N°13 02/24
LE MAGA ZINE LUXEMBOURGEOIS D E S S AV E U R S & D E S V O YA G E S
POÉSIE CULINAIRE
I S TA N B U L : UNE VILLE QUI ENCHANTE L E PA L A I S
ÉVEIL DES SENS
VIENNE : UNE MÉTROPOLE ANIMÉE QUI R AV I R A VO S PA P I L L E S
LUXEMBOURG
MÊME ICI, DES ENDROITS NOUS ÉLOIGNENT DU QUOTIDIEN
1 0, 5 0 € LU X E M B O U R G EUROPE : 12 € M O N D E : 1 5 ,9 0 €
Explorez avec l’appli
Pancake! Photographie
VisitLuxembourg
É D I TO R I A L
Le pouvoir du voyage Le but de cette édition de REESEN ? Vous rendre l’attente jusqu’à l’été plus agréable, grâce à des récits et des découvertes qui feront à coup sûr naître en vous des envies de voyage et la soif d’aventures à venir. Ce numéro raconte les voyages dans toute leur diversité, depuis les havres de glamour empreints de luxe et d’élégance aux destinations authentiques qui nous confrontent à la dure réalité, comme celle des mineurs de soufre d’Ijen. Nos journalistes de voyage vous emmènent loin du quotidien, dans des lieux dont vous n’auriez peut-être jamais entendu parler sans leurs reportages. Ils nous invitent à réfléchir à notre place dans le monde, à reconnaître nos privilèges et nous encouragent à voyager en ouvrant grand les yeux et le cœur. À une époque où les défis mondiaux et les conflits font partie de notre quotidien, REESEN souligne le pouvoir du voyage comme moyen de bâtir des ponts entre les cultures. Les voyages sont autant de précieuses leçons sur le monde et sur nous-mêmes, ils nous font apprécier les petits plaisirs de la vie sous un jour nouveau et enrichissent notre existence en
élargissant nos horizons. Ils mettent au premier plan le plaisir vrai de la découverte et de l’expérience. Nous vous souhaitons de trouver dans ce numéro de REESEN non seulement l’inspiration pour vos prochaines vacances, mais aussi la curiosité d’explorer le monde dans toute sa merveilleuse diversité. Qu’il s’agisse d’une courte escapade sur les rives idylliques de la Moselle ou d’une grande aventure dans les étendues glacées de l’Antarctique, chaque voyage a le potentiel de devenir inoubliable. REESEN est à la fois un fidèle compagnon de route lors de vos voyages concrets et une fenêtre sur le monde à travers laquelle observer des pays lointains depuis le confort de votre canapé. Quelle que soit votre destination cet été, lointaine ou imaginaire, puisez en vous la bienveillance et faites preuve de compréhension. Où qu’il vous mène, tout voyage enrichit votre vie et vous permet de rejoindre une communauté mondiale de voyageurs qui partagent la connaissance, la tolérance et la joie par-delà les frontières.
Bibi Wintersdorf Rédactrice en chef & directrice de publication
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S O M M A I R E
30 38 44 50 52 56 58 66 74 84 94 102 116 122
LIVRES LU X E M B O U R G NEWS VIENNE
KAISERSCHMARRN
NICE
S A LA D E N I Ç O I S E
GENÈVE TYROL DU SUD H ÔT E LS D E R Ê V E M A R B E L LA EN CHIFFRES M AJ O R Q U E
E N S A I M A DA M A L LO R Q U I N A
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I STA N B U L
KEȘKEK
C O LU M B I E
A R E PA S
J AVA LAO S
LA R B / LA A P
AFRIQUE A N TA R C T I Q U E
S O M M A I R E
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L I V R E S
Escapades insolites en France
Recuerdame, carnet de cuisine colombienne
La cuisine du Portugal
Élisa Detrez & Maxime Coquard
Juan Arbelaez
Anaïs Bourny Delon
Des endroits hors des sentiers battus en France par le duo de blogueurs voyage Élisa Detrez et Maxime Coquard, plus connus sous le nom de BestJobers (129k abonnés sur Instagram). Un véritable tour de France, qui fait la part belle aux lieux méconnus (les sites naturels du département de la Loire, les villes de Belfort ou de Vichy) ou aux sites incontournables mais abordés selon un point de vue original (le mont Saint-Michel depuis le sentier des falaises de Champeaux, une nuit face au château de Chambord sur une embarcation traditionnelle). À l’intérieur de chaque section, les photos s’accompagnent de textes courts dans lesquels Maxime et Élisa racontent leurs expériences les plus marquantes. La couverture géographique, très large, comprend aussi les territoires d’outre-mer.
Embarquez pour un voyage gourmand en Colombie ! Lauréat du prix de l’Académie Nationale de Cuisine 2023. À travers plus de 60 recettes emblématiques, Juan Arbelaez nous fait voyager dans le pays où il a grandi. Arepas, empanadas, sancocho, ajiaco ou encore pan de yuca... Juan nous partage son enfance, les moments de vie de ses quartiers, son amour pour les produits colorés des marchés toujours bondés, et ses recettes de famille dans un album photo vivant et passionnant.
Le Portugal est une terre riche de savoir-faire et de traditions culinaires. Nous sommes partis à la rencontre d’une douzaine de chefs portugais, de Paris à Lisbonne en passant par Porto, afin de vous proposer un voyage aux saveurs lusitaniennes. Chacune des personnalités qui ont fait ce livre évoque une petite parcelle de pays, quelques morceaux de vie, et ont partagé avec nous le goût des bons produits du terroir, épicés et colorés. Découvrez aussi de belles adresses de conserveries, de pastelarias, d’épiceries typiques et incontournables, et des lieux tendances comme la brasserie urbaine Musa et le restaurant Prado. La cuisine portugaise ne se veut pas seulement traditionnelle avec ses Caldo verde, Bacalhau à brás, ou Pastéis de nata, mais elle réinvente aussi avec des recettes modernes et pétillantes comme la Salade de poulpe das Beiras, la Morue comme un tartare, ou encore les Queijadas com ginja. Alors, régalez-vous !
296 pages Lonely Planet ISBN 978-2816194739
344 pages First ISBN 978-2412085585
308 pages Hachette Pratique ISBN 978-2019327866
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LUXEMBOURG’S WINE REGION
hiking. biking. nature. wellness and more.
visitmoselle.lu
LUX E M B O U R G
L’une des caractéristiques les plus remarquables de la région viticole du Luxembourg est bien entendu son impressionnant vignoble.
EN HAUT
© Thomas Jutzler
EN BAS Pour terminer une visite guidée, une dégustation de vin est un must absolu !
© Mike Zenari
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LUX E M B O U R G
Au carrefour de trois frontières La région de la Moselle luxembourgeoise est un trésor caché au cœur palpitant de l’Europe. Située entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg, elle offre un mélange unique de beauté naturelle, de culture riche et de raffinement culinaire. Avec ses paysages à couper le souffle, ses vignobles renommés, ses monuments historiques et ses activités de plein air variées, c’est une destination de rêve pour les voyageurs en quête de découvertes authentiques.
Célèbre pour ses vins et crémants de qualité, la région de la Moselle luxembourgeoise est un véritable paradis pour les amateurs de grands crus. Les vignobles en terrasses qui bordent les rives pittoresques de la Moselle produisent des vins d’une grande finesse, dont la fabrication marie méthodes modernes et tradition. Outre les crémants très appréciés, le riesling, le pinot blanc et le pinot gris, entre autres, sont également très populaires. De nombreuses possibilités s’offrent aux visiteurs pour découvrir toute la diversité de l’éventail des vins locaux, des circuits de dégustation aux manifestations viticoles telles que les traditionnelles fêtes du vin organisées du printemps à l’automne. Chaque année, par exemple, a lieu pendant le week-end de la Pentecôte l’événement viticole Wine Taste Enjoy, une manifestation sur le principe des caves ouvertes le long de la Moselle luxembourgeoise. Viticulteurs, domaines
et distilleries ouvrent leurs portes pour des dégustations et des visites de caves, souvent agrémentées de spécialités culinaires et de promenades guidées. L’occasion idéale de découvrir la région, ses vignerons et ses excellents vins et crémants. Une expérience d’œnotourisme à ne pas manquer ! Sentiers nature, vin et culture Outre la culture du vin, la nature y est aussi extrêmement riche. De nombreux sentiers de randonnée balisés permettent aux amateurs de plein air d’explorer la région à pied. Que vous soyez novice ou expérimenté, vous trouverez des itinéraires pour tous les niveaux de difficulté. Le nouveau sentier de randonnée confort de Remich s’adresse d’abord aux randonneurs moins chevronnés et permet une découverte active et sans obstacles de la région. Véritable vitrine de la « Perle de la Moselle », cet itinéraire
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de 4 km offre une excellente alternative pour les familles avec jeunes enfants, les personnes à mobilité réduite ou les randonneurs débutants. Les trois « boucles de rêve », couronnées du label de randonnée Premium de l’institut allemand de la randonnée promettent quant à elles des kilomètres de plaisir de la marche au milieu de paysages très variés. Le premier de ces trois sentiers nature, le « Manternacher Fiels », traverse la réserve naturelle du même nom et enthousiasme par ses forêts fraîches et ombragées, ses plantes rares et ses énormes strates de rochers. La deuxième boucle de rêve du « Sentier vin et nature Palmberg » débute dans le village viticole d’Ahn et présente un superbe mélange de falaises abruptes en calcaire coquillier, de vignobles, de forêts luxuriantes et d’une réserve naturelle unique composée de vieux buis et de prairies d’orchidées. Enfin, le troisième itinéraire « Schengen sans frontières » offre des vues à couper le souffle sur la vallée de la Moselle en direction du Luxembourg, de la France et de l’Allemagne. Il permet aussi aux randonneurs de découvrir au plus près l’Europe sans frontières dans le Schengen historique. Culture à l’état pur pour le plaisir des yeux Attardons-nous encore quelques instants dans la région du tripoint frontalier. Schengen, célèbre pour les accords historiques qui ont ouvert les frontières européennes en 1985, est une destination incontournable dans la région mosellane du Luxembourg. Ce village pittoresque situé sur les rives de la Moselle offre un charmant mélange de culture et d’histoire. Les visiteurs peuvent explorer le Musée européen, se promener le long de la rivière et profiter de la magnifique vue panoramique sur la Moselle depuis le Markusberg. Pourquoi ne pas combiner une randonnée guidée avec une dégustation de vin ? Vous pouvez également enrichir votre voyage de découvertes culturelles par une visite dans l’un des nombreux petits musées de la région. De l’aviation à
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LUX E M B O U R G
Au Kulturhuef de Grevenmacher, on peut se familiariser avec l’histoire de l’imprimerie au Luxembourg.
À GAUCHE
© PANCAKE! Photographie À DROITE Les colonnes des nations ainsi que d’autres monuments se trouvent à l’extérieur du Centre Européen Schengen.
© PANCAKE! Photographie
EN BAS La boucle de rêve Manternacher Fiels présente des scènes naturelles impressionnantes.
© Oliver Raatz
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LUX E M B O U R G
Sur le chemin de la boucle de rêve à Ahn, le Palmberg offre une vue magnifique sur le pittoresque village viticole d’Ahn.
EN HAUT
© PANCAKE! Photographie
Le long de la piste cyclable « Velo Romanum », des trésors romains se dévoilent.
À GAUCHE
© PANCAKE! Photographie À DROITE Le Domaine Thermal à Mondorf, le seul établissement thermal du Luxembourg, offre aux visiteurs une détente exceptionnelle.
© Mondorf Domaine Thermal
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LUX E M B O U R G
l’histoire de l’imprimerie au Luxembourg, en passant par les traditions et les coutumes régionales, sans oublier le vin évidemment, il y en a pour tous les goûts. L’architecture de la région mosellane est également remarquable. Les charmants villages viticoles traditionnels renferment de véritables trésors architecturaux composés d’anciennes maisons magnifiquement rénovées, transformées ou agrandies de façon moderne. Le projet Via mosel’ offre un aperçu des domaines et villages viticoles les plus notables sur le plan architectural dans la vallée transfrontalière de la Moselle. Soigneusement sélectionnés pour leur infrastructure touristique de qualité et leur architecture historique ou contemporaine remarquable, ils raviront les passionnés de belles pierres. Une oasis de loisirs Vous souhaitez plutôt vous détendre et vous ressourcer ? Rendez-vous alors au prestigieux spa du Domaine Thermal à Mondorf-les-Bains, pour profiter pleinement des vertus curatives des sources thermales dans des installations modernes et luxueuses. Que ce soit lors d’un traitement de bien-être personnalisé, d’une séance de relaxation bienfaisante ou tout simplement en profitant des bassins thermaux, cet espace raffiné vous promet une expérience revitalisante et apaisante pour le corps et l’esprit. Si vous préférez le frisson à la détente, le Casino 2OOO propose toute l’année son riche éventail de jeux, de divertissement et d’émotions. Vous y trouverez également une offre gastronomique de premier ordre et un programme d’événements variés dans une atmosphère glamour et chaleureuse à la fois. La Moselle luxembourgeoise est une destination aux multiples facettes, où chaque visiteur trouvera son bonheur. Vin, randonnée, architecture ou détente : quelles que soient vos envies et vos passions, vous trouverez ici une multitude d’activités qui répondront à tous vos souhaits. Explorez cette région pittoresque et laissez-vous envoûter par son charme unique. visitmoselle.lu
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Voyage pour les papilles au Luxembourg Texte Lydia Mutsch
Votre dernières vacances datent déjà de plusieurs mois et les prochaines sont encore loin ? Vous êtes pris dans le tourbillon du quotidien et la météo n’arrange rien ? Alors, il est peut-être temps de vous offrir une escapade culinaire pour soigner votre nostalgie du voyage ! Manzoku, Thai Celadon et Madame Jeanette répondront sans aucun doute à vos envies. Ces restaurants ont un point commun qui ravira les baroudeurs en manque d’ailleurs, les amateurs de nouveaux horizons et les fans d’exotisme : ils misent tous sur un changement de décor dépaysant aux véritables airs de vacances !
Exit la brasserie avec menu du jour où l’on déjeune entre collègues, le restaurant familial où l’on a ses habitudes ou encore l’établissement à la mode où l’on partage un dîner branché entre amis. Pas de restaurant étoilé mentionné dans tous les guides gastronomiques haut de gamme sur le Luxembourg. Ces établissements estampillés voyage et aventure sont tout simplement à part, pour notre plus grand plaisir ! Soupe aux nouilles ramen : le meilleur de la cuisine japonaise ! Le Japon, vous connaissez ? Cette destination tendance et fascinante à l’autre bout du monde, qui allie tradition et modernité comme peu d’autres pays, satisfera à coup sûr votre envie de contraste et d’exotisme. La gastronomie locale est également un voyage à elle seule. La cuisine japonaise, qui excelle en matière de fraîcheur et de créativité, est considérée, à juste titre, comme l’une des meilleures, des plus sophistiquées et des plus saines
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au monde. Et pourtant, le véritable plat national nippon mise sur la simplicité : la traditionnelle soupe de nouilles ramen est préparée selon des recettes séculaires. Rien qu’à Tokyo, on compterait plus de 5 000 restaurants de ramen. Vous n’avez pas la chance de pouvoir envisager un voyage au Japon mais avez bien l’intention de tester les meilleurs ramen sans gonfler votre empreinte carbone ? Alors, vous êtes entre de bonnes mains au bar à ramen Manzoku, situé à Luxembourg-Hollerich. Vous y dégusterez un authentique bouillon fait maison, pour un véritable moment de bien-être. Chez Manzoku, on sert avec enthousiasme de la « Japanese Soul Food ». Pas besoin d’en dire plus ! D’ailleurs, Manzoku gère également une excellente épicerie japonaise de l’autre côté de la rue. Si vous êtes à la recherche d’ingrédients de qualité pour votre prochaine recette nippone ou si, comme moi, vous êtes tout simplement accro aux indescriptibles mochis de riz japonais, vous êtes à la bonne adresse !
LUX E M B O U R G Manzoku Ramen Bar 153, Av. du Dix Septembre L-2551 Luxembourg manzoku_soulfood
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Restaurant Madame Jeanette 9, rue de Strasbourg L-2561 Luxembourg Tél. +352 29 96 60 10 madamejeanette.lu
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LUX E M B O U R G Ceviche et pisco sour pour des vacances latines Les chimichangas de camarón (tortillas de blé garnies de gambas grillées, de mayonnaise au piment doux, de guacamole, de riz vert et de maïs) ou les costillas de res (côtes de bœuf cuites pendant 12 heures avec une sauce BBQ maison, des oignons frits et un écrasé de pommes de terre), ça vous parle ? Vous salivez en imaginant un ceviche de saumon ou de thon cru, assaisonné de leche de tigre (un mélange de citron vert, de gingembre, de céleri, de piment et d’ail) ou d’une sauce ponzu (une spécialité japonaise à base d’agrumes, de soja et de miettes de thon/bonite) ? Votre apéritif préféré est le (véritable !) pisco sour, cocktail culte dont les Péruviens et les Chiliens revendiquent l’origine ? Alors, mettez vite le cap sur Madame Jeanette, un bar-restaurant moderne de Luxembourg-ville qui sert une cuisine latino-américaine extrêmement savoureuse. De plus, Madame Jeanette propose un grand choix de vins (également disponibles au verre), le tout dans une ambiance qui marie accents urbains branchés et diversité des styles décontractée. Une chose est sûre : ce petit restaurant cosy de la rue de Strasbourg, tout près de la merveilleuse épicerie fine Thym & Citron et de la célèbre poissonnerie Kraken, vous fera du bien aux papilles, au corps et à l’esprit !
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LUX E M B O U R G
Parfums et épices des mers lointaines Votre nostalgie des vacances vous donne des envies de Thaïlande ? Vous gardez un souvenir impérissable de ses plages sublimes, de ses habitants chaleureux et de sa délicieuse cuisine aux arômes délicats ? Vous salivez en repensant à votre soupe préférée, à l’alléchant Tom Ka Kai au poulet, à la noix de coco et à la coriandre, au curry de canard épicé et piquant juste ce qu’il faut, ou au plat de langoustines délicieusement parfumé au basilic thaï ? Pas de plage ni de palmiers dans la Haute-Ville de Luxembourg, malheureusement, mais le dépaysement est bien là avec une cuisine thaïlandaise de qualité : exotisme garanti chez Thai Celadon, un élégant restaurant au décor de style colonial particulièrement réussi. Je raffole des Bangkok Spare Ribs à l’huile de sésame, accompagnées d’une bière thaïlandaise Singha frappée. Croyezmoi, c’est un vrai bonheur ! Et lorsque vous fermez les yeux, vous n’êtes plus au Luxembourg, à 200 mètres du Palais grand-ducal, mais dans un magnifique restaurant de plage sur votre île thaïlandaise préférée...
