L'affaire Léon Krier

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L’affaire Léon Krier De Albert Speer Architecture à la ville nouvelle de Poundbury, un architecte polémique

Atelier de traduction Professeur : Sébastien Marot & Paul Bouet Louis Comte 4A Métropoles

Semestre d’hiver 2015/2016



Sommaire

Introduction ..........................................................................................................................................................p.3

Albert Speer? Das war gute Architektur.......................................................................................................p.6

Q+A: Peter Eisenman and LĂŠon Krier Talk Albert Speer.........................................................................p.27

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Introduction

Lors de l’année scolaire 2015/2016, j’ai effectué un échange Erasmus à l’université technique de Berlin. Cette ville à l’histoire mouvementée recèle de nombreux secrets dus aux périodes historiques d’une extrême violence qu’elle a dû affronter. Martyrisée pendant la seconde guerre mondiale, elle fut ensuite le théâtre de l’affrontement entre les deux superpuissances du 20ème siècle, les États-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique. Aujourd’hui redevenue capitale allemande, la ville de Schinckel entend être un moteur de démocratie en Europe. Après un vote serré au Bundestag de Bonn en 1991, la décision est prise de transférer le parlement, la chancellerie et les ministères à Berlin. La ville doit alors purger son passé totalitaire et se créer une nouvelle virginité. La période nazie (entre 1933 et1945) n’a laissé que peu de traces visibles encore aujourd’hui à Berlin. La ville, pratiquement rasée en 1945, a expurgé la majorité des œuvres architecturales de cette époque. Pourtant, ce n’était pas l’ambition qui manquait. Conduit par Albert Speer, l’architecte d’Adolf Hitler, un vaste plan de rénovation de la ville était en cours. Nommés Welthauptstadt Germania, ces projets prévoyaient une refonte totale de la ville avec la création de monuments d’une échelle gigantesque. Albert Speer qui fut l’architecte officiel du régime nazi, n’a finalement que peu construit au regard de sa production sur papier. Ses œuvres majeures restent la nouvelle chancellerie sur la Vossstrasse (1938), détruite à la fin de la guerre et le complexe de Nuremberg, lieu de rassemblement annuel du parti Nazi. À Berlin, il ne reste d’Albert Speer qu’une colonne de béton servant de test de poids pour l’arc de triomphe prévu au sud de la ville et des lampadaires sur l’avenue du 17 Juin traversant le Tiergarten. L’œuvre de Speer, architecture que l’on pourrait qualifier de néo-classique monumentale, tomba dans l’oubli après la guerre. D’une certaine façon, on pourrait dire qu’au procès de Nuremberg, s’est aussi joué le procès de l’architecture néo-classique en tant qu’architecture des dictateurs. Parler de ses bâtiments restera tabou pendant longtemps jusqu’à ce qu’un jeune architecte, Léon Krier, alors âgé de 32 ans, publie une monographie controversée sur l’architecte en chef Nazi. Publié pour la première fois en 1978, cette monographie voit sa version définitive être publiée en 1985. Mais l’accueil réservé à son ouvrage va être plus que mitigé. Les librairies iront même jusqu’à boycotter Albert Speer Architecture 1934-1942. La société n’était pas encore prête pour regarder dans le rétroviseur du passé. La période nazie reste encore un traumatisme, une blessure ouverte, ignorée plutôt que soignée. Le livre est un recueil des travaux de Speer. Avec une documentation fournie, Léon Krier met en lumière les bâtiments nazis. Plans et coupes, des photos de maquettes et des perspectives qui esquissent une certaine vision du lien entre pouvoir politique et architecture. Mais, si la question de la culpabilité de Speer a été aujourd’hui tranchée1, la responsabilité de son architecture, condamnée à priori, n’a pas fait l’objet d’une analyse permettant de comprendre véritablement sa portée à la fois concrète et symbolique. 1 Il est jugé coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors du procès de Nuremberg en 1946 et fera 20 ans de prison à la forteresse de Spandau, à l’ouest de Berlin. Il a toujours nié avoir été au courant des génocides perpétrés par les Nazis, ce qui lui a valu d’éviter la peine de mort. Pourtant, une dizaine d’année après sa mort en 1981, des documents prouveront de manière irrévocables sa connaissance des crimes Nazis

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La critique va se retourner alors contre Léon Krier. Son architecture post-moderne appelant à un retour aux ordres classiques va déranger. L’architecte luxembourgeois va cristalliser sur sa personnes les critiques contre Speer. Il est vrai que les questions qu’il posait dans son ouvrage comme : «Est-ce qu’un criminel peut-être un grand artiste?» avaient de quoi choquer. C’est d’ailleurs la principale question de son ouvrage. Il fait une différence entre l’homme et son architecture. Il dira à Albert Speer en 1981 : « Je n’ai jamais cru à votre innocence. Par contre, je ne pense pas que votre architecture soit coupable ». Voilà ici la véritable question philosophique que pose Léon Krier. La pierre est-elle coupable en elle-même ? Et c’est sur ce terrain que va se jouer la thèse de Krier. Tout comme la récente polémique sur l’apprentissage au lycée du roman « Jusqu’au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline, prévue dans le programme de terminale a choqué, peut-on faire la séparation entre les idées de l’auteur et ses œuvres ? C’est le parti pris de Léon Krier dans Albert Speer Architecture. Dans sa monographie, en plus de la présentation des travaux de Speer, il va aussi écrire un texte d’une quinzaine de pages « Une architecture du désir », remettant l’œuvre de Speer dans le contexte de l’époque. À ce moment-là, le débat ne va, d’une certaine façon, plus tourner autour d’Albert Speer, mais va se recentrer autour de la figure de Léon Krier et de sa façon d’appréhender l’architecture de son époque. Dans l’ouvrage, il convie aussi Lars Olof Larsson qui, dans son texte « Le classicisme dans l’architecture au XXème siècle », va retracer l’historique du style à cette période et va d’une certaine façon aboutir à la conclusion que Speer utilise le style d’une époque. Il est en effet peu évident de faire une différence par exemple entre le pavillon allemand à l’exposition universelle de 1937 à Paris construit par Speer et le Palais de Chaillot voisin, construit à la même époque par les architectes français Léon Azéma, Jacques Carlu et Louis-Hyppolite Boileau. La similitude est frappante aussi avec d’autres architectures antérieures par exemple avec l’ambassade allemande à St-Pétersbourg construite en 1911 par l’architecte Peter Behrens, dont le cabinet a vu passer au début du 20ème siècle des grands noms du modernisme et qui ne peut être considéré comme un Nazi. Léon Krier cherche ainsi à dissocier l’architecture de l’homme. Dans le premier article traduit, paru en avril 2016 dans le quotidien conservateur allemand Die Welt, il dit « Albert Speer ? C’était de la bonne architecture ». Par-là, il entend deux choses. La première est assez terreà-terre. Il appelle à la redécouverte des procédés technique classiques et des principes de constructions traditionnels. C’est ce qu’il va mettre en œuvre dans sa carrière, en essayant de dessiner des détails « comme avant ». La deuxième chose est la manière de créer la ville. Et c’est sur ce terrain que viendra l’opposition la plus farouche. Léon Krier va considérer la ville crée par Speer comme harmonieuse, même s’il aurait dessiné certaines choses différemment. À propos de l’axe Nord-Sud, il dit « (…) les proportions de l’axe Nord-Sud sont, en fait, plutôt harmonieuses ». Les critiques sont sévères à son encontre. Par exemple, Miguel Abensour, philosophe français et professeur en philosophie politique à l’université Paris VII-Diderot, va dans son livre « De la compacité : Architecture et régimes totalitaires » paru en 1997 aux éditions Sens et Tonka

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mettre en évidence le lien entre la pensée Nazi et l’architecture produite par Speer. Il vise explicitement Krier, qu’il accuse de ne pas voir que l’espace crée par Speer est un espace totalitaire, n’autorisant l’existence que de ce qu’il nomme la masse compacte. Pour cela, il fait appel à des philosophes tels que Hannah Arendt qui ont déjà travaillé sur lien entre architecture et politique et va aussi faire appel aux philosophes de l’école de Francfort, notamment Walter Benjamin et Siegfried Kracauer qui vont critiquer l’esthétique abrutissante de la répétition. En 2013, une nouvelle version du livre sort aux éditions « The Monacelli Press ». Publiée en anglais (la première version du livre est publiée en français), c’est une traduction de l’édition originale avec une nouvelle préface faite par l’architecte américain Robert Stern. Avec cette réédition la polémique est remise sur la table. Krier va débattre avec Peter Eisenman, interview croisée parue dans la revue Architect, publication de l’American Institute of Architects, peu après la réédition de l’œuvre de Krier en 2013. Cela permet à l’architecte NewYorkais d’origine juive-allemande de venir affronter Léon Krier sur leurs visions respectives de la ville. Il s’en suit un débat confrontant deux idéologies contradictoires qui s’opposent sur la façon de créer la ville et la pertinence même de l’urbanisme prospectif. L’outil du «masterplan» est-il viable ? Et ce, à quelle échelle ? Durant le débat, en anglais, ils utiliseront les termes « masterplan » et « masterplanning ». Il n’y a pas d’équivalent explicite pour traduire en un mot ce qui est englobé dans ce terme. J’ai fait le choix d’adapter la traduction en fonction du contexte. Le plus souvent la traduction choisie est « plan directeur », qui évoque l’idée de prospection et est utilisé en français en urbanisme. Il y sera notamment question du projet de Krier à Poundbury. En lien avec le Prince Charles, il va construire dans le sud-ouest de l’Angleterre une ville nouvelle basée sur les canons classiques. Il remet en question les principes modernes de fabrication de la ville. Il s’inscrit dans le courant du Nouvel Urbanisme qui va théoriser une façon néo-traditionnelle de faire la ville. L’expérience de Poundbury, développée depuis la fin des années 80, est l’exemple le plus concret de la pensée de Krier. Cette ville de 6 000 habitants, renoue aussi bien avec les colonnes et les frontons qu’avec la ligne courbe. C’est une forme planifiée d’urbanisme du temps. Ces deux articles récents permettent donc de cerner un peu mieux la personnalité complexe de l’architecte luxembourgeois. Ils expliquent aussi les choix polémiques qu’il a fait dans sa vie. L’ouvrage sur Albert Speer reste aujourd’hui encore un livre iconoclaste à lire avec précaution et avec esprit critique. Si la pierre est inerte, son sculpteur en fait la représentation de son idéologie. La pierre s’en imprègne t’elle alors à tout jamais ? Voilà la question telle qu’elle devrait être posée face à toute architecture, surtout celle construite dans le but de contrôler les masses.

