pas plus de deux et jurez-leur fidélité, ils vous seront loyaux. Prenez le temps d’examiner toutes vos options et choisissez parmi elles celles qui vous inspirent, qui vous animent, qui vous stimulent. Ne perdez pas de vue que ce sont elles qui vous enrichiront plus que vous ne les enrichirez. Restez humble. Restez en sécurité.
Best way to safely get involved with the campus community? Even with the COVID crisis and the various restrictions imposed by the French government, there are many ways to safely stay involved in the campus community, albeit to a lesser extent than in the past. Many associations have adapted their meetings to the online format, and this transition includes many events open to the entire student body. If you see a virtual event online, grab a friend and go! If you are in Menton and have been tested, there are also several in-person events which are being organized by the associations. You need only check the Facebook page Sciences Po, Campus de Menton, 2020-2021 and select your top picks. While the plethora of events featured on the Facebook page may respect the COVID restrictions, independent events such as parties and gatherings which are not organized by the BDE or other reputable associations may not be COVID-friendly. Attend these at your own risk, and preferably get tested
and keep your mask on if you make the decision to do so. You can also make contributions to the already-virtual associations of our campus. For instance, Le Zadig includes several contributing writers each issue and all you have to do is open Google Docs to write for us! Even with the many restrictions, it is not necessary to survive on your own. You can pick a friend or two to create a quarantine bubble with and keep each other company throughout these trying times. As long as you only see each other, your bubble should be contained and your risk of contracting the virus greatly reduced. Many students on campus reserve quarantine bubbles for the moments where there are positive cases on campus or harsh lockdowns. Make your own choices, but whatever they may be, remember to be responsible and respectful to those in your surrounding environment who may also be affected by your decisions.
autres talents, j’ai pu m’enquérir de l’avis d’une fine connaisseuse de la pluie et du beau temps. Nour m’a dit en Berrah elle a écrit : Ment-on lorsqu’on dit qu’à Menton l’eau nous monte jusqu’au menton ? Si ce n’est pas le cas, au moins on ne verra pas les thons. Ne dit-on pas que c’est aux Sablettes que l’on cuisine le mieux sa blette? Avant le printemps prenez gare au vent à Garavan, la gare a vendu tous ses migrants. Mais tu verras en été, lorsque le printemps sera passé, il n’y aura plus rien à chopper… ni les fleurs ni même la grippe de l’été.
What are some things that we should look forward to in the springtime in Menton?
As the semester takes off, there is much to look forward to in Menton. One obvious benefit of the springtime is the beautiful weather and the ability that comes with it to comfortably swim in the sea. An anonymous 3A is looking forward to hiking, taking more day trips out of town, and buying fresh food from the market in the springtime. Many 2As have also reported second semester courses to be more interesting and taught more efficiently than first semester courses for 1As. In addition to other big association events such as MEDMUN and possibly Minicrit, there will be Valentine’s Roses, Coffee Dates, and an end-of-year Gala planned by our Board Des Éléves (BDE). Spring Break is also right around the corner and it’s the perfect time to travel in nearby areas with friends. Remember to have fun, study hard, and stay safe as we enter this coming season! SAAD SEMLALI
HEAD OF STAFFWRITERS
CELESTE ABOURJEILI
HEAD OF STAFFWRITERS
Quelles sont les choses à espérer au printemps à Menton? Ah les saisons ! et la météo ! Loin d’être ma spécialité… Mais comme fort heureusement ce campus regorge de devins, autrices, peintres et
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L’idée de LOUNIS JAHIDI
CHRONIQUER INVITÉ
terre israelo-pal
TOUTES LES PHOTOS GRÂCE À LOUNIS JAHIDI
« Terre des messages d révélés à l’humanité, la est le pays natal du peu palestinien. C’est là qu qu’il s’est développé et noui. Son existence na humaine s’y est affirmé relation organique inin et inaltérée entre le pe terre et son histoire. Co ment enraciné dans so le peuple arabe palesti forgé son identité natio Extrait de la déclaration dance de l’Etat de Pales 15 novembre 1988 rédig Conseil national palestin législatif de l’Organisatio tion de la Palestine) réun
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au sein du conflit
lestinien
Entre enjeux passés et futurs, le regard double d’un espace partagé,
divins a Palestine uple arabe u’il a grandi, t s’est épaationale et ée dans une nterrompue euple, la ontinuelleon espace, inien a onale. » d’indépenstine du gée par le nien (organe on de Libérani à Alger.
Une analyse politique, théologique, économique et artistique de la terre
« La terre d’Israël est le lieu où nacquit le peuple juif. C’est là que s’est formée son identité spirituelle, religieuse et nationale. C’est là qu’il a réalisé son indépendance et créé une culture qui a une signification nationale et universelle. C’est là qu’il a écrit la Bible et l’a offerte au monde. Contraint à l’exil, le peuple juif est resté fidèle à la terre d’Israël [espérant] y revenir pour rétablir sa liberté nationale. » Extrait de la proclamation d’indépendance prononcée par David Ben Gourion, premier chef de gouvernement de l’État d’Israël, le 14 mai 1948
Memory of Places, par Suleiman MANSOUR (3)
ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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Les deux textes de la page précédente1, extraits respectivement des déclarations d’indépendances palestinienne et israélienne, ont été rédigées avec quarante années d’écart. Pourtant, même sémantique aboutit, paradoxalement, à deux conclusions qui s’opposent voire s’affrontent. Si la logique d’appartenance à la terre semble être partagée, les raisons à celle-ci semblent néanmoins inconciliables entre les deux partis. La terre d’Israël [Eretz Israel ; ]לארשי ץראou de Palestine [ ; نيطسلفFalestîn], désigne un espace géographique et historique liant l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Notre propos se centrera cependant essentiellement autour des régions de la Galilée (au nord), la Samarie (centre-est), la Judée (au sud), Sharon (côte ouest longeant la Méditerranée) ainsi que le désert du Néguev (région désertique du sud). D’un point de vue biblique, la terre dont nous parlons est caractérisée comme étant la « terre promise ». Cette expression fait essentiellement référence à la promesse de Dieu faite à Isaac, Jacob et Abraham issue de la Genèse : « Et je t’ai donné à toi et à ta postérité la terre de tes pérégrinations, toute la terre de Canaan »2. Le terme « Palestine » quant à lui apparaît au Ier siècle au travers des écrits de Philon (philosophe juif né à Alexandrie ; 20 AV1 Christine PIRINOLI, Entre terre et territoire : enracinement de l’identité palestinienne, Editions de l’EHESS, 2002, pp 91-107 2 Genèse 17:8
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JC – 45 après JC) et Flavius Josèphe (historiographe romain juif (38-100). Le mot est empreint d’une terminologie grecque (Παλαιστίνη / Palaistínê) qui sera officiellement déterminée en tant que province par l’empereur romain Hadrien. Au regard d’une conception politique, l’idée de terre que nous souhaitons ici étudier s’avère être source de tensions et de conflits. En 1948, la population juive palestinienne compte 600.000 membres (463.000 nés hors Palestine). Ces populations, arrivées dans les années 1930, ont engagé un régime de propriété en rachetant des terres en Palestine à des propriétaires arabes (syro-libanais ou palestiniens). Cette dynamique entraîne le déplacement de 800.000 personnes recueillis dans 71 camps de réfugiés dans le reste de la Palestine (Gaza et Cisjordanie) et dans les pays voisins. Dans le même temps que cette hijra, l’Etat israélien proclame une légitimité internationale douée d’une force militaire et économique locale. Cette période va ainsi constituer une large partie de la mémoire et de la conscience nationale au sein des palestiniens. De plus, suite au plan de partage de la Palestine décidée par l’Organisation des Nations Unies, la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël du 14 mai 1948 provoque d’emblée l’hostilité de pays arabes voisins qui se matérialise au travers d’une première guerre (1948-1949). Le contexte régional sous haute tension favorise ainsi, plus d’une fois, l’affrontement direct entre l’Etat israélien et ses voisins arabes. Néanmoins, la volonté d’autonomisation
de la part des palestiniens, Comment rendre compte de vis-à-vis des états arabes, cette opposition au travers de pousse ainsi à la structuration plusieurs perspectives d’analyd’un foyer idéologique et ses ? Nous nous demanderons identitaire propre au peuple ainsi : palestinien. Nous le verrons, la question de la terre s’avère être Pour y répondre, nous comau cœur d’une Dans quelles mesures la terre fait l’objet dialectique d’une telle opposition sémantique, et ce, identitaire dans le cadre d’une compétition des dispalestinienne cours entre les dialectiques israéliennes en opposition et palestiniennes ? à la dialectique israélienne. mencerons par esquisser le rapport étroit entre théologie Cette question relève et politique et en quoi celuiégalement du domaine ci structure une opposition économique. En effet, la latente entre les deux discours. terre se matérialise au sein Nous nous attacherons dans de l’économie palestinienne un second temps à présenter avec par exemple le secteur tant la matérialisation que agricole. Ce dernier permet la représentation, à la fois en effet l’emploi de 13,4% de des discours et des oppo3 la population palestinienne . sitions concernant la terre. On compte par ailleurs un peu Enfin, nous ne manquerons plus de 183 000 hectares de pas de maintenir un regard terrains cultivés en territoire manichéen des thématiques palestinien. En ce qui conabordées tout au long de nos cerne l’Etat d’Israël, l’agriculpropos. ture représente 2,5% du PIB mais permet au pays d’être De Sion l’on dira : « Là, tout auto-suffisant à 95%4. Outre homme est né ».5 Le fait ces considérations purement religieux se retrouve au sein budgétaires, l’aménagement d’une réalité démographique du territoire tant en Israël en Israël. Ainsi, cette comqu’en Palestine (mur de posante du paysage israélien séparation, colonies, checks’étale au creux de deux perpoints…) modifie l’équilibre spectives : le rapport à la terre entre les deux parties et exprime, entre autres, la matérialisation d’une dialectique de la terre inévitablement contestée par un des deux partis en présence. Comment donc expliquer une telle opposition des discours et des représentations en ce qui concerne le concept de terre entre Israël et la Palestine ? Quelles sont les sources d’une telle discorde ? 3 Bureau central palestinien des statistiques (BCPS) : http://pcbs.gov.ps/default.aspx 4 Bureau central israélien des statistiques (BCIS) : https://www.cbs.gov.il/he/pages/ default.aspx
et l’exercice du pouvoir.6 On 5 Psaume 87 ; 5, cité dans Jean RADERMAKERS, « Terre sainte, lieu de mission », dans Nouvelle revue théologique, Tome 139, 2017/2, pp 282-288 6 Jean RADERMAKERS, « Terre sainte, lieu de mission », dans Nouvelle revue théologique, Tome 139, 2017/2, pp 282288
peut ici souligner le rapport essentiel entre religieux et politique dans le cadre de la construction de l’Etat d’Israël. Ce dernier tente ainsi, tant d’un point de vue politique que religieux, de devenir la « vitrine de la fraternité »7. Ainsi se révèle, entre autres, la réelle fonction de la terre. Dans la perspective hébraïque, le retour (l’Aliyah) en « terre promise » constitue le fondement d’un contrat identitaire. Cependant, une distinction conceptuelle est nécessaire à l’idée du retour. En effet, le principe de « retour à Sion » peut être abordé selon deux horizons. D’un point de vue historique, on peut, de prime abord, envisager l’Aliyah comme un moyen pour le peuple juif dispersé dans le monde, jamais considéré comme un réel peuple autochtone, de retrouver une terre propre et ainsi s’identifier à une entité géographique et historique. Néanmoins, « dans la Genèse, Abraham entend l’injonction à l’exil, «va-t’en» avant même de connaître le pays auquel il lui est enjoint de se rendre, et encore ne le distingue-t-il pas vraiment puisque la désignation de la direction laisse l’endroit dans le flou, «vers le
(2) pays que je te ferai voir» (Gn 12, 1) ».8 L’exil ne se décide donc pas en fonction de la terre d’où l’on vient, ni comme 7 Ibidem 8 Shmuel TRIGANO, « Le retour à Sion par-delà la dialectique de l’exil », dans Pardès, n°56, 2014/2, pp 225-241