Restaurant Thai Celadon 1, rue du Nord L-2229 Luxembourg Tél. +352 47 49 34 thai.lu
Un dépaysement qui fait rêver Dans tous les restaurants, vous pouvez arriver à l’improviste. Mais par précaution, nous vous conseillons de réserver votre table à l’avance. Vous éviterez ainsi les déceptions ! Les voyages sont passionnants. Ils ouvrent de nouveaux horizons. Ils réveillent l’explorateur qui sommeille en nous. Quelle chance de pouvoir s’échapper du quotidien le temps d’un repas, dans des lieux qui dépaysent et font rêver !
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LUX E M B O U R G
Encore plus de restaurants à tomber amoureux 1 Restaurant El Barrio À Luxembourg-Kirchberg, vivez l’ambiance des restaurants de tapas animés et créatifs de Barcelone en dégustant les meilleures spécialités espagnoles. Facilement accessible depuis la station Glacis, privilégiez le tram pour éviter les problèmes de stationnement.
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elbarrio.lu
2 Restaurant-Bar Paname Situé dans le quartier de la gare, Paname est l’un des plus sympathiques bars à cocktails urbains avec restaurant et ambiance internationale. L’endroit idéal pour passer une excellente soirée, comme en club de vacances.
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3 Restaurant Mad About Perú Si vous recherchez un peu de dépaysement dans le sud du pays, le petit restaurant péruvien Mad About Perú (qui possède désormais un autre établissement à Luxembourgville) est une bonne adresse, que ce soit pour déguster un délicieux ceviche ou pour goûter l’un des meilleurs pisco sour du Luxembourg !
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4 Restaurant Naga Toujours au sud, Naga est un restaurant à l’atmosphère exotique et élégante, situé à seulement 12 km de Luxembourgville. Dans votre assiette se mêleront des influences orientales, des parfums d’Asie ou de la Méditerranée. Une adresse qui donne clairement envie de voyager !
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Le pouvoir du passeport Chaque année, le cabinet international de conseil en mobilité et fiscalité Nomad Capitalist publie son Passport Index : un classement de la « puissance » des différents passeports sur la base de critères tels que la liberté de voyager, les avantages fiscaux et les libertés individuelles. Après avoir occupé la première place en 2022, le Luxembourg doit se contenter cette année d’une solide quatrième place. La couronne revient à la Suisse, suivie de l’Irlande et du Portugal. L’Allemagne se retrouve à une honorable sixième place partagée, tandis que la France et la Belgique se classent ensemble à la 18e place. Les États-Unis arrivent à la 44e place, loin derrière nombre de leurs alliés occidentaux. Le Yémen, l’Irak et l’Afghanistan ferment le classement. Une chose est sûre : pour explorer le monde, mieux vaut posséder les bons outils, qu’il s’agisse d’un couteau ou d’un passeport suisse.
Dîner de luxe dans l’espace En 2025, le restaurant Alchemist de Copenhague allume ses moteurs en direction de l’espace ! Grâce à une coopération avec SpaceVIP, le chef étoilé Rasmus Munk concocte un menu divin dans la stratosphère. Pour la modique somme de 495 000 dollars par personne, six passagers privilégiés pourront non seulement goûter aux plaisirs culinaires à bord du Spaceship Neptune, le premier vaisseau spatial climatiquement neutre, mais ils seront également vêtus de combinaisons Ogier sur mesure, fabriquées à l’aide des technologies textiles les plus sophistiquées et spécialement conçues pour cette mission. Une aventure véritablement céleste : de la cuisine étoilée au sens propre du terme !
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La désintoxication numérique Et si on éteignait nos smartphones pour laisser la nature s’exprimer ? La Finlande présente Ulko-Tammio, la première île sans téléphone portable au monde. Située dans l’est du golfe de Finlande, c’est la destination estivale parfaite si vous souhaitez enfin quitter le monde numérique le temps d’un court séjour. Au lieu des likes et des partages, vous y trouverez de l’air frais, des plantes rares et des plages désertes. On abandonne volontairement son mobile, mais pas d’inquiétude, le réseau reste disponible. Camping ou vacances en cabane ? Vous avez le choix. Découvrez à quel point la vraie vie loin des écrans peut être reposante. Qui a besoin de wifi quand on peut avoir le chant des baleines ?
Gastronomie sur les rails De nombreuses gares historiques du monde entier font actuellement l’objet d’un relooking qui met l’accent sur la restauration et les bars. Qu’il s’agisse de nouveaux hauts lieux culinaires comme Irish Exit et Yono Sushi au Moynihan Train Hall de New York, des stands gourmands de l’Union Station de Toronto ou du bar souterrain Platform 1 de Central Station à Glasgow, les gares ferroviaires invitent de plus en plus à s’y attarder. Dans le Somerset, au sud de l’Angleterre, l’élégant hôtel The Newt a ouvert ses portes cette année dans une ancienne gare, complété par une fromagerie, un café et sa propre cidrerie. Avec ce genre de nouveautés, les gares n’attirent plus seulement les voyageurs, elles deviennent aussi des lieux de rencontre appréciés des locaux.
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Tafelspitz viennois classique au restaurant Gmoakeller sur Heumarkt.
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© WienTourismus/Julius Hirtzberger
EN BAS Le fleuron du Café Sacher est connu bien au-delà des frontières autrichiennes : la Sachertorte.
© WienTourismus/Paul Bauer
Luxair propose 16 vols directs par semaine vers Vienne. luxair.lu
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Éveil des sens à la découverte de Vienne Texte Joscha Remus
Depuis maintenant dix années consécutives, Vienne, capitale autrichienne traversée par le Danube, est élue la ville à la meilleure qualité de vie au monde. Un autre titre vient juste de s’y ajouter, celui de la ville la plus verte au monde. Une bonne raison de venir vérifier par soi-même le bien-fondé de ces éloges. Vous constaterez alors avec étonnement que Vienne n’est pas seulement une beauté naturelle à couper le souffle et un joyau historique, c’est aussi une métropole animée qui ravira vos papilles.
Je me considère comme un journaliste-poète et nombreuses sont les métropoles qui mettent mon cœur en joie. Buenos Aires, Copenhague, Istanbul… mais Vienne sort du lot, à juste titre. Mes déambulations dans la perle du Danube me plongent irrémédiablement dans un univers qui fait la part belle au plaisir des sens. Vienne regorge en effet d’endroits verts et luxuriants. Le nouveau Prater et son atmosphère de prairie bucolique, la profusion de magnolias blancs dans le parc municipal, les lilas en fleurs au musée d’histoire naturelle et le magnifique tapis de fleurs blanches et roses délicatement parfumées des cerisiers japonais sur l’île du Danube… Autant de lieux où la nature permet de se ressourcer au milieu de l’agitation urbaine.
Je ne me lasse pas des jardins aux sources chantantes pour une salutation au soleil, ni des pagodes bordées d’une cerisaie idyllique sur l’île du Danube (un magnifique cadeau du Japon à l’occasion du millénaire de l’Autriche en 1996). Le miracle délicat des cerisiers en fleurs est aujourd’hui un spectacle qui justifie à lui seul une visite à Vienne. La ville abrite cinq jardins japonais, dont le parc de Setagaya, dans le dix-neuvième arrondissement, un véritable bonheur pour les yeux. Bijoux volants et oasis de calme Outre les vignobles, les oasis de verdure et les magnifiques jardins, le cœur sauvage de Vienne bat dans le fleuve Danube, qui s’écoule librement et serpente à travers une authentique jungle et un
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parc national. Le temps d’une balade en canoë, vous traverserez des plaines alluviales incroyables, aux paysages de marais et de roseaux primitifs, où vivent castors et pygargues à queue blanche. Vos yeux s’écarquilleront pendant des heures devant le plumage multicolore des superbes martins-pêcheurs, véritables joyaux des airs. Si vous souhaitez vous échapper du tumulte du centre-ville, le plus beau Grätzl, le Servitenviertel, est l’endroit idéal. À la terrasse d’un café, vous trouverez un coin ombragé en face de l’église baroque à la façade jaune vif. Les Grätzln sont de petits quartiers à l’ambiance presque villageoise. Ah, si je pouvais rester ici pour toujours, à siroter un café dans la Servitengasse, ou attablé dans l’un des superbes Beisln, ces établissements viennois bourgeois qui servent d’excellents repas. Le quartier offre des cafés et terrasses à profusion, élégamment séparés du trottoir par des arrangements floraux, oasis de détente inspirées du charme du monastère tout proche. Si vous recherchez un peu plus d’animation, le Servitenviertel n’est qu’à quelques minutes à pied de toutes les attractions du centre du premier arrondissement. Je recommande une visite du Weltmuseum, de la Schmetterlingshaus et de la Schönlaterngasse. Filet d’omble chevalier en cire d’abeille Escalope viennoise, Tafelspitz, Sachertorte et Kaiserschmarren : ces spécialités de la cuisine locale sont un régal pour les papilles, célèbres dans le monde entier.
Ces classiques sont également repris par la haute gastronomie, souvent réinterprétés de manière très subtile. Vous trouverez l’une des meilleures escalopes viennoises du monde chez Meissl & Schadn, qui propose un atelier que je vous recommande vivement : vous y apprendrez tout sur le croustillant de ce plat national. Mais en tant que reporter culinaire, je ne pouvais passer à côté du Steirereck, dans le Stadtpark. Un paradis gastronomique qui compte depuis des années parmi les 20 meilleurs restaurants du monde ! La viande de veau de lait utilisée pour l’escalope viennoise mâture sur place pendant deux semaines. Après avoir été attendrie et élégamment découpée en forme de papillon, elle est frite dans un mélange d’huile de colza, de beurre clarifié et de saindoux, la matière grasse chaude étant versée sur l’escalope retournée en continu dans la poêle. Mais ma plus grande révélation reste l’omble chevalier en cire d’abeille. Dans un cadre en bois, le filet est cuit sous mes yeux dans une enveloppe de cire d’abeille chauffée à 84 degrés. Après dix minutes de cuisson, la chair merveilleusement juteuse est garnie de cresson basilic et servie avec une sauce succo à la betterave rouge, du caviar d’omble chevalier et de la crème au safran. L’agneau du Pogusch accompagné d’artichauts du Marchfeld, de chou chinois et d’hysope reste également gravé dans ma mémoire.
De doux rêves au Café Central. © WienTourismus/Paul Bauer
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Vienne est un fabuleux pays de cocagne. Ne manquez pas une visite des nombreuses boutiques gourmandes, où de divines douceurs sucrées sont agrémentées de fleurs et d’herbes, sans oublier les cafés légendaires comme le Demel, le Café Central, l’Anzengruber ou le Savoy. Des établissements encore épargnés par le tourisme de masse et le cadre idéal pour expérimenter le dolce far niente à la viennoise. Pour finir, un petit secret hors des sentiers battus : au Brioche und Brösl, les classiques viennois comme l’escalope ou le Tafelspitz sont revisités et servis en burgers.
V I E N N E Le célèbre et délicieux Apfelstrudel au Café Central. © WienTourismus/Paul Bauer
EN BAS L’une des meilleures escalopes viennoises se trouve au restaurant Meissl & Schadn.
© WienTourismus/Julius Hirtzberger
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1 Kirschenhain sur l’île du Danube Près de du pont de Jedlese
kirschenhain.at
5 Cafe Demel Kohlmarkt 14 A-1010 Wien Tél. +4315351717
demel.com
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2 Setagayapark Gallmeyergasse 4 A-1190 Wien Tél. +43140008042
bit.ly/Setagayapark
6 Café Central Herrengasse 14 A-1010 Wien Tél. +4315333763
cafecentral.wien
3 Restaurant Meissl & Schadn Schubertring 10 – 12 A-1010 Wien Tél. +43190212
meisslundschadn.at
7 Café Anzengruber Schleifmühlgasse 19 A-1040 Wien Tél. +4315878297
anzengruber.cafe
4 Restaurant Steirereck Am Heumarkt 2a A-1030 Wien Tél. +4317133168
steirereck.at
8 Restaurant Brioche und Brösl Rotenturmstraße 21 A-1010 Wien Tél. +43 676 777 0677
briocheundbroesel
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R EC E T T E
Le goût de Vienne Si la cuisine viennoise évoque uniquement les saucisses et les escalopes, c’est que l’on n’a pas encore goûté au côté sucré de Vienne ! Le joyau de la couronne parmi les desserts ? Le Kaiserschmarrn. À l’origine, il s’agissait d’un simple plat paysan à base de farine, d’œufs, de lait et de saindoux. Au XIXe siècle, il est devenu une gourmandise raffinée, très appréciée dans les cafés bourgeois et les salons nobles de la capitale. Selon une anecdote, le Schmarrn aurait été nommé en l’honneur de l’empereur François-Joseph, l’époux de la légendaire impératrice Sissi. Un plat aux origines modestes et à l’élégance impériale, simple à préparer et royalement délicieux !
Kaiserschmarrn 2 personnes 5 minutes 10 minutes
∙ 2 oeufs ∙ 125 ml de lait ∙ 2 c.à s. bombées de farine ∙ une pincée de sel ∙ un peu de zeste de citron (non traité)
∙ un peu d’huile pour la cuisson ∙ raisins secs (selon votre goût) ∙ 1 c.à s. de sucre ∙ 1 c.à s. de beurre ∙ sucre glace ∙ confiture de pruneaux, compote de pommes ou de cerises
Séparer les blancs des jaunes d’œufs et monter les blancs en neige. 2 Fouetter le lait avec la farine, le jaune d’œuf, le sel et le zeste de citron, puis mélanger avec les blancs en neige. 3 Faire chauffer l’huile dans une poêle à revêtement antiadhésif et y verser le mélange, répartir les raisins secs et couvrir la poêle. Dès que le fond de la pâte est doré, diviser en quatre et tourner, puis la faire dorer de l’autre côté. 4 À l’aide de deux spatules en bois, couper en petits morceaux de la taille d’une bouchée. 5 Mettre le beurre dans la poêle (cela s’appelle « glänzen » soit briller en Autriche), ajouter le sucre et faire caraméliser légèrement, puis incorporer, dresser et saupoudrer de sucre glace. 6 Servir avec de la confiture de pruneaux, de la compote de pommes ou de la sauce aux cerises. 1
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Nice, le voyage gourmand Texte & photos Philippe Bourget
On y vient pour la Promenade des Anglais, la Méditerranée, le soleil radieux été comme hiver… Mais la ville française à l’accent italien est aussi dépositaire d’une riche culture culinaire, héritée de son histoire et de produits du terroir de qualité. Sous l’angle gastronomique, le séjour prend soudain une nouvelle saveur…
Et si l’on se rendait à Nice pour (bien) manger ? Cela n’empêchera pas de profiter de la plage, de la célèbre Promenade des Anglais, de lieux culturels phare (à l’image des musées Matisse et Chagall) et d’hôtels de charme. La ville est quant à elle depuis le XIXe siècle une capitale incontestée du tourisme urbain et balnéaire. Si on inclut en prime une dimension gastronomique, alors le voyage peut vite devenir une escapade inoubliable. La socca, institution niçoise Car à Nice, on sait se mettre à table. Les allées du marché, sur le célèbre cours Saleya, en disent long sur la variété des produits du terroir : mâche de Mandelieu, christophines de Villefranche-surMer, agrumes de Menton, légumes de la
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plaine du Var… Autant de saveurs, et bien d’autres encore, à retrouver dans les adresses de la ville. L’une d’elles se trouve d’ailleurs sur ce même marché. Au stand Chez Theresa, la queue s’allonge à l’heure du déjeuner. Depuis bientôt 100 ans, cette institution sert la socca, une galette typiquement niçoise à base « de farine de pois chiche, d’huile d’olive, d’eau, de sel et de poivre », résume Sophie, gérante de l’enseigne. On y achète aussi, à manger sur le pouce, de la pissaladière, des petits farcis niçois et des tourtes sucrées de blettes, autres spécialités locales. La vraie recette de la salade niçoise Pour en savoir plus, direction le Vieux Nice et l’atelier culinaire Les Petits Farcis. Aux manettes, Rosa Jackson, une Cana-
N I C E La Promenade des Anglais et la plage Castel.
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EN BAS Le marché alimentaire du cours Saleya.
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N I C E
La socca tout juste sortie du four de Chez Theresa.
À GAUCHE
À DROITE Le Vieux Nice, un air d’Italie.
EN BAS La terrasse du Seen, bar-restaurant rooftop de l’hôtel 5 étoiles Anantara Plaza : vue imprenable sur la ville !
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N I C E dienne tombée amoureuse de la ville et de son background culinaire. Avec elle, on apprend à fabriquer cette socca destinée jadis aux ouvriers. Un plat et une cuisine simples, mais qui demandent du temps. C’est ainsi que l’on se retrouve à pétrir la pâte à socca, tout en surveillant la cuisson des oignons pour la pissaladière. Oignons sur lesquels on ajoute du thym, deux feuilles de laurier, quelques olives noires et du pissalat (pâte aux anchois), avant de mettre le tout au four. Quant à la fameuse salade niçoise, pas question de tricher : « des tomates, des petits artichauts crus, des poivrons, des radis, du thon à l’huile, des cébettes, du céleri, des olives, des anchois, un œuf dur coupé en quatre. Mais jamais de pommes de terre, de haricots ou de riz ! », intime Rosa, qui rappelle que cette salade ne se prépare normalement qu’en hiver. « Cuisine nissarde » Qui dit Vieux Nice dit aussi patrimoine. Au pied de la colline du château, la balade gastronomique dévoile un entrelacs de ruelles de charme, jalonnées d’immeubles ocre à persiennes et d’églises aux frontons baroques. Ce cœur de ville italianisant rappelle que Nice ne fut rattachée à la France qu’en 1860, après avoir longtemps appartenu au royaume de Piémont-Sardaigne. Dans ce dédale, on ira manger Chez Acchiardo, rue Droite, pilier de la « cuisine nissarde ». Au menu de ce restaurant familial bientôt centenaire, ravioli niçois, soupe au pistou, gnocchi, daube ou panna cotta… On s’arrêtera au Fournil Zielinska, rue Gilly, qui produit de succulents pains aux blés anciens. On dînera au Bar des Oiseaux, rue SaintVincent, où la cuisine de Joackim Salliot, ancien chef étoilé en Normandie, fait la part belle aux produits de la mer, avec
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N I C E
la bourride (ragoût de poisson) en tête d’affiche. Au passage, on jettera un œil au couvent de la Visitation. Après des années de travaux, un hôtel cinq étoiles y ouvrira ses portes au mois de juin. Fruits confits, huile d’olive, vins niçois… La chasse au trésor se poursuit dans les quartiers niçois plus récents, ceux des immeubles chic du XIXe siècle. Arrêt à la pâtisserie Auer, face à l’Opéra, rue Saint-François de Paule. Depuis 1820, cette famille venue de Suisse fabrique fruits confits et chocolats. Idem pour les Florian, dont la confiserie, quai Papacino, témoigne depuis plus d’un siècle d’un savoir-faire en matière de douceurs sucrées. Tous deux ont prospéré parce que la région était riche en fruits. Presque en face de la pâtisserie Auer, on ne manquera pas la boutique Nicolas Alziari. Depuis 1868, on y fabrique une huile d’olive réputée. À côté, rue Bosio, la Cave Bianchi, bientôt 165 ans, rappelle que Nice est une terre de vins. On y trouve la seule AOP de France entièrement urbaine, les vins de Bellet. Neuf vignerons se partagent 70 hectares de vignes sur les hauteurs de la ville. La visite du château de Crémat, domaine surplombant Nice, est l’occasion d’en savoir plus sur ce terroir et ces vins de garde. Elle permettra de se convaincre que si Nice aime le luxe, elle est aussi une ville populaire, sa cuisine simple issue d’une double identité provençale et transalpine en est la preuve.
Babel Babel, un bar à cocktails et restaurant idéalement placé, face au soleil et à la mer.
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EN BAS La Part des Anges, haut lieu de dégustation vinicole à Nice.
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1 Villa Saint-Hubert Un hôtel charmant, proche de la gare de Nice-Ville. Une sorte de pension de famille, très bien tenue, avec l’accueil délicieux de la propriétaire.
villasainthubert.com
5 Les Petits Farcis Ici, on apprend à concocter les recettes niçoises avec les excellents conseils de Rosa Jackson, venue de son lointain Canada après être tombée amoureuse de la ville.
petitsfarcis.com
2 Nuances Sous une « déco » sombre, très originale, on se presse pour goûter le « menu à l’aveugle » du chef Andrea Angehrn.
nuances-restaurant.com
6 Bar des Oiseaux Dans le Vieux-Nice également, une belle adresse d’angle de rue pour goûter aux spécialités locales dans un décor chic et artistique. Très bon accueil.
bit.ly/oiseaux-nice
3 Le Patio Une cuisine méditerranéenne de haute volée dans ce restaurant de l’hôtel La Pérouse au bout de la Promenade des Anglais.
bit.ly/le-patio-nice
7 Chez Acchiardo Doté du label « cuisine nissarde », ce restaurant géré par la même famille depuis trois générations propose les meilleures recettes locales, dans une rue du Vieux-Nice.
bit.ly/acchiardo
4 Chez Theresa L’adresse « championne du monde » locale de la socca, cette spécialité culinaire niçoise à base de farine de pois chiche. À goûter au moins une fois.
cheztheresa.fr
8 The Deck Hotel Un quatre étoiles qui décline tous les codes de la marine. Décoration blanc-bleu, ambiance de ponts de bateaux, hublots… Un voyage méditerranéen au cœur de Nice.
deck-hotel.com
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R EC E T T E
Le goût de Nice La salade niçoise fait partie des mythes niçois. Nous tenons à cette recette emblématique, même si elle a évolué dans le temps. Chaque quartier, chaque village, chaque famille a eu sa propre version. La salade niçoise appartient essentiellement à la tradition orale et on ne la trouve pas dans les livres de recettes anciens. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de règle. Si on appelle cette salade « niçoise », c’est parce qu’elle ne contient... que des produits niçois. Les habitants du Comté font depuis toujours une salade à partir de ce qu’ils ont sous la main. Certes, le grand Escoffier y a introduit les pommes de terre bouillies et les haricots... mais il est né à Villeneuve-Loubet, qui était alors dans le département du Var ! Tout bon Niçois sait qu’il n’y a dans la salade niçoise aucun ingrédient cuit (sauf les œufs durs, bien sûr).
Salade niçoise 8 personnes 20 minutes 8 minutes
∙ 20 g d’ail ∙ 100 g de mesclun ∙ 500 g de tomates ∙ 100 g de céleri branche ∙ 400 g de petits cœurs d’artichauts violets (en saison)
∙ 160 g de petits poivrons verts ∙ 100 g de cébettes ∙ 400 g de févettes (en saison) ∙ 250 g de radis longs dits 18 jours ∙ 200 g de thon à l’huile d’olive ∙ 8 à 12 feuilles de basilic (à votre convenance)
∙ 4 oeufs durs ∙ 8 anchois au sel (ou 16 filets) ∙ 50 g d’olives noires de Nice ∙ 100 ml d’huile d’olive ∙ sel fin ∙ poivre du moulinn Variantes ∙ vinaigre de vin rouge ∙ 200 g de concombre
Laver les légumes. Nettoyer les radis en les gardant entiers avec leurs feuilles tendres. 2 Garnir un large plat, préalablement frotté à l’ail, avec du mesclun. Couper les tomates en quartiers, les disposer sur les feuilles de mesclun, assaisonner avec du sel. Émincer finement le céleri, les cœurs d’artichaut, les poivrons verts et les cébettes. Ajouter les févettes (en saison). Le dressage se fait à plat, en disposant les légumes sur les tomates et en soignant la présentation. Assaisonner avec du sel. II n’y aura pas de problème de service car ce n’est pas une salade qu’on mélange. Ajouter le thon en laissant les morceaux assez gros, le basilic ciselé, et décorer avec les œufs durs coupés en quartiers, les filets d’anchois et les olives noires de Nice. 3 Verser l’huile d’olive au dernier moment, ainsi que le poivre du moulin. 1
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La fontaine jet d’eau dans le lac Léman est visible de loin dans les airs et sur terre avec son jet d’eau pouvant atteindre 140 mètres de haut.
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© GeneveTourisme
EN BAS La ville se caractérise par des bâtiments impressionnants, avec les Alpes suisses enneigées en arrière-plan.
© GeneveTourisme
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Savoir vivre à Genève Texte & photos Wibke Carter
On connaît surtout Genève comme abritant de nombreuses banques et organisations internationales renommées. Mais la « plus petite métropole du monde », comme on la surnomme parfois, fascine également par ses musées, les Alpes toutes proches et ses nombreuses chocolateries !
Le jet d’eau de Genève est l’emblème iconique de la ville. Installée en 1891 sur le lac Léman, cette impressionnante fontaine servait à l’origine de soupape de sécurité pour contrôler la pression d’une installation hydraulique située à proximité. Visible depuis les quatre coins de la ville, on peut même l’apercevoir lors d’un survol de la métropole à 33 000 pieds (environ 10 km) d’altitude. En 1951, le jet d’eau est déplacé à son emplacement actuel et sa hauteur maximale est portée à près de 140 mètres. Elle conserve pendant des années le titre de fontaine la plus haute du monde. « Une ancienne loi catholique stipulait que rien ne devait dépasser la flèche de la cathédrale », explique la guide Margaux Cañellas. « Lorsqu’un prince arabe a construit une fontaine plus haute, un référendum a été organisé pour savoir si la
hauteur du jet d’eau devait être à nouveau augmentée. Les habitants craignant de ne plus pouvoir admirer les Alpes, nous avons donc perdu le record. » Si vous souhaitez observer ce symbole de plus près, il est possible de réserver une croisière d’une heure au Quai du Mont Blanc, qui offre une vue imprenable sur le jet d’eau, le Mont Blanc (la plus haute montagne d’Europe) et les villas cossues de style Belle Époque sur les rives du lac. Pour les petits trajets, n’hésitez pas à emprunter les « mouettes », sortes de petits bateaux-taxis. « En été, les gens se détendent au bord du lac, prennent le soleil ou pratiquent des sports nautiques », explique la Genevoise Trishala Ratnapala. « Construits sur une presqu’île artificielle, les Bains des Pâquis, un complexe de bains publics et de saunas datant du XIXe siècle, sont un lieu très apprécié ».
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Entre luxe et nature Une flânerie dans les rues de Genève permet de s’imprégner à la fois de l’ambiance internationale et de la tradition des horlogers, des tailleurs de pierres précieuses et des joailliers, vieille de plus de 500 ans. Les grands noms de l’industrie du luxe s’enchaînent au gré de la promenade. De nombreux fabricants renommés comme Patek Philippe (la marque possède également un musée à Genève) ou Rolex ont toujours une boutique dans la ville. Dans le Jardin anglais, créé en 1855, la célèbre horloge fleurie témoigne de l’art horloger genevois. Ses ornements floraux sont renouvelés quatre fois par an afin de proposer un spectacle végétal en harmonie avec les saisons. Le parc des Bastions fait aussi partie des espaces verts qui composent la métropole suisse. Situé sur le site d’un ancien jardin botanique, de nombreuses espèces de plantes y ont été conservées. Les visiteurs peuvent participer à un jeu d’échecs géant avec les habitants, explorer le Palais Eynard ou visiter le Mur des Réformateurs avec ses statues plus grandes que nature représentant les figures calvinistes Farel, Calvin, de Bèze et Knox. Du chocolat à volonté La vieille ville est certes dominée par la cathédrale Saint-Pierre, mais le coeur de Genève bat sur l’ancienne place du Bourg-de-Four. Les recherches montrent qu’elle accueillait déjà des assemblées municipales à l’époque romaine et servait de lieu de vente pour le bétail au Moyen-Âge. Aujourd’hui, le palais de justice, la magnifique fontaine, l’église luthérienne et la statue Clémentine sont les principales attractions touristiques. La place est également idéale pour s’arrêter prendre un café. Le restaurant Les Armures, réputé pour ses plats locaux comme le filet de perche, n’est qu’à quelques pas de là. La Suisse est célèbre pour son chocolat et Genève fait largement honneur à cette réputation. Des centaines de créations gourmandes sont produites chaque
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G E N È V E L’horloge fleurie se trouve dans le parc Jardin Anglais et se compose d’environ 6 500 plantes à fleurs et arbustes.
À GAUCHE
© GeneveTourisme À DROITE Le parc des Bastions est un lieu de rencontre apprécié des locaux pour jouer aux échecs ou au ping-pong en plein air.
EN BAS Genève fourmille de chocolatiers renommés dont l’histoire remonte souvent à plusieurs générations.
© GeneveTourisme
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La directrice de la boutique, Marion Pezzaglia, vend entre autres des chocolats qui existent depuis 1922 chez Favarger.
Margaux Cañellas révèle tout sur les débuts du chocolat lors du Chocolate Flavours Tour.
jour par plus de trente chocolatiers, des grands noms comme Lindt et Stettler aux marques plus confidentielles comme Sweetzerland et Favarger. Cette dernière est l’une des plus anciennes manufactures de chocolat de la ville. Elle abrite des recettes originales vieilles de deux siècles. « Notre produit le plus célèbre, les Avalines, a été créé en 1922. Elles sont fabriquées à partir de noisettes,
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d’amandes, de vanille de Madagascar et de chocolat au bon lait frais suisse », explique la directrice de la boutique, Marion Pezzaglia. Avec le Choco Pass, les gourmandes et les gourmands peuvent profiter d’une visite chez sept chocolatiers genevois et déguster dans les meilleures conditions les chocolats les plus raffinés. Si vous avez encore une petite faim, le Chocolate Flavours Tour vous per-
mettra de tout savoir sur l’origine du chocolat, de profiter de six dégustations et peut-être de répondre à cette question essentielle : le chocolat blanc est-il vraiment du chocolat ? « Je n’ai pas d’avis sur le sujet », s’amuse Margaux Cañellas. « Je suis neutre, comme mon pays ! » Mais au final, peu importe, car quelle que soit la couleur, attention à la crise de foie !
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1 Les Armures Les Armures est un excellent choix pour déguster des plats traditionnels. Le plus ancien café de Genève sert des spécialités locales comme l’émincé de veau à la zurichoise, la saucisse suisse grillée ou la fondue au fromage.
2 La Potinière Café décontracté le jour et bar festif la nuit. Les Genevois s’y retrouvent pour boire une bière, bruncher ou siroter un cocktail. Il est situé directement au bord du lac et proche du Jardin anglais.
lesarmures.ch
The Woodward Cet établissement est situé dans un bâtiment construit en 1901 avec une vue imprenable sur le lac Léman. Plus petit hôtel cinq étoiles de la ville avec seulement 26 suites, il dispose de deux restaurants et d’un spa Guerlain. 4
oetkercollection.com
3 Chez Philippe Chez Philippe, les gourmets trouveront au cœur de Genève une atmosphère semblable au Meatpacking District new-yorkais. Le célèbre chef Philippe Chevrier est à la tête de ce paradis pour les amateurs de viande.
lapotinieregeneve.com
Du Rhône Cette jolie boutique renferme non seulement des étagères remplies de douceurs séduisantes, mais aussi la possibilité d’enfiler le tablier d’un maître chocolatier lors d’un atelier gourmand. Attention, risque d’addiction ! 5
durhonechocolatier.ch
chezphilippe.ch
CERN Les églises, c’est d’un banal... Mais les installations de recherche nucléaire ouvertes au public ? Plutôt rares ! Le CERN offre aux visiteurs une occasion unique de découvrir la quête de l’humanité pour percer les secrets de l’univers. 6
weltmaschine.de
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Au pays du fromage et des Knödel Texte & photos Stefanie Bisping
Atelier culinaire ou visite d’une fromagerie : une escapade dans le Tyrol du Sud est l’occasion pour les voyageurs de ramener un peu de bonheur gustatif dans leurs valises.
On tombe facilement amoureux du Tyrol du Sud et la région profite pleinement de cet attrait touristique. Mais pour les visiteurs, pas toujours facile de plier bagage. Les souvenirs culinaires leur permettent alors de continuer à savourer encore un peu plus la joie de vivre tyrolienne à la maison. De nombreux hôtels et fermes d’agritourisme offrent même à leurs clients l’occasion de se faire plaisir au quotidien avec les délices locaux, comme les Knödel, en leur enseignant les secrets de leur préparation. Ces sortes de quenelles rondes à base de pain sont le plat national du Tyrol du Sud et, pour de nombreux vacanciers, l’incarnation du bonheur tyrolien. Pas étonnant qu’elles soient ainsi mises en avant dans presque tous les cours de cuisine ! « Pourtant, les Knödel représentent traditionnellement le plat du pauvre », explique Regina Gruber, cheffe principale du Tratterhof à Meransen. Sa mère
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et sa grand-mère lui ont appris l’art de cette spécialité, qu’elle enseigne désormais une fois par semaine à ses clients. « On avait juste besoin de restes de pain et de lard ». Pas besoin d’acheter d’ingrédients supplémentaires : il y avait toujours de la farine et des œufs dans les placards, ainsi que du pain rassis, qui n’était fabriqué qu’au printemps et en automne. Aujourd’hui, les Knödel sont souvent servis en accompagnement du goulasch ou avec une salade. Autrefois, avant que le Tyrol du Sud ne devienne l’une des régions les plus prospères d’Italie, les quenelles au lard ou au fromage constituaient le repas du soir plusieurs fois par semaine. Un jeu d’enfants La préparation est un jeu d’enfants : on commence par couper en petits morceaux du pain vieux de trois à quatre jours. « Plus il est sec, mieux c’est »,
S U D D U TYR O L Regina Gruber, la cheffe senior du Tratterhof, initie personnellement les invités à l’art de la fabrication des Knödel.
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EN BAS Former des quenelles parfaitement rondes avec la pâte, les cuire dans de l’eau salée et les servir : le chemin vers le bonheur des Knödel est court.
