L'architecture est un sport de rue

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L’architecture est un sport de rue

Coécrit par : Roussel Alexis et Chaubard Lou


Couverture : Pedro Barros - bonnes front - Cloché de la Cathédrale Notre-Dame-de-l’Apparition, Brasilia Marcelo Maragni et Rodrigo Kbça Lima, 2020



préface Ce rapport d’étude a été coécrit par Alexis Roussel et Lou Chaubard, dans le cadre de la rédaction du rapport d’études demandé en Licence 3 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. Il est une manière d’aborder l’architecture selon les ambitions professionnelles, l’expérience scolaire et les attraits architecturaux d’ Alexis Roussel.



AVANT PROPOS La street culture ou culture urbaine est née des quartiers défavorisés dans les années 80 avec l’arrivée du hip-hop et l’implication des centre sociaux dans la création d’espaces de loisirs pour les jeunes habitants de cité. Celle-ci visait à son origine à mettre en valeur les talents des jeunes se logeant dans ces grands ensembles urbains. Elle se veut être une réponse face à la misère qui imprègne ces quartiers afin de concentrer la jeunesse sur des activités positives et créatives. Mise en lumière en 1986 par la collaboration entre Adidas et un groupe de hip hop, plusieurs domaines publics ont par la suite fait appel à celle-ci au cours des décennies. La culture urbaine est avant tout une question de perception et de rapport à l’espace. Il s’agit d’utiliser l’espace avec le corps, d’habiter la ville avec le corps. Cette dernière influe sur la manière dont le corps se déplace, investit et utilise la ville. Très présent dans les quartiers, ce phénomène regroupe maintes disciplines telles que la musique, la photographie, le graffitis ou encore les sports de rue (BMX, skateboard, trottinette, parkour, football et basket de rue...) Expérimenté dans les années 1930-1940 par la communauté de surfeurs de La Jolla, à San Diego en Californie, le skate ou plutôt le « sidewalk surfboard » comme il se faisait appeler à son origine connaît des débuts difficiles. Concurrencé par d’autres sports de glisse populaire à l’époque, son développement et sa communauté restera très « underground » jusqu’au début des années 90 où il connaîtra une ascension médiatique jusqu’à de nos jours. D’abord pratiqué en « downhill » puis dans les piscines et dans les fausses de drainage durant les sécheresses de 1975 en Californie. Les premières infrastructures dites skateparks verront quant à elles le jour à la fin des années 70. La discipline se tournera peu à peu vers la rue et connaîtra un réel engouement auprès des jeunes et aura une influence notoire sur la culture urbaine et la mode à la fin des années 90. À ce jour la discipline compte plus de 3.08 Millions de pratiquants à travers le monde et a été intégrée au programme olympique en 2016 pour les JO de 2020 qui devaient se tenir à Tokyo. Ce qui est intéressant dans cette culture urbaine c’est de voir que progressivement l’architecture et l’urbanisme sont devenus support d’expression pour diverses communautés artistiques et sportives, sollicitant un intérêt de plus en plus vif au fil des années, dynamisant certains quartiers, donnant vie à des événements sociaux culturels qui nourrissent les villes et attirent la population.

L’architecture d’Oscar Niemeyer, courbes et modernité



INTRODUCTION “Si j’étais architecte et pouvait créer des espaces pour la ville, je dessinerais uniquement des choses sur lesquelles les gens peuvent venir rouler, alors on pourrait rouler sur tout et, d’une certaine manière, c’est ce qu’Oscar Niemeyer a fait.” - P.barros/M.Peres1 Ce rapport d’étude à comme but de montrer que l’architecture lors de sa création, propose des fonctions facilement détournables par ses utilisateurs, qu’il s’agisse de bâtiments, d’espaces publics, ils sont tous interprétables par ses usagers. Nous verrons dans cet écrit l’œuvre d’Oscar Niemeyer à Brasilia, avec le dessin de bâtiments courbes dans les années 50 alors même que les sports de glisse n’existaient pas. Les fonctions allouées à ses lieux ont au fil du temps été, non sans surprises, réinterprétées, notamment par les skateurs, raffolant des formes courbes, rendant ces lieux très convoités par la communauté. Ceci entraînant alors la question de l’influence de l’architecture sur des disciplines sportives comme ces dernières. Et à l’inverse, questionnant la transformation de la ville selon l’évolution de la société et de ses pratiques urbaines. Ce sujet me touche particulièrement, puisque moi même je pratique un sport de glisse, le dirt2, me poussant à côtoyer toute cette communauté dans mon quotidien. Dans ma pratique, il est évident que les espaces dédiés à ces sports ne sont pas les seuls lieux où nous nous exerçons, le mobilier urbain peut très bien nous occuper pendant des heures, comme une rampe PMR, ou un simple mur. Tout est support à interprétation et c’est ça qui m’interpelle dans l’architecture. C’est cette possibilité d’utiliser les éléments construits comme support à l’expression corporelle, sportive. Les concepts liés à ce sujet sont donc multiples, nous pouvons parler de la question de la matérialité, de l’interprétation des lieux et donc de la plurifonctionnalité, des usages attribués à des espaces, à des formes. Nous pouvons également évoquer l’architecture, la conception de la ville comme un élément qui prend en compte, presque malgré lui, les pratiques de ses usagers, en s’y adaptant, en étant force de proposition, flexible et ouvert. L’architecture influence donc les disciplines tandis que l’émergence de nouveaux modes de déplacements doux (la place du vélo et des trottinettes électriques dans la ville pour exemple majeur) entraîne la modification de la ville. De ces constats, nous pouvons donc nous demander, en quoi architecte et urbanistes influencent et sont influencés par les disciplines sportives telles que le skate, le vélo, le Concrete Dreams, Red Bull, Rédaction article par Niall Neeson, 18.06.2020, https://www.redbull.com/ int-en/pedro-barros-oscar-niemeyer-concrete-dreams 1

Sport alliant cyclisme et voltige, issu du BMX et VTT, la pratique dirt consiste à effectuer des figures sur des structures artificielles ou bosses en terre Dave Mira , BMX Superstar, p.10, The Rosen Publishing, 2005 2


roller ou encore la trottinette? Afin d’apporter des réponses à cette problématique nous allons nous pencher sur des articles, des livres, des vidéos, des expériences personnelles, des extraits de cours suivis à l’ENSAG et des conférences. L’objectif est de comprendre comment l’architecture que l’on génère agit sur la culture sportive de glisse. Nous cherchons également à comprendre comment la ville évolue avec ses usages, offre des réponses à l’émergence de nouvelles pratiques. Pour répondre à cette question nous observerons dans un premier temps l’architecture d’Oscar Niemeyer, l’intégration de la courbe comme élément moderne, ses inspirations pour faire projet, la construction en béton armé pour ouvrir le champ des possibles, le tout en se concentrant sur son travail à Brasilia. Dans un second temps nous verrons alors comme l’architecture est détournée, la relation entre la forme et la fonction induite selon le regard posé sur l’architecture générée. Dans cette partie nous verrons comment la courbe est interprétée par les skateurs selon l’exemple de P.Barros et M.Peres, mais également comment l’architecture influence et nourrit les disciplines sportives. Enfin, nous verrons comment l’architecture se propose comme réponse à l’absence de skateparks dans les villes.


