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Alphabet : une aventure de A à Z

Alphabet… C’est un bien grand mot, et pourtant vous remarquez combien il est utile. Avec la seule combinaison d’une vingtaine de symboles, il vous est possible de lire cet article en entier, dans toute sa complexité, et on sait à quel point il est intéressant. Avant de me perdre sur le sujet formidable de la communication écrite, je tenais à faire un petit éloge de l’alphabet.

Parce que de tous les systèmes d’écriture, il est le plus pratique, une vingtaine de signes suffisent à noter tous les mots –Certes, une trentaine pour l’alphabet cyrillique - contrairement aux systèmes de syllabaires, qui comptent parfois une centaine de caractères. Ne parlons même pas des systèmes d’idéogrammes, qui, eux, peuvent comporter plusieurs milliers de signes ! Une simplicité qui a poussé une grande partie du monde à utiliser des systèmes alphabétiques pour noter leur langue…

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C’est un voyage que je vous propose, en effet, une très grande partie des systèmes alphabétiques actuels est issue d’une origine commune, qui pourrait remonter au XVe siècle avant notre ère avec l’alphabet proto-sinaïtique. Et ce sont de ces alphabets que nous allons traiter aujourd’hui, en évitant de partir sur la pente glissante de traiter de tous les alphabets existants n’ayant pas nécessairement de lien de parenté, comme le hangeul: l’alphabet coréen, géorgien ou encore l’alphasyllabaire canadien.

Mais alors, comment fabrique-t-on un alphabet à la mode proto-sinaïtique?

Tout d’abord, on cherche un son… /a/ ou coup de glotte. Puis on cherche un mot qui commence par le même son… Aleph, le taureau ! Et on dessine vaguement la forme d’un taureau pour évoquer ce son. Je vous ai pris l’exemple le plus facile, l’origine des autres lettres est parfois bien incertaine. 4

Il semblerait que le son /b/ représente une maison unicellulaire, beth dans les langues sémitiques. Et plein d’autres petites choses du genre, kaph est la paume de la main, mem, l’eau... Il semblerait par ailleurs que ces signes soient parents des hiéroglyphes égyptiens. Il existe des tableaux comparatifs que vous pouvez retrouver très facilement.

Aleph

Beth

Kaph

Ayin

Mem

Proto-sinaïtique Phénicien

On a alors vingt-quatre signes qui ont majoritairement valeur de consonnes, on a aussi des semi consonnes, c’est une autre histoire. Cela va sans dire, notre alphabet latin ne ressemble plus beaucoup à une liste de pictogrammes. Et pour cause, il a beaucoup voyagé entre-temps. Depuis le Sinaï il est allé au Levant, où les Phéniciens l’ont bien utilisé et remanié. C’est une écriture cursive qui est très utilisée lors des échanges. C’est là que les Grecs le reprennent à leur compte.- Quand je vous dis que les Grecs n’ont rien inventé ! -D’accord, ils ont rajouté quelques voyelles pour la forme mais quand même, c’est flagrant, même dans le nom des lettres ! Alpha pour Aleph, Bêta pour Bet, Gamma pour Guimel, Delta pour Dalet, on peut continuer longtemps, aucun doute sur la parenté !

Et à partir de là c’est l’escalade. De l’alphabet grec découle l’alphabet latin (je ne vous fais pas de dessin, si vous suivez toujours c’est que vous connaissez un peu la question). Avec les adaptations qui en découlent et les bizarreries de chaque langue. Eh oui, si vous vous pensiez tirés d’affaire avec une vingtaine de signes, en réalité, il faut compter les variantes de chacun, j’ai nommé les accents, les cédilles, les lettres entrelacées, barrées… Les êtres capables de maîtriser un alphabet sont des gens incroyables !

Enfilez un manteau, je vous emmène dans les pays slaves. En effet, c’est au IXe siècle, pour des raisons purement liées à la conversion des populations slaves au christianisme, que Cyrille invente l’alphabet qui porte aujourd’hui son nom. Il reprend très largement l’alphabet grec de l’époque, en y ajoutant quelques caractères pour s’adapter à la langue, en effet, il se rend compte que certains groupes de sons sont suffisamment récurrents pour posséder leur propre lettre ts/tch/chtch : Ц/Ч/Щ, ainsi que d’autres voyelles et diphtongues ia/iou Я/Ю. Ce qui en fait un alphabet très rationnel et parfaitement adapté à la langue qu’il transcrit, puisqu’on a une lettre pour un son, un graphème composé d’une lettre. Non ça n’est pas le seul mais je trouve l’alphabet cyrillique très esthétique.

En effet, malgré l’apparente simplicité des systèmes alphabétiques et l’attrait que présente la possibilité de lire toutes les langues avec les mêmes lettres, il ne vous a pas échappé qu’il nous est parfois très difficile de comprendre la prononciation d’un mot étranger en le voyant seulement à l’écrit. Je pense que nous avons déjà tous fait l’expérience d’écorcher complètement un mot anglais en tentant de le prononcer en l’ayant simplement vu écrit… -Knife, Throughout !!!! - et pourtant les lettres nous sont familières. Elles ont simplement pris des valeurs différentes au cours du temps. A tel point que je me demande si on ne devrait pas parfois translittérer les prononciations des mots d’une langue à l’autre, alors même que l’on utilise le même alphabet. Ce qui s’est déjà vu, un souvenir d’un mémorial du débarquement, qui pré-

sentait de petits nécessaires distribués aux soldats anglophones pour communiquer avec des francophones, comportant mot, traduction, et prononciation selon une écriture familière. Vous me direz, c’est pourtant très simple, il suffirait d’apprendre l’alphabet phonétique, mais honnêtement, entre nous, qui a été capable d’en apprendre tous les signes ? Vous remarquerez que j’ai fait le choix de ne pas l’utiliser dans cet article pour éviter de perdre tout le monde.

Retour au Proche Orient, vous pouvez reposer le manteau. S’ils paraissent extrêmement différents, les alphabets arabe et hébreu, que l’on nomme abjad, ont bien tous deux également la même origine phénicienne et araméenne. Si l’alphabet hébreu s’écrit toujours avec des lettres détachées, l’alphabet arabe lui, semble tenir la connexion de ses lettres de l’alphabet nabatéen. En plus ce sont des alphabets consonantiques, ce qui signifie que les voyelles ne sont pas notées, il faut donc connaître la langue pour vocaliser -oui, c’est comme ça qu’on dit prononcer avec les voyelles- un mot. On a aujourd’hui des systèmes de notation des consonnes dans les deux langues, mais ils ne sont pas nécessairement utilisés.

Retenez-moi de déverser plus longuement mon amour pour l’écriture avant que je ne vous parle du guèze, du pinyin et des systèmes alphabétiques utilisés pour les langues amérindiennes. Je voulais conclure en vous parlant du thème de ce journal, la transformation, parce que les systèmes de notation évoluent constamment, qu’ils sont en constante adaptation. Au sein d’une même langue, à travers le temps ce qui nous permet de les dater grâce à la paléographie, en voyageant, en traversant des mers, des montagnes, l’écriture nous permet de nous comprendre, sans parler, de faire passer des messages, de marquer son passage sur terre… (Note à moi-même, verser une petite larme).

Noémie

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