LB n°71 : /MONUMENTAL

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SOMMAIRE

Les sept merveilles du monde antique VS les sept merveilles du monde moderne p.4-7

Acrostiche mythologique p.8-11

Gratte-ciel : une architecture monumentale p.12-15

Portraits chinois d'oeuvres monumentales égyptiennes p.16-17

Quel est votre honte monumentale ? p.18

Séraphine de Senlis : chasse aux fleurs et aux idées reçues p.19-21

Interview de Maximilien Durand p.22

Horoscope monumental p.23-26

Convergence, le magazine p.27

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EDITO

Bonjour à vous, lectrices, lecteurs, et sept merveilles du monde de passage!

Ce mois-ci, le Louvr’Boîte voit les choses en grand, et célèbre la monumentalité ! Installez-vous confortablement, et embarquez avec nous dans un sympathique voyage à destination de l’immensément énorme. Plus vite que l’éclair, notre chère petite souris de la cafétéria sait se cacher, mais nous vous proposons ici une interview dessinée de la madame dans la plus grande des exclusivités. Plus haut que les étoiles, nous vous emmenons également à la découverte du gigantisme des gratte-ciels. Et plus forte que n’importe qui, Mme Lhoyer a répondu tel le sphinx aux énigmes posées par la rédaction sur les plus éminents monuments de l’Egypte. Vous l’aurez compris, bien avant les JO de 2024, le Louvr’Boîte s’attelle à exploser tous les records ! Bonne lecture à tous !

Marie et Cassandre, les rédactrices en chef

Louvr’Boîte

Quatorzième année

N°71, 0,50€

Directrice de publication : Cassandre Bretaudeau

Rédactrice en chef : Marie Vuillemin

Responsable communication : Raphaëlle Billerot--Mauduit

Maquette : Mélissande Dubos, Lilou Feuilloley, Coralie Gay, Blandine Adam, Noémie Carpentier, Romane Demonet

Couverture : Djama Espinola

Ont contribué à ce numéro : Blandine Adam, Cassandre Bretaudeau, Coralie Gay, Djama Espinola

Serrano, Dylan Brune-Armessen, Elio Cuillère, Flora Fief, Johanna Ruyant, Lilou Feuilloley, Lilou Corbet, Louise Gaumé, Lyse Debard, Marie Vuillemin, Mathilde Bailly, Mélissande Dubos,

Naïs Ollivier, Noémie Carpentier, Raphaëlle Billerot--Mauduit, Suzanne Gauthier, Suzanne Floc’h, Olivia Valensi.

Ecole du Louvre, Bureau des élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 PARIS CEDEX 01. Louvrboite.fr

Courriel : journaledl@gmail.com

Facebook : fb.com/louvrboite

Twitter : @louvrboite

Instagram : @louvrboite

Spotify : @louvrboite

ISSN 1969-9611. Imprimé sur les presses de l’Ecole du Louvre (France). Sauf mention contraire, ©Louvr’Boîte et ses auteurs.

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Les sept merveilles du monde antique vs

les sept merveilles du monde moderne que choisir ? Si l’Antiquité nous fascine autant, c’est certainement car elle conserve de nombreux mystères dont certains nous font profondément rêver. Étant étudiants d’histoire de l’art, un attrait tout particulier pour les constructions monumentales antiques sommeille en nous, d’où la fascination pour les fameuses sept merveilles du monde antique dont seule la pyramide de Khéops nous est parvenue.

Ces merveilles n’ont cessé de stimuler l’imagination des sociétés qui se sont succédées surtout à cause du peu d’informations restantes sur elles, figurant essentiellement dans des récits de voyages antiques. Elles ont inspiré bon nombre de productions littéraires et artistiques, parfois très éloignées de la réalité et le manque de connaissance les concernant amène certaines personnes à douter de leur localisation voire même parfois de leur existence. Mais depuis 2007, ces sept merveilles n’ont plus le vent en poupe avec l’apparition d’une nouvelle sélection de sept merveilles du monde moderne ! Il est temps maintenant de faire une petite battle entre ces quatorze merveilles pour vous aider à choisir entre les deux sélections, en détaillant trois constructions de chacune d’elles !