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Principales inspirations pour ses projets Oscar Niemeyer est un architecte brésilien de renommée mondiale, né le 15 décembre 1907 à Rio de Janeiro, où il est mort le 5 décembre 2012 à l›âge de 104 ans. Il laisse derrière lui près de 600 projets à travers le monde, plusieurs d’entre eux sont dotés d’une reconnaissance mondiale et lui valent plusieurs titres tels que le prix Pritzker en 1988 ainsi que le grade de commandeur de la Légion d’honneur en 2007 à l’occasion de ses 100 ans. Diplômé de l’école des beaux arts de Rio de Janeiro en 1934, ses études sont marquées du signe du modernisme, mouvement architectural issu du début du XXeme siècle basé sur trois principes que sont le fonctionnalisme, le rationalisme et l’originalité de la forme qui se traduisent par des bâtiments aux géométries linéaires, à l’aspect très fonctionnel qu’ils arborent ainsi que par la recherche de lumière naturelle par des façades rideaux ou des fenêtres bandeaux. Le modernisme comprend les mouvements du Bauhaus avec l’école de Dessau, l’architecture organique, le brutalisme, les CIAM etc… Alors menés par Walter Gropius , Frank Lloyd Wright , Ludwig Mies van der Rohe et Le Corbusier pour ne citer qu’eux comme vu dans les cours de Anne Coste et Sophie Paviol. Le Brésil ayant fraîchement acquis son indépendance, reste encore à l’écart de l’influence du style international alors en vigueur. Sa formation d’architecte est marquée par le classicisme Français encore très présent du fait de la colonisation européenne qui était alors présente au Brésil. Celle-ci présente toutefois beaucoup de lacunes menant Niemeyer à se créer sa propre vision de l’architecture en entrant comme stagiaire chez Lucio Costa, autre grand architecte et urbaniste brésilien de l’époque. Oscar Neimeyer appartient donc à la deuxième génération d’architectes modernes, qui ont composé avec et même dépassé les valeurs introduites par les pionniers de ce mouvement tel que Le Corbusier. Admiratif de son travail, il compose avec ce dernier ainsi que Lucio Costa et d’autres architectes sur la conception du nouveau siège du ministère de l’éducation et de la santé à Rio de Janeiro en 1936. Un bâtiment innovant dans lequel sont installées pour la première fois des persiennes pour filtrer la lumière. Cependant son architecture prend une autre tournure par la suite. Juscelino Kubitschek alors maire de Belo Horizonte lui demande de dessiner le complexe Pampulha, lac artificiel créé dans les années 1940. Niemeyer s’exécute et construit un complexe composé d’un yatch-club, une salle de bal, un casino ainsi que l’église de Saint François d’Assise; cette dernière étant l’une des premières œuvres notoires de l’architecte et marquant une rupture avec le modernisme prôné par Le Corbusier. Niemeyer développe par la suite une architecture adaptable à toutes échelles, allant de la maison individuelle au monumental. Son architecture marquée par le modernisme et le progressisme tire également ses codes du passé et des formes courbes qu’offrent la nature et les montagnes de Rio. En outre, ses formes sont également inspirées des travaux de Picasso et Arp ainsi que de l’héritage baroque du Brésil issu de l’époque coloniale française. Ses dernières, reprennent de manière abstraite les formes qu’offrent la géologie alentour. Il


se plaît également à dire, dans ses mémoires, The Curves of Time, publié en 2000, que les courbes dont témoigne le corps de la femme sont sujets à son inspiration : «Je ne suis pas attiré par les angles droits ou par la ligne droite, dure et inflexible, créée par l’homme. Je suis attiré par les courbes sensuelles fluides. Les courbes que je trouve dans les montagnes de mon pays, dans la sinuosité de ses rivières, dans les vagues de l’océan, et sur le corps de la femme bien-aimée.3». C’est également son goût privilégié pour la vie et non l’architecture qui va induire la courbe dans ces projets. Plus tard, basé sur le plan pilote de Brasilia, Niemeyer construit tous les bâtiments publics de la ville inaugurés le 21 avril 1960 offrant à ce dernier une notoriété mondiale. De sa main jaillissent des bâtiments faits de béton armé et de verres tous basés sur l’emploi de la courbe offrant un caractère unique à la ville. Le Corbusier reconnaît même son travail lors d’une visite à Brasilia en s’exclamant lors d’une promenade le long de la rampe du Congrès national : « Ça c’est de l’invention 4». Son exil politique en France durant la dictature militaire au Brésil instaurée en 1964 lui permet de rencontrer beaucoup de personnalités importantes telles que André Malraux ou encore le parti communsite français dont il devient très proche et pour qui il construit un siège dans le 19ème arrondissement de Paris. Un bâtiment en courbe doté d’une façade en verre fumé tenant sur cinq poteaux lui donnant une sensation de légèreté observable depuis la rue. Un exemple d’architecture contemporaine, original et sans superflu. Ce n’est là qu’un bâtiment parmi tant d’autres parmi lesquels figurent notamment le siège du journal l’humanité construit en 1989 ou encore la maison de la culture du Havre renommé espace Oscar Niemeyer par la suite, bâtis entre 1978 et 1982. Il revient sur sa terre natale en 1985 à la suite de la chute de la dictature. Il achève l’ensemble ses œuvres à Brasilia avec la construction du musée d’art contemporain de Niterói entre 1991 et 1996. Parmi ses dernières grandes réalisations figurent l’auditorium de Sao Paulo édifié en 2005 et remarquable par son imposante toiture ondulée. Les matériaux qu’il emploie dans ses projets viennent accompagner ses idées avec notamment l’emploi plus que massif du béton armé alors considéré comme le matériau

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Oscar Niemeyer, Les Courbes du temps, Gallimard, 1999

Propos tenus par Oscar Niemeyer lors d’une interview pour le magazine Connaissance des arts, Pscare Niemeyer, père de l’architecture moderne et poète de la courbe, Guy Boyer, 2005, https//www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/architecture/oscar-neimeyer-ou-leloge-de-la-courbe-1110584/ 4


phare du modernisme. Inventé à la fin du XIXème siècle il suscite très vite un grand intérêt et ses techniques de construction et de mise en œuvre se développent très vite en France puis en Europe et dans le monde entier en raison de la liberté constructive qu’il offre par le biais de ses propriétés mécaniques composite novatrices. Selon Niemeyer, le béton accorde une liberté totale dans la pensée de la forme, mais suggère également l’emploi de la courbe qui l’attire tant. En effet sa forme dépend de sa mise en oeuvre (coffrage, préfabriqué, projeté etc), sa grande résistance lui permet de donner vie aux idées les plus folles tant que ces dernieres ne defient pas les lois de structure et de statiques, ce matériau moulé et informe, est par excellence le matériau préféré des architectes « formalistes », architecture ou la forme induit la fonction. Par opposition au formalisme et au fonctionnalisme Niemeyer démontre la poésie, la liberté des formes, et le lyrisme dont font preuve ses œuvres. Il estime que l’œuvre architecturale doit être plurielle, gracieuse et légère. Traits que l’on retrouve dans ses œuvres semblables à des filtres laissant passer l’air mais où la chaleur et l’excès de luminosité sont bloqués par des écrans. Lors d’une interview auprès d’Architectural Record, il compare une nouvelle fois ses courbes ou féminin: «Mon travail n’est pas sur la forme suit la fonction, mais la forme suit la beauté ou, mieux encore, la forme suit le féminin.» Niemeyer a apporté à l’architecture moderne ces aspects sensuels, séduisants, remplis de joie de vivre que les architectures rigides et froides induites par le Bauhaus ne procurent pas. Il s’agit là d’un parti pris architectural proche du mien, qui est celui d’utiliser la courbe pour rompre avec l’incisivité et la dureté de la ligne droite et structurante que je juge trop rigide.


Donner forme : construire en béton armé Le béton armé apparaît au début du XXème siècle et se développe très rapidement en raison de la première guerre mondiale, notamment dans le cadre de l’édification de “blockhaus” définis par le dictionnaire Larousse comme étant “un petit ouvrage fortifié, chargé de défendre isolément un point important”. Par la suite, d’autres prouesses architecturales sont réalisées telles que la ligne maginot construite entre 1928 et 1938 et qui nécessite près de 3,8 millions de mètres cubes de béton pour sa réalisation ou encore la tour perret qui fut la première tour en béton armé construite à Grenoble par Auguste Perret comme vu dans les cours de Pierre Belli-Riz en Licence 2. Cette période de tests sera suivie d’une demande considérable d’infrastructure suite au dégâts auxquels l’Europe fait face à la fin de la première guerre mondiale. À l’image des expérimentations réalisées pendant la guerre sur la résistance du béton, j›ai pu, lors du cours commun de mécanique et de matériaux et mise en œuvre transmis par Mr Baverel ainsi que Mr et Mme Zawistowski et leurs équipes respectives au semestre trois apprendre davantage sur ce matériau. Rassemblés en groupe de quatre, nous avons pu au travers d’un TD édifier une poutre en béton armé de A à Z. Par ce biais, nous avons dû créer notre propre coffrage, déterminer l’emplacement de nos fers à béton et réaliser notre propre béton. Après quoi nous avons constaté qu’il est possible de donner n’importe quelle forme à ce matériau, car cette dernière est définie par le coffrage dans lequel le béton est coulé. D’un point de vue théorique, nous avons constaté qu’il existe différents bétons parmi lesquels on retrouve le béton armé, le béton haute performance, le béton précontraint, le béton fibré etc... Chacun a ses avantages et une utilisation spécifique. En outre, j’ai appris que c’est son faible coût qui en fait aujourd’hui le deuxième matériau minéral le plus utilisé dans le monde derrière l’eau. Sa disponibilité est telle qu’il est facile d’accès. Toutefois, si le béton possède une importante résistance à la compression, sa résistance à la traction est, elle, très faible. Ce pourquoi il est combiné à un ferraillage interne afin de combler ses lacunes et de décupler sa portance. Il peut être ainsi utilisé dans la réalisation d’immeuble comme j’ai pu le faire dans le studio de projet au semestre trois mené par Gabrielle Trotta (fig.3). Un projet traitant de la réalisation de logements de différentes typologies ainsi que de commerces au rez-dechaussé. Basé sur 3 polygones, ce projet m’a permis de tester le béton sur des principes de lignes ou d’angles. Cependant, le béton offre également la possibilité infinie de modeler ce que l’on désire, y compris la courbe. La courbe tire sa force de la nature. Elle séduit l’homme et se profile partout dans le paysage si bien que la ligne et l’angle apparaissent alors comme une pensée rigide de ce dernier. Elle est ici et là, sur une montagne, sur un vallon, sur une vague. Vague que les surfeurs se sont appropriés et ont tenté de reproduire plus tard grâce au béton, donnant ainsi naissance aux premiers bowls et aux premiers skateparks à la fin des années 70 bien que la discipline du skateboard ait fait son apparition dans les années 50.