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Albert Speer? Das war gute Architektur Albert Speer? C’était de la bonne architecture Interview parue le 07/04/2016 dans le quotidien allemand Die Welt Par Rainer Haubrich

Léon Krier dans son appartement à Palma de Majorque. Le buste, scuplté par Celia Scott-Maxwell, le représente jeune homme. Dans la bibliothèque sont entreposées des partitions de piano. Ses livres d’architectures ont été légués à l’université Notre Dame à Chicago. Source : Rainer Haubrich

Leon Krier wird 70. Der Luxemburger Architekt über seine Begegnungen mit HitlersStadtplaner, seine Entwürfe für Prince Charles, seine einstige Schülerin Zaha Hadid unddie Macken der Stararchitekten.

Léon Krier fête ses 70 ans. L’architecte luxembourgeois nous parle de ses recontres avec l’architecte et urbaniste de Hitler, son projet pour le Prince Charles, de son ancienne élève Zaha Hadid et des défauts de la « starchitecte ».

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Für viele Architekten ist er der Gottseibeiuns: Der Luxemburger Baumeister und Theoretiker Leon Krier hat als einer der ersten – und besonders polemisch – die Irrwege der Nachkriegsmoderne kritisiert. Mit 32 Jahren machte er seinen berüchtigten Prachtband über die Architektur von Albert Speer. Dabei ist Kriers Ideal die vorindustrielle, klassische europäische Stadt, Häuser mit mehr als fünf Geschossen sind ihm suspekt. Nach London, Berlin und Nizza lebt er heute hauptsächlich in Luxemburg. Rainer Haubrich traf ihn in Palma de Mallorca. Von seiner Wohnung in der Altstadt östlich der Kathedrale geht der Blick über die mächtige Bastion aus dem 16. Jahrhundert aufs Meer. Kurz vor seinem 70. Geburtstag scheinen die Schlachten früherer Tage weit weg. Aber Witz und Sarkasmus sind ungebrochen.

Pour de nombreux architectes, il est le diable. L’architecte et théoricien luxembourgeois Léon Krier a été parmi les premiers - et un des plus polémiques - à critiquer les dérives de l’architecture moderne d’après guerre. À seulement 32 ans, il réalise une monographie controversée sur les travaux d’Albert Speer. D’ailleurs, l’idéal de Krier est la ville européenne classique et pré-industrielle, les bâtiments de plus de cinq étages sont à ses yeux suspects. Après avoir vécu à Londres, Berlin et Nice, il passe aujourd’hui le plus clair de son temps au Luxembourg. Notre journaliste Rainer Haubrich l’a rencontré à Palma de Majorque. Depuis son appartement situé dans la vieille ville, à l’est de la cathédrale, il profite d’une vue imprenable sur la mer par-dessus l’imposant bastion du 16ème siècle. Peu avant son 70 ème anniversaire, les batailles de ses jeunes années semblent lointaines. Mais les blagues et le sarcasme sont toujours présent.

Die Welt: Sie gelten als Wegbereiter des Traditionalismus in Europa. Aber ursprünglich haben Sie Le Corbusier bewundert.

Die Welt: Vous êtes considéré comme un des défenseurs du traditionnalsime en Europe. Cependant, à l’origine, vous étiez un admirateur de Le Corbusier.

Leon Krier: Mit 15 Jahren gewann ich bei einem Erzählungs-Wettbewerb 10.000 Francs. Davon habe ich mir die damals sechs Alben Gesamtwerk von Le Corbusiergekauft. Mein älterer Bruder Rob hatte mich für ihn begeistert. Le Corbusier war mein Idol, so wollte ich auch sein. Aber zunehmend haben mich seine Gebäude enttäuscht. Mit meinen Eltern schaute ich mir einmal die Unité d’habitation in Marseille an, sie fanden den Sichtbeton und die Stelzen hässlich. Der Cousin meiner Mutter war Dominikaner und baute sein Kloster bei Sanary. Er hielt Le Corbusier für einen Kriminellen. Ich habe Jahre gebraucht, um ihn selbst infrage zu stellen. Aber bis heute empfinde ich, dass seine Gebäude schon etwas haben. Nur

Leon Krier: À l’age de 15 ans, j’ai remporté 10 000 francs lors d’un concours de nouvelles. Avec cet argent, j’ai pu acheter six ouvrages sur les travaux de Le Corbusier. Mon grand frère Rob m’avait transmis sa passion pour cet architecte. Il était mon idole et je voulais lui ressembler. Cependant, peu à peu, ses bâtiments me décevaient. Avec mes parents, nous sommes allés voir un jour l’Unité d’Habitation à Marseille et ils ont trouvé cette vision du béton brut ainsi que des pilotis affreuse. Le cousin de ma mère était un dominicain et a construit du coté de Sanary-sur-Mer. Il considère que Le Corbusier est un criminel. J’ai passé des années à remettre son travail en question. Mais jusqu’à présent, je considère que ses

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Le béton chez les modernes : Unité d’habitation, Marseille, Le Corbusier Source: picture alliance / akg-images

von Urbanismus verstand er nichts, seine Stadtentwürfe sind eine Katastrophe.

bâtiments ont bel et bien quelque chose. Il n’y a que sur l’urbanisme que je ne le comprends pas. Ses travaux sur la ville sont catastrophiques.

Die Welt: Ihr Studium in Stuttgart haben Sie nach einem Jahr geschmissen.

Die Welt: Vous avez commencé vos études à Stuttgart et vous avez été renvoyé au bout d’une année.

Krier: Jeder, der damals etwas Vernünftiges zeichnete, wurde abgefertigt. Zu meinen

Krier: Tous ceux qui ont, une fois, dessiné quelque chose de judicieux, ont été rejetés.

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Entwürfen sagte der alte Professor: „So was haben wir im Dritten Reich gemacht.“ Ich sagte: „Das finde ich interessant, erzählen Sie uns davon.“ Aber er stürmte mit hochrotem Kopf davon. Und alle machten weiter ihre Waschbeton-Brüstungen und industriellen Plattenbauten. Wenn das die Zukunft der Architektur ist, dachte ich mir, mache ich lieber Musik.

Mon professeur disait à propos de mes projets : « Voila ce que nous avons fait durant le troisième Reich ». Et je répondais: « Je trouve cela intéressant, pouvez vous nous en parler ? ». Mais il détournait précipitement la tête, de façon honteuse. Et tous les autres continuaient à utiliser leur béton lavé et leur préfabriqués industriels. Si c’est cela le futur de l’architecture, je me disais à moi-même, que je préfererais faire de la musique.

Die Welt: Dann gingen Sie zu James Stirling nach London, der später einer der großen Postmodernisten wurde.

Die Welt: Ensuite, vous êtes allés voir James Stirling à Londres, qui deviendra plus tard un des grands architectes postmodernes.

Krier: Er war einer der wenigen Architekten, die mich interessierten, ich hielt ihn für den neuen Le Corbusier (lacht). Ich habe ihm meine Mappe geschickt – und durfte bei ihm anfangen. Das Büro lag in einem

Krier: Il était l’un des seuls architectes qui m’interressait. Je le considérais comme le nouveau Le Corbusier (il rit). Je lui ai envoyé mon book de travaux et j’ai pu commencer à travailler dans son agence. Ses bureaux

Délabrement progressif : La cité « Runcorn New Town » en Angleterre Source : Inconnue

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schönen Altbau, und so wohnte er selbst auch. Entworfen hat er u.a. die „Town Center Housing“ in Runcorn. Alles sollte industriell fabriziert werden, im großen Maßstab. Das Groteske: Tatsächlich wurden die Bauten vor Ort in Beton gegossen, das war günstiger als Fertigteile, und erst dann wurden Betonplatten vorgehängt, damit es aussah wie Fertigteile! Die „New Towns“ sind grandios gescheitert. Keine zwölf Jahre später wurde seine Platten-Siedlung abgerissen.

étaient situés dans un beau bâtiment ancien, où d’ailleurs il vivait aussi. C’est là où il conçu, entre autres, le projet de « Town center housing » à Runcorn. Tout devait être fabriqué de façon industrielle, à grande échelle. Mais en réalité, les panneaux de béton ont été coulés sur place. C’était bien moins cher que d’utiliser des éléments préfabriqués. Ensuite, les panneaux de bétons ont été assemblés de façon à ce que le résultat ait l’air d’un assemblage préfabriqué ! Les « New Towns » sont un échec majesteux. À peine douze ans plus tard, sa cité de béton étaient détruite.

Die Welt: Von London sind Sie nach WestBerlin gegangen.

Die Welt: Après Londres, vous êtes allés à Berlin-Ouest.