le retour à l’Aleph (moment premier du temps) mais la construction d’une terre nouvelle. De manière générale, d’un point de vue biblique, quatre aspects sont à retenir au sein du texte sacré en ce qui concerne la terre. « Premièrement, il y a l’affirmation que la terre sera donnée au peuple d’Israël comme propriété (Gn 12 ; Dt 4.1). Deuxièmement, il y a l’affirmation contraire : la terre sera enlevée et les gens seront expulsés de leurs terres (Dt 28.63 ; Is 5 ; Jr 24.10). Les raisons en sont la punition pour l’idolâtrie et le manque de comportement social. Troisièmement, il y a l’affirmation que la terre est la Terre de Dieu (Lv 25.23) et que lui seul décide quoi faire avec et à qui la donner. Quatrièmement, il y a la vision eschatologique de la Jérusalem céleste avec le pèlerinage des nations vers Sion (Is 2 ; Ez 47.21-23) »9. Si nous nous inscrivons dans une perspective musulmane (confession majoritaire du peuple palestinien) le rapport à la terre s’avère autre. En effet, « le principe de l’islam est que la terre appartient à Dieu, de qui l’Homme a tout reçu »10. Le rapport à la terre se comprend ainsi comme un rapport essentiellement éphémère. Néanmoins, la notion de « terre sainte » peut être retrouvée au sein des écritures de la tradition islamique. En effet, en droit islamique, le territoire révèle une définition géothéologique de l’espace. Ainsi, il est communément acquis de séparer les terres musulmanes des non-musulmanes (qu’elles soient hostiles ou non). Enfin, dans la théologie musulmane, 9 Jamal KHADER, “Emergence d’une théologie de la terre en Palestine”, Intervention au Colloque du 24 novembre 2018 organisé par Les Amis de Sabeel – 6ème intervention, France, 24 novembre 2018 10 Ibidem : 6
la terre se révèle être le lieu sacré des révélations faites par Dieu aux prophètes. En définitive, les deux visions soulignent un principe de « multi-particularisme » ( Jamal KHADER, 2018). En effet, selon l’auteur, il y aurait une distinction à faire entre « particularité » et « universalité ». Les deux concepts ne seraient effectivement pas exclusifs : « Cette terre peut être particulière aux Palestiniens et aux Israéliens ; ces deux revendications peuvent être rapprochées, à condition que l’une des parties ne veuille pas exclure l’autre. » En d’autres termes, affirmer que « cette terre est à moi » s’appelle particularité ; mais affirmer que « cette terre est à moi, et seulement à moi » est une revendication exclusive. Nous pouvons commencer à parler de « multi-particularismes » de cette terre appelée sainte »11. Ces considérations religieuses peuvent ainsi animer une dynamique très particulière. En effet, on peut observer que le corps politique israélien appelle fréquemment à l’Aliyah de la diaspora juive.12 Cela rejoint un des objectifs premiers du sionisme soit la « stabilisation spatiale du peuple juif »13. Ainsi, l’engagement du sionisme à l’attention de la Palestine révèle ainsi deux choses : l’indétermination territoriale du peuple juif et « non pas la terre, [comme] lieu de la hiérophanie, mais le
11 Ibidem : 9 12 Arthur PACALET, « Israël, terre d’exode », dans Esprit, 2015/5, pp 115-117 13 Alain DIECKHOFF, « Les dilemmes territoriaux d’Israël », dans Cultures & Conflits, 21-22, Mai 1996, 10p
territoire, enjeu de l’histoire »14. Le terme « Eretz Israel » joue donc de cette ambiguïté géographique, religieuse, et ce, au service d’une réappropriation politique. On observe donc une implantation progressive et délibérée autour de lieux rattachés au fait religieux du royaume d’Israël (Hébron, Shilo…). Une réappropriation du sacré qui tente d’exprimer le rapport privilégié d’Israël avec le divin. On peut ainsi citer le Gouch Emounim15 qui œuvre pour une assimilation de la terre d’Israël en tant que réalité à la fois physique et spirituelle plutôt qu’au travers d’un paradigme politique. Il semblerait donc que le rapport politique à la terre soit essentiellement lié au symbole. Ainsi, cette même terre « est au centre des constructions identitaires des deux peuples qui, tous deux partiellement déterritorialisés, la réclament comme lieu légitime de leur retour »16. Nous avons vu qu’en raison de l’indétermination territoriale du peuple juif, son assise en Palestine s’exprime au travers d’une politique d’achat de terres. On devine ainsi ici « la territorialisation du « peuple sans terre » et la création de l’Etat d’Israël »17. Par ailleurs, nous pouvons souligner le paradigme d’une terre vierge dans l’attente d’un propriétaire qui a en partie structuré le sionisme. Dans les 14 Ibidem 15 Mouvement politique et messianique israélien créé en 1974 afin d’établir des colonies juives en Cisjordanie 16 Christine PIRINOLI, Entre terre et territoire : enracinement de l’identité palestinienne, Editions de l’EHESS, 2002, pp 91-107 17 Ibidem