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La courbe a alors donné naissance aux skateparks et s’est étendue à travers le monde. Éléments incontournables de la culture urbaine de nos jours, les sports de glisse tels que le skateboard, la trottinette et le BMX occupent de plus en plus de place dans l’espace public de nos jours. Et c’est donc pour répondre à cet engouement envers ces disciplines, que des entreprises spécialisées dans la construction de skatepark telles que Constructo, agence marseillaise, élaborent des espaces uniques en adéquation avec le site et avec une fine maîtrise du béton (Fig 4.). De plus en plus, les villes recourent à ce type d’agences pour aménager des espaces dédiés à ces pratiques qui deviennent des lieux de rencontres multiculturels pour se rassembler autour d’une même passion et ces dérivés qui composent la street culture : danse, graffitis, sports de glisse etc ... Pour répondre à ce besoin grandissant de ce type d’espaces, l’agence marseillaise s’emploie depuis 2005 à se spécialiser dans la conception architecturale d’espaces “skatables”. Les employés cumulent connaissance en ingénierie et en architecture mais également le regard aguerri des pratiquants de la discipline leur permettant de répondre aux mieux au besoin des mairies. Leur but est d’apporter à ces lieux des qualités qui dépassent celles de simple équipement sportifs et ce, par l’intégration aux projets de réflexions architecturales, urbaines et paysagères. Néanmoins, ils n’oublient pas que ces lieux doivent répondre premièrement à des qualités fonctionnelles en proposant un programme minutieusement préparé pour tous les niveaux et toutes les disciplines. Le temps des skateparks modulaires sans âme à l’abri des regards est révolu. La pratique s’est généralisée, les pratiquants se multiplient et un réel engouement s’est formé au fil du temps autour de ces lieux. Il ne s’agit plus de disposer de simples modules préconçus sur une dalle béton. Désormais ce sont de véritables projets architecturaux qui reprennent les formes urbaines qui ont vu naître ces disciplines. L’implantation est pensée selon le lieu avec une utilisation réfléchie du béton afin d’intégrer aux mieux ses formes dans l’environnement alentour donnant ainsi et lieu dont l’identité lui est propre. La courbe ayant ainsi toute sa légitimité et sa beauté en adéquation avec le paysage. Au-delà d’une vision purement formelle, ces lieux sont pensés également dans le cadre d’interactions sociales et donc sur la question de comment les générer sur la base d’un espace de rencontre, d’échange et de loisirs partagés. C’est d’ailleurs cet aspect qui m’a rapproché de ce monde lorsque en 2016 la mairie de mon village natal décide la construction d’un skatepark accolé à mon ancien collège, j’ai pu à cette occasion délaisser le mobilier urbain pour de vraies installations conçues pour ma pratiques et rencontrer d’autres pratiquants jusque là éparpillés dans les villages voisins. En outre, j’ai pour ma part eu l’occasion lors du studio de projet semestre six mené par Giordano Tironi de concevoir un skatepark rattaché à un programme de passerelle s’avançant sur un lac (Fig 5.). Ce dernier vient s’intégrer dans la forme circulaire qu’ont les passerelles par deux cercles de 12 et 34 m de diamètre dans lesquels les différentes parties du skatepark sont intégrées. On retrouve ainsi au centre le bowl avec un ditch central autour desquels vient s’articuler un anneau périphérique comprenant l’air de street ainsi que des gradins permettant aux utilisateurs de se reposer. Les deux cercles sont soulignés


d’une bande de béton plus sombre de 50 cm de large pour renforcer la lecture du projet tandis que le bowl est lui peint d’un vert clair pour faire échos à la nature et la couleur de l’eau du site (Fig 6.).

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L’exemple de Brasilia Brasilia est l’œuvre d’une vie pour Niemeyer. Cependant cette idée folle mise en oeuvre sous l’impulsion de Juscelino Kubitschek ne lui est pas propre et remonte à plusieurs siecles en arrière. C’est au XVIIIème siècle où le Brésil est encore sous l’oppression coloniale que le marquis de Pombal songe à déplacer la capitale à l’intérieur des terres. Ceci pour une raison bien particulière, en effet, les centres politiques, économiques, et démographiques du pays sont jusque-là concentrés sur les côtes : Rio de Janeiro, São Paulo, Recife… Provoquant ainsi un déséquilibre avec l’arrière pays. Cette volonté de délocaliser les activités et pouvoirs sera réalisée deux siècles plus tard par le nouveau président du Brésil arrivé au pouvoir en 1956 : Juscelino Kubitschek. Brasilia se veut être la fin d’une rivalité entre les deux métropoles que sont Rio de Janeiro et São Paulo étant respectivement présentées comme la capitale politique et culturelle ainsi que la capitale économique du Brésil. La ville est placée au centre du pays, elle se trouve sur un plateau à 1172 m d’altitude dans la région du Cerrado. Cette dernière est bordée par le lac Paranoa, lac artificiel qui a vu le jour en même temps que la ville pour apporter davantage d’humidité dans la région et assainir l’air. Juscelino Kubitschek demande à ce que la ville soit construite avant la fin de son mandat qui expire en 1961, le paris fou est celui de construire la ville en 1000 jours. Brasilia est érigé selon le plan pilote conçu par le célèbre urbaniste brésilien Lucio Costa à la suite d’un concours pour la nouvelle capitale fédérale du Brésil qu›il remporte en mars 1957. Ce plan tire son nom de sa forme en forme d’avion. Cette forme a été induite par les deux axes routiers principaux de la ville autour desquels cette dernière s’est développée : l’Eixo Rodoviário orienté Nord-Sud, sur lequel les résidences sont construites, et l’Eixo monumental, orienté Est-Ouest, sur lequel sont bâtis des grands équipements fédéraux et nationaux. Pour dessiner ce plan, Lucio Costa reprend les principes que compose la charte d’athènes; charte qui énonce les des principes de l’urbanisme fonctionnaliste du mouvement moderne, et qui définit les règles d’expansion de la ville votés en 1933 lors du quatrième Congrès international d’architecture moderne (CIAM). Oscar Niemeyer qui a refusé de dessiner les plans de la ville se voit attribuer par le président la construction des bâtiments publics de cette dernière. Parmi eux figurent notamment la cathédrale Notre-Dame-de-l’Apparition (Fig 8.) et ses allures futuristes, mais également le Congrès national, le ministère des Affaires étrangères, le Tribunal suprême et le palais de la présidence. Ces bâtiments tout droit sortis de l’imaginaire Niemeyer sont d’une prouesse technique et d’une innovation plus que remarquable pour l’époque. Brasilia étant pensé comme une ville moderne mettant en avant des espaces aérés où le tout automobile est de mise avec des axes routiers monumentaux à travers la ville, accompagné de bâtiment considérable comme état “hors échelle” en raison de l’absence de place laisser aux piétons assez généralisé dans la construction de la ville moderne. Pourtant nous