Krier: Ich hatte in der „Bauwelt“ ein Inserat aufgegeben: „Leon Krier sucht Arbeit im deutschsprachigen Raum.“ Meine publizierten Zeichnungen waren offenbar bekannt, denn ich bekam zwei Partnerschaftsangebote: von Helge Bofinger und von Josef Paul Kleihues. Ich ging zu Kleihues. Er führte mich voller Stolz zu seinen Wohnblocks am Nollendorfplatz und in der Gropiusstadt. Ich sagte: „Wenn ich Sie wäre, würde ich diese Sachen nicht zeigen.“ Er antwortete: „Herr Krier, Sie sind ein Frühstarter. Ich bin ein Spätstarter wie Lou Kahn. Mit 60 werde ich berühmt sein.“ Und so ist es ja auch gekommen.

Krier: J’ai écrit une annonce dans le magazine « Bauwelt » : « Léon Krier cherche du travail dans une agence germanophone ». Mes publications étaient manifestement connues, et par la suite j’ai recu deux demandes de partenariat ; une provenant de Helge Bofinger et une de Josef Paul Kleihues. Et j’ai choisi Kleihues. Il me présenta, empli de fierté ses blocks d’habitations à Nollendorfplatz et dans la Gropiusstadt. Je lui ai dit : « Si j’étais vous, je ne montrerai pas ces choses ». Il me répondit « Monsieur Krier, vous êtes un lièvre. Moi, je suis une tortue, comme Louis Kahn. Je serai reconu seulement à l’age de 60 ans ». Et c’est ainsi que cela s’est passé.

Die Welt: Wie war Ihr Eindruck von WestBerlin?

Die Welt: Quel était votre impression de Berlin-Ouest ?

Krier: Furchtbar. Ich habe diese Stadt gehasst vom ersten bis zum letzten Tag. Diese Hässlichkeit! Am Kurfürstendamm wurden Altbauten entstuckt und mit braun-weißen Horizontalstreifen auf Erich Mendelsohn getrimmt. Aber die Villenbezirke waren wunderbar, ich habe an einem See in Dahlem gewohnt. Und ich bin viel über die

Krier: Affreux ! J’ai haï cette ville depuis le premier jusqu’au dernier jour. Quelle laideur ! Sur le Kurfürstendamm, les anciens bâtiments ont été mis en pièces et tailladés avec des bandes horizontales brune et verte à la façon de Erich Mendelsohn. Néanmoins, les quartiers de villas étaient fatastiques. J’ai nottament habité dans l’une d’elle, au

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Grenze nach Potsdam.

bord d’un lac, à Dahlem. Et j’allais aussi fréquement à la frontière avec Potsdam.

Die Welt: Warum sind Sie nach zwei Jahren wieder weg?

Die Welt: Pourquoi êtes vous reparti après seulement deux ans ?

Krier: Meine Einwände zu Projekten wurden immer verlacht. Axel Schultes und Bernd Jansen entwarfen Schulen für 3000 oder 5000 Schüler, immer ein einziges Gebäude. Ich sagte: „Und für 100.000 Kinder würde die Schule dann zehn Kilometer lang? Teilt das doch auf in kleinere Einheiten.“ Aber damals dachten alle groß und modular: Es gab ein Modul, und das wurde dann runtergerattert. Am Ende wurde es mir unerträglich: Es ging um das Briefpapier mit den Namen der Büropartner, Bernd Jansen sollte auf seinen Mittelnamen verzichten, denn sonst wäre sein Name einen Buchstaben länger gewesen als der von Kleihues, und das hat Kleihues verhindert! Eine Kinderei, das wollte ich nicht mehr.

Krier: Mes remarques sur les projets ont toujours été moquées. Axel Schultes et Bernd Jansen avaient réalisé le projet d’une école pour un nombre d’enfant compris entre 3000 et 5000 et ce, dans un seul bâtiment ! Je leur ai dit « Et pour 100 000 enfant, l’école fera donc dix kilomètres de long ? Coupez-la en plusieurs petites unités ». Mais par la suite, tous ont pensé «énorme et modulaire». Il y avait un seul module qui était répété et amplifié. À la fin, cette atmosphère délétère était devenue intolérable à mes yeux. Il y eut même un débat sur le papier à lettre avec en-tête. Bernd Jansen devait renoncer à avoir son deuxième prénom dessus, sinon cela aurait fait pour lui une lettre de plus que pour Kleihues. Et ça, Kleihues voulait l’empecher à tout prix ! Bref, des enfantillages que je ne supportais plus.

Die Welt: Dann holte Sie Elia Zenghelis, der Ziehvater von Rem Koolhaas, für drei Jahre als Lehrer an die renommierte Architectural Association School of Architecture in London (AA), wo u.a. die jüngst verstorbene Zaha Hadid in Ihrer Klasse saß.

Die Welt: Ensuite Elia Zenghelis, le mentor de Rem Koolhas, vous a pris pour 3 ans en tant que professeur à la fameuse« Architectural Association School of Architecture in London » (AA) où, entre autres, Zaha Hadid a fait ses classes.

Krier: Sie war sehr präsent, aber damals in permanenter Krise. Sie war älter als die meisten Studenten, und sie wusste noch nicht, wohin. Ihre Projekte waren nicht gut, aber ihre Skizzen zeigten Begabung.

Krier: Elle était très présente mais constament en crise. Elle était plus agée que les autres étudiants. Ses projets n’étaient pas bons mais cependant ses croquis étaient talentueux.

Die Welt: Irgendein Werk von ihr, das Sie überzeugt?

Die Welt: Lequel de ses projets vous a le plus marqué ?

Krier: Die Feuerwache in Weil am Rhein ist elegant. Oft sind die begabten Modernisten gut im Kleinen, im Großen geht es total

Krier: La caserne de pompiers à Weil am Rhein est élegante. Souvent, les grands modernistes sont doués pour la petite

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Classique intemporel : Projet de maison par LĂŠon Krier Ă Seaside (Floride) Source : Leon Krier

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daneben. David Chipperfield etwa macht interessante kleine Projekte, aber die großen Baracken sind trostlos, dasJustizzentrum in Barcelona – eine Peinigung.

échelle. Mais quand il s’agit de grande échelle, ils sont toujours à coté de la plaque. Par exemple, David Chipperfield réalise de nombreux petits projets très interressants. Mais ses grands bâtiments sont sinistres. Regardez la cité judiciaire de Barcelone, c’est de la torture !

Die Welt: Wie haben Sie die großen Architekturstars des Brutalismus, Alison und Peter Smithson, erlebt?

Die Welt: Quelles sont vos impressions face à l’architectures des stars du brutalisme, Alison et Peter Smithson par exemple ?

Krier: Sie kamen zu meinen Vortragsveranstaltungen. Furchtbar arrogante Leute, unausstehlich. Als sie Direktoren der AA waren, haben sie ein Terrorregime errichtet. Die Zeitzeugen von damals zittern heute noch, wenn sie darüber reden – mit 85 Jahren!

Krier: Ils sont venus un jour à l’une de mes conférences. Des gens affreusement arrogants, issuportables même. Lorsqu’ils étaient à la tête de l’AA, ils ont mis en place une sorte de régime de terreur. Les témoins de cette époque en tremblent encore aujourd’hui lorqu’ils en parlent, et ce, même s’ils ont 85 ans désormais !

Die Welt: Was brachte Sie dann zur traditionellen Architektur?

Die Welt: Qu’est ce qui vous a alors amené à l’architecture traditionelle ?

Krier: Das ist über Jahre gewachsen. Ein Anstoß war ein altes Bauernhaus in der Toskana, das ich mir 1973 gekauft hatte. Da musste man ein paar Sachen flicken. Und dann fragt man sich: Wie mache ich das Dach? Natürlich so, wie es war. Auf diese Weise lernte ich das Elementare des Bauens. Für einen Freund entwarf ich ein Haus in der Nähe, da habe ich zum ersten Mal gewagt, traditionelle Details zu zeichnen. Ein anderer Schlüsselmoment: In meiner Heimatstadt Luxemburg sollte der Parkgürtel abgeholzt werden für eine riesige Tiefgarage. Ich habe in einer Zeitung einen Artikel gegen den Zonierungsplan publiziert mit einem städtebaulichen Gegenentwurf.

Krier: Cela a grandi peu à peu au cours des années. Le point de départ a été une ancienne ferme que je m’étais acheté en Toscane en 1973. Il fallait réparer quelques petites choses. Et ensuite, je me suis posé la question : Comment est ce que je fais un toit? Et c’est venu naturellement : faire comme avant. C’est de cette façon que j’ai appris les bases de la construction. J’ai ensuite construit une maison pour un ami dans les environs. Et j’ai, pour la première fois tenté de dessiner des détails traditionels. Un autre moment clé : dans ma ville d’origine, Luxembourg, une ceinture de parc devait être détruite pour laisser place à un immense garage souterrain. J’ai publié un article dans un journal contre ce plan d’aménagement avec un contre-projet.

Die Welt: Wie kamen Sie auf die Idee, ein Buch über die Architektur von Albert Speer zu machen?

Die Welt: Comment vous est venue l’idée de faire un livre sur l’architecture d’Albert Speer ?