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faits, le jeu d’appropriation des symboles joue également de cette dynamique. Le cas des arbres constitue par exemple « le support de la mémoire nationale et (le) marqueur de la propriété d’une terre contestée »1. L’afforestation a ainsi constitué un moyen permettant d’assurer un lien entre le passé et le renouveau. Par ailleurs, on y voit un moyen de nier durablement tous signe du passé palestinien et, par là même, consolider la narration sioniste (Ya’akov ZERUBAVEL, 1996). Ainsi, on observe au sein des territoires occupés, l’arrachage de milliers d’arbres fruitiers (principalement des oliviers) évocateurs de l’identité du peuple palestinien. Par ailleurs, entre septembre 20002 et février 2001, 15 000 donum3 soit 80% de terres agricoles ont été détruits au sein de la bande de Gaza. On en déduit donc qu’ici « l’arbre est à tout point de vue le symbole idéal pour représenter les racines sociales et culturelles d’un peuple »4. De ce fait, « la construction d’un Etat-nation et, partant, d’une identité nationale requiert « l’historicité d’un territoire et la territorialisation de l’histoire »5. On observe ainsi un rapport particulier à la terre tant du point de vue palestinien qu’israélien : « Je me souviens de tout [à propos de la vie au village]. Qu’est-ce que tu veux, est-ce
1 Ibidem 2 Début de l’intifada d’Al Aqsa 3 Mesure ottomane qui correspond à 1000m2 4 Ibidem : 16 5 Nicos POULANTZAS, l’État, le pouvoir, le socialisme, PUF, 1978, 300p, cité dans Christine PIRINOLI, Entre terre et territoire : enracinement de l’identité palestinienne, Editions de l’EHESS, 2002, pp 91-107
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que je sais ce que tu veux? Nous plantions, nous récoltions, nous bêchions, nous faisions tout. Nous nous souvenons du raisin, nous nous souvenons des figues. Nous faisions pousser du blé, nous faisions pousser de l’orge, nous faisions pousser des lentilles. » (C. PIRINOLI, 2002)
Ce récit traduit le rapport que peuvent entretenir les réfugiés palestiniens de la région avec leur terre. Ainsi, dans le village, la terre est un moyen d’exister socialement. Plus encore, cela constitue une preuve d’existence attestant que la Palestine est à considérer face à Israël. La terre constitue donc un moyen de se réinscrire dans le temps long tout en réaffirmant son identité. Ainsi, la « mémoire paysanne » s’est incorporée à une idéologie nationaliste qui permet à la fois de réfuter le récit sioniste tout en unifiant le peuple autour de principes faisant sens. Elle a donc permis de construire à la fois une rhétorique et une historiographie politique. Ce processus permet donc de « ré enraciner l’identité nationale dans l’Etat plutôt que dans un territoire [qu’il] n’arrive pas à obtenir » (C. PIRINOLI, 2002). La patrie devient ainsi tant pour l’Etat que pour le peuple une « destination morale »6. La perspective israélienne se rattache également, certes différemment, à cette importance de la terre dans son récit identitaire. En effet, la Torah souligne l’importance de planter les racines dans l’ancienne patrie : « Alors que vous viendrez vers la terre et vous y planterez chaque espèce d’arbre pour en consommer » [ םתעטנו ץראה לא ואובת יכו 6 Liisa H. MALKKI, « National geography. The Rooting of peoples and the territorialisation of national identity among scholars and refugees”, dans A. Gupta et J. Ferguson eds. Op. cit. : 52-74, 1997
( ] לכאמ ץע לכVayikra 19, 23), « Lorsque vous serez entrés dans le pays (d’Israël), vous planterez des arbres fruitiers » (Vayikra 19, 23). (“התאשכ התא )לארשי לש( ץראל סנכנ )”ירפ יצע לתוש. L’arbre dans la culture juive symbolise également la croissance d’une famille, d’un peuple, du pouvoir d’un roi (Yehezkel 31, 3). Toute cette logique tant politique que théologique se matérialise au travers de considérations économiques et artistiques.
