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Base de l’Athéna Parthénos, naissance de Pandore

S’il est un mythe parlant de Création dans la mythologie grecque, c’est bien la création de Pandore, accompagnée de sa fameuse “boîte”. Pandore “tous les dons”, qui est responsable, à l’instar d’Eve dans la Bible, de tous les maux de l’humanité pour avoir été trop curieuse et pour avoir désobéi aux dieux. Un mythe d’autant plus important qu’il figure sur la base de la plus célèbre statue d’Athéna : la Parthénos chryséléphantine de Phidias achevée en 438, trésor du Parthénon.

La présence de cette iconographie parmi un programme célébrant une Athéna glorieuse, des Athéniens triomphants et défenseurs de la civilisation grecque, peut surprendre. Pourquoi, au milieu des batailles épiques et des attributs protecteurs, représenter cette femme qu’Hésiode qualifie de «kalon kakon», une belle nuisance, un beau mal ?

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Pandore, toujours selon Hésiode, fut créée sur l’ordre de Zeus pour punir les hommes et Prométhée d’avoir dérobé le feu aux dieux. Ainsi chaque divinité apporte son grain de sel lors de sa conception : elle est modelée dans l’argile par Héphaïstos et Athéna lui insuffle la vie, Aphrodite lui donne la beauté, Apollon lui enseigne la musique. Enfin Hermès lui inculque la curiosité et le mensonge, tandis qu’Héra lui apprend la jalousie.

Sa présence sur la base de la statue est-elle une mise en garde contre l’hybris et les fureurs divines? Pandore permet également de montrer l’intervention des autres dieux du panthéon, en particulier le rôle d’Héphaïstos. En effet la première femme est, au même titre qu’Erichthonios, roi légendaire d’Athènes et sculpté sous la forme d’un serpent aux pieds de la déesse, issue d’Héphaïstos et d’Athéna. Le mythe de sa naissance relie à nouveau les deux divinités complémentaires de l’artisanat, d’ailleurs représentées côte à côte sur la frise des Panathénées.

Et c’est en se penchant sur l’Athéna ergane (l’ouvrière) et le domaine du théâtre qu’une explication supplémentaire apparaît. Dans une pièce de Sophocle intitulée Pandore et les satyres frappeurs dont seuls trois vers nous sont parvenus, on apprend qu’Athéna est celle est qui enseigne à la jeune femme le tissage et les travaux féminins. La représentation de Pandore sur la base de l’Athéna Parthénos fait ainsi écho à la procession rituelle des Panathénées au terme de laquelle les jeunes filles revêtaient la statue de culte du péplos qu’elles avaient tissé.

Lilou F

Parmi la Gigantomachie, Centauromachie ou Amazonomachie, thèmes tout à fait traditionnels de l’art grec qui apparaissent aussi bien dans la sculpture architecturale que sur l’Athéna Parthénos elle-même, la naissance de Pandore figurait en effet sur la base de cette statue. Mais d’autres sculptures possédaient une base en lien avec la naissance d’un personnage mythique, qui plus est mortel. Ainsi, Agoracrite de Paros, élève de Phidias, a-t-il réalisé une statue de Némésis, déesse prête à venger les dieux de tout homme un peu trop orgueilleux, dans un contexte anecdotique rapporté par Pline l’Ancien : Alcamène, lui aussi suiveur de Phidias, aurait concouru contre Agoracrite pour la création d’une statue d’Aphrodite.

C’est finalement celle d’Alcamène que les Athéniens auraient choisie. Agoracrite aurait alors baptisé son œuvre Némésis et l’aurait faite placer dans le sanctuaire de la déesse à Rhamnonte, en Attique. La base aurait par conséquent été réalisée plus tard que la statue. Elle a pu être partiellement reconstituée à partir de fragments découverts dans le temple. Selon Pausanias, celle-ci représente une version un peu différente du mythe d’Hélène, qui contribue d’ailleurs à expliquer sa présence sur la base d’une statue de Némésis. En effet les Chants Cypriens font de Némésis et Zeus les parents d’Hélène, et non Léda et Tyndare. Ces derniers l’auraient élevée comme leur propre fille. Hélène serait donc née d’un œuf conçu lorsque Némésis, tentant de fuir Zeus, avait pris la forme d’une oie. Un cratère en cloche attique attribué au peintre de Polion, vers 420 av. J.-C. conservé à Bonn, représente Léda, Tyndare et les Dioscures attendant l’éclosion de l’œuf, en présence d’une effigie de Zeus.

Mais sur la base de Némésis, Hélène est représentée debout entourée de membres de sa famille, dont Léda et Némésis. Elles semblent figurer toutes les trois au centre de la face antérieure de la base. Ainsi, il s’agirait de la représentation du moment où Hélène retrouve Némésis, soit aux Enfers chez les Bienheureux, soit à Rhamnonte puisqu’un mythe local attribue une partie du succès des Grecs à Marathon à l’intervention de Némésis. D’autres expliquent aussi la présence de ce thème de façon classique par une recherche de cohérence avec le reste du décor du temple dans lequel se situait la statue, notamment l’acrotère central qui pourrait figurer l’enlèvement d’Hélène par Thésée.

Dans tous les cas, de la même manière qu’Athéna et Héphaïstos ont créé Pandore, c’est une ascendance divine qui est attribuée à Hélène. Ainsi, la base de l’Athéna Parthénos présente Athéna comme ayant donné vie à Pandore, et la base de la Némésis d’Agoracrite, Némésis comme mère d’Hélène. Pandore comme Hélène sont présentées comme des « fléaux » : l’une apporte le mal parmi les hommes, l’autre est un élément déclencheur de la guerre de Troie. On notera toutefois que dans la version d’Euripide, c’est l’ombre, le fantôme, d’Hélène qui rejoint Pâris, tandis que la véritable Hélène est amenée par Hermès en Egypte, à Pharos, et demeure fidèle à Ménélas.

Lyse D.

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