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Krier: Da muss ich etwas ausholen. Als ich zehn Jahre alt war, hätte ich jeden Deutschen ermordet, denn die Nazis hatten sich furchtbar benommen in Luxemburg. Mein Vater führte eine Schneiderei, die musste deutsche Uniformen nähen. Wenn das Soll nicht erfüllt würde, drohte der Ortskommandant, werde die ganze Familie nach Polen verfrachtet. Und jeder wusste, was das hieß. Deshalb war es ein Skandal, als nach dem Krieg mein Bruder Rob zum

Krier: Là je dois vous raconter quelquechose. À l’âge de 10 ans, j’aurais tué tous les allemands pour leur faire payer ce qu’ils avaient fait subir au Luxembourg. Mon père dirigeait un atelier de couture qui devait fabriquer des uniformes allemands. Si le travail n’était pas fait, le commandant allemand menaçait d’envoyer toute notre famille en Pologne. Et tout le monde savait ce que cela voulait dire. C’est pourquoi cela a fait scandale après la guerre, lorsque mon

Maison de l’art allemand, Paul Ludwig Troost, ouverte en 1937 Source : picture-alliance / dpa

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Studium nach München ging. Als ich ihn dort einmal besuchte, gingen wir zu einer Ausstellung, und in der Schlange sagte ich: „Was ist das für ein fantastisches Gebäude?“ Er zischte mich an: „Red‘ leiser, das ist ein Nazibau!“

frère Rob est parti faire ses études à Munich. Une fois lorsque je lui rendis visite, nous sommes allés à une exposition et, dans la file j’ai dis : « Quel est ce superbe bâtiment?». Il me rétorqua « Parles moins fort, c’est un bâtiment Nazi ! »

Die Welt: Das Haus der Kunst von Paul Ludwig Troost.

Die Welt: La maison de l’art allemand de Paul Ludwig Troost.

Krier: Ja, das hat mich fasziniert. Ich habe mir dann den Königsplatz von Troost angesehen, der hatte eine unwahrscheinliche Atmosphäre, sehr männlich, aber ein guter Maßstab. Ich habe viele Bücher über die Architektur im Nationalsozialismus gelesen und mir die erhaltenen Bauten angesehen. In einem Steinbruch in Bad Cannstatt fand ich sogar die Säulen für das geplante Mussolini-Denkmal von Speer in Berlin. Die standen zum Verkauf, wollte aber keiner haben. Sie sind immer noch da. Die Fachzeitschriften aus den 30er-Jahren boten ein Gesamtbild, das interessanter war, als man uns weisgemacht hatte. Es war totalitär, aber als Architektur und Städtebau mehr als respektabel. Ich war damals politisch weit links, ein Freund von mir war Assistent bei Adorno. Auf dem Klavier spielte ich, zur Verzweiflung meiner Mutter, Schönberg und Webern.

Krier: Oui, Ce bâtiment m’a fasciné. J’ai ensuite regardé la Königsplatz de Troost. Elle avait une atmosphère incroyable, très virile, tout en restant à la bonne échelle. J’ai lu de nombreux livres concernant l’architecture durant la période Nazi et j’ai regardé les bâtiments réalisés. J’ai trouvé un jour, dans une carrière à Bad Cannstatt, les colonnes pour le mémorial de Mussolini dessiné par Speer à Berlin. Elles étaient exposées pour être vendues mais personne n’en voulait. Elles sont encore là. Les revues d’architecture des années 30 dressent une vue d’ensemble, ce qui est intéressant, de ce que l’on a voulu nous faire croire. C’était totalitaire, mais en tant qu’achitecture et urbanisme, c’était plus que respectable. J’étais à cette époque politisé, du coté de la gauche radicale. Un de mes amis était d’ailleurs un assistant de Adorno. Au piano, je jouais, au grand désespoir de ma mère, Schönberg et Webern.

Die Welt: Haben Sie auch in Berlin geforscht?

Die Welt: Avez-vous aussi fait des recherches à Berlin ?

Krier: Ich habe für Kleihues’ „Berlin-Atlas“ in vielen Archiven recherchiert. Einmal zog ein alter Mann eine Luftansicht von Speers geplanter Nord-Süd-Achse aus der Schublade. Ich fragte ihn, ob es davon noch mehr gebe, und erfuhr, das meiste liege bei Speer persönlich. 1972 habe ich ihm geschrieben. Und bekam einen Brief zurück: „Sehr geehrter Herr Krier, ich kann Sie dannundann für eine Stunde empfangen.“

Krier: J’ai recherché pour le compte de Kleihues « Berlin Atlas » (atlas recensant les bâtiments dsparus à Berlin) dans de nombreuses archives. Un jour, un vieil homme a sorti d’un tiroir une perspective aérienne faite par Speer montrant l’implantation de l’axe Nord-Sud. Je lui demandais s’il possédait plus d’information à ce sujet et j’ai appris que la majorité des travaux à ce sujet était détenue par Speer

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Plan de Speer pour Berlin : l’axe Nord-Sud devait être la pièce maitresse de ce que devait devenir Berlin, la « Capitale du Monde, Germania ». Source : Landesarchiv Berlin

Als ich das las, bekam ich Schüttelfrost. Was würden meine Eltern sagen? Ich bei einem Nazi und Massenmörder! Ich bin dann nicht gegangen, ich hatte zu viel Angst, so einer Person zu begegnen.

lui-même. Je lui ai écrit en 1972. Et j’ai recu une lettre en retour : « Cher M. Krier, je peux vous recevoir de temps en temps pour une heure ». Dès que j’ai lu ces mots, je me suis mis à ressentir des frissons. Que diraient mes parents ? Moi, au coté d’un Nazi et meutrier de masse ! Je ne m’y suis finalement pas rendu. J’avais trop peur de rencontrer un tel personnage.

Die Welt: Aber sechs Jahre später kam es zu einer Begegnung.

Die Welt: Mais six ans plus tard vous l’avez finalement rencontré.

Krier: Das Thema hat mich weiter beschäftigt. Ich kaufte für ein paar Mark die gesamte „Kunst im Dritten Reich“, Ausgabe B, eine fabelhafte Publikationsreihe. Die kannte ich von meinem Großvater, der ein paar Ausgaben hatte, obwohl er die Nazis hasste. Naziarchitektur ist ja nicht das, was sich die meisten Leute darunter vorstellen. Es gab damals Modernismus für die Industriebauten, es gab regionales Bauen, und es gab Klassizismus. Das war eigentlich eine intelligente Baupolitik. Durch die Kriegserfahrung und die ersten Angriffe auf

Krier: Ce thème m’a interressé plus tard. J’ai acheté pour quelques marks des revues sur l’art durant le troisième Reich, aux éditions Ausgabe B, une collection impressionante. Je la connaissais de mon grand-père. Il en possédait quelques’unes même s’il détestait les Nazis. L’architecture Nazi n’est pas telle que les gens se l’imaginent. Il y avait alors du modernisme pour la construction industrielle, du régionalisme et il y avait du clasicisme. C’était, en vérité, une politique de construction intelligente. Durant la guerre et les premières attaques

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deutsche Städte hat sich die Naziarchitektur dann sehr verändert, das Bauen wurde hochindustriell. Der Wiederaufbaustab von Speer plante von da an nach modernen Grundsätzen.

contre les villes allemandes, l’architecture Nazie a beaucoup changée. La construction est devenue principalement industrielle. Le bureau de la reconstruction de Speer a travaillé à partir de ce moment là avec des règles modernes.

Die Welt: 1978 erschien das erste Buch über Speers Architektur bei Propyläen, wo Wolf Jobst Siedler Regie führte.

Die Welt: En 1978 est paru votre premier livre sur l’architecture de Speer aux éditions Propyläen, dirigées à l’époque par Wolf Jobst Siedler.

Krier: Das Buch hat mich geärgert. Denn viele der Texte waren flach, auch die Einführung von Speer selbst, geradezu tölpelhaft. Ein Kollege in Berlin stellte einen Kontakt zu Speer her, und im gleichen Jahr waren wir dann bei ihm in seinem Haus im Allgäu.

Krier: Ce livre m’a beaucoup contrarié. De nombreux textes étaient plats. Même l’introduction par Speer était mauvaise. Un collègue à Berlin avait un contact avec Speer. Et la même année, nous nous sommes rendus chez lui, dans sa maison à Allgau.

Die Welt: Sie waren damals 32 Jahre alt. Welchen Eindruck hatten Sie von Speer?

Die Welt: Vous aviez à l’époque 32 ans. Quelle impression avez-vous eu de Speer ?

Albert Speer et sa femme Margarethe, peu après sa libération en 1966 Source : picture-alliance / dpa

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Krier: Ein ganz sympathischer Mann. Unvorstellbar, dass der würdige Herr einer der brutalsten Massenmörder der Geschichte war. Er sprach mit einem stark regionalen Akzent. Wir haben uns acht Stunden unterhalten, er distanzierte sich von seinen Bauten, die seien pompös gewesen, Unterdrückungsarchitektur. Und ich sagte: „Sie haben unrecht, Sie sind ein großer Architekt. Und Sie wissen das auch.“ Die Unterdrückung war politisch, aber nimmt man die Unterdrückung weg, sind das fantastische Touristenattraktionen, Weltwunder. Speer hatte architektonisches und städtebauliches Genie.

Krier: Un homme bien sympathique. Je n’aurais pas pu imaginer que cet homme fût un des pires meutrier de masse que l’histoire ait portée. Il parlait avec un accent très prononcé. Nous avons discuté ensemble pendant huit heures. Il prenait ses distances avec ses projets qui, à ses dires, étaient une arrogante architecture d’oppression. Je lui répondais : « Vous avez tort, vous êtes un grand architecte. Et vous le savez aussi ». L’oppression était politique mais, si on fait abstraction de cette oppression, ses projets étaient de fantastiques attraction touristiques. Quelque chose de mondialement remarquable ! Speer avait un véritable génie pour l’architecture et l’urbanisme.

Die Welt: Sie haben dann mit Speer zusammen das Buch gemacht.

Die Welt: Vous avez par la suite écrit le livre ensemble.

