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PORTRAIT DE MONSIEUR FAVRE-BUISSON
Ce portrait représente le dénommé Favre-Buisson – ou Fabre-Buisson69 –, en uniforme de lieutenant-capitaine de la Garde nationale70 . La facture, le cadrage et le style même du portrait, avec le souci du détail, le traitement sans concession du visage et le caractère graphique, ainsi que la manière dont la lumière artificielle est travaillée, sont très proches de deux autres portraits conservés au musée, représentant un colonel d’infanterie resté anonyme et son épouse (inv. 2004.33.1 et 2004.32.1). Nous pourrions dès lors proposer une même attribution de main pour les trois œuvres. S’agirait-il du travail d’un artiste local sollicité par les personnes aisées de l’époque pour peindre leurs portraits ? Ici, la volonté de FavreBuisson de revendiquer son engagement dans la Garde nationale et, partant, son adhésion aux principes de la Révolution, est évidente.
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Buechery (actif à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle)
Huile sur toile
Vers 1791-1794
81 cm (H) x 63,5 cm (L)
Inscription : BUECHERY (à la peinture noire, au revers)
Inv. : 2008.18.2
Historique : Collection Jacqueline Bruel. Achat en vente publique, Thonon, 5 octobre 2008
Dans une lettre adressée à sa sœur, datée du 23 septembre 178971 , Favre-Buisson, alors « Lieutenantcapitaine » de la compagnie Lefèvre72 , donne quelques détails sur son uniforme et sur le coût élevé de celui-ci :
[…] Je vais te faire un petit détail de mes affaires, ma place de lieutenant me vaut deux mille livres par an. Il faut sur cette somme que je m’habille. Mon habit complet me revient à trois cents livres, mon épée à quarante livres. Les épaulettes en or, la dragonne de même me coûte trois louis actuellement.
[…] Je vais te décrire notre uniforme, habit bleu revers et doublure blanche, veste et culotte de même couleur en drap très fin, épaulette en or.
L’uniforme présenté ici est conforme à la description de la lettre. Le corps des épaulettes comporte deux raies de soie ponceau73 , correspondant au grade de capitaine de remplacement défini dans le Règlement arrêté par le Roi, Pour l’Habillement et l’Équipement de ses Troupes Du 1er octobre 1786. Ce grade a été supprimé en 178874 . En revanche, le grade de lieutenant-capitaine est défini dans L’Encyclopédie, à laquelle renvoie le Dictionnaire de l’armée de Terre, comme celui du « capitaine en second ou l’officier qui commande la compagnie sous les ordres du capitaine, et pendant son absence75 » Cet officier a bien rang de lieutenant, ce que corrobore le témoignage de Favre-Buisson. Les épaulettes du capitaine de remplacement ont donc dû être attribuées aux lieutenant-capitaines après 1788, un grade qui va également disparaître au début du xixe siècle, à la suite des profondes réformes faites dans l’armée par Lazare Carnot sous le Directoire, puis par Napoléon sous le Consulat et l’Empire : grades et fonctions sont alors simplifiés et sont presque définitivement fixés dans l’organisation hiérarchique qui est encore appliquée aujourd’hui.
Après une carrière politique retentissante sous la Révolution, Favre-Buisson, nommé accusateur public sous la Terreur, est parvenu à éviter procès et arrestations à la chute de Robespierre, préférant demeurer discret. Il ne semble pas avoir poursuivi sa carrière militaire dans la Garde nationale, préférant se dévouer entièrement à ses ambitions politiques.
69. Son nom est mentionné en tant que membre de la Société populaire du Mont-Blanc dans le compte rendu de la séance du 3 ventôse An II (21 février 1794), de la Société des Amis de la Liberté et de l’Égalité aux Jacobins de Paris. Un article de Paul Guichonnet, intitulé « Le terrible Favre-Buisson », paru dans Le Messager du 24 septembre 1990, permet d’en apprendre davantage sur la carrière politique de ce personnage, considéré comme l’un des plus redoutables partisans de la Terreur en Savoie.
70. La Garde nationale a été créée à Paris en 1789 et placée sous les ordres du général Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (17571834), le héros de la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783). Son modèle a été repris par la plupart des grandes villes pendant la Révolution. Chaque canton fournissait des gardes nationaux, les officiers et les sous-officiers étant nommés par élection. Ces troupes ont remplacé les milices bourgeoises de l’Ancien Régime.
71. Une copie de ce document a été portée à notre connaissance par Joseph Ticon. président de l’Académie chablaisienne.
72. Installée à la caserne de Popincourt, construite en 1770 pour le régiment des Gardes françaises puis détruite en 1885 (emplacement de l’actuelle rue Pasteur dans le XIe arrondissement de Paris), la compagnie Lefèvre appartient à la 5e division (4e district ou district de Tresnel, 8e bataillon sous les ordres du commandant Charles-François Colin de Cancey). Le drapeau du district de Tresnel portait en son centre les armes royales avec la devise « Un roi juste fait le bonheur de tous. » Cf. Henry Lachouque et Gérard Blankaert, Les drapeaux de la Garde nationale de Paris en 1789, Paris, Les Éditions militaires illustrées, 1947.
73. Teinte rouge foncé rappelant la couleur des pétales du coquelicot..
74. « Sorte de capitaines de diverses armes qui, dans l’autre siècle où tant d’abus étaient tolérés, étaient revêtus de grades sans fonctions ; ils ont été supprimés en 1788 par le conseil de la guerre. » Dictionnaire de l’armée de Terre, tome IV, op. cit., p. 973
75. Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, Briasson, David l’aîné, Le Breton et Durand, 1751, t. II, p. 629.