sommes loin du style international mis en avant à l’époque. Niemeyer définit sa propre identité architecturale par une fine utilisation de la courbe en opposition avec la ligne et l’angle alors en vigueur. Ce trait de caractère lui vaut très vite le surnom “d’architecte de la sensualité”. C’est avec l’emploi de ce style unique et de matériaux modernes que sont le béton armé, le verre et l’acier que Niemeyer conçoit l’ensemble des bâtiments publics de la ville lui donnant un caractère unique en son genre. Pour illustrer ces propos nous pourrions observer quelques bâtiments plus en détails. Prenons par exemple la célèbre cathédrale Notre-Dame-de-l’Apparition. Monument phare de la ville, celle-ci possède une forme peu commune (Fig 9.). Construite entre 1959 et 1970 cette cathédrale constitue une réelle prouesse technologique pour l’époque. Elle doit sa forme hyperboloïde d’un diamètre de 70 m, à l’assemblage de 16 arcs de béton armé de 90 tonnes chacuns reliés entre eux par un anneau de compression. Pour réaliser cette super structure Niemeyer s’est associé à l’ingénieur Joaquim Cardozo, spécialiste des constructions en béton armé. La forme de la cathédrale possède plusieurs significations : deux mains se joignant en direction du ciel ou bien la couronne d’épines du christ. Pour accéder au sein de l’église, les pèlerins doivent tout d’abord descendre trois mètres sous le niveau de la place comme pour aller dans l’obscurité. La descente vers l’obscurité est accompagnée par des sculptures de trois mètres de haut en bronze représentant les quatre évangiles. Cette métaphore est renforcée par l’emploi d’un ganithe noir. Le passage s’ouvre ensuite sur un immense volume, grandiose largement abreuvé de lumière par les seize vitraux intercalés entre les arcs de béton construits par l’artiste Marianne Peretti. Les couleurs vert bleu et blanche des vitraux permettent un apport lumineux remarquable et font la beauté de la cathédrale. La verrière de Marianne Peretti est considérée comme l’un des chefs-d’œuvre du vitrail du XXe siècle. Au plafond sont accrochées trois statues réalisées par Alfredo Ceschiatti représentant les trois archanges Saint Raphaël, Saint Michelle et Saint Gabriel. À l’extérieur, le clocher situé sur la droite de la cathédrale reprend également ce principe d’arcs en béton. Niemeyer parvient à travers cet édifice à lier les traditions du passé et actuelles en reprenant des éléments du style gothique et de la Renaissance (grand vitraux lumineux, grandes ouvertures, grande hauteur sous plafond) et parvient en le liant avec les matériaux modernes à créer quelque chose à la fois traditionnel par la présence des statues et de révolutionnaire par sa forme tout à fait unique. Ainsi et de manière plus générale, l’architecture dont témoignent les édifices conçus par Niemeyer vont être un facteur d’insertion internationale de Brasilia en tant que référence du modernisme. C’est également cette griffe qui vaut à la ville un classement auprès de la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1987. Cependant, entre cette date et 2009 l’ensemble des œuvres réalisées par l’architecte n’ont cessé de venir ponctuer le plan pilote et ses environs faisant ainsi de Brasilia un lieu d’expression de sa courbe donnant ainsi ce caractère unique à cette ville. Si les débuts de carrière de Niemeyer sont marqués par l’empreinte des principes légués par Le Corbusier, il est tout à fait notoire que les bâtiments de Brasilia font état d’une appropriation et d’un dépassement de ces principes par l’architecte.


C’est à partir de ce moment-là que la capitale Brésilienne est désignée comme référence de sa signature architecturale. La logique en place à cette époque suggère que la fonction induit la forme or Niemeyer choisis d’aller à contre courant et opte pour une architecture dont les formes définissent les fonctions. Il affirme : “lorsque la forme crée de la beauté elle assume une des fonctions les plus importantes dans l’architecture”5 en faisant référence à la dénonciation. Sa forme ne prends alors aucun parti politique, et ceci se justifie par le fait que “bien qu’il soit possible de croire que l’expression exubérante de la forme, de la courbe dans l’architecture de Niemeyer trouve encore sa fonction sociale dans la dénonciation d’une base sociale injuste, ce qui fait qu’elle est sollicitée, aimée, détestée, critiquée ou louée, c’est sa capacité à se mettre elle-même et son créateur au-dessus de toute idéologie politique.”6 De plus, les espaces vides volontairement pensés par Niemeyer et Costa sont une illustration de ce que devait être la ville moderne. Des lieux espacés laissant place à leur appropriation par les habitants. Si un touriste peut sembler désorienté par l’absence de réel centre ville ou place historique, manquant ainsi de caractère et d’appropriation propre, ce sont en fait ces espaces qui laissent libre expressions à ses occupants. On peut ainsi dire que “si la société brésilienne et, par conséquent celle de Brasilia, continue à être injuste et inégalitaire, la vision non orthodoxe de l’esthétique marxiste montre que, dans la mesure où Brasilia se révèle comme une œuvre d’art, accessible architectoniquement et urbanistiquement au grand public, elle sensibilise la société à la perception de l’esthétique du beau, dénonçant ainsi l’abîme social. C’est peut-être là la plus grande contribution de Niemeyer tout au long de sa relation privilégiée avec les structures du pouvoir”7 Niemeyer et Costa permettent donc par leur urbanisme et leur architecture, une appropriation de l’espace par le public.

Saboia L. Brasilia et Oscar Niemeyer: Le contexte politique et la dimension esthétique, Cahier d’Histoire, revue d’histoire critique, 2009 https://journals.openedition.org/chrhc/1912 5

6 Ibid. 7 Ibid.


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20


L’architecture détournée, la forme qui induit la fonction La forme courbe réinterprétée par les skateurs (P.barros/M.Peres) Durant les années 50, aux Etats-Unis, le skate est une forme d’expression artistique physique et culturelle, dérivée du surf provenant d’Hawaï. Le skate se pratique de deux manières distinctes : celle dans les sites dédiés à la pratique comme les skateparks et des espaces urbains reliés à la culture “street”. La ville est ici un terrain d’expérimentations sans limite, proposant un nouveau regard sur cette dernière, considérant ainsi autrement les revêtements au sol et le partage de l’espace public et social. Le skate et les disciplines sportives connexes ont été témoin d’une forme de répression, poussant les mouvements à apparaitre et disparaitre fréquemment jusqu’aux années 70 où ils s’intègrent à la culture générale. La communauté concernée par ces pratiques ont également évolué avec leur temps et appris à prendre conscience de leur nouveau rapport à la ville, à leur environnement. Pour pousser plus loin le discours les skateurs, longtemps et souvent rejetés des centrevilles, ont fait de la pratique un outil politique. Pour eux, le sport peut affirmer une certaine dissidence, opposition à l’autorité, une forme d’individualisme et aussi de collectivité, d’inventivité, qui créent une base nouvelle pour enrichir la vision de la ville comme un espace à auto-construire, inventer, partager et donc s’approprier. Face à cette vision urbaine, des villes comme New-York, avec leur politique restrictive installent des dispositifs anti-skate, un peu comme il c’est passé à Brasilia à une certaine époque (cf : Redbull) poussant alors cette communauté à se manifester la nuit pour agir en toute impunité. Afin de rendre hommage à l’ensemble des œuvres époustouflantes de Niemeyer, Pedro Barros et Murilo Pères (Fig 10.) ont eu l’incroyable opportunité de skater les projets de l’architecte. Au total, 13 œuvres seront visités dans une vidéo finale d’une quinzaine de minutes montrant les deux skateurs s’approprier les espaces conçus par le défunt Brésilien. Le projet prend place entre 2019 et 2020, Pères, champion national brésilien de la discipline roule depuis ses 10 ans. Barros lui est l’actuel champion du monde de la discipline avec de nombreux titres avec notamment une médaille aux X Games. Les deux skateurs rêvent des courbes de Niemeyer depuis leur tendre enfance, tous deux fascinés par ces monuments, devant leur yeux mais pourtant hors de porté à cause des vigiles leur interdisant toute pratique du skate sur ces édifices : «J’ai toujours rêvé de skater sur ces skateparks qui n’étaient pas faits pour rouler, mais qui ont été construits il y a 60 ans. C’est fou. Je réfléchis à l’importance de ce projet pour le skate. »8 Barros P. Concrete Dreams, Quand Pedro Barros ride les bâtiments d’Oscar Niemeyer, Nial Neeson 22/06/2020, https://www.redbull.com/fr-fr/pedro-barros-oscar-niemeyer-concrete-dreams 8


