Extrait de Biens publics et valeurs immobilières de Christophe Beckerich

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Biens publics et valeurs immobilières


Les publications de l’adef La ville aux champs, ouv. coll., préf. M. Delebarre, 2001, 220 p., 29 euros/190 F Zonage et propriété foncière, J. Ruegg, 2000, 254 p., 200 F Marchés immobiliers, segmentation et dynamique, F. Calcoen, D. Cornuel, 1999, 265 p., 205 F L’expérience de l’expropriation, F. Cavaillé, 1999, 222 p.,180 F Reconstruire la ville sur la ville, préf. P. Schwach, 1998, 160 p.,160 F Sécuriser l’urbanisme, préf. J.-P. Lacaze, 1997, 181 p.,155 F Les bureaux, analyse d’une crise, I. Nappi-Choulet, 1997, 181 p., 155 F L’impact du risque industriel sur l’immobilier, L. Sauvage, 1997, 255 p.,190 F L’aménagement en questions, C. Martinand et J. Landrieu (ss la dir.), 1996, 242 p.,175 F Qui doit payer la ville ?, préf. C. Bersani, 1996, 246 p., 180 F Aménagement foncier : les risques, préf. R. Rossi, 1995, 160 p.,165 F La bulle foncière au Japon, N. Aveline, 1995, 256 p., 160 F Russia : Urban Development and Emerging Property Markets (anglais-russe), L. Limonov, V. Renard, W. Leontief, 1995, 224 p., 175 F Évaluer un terrain. Aspects économiques et juridiques, préf. J. Comby, 1994, 220 p.,165 F L’articulation du foncier et de l’immobilier, J.-J. Granelle, T. Vilmin, 1993, 188 p.,155 F Gestion foncière en Europe de l’Est (français-anglais), V. Renard, R. Acosta, 1993, 283 p., 170 F Villes africaines. Nouveau manuel d’aménagement foncier, J.-F. Tribillon, 1993, 320 p., 175 F Politiques foncières des villes en développement, C. Farvacque-Vitkovic, P. McAuslan, 1993, 160 p., 160 F Les coûts de la croissance péri-urbaine, A. Guengant, 1992, 157 p.,165 F Sécurité et transparence des marchés immobiliers, intro. A. Givaudan, 1992, 317 p.,142 F L’environnement entre le maire et l’État, G. Jeannot, V. Renard, J. Theys (ss la dir.),1990, 206 p., 120 F La règle et l’urbanisme, préf. C. Robert, 1990, 360 p., 130 F La rente foncière, préf. P.-H. Derycke, 1990, 244 p.,120 F Le sol de l’entreprise, préf. U. Battist, 1989, 199 p.,93 F Un droit inviolable et sacré : la propriété, préf. J. Frébault, 1989, 367 p., 150 F Les grands propriétaires fonciers urbains/Major urban landowners (français-anglais), préf. C. Chaline, 1987, 144 p., 80 F Politiques foncières comparées : 90 F le document ❒ Danemark, V. Renard, 53 p. ❒ Espagne, Eve et T. Igonin-Leygue, 165 p. ❒ Pays-Bas, N. Dubach et V. Renard, 78 p. ❒ Portugal, T. Igonin-Leygue, 80 p. Revue Études foncières. Six numéros par an pour faire le tour de l’actualité du foncier, offrir une tribune aux acteurs de l’aménagement foncier, rendre compte d’expériences innovantes (abonnement pour 1 an : 80 euros- 524,72 F ; 2 ans : 150 euros - 983,85 F).