merciale n’est plus aujourd’hui compensé par les salaires des Palestiniens travaillant en Israël, dont le nombre a baissé de 70% »7. De plus, dans l’histoire, on observe que pour les sionistes le travail de la terre relie fonctions idéologiques et politiques. « De fait, l’élite pionnière a assumé un rôle décisif dans le mode d’occupation du territoire et dans la gestion d’une économie de petite production marchande autocentrée dont la reproduction et l’expansion Suleiman MANSOUR, furent dépenDepuis le début The camel of Harddes années 2000, ships III, Photo credit : dantes de l’afflux de capitaux et de on compte la de- Aflamnah (2) main-d’œuvre struction de 4000 extérieurs. La caractéristique à 5000 maisons par l’armée principale de ces migrants israélienne pour des raisons fut le rejet conscient de leur sécuritaires. On observe dans appartenance de classe et la le même temps le démantèletentative de se régénérer par ment d’entreprises palestiniennes pour les mêmes raisons le travail agricole en imposant des formes collectives de ou en conséquence des destructions des terres agricoles. colonisation, dont la fonction essentielle fut non seulement La politique de sécurisation d’annuler l’espace antérieur de la Cisjordanie opérée mais également de garantir par Israël suite au processus son inaliénabilité »8. Aind’Oslo (1993) provoque en si, Edmond de Rothschild, parallèle une limitation des finance personnellement le déplacements et parfois une paralysie de l’économie pales- développement des colons nouvellement installés au tratinienne. L’intifada a par ailleurs grandement joué dans la vers de la Jewish Colonization Association créée à Londres déstabilisation de l’économie en 1891 (PICA)9. « À côté de de la région. Ainsi, « les excette source de financements portations palestiniennes ont quasiment cessé alors que les 7 Jean-François COURBE, « Les conséquences du conflit sur la situation importations en provenance économique et sociale des territoires d’Israël, qui représentaient palestiniens occupés », dans Confluences 75% des importations, n’ont Méditerranée, n°55, 2005/4, pp 31-40 8 Henry LAURENS, La Question de diminué que de 10%. Les Palestine, tome 2 : Une mission sacrée de territoires occupés étant très civilisation (1922-1947), Fayard, 2002, dépendants des importations, p. 149 9 Pierre BLANC, Proche-Orient : Le le déficit de la balance compouvoir, la terre et l’eau, Presses de Sciences Po, 2012, pp 77-135
privés des achats de terre destinés aux nouveaux arrivants de la première Aliyah (les « Amants de Sion ») et à leurs successeurs, le Fonds national juif, ou Keren Kayemeth LeIsrael (KKL), fut institué en 1901 pour acquérir des terres en Palestine au nom du peuple juif, dans la foulée du premier Congrès sioniste réuni à Bâle en 1897, qui avait donné une orientation très politique au sionisme et considérait l’agriculture comme un moteur de la colonisation : « Le sionisme a pour but un foyer national légalement garanti et publiquement reconnu pour le Peuple juif en Palestine. Pour réaliser cet objectif, le Congrès envisage les méthodes suivantes : « l’encouragement de la colonisation en Palestine par des fermiers, des paysans et des artisans » (cité par Frédéric ENCEL, Géopolitique du sionisme, Paris, Armand Colin, 2006, p. 34) »10. Plus récemment, une étude de la banque mondiale montre que la levée des restrictions israéliennes sur 50 000 donums dans la vallée du Jourdain pourrait représenter en termes de cultures de légumes et aromates une valeur ajoutée de plus d’un milliard de dollars11. Ce scénario souligne ainsi l’ampleur des pertes économiques dues à la spoliation foncière vécue par le peuple palestinien dans la vallée du Jourdain12. Ce rapport conflictuel à la terre traduit un sentiment de souffrance dont l’expression 10 Ibidem 11 « Ce calcul s’appuie sur l’idée que la valeur ajoutée par culture peut être de quatre à dix fois plus élevée dans la vallée que le reste de la Cisjordanie du fait des conditions agroclimatiques favorables » (Ibidem : 26) 12 Banque Mondiale, The Underpinnings of the Future Palestinian State : Sustainable Growth and Institutions, Economic Monitoring Report to the Ad Hoc Liaison Committee, 21 Septembre 2010, p. 15