Pour les sept merveilles du monde antique

Pour rappel, ces sept merveilles sont la pyramide de Khéops, les jardins suspendus de Babylone, le Mausolée d’Halicarnasse, le phare d’Alexandrie, le temple d’Artémis à Ephèse, la statue de Zeus à Olympie et le colosse de Rhodes.

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La pyramide de Khéops.

Construite il y a plus de 4500 ans sur le site de Memphis, aujourd’hui

Gizeh, elle est la dernière merveille du monde antique encore présente aujourd’hui et aussi la plus ancienne. Elle aurait possiblement abrité le tombeau du pharaon Khéops et est la plus grande pyramide d’Egypte. Sa construction remarquable à une période si ancienne a beaucoup fait parler au point que certains ont avancé des théories plus que douteuses à son sujet…

Les jardins suspendus de Babylone. Il s’agit certainement de la merveille antique la plus mystérieuse. Pourtant décrite par beaucoup d’auteurs antiques tels que Diodore de Sicile, sa présence n’a jamais pu être attestée par les fouilles modernes contrairement à d’autres monuments de la cité mythique de Babylone. Pour les plus romantiques d’entre vous, ils auraient été construits au VIe siècle avant notre ère par Nabuchodonosor II pour rappeler à son épouse son pays natal. Si ce n’est pas mignon…

La statue chryséléphantine de Zeus à Olympie. Chef-d’œuvre du sculpteur grec Phidias réalisé en 436 avant notre ère, cette statue de Zeus trônant sur son siège occupait le célèbre temple de Zeus à Olympie. Constituée d’or et d’ivoire et mesurant selon les écrits treize mètres de haut, elle a été largement adulée pendant l’Antiquité. Malheureusement elle disparaît suite à un incendie en 475 après avoir été déplacée à Constantinople.

Nous pouvons déjà leur attribuer le mérite d’avoir été choisies bien avant, on peut donc leur accorder une sorte de droit d’aînesse. Aussi, la disparition de beaucoup d’entre elles cultive un mythe voire une obsession dans les recherches historiques. Enfin, la notion même de « sept merveilles du monde » reviendrait à Philon de Byzance qui aurait rédigé cette liste vers 250 avant notre ère sous le nom de De septem mundi miraculis, ce qui signifie que l’on réemploie une notion précise pour une sélection toute autre aujourd’hui dans le cas des merveilles du monde moderne. Cela peut agacer les puristes parmi vous.

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Voici comme rappel, ou découverte si vous ne les connaissiez pas, les sept merveilles du monde moderne : le Taj Mahal, la statue du Christ Rédempteur du Corcovado, la Grande muraille de Chine, le Machu Picchu, le Colisée de Rome, le site de Chichen Itza et Pétra en Jordanie.

La Grande muraille de Chine.

Cette gigantesque fortification pourrait s’étendre sur 20 000 km si l’on associe ses différentes parties construites sous plusieurs dynasties successives. En effet sa construction débute sous la dynastie Qin vers 220 avant notre ère afin de se protéger d’invasions du Nord. Elle se poursuivra jusque sous les Ming, faisant d’elle la plus grande construction militaire de l’humanité, et un monument massivement visité en Chine avec une moyenne de 10 millions de visiteurs par an (avant covid).

Le site de Pétra. Pétra est un site fondé au VIIIe siècle av. J.-C. par les Edomites avant d’être occupée et développée par les Nabatéens. Il se situe dans un cirque rocheux, d’où son nom qui signifie « rocher » en grec. Sa localisation idéale sur les routes commerciales lui a assuré une prospérité économique et commerciale, lui permettant d’accueillir jusqu’à 25 000 habitants pendant sa période d’apogée.