En effet lorsque les œuvres de Niemeyer sont sorties de terre, le skateboard n’existait pas, pourtant, toutes les courbes et toute l’architecture que produit le brésilien s’avèrent être une mine d’or pour les skateurs. L’architecture qui fait l’éloge de la nature et de ses formes, sans le savoir, vénère le skate. «On dirait qu’il a skaté et qu’il ne savait pas»9, affirme Pedro dans leur court métrage. Le projet nommé “Concrete dreams”, commence lorsqu’à la suite de quelques échanges avec la fondation Oscar Niemeyer cette dernière autorise pour la première fois les deux athlètes à venir visiter les lieux. Le duo de skate a donc dans un premier temps étudié les dessins de l’architecte pour déterminer par la suite ce qui pourrait être réalisable sur ces bâtiments dont les courbes se prêtent si bien à leur sport. Carlos Ricardo Niemeyer, surintendant de la fondation s’exclame de la proximité entre le skate et l’architecture de son ancêtre : «La proposition du début nous a semblé une idée incroyable. Il y a une identité forte entre l’univers de ce sport et l’architecture de Niemeyer et ses valeurs. Irrévérence, liberté, recherche de défis, créativité dans chaque mouvement, tout cela est dans l’essence du skateboard,ainsi que dans l’œuvre de Niemeyer, faite de courbes libres, belles et surprenantes».10 Les deux brésilien transportent le skate là où personne n’a jamais pu le faire, la vidéo parcours 13 œuvres de l’architecte de Brasilia à Sao Paulo en passant par Belo Horizonte. On reconnaît alors le musée d’art contemporain de Niteroi, le théâtre populaire construit en 2007, la casa das canoas, résidence personnelle de Niemeyer dans laquelle il y célèbre ses 100 ans, La cathédrale métropolitaine Notre-Dame-de-l’Apparition ou les deux skaters réalisent des photos subjuguantes sur les courbes du clocher de l’église et bien d’autres encore (Fig 10., Fig 11.). Le résultat est sans appel; une série de clichés et de plans vidéo remarquables mettant en adéquation skate et courbes et donnant à l’architecture de Niemeyer un dynamisme et du mouvement aux lignes concrètes esquissées par Niemeyer de manière unique. «Voir ces lignes, ces courbes, ça me donne envie de skater»11 affirme Murilo Peres. Pour sa part, Barros exprime son avis sur l’ironie de ce projet aux aspects surréalistes : «Nous skatons dans des monuments commémoratifs, dans des domaines où nous n’aurions jamais pensé que le skateboard serait autorisé. Les vigiles étaient là pour nous laisser faire du skateboard et sourire avec ça et être heureux. C’était assez insensé à voir”. 12 9

op. cit. Barros P., Concrete Dreams, Quand Pedro Barros ride les bâtiments d’Oscar Niemeyer, Nial Neeson

Neeson N., Le skate recontre Niemeyer, Redbull, 22/06/2020, https://www.redbull.com/br-pt/projects/sonhos-concretos-niemeyer 10

11

op. cit. Neeson N., Le skate recontre Niemeyer

12

op. cit. Barros P., Concrete dreams


En effet le skateboard a connu plusieurs périodes où ce dernier était perçu d’un mauvais œil, décrit comme destructeur et nuisible aux espaces publics a tel point qu’il fut banni de certaines villes comme ce fut le cas à Sao Paulo quelques années en arrière. Dans la vidéo concrete dreams on y voit un extrait d’une interview du maire de Sao paulo de l’époque, Janio Quadros où le journaliste lui demande jusqu’à quand compte il bannir le skate : “Jusqu’à ce qu’ils arrêtent de rouler sur les femmes et les enfants !” répond-t-il d’un ton menaçant. Les pratiquants s’opposant à cette décision se voyaient confisquer leur skate par les forces de polices. Les skateurs se sont par la suite rassemblés et ont protesté contre cette décision quelque peu choquante car pour la première ont refusait à des habitants de s’approprier des lieux sur lesquels ils pratiquait depuis des années. Après un an de manifestation l’arrêté fut révisé et la pratique du skate à Sao paulo fut de nouveau tolérée. Malheureusement, dans les reste du monde, ce n’est pas la même happy end de partout comme à Cuba ou le skate y est totalement interdit. Pourtant, même si certains juge le skate destructeur envers le mobilier urbain, ces derniers sont tout aussi légitimes que toute autre forme d’appropriation de l’espace. Niemeyer laisse derrière lui un important héritage qu’il convient de faire perdurer mais c’est sans dissocier la volonté de ce dernier de n’imposer aucune fonction à sa forme mais au contraire laisser libre développement à la fonction une fois la forme achevée. En d’autre termes, Niemeyer laisse le choix de l’utilisation de ses monuments.


L’architecture comme vecteur influenceur de la discipline sportive Le skate en ville c’est un rapport étroit à l’architecture et sa construction : les revêtements de sols sont importants pour bien rouler dessus et une attention particulière au béton est observable. En général, ces disciplines sportives s’intéressent et donnent vie à des points morts de la ville, faisant des pieds d’immeubles, de places vides ou de friches un véritable terrain de jeu. Leur regard sur la ville y est donc créateur, novateur et force à une nouvelle manière d’arpenter les rues pour mieux transformer les espaces, le mobilier urbain : c’est une nouvelle manière d’habiter la ville et de la vivre comme vu dans les cours de Cécile Bonicco. Pour autant le skate n’est pas la seule discipline sportive issue de la street culture à s’approprier l’espace par le corps et à réinterpréter ce dernier. On retrouve la danse de rue mais également le BMX ou même le dirt qui dans ce cas la se voit appeler le MTB street. Ces pratiques font à leur manière ce que le skate fait également. Là où une fonction première est donnée à un lieu ou un mobilier urbains, tel qu’une rampe pmr, un escalier, une main courante, un banc. Leur regard créatif va leur adjoindre une toute nouvelle utilité et le mobilier urbain devient alors source d’amusement et lieu de pratique de la discipline. Des projets vidéo BMX tels que la Red Bull design quest alliant pratique du bmx et appropriation d’un lieu d’architecture remarquable sont de plus en plus fréquent. Leur voyage au cœur de l’architecture italienne en est un bon exemple (Fig 12.). Des athlètes tels que Matthias Dandois, Simone Barraco, Stefan Lantschner et Anthony Perrin s’emparent alors des architectures les plus improbables que compte le pays. Le fruit de leurs recherches a été plus que fructueux avec notamment pont de Musmeci à Potenza (Fig 13.), pyramide du quartier de Fiera à Bologne, squares de Bicocca à Milan… Dandois et les autres expérimentent un lieu commun dans la constante recherche du renouveau, de l’appropriation de l’espace en y apportant un regard nouveau, une pensée déviante de ce pourquoi le lieu aurait pu être conçu à ses origines. Le modernisme qui a influé sur la vision de bons nombre de grands noms de l’architecture nous a suggéré que la fonction impliquait la forme. Cette logique est confrontée à l’esprit rebelle et revendicateur d’identité qui se caractérise par les skateurs, les riders BMX etc.. La réappropriation et l’interprétation de l’architecture dépasse également le cadre urbain et peut opérer même sur des lieux laissés à l’abandon, des lieux que auxquels plus personnes ne s’intéressent et en font ainsi leur terrain de jeux comme Brandon Semenuk l’a fait en collaboration avec unreal studio dans son projet Raw100 dans une mine abandonnée où il donne une toute autre fonction aux espaces ajoute des modules, et transforment ce qui était un monument de l’époque industrie minière en vaste terrain de jeu pour sa propre personne (Fig 13.). Dans le même ton, un lieu avec de la place vacante ou un lieu protégé des intempéries même si ce dernier ne possède encore aucune qualité architecturale à proprement dite peut être sujet à une réinterprétation de la part de la culture urbaine et


