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Europe, My Darling
MY DARLING?
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PAR ADELINE BERBÉ ET CORALIE BOTERDAEL
Quelle ironie ces relations britanno-européennes ! Alors que l’Europe ne voulait pas de la Grande-Bretagne jadis, c’est elle qui ne veut plus de l’Europe aujourd’hui. Ces relations n’ont jamais été simples: de l’adhésion au retrait, leur histoire fut parsemée de tensions et de compromis.
1951 1973 1961 Ne me parle pas! Notons, pour commencer, que l’idée fondatrice d’une communauté européenne émane de pays parmi les plus touchés par les deux guerres mondiales. En effet, après ces deux grands conflits, la France et l’Allemagne décident de créer la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951 par le traité de Paris. Ratifié par la France, la République fédérale d’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et le Luxembourg, il vise principalement à tout mettre en œuvre pour que ses pays signataires n’aient plus à connaitre les atrocités vécues dans le passé. Ces nations réunies sont par ailleurs soucieuses de laisser un accès aux autres pays qui souhaitent intégrer la communauté. Alors pourquoi la Grande-Bretagne ne veut-elle pas adhérer à l’Europe dès sa création? À cette époque, celle-ci ne manifeste pas l’intention de rejoindre l’Europe des Six. En effet, le pays connait une forte montée du nationalisme et intégrer une telle communauté lui parait inconcevable. De plus, l’idée d’un supranationalisme ne séduit pas les Britanniques qui préfèrent alors tisser des liens avec les Américains plutôt qu’avec les Européens. Tu me donnes une chance? La troisième demande d’adhésion est la bonne et, en 1973, le Royaume-Uni rejoint la Communauté économique européenne. Le début d’une relation inédite voit alors le jour. Même si son entrée est fort tardive, la GrandeBretagne parvient à s’adapter rapidement aux normes européennes. Elle s’oppose néanmoins à certaines mesures prises par l’Europe. Par exemple, en 1978, elle exprime sa volonté de ne pas intégrer le Système monétaire européen. Ensuite, six ans seulement après l’adhésion à la CEE, Margaret Thatcher dénonce les sommes importantes que son pays alloue à la Communauté. Elle obtient ainsi une réduction de la contribution de celui-ci. Plus tard, en 1985, les citoyens britanniques ne veulent pas ratifier les accords de Schengen qui permettent la libre circulation des personnes et des marchandises dans cet espace. En 1988, lors du fameux discours de Bruges, Margaret Thatcher explique sa vision de l’Europe : elle ne veut pas d’une Europe fédérale et rejette même l’idée que la Communauté ait des ressources propres. Dans le même temps, le Royaume-Uni ne cesse d’user de son droit de véto durant les négociations parlementaires, marquant son désaccord avec de nombreux points. Ce rôle d’eurosceptique, il l’aura ainsi endossé pendant la plus grande partie des 47 ans d’adhésion à l’Union européenne. Je t’aime! Moi non plus… Quand la Grande-Bretagne constate que, sans cette adhésion à la communauté, elle s’isole peu à peu… Quand, à la suite de la Crise de Suez, elle remarque que les relations qu’elle entretient avec les États-Unis commencent à être tendues et que son économie s’affaiblit... Le Royaume-Uni décide, en 1961, de soumettre une demande d’adhésion au traité de Rome. Mais celle-ci est rejetée par la France, au même titre que la deuxième demande. La France de De Gaulle s’y oppose fermement car, pour le Général devenu Président, le Royaume-Uni est trop tournée vers les États-Unis. Il est persuadé que cette relation portera atteinte à l’Europe et pense que l’économie britannique est incompatible avec celle du marché commun. « I want my money back. » { Margaret Thatcher
2016 Je m’en vais En 2016, l’occupant du 10 Downing Street, David Cameron, sous la pression, décide d’organiser un référendum afin de savoir si le peuple britannique souhaite enclencher le processus de retrait de l’UE. 51.9% des votants s’y expriment en faveur d’une sortie de l’Europe, le fameux «Brexit». Conformément à ce résultat, le Royaume-Uni déclenche l’article 50 du traité sur l’Union européenne qui permet à un État membre de sortir de l’Europe. Selon celuici, pour se retirer de l’UE, il faut qu’un État membre en émette la volonté ; ainsi, chaque pays est protégé et ne peut être mis à la porte de l’Europe par les autres. Cependant, pour quitter l’Union, en exprimer la volonté ne suffit pas, encore faut-il conclure un accord. Ce dernier doit fixer les modalités de retrait en tenant compte des relations futures. Une fois cet accord validé, les traités qui fondent l’Union ne sont plus applicables à l’État sortant. Les négociations pour le Brexit débutent alors. Elles ne sont pas simples et il faudra près de 4 ans, la démission de plusieurs premiers ministres britanniques et de longs mois de travail pour trouver un accord.
2020 Mark Murphy photos / Shutterstock.com On reste bons amis Le 1er février 2020, après plus de trois ans de négociations, le Royaume-Uni quitte officiellement l’Union, même si dans les faits, ce ne sera qu’au 31 décembre 2020 que le Brexit sera réalisé. Mais qu’est-ce qui a changé le 1 er février ? Tout d’abord, les députés britanniques ne siègent plus au Parlement européen qui passe de 751 à 705 membres. Ensuite, les citoyens européens résidant au Royaume-Uni doivent s’enregistrer pour bénéficier des droits d’y résider et d’y travailler. Les expatriés installés de part et d’autre de la Manche avant la fin de la période de transition conservent ces droits dans leur pays d’accueil. Quant aux Britanniques vivant dans l’UE, les procédures diffèrent d’un pays à l’autre.
En conclusion, depuis l’aube de leur relation, l’Europe et la Grande-Bretagne n’ont jamais formé un couple serein comme l’indique cette évocation de l’histoire de l’Union européenne. Avec le recul, le néologisme euroscepticism étant apparu pour la première fois dans les années 80 dans la presse britannique pour désigner le sentiment d’opposition à la construction européenne chez les Tories (Parti conservateur anglais), le Brexit était très probablement inévitable.