Le Machu Picchu.

Cette cité inca a été fondée au XVe siècle. Elle aurait pu être la résidence de l’empereur inca Pachacutec mais plusieurs recherches laissent aussi entendre qu’elle aurait surtout été un lieu sacré. Ce site a aussi servi de refuge à la civilisation inca après l’arrivée des colons européens jusqu’à la chute de cet empire au XVIe siècle. Et pour les fans des Mystérieuses cités d’or, ce nom n’est pas sans vous rappeler un petit cacatoès vert accompagnant les trois héros…

Pour les sept merveilles du monde moderne
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L’argument principal pour ces sept merveilles est indéniablement qu’elles sont toujours visibles aujourd’hui. De plus, elles couvrent des époques et territoires bien plus grands, montrant ainsi une vaste diversité de cultures et de créations architecturales. En ce sens, elles représentent peut-être mieux les différentes civilisations qui se sont succédées, d’autant plus qu’elles ont été élues par un vote mondial et non le choix d’une seule personne.

Ma sélection personnelle

Si comme moi vous êtes une personne très indécise et qu’il vous est impossible de choisir entre les deux, faites-vous votre propre liste des sept merveilles. Pour ma part ce serait : la pyramide de Khéops, les jardins suspendus de Babylone, le colosse de Rhodes, la Grande muraille de Chine, le site de Pétra, le Machu Picchu et un bonus hors catégorie « officielle », les temples du Kiyomizu-dera de Kyoto au Japon.

Et vous, quelles merveilles préférez-vous ?

Sources :

FERARD, Emeline. « Quelles sont les sept merveilles du monde antique ? », dans : Géo, 2021, disponible en ligne.

Le site de l’UNESCO.

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Acrostiche mythologique

Moo-kuna : originaire d’Hawaï en Océanie, il fait partie de la grande famille internationale des dragons, donc de taille respectable... A la différence de nos dragons occidentaux, le Moo-kuna peut changer de forme à volonté. Il peut être sociable mais n ’est pas souvent vu comme une relation à cultiver…

Oiseau-roc (ou Rokh) : retrouvé dans les écrits de Marco Polo sur les îles bordant Madagascar et dans les contes persans anciens (comme le Shâhnâmeh), parfois apparenté au Simurgh (oiseau mythologique de Perse), l’Oiseau-Roc est un rapace gigantesque décrit comme ayant la capacité d’éclipser la lumière du soleil et de créer les vents. D’une envergure d’environ quinze mètres (minimum !), l’animal serait capable de transporter un éléphant dans ses serres. Sharaf al-Zamān

Ṭāhir al-Marwazī, un médecin né dans le Khorasan en Perse dans la moitié du XIe de notre ère écrit dans sa Nature des Animaux qu’il faut nous méfier de tout chez cet oiseau (même sa salive et ses excréments…), et qu ’ aucun animal ne peut rivaliser avec celui-ci, car ce dernier court plus vite que le vent. Le Rokh est également connu dans de nombreux contes populaires, dont celui de Sinbad le marin des Mille et Une Nuits. En effet, en errance sur une île avec ses hommes, Sinbad découvrit un étrange bâtiment circulaire à dôme blanc. Alors qu’il faisait le tour pour en trouver l’entrée, le ciel s ’assombrit. En levant les yeux, le marin vit le gigantesque oiseau qui était venu se poser sur son œuf (de taille tout aussi proportionnelle).

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Nian (ou Nianshou) : le Nian est un monstre chinois à tête de lion. Sortant de ses eaux tous les ans la veille du Nouvel An (peut-être à partir de la dynastie Han) pour venir dévorer bétail et population, il fut mis hors d’état de nuire lorsque les Hommes découvrirent ses points faibles. Le Nian ne supportait ni les bruits forts ni la couleur rouge. Les villageois accrochèrent donc des papiers rouges sur leur linteau de porte et veillèrent toute la nuit pour attendre le monstre. Lorsque ce dernier passait près de leurs maisons, les villageois firent exploser des feux d’artifices qui le firent fuir… pour ne plus jamais revenir. Cette légende fut à l’origine des traditions du Nouvel An chinois qui est leur plus importante célébration annuelle.

Uchchaihshravas : derrière ce nom barbare et effrayant se cache un cheval immaculé et ailé doté de sept têtes. Ces dernières symboliseraient les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Dit ancêtre de tous les chevaux dans la religion hindoue, il serait apparu lors du barattage de la mer de lait (mythe cosmologique hindou). Il est souvent décrit comme le vahana (véhicule divin) de Surya, le dieu soleil, bien qu’il devienne parfois celle d’Indra, le roi des dieux.

Mokélé-Mbembé : cette créature nous vient du continent africain et elle vivrait sur les affluents du fleuve Congo. Plus grande qu ’ un éléphant, sa description le fait ressembler à un dinosaure sauropode (par exemple le Diplodocus).

Végétarien, il serait en revanche possessif envers son territoire, le fleuve et les marais (principalement ceux du Likouala), renverserait les pirogues et tuerait les animaux environnants. Il porte de nombreux autres noms selon les cultures où la tradition de son existence perdure.

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Echidna : cette créature est originaire de Grèce. Sortie du Chaos originel, elle a le buste et le visage d’une belle jeune femme, cependant sa moitié inférieure est celle d’un énorme serpent. Elle est la mère de nombreux monstres très célèbres, souvent engendrés avec Typhon. Citons seulement Cerbère, l’Hydre de Lerne, le Sphinx de Thèbes et le lion de Némée.

Namazu : gigantesque poisson-chat endormi, il porte les îles de l’archipel du Japon sur son dos et provoque des tremblements de terre lorsqu’il se réveille et s’ébroue. Cette légende est la plus récente parmi toutes celles rassemblées ici. En effet, une variante plus ancienne mentionnait un dragon. Puis dès le XVIIe siècle, l’image du poisson-chat est adoptée et prend un essor très important à l’époque d’Edo par la diffusion d’estampes (les namazu-e) censées protéger leurs détenteurs, après que trois importants séismes aient frappé l’archipel. Un kami (divinité shinto) nommé Kashima fut chargé de protéger le Japon de Namazu. Kashima bloqua donc la tête du poisson-chat sous une immense pierre pour l’empêcher de bouger. Et depuis ce moment, à chaque fois que le kami relâche sa vigilance, Namazu en profite pour se réveiller et s’étirer, provoquant de nouveaux tremblements de terre.

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Trolls : sa première occurrence écrite se trouve dans l’Edda de Snorri Sturluson rédigée vers 1220 de notre ère, bien que cette créature ait été présente dans le folklore nordique bien avant cela. Incarnant les forces de la Nature, le Troll est solitaire et vit dans des milieux naturels hostiles, loin des humains avec lesquels il n ’est pas amical. Le Troll préfère les grottes et les souterrains car sa peau fragile durcissait comme de la pierre à la lueur du soleil (#inspiration du Hobbit).

Ananta : appelé aussi Shesha, il est le serpent primordial cosmique polycéphale dont le nom signifie « sans fin », « infini ». Ananta n ’est pas soumis aux transformations de l’univers. Il est ce qui reste après que tout ait été détruit. Il sert d’ailleurs de lit au dieu Vishnou après la destruction de l’univers par son collègue Shiva. Puis, à la création de l’univers suivant par le dieu Bhrama, Ananta en devient le support et le cycle se répète indéfiniment.

Léviathan : énorme serpent marin, le Léviathan est très connu pour ses apparitions dans la Bible. Au Moyen Âge, il est décrit comme un démon des enfers qui avale les damnés pour symboliser leur entrée en enfer. Il est aussi nommé dans l’Apocalypse.