du monde du skate, j’en veux pour preuve le skatepark DIY entièrement pensé et édifié par les skateurs sur la voie cycliste à Grenoble. Ces lieux souvent chargés d’histoire sont par excellence des lieux voués à être interprétés et pas que par le monde du sport mais également par l’art avec notamment tous les artistes de rues qui viennent projeter leurs créations contre les murs oubliés de ses pièces d’histoire. La forme ainsi pensée par l’architecture en tant que qualité spatiale ou architecturale va être amenée à générer des comportements variés, est-ce un lieu d’arrêt de passage ? Peuton s’asseoir ? Est-ce propice à un quelconque confort ? Ce sont bon nombre de réactions diverses face à un même lieu. Le travail réalisé par Niemeyer reflète mon intérêt particulier pour la courbe. La courbe est pour moi la représentation de la finesse, de la légèreté mais aussi de la nature. Ses projets ont beaucoup influés les miens car lors de mon entrée en école d’architecture en Licence 1, les studio Putz et Rollet nous ont beaucoup appris sur la ligne et l’angle mais faisaient abstraction de la courbe qui m’a pourtant parue si évidente une fois découverte dans le cadre du projet. Mes projets de Licence 2 avaient également cet aspect très rigide caractérisé par des formes et volumes géométriques stricts issu d’un tracé à la règle et à l’équerre. Le premier déclic fut lors de mon redoublement en Licence 1, je me suis à ce moment là rapproché de ce qui allait être ma plus grande source d’inspiration, de distraction et de loisir : le vélo. J’ai commencé à fréquenter les skateparks en béton, en bois et j’ai redécouvert ses formes si séduisantes que sont les courbes. C’était à la fois logique et inattendu de les redécouvrir à travers cet environnement, je pouvais les expérimenter comme personne ne l’avait fait, je les touchais du bout de mes roues. Rouler sur des courbes accroît cette sensation de fluidité que j’avais en les observant. C’est en Licence 2 où j’ai été amené à découvrir des architectes comme Zaha Hadid, Oscar Niemeyer pour ne citer qu’eux, où le déclic s’est produit. À ce moment-là, je me rendis compte que j’avais choisi l’angle et la ligne par facilité et par manque d’ouverture d’esprit quant à ce que pouvait offrir le travail de la courbe. Je la manipulais maladroitement, manquait de références sur celle-ci, mais je restais très admiratif de tous travaux comprenant cette dernière qui se présentaient à mes yeux. Les travaux de Niemeyer m’ont ouvert au monde de la courbe et j’ai voulu par la suite l’expérimenter à mon tour. Je la vivais déjà au quotidien lorsque je roulais dans les skateparks, alors pourquoi ne pas la vivre par le dessin ? Vivre la courbe par un coup de crayon, un coup de poignet fut une révolution pour moi, elle me parut alors si évidente, si naturelle. Elle affichait ce caractère si fort de différer de l’angle et de la ligne qui ne sont que des expressions physiques de l’aspect rigide, perfectionniste de l’homme. La courbe est rebelle face aux règles comme l’esprit qui règne dans les sports de rues depuis des décennies. C’est une manière de se manifester, et de montrer au monde que l’on existe, mais également une manière d’exprimer notre art comme le dit Barros dans leur projet


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Concrete Dreams lorsqu’il skate dans le palais de la biennale de Sao paulo: «Habituellement, les gens qui assistent à la Biennale sont là pour voir une exposition d’art, les visiteurs viennent apprécier chaque détail de l’art exposé ici. Et, un peu comme un artiste prenant une toile vierge et utilisant un pinceau, nous utilisons nos skateboards pour dessiner des lignes sur le sol. Nous créons des lignes par le mouvement ».13 J’ai voulu par la suite réintégrer ces valeurs, ces sensations qu’elles me procurent dans mon projet. L’occasion se présente au semestre six lors de mon projet en studio Tironi. J’ai élaboré un parcours comprenant un restaurant et un skatepark le tout incluant des notions de continuité de légèreté et de rapport à la nature que reprenait la courbe. Le parcours se présente sous forme d’une boucle continue partant d’un chemin en amont d’un lac s’avançant sur ce dernier et rejoignant la rive. Le parcours offre ainsi des points de vue remarquables sur son site mais également sur le skatepark placé au centre du projet. L’attention est captivée par ce dernier. Composée de deux cercles concentriques de 11 et 34m chacun, celui-ci arbore dans sa conception comme dans son plan de subtiles courbes venant agrémenter les espaces. La courbe est présente jusque dans les murs du restaurant qui sont arqués en fonction du parcours. En outre, la présence de la courbe dans ce projet propose une dynamique tout au long du parcours et accompagne les visiteurs tout au long de leur expérience. Pour moi, la courbe contribue en de nombreux points à l’architecture : d’une part pour son aspect poétique qu’elle apporte au lieu, soit sa capacité à donner à l’espace une pluralité d’appropriation que la ligne ou la ligne brisée n’offre pas. Ainsi il offre au spectateur une dimension personnelle dans laquelle ces derniers trouvent leur part d’intimité par la manière dont ils vont utiliser l’espace. Dans les cours de Madame Bonicco, Gaston Bachelard, affirme ainsi que “la poétique de l’espace nous invite à explorer, à travers les images littéraires, la dimension imaginaire de notre relation au monde, pour nous libérer des ornières de la spatialité ordinaire et cultiver par la rêverie notre joie d’habiter” 14

Par ailleurs, la courbe suggère une délicatesse que la ligne, création sortie de l’imaginaire rigide de l’homme, ne projette pas. La courbe est inspirée de la nature et vient lorsqu’elle est introduite dans un projet architectural apporter davantage de douceur et redonner au lieu modifié par la main de l’homme son côté organique qu’il pouvait avoir autrefois.

13

op. cit. Barros P. Concrete dreams

14

Bachelard G. La Poétique de l’espace, puf, collection Quadrige, 2020


En outre, la présence d’une courbe autour de sois peut également suggérer le côté maternel de celle-ci et rassurer ou plaire inconsciemment. Le spectateur se sent alors englobé par la courbe comme lorsqu’il se trouve dans le ventre de sa mère. Niemeyer avait d’ailleurs énnoncé ce lien étroit que le corps de la femme entretenait avec la courbe. Pour continuer la courbe possède également des propriétés mécaniques remarquables qui suscite mon intérêt. En effet, celle-ci offre aux édifices une meilleure stabilité ou une meilleure résistance là où l’angle semble fragile. La coquille d’un œuf ou la carapace d’une tortue sont là d’excellents exemples de l’expression de la résistance de cette forme et un nouveau rappel à la présence de la nature dans la courbe. En outre, la courbe nous rapporte à une notion de faible résistance au vent de part l’aérodynamisme qu’elle convoque. Par ailleurs j’attribue à cette dernière une notion de fluidité lui procurant une dynamique, une élancée comme dans un virage qui vient s’opposer à l’angle qui lui implique une notion d’arrêt ou l’on vient buter sur quelque chose. Sa pluralité lui confère également un renouveau constant donnant l’impression de ne jamais avoir à faire à la même courbe. La courbe se veut également en opposition avec la ligne par son implication dans l’architecture et à l’image des projets produits par Niemeyer et Hadid (Fig 15.) confère à ces lieux une identité unique qui vient contraster avec les lignes, les angles et les villes du dessin d’une ville normée. Ces deux derniers comme bien d’autres confèrent à la courbe une plasticité remarquable qui se traduit par une pluralité des formes, une dilatation ou un renfoncement qui semblent alors façonnés par la nature elle-même. Enfin la courbe influe sur la manière dont l’utilisateur se déplace dans l’espace. Cette-ci suggère un rapport plus intime à l’obstacle tandis que la sinuosité est une forme qui donne matière à la conversation ainsi qu’au dialogue des espaces entre eux.