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Introduction

Par l’exercice de leurs compétences, les collectivités territoriales et plus particulièrement les communes modèlent l’espace urbain. En effet, de nombreuses décisions de ces collectivités ont des conséquences sur la forme de l’espace urbain, sur les relations sociales qui s’y développent et sur le cadre de vie des habitants qui y résident. L’espace public urbain, c’est-à-dire principalement la voirie, que la circulaire du 29 décembre 1964 définit comme la surface de terrain appartenant à la collectivité et affectée à la route ainsi qu’à ses dépendances, est l’un des éléments des politiques urbaines. L’aménagement de l’espace public urbain comporte plusieurs aspects qui relèvent de différentes autorités compétentes. Les communes jouent un rôle principal dans l’aménagement de l’espace public urbain. La commune est responsable de la voirie, de son aménagement et de la gestion du stationnement. Son intervention dans l’entretien de la voirie dépend du classement des voies. L’entretien des routes nationales et des routes départementales est à la charge respectivement de l’Etat et des départements. Le domaine de compétence de la commune ne s’arrête pas à la seule gestion de l’espace de circulation, puisqu’il intègre l’ensemble des interventions réalisées sur l’espace public, comme la construction et l’entretien des infrastructures, les travaux sur les réseaux d’éclairage public et parfois d’assainissement, l’aménagement des espaces verts et toutes les interventions relevant du génie civil et des travaux publics. Par ailleurs, la commune est responsable de la mise en œuvre du schéma directeur sur son territoire par le plan d’occupation des sols qui doit s’y confirmer. Les collectivités territoriales modifient également l’aménagement de l’espace public urbain en décidant de la place et des caractéristiques des transports collectifs dans cet espace. La Loi d’orientation sur les transports intérieurs (LOTI) de 1982 prévoit le regroupement de communes pour organiser les transports collectifs sur leur périmètre de transports urbains (PTU), défini comme le territoire de plusieurs communes adjacentes ayant décidé d’organiser en commun un service de transports publics de personnes


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(article 27 de la LOTI). Les grandes agglomérations, qui ont déterminé un PTU, sont compétentes pour l’organisation des transports collectifs urbains. L’Etat participe à l’aménagement de l’espace public urbain en choisissant la destination et le niveau de ses investissements. L’aménagement de l’espace public urbain qui comprend, entre autres, la gestion de la voirie et l’organisation des transports collectifs est important et a des répercussions multiformes sur l’espace urbain et les activités des agents économiques. Il mobilise une part importante des budgets des communes et des collectivités territoriales. La comptabilité publique ne permet pas d’isoler exactement les dépenses consacrées à l’aménagement de l’espace public urbain. Il est souvent difficile de distinguer ce qui résulte du développement urbain, des transports et de la gestion des réseaux. Cependant, quelques chiffres éclairent le poids considérable de l’aménagement de l’espace public urbain dans les budgets des collectivités locales. En 1996, les comptes des transports de la nation indiquaient que l’ensemble des administrations avaient consacré aux transports 196 milliards de francs soit environ 2,5 % du PIB. Les collectivités locales avaient dépensé 116,8 milliards de francs pour les transports soit 60 % des dépenses publiques transport. Ces dépenses regroupent les fonctions développement urbain, transports et télécommunications, qu’il est impossible de dissocier dans ces comptes. Les transports collectifs urbains représentaient la part la plus importante des dépenses transport de la Nation. Les collectivités locales les finançaient à hauteur de 86 %, soit 43 milliards de francs. Elles consacraient les mêmes montants pour les routes et les voiries urbaines. Ces sommes étaient constituées essentiellement des dépenses de fonctionnement. Les collectivités locales, en finançant les transports collectifs, les routes, et la voirie réalisaient près de la moitié des dépenses transport de la nation, soit 86 milliards de francs. Pour comparaison, les dépenses publiques consacrées aux transports ferroviaires ne représentaient que 38,5 milliards de francs en 1996, soit plus de deux fois moins. Il est difficile de connaître précisément la participation des communes au financement de l’aménagement de l’espace public urbain. Tous secteurs confondus, les dépenses des communes représentent plus des deux tiers des dépenses totales des administrations publiques locales et les quatre-cinquièmes de leurs investissements. Par ailleurs, si l’on s’en tient à la comptabilité des communes, le secteur de la voirie est le second poste de dépenses, en investissement comme en fonctionnement. L’engagement de telles sommes par les collectivités locales a des répercussions sur l’espace urbain et les agents économiques.