Note : Bien évidemment de nombreuses autres créatures aux dimensions impressionnantes et venant de diverses cultures méritaient leur place dans cet article, mais leur première lettre ne commençaient pas par une lettre du mot « Monumental » et mes connaissances n’étant pas exhaustives, il est possible que certaines m ’aient échappées.

Cassandre
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Bretaudeau

Gratte-ciel : une architecture monumentale

Sans être systématiquement considérés comme de véritables monuments, les gratte-ciel renvoient, par définition, à une architecture monumentale et s’avèrent être de véritables symboles de modernité.

Naissance des gratte-ciel : essor de la puissance américaine

C’est à la fin du XIXe siècle, aux Etats-Unis que naissent ces immeubles de grande hauteur, dits “sky-scrapers” et traduits littéralement par “gratteciel”. La construction de ces édifices a notamment été permise par l’essor de nouvelles technologies (l’ascenseur) et l’emploi de matériaux tels que le béton, l’acier. Plus précisément, c’est à la suite d’un incendie qui ravage Chicago en 1871 que les premiers très hauts “buildings” apparaissent, afin de réduire les coûts liés à l’augmentation du prix des terrains.

Dès lors, des architectes tels que Daniel Burnham et Louis Sullivan de l’école de Chicago proposent des modèles de gratte-ciel qui influencent ensuite massivement l’architecture américaine du XXe siècle. Non seulement la construction de ces gratte-ciel permet de loger un grand nombre d’habitants sur une superficie restreinte, mais il s’agit aussi d’affirmer un pouvoir culturel, symbole de la puissance urbaine américaine vis-à-vis de l’Europe. Cette architecture est d’ailleurs profondément marquée par le développement du capitalisme, et par là, la nécessité de faire circuler l’information et de s’organiser en réseau à grande échelle.

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Au cours du XXe siècle s’opère une véritable course à la hauteur dont on peut retracer les grandes phases :

- le New York Tribune Building, dessiné par Richard Morris Hunt (New York, 79 mètres en 1875) et le Home Insurance Building (Chicago, 1885)

- le Chrysler Building puis l’Empire State Building (381 mètres, en 1931)

- Le World Trade Center (New York), plus haut gratte-ciel du monde en 1973 (417 mètres), dépassé l’année suivante par la Willis Tower (Chicago, 442 m).

Pour un ordre de grandeur, la tour Montparnasse construite à la même époque est le plus haut gratte-ciel de Paris intra-muros et mesure moins de la moitié de la Willis Tower.

Si des villes comme New York comptent plus de 600 gratte-ciel, la construction verticale ne se restreint pas qu’aux Etats-Unis. A la fin du XXe siècle, la construction de gratte-ciel s’étend sur tout le globe - et notamment en Asie dans des régions de forte croissance économique. Citons par exemple la China Zun, haute de 527 m, construction alliant parfaitement modernité et tradition, celle-ci étant conçue en forme de zun, un type de vase très ancien, remontant à la dynastie Yin. Les pays du Golfe, et notamment les Émirats arabes unis, ont également multiplié les constructions. La plus grande tour du monde est celle de Burj Khalifa (2010), et mesure plus de 800 m. La construction de gratte-ciel sur d’autres continents à l'orée du XXIe siècle témoigne bien de l’entrée dans une ère nouvelle : un monde multipolaire qui voit l’émergence de nouveaux centres de puissance.

