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Petite plongee dans les bizarreries du Larousse 1927

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Souvenirs

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))))))))))))))))) Petite plongée dans les bizarreries du Larousse 1937

Le dictionnaire. Voilà bien ce qui semble être, à l’instar de l’Académie Française et de la choucroute au riesling, une institution immuable. Nom masculin ou féminin, prononciation, définition, exemples. Si j’accole à ce terme l’année 1937, je vous sais en train d’imaginer de petits académiciens poussiéreux, à moustaches et besicles, s’esquintant à la tâche philosophique, pressurant le jus du mot pour en faire sourdre quelques gouttes d’essentiel.

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Et pourtant, les rédacteurs du Larousse 1937 étaient de fieffés personnages. Car, si la norme est aujourd’hui de proposer des définitions totalement neutres, notre exemplaire est au contraire un sacré florilège de clashs cuisants, d’avis bien tranchés et d’éloges tous plus lyriques les uns que les autres.

Un petit exemple ? L’Émile de Rousseau, « avec beaucoup de sophismes, recèle des idées utiles sur les exercices physiques ». Si un troisième confinement se profile, vous saurez où trouver de l’inspiration pour le sport à la maison. Eugène Sue, quant à lui, écrit des « œuvres d’un style souvent lâché, mais d’une grande puissance d'imagination ». Certains n’ont guère l’honneur de la nuance : Cléopâtre n’est ainsi qu’une « reine d'Égypte célèbre par sa beauté ». Quant à Pierre Curie, vu la tête tirée par notre bonhomme, il semble quelque peu contrarié que Marie ait juste été indiquée comme « sa femme ». J’ai vérifié pour vous, « féminisme » figure dans ce dictionnaire.

Les clashs sont aussi disséminés parmi les noms communs : vous apprendrez ainsi que le spleen n’est qu’une « maladie hypocondriaque ». Quant au kiwi, ce sublime petit oiseau est dénommé aptéryx et ne possède que « des rudiments d’ailes ».

Retourner aux noms propres nous permet néanmoins de trouver les plus grosses pépites : la palme du clash est ainsi décernée sans conteste au rédacteur de la notice sur Georges de Scudéry. Notre bon monsieur est en effet décrit comme d’un « caractère de matamore, écrivain hâtif et précieux, auteur de l’épopée d’Alaric, ridiculisée par Boileau ». Notre rédacteur haut en couleur reconnaît infiniment plus de talent à sa sœur, Madeleine de Scudéry, qui a peu à peu effacé son frère de notre mémoire à tous.

J’ai ici une transition toute trouvée pour vous faire naviguer du côté des oubliés de la postérité, de ces individus qui ont eu le malheur de se faire quelque peu écraser par un homonyme aujourd’hui plus célèbre, mais qui avaient encore leur petite place bien chaude en 1937. Nous pourrions ainsi citer Victorien Sardou, à qui nous envoyons une petite pensée, auteur de pièces de théâtre aux noms vendeurs de rêve tels que Les pattes de mouche ou Madame sans-gêne. J’aimerais ici rendre un petit hommage à un test publié récemment sur le site du LB en évoquant également Dominique-René Vandamme, général dont la page sur www.senat.fr est riche et instructive, et dont ce dictionnaire ne retient que la détention après le désastre militaire de Kulm. Clash discret mais efficace.

Nous retiendrons, en contraste, la pudeur avec laquelle est évoquée la mort de notre cher Charles VIII, qui « mourut à Amboise, des suites d’un coup qu’il se donna à la tête » (comprenez : il se prit un linteau de porte un peu trop bas).

Il serait malhonnête d’oublier les éloges qui fourmillent également dans ces pages, et virent parfois à des déclarations d’amour quelque peu groupies. Voici l’entrée dédiée à Voltaire : « nul écrivain ne fut plus français par la limpidité, l’élégance, la précision spirituelle et la pureté du style ». Nous disions neutralité. Le sommet se trouve sans doute en F, comme La Fontaine : « Nul n’a en effet retrouvé ailleurs cette grâce exquise [...], cette naïveté piquante, ce naturel et cette simplicité unis à un art si parfait [...], ce bon sens supérieur, cette candeur charmante avec laquelle il fait parler et agir ses personnages. » Oui, il y a bien quelques coupes.

Je ne saurais conclure cet article sans souligner que nous sommes tous dans ce dictionnaire. Si si, nous avons notre petite part, entre Voltaire et Rousseau.

« École du Louvre, à Paris. Cours libres d’histoire et d’archéologie. 3 années d’étude. »

L’École des Chartes est également mentionnée. Mais avec une mention entre parenthèses qui fera sans doute sourire les promotions actuelles, et que je me devais de partager : « jeunes filles admises ».

Marie Vuillemin

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