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Drag queen : revendiquer, performer, raconter

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Tout d’abord un point d’étymologie : que veut dire drag queen? Plusieurs pistes viennent se superposer pour la compréhension de ce terme: la première est l’acronyme «DRess As a Girl», la deuxième remonte au XVIIIe siècle, date où les hommes travestis laissaient traîner leur jupe sur le sol (to drag en anglais). Certains font remonter le terme au théâtre shakespearien. Les femmes ne pouvant monter sur scène, à l’instar de la Grèce antique, les rôles féminins étaient interprétés par des hommes costumés. Pourquoi est née cet art ?

Si des bals costumés queer sont organisés dès le XIXe siècle aux Etats-Unis, c’est dans les années 1960 et 70 que le concept de shows drag queens voit véritablement le jour, au sein de la communauté trans noire et latino de Harlem, lorsque Crystal LaBeija fonde la première «House». A cette époque, des concours de beauté sont organisés dans la communauté trans, mais ce sont bien souvent les femmes blanches qui l’emportent. Les femmes trans noires et latinos organisent alors leurs propres ballrooms : des compétitions durant lesquelles les drags s’affrontent dans diverses catégories (fashion, beauté, danse et playback, chant). Ce nouvel espace de création est peu après rejoint par la communauté gay. Aux Etats-Unis le show télévisuel RuPaul’s Drag Race a fait connaître le drag à un plus large public, et il semblerait qu’un programme semblable soit envisagé en France. Rappelons par ailleurs que Paris, ville de la mode et du spectacle, est la deuxième plus grande scène drag du monde.

En effet Paris abrite de nombreuses Houses (ou Familles), organisées autour de Mères qui aident les drag de leur famille à progresser et à produire des shows toujours plus époustouflants. Historiquement les Houses servaient de famille de substitution aux personnes queer ayant été rejetées par leur famille. Les noms de ces Houses sont tirés de marques de haute couture (House of Mugler), de cosmétiques, ou encore du style de danse pratiqué (Ninja House).

En quoi cela consiste)t)il?

Si le drag peut être perçu comme superficiel, ou too much, il offre un moyen d’expression et de revendication unique. Le drag c’est jouer sur les codes d’hyper-féminité (ou hyper-masculinité pour les drag king) afin de créer un personnage (contrairement aux transformistes qui s’attellent à ressembler à une personnalité connue). La démarche s’inspire des défilés de mode et la gestuelle, dite voguing, a une visée narrative et est particulièrement codifiée. On distingue 6 types de mouvements:

le dance hands : les mains naviguent autour du visage, racontant l’histoire le catwalk: en accentuant le balancement des hanches le duckwalk : permet la transition marche-sol le floor : les passages au sol permettent d’exprimer du désir et de jouer à 200% sur les poses dites féminines le spin and dip : paroxysme dramatique, se fait sur un changement de musique -le hair control : dit toute l’importance des cheveux comme attribut féminin

Bien que l’on puisse être drag indépendamment de son orientation sexuelle ou de son genre, il est important de noter le rôle de la communauté trans noire et latino dans sa création, et surtout la visée revendicatrice de cet art, face aux inégalités au sein même de la communauté queer. Le drag offre à tou.te.s un espace libre et sûr pour fantasmer, s’exprimer et explorer les codes de masculinités et féminités à travers la création d’un personnage et des performances mettant en avant le chant, le burlesque théâtral, la danse ou les costumes.

Les émeutes de Stonewall le 28 juin 1969, aussi considérées comme la première Pride, montrent toute l’importance de la communauté trans latinos et afro-américaines dans la lutte pour les droits LGBT+ puisque les visages que l’histoire retient de cet évènement sont ceux de Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, toutes deux grandes figures de la scène drag queen de l’époque.

Petit point vocabulaire

Personne cisgenre : son genre attribué à la naissance correspond à son genre ressenti Personne transgenre : son genre attribué à la naissance ne correspond pas à celui ressenti. Ainsi une femme transgenre est née dans un corps masculin, un homme transgenre dans un corps féminin. Les personnes non-binaires (qui ne s’identifient pas à une identité de genre précise -homme ou femme-) sont également transgenres puisque leur genre assigné à la naissance ne correspond pas à leur véritable genre. NB: ce terme transsexuel n’est plus utilisé car il renvoie à l’idée de maladie mentale. Queer: à l’origine il s’agit d’une insulte (étrange, bizarre) mais la communauté LGBT+ s’est réappropriée le terme et il sert désormais de mot parapluie pour englober l’ensemble des minorités de genres et d’orientations sexuelles. Pride ou marche des fiertés: remplace le terme gay pride afin d’offrir plus de visibilité aux autres membres de la communauté LGBT+.

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