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Une architecture verticale prolifique

Symbole du pouvoir moderne

Le gratte-ciel, s’il est un élément architectural, qui répond à des besoins pratiques et est permis par des prouesses techniques récentes, est aussi à appréhender comme une véritable œuvre appartenant au patrimoine d’une ville. Le gratte-ciel revêt aussi une dimension symbolique, visant à démontrer la richesse, la capacité d’investissement, le dynamisme économique d’une mégalopole. Il est avant tout tributaire d’une volonté d’élévation et donc d’affirmation, de domination. Car il y a quelque chose de fascinant et de vertigineux dans l’expérience de la hauteur : au-delà de nous dépasser, ces édifices dépassent un certain imaginaire, dérogeant à ce qu’il y a d’imaginable pour l’être humain. « Quand on parle d’un gratte-ciel, on parle d’une forme stupéfiante » explique l’architecte Virginie Picon Lefebvre (“Comment a-t-on inventé les gratte-ciel ?”, Sans oser le demander, France Culture).

L’élévation : une question anthropologique

Ceci étant, cette volonté d’élévation n’est pas propre à notre société moderne mais résulte d’un désir humain qui n’a cessé de se manifester depuis les débuts de la civilisation. Dès l’Antiquité, des monuments comme la pyramide de Khéops (150 m) témoignent de cet intérêt pour la hauteur, le monumental. Au Moyen-Âge, cette recherche transparaît notamment avec l’érection des flèches des cathédrales - comme en témoigne celle de Strasbourg d’une hauteur de 142 m.

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Quête que l’on retrouve dans différentes religions et sur différents territoires (minaret toujours plus haut pour l’appel à la prière dans les territoires du Dar-al-Islam ; toitures en shikhara des temples d’Inde du nord ; mythe de la tour de Babel dans la Bible…). Ce désir de monumentalité n’est pas uniquement spirituel sinon très lié à la question du prestige. Citons par exemple le donjon du château de Vincennes, dont la hauteur de 50 m lui assure d’être le donjon le plus grand d’Europe. Une telle construction permet certes de voir, dans un but stratégique, mais aussi d’asseoir une certaine autorité, d’être vu. Ainsi, depuis des millénaires, l’humain semble animé par le désir de conquérir les cieux, d’accéder à l’infiniment grand et par là, d’opérer une forme de transcendance. Cette question de monumentalité ressurgit à travers les arts, contournant parfois le critère de l’élévation au profit de l’appropriation de l’espace comme en témoigne la “ville-sculpture pharaonique”, City (1970–2022), réalisée par Michael Heizer, qui s’étale sur 2,4 kilomètres de long par 1,6 de large, devenant ainsi plus grande œuvre d’art contemporain au monde.

Sources

https://www.youtube.com/watch?v=RKs7ZXHbD7w

https://photo.geo.fr/les-premiers-gratte-ciel-de-new-york31926#retrouvez-l-integralite-du-reportage-dans-le-magazine-geohistoire-n-39-juin-juillet-2018-550773

https://www.beauxarts.com/vu/michael-heizer-signe-dans-lenevada-la-plus-grande-oeuvre-dart-contemporain-du-monde/

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chasse aux fleurs et aux idées

reçues

Si certains d’entre vous se sont rendus à cette exposition du Louvre intitulée “Les Choses”, ils n’ont probablement pas manqué de découvrir, entre un poulet hyperréaliste et un tas de chewing-gums conceptuels, un curieux bouquet de fleurs. Un peu éclatant, un peu pétaradant, les fleurs du paradis semblent nous haranguer violemment du regard, en face des paisibles animaux silencieux de Chardin. Le cartel identifie l'œuvre comme une toile de Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis. Mais, à dire vrai, ce même cartel ne m’a pas totalement satisfaite. La biographie de l’artiste se trouve plus ou moins résumée aux dernières années de sa vie, où elle se trouve internée à l’asile de Clermont de l’Oise… précisément l’époque où Séraphine ne peignait plus.

Séraphine
Senlis
de
:
Dahlias, v. 1915, Colmar, musée Unterlinden 19

Pour ceux qui ont vu le film éponyme de Martin Provost, où Yolande Moreau interprète l’artiste, vous connaissez déjà toutes les complexités de la vie de Séraphine, bien au-delà des clichés d’une artiste internée et un peu lunaire. Pour les autres, je vous offre ici une petite session de rattrapage, pour vous aider à découvrir cette fascinante dame, ou peut-être nuancer ce que vous saviez déjà.