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S U D D U TYR O L Le Tratterhof Mountain Sky Hotel, situé audessus de Meransen, combine panoramas de rêve avec bien-être et hospitalité authentiques du Tyrol du Sud. © Tratterhof
explique Regina Gruber. C’est le dosage du lait qui constitue la partie la plus critique : « Il ne faut jamais suivre la recette. Tout dépend si le pain est vraiment dur ou plutôt mou. » En règle générale, plus le pain est vieux et sec, plus il faut de lait. En cas de doute, utilisez le lait avec parcimonie. « Si la pâte est trop molle, les quenelles se désagrègeront à la cuisson », prévient Regina Gruber. Pour 26 quenelles (qui se congèlent sans problème et qui peuvent passer directement du congélateur à l’eau bouillante), elle compte environ 300 millilitres de lait et 600 grammes de pain rassis. Ajoutez le lait au pain avec six ou sept œufs : « Un de plus ou de moins, cela ne change pas grand-chose. Salez légèrement et ajoutez de la ciboulette ou du persil pour parfumer un peu la pâte. » Pendant ce temps, faites griller un demi-oignon dans de l’huile de tournesol jusqu’à ce qu’il brunisse. Ajoutez ensuite l’huile aux autres ingrédients avec le lard coupé en dés. Mais attention : « Il ne faut pas faire frire le lard dans l’huile sous peine de le faire durcir », explique l’experte. Le simple fait de le mélanger à la pâte avec un peu d’huile permet de développer tout ses arômes. Pour optimiser la consistance, il suffit d’ajouter une cuillère de farine et la pâte est prête. Pour les Knödel au fromage, les restes de fromage remplacent le lard ; Regina Gruber ajoute en plus une pointe de gorgonzola au centre. Après dix minutes de repos, formez des quenelles rondes et uniformes avec vos mains humidifiées. Les clients n’ont généralement pas le coup de main de la maîtresse de maison expérimentée. Mais qu’à cela ne tienne ! Laissez ensuite cuire pendant douze à quinze minutes dans un grand volume d’eau salée, juste le temps de souffler un peu ou de préparer la salade de chou qui les accompagnera. Le Tratterhof apparaît pour la première fois en 1650 sous le nom de Trota, qui désigne la plus petite ferme d’un village. Celle-ci conserve cet humble statut pendant de longues années : avec un hectare de prairie, un peu de forêt, deux vaches
et quelques chèvres, la ferme, déjà exploitée par la famille Gruber, est toujours la plus petite de Meransen dans les années 1970. Lorsque Regina Hinteregger et Franz Gruber tombent amoureux dans le téléphérique en 1976, le Tyrol du Sud est à l’aube de l’ère du tourisme. Après son mariage en 1981, le jeune couple transforme la modeste exploitation en une pension de quinze chambres. Aujourd’hui rebaptisé Tratterhof Mountain Sky Hotel, c’est un établissement élégant doté d’un espace bien-être et d’une piscine en rooftop avec vue sur la vallée de l’Isarco et le val Pusteria. Un modèle de développement ambitieux des entreprises familiales du Tyrol du Sud, aussi typique et répandu que les spécialités de Knödel et les bons vins locaux. Une passion pour la bonne chère Pendant ce temps, les Knödel des clients sont cuits à point. Les quenelles au fromage sont maintenant saupoudrées de parmesan et de beurre fondu, tandis que celles au lard accueillent leur salade de chou. Commence alors la partie la plus agréable de l’atelier : la dégustation dans la salle à manger rustique, propice à des échanges sur les diverses expériences culinaires et touristiques. Car en plus d’un attrait pour l’univers de la montagne, les hôtes partagent généralement une passion pour la bonne chère : c’est aussi le but de cette visite. Et c’est pourquoi les producteurs locaux ouvrent volontiers aux vacanciers leurs ateliers de fabrication et leurs magasins fermiers. Parmi eux, Stefan Köhl, qui produit du fromage près de Novare, à 1360 mètres d’altitude. « Mon père s’occupe de la production laitière et moi du fromage », explique-t-il. Depuis 2007, ce jeune homme de 37 ans dirige sa fromagerie fermière, dans laquelle il utilise exclusivement le lait de ses 30 vaches de race grise Tiroler Grauvieh. « Pas besoin de l’écrémer car il contient moins de matières grasses que celui des autres vaches », explique Stefan Köhl. « Je peux l’utiliser sans transformation ». De plus, il est particu-
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lièrement savoureux grâce aux herbes des prairies alpines verdoyantes, sur lesquelles les animaux paissent durant tout l’été. Stefan Köhl n’a que 17 ans lorsqu’il effectue un stage dans une fromagerie fermière. C’est alors une évidence : « Je vais faire pareil chez moi ». À la ferme Lehrner, datant du XIVe siècle et reprise par sa famille en 1906, on a toujours élevé des vaches grises. Désormais, le fromage vient s’ajouter à la production laitière. Une fois sa formation achevée, il se lance. Stefan Köhl produit aujourd’hui dix sortes de fromages qui lui ont valu de nombreux prix en Allemagne et en Italie. Après une formation en Autriche et un stage en Suisse, Michael Steiner, né en 1994, a repris la fromagerie familiale Eggemoa à Mühlwald, près de Sand in Taufers. Avec le lait de ses quinze vaches brunes de race Braunvieh, qui paissent dans les pâturages d’avril à octobre, et celui qu’il achète auprès d’une ferme de confiance, il fabrique une douzaine de fromages au lait cru primés et affinés. Il y ajoute de l’écorce d’épicéa, des baies de genièvre ou des herbes locales. Mais il ne travaille pas le poivre ni le paprika, qui ne sont pas des produits locaux. Ses fromages sont donc résolument régionaux ! Mais changeons un peu du lait de vache… Manuel Zingerle, né en 1984, mise sur la chèvre, ou plutôt sur ses 160 biquettes. Il y a quelques mois, il a repris de son père la fromagerie Unteregger à Vals et y produit plusieurs fromages au lait cru : le fromage à pâte molle « Sissi », du nom de la première chèvre de la ferme, les produits Berni, Ricki, Viktor et Friedl, qui portent les noms de membres de la famille, ainsi que des versions au fenugrec et au poivre vert. Il connaît ses animaux sur le bout des doigts. Il parvient à les distinguer à leur faciès, raconte-t-il. « Mais, de derrière, je reconnais aussi le pis de chacune ». En effet, il voit les animaux sous cet angle deux fois par jour lors de la traite. Il en sait également beaucoup sur la race de la chèvre blanche allemande, ou Edelziege. Elle
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est parfois têtue, mais pas méchante. Elle présente aussi quelques traits humains : « C’est une gourmande. J’en vois souvent une ou deux choisir une tige de foin particulièrement tendre et la croquer comme un bretzel ». Spécialiste en produits laitiers Les bêtes pouvant se montrer difficiles, mais aussi pour garantir leur bonne santé, Manuel Zingerle ne leur donne que du foin et de la luzerne. En été, elles paissent dans la prairie au-dessus de l’étable. « C’est mon père qui a eu l’idée de créer une fromagerie », raconte Manuel Zingerle. Les personnes intolérantes au lactose supportent généralement mieux le lait de chèvre, c’est pourquoi il a opté pour ce type de fromages. En 2008, il achète des agneaux et début 2009, la production démarre avec 80 animaux. Son fils, charpentier de formation, lui donne un coup de main. Très vite, il y a tellement à faire que Manuel ne peut plus consacrer qu’une petite partie de son temps à la construction de maisons en rondins de bois. « À 26 ans, je suis retourné au lycée professionnel et j’ai obtenu un diplôme de spécialiste en produits laitiers en Autriche. » Un an plus tard, il suit une formation en technologie laitière et possède désormais un diplôme de « sommelier en fromage ». Aujourd’hui, il transforme 100 000 litres par an. Son quotidien est rythmé par les traites de 6h00 et de 18h00. Après une période de maturation de trois semaines à dix mois, les fromages sont mis dans des moules et placés dans un bain de sel pendant deux à 36 heures. Le petit-lait, le liquide résiduel, entre dans la composition de produits cosmétiques. Richard, le papa, s’occupe du travail à l’étable, Manuel de la fromagerie, de l’administratif et de la distribution, tandis que Bernadette, la maman, s’occupe du magasin de la ferme. Outre les fromages à pâte dure, à pâte molle et à la coupe, celui-ci propose aussi du saucisson à la vente. Tout est bon dans la chèvre !
S U D D U TYR O L Michael Steiner travaille dans sa fromagerie Eggemoa près de Sand in Taufers. Il utilise exclusivement des produits régionaux et principalement le lait de ses propres vaches.
Conseil pour les gourmets et les gourmands Knödel De nombreux hôtels proposent des cours de cuisine à leurs clients. Au Tratterhof, au-dessus de Meransen, c’est la cheffe Regina Gruber qui dispense gratuitement un atelier dédié aux Knödel tratterhof.com
De nombreuses fermes d’agritourisme proposent également des cours de cuisine ; vous trouverez une vue d’ensemble ici : roterhahn.it/en
Fromage Stefan Köhl produit ses fromages à l’ombre des sommets du Rosengarten et du Latemar (Lehnerweg 15, Deutschnofen). Son magasin fermier est ouvert du lundi au samedi de 9h00 à 11h00 et sur réservation à l’adresse : Manuel Zingerle produit du fromage de chèvre dans sa fromagerie Unteregger à Vals. Il sait que les chèvres peuvent être têtues, mais elles ne sont pas capricieuses.
info@hofkaeserei.it
Michael Steiner exploite la fromagerie Eggemoa dans une vallée isolée à Mühlwald et propose des dégustations dans son magasin fermier (15 euros, inscription à l’adresse info@eggemoa.com). Informations : eggemoa.com
Dans sa fromagerie Unteregger, Manuel Zingerle propose des visites guidées de la ferme suivies de dégustations (8 euros). Inscription : info@unteregger.it
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Almyra Hotel Une retraite luxueuse avec spa
Baur au Lac L’élégance intemporelle rencontre la modernité
Paphos
Zurich
L’hôtel Almyra, à Paphos, accueille sa clientèle exigeante dans une atmosphère luxueuse où se mêlent élégance et détente. Doté d’un design moderne au milieu d’une végétation méditerranéenne en bord de mer, il est facilement accessible depuis l’aéroport de Paphos, ce qui en fait l’écrin idéal pour une escapade entre filles. L’ALMYRASPA, un espace bienêtre dédié aux adultes, propose des soins modernes, des repas sains en extérieur, des bains de vapeur, de vastes piscines et des séances d’entraînement privées sur le toit-terrasse. Une envie de shopping ? La boutique Almyra KULT vous propose des marques de créateurs comme Gucci et Prada. Les cinq restaurants de l’hôtel servent une cuisine fusion chypriote à base de produits frais locaux. Du restaurant buffet Mosaics à l’élégant Notios, qui propose des plats d’inspiration japonaise et méditerranéenne, en passant par l’Ouzeri et ses spécialités chypriotes accompagnées d’un verre d’ouzo face à la mer. L’Antasia Beach Club, situé sur la plus belle plage de Paphos, met à la disposition des clients de l’hôtel des chaises longues (sur réservation préalable), idéales pour se détendre au soleil en journée ou pour faire la fête en soirée.
Inauguré en 1844 par l’Autrichien Johannes Baur, l’hôtel Baur au Lac est aujourd’hui dirigé par la sixième génération de la famille Kracht. Situé au cœur de Zurich, à un jet de pierre de la zone commerciale haut de gamme et des attractions culturelles majeures, le Baur au Lac est considéré comme l’un des meilleurs hôtels du monde. Les chambres exclusives sont intemporelles et élégantes, dotées d’une décoration aux accents contemporains, d’œuvres d’art moderne et d’une touche de glamour hollywoodien. Elles séduisent par le panorama spectaculaire qu’elles offrent sur le parc bucolique de l’hôtel et sur le lac de Zurich, agrémenté d’une vue qui s’étend jusqu’aux Alpes. Outre les travaux de rénovation annuels qui seront réalisés dans les chambres, un nouveau restaurant ouvrira ses portes à l’été 2024.
almyra.com
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bauraulac.ch
R ÊV E D E H ÔT E LS
Puente Romano Charme historique et luxe
Villa Igiea Une nouvelle vie pour le joyau de Palerme
Marbella
Palerme
Le Puente Romano Marbella, construit en 1974 à l’instigation du prince Alfonso von Hohenlohe comme résidence exclusive sur la Costa del Sol, est aujourd’hui un complexe hôtelier 5 étoiles emblématique, élu meilleur complexe hôtelier par Condé Nast Traveller. Avec son pont romain historique, ses trois villas privées, ses 162 suites nichées dans des jardins botaniques, plus de 20 restaurants et bars, y compris le NOBU et le CIPRIANI, ainsi qu’une offre complète d’activités sportives et de bien-être, dont un club de tennis renommé et un spa Six Senses, le complexe attire des clients du monde entier. Situé sur le Golden Mile de Marbella, près de l’aéroport de Malaga, il propose en outre un éventail de programmes spécifiques pour les enfants et les adolescents.
Magnifique propriété classée de 100 chambres avec vue sur le golfe de Palerme, la Villa Igiea a rouvert ses portes en juin 2021 sous l’égide des hôtels Rocco Forte après d’importants travaux de rénovation. Joyau sicilien du groupe hôtelier, le palais historique de style Art nouveau a été élégamment restauré sous la direction d’Olga Polizzi, en collaboration avec Paolo Moschino, ainsi que Philip Vergeylen pour Nicholas Haslam Ltd. L’atmosphère glamour du XIXe siècle a été magnifiquement conservée. L’architecte Ernesto Basile a métamorphosé cette villa, privée à l’origine, à la demande de la famille Florio, pour en faire un hôtel de luxe qui a très vite attiré la noblesse, les dignitaires et le gratin d’Hollywood. bit.ly/villa-igiea
puenteromano.com
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M A R B E L LA
Marina Canas invite à la dégustation dans les vignobles du Cortijo Los Aguilares.
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EN BAS Près de 150 cochons vivent sur le terrain du domaine viticole.
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M A R B E L LA
Plaisirs des papilles sur la Costa del Sol Texte & photos Susanne Freitag
Entre Marbella et Estepona, les restaurants d’hôtels et les vignobles offrent une profusion de saveurs, tandis que les tavernes mettent en scène la passion de la musique.
Depuis la terrasse du restaurant La Loggia, situé dans le complexe hôtelier Anantara Villa Padierna Palace Benahavís Marbella Resort, les clients profitent d’une vue imprenable sur le lac et sur l’un des trois terrains de golf de l’hôtel. À midi, le restaurant propose un éventail varié de spécialités de Malaga. On y sert d’anciennes recettes de la région, comme le gazpachuelo de lotte (une soupe crémeuse agrémentée de morceaux de pommes de terre, de crevettes et d’une pointe d’ail) et des tomates bleues charnues et aromatiques de la vallée du Guadalhorce. En outre, les gourmands auront du mal à résister aux churros, ces délicieux beignets en pâte à frire accompagnés d’une sauce au chocolat. Des porcs heureux et des grands crus Les amateurs de vin, quant à eux, ne manqueront pas de faire un détour par la Serranía de Ronda, l’une des régions viti-
coles les plus méridionales d’Europe. Depuis Benahavís, comptez une heure et demie de route sinueuse pour vous rendre au domaine viticole familial de Cortijo Los Aguilares, près de Ronda. Sur les 600 hectares de l’exploitation, seuls 25 sont consacrés à la culture de la vigne. Le reste, composé de chênes verts centenaires et de broussailles, abrite 150 cochons ibériques sauvages. Avec un peu de chance, vous pourrez les croiser lors d’une visite guidée animée par Marina Canas et Anna Rodríguez. Elles accompagnent les groupes aux quatre coins du domaine et leur dispensent des informations sur la culture et les vendanges manuelles des cépages merlot, syrah, tempranillo, cabernet sauvignon, petit verdot et pinot noir. La randonnée d’environ huit kilomètres se termine par une dégustation de vins rouges délicats, de saucisson et de jambon ibérique devant un ancien repaire de bandits niché au milieu des vignes.
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M A R B E L LA Vue du restaurant La Loggia sur le terrain de golf et le lac de l’Anantara Villa Padierna Palace Benahavís Marbella Resort.
Tomates bleues et flamenco passionné.
L’or liquide et l’âme de l’Andalousie Outre le jus de raisin gorgé de soleil, la région se caractérise également par une autre spécialité renommée : son huile d’olive, véritable or liquide qui figure en bonne place sur toutes les tables des nombreux établissements de restauration locaux. David Gallardo en produit pour différents hôtels et restaurants de la région et tient le petit magasin D.Oliva dans la vielle ville de Marbella. Sur demande, il propose des dégustations vivantes et intéressantes : les clients peuvent notamment apprendre que l’huile vierge extra est la reine des huiles d’olive et que pour
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obtenir un litre de ce précieux nectar, il faut 25 kilogrammes d’olives vertes, mais seulement cinq kilogrammes d’olives noires. Outre les huiles classiques, David Gallardo a également créé 25 huiles originales, notamment aromatisées à la tomate et au basilic, au wasabi, à la truffe blanche ou au piment Carolina Reaper qui est, selon lui, « probablement l’huile d’olive la plus piquante au monde. » Depuis la vieille ville de Marbella, retournons à présent dans le coin gastronomique de la Costa del Sol, surnom donné à la localité pittoresque de Benahavís. Le centre de ce village de montagne abrite d’innom-
brables bars à tapas et restaurants, dont la Taberna Fantástica. Dans l’ancienne maison de maître, le chef Aquiles Fernández sert des spécialités locales comme le pain grillé à la tomate, les croquettes crémeuses et le boudin noir cuit au four. Tous les vendredis soirs, Juanjo Alcántara, Ana Guerrero et leur quatuor offrent un spectacle de flamenco enflammé.
anantara.com/fr/villa-padierna-marbella cortijolosaguilares.com dolivaonline.com latabernafantastica.es
MAR B E L L A
Breviarium
FRANCE
Madrid PORTUGAL
ESPAGNE
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Estepona
Marbella
36° N 4° O visitcostadelsol.com
À faire absolument Il vous faudra absolument goûter au dessert traditionnel de Pâques, les torrijas, une sorte de pain perdu cuit dans de l’huile d’olive au lieu du beurre. Pour quatre à six portions, comptez une baguette ou une brioche tressée de la veille, un litre de lait, quatre œufs et de l’huile d’olive extra vierge. Commencez par faire tremper les tranches de pain dans le lait pendant quelques minutes, puis passez-les dans le mélange d’œufs et faites-les cuire à la poêle. Pour la touche finale, retournez les torrijas dans un mélange de sucre et de cannelle. Servez avec de la crème glacée, du miel ou du sirop.
À éviter C’est tentant, mais attention à ne pas commander trop de tapas ! Malgré l’envie de goûter le plus grand nombre possible de ces petits délices, en général, deux ou trois par personne suffisent pour une entrée et quatre pour le plat principal. Le soir, les Espagnols ont coutume d’enchaîner plusieurs bars à tapas. Mais sachez-le : il n’est pas d’usage de demander des notes séparées, alors préparez-vous à partager l’addition.
Trésors cachés Ronda n’est plus vraiment un joyau caché et la ville a perdu un peu de la popularité dont elle jouissait dans les années 1990. Mais sa visite fait tout de même partie des lieux à ne pas manquer. Elle est située sur la route des villages blancs d’Andalousie et les deux autres villages, Frigiliana et Casares, ne sont pas si éloignés. Il valent également le détour, tout comme le pont Puente Nuevo, haut de 98 mètres, et les arènes du XVIIIe siècle. spain.info/fr/destination/ronda
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C H I F F R E S E N
Aventures galactiques Texte Charel Heinen
Le tourisme spatial n’est plus seulement synonyme de voyage pour astronautes ou d’aventure de science-fiction : c’est une véritable option chez certains tour-opérateurs bien spécifiques, même si elle reste (pour l’instant) réservée à une clientèle terrestre plutôt aisée. Le concept semblerait presque trop « cosmique » pour être vrai : plus besoin d’appeler la NASA pour profiter d’une brève aventure dans les étoiles, il suffit désormais de vider son compte en banque pour s’offrir un saut en apesanteur. Grâce à une poignée d’entreprises visionnaires, ce ticket pour l’espace devient aujourd’hui une réalité. Ces pionniers, que l’on pourrait surnommer « les Six Galactiques », sont à l’origine de la transformation du tourisme spatial, qui passe ainsi d’utopie à réalité plutôt onéreuse. Ces voyagistes du futur vous promettent non seulement des montées d’adrénaline éphémères au-dessus de la ligne de Kármán, mais ils prévoient aussi des excursions qui
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vous feront décrocher la Lune. Imaginez : vous, oui, vous qui nous lisez, vous pourriez entrer dans le club très fermé des touristes lunaires. Un caprice de riche ? Absolument. Mais il y a un prix à payer pour toucher du doigt les étoiles. À une époque où l’espace n’est plus réservé aux astronautes et aux télescopes, le contexte ressemble à une ruée vers l’or galactique. Le cosmos ouvre ses portes aux esprits les plus téméraires (un cercle exclusif, il est vrai), prêts à franchir les frontières du connu. Reste à savoir si cette euphorie ramènera sur la terre ferme les tarifs d’un tel voyage. En attendant, le tourisme spatial reste une aventure passionnante pour les cœurs aventureux qui rêvent de flotter loin au-dessus des nuages.