Krier: In München sind wir eine Woche lang in die Archive gegangen und haben Material gesichtet. Speer wohnte in einem schäbigen Hotel hinter den Parteibauten der Arcisstraße. Eines Tages erhielt er einen Anruf aus Bergamo, es lägen da noch fertige und bezahlte Steine für das GöringPalais an der Nord-Süd-Achse, was damit geschehen solle. Bald kam ein Lastwagen voller Granitelemente zu seinem Haus im Allgäu. Speer hat daraus einen großen Kamin gebaut, total asymmetrisch, wie eine Piranesi-Zeichnung, sehr interessant. 1981 sprach er von einem Buch von Mathias Schmidt, das bald erscheine, wo er „sehr nackt dastehen“ würde. Ich sagte: „Ich habe nie geglaubt, dass Sie unschuldig sind. Aber ich denke nicht, dass Ihre Architektur schuldig ist.“ Er hat mir dann noch viel Material überlassen, und einen Monat später war er tot.

Krier: Nous sommes allées, pendant une semaine entière, aux archives de Munich pour consulter des documents. Speer logeait dans un hotel miteux derrière les bureaux du parti de la Arcisstraße. Un jour, il recut un appel en provenance de Bergame. Il y restait encore des blocs de pierres, taillés et payés, qui étaient prévus pour la construction du palais de Göring sur l’axe Nord-Sud et il fallait décider de leur avenir. Peu après est arrivé un camion rempli de bloc de granit à sa maison à Allgäu. Avec ces blocs, il construisit une grande cheminée, completement assymétrique, à la manière des dessins de Piranesi. Cela était très interressant. En 1981, il me parla d’un livre de Mathias Schmidt, qui « (le) mettait à nu ». Je lui ai dit : « Je n’ai jamais cru à votre innocence. Par contre, je ne pense pas que votre architecture soit coupable ». Il me laissa ensuite encore plus de documents pour mes travaux et, un mois plus tard, il était mort.

Die Welt: Ihr Buch war ein Skandal, weil Sie

Die Welt: Votre livre a provoqué un scandale

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Speers Architektur gefeiert haben. Krier: Und es wurde vom Buchhandel boykottiert. Anfangs lag es sogar im Shop desMoMA in New York. Damit war es bald vorbei. Es war einfach zu schön gemacht. Und ich schrieb darin, dass es gute Architektur sei, und fragte: Kann ein Krimineller ein großer Künstler sein? Schon bei der Frage gehen die Leute rückwärts raus.

car vous promouvez l’architecture de Speer. Krier: Et il a été boycotté par les librairies. Au début, on pouvait le trouver dans la boutique du MoMA, à New, York. Mais cela n’a duré qu’un temps. Le livre rendait trop belle l’architecture de Speer. Et j’ai écris à ce propos, que c’était de la bonne architecture et je posais la question : « Est-ce qu’un criminel peut être un grand artiste ? » Avec cette question, les gens faisaient demi-tour et partaient.

Die Welt: Ein Vorwurf war, dass Sie Speer-Zeichnungen verfälscht, zum Teil koloriert hätten. Und über die Große Halle im Spreebogen haben Sie einen Sternenhimmel gemalt.

Die Welt: Il vous a été reproché d’avoir falsifié les dessins originaux de Speer, par exemple en les coloriant. Et concernant la « Grosse Halle » dans le quartier de Spreebogen, vous avez rajouté un ciel étoilé.

Krier: Warum nicht? Eine meiner Montagen haben die Experten gar nicht erkannt.

Krier: Et pourquoi pas ? Un de mes montages n’a pas été reconnu tout de suite par les

Image tirée du livre sur Speer : perspective de la place Adolf-Hitler telle que planifiée par Speer, avec un ciel étoilé rajouté par Krier. Source: Rainer Haubrich

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Ich hatte in ein Modell des Innenraums der Großen Halle eine Menschenmenge hineinmontiert, alles Italiener (lacht). Dieses Bild wird viel publiziert, aber ohne Hinweis auf mein Buch.

experts. À l’intérieur de la « Grosse Halle », j’ai rajouté de la foule. Tous étaient italiens (il rit). Cette image a été reprise de nombreuses fois mais sans les avertissements de mon livre.

Die Welt: Das Buch ist vor drei Jahren in den USA neu aufgelegt worden, mit einem Vorwort des einflussreichen amerikanischen Architekten Robert A. M. Stern.

Die Welt: Le livre a été à nouveau publié il y trois ans aux USA, avec un avant-propos de l’influent architecte américain Robert Stern.

Krier: Was mich sehr gefreut hat. Er sagte zu mir: „Es muss ja für irgendetwas gut sein, dass ich jüdisch bin.“

Krier: Cela m’a beaucoup réjoui. Il m’a dit : « D’une certaine façon, c’est bien d’avoir un juif pour faire cela ».

Die Welt: Sie wollten den Speer-Plan für Berlin einmal überarbeiten. Was würden Sie anders machen?

Die Welt: Vous vouliez à un moment revoir le plan de Speer pour Berlin. Qu’auriez vous fait différement ?

Krier: Die Blöcke müssten mehr unterteilt werden, sie sind mir zu hoch. Speer hat sie ja selbst im Laufe der Planungen in kleinere Einheiten aufgeteilt. Aber das war alles noch im Rahmen des Berliner Blocks. Und die Proportionen innerhalb der Achse sind stimmig. Der große Korridor in Bukarest hat die gleiche Breite. Die Achse sollte von Bäumen gesäumt sein, auch zwischen den Bauten war viel Grün vorgesehen.

Krier: Les ilôts auraient dû être plus découpés. Ils sont trop haut à mon goût. Speer a lui-même au cours de son travail prévus des unités plus petites. Mais c’était toujours dans la trame des ilôts berlinois. Compte tenu de cette trame, les proportions de l’axe Nord-Sud sont, en fait, plutôt harmonieuses. La grande avenue qui mène au Palais du Parlement, à Bucarest, a par exemple la même largeur. L’axe devait aussi être bordé d’arbres et il était aussi prévu d’y avoir beaucoup d’espaces vert entre les bâtiments.

Die Welt: Aber der Berliner Boden wäre doch zu weich gewesen für die Kolosse. Ein Test mit einem riesigen Betonzylinder hatte ergeben, dass er in zweieinhalb Jahren um 19 Zentimeter eingesackt war.

Die Welt: Cependant le sol berlinois était trop meuble pour un tel colosse. Un test a été réalisé avec une gigntesque colonne de béton qui, en deux ans et demi, s’est enfoncée de 19 centimètres dans le sol.

Krier: Deshalb waren gigantische Unterkonstruktionen vorgesehen, eine unterirdische Betonstadt. Die Große Halle sollte auf einem Fundament aus 30 mal 30 mal 30 Meter hohen Quadern stehen.

Krier: C’est pour cela qu’il était prévu de réaliser d’importants travaux de fondation, formant quasiment une ville souterraine faite de béton. La « Grosse Halle » devait reposer sur des piliers de fondations qui étaient des cubes de 30 mètres de coté.

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L’arc de Triomphe sur l’axe Nord-Sud à Berlin. On peut reconnaitre, en haut à droite de la photo, les classiques « Mietskaserne » (casernes à loyers) berlinoises. Source : picture alliance / akg images

Die Welt: Sie wurden durch das Buch in der Szene zur persona non grata.

Die Welt: À cause de ce livre, vous êtes devenus persona non grata dans le milieu de l’architecture.

Krier: Ich hatte damals eine große Ausstellung im MoMA, auch mein Projekt für Washington D.C. wurde viel publiziert. Dieser Höhenflug endete mit dem SpeerBuch. Vor allem durch die von Peter Eisenman und anderen verbreiteten Verleumdungen, ich sei ein Nazi, verlor ich den Auftrag zur Erweiterung der National Gallery in London. Der Entwurf war von Jacob Rothschild und den anderen Trustees des Museums schon gebilligt. Mit ihnen hatte ich privat auch viel über Speer gesprochen, das war kein Problem. Diese Anfeindungen haben mich kaputt gemacht. Ich glitt in eine lange Depression und war außer Gefecht für eine geraume Zeit.

Krier: J’avais auparavant eu une grosse exposisition au MoMA et mon projet pour Washington D.C. a été aussi beaucoup publié. Cette trajectoire ascensionnelle s’est arretée brutalement avec le livre sur Speer. À cause des allégations mensongères de Peter Eisenmann et d’autres calmoniateurs dans son genre, pour qui j’étais un Nazi, j’ai perdu par leur faute le projet d’extension de la National Gallery à Londres. Le projet avait déjà été approuvé par Jacob Rotschild et les autres mandataires du musée. Avec eux, j’ai eu en privé de nombreuses discussions à propos de Speer et cela n’a posé aucun problème. Cette soudaine hostilité m’a mis à terre. J’ai sombré dans une longue dépression et je suis resté longtemps K.O.

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Die Welt: Prince Charles hat Sie dann reaktiviert.

Die Welt: C’est ensuite grâce au Prince Charles que vous êtes revenus.

Krier: Ich hatte ihm meine Pläne für Washington D.C. geschickt, bekam aber keine Antwort. 1987 machte John Simpson in London eine Ausstellung über traditionelle Architektur, die Prince Charles eröffnete. Er kam auf mich zu, er kenne meine Projekte, ob ich ihn nicht beraten wolle. Damals ging es um eine Neubebauung direkt neben St. Paul’s Cathedral, da waren zehn Geschosse

Krier: Je lui avais envoyé mes plans pour Washington D.C. mais je n’avais jamais recu de réponse. En 1987, John Simpson a organisé, à Londres, une exposition sur l’architecture traditionnelle. C’est le Prince Charles qui l’a ouverte. Il est venu vers moi. Il connaisait mes projets même si je n’en avais pas auparavant discuté avec lui. Nous avons ensuite discuté à propos de la construction

Non réalisé : Projet de Krier pour l’extension de la National Gallery à Londres Source : Leon Krier

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geplant, 35 Meter – Speer-Höhe (lacht). Das wollte Charles verhindern. Daraus sind dann regelmäßige Gespräche geworden.

d’un nouveau bâtiment, à proximité immédiate de la cathédrale St-Paul. Il devait faire dix étages pour une hauteur finale de 35 m (c’est-à-dire la hauteur usuelle des bâtiments de Speer (il rit)). Le Prince Charles voulait à tout prix empêcher cela. Et par la suite, nous avons continué à nous parler régulièrement.