artistique constitue une catharsis majeure aujourd’hui. « Sur cette terre, il y’a ce qui mérite vie ; L’hésitation d’avril ; L’odeur du pain de l’aube ; L’incantation d’une femme à un homme ; Le commencement de l’amour ; De l’herbe sur les rochers ; Et la peur qu’inspire les conquérants »13 Ces mots de Mahmoud Darwich (poète et écrivain palestinien), tirés du documentaire Mahmoud Darwich et la terre comme langue, nous rapportent dans une certaine mesure le rapport douloureux que le palestinien en exil peut entretenir avec sa terre. Tout au long de ce documentaire, M. Darwich essaye de dialoguer, selon son expression, avec « la part absente de son être ». En effet, l’œuvre de l’auteur jaillit suite au déracinement de 194814. Dans ses poèmes, l’auteur esquisse des paysages et des lieux de sa mémoire. Il établit ainsi artistiquement le rapport entre terre et souvenir. On peut également y lire un message d’avenir dans la mesure où ce qui a été redeviendra vrai. Ainsi, le travail de l’artiste puise ses inspirations dans une terre, selon ses mots, « riche en histoires et en mythes ». Un rapport à la terre que nous pouvons également retrouver chez le peintre Suleiman Mansour (artiste peintre palestinien). 13 Simone BITTON, Elias SANBAR, Mahmoud Darwich et la terre comme langue, France 3 et Point du Jour, 64min 14 Date de la déclaration d’indépendance d’Israël considérée par les palestiniens comme la Naqba (la catastrophe) entraînant l’exil d’une partie du peuple palestinien
Ce travail replace l’individu palestinien au centre de la terre. Ce rapport étroit qu’il peut entretenir avec le métier de paysan, garant de son identité. Ainsi, au travers des œuvres que nous avons placées ci-dessus, nous pouvons souligner plusieurs choses. Tout d’abord, le palestinien semble être par essence seul. Sa vie n’est rythmée que par son travail et par le rapport qu’il entretient avec sa terre. Cette dernière, protégée par un vieil homme, est la gardienne d’une histoire, d’une mémoire que lui seul semble comprendre. Néanmoins, la perspective de l’homme solitaire des œuvres de S. Mansour, tend à rappeler que cette mémoire peine à être transmise. Elle rappelle la condition essentiellement seule du palestinien vis-à-vis de sa terre. Néanmoins, cela montre à quel point seule le palestinien est capable de comprendre et cultiver sa terre. Dans le monde qui change, au travers de ses guerres et de ses dangers, le paysan palestinien reste impassible et tente de continuer à entretenir le rapport qu’il peut avoir avec sa terre. Elle peut néanmoins constituer un fardeau lourd et handicapant (2). Enfin, pour l’artiste, ce rapport peut se retrouver tellement étroit que lien est essentiellement intrinsèque au palestinien. Cette vision s’exprime ainsi au travers de la première œuvre (1) où des hommes sont sculptés dans une boue faite à partir de la terre cisjordanienne. Enfin, ce rapport à la terre, nous le retrouvons au sein du film Les citronniers
d’Eran Riklis (réalisateur, producteur et scénariste israélien). Le film raconte ainsi le combat de Salma Zidane (agricultrice palestinienne) contre le ministre israélien de la Défense voulant faire retirer les citronniers qui jouxtent sa propriété de peur que des terroristes s’y introduisent. Ces mêmes citronniers, nous le voyons dans le film, représentent tout le passé et la vie de Salma Zidane qu’on tente de lui faire enlever. En définitive, nous avons vu que la terre est un élément essentiel de compréhension du conflit israélo-palestinien. Puisant dans des origines certes comparables mais intrinsèquement différentes, les discours d’appartenances à la terre du côté palestinien tant que du côté israélien semblent irréconciliables. Un rapport à la terre qui a ainsi pu matérialiser des enjeux politiques essentiellement distincts construisant en parallèle une logique exclusive de légitimation de sa présence sur cette terre. Cette opposition des discours s’est ainsi traduite au sein d’une politique économique agressive où l’usage de la terre est un symbole fort de possession. Cette dynamique globale, entre le religieux, le politique et l’économique, vient nourrir un travail cathartique fort au sein du paysage artistique de la région. Ce dernier constitue ainsi un modèle de compréhension du conflit en tentant de représenter le rapport complexe et multiple entretenu sur une terre fatiguée. ■