L’architecture comme réponse à l’absence de skateparks dans les villes De nos jours, le cadre délimité des skate-park ne suffit plus à satisfaire l’esprit créatif des riders ce pourquoi ces derniers continuent d’expérimenter leur art au-delà des limites physiques imposées par les mairies. Pour répondre à cette nouvelle demande de plus en plus de villes finissent par accepter la présence des sports de rues et même finissent par en tenir compte. Ces villes sont ainsi nommées « Skate friendly cities ». En France Bordeaux et Paris sont de très bon exemples de cette nouvelle politique d’inclusion. Les riders sont officiellement acceptés dans l’espace urbain et des espaces en dehors des skateparks leur sont même consacrés. Ces espaces sont conçus et aménagés en prenant en compte la présence des sports urbains. Des agences d’architecture émergent et se spécialisent d’ailleurs dans ce domaine comme l’agence Legato Sports Architecture qui a réalisé plusieurs espaces publics de ce genre comme la V-Plaza à Kaunas en Lituanie en 2019 (Fig 16.). Un espace multifonctionnel avec des espaces verts, un réservoir d’eau ainsi qu’un skatepark construit et intégré dans les contours de la place. Cette place prouve par son existence que l’on peut transformer un espace urbain en un lieu futuriste pour les loisirs urbains. Au final peu de conflits sont observés et les usagers parviennent très bien à cohabiter dans ces espaces. En revanche, il existe encore à travers le monde des pays ou des villes qui ne tolèrent pas ces sports urbains tels que Cuba ou la ville de Bruxelles. Cuba a banni totalement la pratique du skate du pays. Il n’existe aucun skateshop et les pratiquants sont pourchassés par la police. Un jeu du chat et de la souris risqué pour les skaters car les amendes peuvent avoisiner le montant d’un salaire mensuel la bas soit près de vingt euros. Le paradoxe de ce pays est qu’il autorise cependant la pratique du roller ou bmx dans les rues. Aidés par deux associations locales collectant des dons de skateurs du monde entier, les skaters cubains tentent de survivre dans un pays qui tolère davantage les grosses voitures que les skates. Ne bénéficiant donc d’aucune infrastructure, la communauté locale se regroupe autour de lieux pour la plupart désaffectés ou parfois même dans la rue. À Bruxelles l’histoire est en quelques points différents. Le skate comme tout sport urbain est toléré le problème que rencontrent les riders locaux est le manque d’infrastructures gratuites consacrées à ce sport qui sont soit trop petites soit payante ou inexistantes. Pour pallier ces problèmes les riders s’approprient donc des lieux publics et les transforment en lieu de pratique. C’est par manque d’infrastructures que ces pratiquants se sont tournés vers la rue comme l’explique Rachid Ben Addi, membre du collectif BMX Cluut dans une interview pour rtbinfo :


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“Je suis streeter, pourquoi ? Parce qu’il n’y a jamais eu de skatepark, c’est aussi simple que ça [...] on manque cruellement d’infrastructures en tant que skatepark”, “nous demandons à la jeunesse de voir large, d’être ouverte, d’être tolérant sur plein de choses mais nous ne leur donnons pas les capacites pour reussir”.15 C’est une discipline qui n’atteint parfois pas l’oreille des politiciens car ces sports subissent encore beaucoup de stéréotypes quant à leur pratiquant qui leur cause du tort. On entend régulièrement les conflits d’usages, les dégradations et les problèmes de sécurité que la pratique engendre dans des espaces ou ces sports sont perçus d’un mauvais regard. Seulement, les opposants à ces sports de rues sont communément marqués d’une forte incompréhension face à ces disciplines “Certains riders veulent se réapproprier la ville pour y créer leur propre utopie urbaine, quitte à contester certaines normes en vigueur. Les sports de rue sont anomiques dans la ville moderne. Cette dernière, qui a été organisée autour de l’idée qu’il est nécessaire de séparer les fonctions de la ville (habiter, travailler, se divertir, circuler…) est remise en cause par ces riders, qui créent incontestablement une forme de désordre.”16 Les adeptes du street perçoivent ainsi la ville d’une toute autre manière et leur regard sur celle-ci dépasse le simple décor qu’elle constitue dans le regard des autres. Il la voit comme une ressource disponible, jouable, et source de coopération avec leur loisir. “Grâce à un regard décaleé et à une analyse précise des matériaux, des revêtements et de la disposition des obstacles, ces citadins urbaphiles réussissent à percevoir l’inaperçu pour réinterroger les présupposés et ouvrir de nouvelles perspectives. La programmation des lieux et la fonctionnalité du mobilier urbain sont contestées, pour que la ville puisse redevenir un terrain d’aventures. Les riders peuvent séjourner toute une journée là où les piétons ne font que passer.”17 15 Pons

B. Pas de place pour les skateurs à Bruxelles ? RTBFinfo, 05/04/2021, https://www.instagram. com/p/CNSwhjSK1gW/ 16 Riffaud T.

Les riders, ces urbanistes qui s’ignorent, Enlarge your Paris, 10/08/2020, https://www.enlargeyourparis.fr/societe/les-riders-ces-urbanistes-qui-signorent 17

op. cit. Riffaud T. Les riders, ces urbanistes qui s’ignorent


C’est leur analyse de la ville très singulière et leur capacité à détourner les choses de leurs fonctions primaires qui est source de leur bonheur. Pour ainsi dire, la courbe d’un bâtiment de Niemeyer, la rampe de l’escalier en bas de chez vous ou la rampe pmr d’un lieu public n’est pas obligatoirement rattaché à la fonction primaire de soutenir une structure, assister une personne, ou franchir un obstacle. Elle peut être également perçue par son potentiel de glisse. Vous la parcourez en sécurité, nous la parcourons à la recherche de danger et d’adrénaline, essence même de ces sports extrêmes.


Conclusion Les courbes de Niemeyer sont la preuve matérielle que l’architecture possède une pluralité de sens et qu’elle n’induit pas vers une seule utilisation dite conventionnelle mais peut être, comme toute architecture, détournée de sa fonction primaire vers une utilisation plus personnelle donnant ainsi un caractère intime aux lieux par l’appropriation qu’en font ses utilisateurs. Les sports de rue ont conquis qu’on le veuille ou non les rues et les places de nos villes et font maintenant partie intégrante de l’activité de ces derniers. Ils sont source de créativité et renouvellent les liens avec les espaces délaissés des regards. L’environnement architectural qui les entourent est pour eux un terrain de jeux sans limites. Il pose sur les lieux un regard unique, nouveau, enrichissant . De plus en plus d’ espaces mêlant le public aux riders sont mis en place et propose non plus d’exclure ces utilisateurs mais au contraire de les faire cohabiter dans un même espace aux fonctions plurielles. Ce sujet me tenait particulièrement à cœur car j’ai pu enfin expliciter le lien que je tenais depuis mes débuts à l’ENSAG entre ma pratique sportive et l’architecture. Le dirt m’a toujours amené à me questionner sur la manière dont je pouvais me réapproprier l’espace et me créer le terrain de jeux dont je ne disposais pas. Ce fut là un premier éveil sur ma manière de concevoir l’architecture mais également sur comment je souhaitais la vivre. Je suis très sensible au travail de Niemeyer car c’est par son emploi libre de la courbe et sa volonté d’apporter à la ville ces espaces organiques laissant place à la réappropriation par ses usagers que j’ai pu de mon côté mieux saisir ce que représentait la courbe pour moi. Aujourd’hui plus que jamais je me rends compte à quel point cette dernière nous entoure et à quel point mes projets passés de mon cycle de licence étaient imprégnés de la rigidité dont fait preuve l’esprit humain. J’ai renoué avec cette forme et souhaite désormais l’inclure davantage dans mes projets architecturaux. Je souhaite à l’avenir prendre une année de césure dont les objectifs seront divers. Le premier sera de tenter d’explorer dans son intégralité mon potentiel en dirt. C’est également l’opportunité de mettre à profit ce nouveau regard, aiguisé par ces trois années passées en école d’architecture et cette prise de conscience écrite à l’aide de ce rapport d’étude sur la ville et l’appropriation que je souhaite en faire. Cette année de césure est également l’opportunité de me former davantage sur l’emploi de la courbe ce pourquoi je vais effectuer un stage dans une agence spécialisée dans la construction et l’aménagement de skatepark. Je souhaite à travers cette expérience pouvoir développer mon regard sur la courbe mais également apprendre à mieux la maîtriser en combinant dessin et mise en œuvre de cette dernière. Les chantiers qu’occasionnent ces projets sont une opportunité de soigner ce travail jusque dans les moindres détails. En outre, j’aimerais pouvoir par la suite réutiliser ce savoir sur la courbe, et l’appliquer sur des espaces publics, pour moi aussi être en mesure dans un futur proche de produire des espaces alliant diverses usages à l’image de ceux produit par Legato Sports Architecture et


pouvoir esquisser à mon tour ma propre vision de la ville où tout est roulable. Enfin cette année me permettra de me renouveler avec moi-même et d’apprendre à me connaître après ces quatre années passées à étudier. Apprendre, développer davantage de savoirs sur ce qui m’intéresse mais également découvrir de nouvelles choses. J’éprouve également une forte curiosité face au vaste monde qui m’entoure et souhaiterait malgré les conditions sanitaires saisir cette année de césure comme une chance de voyager et de voir tout ces projets, ces bâtiments, cet héritage de mes propres yeux, l’expérimenter de mon propre regard et qui sait si l’avenir me le permettra m’en réapproprier quelques uns et à mon tour par la gomme de mes pneus sur le sol vierge, tracer mes propres courbes.