Die Welt: Für ihn entwerfen Sie seit 1988 den Musterort Poundbury südwestlich von London. Kritiker halten Charles‘ Wissen über Architektur eher für begrenzt.

Die Welt: Vous travaillez avec lui depuis 1988 sur le projet de ville nouvelle de Poundbury, au sud-ouest de Londres. Mais les critiques d’architecture considèrent que les idées du Princes Charles sont très limitées, voire fermées.

Léon Krier avec le Prince Charles à Poundbury au sud-ouest de Londres, lieu d’expérimentation d’un nouvel urbanisme depuis l’année 1988. Source: picture alliance / AP Photo

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Perspective de la place de Reine-Mère à Poudbury. Source: Leon Krier

Krier: Das kann ich nicht bestätigen. Inzwischen teilen doch die meisten seine Kritik an der Verhässlichung unserer Städte. Prince Charles ist ein Intellektueller. Er lebt in seiner großen Bibliothek. Ich bin kein Royalist, aber ich finde, er hat seiner Rolle eine Legitimität gegeben. Er hat ja nicht nur das moderne Bauen kritisiert, sondern mit Poundbury eine Alternative aufgezeigt.

Krier: Je ne peux pas être d’accord avec ça. Aujourd’hui, la majorité des gens partage son analyse concernant le dégoût que peut engendrer nos villes. Le Prince Charles est un intellectuel. Il vit dans sa grande bibliothèque. Je ne suis pas royaliste mais je considère qu’il a donné une légitimité à sa fonction. Il n’a d’ailleurs pas uniquement critiqué les modernes, il a aussi montré une alternative gâce au projet de Poundbury.

Die Welt: Aber auch da ging es nicht ohne Probleme ab.

Die Welt: Mais là aussi, cela ne s’est pas passé sans aucun problème.

Krier: Die örtlichen Behörden kontrollieren sehr stark. Wir können keine richtige Stadt machen, weil es das Baurecht nicht zulässt und wir eine zu große Konkurrenz für Dorchester darstellen. Wir wollten eine Highstreet mit vielen Geschäften, aber das war nicht erlaubt, es darf nur vereinzelte

Krier: Les autorités locales imposaient un contrôle très fort. Nous ne pouvions pas réaliser une véritable ville à cause du droit de la construction qui ne le permettait pas. Nous avions aussi une grande concurrence représentée par la ville de Dorchester. Nous voulions une « Highstreet », une grande

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Läden um die Hauptplätze geben. Und wir dürfen unsere Highstreet nicht einmal „Highstreet“ nennen, dabei gibt es die in jedem englischen Ort. Poundbury hat inzwischen über 2000 Einwohner und mehr als 2000 Arbeitsplätze und gilt landesweit vielen als Vorbild. Im Herbst wird Queen Elizabeth den Hauptplatz einweihen.

avenue, avec de nombreux magasins mais cela ne fut pas autorisé. Il ne pouvait y avoir seulement que quelques commerces isolés sur la place principale. Et nous ne devions plus appeller notre « Highstreet » de cette façon, telle que cela se fait dans n’importe quel village anglais. Poundbury a aujourd’hui 2000 habitants et compte plus de 2000 emplois. Cette ville est considérée par beaucoup comme un modèle. Cet automne d’ailleurs, la Reine viendra à Poundbury pour inaugurer la grande place.

Die Welt: Zum Schluss: Welches Projekt würden Sie gern noch realisieren?

Die Welt: Pour conclure, quel projet aimeriez vous maintenant réaliser ?

Krier: Eine kleine neue europäische Hauptstadt am Rhein, zwischen Basel und Straßburg. Die Insel im Fluss bei Fessenheim wäre ideal. Bislang sind die EU-Instanzen in banalen Kisten untergebracht, sicher auch ein Grund, warum sie den Europäern so fremd sind. Die Europa-Idee aber bleibt wichtig, weil sie dauerhaft verhindert, dass dieser Kontinent wieder zum Schlachtfeld wird. Europa muss neu gegründet werden, und dazu gehört die Rekonstruktion der europäischen Stadt als Ort der offenen Gesellschaft.

Krier: Une nouvelle petite capitale européenne, sur le Rhin, entre Bâle et Strasbourg. L’ile au milieu du fleuve du côté de Fessenheim serait idéale. Jusqu’à présent, les institutions européennes se trouvent dans de banales boites, ce qui est surement aussi l’une des raisons pour laquelle elles sont à ce point étrangères aux yeux des européens. L’idée de l’Europe reste cependant importante, parce qu’elle empêche que ce continent ne redevienne un champ de bataille. L’Europe doit être réinstaurée, ce qui implique la reconstruction de la ville européenne comme siège d’une société ouverte.

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Peinture de Carl Laubin montrant Léon Krier au milieu de ses travaux et de ses projets révés. Au mur est accroché un plan de Poundbury. Source : Carl Laubin

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Q+A: Peter Eisenman and Léon Krier Talk Albert Speer Q+R : Peter Eisenman et Léon Krier discutent à propos d’Albert Speer Interview parue le 08/04/2013 dans The Journal of the American Institue of Architects Par Peter Eisenman, introduction par Eric Wills

Léon Krier (à gauche) et Peter Eisenman (à droite) , tous deux professeurs à l’école d’architecture de Yale. Source : John Midgley

Léon Krier's newly republished book on Nazi architect Albert Speer argues that a war criminal can be a great artist. Peter Eisenman sits down with Krier to challenge that claim.

L’architecte luxembourgeois Léon Krier, dont le livre sur l’architecte Nazi Albert Speer vient d’être republié, soutient le fait qu’un criminel de guerre peut être un grand artiste. Peter Eisenman vient à sa rencontre pour combattre cette affirmation.

Léon Krier acknowledges that celebrating the work of Albert Speer, Hitler’s architect of choice and a war criminal who served a 20-year prison sentence, has subjected him to vociferous criticism. Studying Speer’s buildings “without a priori condemnation has made me, in the eyes of many sound minds, an ally of sordid crimes,” he writes inAlbert Speer: Architecture 1932–1942, first released in 1985 and now being republished by Monacelli Press.

Léon Krier admet le fait que, mettre en avant les travaux d’Albert Speer, l’architecte d’Adolf Hitler et criminel de guerre qui a réalisé une peine de 20 ans de prison, l’a rendu sujet aux critiques les plus acerbes. Étudier les bâtiments de Speer « sans les condamner au préalable, l’a transformé, aux yeux de beaucoup, en un soutien des sordides crimes Nazis», écrit-il dans Albert Speer Architecture 1932-1942, publié pour la première fois en 1985 et republié cette année aux éditions Monacelli Press.

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Krier, a traditionally minded architect and urbanist who perhaps is known best as master planner of Poundbury in Dorchester, England, interviewed Speer in the early 1980s as he explored the elderly German’s ambitious plans, devised in close concert with Hitler, to transform Berlin into the capital of Europe.

Léon Krier, architecte tenant de la pensée classique et urbaniste principalement connu pour le plan de la ville de Poundbury dans le Dorchester, au sud-ouest de l’Angleterre, a rencontré Albert Speer au début des années 1980 lorsqu’il travaillait sur l’étude des anciens et ambitieux plans allemands, réalisé de concert avec Hitler, pour transformer Berlin en capitale de l’Europe.

But Krier’s book is more than just an attempt to disentangle the political intent behind the Berlin plan, the Reich Chancellery expansion, and the Nuremberg parade grounds—to name a few of Speer’s most prominent projects—from the monumental classicism of the architecture itself; it’s also an attack on Modernism as “an ideological byproduct of fossil energies.” Krier writes: “The present-day ethical blindness to the consequences of global industrialization resembles that of the Germans towards the consequences of the Third Reich’s racist policies. We consume goods that may be produced by slave labor, use machinery that may ruin conditions of life on the planet.”

Mais le livre de Léon Krier est bien plus qu’une simple tentative de séparation de la vision politique, cachée derrière le plan de Berlin, la nouvelle chancellerie du Reich et les champs de parades de Nuremberg (pour ne nommer que les projets les plus connus de Speer), du style classique monumental de l’architecture en elle-même ; c’est aussi une attaque contre le modernisme en tant qu’ « une idéologie conséquente de l’utilisation des énergies fossiles ». Il écrit : « L’aveuglement éthique contemporain, conséquent de l’industrialisation globalisée, ressemble à celui des allemands au regard des politiques racistes du troisième Reich. Nous consommons avidement ce qui est produit le travail de l’esclavage et utilisons des outils qui peuvent détruire les conditions de la vie sur la Terre ».

In February, Krier gave a lecture on Speer during “Achtung: Berlin,” a symposium at the Yale School of Architecture, before discussing his book with one of his fellow panelists, the unrepentant provocateur Peter Eisenman.

En février, Krier a donné une conférence sur Speer à l’occasion de « Achtung : Berlin », un symposium à l’école d’architecture de Yale, avant d’engager une discussion à propos de son livre avec l’un de ses confrères, l’impénitent provocateur Peter Eisenman.

Peter Eisenman: Here’s my question. I’m not interested in classicism versus Modernism. That doesn’t interest me in the least. I’m very fond of the Reich Chancellery. I think it’s a fabulous plan: It’s not rigid, classical, symmetrical. I’m not so interested in that.