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On the OTHER SIDE of tomorrow... The other side of tomorrow is laden with the weight of an increasingly volatile future. It is saddled by the prospects of global decay—collapse even—and an unbridled optimism that calls into doubt whether our descent is already written. This may sound fatalist, hyperbolic, or even sensational; is the future as we once envisioned it too rotten to salvage? I wish I could discard my realism and replace it with something that has the air of restoration (can you?). What I can do, though, is recount the stories of love, of compassion, of persistence; the stories of joy, of struggle, and resilience; the lessons of life shown to me by the woman most central in my life. Because what remains on the other side of tomorrow is a mother’s smile. The flames of fear need not be stoked, but if you’re looking to read something a bit more sobering, Pablo Servigne and Raphael Stevens’ How Everything Can Collapse surely sounds the alarm bells. It’s a non-exhaustible guide that puts into layman’s our approaching battles; an analysis that fastens itself to the reasons why our growing systemic instabilities pose a solemn challenge to the capacity of human populations to maintain themselves in a sustainable environment. It’s heavy and unlikely to satisfy any need for existential comic relief, but it is as important as it is frank. Whether you read it or just imagine the gravity of its findings, do so while thinking about the various mothers who have affected the composition of your soul and person, because it’s their legacies which will endure unto tomorrow. Describing my mother always leaves my tongue-tied. Whatever articulacy I normally wield finds a convenient exit
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when somebody Tell-me-about-yourmother-s. She’s an enigma’s enigma. A labyrinth who wears lipstick in the deepest red to outline the contours of an irrepressible smile. She is the personification of my reason for being and the clarity when that reason eludes me. My mother peddles a cautious brand of optimism, the type one has when keenly aware of the obstacles which befall her children. She’s an educator whose pedagogy is as vibrant as the dresses she wears, but I digress.
She’s my insurance when disaster strikes. And when it does, her prudence, a single thread that feeds seamlessly into the rich web of eternal matriarchal wisdom, will be the reason my smile weathers the storms of today with the promise in mind that there will be a tomorrow. Just as my grandmother was my mother’s spine, my mother is mine. I’m not in the business of reading crystal balls or palms, so I’ll save my theories on our trajectory for a separate occasion. However, I do indulge in the half-baked philosophy of motherly-inspired hope, as it is only in conceiving of a future where resilience rebounds from collapse that such a future can be. The jury has reached no consensus on how sharp the apex of systemic global disregard will be, and whether it will
make landfall during our lifetimes. Yet despite this, my mother has had the courage, and maybe naivety, to dare hope out of me. She’s imparted onto me that when there are unknowns, variables that, if controlled, are plagued by system failure, all one should do is their very best. Doing what one can with the energy one has has to be enough. Let that not be a diversion from the very real and necessary work of tending to an ailing world, but let it serve as a reminder to represent the best of ourselves in the fight against what lay beyond tomorrow. Global collapse is an eventuality, however our response isn’t fixed. My mother is a fanatic when it comes to “getting her steps in.” Never have I witnessed a person as stubborn as she when it comes to crossing the 10,000-stepa-day threshold. When she reads this piece, she’ll likely be exasperated by my suggestion that she walks a mere 10,000 steps per day. If the reins of creative licence had rather been given to her, she’d attach a screenshot of the four walks— accompanied by a selfie taken just a smidge too close to the camera—she went on before lunch, amounting to a colossal 600,000-steps. “And I’m just getting started!” she’d say with a mother’s usual emphatic yet impossible arrogance. I reveal this anecdote to demonstrate the determination of my mother and, broadly, all mothers. In the wake of collapse and on the other side of tomorrow, hope finds refuge, resilience finds abundance, and I find my mother’s smile. ■
YUSEF BUSHARA
COLUMNIST
...there’s
still a m
other’s s
mile
ÉDITION N˚3 | JANVIER/FÉVRIER 2021
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