Tout d’abord, Séraphine de Senlis n’est pas née à Senlis… mais à Arsy, un village de l’Oise avoisinant la cité épiscopale de Compiègne. A 17 ans, elle devient domestique dans un couvent de Clermont-de-l’Oise, où elle travaille pendant vingt ans. C’est uniquement en 1906, à 42 ans, que sa présence à Senlis est attestée. Elle devient peu à peu domestique pour de riches familles bourgeoises.

Parmi eux, le critique d’art Wilhelm Uhde, récemment installé dans cette petite cité médiévale. C’est lui qui repère l’artiste et l’encourage à peindre.

L'arbre de vie, musée d'Art et d'Archéologie de Senlis

Séparés par la guerre, Wilhelm Uhde et Séraphine Louis se retrouvent en 1927, lorsque l’artiste expose à l’Hôtel de Ville de Senlis. La domestique n’a pas cessé de peindre et Uhde commence à la soutenir financièrement. Mais là encore, idée reçue : il n’est pas le seul à avoir parié sur le talent de l’artiste. Elle compte aussi sur l’amitié du senlisien Charles-Jean Hallo, alors conservateur du musée de la ville et affichiste renommé. Anne-Marie Uhde n’est, elle aussi, pas toujours évoquée. C’est pourtant elle, la sœur de Wilhelm, qui effectue en 1989 un important legs des toiles de Séraphine au musée d’Art et Archéologie de Senlis.

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Si nous nous penchons d’ailleurs sur la présence des œuvres de Séraphine en collection publique, là encore, une surprise ! Le premier musée à avoir acheté une de ses toiles n’est pas français, mais bien allemand : en 1928, Wilhelm Uhde encourage le musée de Cassel à faire l’acquisition de la toile Rêve d’une plante, pour l’importante somme de 14 000 francs. Aujourd’hui, certaines de ses toiles sont exposées jusqu’au Setgaya Art Museum de Tokyo !

Et parlons aussi des titres choisis pour ses tableaux : L’Arbre de Vie, L’Arbre de Paradis, tout cela reflète une véritable dimension sacrée. Mais attention : si Séraphine est une fervente croyante, fortement marquée par son séjour chez les religieuses, aucun de ces titres ne lui est pourtant dû. C’est encore Wilhelm et Anne-Marie Uhde qui nomment eux-mêmes les compositions de l’artiste, y voyant la même attention mystique que chez les plus grands peintres du Moyen Age. De quoi libérer encore plus votre regard, lorsque celui-ci croisera une œuvre de Séraphine Louis !

-> Pour les curieux qui désireraient se pencher sur la vie de Séraphine, je renvoie à la très belle biographie Séraphine, de Françoise Cloarec (Ed. Phébus, 2008).

-> Et pour ceux qui préfèreraient un peu de contexte général sur Wilhelm Uhde et les autres “primitifs modernes”, dirigez-vous vers le catalogue d’exposition Du Douanier Rousseau à Séraphine - les grands maîtres naïfs (Ed. Gallimard, 2019).

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CONVERGENCE

Intéressé(e) par les extra-européens ? Poursuivez la lecture avec le superbe magazine Convergence, édité par deux anciennes élèves de l'Ecole du Louvre. Au programme : des brèves culturelles, des articles rédigés par des spécialistes, une rubrique livres… et mille autres découvertes !

→ Convergence #2, disponible sur https://convergencemagazine.art et en librairies spécialisées

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Crédits

Couverture : ©Djama Espinola

p.4-7 : © Blandine Adam

p.8-11 : © canva

p.12-15 : © Wikipedia Commons, Pixabay

p.16-17 : © Coralie Gay

p.19-21 : © Wikipedia Commons, JP Dalbéra

p.22 : © Wikipedia Commons

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