Édition N°1, 2021-2022

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Un futur plus incertain que jamais pour les droits des femmes afghanes après le retour au pouvoir des Talibans. FELIPE BOITARD

CHRONIQUEUSE INVITÉE

AU NOM DE

AMNESTY INTERNATIONAL

Le 15 août 2021, les Taliban reprennent le pouvoir à Kaboul en Afghanistan, proliférant une vague de violence, de peur, et de panique pour les femmes. La montée du Taliban signifie-t-elle le retour vers une femme opprimée et privée de ses droits fondamentaux en Afghanistan ? Est-ce ceci la fin de la période de progrès pour la femme ? 20 ans après l’intervention militaire américaine sur le territoire afghan, voici le temps qu’il a fallu pour une reconquête du pouvoir par les Taliban. Une reconquête nourrie et alimentée par une forte opposition à la présence américaine et ses influences. L’Afghanistan retombe malheureusement dans la violence, le terrorisme, et la misère.

taire américaine. Ce qui durant 20 ans à fait surgir dans la société afghane le retour d’un nationalisme et un rattachement très conservateur à l’islam et la charia qui s’opposent fortement aux acquis obtenus pour les femmes. Ceci nous ramène au débat fondamental de toute intervention militaire américaine, l’universalisme occidental des normes et valeurs juxtaposé aux traditions non-Occidentales des sociétés dominées, dans ce cas l’Islam. C’est cela qui motive fondamentalement la reprise du pouvoir par les talibans: une volonté de contrôler et limiter le poison idéologique qui est inséré par l’Occident en Afghanistan.

Avant cette reconquête par les Talibans, la République afghane a connu pendant ses 20 dernières années des progrès et changements sévères par rapport aux droits de la femme. Des progrès engendrés par l’intervention militaire américaine de 2001, comme le justifie Laura Bush lors de son discours en 2001;

“Afghan women know through hard experience what the rest of the world is discovering: The brutal oppression of women is a central goal of the terrorists. Long before the current war began, the Taliban and its terrorist allies were making the lives of children and women in Afghanistan miserable.” - Laura Bush, 17 novembre 2001. Ceci dit, les progrès réalisés par les américains et la communauté internationale pour les femmes en Afghanistan, comme les quotas au parlement et l’achèvement des droits individuels (accès à l’éducation, droit à la protection de la santé), sont des sujets très compliqués en Afghanistan. Bien que ces progrès et l’acquisition des droits puissent être perçus et acceptés par les femmes en Afghanistan, elles doivent les revendiquer, les protéger, et les exercer avec précaution puisqu’elles sont sous un prisme de scepticisme et de critique; puisque ces droits sont impérativement associés à la présence et à la domination mili-

Tout ce contexte nous mène à l’actualité, où dans leur première conférence de presse, les Talibans assurent la compatibilité des droits des femmes à la charia et invite même les femmes à participer à la construction du nouveau gouvernement. Mais ce geste diplomatique ne s’adresse pas aux femmes afghanes mais plutôt à la communauté internationale pour renforcer le fait que les Talibans veulent imposer un régime légitime et reconnu internationalement prêt à coopérer et négocier avec l’Occident. Les Talibans cherchent à obtenir cette légitimité à travers unefaçade plus ouverte comparée à celle d’il y a 20 ans. Or, sur le terrain c’est une réalité différente, les femmes sont toujours perçues sous l’angle oppressif d’une interprétation très conservatrice de la charia qui suppose que les femmes détiennent un rôle différent voire même inférieur à celui de l’homme. Lequel se reflète dans la jurisprudence et l’ordre sociétal imposé dans le nouveau régime des talibans.

ÉDITION N˚1 | OCTOBRE 2021

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