C H I F F R E S dollars américains : c’est le prix d’un billet chez Virgin Galactic en août 2023 pour un vol d’environ 90 minutes dans l’espace.
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entreprises spatiales* privées ont émergé sur le marché du tourisme spatial.
5
de ces entreprises prévoient des vols touristiques vers la Lune d’ici 2030.
E N
450.000 15
minutes : la durée moyenne d’un vol touristique suborbital.
2025 l’année où Space X prévoit d’envoyer le premier touriste spatial sur la Lune.
36 % 100 90 %
des participants à une enquête menée par YouGov.de en 2016 seraient prêts à voyager dans l’espace si l’argent n’était pas un critère.
km : l’altitude où se situe la ligne de Kármán, qui définit le début de l’espace.
des touristes spatiaux font l’expérience de « l’effet de vue d’ensemble » après leur voyage, un changement total de perspective sur la Terre et l’humanité.
8.000.000.000 de dollars américains : l’estimation des experts de Wall Street pour la valeur totale du marché du tourisme spatial d’ici 2030.
* Blue Origin, Space X, Virgin Galactic, Axiom Space, Orbital Assembly et Zephalto
Sources : tagesschau.de, tui.com, yougov.de, marketwatch.com, grandviewresearch.com, spacex.com, euronews.com
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M AJ O R Q U E
Lors d’une visite des salines, Laura Calvo montre comment le sel est extrait. Les champs de sel sont un écosystème fragile.
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EN BAS La précieuse flor de sal est composée de cristaux en forme de fleur. De nombreux grands chefs cuisiniers aiment le sel de Majorque.
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M AJ O R Q U E
Fait à la main : sel marin et vins majorquins Texte & photos Wibke Carter
L’île de Majorque, dans l’archipel des Baléares, est célèbre pour ses plages de rêve et ses eaux turquoises, mais aussi pour l’agitation du Ballermann et pour les flots de touristes qui déferlent sur Palma. Elle possède cependant des facettes plus confidentielles : à Es Trenc, par exemple, où l’on extrait le sel à la main de manière artisanale.
« Les recherches archéologiques montrent que la première exploitation du sel à Majorque remonte au IVe siècle avant J.-C., durant l’ancienne colonisation carthaginoise, mais la plupart des découvertes datent de l’époque romaine », explique Laura Calvo. « Nous savons qu’il y avait des mines de sel sur toute l’île, mais les salines d’Es Trenc, que nous exploitons aujourd’hui, sont désormais les seules de l’île. » Tous les sels ne se ressemblent pas Les mines de sel se situent derrière la longue plage de sable blanc d’Es Trenc. L’eau de mer s’écoule vers l’intérieur des terres par un canal qui mène à des étangs naturels et artificiels. Grâce à cette eau cristalline, aux températures élevées quasiment toute l’année, et à la douce brise qui souffle lors des longues journées d’été, le processus d’évaporation dans ces immenses
« poêles » produit un sel pur de la plus haute qualité. Le sal communal, extrait tout au fond du bassin, est utilisé uniquement à des fins industrielles, notamment pour la fabrication de sel pour lave-vaisselle. Le sel de table classique, ou sal marina virgen, provient de la couche intermédiaire. La flor de sal, qui flotte à la surface et que l’on extrait dans les plus petits bassins, est composée de cristaux en forme de fleur récoltés à la main. Il s’agit du sel le plus pur, qui contient plus de 80 minéraux. Il est très sain et prisé par les grands chefs pour sublimer leurs plats. Il faut environ six mois pour que l’eau se transforme en sel. À la fin du processus, « l’or blanc » s’amoncelle en montagnes immaculées. « Lors de mon deuxième jour de travail, nous avons dû faire face à une forte averse d’été. J’ai cru que nous allions faire faillite », confie en riant le directeur général Wolfgang
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Antonio Gutmayer Mota, dit Toni, « mais il en faut plus pour faire fondre nos montagnes de sel. » Une caractéristique qui n’a pas non plus échappé au secteur de la publicité : en plein été, les cristaux scintillants font office de glaciers enneigés pour des spots publicitaires. Outre la production de sel, une visite à Es Trenc permet d’observer des animaux et des plantes rares au cœur de la réserve naturelle d’Es Trenc Salobrar de Campos. Autour des salines, un écosystème unique s’est développé, abritant 170 espèces différentes : balbuzards pêcheurs, busards des roseaux et grues, mais aussi une colonie de 400 flamants roses sauvages qui trouvent dans ces zones humides un habitat idéal. L’écrevisse des salines, qui vit dans les eaux hyper-salées, est un mets de choix pour ces habitants aux fines pattes, et donne à leur plumage sa couleur rose typique. Du vin à faire soi-même Can Feliu se trouve à une trentaine de minutes de route vers le nord. Des chemins de sable poussiéreux serpentent à travers des collines douces jusqu’à la finca et ses vastes champs cultivés, où des coqs accueillent les visiteurs en se pavanant dans la cour bien entretenue du domaine. Depuis 1999, Carlos Feliu, ingénieur agronome diplômé d’un master en œnologie, et sa femme Marta cultivent différents cépages dans le vignoble familial. « Nous avons produit notre premier vin, un cabernet sauvignon, en 2003. Les critiques étaient dithyrambiques. Il y a deux ans, j’ai ouvert une bouteille de ce millésime avec mon oncle et j’ai dû me rendre à l’évidence : nous n’avons rien appris depuis. C’est toujours le meilleur vin », sourit Carlos Feliu. Par la suite, il décide tout de même d’acquérir de nouvelles connaissances, d’améliorer la production et d’investir dans des techniques modernes. Au lieu des 900 litres initiaux, on produit désormais 90 000 litres de vin à Can Feliu, dont du merlot, de la syrah et du callet des Baléares. Cette montée en puissance n’a affecté en rien la qualité de la récolte. Les vendanges se font toujours à la main et le domaine a renoncé aux pesticides ainsi qu’à l’ajout de levure ou de gélatine animale. Le viticulteur uti-
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M AJ O R Q U E
Des chevaux, chats et volailles se trouvent dans le domaine de Can Feliu, entre les vignes et les oliviers.
À GAUCHE
À DROITE Le merlot, la syrah et le callet des Baléares sont cultivés par Carlos Feliu dans son domaine viticole biodynamique.
© Natxo Bassil
EN BAS Les raisins sont récoltés à la main et aucun pesticide, levure ou gélatine animale n’est utilisé pour la production du vin.
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M AJ O R Q U E
Le restaurant FERA à Palma coopère avec Can Feliu pour la production d’une huile d’olive de qualité. © Natxo Bassil
lise également son propre engrais et la production est certifiée par Demeter. Si le cœur vous en dit, pourquoi ne pas vous essayer à l’art viticole ? « Au début, je ne voulais pas vraiment faire de vin, je souhaitais seulement vendre le raisin. Cela a fonctionné pendant un temps, mais un jour, juste avant la récolte, l’acheteur s’est désisté. Frustré, je suis parti acheter toutes les cuves en inox disponibles sur l’île », explique Carlos Feliu. Les amateurs de vin peuvent choisir leurs propres cépages en suivant des instructions et s’engagent à acheter au moins un fût (environ 200 bouteilles), qui sera stocké à Can Feliu jusqu’à la mise en bouteille. Le vin est ensuite expédié aux propriétaires.
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Du sel, du pain et des olives Les mois d’été sont très animés dans la finca de 26 hectares, avec les vendanges et la récolte des olives qui s’enchaînent. Depuis trois ans, on y produit de l’huile d’olive et, depuis deux ans, du thé aux feuilles d’olivier, selon la recette d’un vieux prêtre qui en a fait sa boisson quotidienne. Certains produits du domaine ne sont fabriqués que sur commande et en petites quantités, comme pour le restaurant Fera à Palma. Depuis 2017, l’Autrichien Simon Petutschnig, chef et copropriétaire, officie aux fourneaux avec le plus grand succès. « Un ingrédient indispensable dans ma cuisine est l’huile d’olive de Majorque », explique le Carinthien d’origine. « Nous fabriquons la nôtre à partir
de la variété Arbequina. Je l’accompagne de sel, de pain, d’olives et d’aïoli, c’est le meilleur des encas. » La tendance à utiliser et à consommer des produits locaux (mouvement du kilomètre zéro) ne cesse de prendre de l’ampleur dans le monde entier, et le Fera ne fait pas exception. C’est au célèbre Mercado del Olivar de Palma qu’il s’approvisionne en ingrédients des environs, comme le poisson et les fruits de mer, tandis que les herbes sont fraîchement cueillies dans la nature. Le chef fait aussi la part belle aux espèces majorquines typiques comme les salicornes (asperges de mer) ou les branches de pin. Et pour assaisonner le tout, du sel des Salinas d’Es Trenc, bien sûr !
MAJ O R Q U E
Breviarium
Pollença
Sóller
MAJORQUE Palma Can Feliu
Salinas d’Es Trenc
39° N 3° E seemallorca.com
À faire absolument Parmi les excursions à la journée, ne manquez pas un voyage à bord du célèbre train restauré de Palma à Sóller. En service depuis 1912, la ligne traverse les montagnes de la Serra de Tramuntana jusqu’à son terminus, la charmante petite ville de Sóller. N’hésitez pas à prolonger l’excursion et à emprunter ensuite le tramway historique à travers des orangeraies jusqu’à la station balnéaire de Port de Sóller. trendesoller.com
À éviter Majorque cherche à casser son image d’île de la fête et a adopté ces dernières années des lois visant à réduire la consommation d’alcool. Sur la plage et dans la rue, celle-ci est désormais passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 000 euros à Playa de Palma. La vente de bière, de vin, de sangría, de gin et autres spiritueux est interdite après 21h30 dans les magasins ou les distributeurs automatiques. Les contrôles ont été renforcés à l’entrée du Ballermann.
Trésors cachés Le luxueux Son Brull Hotel & Spa se trouve à cinq minutes de Pollença et compte seulement 23 chambres des plus raffinées. Grâce à sa situation à flanc de colline, cet ancien couvent du XVIIIe siècle garantit une intimité absolue et une vue imprenable sur la vallée verdoyante. Il vaut la peine de s’y arrêter, même pour une seule nuit : au restaurant 365, Andreu Segura vous concoctera de délicieuses spécialités majorquines. sonbrull.com
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R EC E T T E
Le goût de Majorque Le paysage culinaire de Majorque est une palette de saveurs marquée par l’histoire variée et par l’environnement méditerranéen de l’île. La gastronomie majorquine se caractérise par une abondance de produits frais locaux, de fruits de mer et de viandes, aromatisés avec les herbes et les épices locales. L’une des gourmandises les plus connues et les plus appréciées de Majorque est l’ensaïmada, qui témoigne d’une riche tradition boulangère. Cette pâtisserie légère et aérée, qui se distingue par sa forme caractéristique en spirale et sa douceur délicate, est fabriquée à partir de farine, d’œufs, de sucre et de saindoux, appelé saïm. Consommée à l’origine lors des grandes fêtes et célébrations, l’ensaïmada est devenue un symbole de l’identité majorquine et de l’artisanat culinaire, elle est dégustée quotidiennement par les habitants et très appréciée des visiteurs.
Ensaïmada Mallorquina 6 personnes 1 heure + repos 20 minutes
∙ 250 g de farine T65 ∙ 80 g de sucre en poudre ∙ environ 70 g d’eau ∙ 1 gros œuf (55 g) ∙ 25 g de saindoux ∙ 7 g de levure fraîche ou 2 c.à c.
du saladier et l’aplatir légèrement. Avec un rouleau à pâtisserie légèrement fariné, abaisser la pâte en un rectangle de 3-4 cm d’épaisseur. 5 Répartir uniformément le saindoux sur la pâte. 6 Continuer à étirer la pâte en tirant sur les de levure sèche bords, puis placer la main sous la pâte et ∙ 200 g de saindoux pour la garniture sucre glace la tirer doucement vers l’extérieur avec ∙ la paume de la main. Lorsque la pâte est finement étirée - elle doit être lisse 1 Sortir le saindoux du réfrigérateur et presque transparente - commencer à et le laisser à température ambiante l’enrouler à partir de l’extrémité la plus pendant la préparation de la pâte. longue jusqu’à obtenir un rouleau régulier. 2 Mettre la farine, le sucre, l’eau, 2 c. à s. 7 Beurrer ou recouvrir une plaque de saindoux et l’œuf dans le bol du d’un papier cuisson, puis enrouler robot ménager et pétrir lentement la délicatement la pâte pour former une pâte pendant environ 30 minutes à spirale. Veiller à laisser un peu d’espace l’aide du crochet pétrisseur. Pendant le entre les rouleaux, car ils se dilatent pétrissage, retirer la pâte collante des pendant la fermentation. Couvrir d’un côtés du bol et du crochet pétrisseur. En linge ou d’un film alimentaire et laisser cas de pétrissage à la main, laisser la lever pendant au moins 12 heures, pâte reposer entre les pétrissages. Dès ou plus si possible. que la pâte est suffisamment élastique, ajouter la levure fraîche émiettée et Le jour suivant pétrir pendant quelques minutes jusqu’à 1 Préchauffer le four à 180 °C (chaleur tournante 160 °C). Enfourner l’ensaïmada l’incorporation de la levure. 3 Former une boule avec la pâte et huiler pendant 20 à 30 minutes, jusqu’à ce légèrement le dessus. La placer dans qu’elle soit bien cuite et dorée. Retirer un saladier bien huilé, recouvrir d’un l’ensaïmada de la plaque et la laisser linge humide ou d’un film alimentaire et refroidir sur une grille. Une fois refroidie, la laisser reposer pendant au moins saupoudrer généreusement une heure. de sucre glace. 4 Préparer une grande surface plane et huilée pour étirer la pâte. Sortir la pâte
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H Ö R I
Sur les traces de l’artiste Texte & photos Annette Frühauf
La paisible presqu’île de Höri est située sur le lac de Constance, entre Radolfzell et la ville suisse de Stein am Rhein. Son paysage pittoresque a séduit de nombreux artistes au cours du siècle dernier. Parmi eux, le peintre Otto Dix, qui y vécut pendant plus de 30 ans, jusqu’à sa mort il y a 55 ans.
Nichée au cœur d’un luxuriant écrin de verdure, la villa de la famille Dix surplombe l’Untersee, la plus petite partie du lac de Constance. Depuis les fenêtres à croisillons blancs, la vue s’étend jusqu’à Steckborn, de l’autre côté de la rive suisse. Pendant les mois d’été, bateaux à moteur et voiliers jettent l’ancre devant la petite zone de baignade aménagée en contrebas de la maison. Les oiseaux gazouillent dans les arbres aux racines profondes, solides remparts face aux vents violents qui balayent de temps en temps le lac. Prémices de l’été, des fleurs multicolores fleurissent dans le jardin, qui n’a quasiment pas changé depuis l’époque de la famille Dix. L’ancienne maison d’artistes appartient au Kunstmuseum de Stuttgart depuis 2013. Ce dernier abrite l’une des
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plus importantes collections d’œuvres de Dix au monde. Lors de la restauration de l’édifice, le caractère des pièces où vivaient Otto Dix, sa femme Martha et leurs trois enfants a été conservé à l’identique. Dans la salle de musique au rez-de-chaussée, le piano à queue noir attend que quelqu’un vienne jouer un morceau. La salle à manger et le salon invitent à s’attarder. Un audioguide permet en outre aux visiteurs de se plonger dans la vie de la famille en écoutant ses histoires au fil de la visite. Un escalier de bois mène au premier étage, sous les yeux d’Anita Berber. Le célèbre portrait de la danseuse n’est pas un original, car celui-ci est conservé au musée d’art de la capitale du Land. Le visage de la femme en rouge aux joues creusées semble émacié et son corps
H Ö R I Juste avant la frontière suisse, le lac se rétrécit et se transforme en Rhin.
EN HAUT
EN BAS La villa de la famille Dix a été construite par Martha grâce à un héritage.
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H Ö R I
Depuis la salle à manger, on peut admirer la vue sur le lac et jusqu’à la rive suisse.
À GAUCHE
À DROITE Les enfants avaient le droit de tenir compagnie à leur père dans son atelier.
EN BAS Lors des visites guidées de l’église à Kattenhorn, l’accent est mis sur les motifs bibliques des fenêtres.
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H Ö R I maigre se dessine sous sa robe. Pourtant, son portrait attire le regard des visiteurs. Les reproductions des originaux, qui ornaient autrefois les murs de toute la maison, sont reconnaissables en tant que telles. Afin de mettre en évidence la distance temporelle avec le présent, les tableaux donnent l’impression d’avoir laissé une empreinte incolore sur le mur au fil des années. L’atelier d’Otto Dix, l’un des peintres les plus célèbres du XXe siècle et acteur important de la Nouvelle Objectivité allemande, donne lui aussi l’impression d’être figé, le temps d’une courte pause créative. Les ustensiles de peinture et le chevalet sont prêts à être utilisés, comme si le maître de maison allait bientôt revenir d’une promenade à travers le « Paradis ». Des peintures murales cachées C’est ainsi que Dix décrivait la presqu’île de Höri : « un paradis beau à vomir », lorsqu’il regrettait la grande ville et sa vie berlinoise mouvementée, qu’il a quittée pour toujours en 1933 après l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes. À côté de l’atelier se trouve le salon de Martha et, à l’étage supérieur, les chambres des enfants Nelly, Ursus et Jan. Exceptionnellement, une visite guidée publique vous ouvrira les portes de la cave. C’est là que Dix et quelques-uns de ses invités ont décoré les murs lors d’une fête de carnaval. Les personnages du carnaval alémanique semblent aussi vivants qu’il y a près de soixante ans. À côté de la fresque, on peut voir des caricatures d’amis ou de personnalités célèbres. Les peintures murales sont restées longtemps secrètes, bien cachées derrière des étagères, avant d’être révélées lors des travaux de restauration. Les scènes témoignent des fêtes trépidantes qui auraient eu lieu dans la maison, autant de tentatives de Dix d’apporter un peu de l’ambiance métropolitaine qui lui manquait à Höri. C’est pour cette raison que l’artiste, né à Gera, n’a jamais abandonné son atelier à Dresde.
