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Le remède de la Liberté
PAR CONSTANTIN DECHAMPS
Depuis près de huit mois, notre pays, et le monde, est ébranlé par l’épidémie de coronavirus. La Liberté, depuis, ne semble être devenue qu’une simple variable d’ajustement dans la gestion de cette crise. Qu’est-ce qui a fait que nous en sommes arrivés à faire cela, à rendre accessoire ce qui est essentiel? Et surtout, la Liberté ne serait-elle pas une partie de la solution?
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L’échec
La liberté est parmi les biens les plus précieux que nous avons. Dès lors, la légèreté avec laquelle certains appellent à lui porter des atteintes toujours plus grandes, bien que partant de bonnes intentions, est insupportable.
Ces bonnes intentions, quelles sont-elles? Il s’agit de sauver des vies, objectif louable et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de la vie des plus fragiles et notamment nos ainés.
Mais pourquoi en sommes-nous venus à imposer des mesures liberticides afin de gérer une épidémie? La réponse tient en trois mots: défaut de prévoyance.
Autant la gestion aléatoire du premier confinement est, en quelque sorte, «excusable» étant donné que le vieux continent n’a pas connu pareille épidémie depuis au moins un siècle. Nous pouvons ainsi aisément comprendre que le gouvernement, au même titre que la population, ait été pris d’un sentiment de stupeur (et de peur?) lorsque les premiers cas de covid se sont déclarés et que les courbes se sont transformées en exponentielles.
Mais nous ne pouvons être aussi compréhensifs vis-àvis de ce deuxième confinement, qui est du point de vue de la gestion de la crise, un échec. Car entre la fin du confinement de ce printemps et le début du confinement de cet automne, le gouvernement disposait de tout un été pour se préparer et ne pas répéter les mêmes erreurs. Ce qui n’a pas été pas le cas.
Bien sûr, gérer une épidémie n’est pas chose facile. Surtout lorsque l’exercice consiste à jongler avec des paramètres allant de l’épidémiologie à l’économie en passant par l’éducation et la psychologie. Pourtant, comme le dit l’adage: «Gouverner, c’est prévoir».
Un gouvernement prévoyant
Partant de ce constat d’échec, quelle doit être l’approche d’un gouvernement prévoyant? Celle-ci doit être préventive et non pas curative. En ayant choisi comme «quasi» unique critère pour suivre l’évolution de l’épidémie, l’engorgement des hôpitaux; le gouvernement se condamne à ne régler que les conséquences de l’épidémie.
Un gouvernement prévoyant aurait dû faire ce que l’OMS préconise depuis des mois. À savoir, tester, tracer, isoler – ajoutons les mesures de distanciation et de port du masque – et ce avant de se préoccuper uniquement de l’engorgement. Or, en Belgique, les «campagnes» de tests ont été, durant ces huit mois d’épidémie, peu ambitieuses, avec une capacité d’analyse faible et des délais de réponse trop longs. Heureusement, la tendance semble enfin s’inverser, avec notamment la réouverture des tests pour les personnes asymptomatiques et l’augmentation de la capacité de dépistage par la mise à contribution des laboratoires universitaires, chose que la ministre De Block avait – en son temps – refusée, contre toute raison.
En ce qui concerne l’isolation des cas de covid, cette pratique ne semble pas être appliquée avec autant de succès que dans certains pays asiatiques.
Enfin concernant le tracking, l’application Coronalert a
atteint un nombre de téléchargements suffisant pour être «efficace» et ainsi limiter la trop rapide propagation du virus.
En lisant ces dernières lignes, il semblerait que tout va pour le mieux au royaume des Belges puisque désormais les campagnes de testing et de suivi des contacts ont la possibilité de se dérouler sans embûche afin de ralentir le virus. Seulement, un nuage vient assombrir ce joli tableau, pourquoi est-ce que cela n’arrive que maintenant? Pourquoi est-ce que cela n’a pas eu lieu avant afin d’éviter ce deuxième confinement et cette privation insupportable de libertés?
L’importance de la confiance
Quelle peut être la raison expliquant la réticence des citoyens et du gouvernement à adopter rapidement ces mesures préventives? Une partie de la réponse se trouve sans doute dans la confiance. Ou plutôt, le manque de confiance réciproque entre ces deux parties.
Le premier devoir du gouvernement en temps de crise est de donner des informations claires et précises aux citoyens. Les décisions «girouettes» doivent, à tout prix, être évitées. Lorsqu’il prend une décision, le gouvernement doit s’y tenir, afin de ne pas apporter du flou supplémentaire à une situation déjà brumeuse.
En ce qui concerne l’information, celle-ci ne peut venir que du politique, elle doit également venir des experts. Pour autant faire apparaître des dissensions et des disputes de «bac à sable», avec les experts «officiels» sur les réseaux ou dans la presse, concernant tel ou tel type de mesures, est sûrement la chose la plus puérile qu’il nous ait été donné de voir ces derniers mois, les deux cotés étant coupables.
Quelle doit donc être l’approche à privilégier entre ces deux parties? Elle semble avoir été trouvée, mais il est toujours bon de la rappeler. Les experts se doivent de revêtir le rôle du «phare dans la nuit» afin de guider le navire dans la tempête, là où le gouvernement est derrière la barre et indique le cap à suivre à l’aune des connaissances scientifiques.
Une porte ouverte sera peut-être enfoncée en disant cela, mais il est important de le rappeler, c’est aux politiques et à eux seuls de prendre les décisions (pour le meilleur et pour le pire).