Peter Eisenman: Voici ma question. Je ne porte aucun intérêt au débat « classicisme contre modernisme ». Cela ne m’intéresse même pas du tout. Par exemple, j’adore la Chancellerie du Reich. Je trouve qu’elle a un plan magnifique : ce n’est pas rigide, classique, ni symétrique. Ce n’est pas cela qui m’intéresse.

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Le Zeppelinfeld sur le champ de parade de Nuremberg, construit par Albert Speer avant la seconde guerre mondiale. Source : Time & Life Pictures/Getty Images

When I knew Albert Jr. [Speer’s son, also an architect], he used to believe in his father’s innocence. When you first did the book, there was the belief in Speer’s innocence in the general public. He wasn’t executed. He claimed not to know about the Holocaust. It was public understanding that he was innocent of any knowledge of slave labor. [His guilt] came to light 10 years ago, and it was just devastating for Albert Jr.—I know because we talked about it. He was so upset because he lost his belief in his father’s humanity, let’s say.

Lorsque j’ai rencontré Albert Speer Junior (le fils de Speer qui est également architecte), il était convaincu de l’innocence de son père. Dans la première version du livre, il y avait auprès du grand public, la croyance que Speer était innocent. Il n’a pas été exécuté. Il jurait ne pas savoir à propos de l’holocauste. L’opinion publique le pensait ignorant en toute chose à propos de l’esclavagisme. Sa culpabilité est apparue il y a 10 ans. Cela a été dévastateur pour son Albert Junior. Je le sais parce que j’ai parlé avec lui. Il était très en colère car il a perdu la conviction qu’il avait en l’humanité de son père dirons-nous.

And so when you republished this book, I expected to see at least an acknowledgement that the situation had changed. It has nothing to do with the quality of his architecture. It has to do with

Et maintenant que tu republies ce livre, je m’attendais à lire, au moins, une prise en considération de la nouvelle situation. Cela n’a rien à voir avec la qualité de son architecture. Cela a à voir avec son éthique,

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Le Hall de Marbre dans la chancellerie dessinée par Albert Speer et concu comme le nouveau quartier général du Reich à Berlin. Source : Time & Life Pictures/Getty Images

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his ethic, his morality, that he publicly hid the facts as he knew them. That omission, I’ve found problematic. I’m curious how you feel about that.

sa moralité, le fait qu’il ait caché les faits alors même qu’il était au courant. J’ai trouvé que cet oubli était un problème. Je serai intéressé de savoir comment tu ressens cela.

Léon Krier: Well, the book was [first] published in 1985. Speer died in September 1981.

Léon Krier: Eh bien, le livre a été publié pour le première fois en 1985. Et Albert Speer est mort en 1981.

PE: But these admissions came out in the last 10 years.

PE: Mais ces faits sont ressortis dans les 10 dernières années.

LK: The [German edition of the] book by Matthias Schmidt, Albert Speer: The End of a Myth, was published in August 1981, and it is that book which killed Speer. I saw him in end of June and the first week of July in 1981. And he told me that there will be a book that I’m not going to be able to handle. And I told him that I didn’t need a book to know that he was responsible in his role as Minister of Armaments, which had far-reaching powers, because he controlled the attribution of building materials around the Reich. So it was unthinkable that he would not have known. Because the death camps were colossal building sites, and he knew where this stuff was going.

LK: Le livre de Mathias Schmidt Albert Speer : The end of a Myth, a été publié pour la première fois en aout 1981. Et c’est ce livre qui a tué Albert Speer. Je l’ai vu entre la fin juin et la première semaine de juillet en 1981. Et il m’a dit qu’il paraitrait bientôt un livre que je ne serais pas capable de supporter. Je lui ai répondu que je n’avais pas besoin d’un livre pour savoir de quoi il était responsable en tant que ministre de l’armement, qui avait des pouvoir très étendu parce qu’il contrôlait la distribution du matériel de guerre dans tout le Reich. En conséquence, il était impossible qu’il ne sache pas. Parce que les camps de la mort étaient de taille colossale et qu’il savait où partait les ressources qu’il distribuait.

PE: This was not public knowledge.

PE: Ces faits n’étaient pas connus du grand public

LK: It was published. If you wanted to know it, you knew it. I knew it. But that’s not the question. The question is about the ambiguity of humankind, that we can be involved in horrendous actions and yet be very kind to our families. This is an extraordinary thing.

LK: Ils étaient en tout cas publiés. Si l’on voulait savoir, on savait. Je le savais. Mais cela n’est pas la question. La question concerne l’ambiguïté de la race humaine qui peut être à la fois impliquée dans des actions épouvantables et aujourd’hui être très attentionné envers nos familles. C’est une chose extraordinaire.

PE: You talked today about the deaths that occurred in industrialization, the mass deaths perpetrated by capitalism or communism. I happened to be in Nuremberg two summers

PE: Tu as parlé aujourd’hui à propos des morts engendrées par l’industrialisation, les crimes de masse perpétrés par le capitalisme ou le communisme. Il se fait

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ago and went to the museum and realized that in the construction of the Zeppelinfeld, the Märzfeld, only slave labor was used and there was a certain deadline for construction. And many people died from the conditions of labor that built this extraordinary—no question—extraordinary place. So your questions about industrialization killing people in a regular fashion rings hollow, because people died constructing these very projects.

que j’étais à Nuremberg il y a deux étés et je suis allé au musée. J’ai alors réalisé que la construction du Zeppelinfeld et du Märzfeld sont uniquement le fait des esclaves. Il y avait aussi des cadences fortes durant construction. Et de nombreuses personnes sont mortes dues à ces conditions de travail qui ont portant produit ce site extraordinaire -pas de question-, vraiment extraordinaire. Donc ton interrogation à propos de l’industrialisation à outrance qui est à l’origine de nombreuses morts sonne creux, parce que des gens sont morts lors de la construction de ces projets.

LK: It was a criminal regime. They used slave labor initially, relatively modestly. But then during the war, they needed it because they had the men fighting.

LK: C’était un régime criminel. Ils ont, au début, peu utilisé le travail d’esclave. Cependant, durant la guerre, ils en avaient besoin car ils avaient tous leurs hommes au front.

PE: I have no problem with discussing architecture in this, as you know. I studied Palladio. I’m doing Alberti. Albert Speer could be a subject for me. No, you know that’s not my problem. My problem is, I expected in the new edition a more …

PE: Je n’ai pas de problème à parler architecture dans ces conditions, comme tu le sais. J’ai étudié Palladio. Je suis en train d’étudier Alberti. Albert Speer pourrait être un sujet d’étude pour moi. Non, tu sais, ce n’est pas mon problème. Mon problème est que j’espérais, dans la nouvelle édition, plus de…

LK: No, because it proves you have not read the book.

LK: Non, parce que cela prouve que tu n’as pas lu le livre.

PE: I read the book. I just re-read it.

PE: J’ai lu le livre. Je viens juste de le re-lire.

LK: The initial book, it was a little sentimental, I would say. The style was a bit emphatic. There was nothing really to correct, apart from the stylistic flaws. But the content is even sharper than it was before, because really the problem is not our differences with the Nazis, but our parallels. That is what the book is about.

LK: Le livre initial était, à vrai dire, un peu trop sentimental. Le style était trop empathique. Il n’y avait pas grand-chose à corriger hormis les erreurs de style. Mais le contenu est encore plus tranchant qu’il n’était auparavant, car le vrai problème n’est pas nos différences avec les Nazis mais nos ressemblances. C’est de cela que parle le livre.

PE: I don’t believe in Nazi architecture. I

PE: Je ne crois pas en l’architecture Nazie. Je

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don’t believe in Fascist architecture. All architecture is political.

ne crois pas en l’architecture fasciste. Toute architecture est politique.

LK: The best architecture is political. Because it builds polis, it builds society.

LK: La meilleure architecture est politique. Parce qu’elle crée la ville, elle crée la société.

PE: So the question is, the son felt differently about him. You don’t have a different sense of Speer as a person? Because he was different than all of the people around Hitler. He was of a different class, of a different sensibility.

PE: Donc la question est, est-ce que le fils a un ressenti différent à propos de son père. Tu n’as pas un ressenti différent de Speer en tant que personne ? Parce qu’il était différent des autres personnes entourant Hitler. Il provenait d’une classe sociale différente, d’une sensibilité aussi différente.

LK: He came from a bourgeois family.

LK: Il est issue d’une famille bourgeoise.

PE: He could have been different.

PE: Il aurait pu être différent.

LK: He should have, yes. But so should have the whole German upper middle class: the engineers, the doctors, all the people who participated in the system.

LK: Il aurait dû, oui. Mais tout comme tous les allemands des classes sociales supérieures : les ingénieurs, les docteurs, tous les gens qui ont participé au système.

PE: So you still would maintain there’s no difference today in the view of Albert Speer?

PE: Donc tu maintiens toujours qu’il n’y a pas de différence aujourd’hui concernant la responsabilité de Albert Speer ?

LK: No, the book gives you that view, which I think is the right reading. He is highly responsible. He is all the more responsible because he was in this high position. He was very educated. He was extremely good looking. He had everything, really, to his advantage. He’s all the more guilty. Yet, he’s a great artist. I forgot to show my last slide today, where you see the Berlin skyline by Speer, with the big dome. And then the [projected] Manhattan skyline in 2050. What is the more humane city? What is going to survive better into the future?

LK: Non, le livre te donnes cette opinion, qui est je pense la bonne lecture. Il est hautement responsable. Il est d’autant plus responsable du fait de sa haute position sociale. Il a reçu une très grande éducation. Il avait une très bonne apparence. Il avait tout, vraiment tout, pour lui. C’est pour cela qu’il en est d’autant plus coupable. Maintenant, c’est un grand artiste. J’ai oublié de montrer ma dernière diapo dans ma présentation d’aujourd’hui, où l’on voit la skyline de Berlin imaginée par Speer, avec le grand dôme. Et, en comparaison, la future skyline de Manhattan en 2050. Quelle ville est la plus humaine ? Que-ce qui va à l’avenir le mieux subsister ?