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H Ö R I
L’écrivain et lauréat du prix Nobel, Hermann Hesse, a passé huit ans à Gaienhofen.
Otto Dix n’est pas le seul à s’être réfugié sur cette presqu’île idyllique proche de la Suisse pour échapper aux nazis. Le peintre Max Ackermann passa les années de guerre à Hornstaad, après avoir perdu son poste d’enseignant à Stuttgart. Le peintre Erich Heckel, spécialisé dans les ponts, est arrivé à Höri en 1944 et y est lui aussi resté jusqu’à sa mort. Leurs tombes se trouvent dans le cimetière de Hemmenhofen. Hermann Hesse, Ludwig Finckh et Helmuth Macke ont également vécu à Höri. Le musée Hesse et le jardin de la maison Mia-und-Hermann-Hesse, dans la ville voisine de Gaienhofen, en direction de Radolfzell, se visitent également. À Wangen, en direction de la fron-
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tière suisse, le musée archéologique nous entraîne à la découverte des cultures du cinquième au premier millénaire avant Jésus-Christ. Les maisons sur pilotis qui dorment au fond de l’eau sont parmi les plus anciennes du lac de Constance et font partie du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. À peine cinq kilomètres plus loin, le long de la rive, se trouve Kattenhorn. L’église protestante Petruskirche, pour laquelle Otto Dix a réalisé plusieurs vitraux représentant des scènes bibliques, surplombe ce village aux allures méditerranéennes. Leur caractère expressif et vivant change au gré des rayons du soleil. Peu avant la frontière suisse, le lac devient Rhin. Sur une petite
île se trouve le monastère de Werd, relié à la terre par une passerelle en bois, véritable refuge loin de la vie quotidienne. Dès Stein am Rhein, nous sommes déjà en Suisse. La ville médiévale est célèbre pour ses magnifiques peintures de façade sur les maisons à colombages. Les scènes moralisatrices, datant de la Renaissance, sont les plus anciennes peintures de ce type conservées en Suisse. Levez les yeux et vous apercevrez les ruines du château de Hohenklingen, qui trône à 594 mètres d’altitude, sur le Schiener Berg. Sa crête est visible sur toute la presqu’île d’Höri. Il est facile d’imaginer Otto Dix parcourant tous ces lieux au bord du lac ; on se demande alors quel était son endroit préféré...
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Breviarium
ALLEMAGNE
Radolfzell
HÖRI
Schienen
Stein am Rhein
Horn
Hemmenhofen Öhningen
LAC DE CONSTANCE
SUISSE
47° N 8° E halbinsel-hoeri.de
À faire absolument S’offrir une escapade gourmande dans l’un des restaurants de Höri pour goûter à la spécialité de la région, l’oignon rouge (Höri Bülle). Cet oignon doux et aromatique est traditionnellement cultivé sur la péninsule et bénéficie d’une appellation protégée de l’UE. Chaque année, le premier dimanche d’octobre, on célèbre la fête de la « Bülle » en l’honneur de l’oignon dans l’un des villages locaux.
À éviter Oublier de mettre sur votre liste les nombreux joyaux cachés de la région… C’est notamment le cas des gorges sauvages et romantiques du Klingenbach, qui se trouvent à la périphérie d’Öhningen. Ne manquez pas non plus la vue saisissante depuis le cimetière de Horn. Le panorama s’étend sur l’Unterseee jusqu’à Constance et les Alpes suisses. Si vous le pouvez, offrez-vous une pause gastronomique au Falconera. Ce restaurant étoilé au guide Michelin est niché en contrebas du petit village de Schienen. falconera.de
Trésors cachés Pour vous immerger un peu plus dans le calme de Höri, pourquoi ne pas vous octroyer une journée de bienêtre au Day-SPA de l’hôtel Hirschen à Horn, à l’hôtel Höri à Hemmenhofen, ou au Bora Sauna à Radolfzell. hotelhirschen-bodensee.de
hoeri-am-bodensee.de
bora-sauna.de
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Le goût de Höri La région du lac de Constance, véritable eldorado des gourmets grâce à ses sols fertiles et à son climat doux, est le berceau de produits alimentaires exceptionnels. Parmi ceux-ci, l’oignon culte du lac de Constance se distingue particulièrement, non seulement par sa couleur rouge caractéristique, mais aussi par son goût prononcé. L’oignon porte le label de qualité européen « Indication géographique protégée » et est cultivé par les agriculteurs de la presqu’île de Höri. Il est souvent vendu directement sur l’étal au bord de la route ou dans les magasins de ferme. On le trouve également en souvenir, sous forme de tresses. La Büllefest a lieu le 1er octobre de chaque année. On y sert du Büllebrot, de la Büllesuppe, des Bülle Maultaschen ou des gâteaux salés avec une garniture de Bülle.
Bülledünne - tarte salée aux oignons 2 personnes 5 minutes 10 minutes
Pour la pâte
∙ 350 g de farine ∙ 5 g de levure fraîche de boulanger ∙ 150 g d’eau tiède ∙ 1 à 2 c.à s. d’huile ∙ un peu de sel Pour la garniture ∙ 5 à 6 gros oignons rouges Höri-Bülle ∙ 2 œufs ∙ 1 c.à s. de farine ou de fécule ∙ 2 c.à s. de beurre ∙ 200 g de crème sure ∙ 200 g de crème fraîche ∙ 1 à 2 c.à s. de persil haché ∙ sel ∙ poivre ∙ noix de muscade
Verser un peu de farine dans un saladier, former un puits, ajouter un peu d’eau tiède et mélanger avec la levure émiettée. 2 Laisser gonfler ce levain pendant environ 15 minutes. 3 Ajouter le reste de farine, l’eau, l’huile et le sel et pétrir jusqu’à l’obtention d’une pâte souple. 4 Plus la pâte est pétrie, plus elle est digeste. 5 Couper les oignons en fines tranches avant de les faire revenir dans le beurre. Assaisonner avec du sel et du poivre. 6 Mélanger le reste des ingrédients avec les oignons refroidis et disposer le tout sur une plaque de cuisson sur laquelle la pâte aura été étalée. 7 Cuire au four préchauffé à 250 °C (chaleur tournante 230 °C) pendant 20-25 minutes, puis saupoudrer de persil et servir tiède. 1
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Bien sûr, on peut facilement rejoindre la rive asiatique en empruntant le Marmaray, ce train qui traverse le Bosphore. Mais pour ceux qui veulent véritablement respirer la magie de la ville, prendre le ferry est incontournable.
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EN BAS Que ce soit pour un Köfte-Burger, des rouleaux d’aubergine ou du Baklava, Istanbul est une passerelle culinaire vers des mondes de saveurs exquises.
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Istanbul – Poésie des plaisirs du palais Texte Joscha Remus
Sur le Bosphore, bordée de collines sauvages, la ville offre son spectacle chatoyant. Il n’y a pas de meilleur endroit où se perdre… dans un village de pêcheurs, dans un temple de la gastronomie ou simplement sur une île, à la merci de la brise.
Depuis la tour de Galata, j’admire au-delà de l’eau le tapis de lumière qui s’étend sur la rive asiatique de Kadıköy, autrefois surnommée « ville des aveugles » selon la légende. Au loin, les collines, les mosquées, les arbres et les minarets fusionnent au crépuscule et, contrastant avec le soleil couchant, se distinguent comme une silhouette enluminée de reflets couleur rouille. Au-dessus de la nappe d’eau scintillante de la Corne d’Or, le ciel apparaît comme une scène dévorée par les flammes. Istanbul, la magnifique. La cité du Bosphore regorge de magie et d’enchantement. Rien que les vents de la ville semblent tirés d’un recueil de poésie. En août, c’est le vent des cigognes. Il y a aussi le vent des châtaignes, celui des
merles, des maquereaux et, à l’automne, le vent des vendanges. Mon préféré est toutefois le yıldız, le vent des étoiles, une brise avide de liberté et capable de provoquer le hüzün, une mélancolie douloureuse du monde. Le yıldız a la force de secouer les immenses panneaux publicitaires comme un animal sauvage en cage. Le vent des étoiles ! Lorsque les vents sonnent déjà comme des merveilles, pas étonnant que les délices culinaires d’Istanbul portent eux aussi des noms prometteurs... Soie des fées et nombril ensorcelé L’auteure culinaire Refika Birgül m’a un jour accueilli sur le pont de Galata avec un sourire et un dessert qu’elle a appelé « la fée ivre ». Une variation autour
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de la barbe à papa, dérivée du plat turc pișmaniye (« soie des fées »), qui n’avait rien à envier à la sucrerie de fête foraine. Mes papilles se souviennent de l’agneau au beurre noisette et à la menthe qui, comme me l’a confié Refika, dort dans un bateau de poivre de Kampot. Mais ce printemps, ma rencontre avec la poétesse et artiste Yeșim Ağaoğlu, qui m’a servi de guide dans le quartier de Yeșilköy, m’a aussi permis de faire d’étonnantes découvertes culinaires. Yeșilköy est un quartier situé en bord de mer dont on se demande pourquoi toutes les belles maisons historiques en bois et les restaurants de poisson bon marché n’ont pas encore été inondés par les touristes. Nous sommes en mars et il n’y a pas un chat. Yeșilköy se traduit par « village vert » et la lecture des menus m’enthousiasme. Par où commencer ? Pourquoi pas « le nombril ensorcelé » ou « l’iman évanoui », un délicieux plat à base d’aubergines appelé imam bayıldı en turc. On raconte qu’un prédicateur aurait un jour perdu connaissance en le mangeant, le sourire aux lèvres, en raison de son goût particulièrement envoûtant. Voyage aromatique en tapis volant Bien sûr, à Istanbul, ce tapis de maisons jeté sur sept collines, le thème de la nourriture et des boissons suit chacun de nos pas. Dès le matin, les odeurs de châtaignes grillées me chatouillent les narines. Pour moi, c’est devenu un joli rituel de flâner avant le petit déjeuner chez le vendeur de couronnes de sésame de l’échoppe de Kumkapı, dont le joli petit chariot en verre laqué rouge et blanc est installé directement au bord de la mer. Sur la promenade, des marchands ambulants
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Une vitrine accueillante de fruits de mer dans l’ancien village de pêcheurs de Yeșilköy.
À GAUCHE
À DROITE Outre ses maisons ottomanes en bois, Yeșilköy abrite également des villas méditerranéennes.
EN BAS De petits villages, des parcs, des palmiers, des villas et des palais bordent les rives du Bosphore.
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La revue « Yemek ve Kültür », ou « Nourriture et Culture », offre un aperçu historique et contemporain des mondes gourmands orientaux.
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Des fruits arrangés avec amour comme pour une peinture.
À GAUCHE
À DROITE Près de la place Taksim, les tentations sucrées abondent à perte de vue.
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I STA N B U L tentent d’attirer le chaland et proposent leurs plats de figues et d’aubergine ou des sürprizli lokma (petits beignets). Tels des tapis volants miniatures, ces délices et leurs arômes orientaux flottent sous mon nez sur de petites assiettes vers les clients du bar de la plage. Mais le véritable atout de la cuisine turque repose sur ses mezze, ces amuse-bouches typiques. La poétesse Yeșim me cite le nombre incroyable de 1515 hors-d’oeuvres turcs, qui figurent également dans le Guinness Book des records. Lorsqu’on goûte au kabak kızartması, des tranches d’aubergine frites avec du yaourt à l’ail, au yaprak dolması, des feuilles de vigne farcies, ou au haydari, une purée d’épinards, de fromage de brebis et de yaourt, on embarque pour un voyage dans un conte culinaire des 1001 nuits. Pour moi, la touche finale idéale à ce rêve savoureux est une boisson au yaourt fraîchement préparée, par exemple un ayran bien frais à la mangue. L’homme qui naquit dans un four Je suis assis avec Musa Dağdeviren dans son restaurant Ciya, dans le quartier asiatique de Kadiköy, devant un numéro de la revue culinaire Yemek ve Kültür (« Nourriture et Culture ») qu’il a créée. Ce magazine gastronomique présente chaque mois des plats originaux, des plantes rares et des recettes historiques ancestrales. Musa, qui dit être pratiquement né dans un four et avoir grandi dans un restaurant, s’énerve contre les forces conservatrices prudes qui voudraient supprimer les noms séculaires des plats turcs. Il m’explique que le plat traditionnel nommé « les lèvres de la bien-aimée » devrait désormais figurer sur les menus en tant que « dessert de la lune ».
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Le Keșkek de blé au restaurant Ciya, un plat turc inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
« Mais tu sais, un vendeur de vinaigre qui sourit fait de meilleures affaires qu’un vendeur de miel au visage acide ». Musa fait donc lui aussi bonne figure dans ce curieux jeu des noms et continue tout simplement à proposer un plat qui, sous le nom de « délicieux nombril de femme », fait partie des desserts les plus populaires. Je lui parle de ma dernière découverte, un poulet circassien aux noix (çerkez tavuğu) et le visage de Musa se met à rayonner. Il me fait goûter une nouvelle création d’un sarması de blettes et de boulgour
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qui me fait rêver, puis me sert un plat qu’il présente comme « la recette de la vieille dame » : un gratin enchanteur composé de légumes séchés au soleil. Bien entendu, Musa aime accompagner tous ses délices d’une belle histoire. Il évoque Carlo Petrini, le fondateur du mouvement Slow Food, qui était un habitué du Ciya et qui ne se lassait pas de voir, de sentir et de goûter tous ces plats traditionnels sains et délicieux, que je ne manquerai pas de déguster au cours de mon séjour : fukara köftesi (boulettes de boulgour aux noix,
cumin, tomates, piment et menthe) ou kebab aux cerises de Musa, garni de graines de grenade et d’agneau braisé aux coings. Nous vous souhaitons un agréable voyage poético-culinaire à travers Istanbul et bien sûr, afiyet olsun : bon appétit ! Adresse Le restaurant Ciya Sofrası du célèbre chef Musa Dağdeviren, qui possède trois succursales, se trouve au 43 Güneşli Bahçe Sk. dans le quartier de Kadıköy. Station de métro : Kadiköy.
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Breviarium
GÉORGIE
Istanbul ARMÉNIE
Ankara IRAN
TURQUIE
SYRIE
IRAK
41° N 28° E istanbul.goturkiye.com
À faire absolument Outre le quartier de Yeșilköy mentionné dans l’article et facilement accessible par le métro Marmaray qui passe sous le Bosphore, ne manquez pas la visite du café littéraire germano-turc près du Tünel. Vous trouverez cet heureux mélange de boissons chaudes, de gâteau aux pommes et de livres chez Türk Alman Kitabevi & Cafe, situé à quelques pas de la station de métro Șișhane, dans la rue principale İstiklâl Caddesi.
À éviter Certains restaurants d’Istanbul ne proposent pas de boissons alcoolisées. L’avantage : leur offre est toujours plus abordable que celles des établissements, souvent trop chers, qui affichent également du vin, de la bière et du whisky à leur carte. Choisissez donc bien votre restaurant et ne vous offusquez pas si celui-ci ne propose pas d’alcool. Planifiez intelligemment ! Il est d’ailleurs préférable d’éviter les restaurants nocturnes qui ne lésinent pas sur les publicités lumineuses et devant lesquels on vous interpellera avec insistance.
Trésors cachés Impossible de visiter Istanbul sans se rendre à la Citerne Basilique et aux îles des Princes ! La plus grande des îles de la mer de Marmara, Büyükada, est accessible en 75 minutes de ferry (au départ de Kabataș). Interdite aux voitures, elle abrite la plus grande maison en bois du monde et invite à une agréable promenade en calèche. Le palais enfoui, également surnommé citerne Yerebatan (Yerebatan Sarnıcı), séduit par ses 2 500 ans d’histoire, son architecture époustouflante et une illumination unique des merveilles souterraines de ce réservoir d’eau aux multiples colonnes.
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Le goût d’Istanbul Ce plat traditionnel à base de blé et de viande est souvent servi lors des mariages et des cérémonies de circoncision. Pour ce plat traditionnel turc, vous pouvez utiliser de l’agneau, du bœuf ou du poulet. Si vous choisissez de la viande rouge, n’importe quel morceau peut convenir, mais le plat est particulièrement savoureux si vous utilisez de l’échine. Cuit dans un bouillon de viande et servi avec de la viande d’agneau à la cuisson lente, assaisonné d’un beurre épicé de cumin et de flocons de piment d’Alep, ce plat turc réconfortant à base de gruau mérite sa place dans toute cuisine d’hiver.
Keșkek - ragoût traditionnel turc de blé et de viande 4 personnes 2 heures 2 heures
∙ 600 g de collier d’agneau précuit* ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙
ou morceaux équivalents 250 g de blé décortiqué (Aşurelik buğday) trempé 1,5 l d’eau chaude 500 ml de bouillon d’os/de viande 1 c.à s. de sel 100 g de beurre flocons de piment d’Alep (pul biber) cumin moulu jus de citron
* Mettre la viande avec les légumes (céleri-rave ou céleri-branche, carottes et oignons coupés en gros morceaux et oignons coupés en deux avec quelques gousses d’ail, des grains de poivre et une feuille de laurier) dans un Slow Cooker ou une cocotte et régler la température au minimum. Lorsque la viande est cuite sur l’os pendant environ 10 à 12 heures, on obtient une viande tendre qui se détache de l’os et un bouillon savoureux.