Introduction

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Pour saisir l’importance et les conséquences de l’action des collectivités territoriales en termes d’aménagement de l’espace public urbain, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement de l’espace urbain. L’espace urbain peut être considéré comme un système complexe résultant de l’imbrication de trois sous-systèmes (Bonnafous et Puel, 1983) : – un système de localisation qui correspond à l’utilisation des sols (localisations d’activités et d’habitants, d’équipements publics) ; – un système de déplacement qui regroupe les flux de personnes et de biens ainsi que les infrastructures supportant ces flux ; – un système de pratiques et de relations sociales qui désigne le déroulement des activités des citadins ponctuant l’organisation de la société urbaine. Les politiques publiques locales affectent ces trois soussystèmes. Les politiques liées aux transports et aux déplacements en général ont un rôle crucial. L’espace public urbain, en tant que voirie urbaine support par nature des moyens de communication, est au cœur du système de déplacement. La voirie est l’outil d’articulation des différents éléments de l’espace urbain. Elle permet le fonctionnement de l’espace urbain à différentes échelles (ensemble immobilier, quartier, commune, agglomération) formant une hiérarchisation du réseau viaire. Elle participe aussi au système de localisation par la valorisation et la dévalorisation qu’elle génère sur les espaces riverains. L’espace public urbain est partie prenante du système des pratiques et des relations sociales. En effet, il est le lieu d’activités, mais un non-lieu quand l’aménagement conduit à l’absence de pratique de cet espace. Ainsi l’aménagement de l’espace public et son usage par les différents agents économiques provoquent-ils ce que l’économiste appelle des effets externes (ou externalités). L’usage de l’espace public urbain par un agent économique conduit parfois à la modification du niveau d’utilité (la satisfaction) des autres agents économiques. Ainsi un adolescent qui fait usage de son scooter, dont le pot d’échappement a été modifié, pour traverser une ville en pleine nuit occasionne par son déplacement une gêne certaine à de nombreux riverains des voies qu’il emprunte. Le bruit ainsi provoqué correspond à un effet externe négatif. Le comportement de l’adolescent à une répercussion négative sur le sommeil de personnes qui ne sont normalement pas concernées par son déplacement. La création d’une infrastructure autoroutière de contournement d’une agglomération est un exemple plus complexe de production d’effets externes. Les biens immobiliers et fonciers rési-


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dentiels, à proximité desquels l’infrastructure passe, connaissent une baisse de leur prix puisque les effets externes provoqués (nuisances sonores et pollution atmosphérique) conduisent à une demande plus faible de cette localisation par les ménages. Dans le même temps, certaines localisations à proximité des échangeurs voient leur prix progresser du fait d’une meilleure accessibilité qui compense les effets externes négatifs (nuisances). Aussi une même infrastructure peut-elle entraîner simultanément des effets positifs pour certaines catégories d’agents et pour certaines localisations et des effets négatifs pour d’autres agents économiques et d’autres localisations. Pour les économistes, l’espace public urbain est un bien public local (BPL). Il est géré et financé par les collectivités territoriales. Les biens publics locaux sont analysés comme des effets externes. En effet, leur offre de BPL conduit aux mêmes conséquences sur l’utilité des agents que les effets externes. Par ailleurs, l’usage de l’espace public urbain par les agents économiques va également induire la production d’effets externes. L’effet des biens publics locaux touche les riverains de l’espace public urbain, mais également des agents économiques localisés dans la commune, dans l’agglomération ou ailleurs. Il s’agit d’effets de débordement qui caractérisent les biens publics locaux. Les effets externes ont une incidence sur l’utilité des agents économiques. En fonction de leurs préférences, les agents économiques vont parfois modifier leurs comportements selon ces externalités. Il s’agit de ce que les économistes dénomment l’internalisation des effets externes par les agents économiques. Ces derniers intègrent dans leur comportement l’existence d’effets externes. Cette internalisation des effets externes s’illustre sur les marchés des biens immobiliers et fonciers en une demande plus ou moins importante pour certaines localisations et donc par des variations des prix immobiliers en partie fonction de l’internalisation des effets externes. C’est justement ces effets de valorisation et de dévalorisation sur les biens immobiliers résidentiels que nous nous proposons de cerner et d’évaluer dans cet ouvrage. Ainsi l’espace public urbain est vecteur d’effets externes du fait de son aménagement et de son usage par les agents économiques. Plusieurs méthodes d’analyse permettent de mesurer l’internalisation des effets externes par les agents économiques et de valoriser monétairement les externalités à savoir les méthodes de préférences déclarées et les méthodes de préférences révélées. Les méthodes des préférences déclarées étudient les préférences des agents économiques en les interrogeant directement par enquête (évaluation contingente). Par exemple, elle consiste à demander aux ménages le prix qu’ils sont prêts à payer pour ne


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pas supporter ou pour voir diminuer, un niveau de nuisances ou leur consentement à accepter une augmentation du niveau de nuisance ou l’absence d’un niveau de nuisance. Il s’agit d’une approche psychométrique. Dans notre ouvrage, nous allons privilégier le second groupe de méthodes à savoir les méthodes de préférences révélées qui valorisent les effets externes en étudiant les comportements et les dépenses des agents pour faire face aux effets externes (coûts d’évitement, coûts des dommages, dépenses de protection, coût du trajet et prix hédoniques). Par exemple, pour monétariser le bruit, l’étude des dépenses de protection engagées par les ménages contre cette nuisance (double vitrage, isolation des façades) peut être réalisée. Ces méthodes privilégient une approche économétrique. Dans notre cas, nous allons mesurer l’impact de l’aménagement de l’espace public urbain sur le marché des biens immobiliers résiduels. Pour se faire, il est nécessaire d’analyser la formation des prix de l’immobilier résidentiel. De nombreuses recherches se sont intéressées à l’étude et au suivi de l’évolution des marchés de l’immobilier. Ces travaux se cantonnent souvent à une simple description plus ou moins détaillée des prix de l’immobilier sur un marché restreint. Et lorsqu’il s’agit de l’analyse des prix de l’immobilier, ces travaux prennent souvent le parti de refuser l’usage d’outils statistiques comme un moyen de saisir les déterminants de la formation des prix des biens immobiliers résidentiels. Cette opposition à l’usage de l’économétrie (ensemble des méthodes statistiques développées pour estimer un modèle) s’accompagne du corollaire que seule la ségrégation sociale de l’espace urbain explique les prix des logements. Le rejet catégorique de ces approches de l’urbain et de la formation des prix du logement par des méthodes statistiques éprouvées par ailleurs a pris place en 1998 dans les colonnes de la revue Etudes foncières suite à la publication des résultats d’une étude du 1 prix des logements dans le Val-d’Oise réalisée par le THEMA qui n’était, certes, pas exempte de critiques et d’erreurs méthodologiques mais qui n’aurait pas dû provoquer de telles oppositions idéologiques.

1. Martinez (M.), Gravel (N.) et Trannoy (A.), « Une approche hédonique des marchés immobiliers », in Etudes foncières n° 73, mars 1997 Maleyre (I.), L’approche hédonique des marchés immobiliers, in Etudes foncières n° 75, septembre 1997 Lacaze (J.-P.), « Les prix hédoniques n’expliquent pas les femmes nues sculptées sur les façades des immeubles », in Etudes foncières n° 75, septembre 1997.


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Nous réfutons l’opprobre jeté sur toute tentative d’analyses économique et économétrique de la formation des prix du logement par les modèles et outils développés par la nouvelle économie urbaine (NEU), corpus théorique qui analyse la localisation des ménages dans les espaces urbains et donc l’évolution des prix des biens immobiliers résultants de ces choix, et les modèles de capitalisation qui expliquent l’impact de l’offre de biens publics locaux et de la fiscalité locale sur le prix des biens immobiliers. La NEU a été développée au courant des années soixante aux Etats-Unis et n’a eu d’échos en France que depuis quelques années. C’est sans doute la lenteur de cette diffusion en France qui explique que l’on continue à l’appeler nouvelle économie urbaine alors que pour la communauté scientifique internationale, il s’agit de l’économie urbaine standard. Aujourd’hui, la constitution de bases statistiques exhaustives concernant les transactions immobilières comme le marché immobilier des notaires (MIN) ou de fichiers mis en place par les collectivités locales dans l’optique d’une meilleure maîtrise du foncier permettent de proposer l’analyse de la formation des prix des biens immobiliers en recourant à la boîte à outils de l’économiste. Notre propos ne se limite pas à la seule analyse de la valorisation immobilière de l’aménagement de l’espace public urbain et à la présentation de modèles issus de l’économie urbaine standard et de l’économie publique locale. Notre approche s’inscrit dans une perspective d’évaluation des conséquences des politiques publiques locales et d’aide à la décision publique. Cependant, l’intérêt de notre démarche dépasse le cadre de l’évaluation économique des politiques locales. En effet, l’analyse de la formation des prix des logements peut intéresser également la promotion immobilière. En effet, notre travail évalue la valeur de la localisation dans les quartiers, de la valeur attribuée par les ménages aux caractéristiques intrinsèques des biens immobiliers et fonciers. Les professionnels intervenant sur le marché estiment ces différents éléments mais aucun travail empirique n’a jamais été vraiment réalisé en France. Par ailleurs, notre ouvrage permet de vulgariser, dans une certaine mesure, des modèles et des outils jusqu’alors peu connus des professionnels de l’immobilier, du foncier et les urbanistes et peu usités dans les milieux de la recherche en France. En effet, pour répondre à la question de la valorisation immobilière de l’aménagement de l’espace public urbain, il est nécessaire d’étudier les déterminants micro-économiques de la localisation des ménages. Ceci renvoie aux théories de localisation résidentielle, aux modèles et aux tests de la capitalisation (valorisation) immobilière de l’offre de biens publics locaux, qui fournissent des


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