PE: A humane city? Now you’re sounding like Hans Stimmann, [the former Senatsbau-

PE: Une ville humaine ? Maintenant, on croirait entendre Hans Stimmann

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direktorin in Berlin]. Because the reason I did not build [the Max Reinhardt House] in Berlin is because it was not considered humane. Those towers were monuments, they were icons. But let’s talk about master planning. You made a plea today about the need for master planning. My feeling is that master planning, through at least the 19th and 20th century, has proven to be illusory, and in a certain way destructive, whether it’s [Ludwig] Hilberseimer or Corbusier. I don’t even count Speer.

(l’ancien Senatsbau-direktorin (directeur de l’aménagement urbain) de Berlin). La raison pour laquelle je n’ai pas construit (la Max Reinhardt House) à Berlin est parce que ce bâtiment n’était considéré comme humain justement. Ces deux tours étaient des monuments, des icônes. Mais parlons maintenant de planification urbaine. Tu as fait aujourd’hui un plaidoyer à propos de la nécessité d’avoir un plan directeur. Mon sentiment à ce propos, est que l’urbanisme, à travers, au moins, le 19ème et le 20ème siècle, s’est révélé n’être qu’illusoire et d’une certaine façon, destructeur, peu importe que cela soit Ludwig Hilberseimer ou de Le Corbusier. Et je ne parle même pas de Speer.

LK: I think you maybe confuse the term of master planning. You confuse the result with the technique, because you cannot do a city without master planning.

LK: Je pense que tu confonds peut-être les conditions de l’urbanisme. Tu confonds le résultat et la méthode parce que tu ne peux pas faire une ville sans planification urbaine.

PE: I don’t want to do a city. That’s what I’m saying. We don’t need to do a city. I don’t need a master plan for New Haven today.

PE: Je ne veux pas faire de ville. C’est ce que je veux dire. Nous n’avons pas besoin de de faire des villes. Je n’ai pas besoin de plan directeur pour New Haven aujourd’hui.

LK: And look what it is like.

LK: Et regarde maintenant de quoi ça à l’air.

PE: It’s awful, but they have a master plan.

PE: C’est affreux, mais ils ont un plan directeur.

LK: They had the wrong master plan. Again, you condemn the instrument, instead of condemning the idea, which ruined the town.

LK: Ils avaient un mauvais plan directeur. Encore une fois, tu condamnes l’instrument au lieu de condamner l’idée, qui, elle, a détruit la ville.

PE: The wrong master plan is devastating. It’s better to have no plan than a bad master plan.

PE: Un mauvais plan directeur est dévastateur. C’est mieux de ne pas en avoir que d’en avoir un mauvais.

LK: It’s like you have bad shoes and you condemn the shoe. Just change your shoes.

LK: C’est comme si tu avais de mauvaises chaussures et que tu condamnais les chaussures en général. Change simplement de chaussures.

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PE: It’s not so easy to get the right master plan. Here’s the way I would argue with you, given the change in my own work. I am starting to do larger-scale projects. … But I also realize that I’m not capable of operating beyond a certain scale.

PE: Ce n’est pas si simple d’avoir le bon plan directeur. Voilà la façon dont je parlerais avec toi, étant donné les changements dans mes propres travaux. Je vais bientôt commencer à faire des projets à grande échelle… Mais j’ai aussi réalisé que je ne suis pas capable de travailler au delà d’une certaine taille.

LK: You are much closer to Albert Speer than you think. I am very, very far away. But a project like you did in Santiago [de Compostela in Spain], it’s a scale that is no longer the size of a building. It’s a whole landscape. At Harvard now they call it landscape urbanism.

LK: Tu es plus proche de Albert Speer que tu ne le crois. J’en suis vraiment très loin. Mais le projet que tu as réalisé à Saint Jacques de Compostelle a une taille qui n’est plus celle d’un simple bâtiment. C’est carrément un paysage entier. À Harvard, ils appellent cela du « Landscape Urbanism » maintenant.

PE: Santiago is 200,000 square meters. Six buildings. We’re doing 15 buildings in Istanbul, the same outside of Naples. We’re starting to do larger-scale projects, but they’re not what I would call master plans.

PE: (Le projet à) Saint Jacques de Compostelle fait, en superficie, 200 000 mètres carrés. Six bâtiments. Là nous sommes en train de construire 15 bâtiments à Istanbul, la même envergure qu’à Naples. Nous commençons à faire des projets à grande échelle mais ce n’est pas ce que j’appellerai des plans directeurs.

LK: So where is your limit? What is too big?

LK: Alors quelle est ta limite ? Qu’est-ce qui est trop grand ?

PE: I don’t know what it is.

PE: Je ne la connais pas.

LK: I am now your client. I have a load of funds and political pull. I ask you to design a new town for me. Would you refuse?

LK: Je suis désormais ton client. J’ai beaucoup de moyens et la volonté politique. Je te demande de créer une ville nouvelle pour moi. Tu refuserais ?

PE: I would say no. These towns that people are designing in China … I have some morality.

PE: Je dirais non. Regarde ces villes que les gens créent en Chine… J’ai encore une morale.

LK: Come on. I don’t believe you. I design anything I can fit on this size of paper, whether it’s a town or a chair.

LK: Aller. Je ne te crois pas. Je crée tout ce qui peut tenir sur la taille d’une feuille de papier, peu-importe qu’il s’agisse d’une ville ou d’une chaise.

PE: No, no, see, I don’t believe that. It makes a difference to scale, to the human

PE: Non, non, regarde, je ne crois pas à ça. Cela fait une différence d’échelle pour

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individual. You think you could design a town—honestly, you—for three million?

l’individu. Tu penses que tu pourrais, honnêtement, faire une ville pour trois millions d’habitants ?

LK: Yes. I am strongly convinced I can do it better than most people do.

LK: Oui. Je suis persuadé que je peux le faire mieux que la majorité des gens le font.

PE: See, I don’t believe I could. Do you believe there is any urban plan since World War II of any value urbanistically?

PE: Tu vois, je ne crois pas que je puisse le faire. Tu crois qu’il y ait eu un plan urbain, depuis la seconde guerre mondiale, qui ai eu une quelconque valeur urbaine ?

LK: Yes, there are many. Poundbury is an important development. It’s a real city. You won’t go there; it’s not to your liking. But the master planning process works there.

LK: Oui, il y en a plusieurs. Poundbury est une expérience importante. C’est une vraie ville. Tu n’iras pas là-bas ; ce n’est pas ce que tu aimes. Mais la façon de travailler avec un plan urbain directeur fonctionne là-bas.

Une rue à Pounbury, la ville anglaise pour laquelle le Prince Charles a engagé Léon Krier à la fin des années 80. Source : Stephen Spraggon

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PE: It’s not a question of my liking. It’s a question that you believe, you keep arguing for the present. You argue that the Nazi leaders argued for an architecture of the present. And I would argue that Poundbury is an architecture of nostalgia. There is an aesthetic at Poundbury that I don’t think is of the present.

PE: Il n’est pas question ici de ce que j’aime ou pas. La question est de savoir si tu y crois. Tu parles toujours pour le présent. Tu dis que les chefs Nazis parlent d’une architecture au présent. Et moi je dirais que Poundbury est une architecture nostalgique. Il y à Poundbury un style qui n’est pas, je pense, celui du présent.

LK: But that’s where you are wrong, because it has nothing to do with going back into the past or thinking that the past was better.

LK: Mais c’est là où tu as tort, parce que cela n’a rien à voir avec le fait de revenir dans le passé ou de penser que c’était mieux avant.

PE: I would argue that there is a difference between Poundbury and [the work done by Luigi] Moretti, [Guiseppe] Vaccaro, and [Adalberto] Libera [for Mussolini]. I think that you’re unwilling to admit that my liking

PE: Je dirais qu’il y a une différence entre Poundbury et (les travaux effectués par) (Luigi) Moretti, (Guiseppe) Vaccaro et (Adalberto) Libera (pour Mussolini). tu ne voudras pas admettre que mon goût pour

Le «Palazzo dei Congressi» à Rome, construit par l’architecte italier Adalberto Libera en 1938 et complété en 1954. Source : maxphotography

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for Moretti and Vaccaro is not nostalgia. It’s something else. We’re not going to talk about Speer’s plan for Berlin because I think it’s another thing: The North–South Axis is a great idea. The scale of that dome, I think, is a little big. The scale of the 405,000-seat [stadium Speer designed in Nuremberg], to me, is crazy.

(les travaux de) Moretti et Vaccaro n’est pas de la nostalgie. C’est quelque chose de différent. Nous n’allons pas parler du plan de Speer pour Berlin parce que, je crois que c’est autre chose : L’axe Nord-Sud est une bonne idée. L’échelle du dôme est, je pense, un peu trop grande. L’échelle du stade de 405 000 places (stade que Speer a dessiné à Nuremberg) est à mes yeux, dingue.

LK: You would refuse to plan it.

LK: Tu refuserais de le faire.

PE: Yeah. I would. I’d plan it at 70,000. The traffic. Come on, Léon, think of it, trying to get in and out of a 405,000-seat stadium.

PE: Oui. Je refuserais. Je le ferais à 70 000. Pour les circulations. Aller Léon, pense à ça, essayer d’entrer et de sortir d’un stade de 405 000 places.

LK: I am not proposing it. I am just looking at it as well done. It’s a beautiful thing.

LK: Je ne le propose pas. Je le regarde seulement comme un travail bien fait. C’est une chose magnifique.

Albert Speer Architecture, couverture, réédition, 2013, The Monacelli Press Source : Noah.Kalina

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