Mettre le blé trempé, l’eau chaude et le bouillon dans une grande casserole antiadhésive, couvrir, porter à ébullition et faire cuire à feu doux ou moyen pendant 1,5 à 2 heures (remuer à mi-parcours). 2 Assaisonner la bouillie avec du sel à feu très doux en remuant vigoureusement jusqu’à l’obtention de la consistance souhaitée (une bouillie épaisse, collante et crémeuse, dans laquelle les grains restent entiers et mous). 3 Faire réchauffer la viande précuite (ou la mélanger à la bouillie). 4 Dans une petite casserole, faire fondre le beurre et y ajouter une bonne pincée de cumin et les flocons de piment d’Alep. 5 Pour le dressage, déposer un lit de ragoût de blé dans chaque assiette, poser la viande dessus, la napper de beurre épicé et l’arroser généreusement de jus de citron avant de servir. 1
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Le grand voyage sud-américain Texte & photos Philippe Bourget
Vaste pays de montagnes, de plaines humides et de forêts, bordé par la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique, la Colombie propose une trilogie culturelle inédite. Vestiges précolombiens, plantations de café et villes coloniales enrichissent la découverte de cette nation multiple, colorée et accueillante, loin de l’image d’insécurité qui lui colle à la peau.
Un voyage en Colombie ? Non, plusieurs, tant ce pays possède une diversité géographique et culturelle immense. Autant le savoir : on ne découvre pas la Colombie en un seul séjour. Au sud-est, la partie amazonienne est une destination en soi. Les Llanos, immense territoire de plaines, constituent un far-east réservé aux aventuriers. Compliqué, aussi — quoique faisable — d’associer dans un même voyage mer des Caraïbes et océan Pacifique. Tout ceci n’est pas grave. Car à condition de partir au moins deux semaines, un séjour permettra de découvrir le nec plus ultra de la destination, concentré sur une ligne sud-nord autour des trois cordillères du pays. Du département de Cauca, au sud, à Carthagène, sur les rives de la mer des Caraïbes, les versants des cordillères occidentale, centrale, orientale, ainsi que
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les vallées qui les séparent rassemblent la majorité de la population du pays… et des sites à visiter. Montagnes, rivières (Magdalena et Cauca), déserts, forêts, plantations de café, vestiges précolombiens, villes coloniales… Le pays livre sur cette large bande une part de sa vérité, escortée par la chaleur humaine qui distingue tant le peuple colombien. À San Agustín, 80 hectares de sculptures funéraires Pour remonter aux sources, cap au sud, donc. C’est là que se trouvent les vestiges des civilisations précolombiennes. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le parc archéologique de San Agustín, dans le département de Huila, réunit sur près de 80 hectares des sculptures funéraires mêlant figures humaines et animales. Les plus anciennes datent de 3 000 ans
C O LO M B I E La montagne du volcan Puracé, sur la route de San Agustín à Popayán, entre les départements de Huila et de Cauca, au sud du pays.
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À GAUCHE
La skyline de Carthagène…
À DROITE Stèles funéraires précolombiennes au parc archéologique de San Agustín, au sud du pays.
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C O LO M B I E
Un chiva, bus traditionnel colombien.
À GAUCHE
À DROITE Tri des grains de café dans la finca La Cabaña, dans le département de Huila, au sud du pays.
EN BAS Popayán la « ville blanche »…
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C O LO M B I E avant J.-C. ; les plus récentes… quelques années avant l’arrivée des Espagnols. La région de San Agustín illustre aussi le théâtral décor colombien. Dans cette petite ville perchée à 1 700 m d’altitude, la foule forme en fin de journée un ballet humain chaleureux et bigarré, bruyant et désinvolte dans les rues en damier bordées de commerces et de demeures colorées. Peaux cuivrées, ponchos, motos à trois passagers, chivas (bus locaux) aux moteurs ronflants, sourires sur les visages… On aime San Agustín. On apprécie également la nature alentour. Celle, domestiquée, des plantations de café, comme à la finca La Cabaña, de Luis Alejandro. Cela fait plus d’un demi-siècle que cette famille cultive sur des versants humides les variétés de café arabica geisha, bourbon et catura. Les grains rouges, produits en agriculture biologique, sont toujours cueillis à la main. On savoure pareillement la nature… non domestiquée : les cactus candélabres du désert de la Tatacoa ; les points de vue profonds et verdoyants sur le fleuve Magdalena ; l’immensité des cordillères et leurs colibris multicolores. Popayán, « ville blanche » Les cinq heures de bus pour rejoindre Popayán depuis San Agustín — impitoyable trajet sur un réseau colombien à l’agonie – offrent des moments forts. Ainsi du passage sur le río Mazamorras, à plus de 3 000 m d’altitude. De part et d’autre du profond canyon, la forêt, dense et mystérieuse, abrite le tapir et l’ours à lunettes… invisibles. Plus loin, le volcan Puracé dresse sa crête pelée au-delà d’une lande à frailejon, plante d’altitude à feuilles épaisses. Au bout de l’interminable route, le plaisir d’arriver à Popayán
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est grand. Parfait quadrilatère colonial, la capitale du département de Cauca est surnommée la « ville blanche » pour ses demeures immaculées. Religieuse et conservatrice, elle grouille d’églises et d’anciens couvents, dont certains abritent des universités. C’est l’une des grandes villes étudiantes du pays. Pour aller du sud au nord de la Colombie, en passant par Cali, capitale mondiale de la salsa, l’arrêt à Bogotá s’impose. À 2 600 m d’altitude, la tentaculaire capitale s’étend loin au-delà du cerro de Monserrate, colline pieuse dont l’église et les terrasses panoramiques sont envahies chaque dimanche matin par les rolos (habitants de Bogotá) montés en funiculaire. En deux jours dans la mégapole, on ira se perdre dans la Candelaria, quartier bobo et street art. On découvrira l’extraordinaire richesse alimentaire et florale du pays au marché de Paloquemao. On visitera le musée de l’Or et surtout l’exceptionnelle collection Botero (voir ci-contre). Medellín et l’éternel printemps Vers le nord, on ne manquera pas de passer une nuit ou deux à Medellín. La ville au passé sulfureux, fief du célèbre narcotrafiquant Pablo Escobar, porte le surnom de « ville de l’éternel printemps ». Sous le climat agréable de la cordillère centrale, la cité est en pleine évolution économique et sociale. Elle séduira par ses téléphériques grimpant dans les quartiers hauts, son musée d’art d’Antioquia et le centre historique. En pleine rénovation, il bouillonne d’activités en journée, mais reste peu sûr le soir.
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C O LO M B I E Vue sur Bogotá depuis la colline de Monserrate.
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Stand d’avocats (taille XL !) au marché de Paloquemao, à Bogotá.
À GAUCHE
À DROITE La collection Botero, au MAMU (Museo de Arte Miguel Urrutia) de Bogotá.
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Barichara, l’un des plus beaux villages coloniaux de Colombie.
Paysage à Barichara.
Du côté de la cordillère orientale, le nord n’est pas en reste. Voici Barichara, à 320 km de Bogotá. Dans ce village couleur terre aux rues pavées et plongeantes, rien ne semble avoir changé depuis 1705… hormis la présence des touristes. Idem pour Villa de Leyva. On y verra une place carrée splendide de rusticité, la plus grande du pays, entou-
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rée d’édifices bas, ainsi qu’une orgie de demeures coloniales à patios devenues hôtels, restaurants, cafés… Carthagène, enfin, est une icône. Au bord de la mer, cette ville plus caribéenne que colombienne clôt en beauté le séjour. La vieille cité cernée de murailles, fondée en 1533, regorge de maisons basses, palais décatis, placettes fleuries, églises, galeries à
arcades et boutiques-hôtels. Dans l’ancien cloître devenu cour d’université, près du théâtre Mejía, on se recueillera devant les cendres de Gabriel García Márquez, l’immense auteur colombien. Dommage que l’insistance des vendeurs de rue gâche un peu la balade… Avec les routes infernales, c’est le seul bémol d’un séjour dans ce pays à grand spectacle.
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Breviarium
Carthagène
VENEZUELA
PANAMA
Barichara Medellín
Bogotá COLOMBIE Popayán San Agustín
4° N 74° O colombia.travel/fr
BRÉSIL
ÉQUATEUR
PÉROU
À faire absolument Le musée Botero de Bogotá est exceptionnel. Hébergé au MAMU (Museo de Arte Miguel Urrutia), il a été fondé du vivant de l’artiste décédé en septembre 2023. Comprenant 123 peintures et sculptures de Fernando Botero, reconnaissables à leurs personnages aux formes généreuses, il abrite aussi 85 œuvres de sa collection privée. Et pas des moindres ! Des Picasso, Monet, Miró, Bacon, Calder, Giacometti, Chagall, Renoir, Klimt… Remarquable. banrepcultural.org/bogota/museo-botero
À éviter Les zones frontalières avec l’Équateur et le Venezuela, régions de trafics en tous genres. Certains quartiers en ville, en journée ou le soir, sont aussi à proscrire pour cause d’insécurité. En respectant les recommandations, le voyage se déroulera sans problème.
Trésors cachés En deux semaines, on ne manquera pas de découvrir les plaisirs de la table. Coup de cœur pour les fruits, succulents, innombrables et parfois inconnus (avocats XXL, guanábanas, feijoas, lulos, tamarillos…), pour les viandes grillées ou en ragoût, les truites de rivière… Côté légumes, difficile d’éviter le trio riz, haricots noirs et bananes plantain. Pour le reste, on ne mange pas de pain, mais des arepas, galettes de maïs, et on boit des jus de fruits, de l’agua de panela (eau et sucre de canne) et de l’Águila, la bière « nationale ».
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Le goût de la Colombie La cuisine colombienne est une expression fascinante de la diversité culturelle du pays, marquée par un mélange de traditions indigènes, d’influences espagnoles et d’éléments africains, qui se sont fondus au fil des siècles pour former une identité culinaire unique. Cette diversité se reflète dans un large éventail de plats, des ceviches côtiers aux copieux ragoûts de la région andine. Les arepas, un élément fondamental de la cuisine colombienne, servent ici de symbole culinaire de l’unité, en ce sens qu’elles sont dégustées dans presque toutes les régions du pays avec des variations locales. Outre les arepas, d’autres spécialités telles que la bandeja paisa, le sancocho et les empanadas enrichissent la diversité des goûts colombiens et forment ensemble une mosaïque vivante de saveurs régionales.
Arepas 10 pièces 20 minutes 10 minutes
∙ 300 g de farine ∙ ∙ ∙ ∙
de maïs blanc précuite (Masarepa, Harina P.A.N.)* 500 ml d’eau chaude 1 c.à c. de sel beurre ou huile (avocat, coco) pour la cuisson fromage (facultatif, pour la farce)
* Disponible dans les magasins latino- ou asiatiques, ou en ligne
Mélanger la farine de maïs, l’eau chaude et le sel dans un saladier jusqu’à l’obtention d’une pâte lisse. Il est recommandé de laisser reposer la pâte pendant 5 à 10 minutes. La pâte doit être humide, mais pas collante. Selon les besoins, ajuster avec un un peu d’eau ou de farine pour obtenir la bonne consistance. 2 Diviser la pâte en portions égales et former une boule avec chaque pâton. Presser chaque pâton pour former une galette d’environ 1,2 cm d’épaisseur. 3 Dans une poêle, faire chauffer un peu de beurre ou d’huile à feu moyen. Faire cuire les arepas pendant environ 5 à 7 minutes de chaque côté ou jusqu’à ce qu’elles soient dorées et présentent une croûte. 4 Les arepas sont servies chaudes. On peut les couper et les fourrer de beurre, de fromage, de fromage frais, de purée de haricots, d’avocat ou d’une autre garniture choisie. 1
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Selon les mineurs, l’extraction des morceaux de soufre dans les vapeurs âcres du volcan représente la partie la plus difficile de leur travail. Malgré sa pénibilité, le transport est en comparaison beaucoup plus agréable.
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EN BAS Rares sont les travailleurs qui peuvent s’offrir le luxe d’un masque à gaz, car les exploitants de la mine ne leur fournissent pas de matériel de travail ni de vêtements de protection.
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Les mines de l’enfer Texte & photos Laurent Nilles
L’est de l’île indonésienne de Java est marqué par un paysage volcanique. C’est dans le cratère de l’Ijen que se trouve l’une des dernières mines de soufre actives au monde, où le minéral jaune est extrait à la main dans des conditions extrêmes. Le temps d’une journée, nous avons accompagné les mineurs et découvert de nos propres yeux ce travail de forçat, sans doute le plus difficile d’Indonésie.
Une vapeur de soufre âcre me fait monter les larmes aux yeux et l’odeur pénétrante d’œuf pourri emplit mes narines. Malgré mon masque de protection respiratoire, je sens déjà au bout de quelques minutes que les gaz toxiques irritent mes muqueuses et assèchent ma gorge. Jumanto laisse échapper un rire. Cela fait déjà 20 ans qu’il extrait le soufre dans les mines du volcan Kawah Ijen et les nuages de vapeur nauséabonds font partie de son quotidien. Il a renoncé à porter un masque de protection : « Trop cher ! » Les autochtones appellent ce minéral jaune « l’or du diable ». Une visite à l’est de l’île indonésienne de Java ne laisse planer aucun doute sur l’origine de ce surnom. Dans le cratère du volcan s’étend un désert de cailloux hostile à
toute vie, enveloppé dans l’haleine pâle et corrosive de la montagne. Au premier abord, le lac aux reflets paradisiaques qui orne le fond du cratère incite certes à la baignade, mais Satan est sournois et les belles apparences sont trompeuses. L’eau, d’un magnifique bleu turquoise, est très acide en raison de l’afflux constant de soufre liquide, plus corrosif que le composant des batteries, et proscrit définitivement toute séance de natation. Un travail éreintant Je cherche en vain une trace de vie végétale ou animale. Dans le cratère, seuls les hommes sont suffisamment courageux, avides, désespérés ou peut-être stupides pour braver les rejets nocifs du monde souterrain. L’enfer, ici, c’est
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en réalité le travail des mineurs. Seule concession à la modernité, un système de tubes en céramique a été installé pour diriger les vapeurs volcaniques loin des fumerolles et accélérer la condensation des gaz sulfurés. Elles se cristallisent en couches épaisses à la sortie des tuyaux, où les hommes brisent les morceaux de soufre solide brûlants à mains nues ou avec une barre de fer rouillée. Dans l’épais brouillard de gaz toxiques, les pieds nus dans des sandales en plastique bon marché, sans vêtements de protection, seuls quelques-uns portant un masque respiratoire, ils remplissent leurs simples paniers de raphia avec la roche ainsi extraite. Mais le travail ne s’arrête pas à l’extraction du soufre au cœur du cratère. Les mineurs reçoivent leur maigre salaire seulement une fois le minerai livré à la station de pesage, située à trois kilomètres de la mine, au pied du volcan. Ils effectuent la partie la plus longue du trajet à l’aide de charrettes à bras pour transporter leur « trésor » vers la vallée. Mais avant cela, ils doivent d’abord porter péniblement leurs lourds paniers sur un sentier étroit et escarpé, de la mine jusqu’au bord du cratère, 300 mètres plus haut. À mi-chemin je rencontre Supeno, qui s’arrête un court instant. Il me montre les profondes cicatrices sur ses épaules, qui témoignent de ses années de dur labeur : « Quand j’étais plus jeune, je pouvais porter jusqu’à 100 kilos de roche de soufre dans les paniers. Aujourd’hui, j’arrive difficilement à 80. » De nouvelles opportunités Chaque kilo compte, car la rémunération des ouvriers est calculée au poids. Ils reçoivent mille roupies, soit environ sept centimes, par kilo de soufre. Les mineurs effectuent cette difficile rotation deux fois par jour et peuvent ainsi gagner jusqu’à quinze euros, ce qui représente une jolie somme dans une région où le salaire moyen est inférieur à 200 euros par mois. Dans l’usine voisine, les morceaux de soufre sont débarrassés de leurs impuretés avant d’être revendus. Le soufre des mines d’Ijen est notamment utilisé dans la fabrication de sucre, d’allumettes et de pneus en caoutchouc. Mais la production ne cesse de diminuer car l’attrait pour l’exploitation
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J AVA Les hommes cassent la roche encore chaude, parfois à mains nues.
À GAUCHE
À DROITE Le soufre, débarrassé de ses impuretés, quitte l’usine sous forme de fines plaquettes.
EN BAS Les ouvriers de l’usine enlèvent les salissures grossières à la machette.
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PAGE PRÉCÉDENTE Le désert de cailloux hostile et le lac de cratère corrosif s’offrent sous leur meilleur jour au lever du soleil.
Les ouvriers transportent jusqu’à 100 kilos de roches sulfurées hors de la mine dans de simples paniers en raphia qu’ils portent sur leur dos.
du soufre est en déclin : alors qu’il y a quelques années, on comptait encore plus de 200 ouvriers, à peine une cinquantaine d’hommes s’échine aujourd’hui dans les champs de soufre. Le tourisme en plein essor offre aux habitants de nouvelles sources de revenus. Plus de 4 000 visiteurs, dont la plupart sont originaires de l’intérieur du pays, se pressent désormais chaque jour, attirés par la beauté naturelle du volcan et par le « feu bleu », un phénomène qui se produit lorsque les gaz sulfureux s’enflamment. Contre un peu plus de trente euros, les touristes peuvent se faire hisser sur la montagne à bord de chariots aux allures de fauteuils roulants et ainsi profiter du
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spectacle de la nature sans effort. Même si ce service, qui me paraît quelque peu étrange, souligne le fossé social entre les excursionnistes aisés et les anciens mineurs, ces derniers semblent plutôt satisfaits de gagner plus pour un travail moins dangereux, mais tout aussi épuisant. En revanche, les touristes sont loin de faciliter la tâche des quelques mineurs restants : à maintes reprises, j’observe des scènes incongrues où des utilisateurs de smartphones indélicats se mettent en travers du chemin des hommes lourdement chargés pour obtenir une photo. Au lieu de leur faire de la place sur le chemin étroit qui remonte du cratère, des troupeaux entiers se bousculent pour les dépasser et obligent les
mineurs à attendre malgré le poids qu’ils portent sur les épaules. Mais Supeno et Jumanto ne sont pas mécontents de cet afflux de visiteurs. Ils reçoivent parfois un pourboire pour une photo et la vente de petites figurines moulées dans le soufre chaud leur permet également d’arrondir leurs fins de mois. Malgré toutes ces épreuves, ces hommes ne se plaignent jamais. Ils sont fiers de leur travail. Ils ne recherchent en aucun cas la pitié, mais se réjouissent du respect qu’inspire leur activité. Ils rient beaucoup, ils sont patients et aimables. Ils se serrent les coudes et se soutiennent mutuellement. Ils sont plus forts que l’enfer. C’est le diable qui doit être en colère...
