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III.2.a Ville connectée, quel sont les risques d’un BigBrother 3.0

III.2.a Les outils de gestion à l’échelle de la ville et du bâtiment. Ville connectée, quel sont les risques d’un BigBrother 3.0 ?

Référence évidente au roman 1984 de George Orwell, publié en 1949, la ville connectée effraie et interroge.

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Quatre composants majeurs de toute smart city constituent une vulnérabilité pour les collectivités : les réseaux qui maillent les territoires ; les infrastructures qui aménagent les espaces et concernent les secteurs de la mobilité, de l’électricité, de la gestion de l’eau, etc. ; les objets connectés qui apportent de la connaissance et de l’intelligence ; les données collectées, stockées et analysées. La moindre faille de sécurité peut entraîner un dysfonctionnement, à l’image de la prise de contrôle d’un panneau d’affichage de la ville, une atteinte à la vie privée, comme le rappelait récemment la CNIL, voire un risque vital, si on imagine le sabotage d’un système de gestion de l’eau potable.

Afin de préserver ces technologies et ces données, éléments-clés des « Smart City », des mesures de sécurité doivent être mises en place ; et les responsabilités juridiques définies entre toutes les parties prenantes.

À qui appartiennent les équipements technologiques déployés dans la ville ? Qui doit en assurer la maintenance à long terme ? et qui possède réellement ces données ?

Autant de questions qui doivent servir de socle pour élaborer des contrats entre les collectivités et les acteurs privés, notamment les délégataires des services publics. Les NTIC et notamment l’Internet des Objets génèrent une masse formidable de données dont certains touchent à la vie privée et sont donc des données sensibles (données sur la santé et le transport, par exemple).

« Les objets connectés, même les plus simples telles les ampoules, renvoient énormément d’informations d’ordre très privé : quand est-ce que nous sommes chez nous, combien de personnes sont dans la maison, etc. Le niveau d’intrusion est très fort »

ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019

Il y a donc un équilibre à trouver entre protection des données personnelles et progrès technologiques.

En tout état de cause, les informations recueillies et alimentant la plate-forme doivent demeurer privées, et en particulier :

Ne pas pouvoir être transformées à l’insu de l’usager en données de type « marketing » exploitées par les grands groupes commerciaux du type GAFA (Google, Apple, FaceBook, Amazon) Ne pas pouvoir servir à une surveillance et un contrôle des vies privées ; Offrir une sécurité informatique maximale et protéger les utilisateurs des intrusions et des utilisations malveillantes (cybersécurité).

Il conviendra donc d’être vigilant sur : • La typologie des données (data), qu’elles soient générées par l’habitant ou fournies par des acteurs extérieurs pour alimenter le « cerveau du bâtiment » (données météo, etc.…) ; La sécurisation des échanges et des stockages d’information, notamment dans les « clouds ».

Le big data n’est donc pas tout rose. Les récents scandales de Facebook ont mis sur le devant de la scène toute la puissance qui peut être tirée de ces données et cela à des échelles sans précédent. Le problème majeur posé par le big data est celui de la récupération des données non anonymes : cette utilisation peut en effet conduire à la surveillance et la manipulation des individus. En Chine, le gouvernement tente de mettre en place un système de ‘’crédit social’’ . 114 Ce dernier est basé sur la récupération des données des citoyens à partir desquelles est élaborée une notation. Ainsi, comme dans les pires univers de science-fiction comme dans la série Black Mirror, il serait possible de connaître la “fiabilité” d’un citoyen en fonction de ses actions quotidiennes, puisqu’à partir de cette note l’accès aux transports ou l’acceptation dans les écoles pourraient être contrôlés.

114 ” https://lumieresdelaville.net/chine-votre-comportement-dans-lespace-public-note-par-un-robot/

ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019

Il s’agit aussi de veiller à ce que l’ensemble des services de « data » jouent le jeu en donnant accès à leurs données de manière transparente. Car aujourd’hui les “Data services”, autrement dit les services s’appuyant sur la donnée comme Uber ou Airbnb, se multiplient. Quelle gouvernance pour ces données ? Quels partenariats élaborer entre les puissances publiques et ces acteurs ? Les acteurs de la ville tentent de travailler de plus en plus avec ces fournisseurs d’informations, notamment pour analyser les usages, comme par exemple à Paris, où pour le réaménagement devant une de ces gares, Uber a fourni différentes données pour que les aménageurs saisissent mieux les problématiques de circulation et de mobilités.

Même lorsque les données sont anonymes, leur croisement peut parfois aboutir à l’identification d’individus et se pose alors la question de la protection de la vie privée. Face à la fuite de ces données et aux possibilités de retrouver des informations privées, des moyens de protection se mettent donc en place : on peut penser au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) 115 mis en application en 2016 en Europe qui contraint de nombreux sites à mettre à jour leurs paramètres de confidentialité.

L’utilisation des données pour améliorer la vie des habitants de la ville passe donc non seulement par les outils de prédiction mais aussi par leur ouverture au public. Fournir des données sur la ville à ses habitants, c’est donner la possibilité à ceux-ci de prendre conscience de leur environnement et de leur donner des ressources pour agir. Une ville plus démocratique peut alors naître de cette masse d’information, à condition que ces données soient lisibles par tous et toutes. Car ce qui vient avec le big data c’est, comme son nom l’indique, un afflux massif de données qui ne sont pas compréhensibles dans leur état brut.

« La ville est truffée de caméras et de capteurs qui enregistrent la température, le trafic, la consommation électrique… en temps réel. Tous ces appareils sont reliés à un « cerveau » central qui optimise la gestion de la ville minute par minute ». Cette description de la ville de Songdo, en Corée du Sud, est relatée par le chercheur coréen Frédéric Orjadas. Elle donne une idée de la ville « intelligente » et connectée de demain.116

115 https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/nouvelles-regles-pour-confidentialite-donnees 116 https://www.maddyness.com/2016/09/28/ville-intelligente-futur-big-brother/

ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019

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