BIBLIOGRAPHIE ZĞĚ Ƶůů ĞƐŝŐŶ YƵĞƐƚ ͗ WŽƚĞŶnjĂ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ ZĂũŝǀ ĞƐĂŝ͕ WƵďůŝĠ ůĞ Ϭϳ͘Ϭϲ͘ϮϬϭϯ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƌĞĚďƵůů͘ĐŽŵͬďĞͲĨƌͬƌĞĚͲďƵůůͲĚĞƐŝŐŶͲƋƵĞƐƚͲƉŽƚĞŶnjĂ ZĞĚ Ƶůů ĞƐŝŐŶ YƵĞƐƚ ͗ Dy sƐ͘ ƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ ZĞĚ Ƶůů &ƌĂŶĐĞ͕ WƵďůŝĠ ůĞ ϭϯ͘Ϭϲ͘ϮϬϭϯ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƌĞĚďƵůů͘ĐŽŵͬĨƌͲĨƌͬƌĞĚͲďƵůůͲĚĞƐŝŐŶͲƋƵĞƐƚͲďŵdžͲĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞͲǀŝĚĞŽ ƌĂŶĚŽŶ ^ĞŵĞŶƵŬ͕ ƌŝĚĞƌ ĚĞ ĨŽŶĚ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ dĂLJůŽƌ ^ƵĚĞƌŵĂŶŶ͕ WƵďůŝĠ ůĞ ϭϱ͘ϭϬ͘ϮϬϮϬ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƌĞĚďƵůů͘ĐŽŵͬĐĂͲĨƌͬďƌĂŶĚŽŶͲƐĞŵĞŶƵŬͲƌĂǁͲϭϬϬͲǀϲ YƵĂŶĚ WĞĚƌŽ ĂƌƌŽƐ ƌŝĚĞ ůĞƐ ďąƟŵĞŶƚƐ Ě͛KƐĐĂƌ EŝĞŵĞLJĞƌ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ EŝĂůů EĞĞƐŽŶ͕ WƵďůŝĠ ůĞ ϮϮ͘Ϭϲ͘ϮϬϮϬ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƌĞĚďƵůů͘ĐŽŵͬĨƌͲĨƌͬƉĞĚƌŽͲďĂƌƌŽƐͲŽƐĐĂƌͲŶŝĞŵĞLJĞƌͲĐŽŶĐƌĞƚĞͲĚƌĞĂŵƐ KƐĐĂƌ EŝĞŵĞLJĞƌ͗ ĂƌĐŚŝƚĞĐƚĞƐ Ğƚ ĐƌŝƟƋƵĞƐ ƌĞŶĚĞŶƚ ŚŽŵŵĂŐĞ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ KůŝǀĞƌ tĂŝŶǁƌŝŐŚƚ͕ WƵďůŝĠ ůĞ Ϭϳ͘ϭϮ͘ϮϬϭϮ ŚƚƚƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƚŚĞŐƵĂƌĚŝĂŶ͘ĐŽŵͬĂƌƚĂŶĚĚĞƐŝŐŶͬĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞͲĚĞƐŝŐŶͲďůŽŐͬϮϬϭϮͬĚĞĐͬϬϳͬŽƐĐĂƌͲŶŝĞŵĞLJĞƌͲƚƌŝďƵƚĞƐͲĂƌĐŚŝƚĞĐƚƐͲĐƌŝƟĐƐ Oscar Niemeyer, père de l’architecture moderne et poète de la courbe, Đƌŝƚ ƉĂƌ 'ƵLJ ŽLJĞƌ͕ WƵďůŝĠ ůĞ ϭϱ͘ϭϮ͘ϮϬϮϬ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĚĞƐĂƌƚƐ͘ĐŽŵͬĂƌƚƐͲĞdžƉŽƐŝƟŽŶƐͬĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞͬŽƐĐĂƌͲŶŝĞŵĞLJĞƌͲŽƵͲůĞůŽŐĞͲĚĞͲůĂͲĐŽƵƌďĞͲϭϭϭϬϱϴϰͬ Éloge de la tolérance, Đƌŝƚ ƉĂƌ EĂƌĂŐŚŝ͕ ŚƐĂŶ͕ WƵďůŝĠ ĞŶ ϭϵϵϮ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬƵŶĞƐĚŽĐ͘ƵŶĞƐĐŽ͘ŽƌŐͬĂƌŬ͗ͬϰϴϮϮϯͬƉĨϬϬϬϬϬϵϭϰϭϮͺĨƌĞ KƐĐĂƌ EŝĞŵĞLJĞƌ͕ ϭϵϬϳͲϮϬϭϮ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ ZĂƵů ĂƌƌĞŶĞĐŚĞ͕ ϭϭ͘ϭϮ͘ϮϬϭϬ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĂůƌĞĐŽƌĚ͘ĐŽŵͬĂƌƟĐůĞƐͬϮϳϱϰͲŽƐĐĂƌͲŶŝĞŵĞLJĞƌͲϭϵϬϳͲϴϮϭϮͲϮϬϭϮ ǀŝƐ ĚĞ ĚĠĐğƐ ĚĞ KƐĐĂƌ EŝĞŵĞLJĞƌ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ DĂƌƟŶ WĂǁůĞLJ Ğƚ :ŽŶĂƚŚĂŶ 'ůĂŶĐĞLJ͕ WƵďůŝĠ ůĞ Ϭϲ͘ϭϮ͘ϮϬϭϮ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƚŚĞŐƵĂƌĚŝĂŶ͘ĐŽŵͬĂƌƚĂŶĚĚĞƐŝŐŶͬϮϬϭϮͬĚĞĐͬϬϲͬŽƐĐĂƌͲŶŝĞŵĞLJĞƌͲŽďŝƚƵĂƌLJ Le béton armé et les formes libres, Đƌŝƚ ƉĂƌ ĞƌŶĂƌĚ , D hZ' Z͕ ĂƚĞ ĚĞ ƉƵďůŝĐĂƟŽŶ ŝŶĐŽŶŶƵĞ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ƵŶŝǀĞƌƐĂůŝƐ͘ĨƌͬĞŶĐLJĐůŽƉĞĚŝĞͬĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞͲŵĂƚĞƌŝĂƵdžͲĞƚͲƚĞĐŚŶŝƋƵĞƐͲďĞƚŽŶͬϱͲůĞͲďĞton-arme-et-les-formes-libres/ >Ğ ďĠƚŽŶ ĂƌŵĠ ͗ ƵŶĞ ŶŽƵǀĞĂƵƚĠ ŵĂũĞƵƌĞ ĚĞ ϭϵϭϰͲϭϵϭϴ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ Y/KD͕ WƵďůŝĠ ůĞ ϮϬ͘ϭϭ͘ϮϬϭϴ ŚƚƚƉƐ͗ͬ​ͬnjĞƉƌŽƐ͘ĨƌͬůĞͲďй ϯй ϵƚŽŶͲĂƌŵй ϯй ϵͲƵŶĞͲŶŽƵǀĞĂƵƚй ϯй ϵͲŵĂũĞƵƌĞͲ ĚĞͲϭϵϭϰͲϭϵϭϴͲͲϴϮϴϱ WĂŐĞ ĚĞ ƉƌĠƐĞŶƚĂƟŽŶ͕ ŽŶƐƚƌƵĐƚŽ ƐŬĂƚĞƉĂƌŬ ĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ĐŽŶƐƚƌƵĐƚŽ͘Ĩƌͬ hŶĞ ǀŝůůĞ͕ ƵŶĞ ĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞ ͗ ƌĂƐŝůŝĂ ƉĂƌ KƐĐĂƌ EŝĞŵĞLJĞƌ͕ Đƌŝƚ ƉĂƌ ŶƚŽŝŶĞ >Ğ &Ƶƌ͕ WƵďůŝĠ ůĞ ϭϰ͘Ϭϭ͘ϮϬϮϭ ŚƩƉƐ͗ͬ​ͬǁǁǁ͘ĞůůĞ͘Ĩƌͬ ĞĐŽͬEĞǁƐͲƚĞŶĚĂŶĐĞƐͬhŶĞͲǀŝůůĞͲƵŶĞͲĂƌĐŚŝƚĞĐƚƵƌĞͲ ƌĂƐŝůŝĂͲƉĂƌͲKƐĐĂƌͲEŝĞmeyer 32


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