Le danger étant, qu’en demandant uniquement à des épidémiologistes de gérer une crise, que ces derniers ne prennent pas en compte toute une série de paramètres et transforment ainsi la vie en société en un TP de médecine, où la circulation du virus est certes réduite à zéro, mais où la vie, elle, s’est arrêtée. Heureusement, nous n’en sommes pas là.
Ce n’est donc pas aux experts, seuls – comme certains le souhaiteraient –que le pouvoir de décision doit revenir.
Dès lors que des informations claires et précises sont données et que la «solidarité» entre experts et gouvernement est assurée, les citoyens sont moins défiants vis-à-vis du gouvernement et des mesures préventives.
L’étape du consentement
Lorsque le gouvernement se montre prévoyant et que la confiance est >>>>
de retour, la question suivante se pose: faut-il rendre les mesures préventives – testing, tracking et isolement – obligatoires?
Certains vous dirons que oui, ce qui laissera place à cet insupportable paternalisme d’État de la part de certains. Les exemples ne manquent pas: que ce soit la ministre Verlinden qui menace d’envoyer les forces de l’ordre toquer aux portes lors des fêtes de fin d’année afin de s’assurer du respect des mesures, ou bien, les récentes révélations du ministre Vandenbroucke admettant que la fermeture des commerces «non-essentiels» était une mesure qui visait à provoquer un choc parmi la population. Ces attitudes sont tout bonnement scandaleuses, les citoyens belges ne sont ni des enfants ni des sujets auxquels on donne des ordres. Aucun ministre n’a le droit de les menacer de quelque façon que ce soit ou de prendre des mesures arbitraires. Ce sont des citoyens libres et adultes qui méritent le respect et n’ont pas à être infantilisés.
D’autres vous dirons que non. Dès lors, toutes les mesures préventives doivent se faire sur base volontaire. Nous ne devons pas confondre sécurité et servitude.
Ainsi, la mesure où le consentement est sans doute le plus indispensable est le tracking. Car bien que souhaitant accomplir une noble mission – sauver des vies – il s’agit, tout de même, d’une intrusion dans la vie privée. L’important étant donc de ne pas rendre l’application obligatoire, de traiter les données de manière anonyme et surtout de laisser le choix aux citoyens de la supprimer s’ils le souhaitent. Notons que Coronalert remplit ces critères.
Le choix de la Liberté
Quelle serait la manière la plus responsable et la moins liberticide pour gérer cette épidémie?
Comme expliqué précédemment, il est avant tout d’une impérieuse nécessité que le gouvernement soit prévoyant et qu’il puisse mettre toutes les mesures préventives en place afin de ralentir la propagation du virus. Malgré tout, ralentir la propagation n’empêchera pas le virus de se répandre et en l’absence de traitement, de tuer.
Mais est-ce que, parce qu’une maladie fait des victimes, il faut adopter une mesure liberticide et confiner toute la population? Et bien que le confinement soit très efficace pour ralentir la propagation du virus, il fait énormément de dégâts. Pertes de liens sociaux, ruines des petits commerces, pertes d’emplois (dont beaucoup chez les jeunes), risques concernant la qualité des cours pour les élèves et les étudiants, et tant d'autres.
Alors que faire? Partant du constat que le virus, bien qu’étant potentiellement mortel pour tout le monde, tue majoritairement les personnes «à risques» – nos ainés, ceux atteints de pathologies lourdes et ceux souffrant d’affections de longue durée – ne pourrions-nous pas imaginer un système dans lequel ces dernières feraient l’objet d’un confinement ciblé? En parallèle de cela, la responsabilité serait laissée à la majorité de la population.
En lisant ces lignes certains penseront que le virus s’en donnera à cœur joie. Pour autant, une question parue sur le site de La Libre, en date du 23 novembre, laisse penser le contraire. Il était ainsi demandé aux lecteurs: «Êtesvous en faveur d’une pause de Noël, durant laquelle les mesures seront assouplies?» À cette question, 67% des 3000 répondants ont déclaré «non». Nonobstant un biais de représentativité, nous pouvons en faire la lecture suivante, si «pause» il y a, les personnes ayant répondu «non» continueront à se confiner. Sans doute pas dans une aussi forte proportion, mais une partie significative tout de même.
Cela nous montre que les individus, une fois que les informations sont claires, comprises et les mesures préventives assurées, sont responsables.
L’approche la moins liberticide, ne serait-elle donc pas de miser sur les forces sociales spontanées? Des mesures préventives, une communication claire et éclairée, une confiance réciproque ne permettraient-elle pas de garantir la liberté de tout un chacun? Car il s’agit d’un bien trop précieux que pour être manié avec autant de légèreté qu’une variable d’ajustement.
POUR TERMINER, ESSAYONS-NOUS À UNE EXPÉRIENCE DE PENSÉE.
Actuellement les mesures liberticides – bien que partant de bonnes intentions – ne sont socialement acceptées que parce que nous sommes suspendus à l’espoir d’un vaccin, qui semble être proche. Mais imaginons que ce vaccin n’arrive pas, ou qu’il n’ait pas l’effet escompté, et que nous devions repartir pour encore plusieurs mois voire années d’épidémie… Quelle approche serait la plus durable dans le temps et la plus socialement acceptée?
Celle qui confine toute la population en créant d’énormes dégâts sociétaux sur son passage? Ou bien celle qui fait le choix de la confiance, de la responsabilité et de la liberté?