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Souvenirs

Il y a de cela quelques semaines, j’ai retrouvé dans mon grenier quelques photos du Paris de ma jeunesse. A peine eus-je le temps de dépoussiérer les photos qu’une délicate odeur de souvenirs traversa mon esprit, une poignée de pensées du passé revinrent alors à ma mémoire. Laissez-moi vous emmener avec moi dans le Paris de mes jeunes années.

Ah Paris, vieille capitale d’un vieux pays qu’est la France, une histoire digne des plus grandes épopées, cette ville a tout connu, la richesse, la gloire des soldats de 14 enfin revenus après quatre ans de guerre, où chaque famille perdit un membre... Paris c’est aussi un souvenir d’humiliation, lorsqu’en 40, l’ennemi se retrouve à nos portes… Paris enfin, c’est une ville libérée, dont la grandeur artistique n’a plus rien à prouver ; Paris a toujours été un foyer culturel foisonnant, mais voici comment je l’ai connu.

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Par un temps de décembre, sans doute semblable à celui-ci, je monte dans la capitale pour la première fois. Dès lors mon premier souvenir est celui d’une ville qui ne dort que très peu voire pas du tout, je me revois avec des yeux d’enfants illuminés devant la tour Eiffel, symbole de Paris. Ce monument me fascinera toujours ; longtemps décriée par une presse réactionnaire et ovationnée par une série d’ingénieurs de talent, cette tour est fascinante !!! Elle est le point culminant du tout-Paris, son phare, éclairant à des kilomètres, nous annonce sa présence et nous montre toute l’étendue de sa grandeur. Et que dire d’elle la nuit…. un monument se parant de sa plus belle teinte : le jaune-orangé ; lorsque que le Soleil se couche, c’est la tour Eiffel qui éclaire les Parisiens comme elle éclairait le monde en des temps plus illustres.

Et lorsqu’elle se met à scintiller, une galaxie d’étoiles se crée sous nos yeux. Le monde s’arrête alors pour laisser place à notre imagination, ces quelques minutes suffisent à nous transporter dans un monde lointain où l’innovation technique se mêle à la légende. Je me souviens d’un petit manège, aux pieds de cette grande dame de fer, où mon père m’emmenait souvent, j’espère que ce manège ravira encore de nombreux enfants.

Mes yeux deviennent humides, je décide de passer à une autre photo et pas n’importe laquelle, celle du Sacré-Cœur…. J’ai accumulé tant de souvenirs à Montmartre, les plus marquants furent les plus simples… Toujours avec mon père, je nous revois aux terrasses d’un café les dimanches matin, lui avec son café au lait et moi avec mon chocolat, j’hume encore cette odeur aujourd’hui…. Bien évidemment, de Montmartre, je garde aussi le souvenir intarissable de la Basilique. Ce que je retiens surtout ; c’est la blancheur des pierres faisant contraste avec le bleu azur du ciel. Le bâtiment en lui-même semble être saint, comme une part de sacralité s’élevant au milieu de l’espace urbain toujours fourmillant. Ce havre de paix contraste justement avec une certaine barbarie urbaine s’étalant de plus en plus et allant toujours plus vite. Bien sûr, il faut de l’évolution et de l’innovation mais cette basilique nous rappelle que le calme est l’une des premières vertus qu’il faut savoir acquérir…

Restons dans le recueillement, voici à présent la photo du monument qui m’a le plus marqué étant jeune : le Panthéon. Bâti sur la montagne Sainte-Geneviève, trônant fièrement parmi les méandres des rues haussmanniennes et le tumulte parisien tel un berger guidant ses moutons. Il nous éclaire de son prestige et nous rappelle à quel point notre passé est glorieux. Ma première visite eut lieu lorsque je devais avoir aux alentours de 8-10 ans, les souvenirs ne sont, hélas, pas toujours clairs … Je n compris pas tout de suite que ce lieu était chargé d’histoire, pour moi c’était un monument religieux comme il pouvait y en avoir tant d’autres dans la ville.

C’est en y revenant, quelques années plus tard, que je compris toute la symbolique du bâtiment. Comme le Panthéon de Rome, celui de Paris est aussi chargé d’histoire ; c’est avec une certaine pensée émue que je me revois arpenter, seul, les différents couloirs de la crypte. A force de visites, les noms à côté des portes des caveaux étaient devenus familiers voire même intimes. Je me revois chercher, avec difficulté, le caveau de Jean Moulin avec son terrible cortège, celui de Victor Hugo avec ses Misérables, et les cendres de Jaurès veillées par la justice…

Je fais le tri dans mes photos et m’aperçois que certaines sont très abîmées et illisibles, triste perte d’une partie de moi-même dans le monde de limbes qu’est ma mémoire.

Au hasard de quelques cahiers enfouis dans de vieux cartons, j’ai trouvé une photo bien intéressante, elle est pleine de poussière. Cette photo, c’est l’une de mes premières, elle ne montre pas un monument mais des ruelles avec un escalier. Cette artère de Paris dégage quelque chose d’étrange, presque d’intemporel, on s’y sent figé comme dans un roman d’Eugène Sue. Cette représentation de la capitale pourrait être un véritable décor de film historique où se mélangent l’intime, l’exaltation romanesque urbaine et une délicate odeur de souvenir batifolant joyeusement dans une mémoire collective prompte à la résurrection d’une histoire commune. Je me souviens encore du lieu de cette photographie, un renfoncement de la rue Monge, j’espère que l’endroit n’a pas changé…

Voici à présent la dernière photographie que j’ai pu retrouver, elle nous montre ce qui est peut-être l’un des symboles les plus connus de la Ville Lumière. Je veux bien évidemment parler de la pyramide du Louvre. Cette véritable prouesse technique mélange le passé par sa forme pyramidale 19

et par son emplacement dans la cour Napoléon et la modernité par le choix du matériau utilisé : le verre. La pyramide, véritable dernière Merveille du Monde encore debout, elle symbolise plus qu’un pays, elle symbolise fièrement la culture antique passée. Au même titre que le temple grec, la pyramide s’inscrit dans la lignée de notre histoire commune.

Finalement à travers quelques photos souvenirs, on trouve non seulement du passé dans une ville aussi moderne que Paris, mais aussi au sein de nous-mêmes. Ce qui nous forge, c’est l’expérience. Ce qui nous anime, c’est nos souvenirs.

Raphaël P.

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