entrevues
MNNQNS plus flamboyant que jamais PIERRE-ARNAUD JONARD
MNNQNS était attendu au tournant pour son second album après leur très bon Body negative de 2019. Défi relevé et haut la main pour des Normands plus innovateurs que jamais. Un grand groupe sans conteste aucun.
L
ocomotive de cette magnifique scène rouennaise qui a émergé depuis quelques années désormais et nous a offert d’aussi bons groupes que We Hate You Please Die, Bungalow Depression, Kumusta ou encore Dye Crap, MNNQNS était sur une pente plus qu’ascendante au moment où la pandémie a frappé la planète. Quelques jours avant le premier confinement, le combo donnait ainsi un concert de toute beauté à la Gaité Lyrique à Paris. Show ultra maitrisé où l’on sentait un groupe sûr de son fait et de sa force, capable pour un combo étiqueté post-punk d’ouvrir son set par une reprise de Madonna. Quelques jours plus tard, le monde entrait en phase d’hibernation. Ce monde qui entrait en suspens pour de très longs mois allait-il couper l’envol de l’un, si ce n’est du groupe le plus prometteur de la scène musicale française ? Deux ans plus tard, nous sommes fixés : MNNQNS n’a rien perdu de sa superbe, tout au contraire. Le retour des Rouennais montre qu’ils auront incontestablement su profiter à plein de ces deux années pour revenir plus forts que jamais. La mise entre parenthèse de la musique de longs mois durant aura finalement permis à la plupart des musiciens de tirer profit de ce temps pourtant anxiogène pour peaufiner leurs créations à 18 LONGUEUR D’ONDES N°96
THÉO SOYEZ
venir. MNNQNS ne fait pas exception à la règle avec, pour leur retour, un album d’une grande sophistication et d’une élégance rare. On avait laissé un excellent groupe post-punk, on retrouve un superbe groupe pop. Mais pas n’importe quelle pop, de cette pop sophistiquée qui, des Beach Boys à Roxy Music, nous a offert certains des plus beaux albums de l’histoire de la musique : « La pandémie ne nous a pas vraiment impactés. Nous ne nous sommes jamais dit que peut-être serions-nous aujourd’hui arrivés à un point plus avancé de notre carrière s’il n’y avait pas eu la Covid. Il n’est pas impossible que si nous avions eu moins de temps pour notre nouvel album celui-ci aurait davantage ressemblé au premier. On a pu améliorer les modulations harmoniques dans notre travail. On le faisait déjà sur le premier album mais pas aussi bien » explique le groupe. « La seule liberté que tu avais lors du confinement, c’était de composer et d’écrire des morceaux. Si l’album sonne assez positif, on a tous, nous, nos amis, été touchés psychologiquement par la Covid. Nous n’aurions pas aimé faire un disque qui sonne dépressif. On a fait cet album de la manière la plus honnête possible. La pandémie nous a peut-être aidés pour cela, nous amenant à réfléchir sur cette période pourrie, et ce que nous aimions vraiment et ce que nous voulions profondément. » Si un groupe aussi talentueux que MNNQNS en profite pour prendre son temps, il devient alors logique qu’il arrive à une sophistication que ne renierait pas Brian Wilson. Élégant et racé, MNNQNS l’était depuis ses débuts. Il l’est aujourd’hui plus que jamais. L’ombre de Bryan Ferry et de Brian Eno planent sur eux désormais, avec ce mélange d’audace, d’élégance, de sophistication et d’expérimentations sonores qui font le sel des plus grands : « Nous continuons d’être un groupe expérimental mais d’une manière différente que sur le premier album. Nous avançons dans notre songwriting, nous avons plus confiance en nous. Nous avons mis en avant les synthés. Ce sont les outils qui nous entrainent là où ils veulent nous emmener. Nous aimons faire du neuf avec de l’ancien dans notre utilisation des synthés. Les guitares sont toujours là, mais ont aujourd’hui
un rôle différent. Les morceaux de l’album vont bien ensemble. C’est un disque qui nous ressemble. » Prendre des risques, innover, tel a toujours été le credo des Normands. C’est aussi pour cela qu’ils en sont arrivés là où ils en sont aujourd’hui : « Il ne faut jamais faire ce à quoi s’attendent les gens. Nous sommes le même groupe même si le songwriting est différent. Si le public ou les médias trouvent l’album ambitieux, nous ne nous sommes jamais dit que nous voulions aller vers un disque qui suinte