3 minute read

Douter pour créer

J’ai longuement hésité sur le choix d’un sujet d’article pour ce numéro et ce n’est qu’après avoir trépigné un bon moment et avoir fait environ 50 fois le tour de mon appartement ( qui n’est pas immense vous l’aurez compris) qu’une idée m’est venue : pourquoi ne pas écrire sur ce qu’on oublie toujours un peu mais nous agace toujours beaucoup... Le doute ! Et oui, sans cesse relégué au rang de défaillance, le fameux doute semble incompatible avec l’idée même de création ; et pourtant ! Ne soyons pas si durs, l’incertitude a aussi sa part de lumière. Bien plus qu’une simple perte de temps face à la carte du restaurant ; il peut s’avérer utile, et même bénéfique. Et si je vous disais que le doute peut même s’avérer être un support à la création artistique ? Alors à tous les sceptiques, les indécis et les tatillons, laissez-moi vous convaincre qu’il existe de bonnes raisons d’aimer à douter !

Vous n’y croyez pas (encore), et pourtant, de nombreux artistes, peintres comme écrivains ou chanteurs, ont su lui trouver une place de choix dans leur processus de création artistique.

Advertisement

On pourrait ainsi penser à Rembrandt et son célèbre tableau Le Peintre dans son atelier de 1629 (Boston, Museum of fine arts). Le peintre s’est en effet représenté dans son atelier, palette à la main, à quelques mètres d’une grande toile qu’il fixe avec attention, comme pour en juger le rendu final ou au contraire en quête d’inspiration d’un sujet à peindre… 23

Quoiqu’il en soit, le peintre a choisi de se représenter sous les traits d’un artiste se questionnant et interrogeant son œuvre. Voici donc sous vos yeux ébahis, un rayonnant coup d’encensoir à l’indécision !

Voilà de quoi vous prouver que même les plus grands sont passés par là ! Mais si le doute peut être mis en couleurs, il peut aussi être couché sur le papier, nourrissant certains des plus beaux textes de la littérature française ! Zola, par exemple, dans son roman l’Œuvre met en scène les tourments d’un jeune peintre avant-gardiste face à l’œuvre de sa vie, à travers son insatisfaction permanente et son angoisse de déchoir de son statut d’artiste accompli. Cependant, derrière ce drame éternel de l’artiste aux prises avec la création, se cache aussi l’enthousiasme crépitant d’une révolution artistique en marche ! L’écrivain livre par là même un véritable éloge à l’élan artistique, tissant un magnifique dialogue permanent entre ces deux notions, pour n’en former plus qu’une : l’Art, pour le meilleur et pour le pire.

Mais les romanciers ne sont pas les seuls à se nourrir du doute pour créer, nous ne saurions impunément oublier les poètes ! On pourrait ainsi penser à Baudelaire, et à son combat fragile avec ses poèmes, qu’il appelle aussi parfois « ses fleurs », qu’il craint tant de voir faner… Il évoque ainsi dans son sonnet « L’ennemi » la crainte de voir tarir sa source d’inspiration et cette angoisse d’une future impossibilité d’écrire, pour cause de l’irruption inextricable de son ennemi : le temps. Et c’est pourtant en gravant sur le papier l’indécision fugace d’un instant, qu’il fait naître par là même une œuvre d’art à jamais.

Alors soyez créatif et n’ayez plus peur du doute, lui qui peut aussi se transfigurer en muse et merveilleuse matière à création ! Amateurs du syndrome de la page blanche, faites donc de l’incertitude votre meilleure alliée (ou bouée de sauvetage :)) et puis, après tout, le doute ne fait-il pas indéniablement partie de tout processus créatif ?

Victoria. L

This article is from: