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Au matin du monde

Au matin du monde…

« Quand Ymir seul vivait il y a longtemps, Il n’était ni sable ni mer ni vagues houleuses. Il n’y avait ni terre ni ciel au-dessus Mais un gouffre béant sans aucune végétation » Völuspá, Edda poétique

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N’avez-vous jamais vu pareille introduction pour une cosmogonie dans l’ensemble des mythologies du monde ? Ce que vous venez de lire ci-dessus n’est autre que la septième strophe de l’un des nombreux poèmes composant la plus ancienne des principales sources sur la mythologie nordique, l’Edda poétique. Il s’agit d’un recueil de poèmes en vers rédigés en vieux norrois et compilés en Islande entre les années 1050 et 1133. Il porte en grande partie sur la théogonie nordique et inclut donc le Völuspá (« Prophétie de la voyante » ou « Dit de la voyante »), un texte à caractère prophétique attribué à la Völva ou « voyante ».

En effet, ce poème cosmogonique et eschatologique prend la forme d'un long monologue où une voyante expose au dieu Odin, en une série de visions riches de détails, l'histoire et le destin du monde, des dieux et des hommes, depuis l'origine du monde jusqu'au Ragnarök qui verra l'avènement d'un renouveau de l'univers. Mon choix pour ce texte n’est aucunement anodin et est intimement lié au thème du passé. En effet, le Völuspá est implicitement divisé en trois parties : le passé (strophes 1 à 18), le présent (strophes 19 à 43) et le futur ou la fin (strophes 44 à 66). Vous venez de découvrir ici les thèmes des prochains numéros, thèmes sur lesquels je vais consacrer un cycle basé sur cette œuvre majeure de la mythologie nordique.

Ainsi, commençons par le passé… Au commencement n’était que le vide, un vide nommé Ginnungagap, ce qui signifie le gouffre béant, le gouffre immense des origines, porteur de possibilités magiques. Ce néant primordial n’est pas sans nous rappeler le Chaos des mythologies indo-européennes, bien qu’ici ce soit le climat qui joue un rôle prépondérant dans la naissance de l’Univers.

En effet, au nord de ce gouffre se situait Niflheim, le pays du froid, de la glace et des ténèbres, tandis qu’au sud se trouvait Muspellheim, le pays du feu et de la lumière, gardé par le géant de feu Surt. Dans le gouffre coulaient onze rivières empoisonnées venant de Niflheim, sous le nom d’Elivagar, qui prenaient leur source dans à la fontaine Hvergelmir. Le poison contenu dans leurs eaux se condensa et forma une glace épaisse, dont les couches successives s’accumulèrent et stagnèrent dans le Ginnungagap. Quant à la partie sud du gouffre, elle était en permanence balayée par l’air brûlant, les étincelles et les matières en fusion provenant de Muspellheim. Sous l’effet de ces scories brûlantes, la glace commença à fondre et de cette sorte de « printemps » naquit le géant primordial Ymir, et la vache Audumla, symbole de fécondité. Ymir, aussitôt né, s’abreuva des quatre ruisseaux de lait qui coulaient de ses pis. Dans son sommeil, des gouttes de sueur se formèrent sous ses aisselles, d’où naquirent un mâle et une femelle, un couple de géants, tandis qu’un autre géant naissait de ses pieds joints.

Tandis qu’Ymir procréait, Audumla était occupée à lécher les blocs de givre et se nourrissait du sel qu’ils contenaient. Or, en léchant ainsi la glace, qui fondait sous sa langue tiède, elle mit au jour d’abord les cheveux, puis la tête, et enfin le corps entier d’un être vivant qui eut pour nom Buri. Celui-ci était, comme Ymir, capable de se reproduire par lui-même et il eut donc un fils, Bor.

S’accouplant avec Bor, Bestla, une fille d’Ymir, donna le jour aux trois premiers dieux : Odin (divinité de l’Air), Vili (divinité de la Lumière, aussi connu sous le nom de Lódur) et Vé (dieu du Feu, aussi connu sous le nom de Hœnir). Dès lors, deux races coexisTandis qu’Ymir procréait, Audumla était occupée à lécher les tèrent : celle des dieux et celle des géants. blocs de givre et se nourrissait du sel qu’ils contenaient. Or, en léchant ainsi la glace, qui fondait sous sa langue tiède, elle mit au jour d’abord On ne sait pour quelle raison, les jeunes dieux, déclarant le les cheveux, puis la tête, et enfin le corps entier d’un être vivant qui eut début des hostilités, décidèrent de tuer Ymir. Un fleuve de sang pour nom Buri. Celui-ci était, comme Ymir, capable de se reproduire par s’écoula alors du corps du géant primordial et noya tous les géants lui-même et il eut donc un fils, Bor. S’accouplant avec Bor, Bestla, une fille d’Ymir, donna le jour aux trois premiers dieux : Odin (divinité de l’Air), Vili (divinité de la Lumière, aussi connu sous le nom de Lódur) et Vé (dieu du Feu, aussi connu sous le nom de Hœnir). Dès lors, deux races coexistèrent : celle des dieux et celle des géants. à peine nés. De ce déluge s’échappa cependant un des fils d’Ymir, Begelmir, ainsi que son épouse, permettant ainsi à la race des géants de renaître et de se multiplier. Ce premier meurtre accompli, Odin, Vili et Vé entreprirent leur oeuvre de création.

On ne sait pour quelle raison, les jeunes dieux, déclarant le début Ils traînèrent le corps d’Ymir jusqu’au dessus du Ginnundes hostilités, décidèrent de tuer Ymir. Un fleuve de sang s’écoula alors gagap et utilisèrent les différentes parties de son corps pour modedu corps du géant primordial et noya tous les géants à peine nés. De ce ler le monde : de son sang ils firent l’océan, qui acheva de combler déluge s’échappa cependant un des fils d’Ymir, Begelmir, ainsi que son le gouffre, de sa chair ils formèrent la terre, de ses os les monépouse, permettant ainsi à la race des géants de renaître et de se multiplier. Ce premier meurtre accompli, Odin, Vili et Vé entreprirent leur oeuvre de création. tagnes, de ses dents les pierres et les rochers et enfin de son crâne la voûte des cieux. Des sourcils d’Ymir, les dieux firent la mu-raille entourant le domaine des dieux et des hommes pour les protéger des attaques des géants. Cette terre s’appelle Midgard, la « Terre du milieu », à mi-chemin entre Niflheim et Muspellheim.

Jusqu’ici, des étincelles provenant de Muspellheim ne cessaient de crépiter dans le ciel. Le soleil et la lune erraient eux sans savoir où se poser. Quand la voûte céleste fut formée, s’interposant entre le soleil et la terre, les dieux décidèrent d’y fixer ces étincelles, qui devinrent les étoiles, ainsi que la lune et le soleil.

Par la suite, complétant la Création, des larves qui rongeaient le cadavre d’Ymir naquit une autre race, les nains, qui vivent dans les cavernes souterraines, et qui devinrent, selon les désirs et sous la directive des dieux, les spécialistes du travail du métal.

Enfin, un jour, arpentant la grève, les trois premiers dieux, Odin, Vili et Vé, tombèrent sur deux morceaux de bois. L’un était le tronc d’un frêne, et l’autre d’un aulne, desquels ils firent le premier homme et la première femme. Mais ces créatures restèrent froides et inertes, et Odin se pencha donc sur elles pour leur insuffler la vie et leur donner une âme. Vili s’approcha à son tour et leur donna la raison et la liberté de mouvement. Enfin Vé leur donna la parole, l'ouïe et une apparence humaine. Ils appellèrent l’homme Ask et la femme Embla. Leur descendance n’est autre que la race des hommes, destinée à habiter Midgard, la « Terre du milieu ». Ainsi s’acheva la Création…

Gabriel Schmit, dit Papa Ours

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