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PHILOSOPHIE LIBERTARISME
LE LIBERTARISME, C’EST QUOI?
PAR LOUIS RIFAUT
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Il y a un an de ça, je vous dépeignais le libéralisme sous différents angles. Aujourd’hui, je réécris un article sur un sujet moins connu: le libertarisme. Ce courant est en effet sans doute méconnu dans nos contrées car sa terre de prédilection se trouve notamment aux États-Unis où s’illustrent ses défenseurs les plus ardus. Cependant, le libertarisme réunit également quelques partisans chez nous, en Belgique. J’ai déjà eu l’occasion de discuter avec certains d’entre eux de leur courant de pensée et tous prétendent défendre «le libéralisme» sous sa forme pure, c’est-à-dire un mode de fonctionnement qui exclut totalement l’intervention de l’État.
Le libertarisme est une conception philosophique qui découle de la vision de Locke et rassemble différents courants dont le néo-libéralisme et l’anarcho-capitalisme. Tout comme dans la pensée de Locke, le libertarisme s’intéresse au droit naturel à la propriété privée et à la propriété de soi. La place de l’individu est assurément centrale dans ce courant : celui-ci est le seul maitre de ses biens et de son corps et par conséquent, il prime sur le groupe social. C’est pourquoi, de manière générale, le libertarisme estime qu’il n’existe pas d’entité sociale plus large et que les personnes doivent être seulement considérées de façon individuelle. La vision philosophie de Nozick tient également une place de choix dans la pensée du libertarisme. Elle peut être synthétisée en trois grands principes : la propriété de soi, le principe de juste transfert et le principe d’appropriation originelle. La propriété de soi est le fondement même de la conception du libertarisme. Selon ce premier principe, et comme évoqué plus haut, les individus jouissent d’un droit de propriété sur leur corps et on ne peut rien leur imposer quant à celui-ci. Ce principe fait sens pour moi, car qui pourrait accepter qu’on lui ordonne de s’ôter la vie afin d’en sauver d’autres? Sans cette propriété de soi, on pourrait statuer sur le sort du corps d’un individu au nom d’une entité sociale. Le deuxième fondement est celui de juste transfert. Le premier touchait à la propriété des individus sur leur corps, celui-ci touche à la propriété privée sur les biens matériels extérieurs à une personne: sa voiture, sa montre, etc. Selon ce principe, nous pouvons acquérir un bien de deux manières: en l’achetant volontairement à son ancien propriétaire ou en le fabriquant à l’aide de biens que l’on a achetés de son propre chef. Dès lors, les libertariens sont contre une imposition par un État ou une quelconque redistribution qui sont perçues comme une transaction involontaire. Qu’en est-il des ressources naturelles qui n’appartiennent à personne et comment justifier leur appropriation? Les libertariens répondent à cette question en proposant un principe d’appropriation originelle qui repose sur trois aspects interdépendants : le premier arrivé est le premier servi, il faut en laisser en suffisance et d’assez bonne qualité pour autrui et personne ne doit être lésé par l’appropriation. C’est essentiellement sur cet aspect que va se créer le libertarisme «de gauche». Je tiens à préciser cependant que le libertarisme se veut être à l’extérieur de l’échiquier politique et ne se voit donc pas sur un axe traditionnel gauche/droite. Ainsi, le libertarisme défend une conception tantôt plus à gauche,
notamment sur les questions de l’égalité et de la proportion de la possession des ressources naturelles ; tantôt plus à droite, car il prône une diminution drastique de la fiscalité et la suppression d’une politique de redistribution. À titre personnel, je rejoins les libertariens sur le fait que la liberté est la valeur fondamentale qui doit guider notre société. Cependant, je reconnais le fait qu’une entité sociale plus large (c’est-à-dire un État) doit exister pour encadrer la vie en communauté. En outre, nous pouvons assez facilement imaginer que le radicalisme présent dans cette conception philosophique la rend quasiment inapplicable. En effet, surtout en période de crise, ne pas avoir d’État pour guider l’action des individus est un danger pour la vie des citoyens. Pour moi, il y a une corrélation entre le fait que c’est aux États-Unis que le libertarisme est le plus présent et que c’est également là-bas que la crise sanitaire fait le plus de dégâts au niveau des pertes humaines.
© NICKOLAY ALMAYEV/Shutterstock