J AVA
Breviarium
LAMPUNG
Jakarta
MADURA
JAVA
Le volcan Ijen Licin
BALI
8° S 114° E indonesia.travel/fr
À faire absolument Même si les mineurs travaillent sans protection respiratoire, il est vivement recommandé de louer un masque à gaz, surtout si vous souhaitez vous rendre dans les mines du volcan. Si la vapeur âcre est encore supportable au niveau du point de vue, situé en haut du cratère, elle peut vite devenir insupportable à proximité des fumerolles.
À éviter Bien trop souvent, sur le chemin escarpé menant au bord du cratère, des touristes irrespectueux barrent la route aux mineurs pour prendre une photo souvenir sans se soucier de la lourde charge qui pèse sur leurs épaules. S’il vous plaît, abstenez-vous : le travail dans les mines de soufre est déjà assez difficile.
Trésors cachés Les paysages volcaniques constituent certes l’attraction principale de l’est de Java, mais nous vous conseillons de prévoir un peu de temps pour explorer les environs. Une excursion à vélo l’après-midi, par exemple autour de la ville de Licin, vous permettra de découvrir sans vous presser de pittoresques rizières en terrasses et des villages authentiques.
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L AOS
Voyage de découverte sur les rives du Mékong Texte & photos Laurent Nilles
En 2023, près de trente millions de touristes internationaux ont visité la Thaïlande et treize millions le Vietnam, tandis que le Laos voisin accueillait modestement trois millions de visiteurs. Un paradis presque caché pour les voyageurs en quête de belles découvertes, car même si ce petit pays enclavé ne possède pas de plages, il brille par sa riche culture, sa délicieuse cuisine et ses habitants chaleureux.
Si les moines avaient le droit de dire des grossièretés, ce serait certainement l’occasion d’en proférer quelques-unes. De lourdes gouttes de pluie s’écrasent sur les tuiles rouges du Wat Xieng Mouane, l’un des 34 monastères bouddhistes qui composent le paysage urbain historique de Luang Prabang, l’ancienne cité royale du Laos. Les derniers préparatifs pour Boun Ok Phansa, la fête qui marque la fin du carême bouddhiste, battent leur plein et les jeunes novices sont occupés à décorer la cour du temple avec des lanternes en papier colorées lorsque le ciel ouvre grand ses vannes. Bien que depuis la fin de la matinée, des nuages noirs ne cessent de s’amonceler devant le soleil, personne ne peut vraiment croire à l’arrivée de la pluie, car fin octobre, c’est normalement la saison sèche sur le Mékong. Depuis plus de 20 ans, la fête populaire des lumières a toujours été épargnée par les précipi-
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tations. Alors, les moines s’empressent de sauver des trombes d’eau les fragiles luminaires en papier de soie transparent et recouvrent avec une bâche de protection le magnifique dragon en papier de plusieurs mètres de long, qui a nécessité des semaines de travail. Hors de question que ce chef-d’œuvre soit victime des intempéries dès aujourd’hui ! Cérémonies somptueuses Ce n’est que la nuit suivante, au point culminant des festivités, que le dragon à la fois gracile et imposant fera sa grande entrée : éclairé par des centaines de bougies, il est porté au fil d’une procession festive à travers les rues décorées de couleurs vives, avec plus de 20 autres de ces œuvres d’art éphémères, avant d’être remis au puissant fleuve Mékong : une offrande aux nagas, les esprits de l’eau, dont on attend en retour bénédiction et bonne fortune.
L AOS Avec des centaines de lampions de toutes tailles et de toutes formes, les moines décorent leurs monastères et leurs temples pour Boun Ok Phansa.
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EN BAS D’immenses bateauxdragons en papier de soie sont mis à l’eau sur le Mékong à l’occasion de la fête des lumières.
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L AOS
La magnifique coiffe des femmes de l’ethnie Akha est ornée de pièces d’argent datant de l’époque coloniale française.
À GAUCHE
À DROITE Les Yao vivent à l’extrême nord du pays, à la frontière avec la Chine.
EN BAS Les moines de Luang Prabang effectuent leur quête d’aumône matinale avant le lever du soleil.
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L AOS Déjà, les esprits de l’eau commencent à faire preuve de clémence aujourd’hui et les nuages de pluie s’estompent peu avant la tombée de la nuit. Des dizaines, voire des centaines de milliers de bougies et de lanternes sont allumées dans toute la ville, plongeant dans une lumière magique les toits incurvés, les reliefs dorés et les mosaïques de verre étincelantes sur les façades des monastères. Locaux et visiteurs se promènent de temple en temple jusque tard dans la nuit, de Wat Xieng Thong à Wat Wisunarat en passant par Wat Sensoukharam, pour admirer les installations lumineuses et prendre des photos souvenir. Le sommeil sera de courte durée car le jour suivant débute avant le lever du soleil, avec l’aumône des moines. Les fidèles attendent patiemment en file indienne sur les trottoirs que des centaines de moines en robe couleur safran sortent des monastères dans un silence méditatif. Cette fête est l’occasion d’accumuler du bon karma, ce qui permet aux moines de recevoir de magnifiques cadeaux. Diversité culturelle Là où la richesse de Luang Prabang réside dans ses temples et ses moines, celle du Laos se trouve dans le cœur de ses habitants et dans leur impressionnante diversité culturelle. Outre les Lao Loum, qui représentent près des deux tiers de la population, l’État laotien reconnaît officiellement plus de 40 ethnies différentes. Dans les régions rurales notamment, entre rizières, cascades et montagnes karstiques, les Hmong, Khmu, Lan Tan, Tai Lue, Yao et Akha vivent encore bien souvent dans des maisons en bois typiques, construites sur pilotis pour se protéger des nuisibles et des visiteurs indésirables. Ils cultivent du riz, du maïs et des légumes, tissent, teignent et brodent des tissus en coton et en soie selon une tradition ancestrale, ou produisent du lao lao, une sorte de whisky à base de riz. Chacune des minorités ethniques est fière de ses costumes traditionnels transmis de génération en génération, dotés de leurs propres motifs et particularités : les femmes Hmong portent des chapeaux circulaires ornés de formes géométriques, les Yao une sorte de turban
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et des blouses recouvertes de peluche rouge pour lutter contre le froid des montagnes, tandis que les Akha affichent leur richesse avec des pièces d’argent fixées sur leurs couvre-chefs qui scintillent au soleil. C’est surtout dans le nord du pays, entre Nong Khiaw, Phongsaly et Muang Sing, que les traditions sont les mieux préservées, même si le commerce florissant avec la Chine voisine a également apporté à la région quelques nouvelles constructions de style baroque ostentatoire qui détonnent dans le paysage. Vestiges du passé Le Wat Phu, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2001, se fond bien plus harmonieusement dans le paysage verdoyant au pied du mont Lingamparwata, dans le sud tropical du Laos. Ce temple de la civilisation khmère remonte au XIe siècle. Il est donc plus ancien que le célèbre Angkor Wat au Cambodge, non loin de là. Épargnées par le tourisme de masse, les ruines bien conservées offrent le charme pittoresque des époques révolues, surtout au petit matin, lorsque les premiers rayons du soleil percent la brume et que seuls quelques moines solitaires déambulent en silence sur le site. Sur les rives du Mékong, le temps semble s’être arrêté même hors des sites archéologiques, entre Champassak et son architecture coloniale et les îles de l’archipel Si Phan Don, accessibles uniquement par bateau. À bord de petites embarcations, les pêcheurs locaux gagnent leur vie en posant leurs filets ou en installant des pièges à poissons dans les cascades du fleuve, non sans ingéniosité. Dans les rizières paissent quelques buffles dont les propriétaires ont fui la moiteur pour se réfugier à l’ombre, dans des hamacs. Les enfants vêtus de chemises blanches et de pantalons ou de jupes noirs, conformément à l’uniforme scolaire, rentrent chez eux à vélo par des chemins étroits après leur journée d’école. Au Laos, vous chercherez en vain l’agitation. Profondément détendu et accueillant, le pays se montre sous son meilleur jour et les Laotiens ont toujours le sourire aux lèvres. Même dans la capitale, Vientiane, qui compte près d’un million d’habitants, le tumulte de la ville demeure raisonnable.
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L AOS Les temples de Wat Phu sont certes moins colossaux que ceux d’Angkor Wat au Cambodge voisin, mais ils peuvent se targuer d’une atmosphère unique et d’un plus petit nombre de touristes.
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Au milieu des chutes d’eau les plus spectaculaires du pays, à Khone, les pêcheurs laotiens font preuve d’audace chaque jour.
EN HAUT
Difficile à croire, mais l’un des en-cas les plus appréciés au Laos est le Sai Gok, une saucisse de viande fraîchement grillée et plutôt épicée.
À GAUCHE
À DROITE 49 groupes ethniques différents sont officiellement reconnus au Laos, dont les Laven, qui vivent dans le sud du pays.
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Les pêcheurs de Nong Khiaw comptent sur des pièges à poissons tressés en bambou qu’ils placent habilement dans le courant.
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L AOS Le temple de Phu Tat, avec sa statue de Bouddha plus grande que nature, trône audessus de la capitale provinciale Oudomxay.
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L AOS
Le riz est un aliment de base important au Laos et plus de 60 % des terres agricoles sont utilisées pour sa culture.
Sur le plateau des Bolovens, on cultive un café de qualité à la renommée internationale.
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Breviarium
CHINE
CHINE
Phongsaly MYANMAR
VIÊTNAM
Muang Sing Nong Khiaw
Luang Prabang
LAOS
19° N 102° E tourismlaos.org
Vientiane
THAÏLANDE
Champasak
Lingamparwata
CAMBODGE
À faire absolument Même si la cuisine laotienne est moins connue au niveau international que celle de ses voisins thaïlandais et vietnamiens, elle a tout de même beaucoup à offrir. Il vous faudra par exemple goûter absolument au larb, le plat national non officiel, une salade rafraîchissante et acidulée à base de viande hachée. Le restaurant Manda de Laos à Luang Prabang est une bonne adresse, mais qu’on se le dise, la nourriture est vraiment délicieuse partout. mandadelaos.com
À éviter Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt... Pour les Laotiens, la journée commence avant même le lever du soleil. Pour expérimenter pleinement l’aumône rituelle des moines ou les marchés matinaux colorés, il vous faudra parfois renoncer à une agréable grasse matinée. Mais les paysages inoubliables aux premières heures du matin compenseront largement la sonnerie du réveil à une heure incongrue.
Trésors cachés Situé dans une petite rue calme, à quelques minutes à pied du centre de la vieille ville historique, le Villa Maly Boutique Hotel dispose de 32 chambres décorées avec goût dans le style colonial. Construit en 1938 par le petit-fils du roi de l’époque, le complexe a été récemment complété par une grande piscine sous les palmiers, idéale pour échapper à la chaleur de la mi-journée en sirotant un lao mojito rafraîchissant. villa-maly.com
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R EC E T T E
Le goût du Laos La cuisine laotienne est connue pour l’utilisation d’ingrédients frais et un équilibre complexe des saveurs, ce qui la démarque des riches traditions culinaires de l’Asie du Sud-Est. Le laap, également appelé larb, témoigne de cette tradition. Cette salade populaire combine la viande hachée avec le pétillant du citron vert, le piquant du piment et le parfum des herbes fraîches. En plus d’offrir une explosion de saveurs à chaque bouchée, ce plat reflète la simplicité et l’élégance de l’art culinaire laotien, ce qui en fait une expérience incontournable pour quiconque souhaite explorer la gastronomie du pays.
Larb / Laap - Salade de viande du Laos 4 personnes 15 minutes 15 minutes
∙ 50 g de riz jasmin cru ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙
(ou riz collant/sucré) 2 c.à s. d’huile végétale 3 échalotes émincées 570 g de viande hachée de poulet* (à hacher soi-même ou à couper en petits morceaux pour obtenir la meilleure texture) 1/2 c.à c. de sucre 2 c.à s. de sauce de poisson 2 citrons verts, jus 1-2 piments oiseaux thaïlandais émincés 3 oignons de printemps émincés 15 g de coriandre grossièrement hachée 30 g de menthe fraîche grossièrement hachée sel feuilles de salade pour le dressage
* Ce plat peut être préparé au choix avec du poulet, du porc ou du bœuf.
Faire torréfier le riz à sec dans un wok ou une poêle à feu doux en remuant constamment jusqu’à ce qu’il soit doré et parfumé (environ 10 minutes). Le moudre en une poudre grossière à l’aide d’un mortier et d’un pilon ou un moulin à épices. Réserver. 2 Faire chauffer le wok à feu vif et y verser 2 c. à s. d’huile. Faire revenir la moitié des échalotes dans l’huile jusqu’à ce qu’elles soient croustillantes. Retirer les échalotes du wok en conservant l’huile. 3 Remettre le wok à feu vif jusqu’à ce qu’il fume. Ajouter la viande hachée de poulet. Faire cuire en remuant jusqu’à ce que le poulet soit doré et croustillant, puis ajouter le sucre, la sauce de poisson et le jus de citron vert. 4 Faire cuire pendant une minute supplémentaire en remuant, puis ajouter la poudre de riz torréfié, les piments, les échalotes crues restantes, les oignons de printemps, la coriandre et la menthe. Faire revenir pendant une minute supplémentaire en remuant, puis assaisonner avec du sel et rectifier si besoin en ajoutant du piment, du sucre, de la sauce de poisson et/ou du jus de citron vert, à votre convenance. 5 Servir dans des feuilles de salade et garnir avec les échalotes croustillantes réservées. 1
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L’équateur du Gabon a finalement été découvert, après avoir été manqué deux fois auparavant.
EN HAUT
EN BAS Le vaste paysage ouvert du sud du Maroc se rapproche du Sahara.
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Retour à la maison, retour en Afrique Texte Bibi Wintersdorf
Photos Dot Bekker
Il y a quelques années, j’ai eu la chance de rencontrer Dot Bekker lors d’un événement de networking au Luxembourg. Le courant est tout de suite passé entre nous et, comme beaucoup d’autres personnes, j’ai suivi avec grand intérêt son voyage au Zimbabwe, son pays d’origine, au fil des années. Je souhaite aujourd’hui partager son histoire émouvante avec les lecteurs et les lectrices de REESEN.
Après 38 ans, qu’est-ce qui vous a poussée à enfin oser faire ce voyage extraordinaire au Zimbabwe ? Et comment vous y êtes-vous préparée ? Tout a commencé quand j’avais 58 ans. À l’approche de la soixantaine, je n’étais pas satisfaite de ma vie et j’avais l’impression de passer mon temps à dormir. Je voulais être sûre de profiter au maximum du temps qu’il me restait. J’ai donc mis fin à ma relation après 22 ans de mariage, car j’étais de plus en plus malheureuse, et j’ai tout quitté, sans savoir où j’allais. La décision de retourner au Zimbabwe n’est pas venue tout de suite. Mais dès que j’ai été certaine de mon choix, de nombreuses possibilités se sont soudainement présentées à moi. Je prenais mes propres décisions, je n’avais plus de comptes à rendre à personne. Les préparatifs ont bien duré deux ans et demi. J’ai travaillé, je me suis équipée, j’ai travaillé de plus belle et j’ai continué à acheter du matériel. L’aménagement in-
térieur du van a duré neuf mois, les tests et les ajustements quelques mois de plus. En novembre 2018, cinq jours avant mon 60e anniversaire, j’ai quitté Barcelone sur un ferry en direction du Maroc. Vous avez voyagé dans un Ford Transit vieux de 20 ans. En quoi cette expérience était-elle différente d’un voyage en 4x4 ? Mon budget était très limité. Un véhicule tout-terrain m’aurait coûté beaucoup trop cher. J’ai donc acheté un Ford Transit 2DW de 1998 avec conduite à droite. Beaucoup le trouvaient complètement inadapté à mon projet de voyage. Mais mon audition n’étant plus ce qu’elle était, je l’ai quand même acheté. (Elle rit.) Les routes, parfois inexistantes, ont constitué mon plus grand défi. Dans certains endroits, je ne pouvais tout simplement pas me frayer un chemin, souvent à cause du sable, qui allait devenir mon principal problème.
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Mais mon fidèle van n’a pas seulement été mon refuge après des journées épuisantes sur la route, il a aussi été ma maison au Zimbabwe pendant trois ans. Je n’ai jamais regretté cet achat. Pendant huit mois et demi, il m’a accompagnée sur 20 000 km à travers 17 pays africains jusqu’au Zimbabwe. Pouvez-vous me citer quelques-uns des plus grands défis que vous avez dû relever en cours de route ? Ce qui m’a vraiment surprise, c’est à quel point il faisait chaud et humide... en permanence. Ma vieille auto n’avait pas la climatisation. Au début, cela me dérangeait d’être constamment en sueur, mais au bout d’un moment, je n’y ai plus prêté attention. Un ventilateur sur le tableau de bord et un bandana mouillé sur la nuque m’ont aidée à tenir le coup. Autre difficulté : l’omniprésence des moustiques. Ils ont dû me prélever des litres de sang, mais heureusement, j’ai été épargnée par la malaria. Ensuite, les routes, bien sûr : une fois sur trois, il n’y en avait pas et les conditions de conduite étaient vraiment effrayantes. Mais sur chaque mauvaise route, j’apprenais à mieux maîtriser ce genre de tronçons. Une autre chose qui m’a surprise : les nombreux contrôles policiers et militaires... et les nombreuses demandes en mariage que j’ai reçues ! Ce voyage est tout sauf des vacances, il poursuit un objectif : vous voulez promouvoir l’éducation des filles au Zimbabwe. Pouvez-vous m’en dire plus ? J’étais déjà engagée au Luxembourg dans des organisations pour les femmes et des initiatives pour l’égalité des droits. J’ai été présidente du réseau de femmes The Network. En tant que femme ayant vécu des inégalités de traitement, il me tient à cœur de les combattre.
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Transpirer dans la jungle guinéenne, accompagnée de guides et de pisteurs à la recherche de chimpanzés.
À GAUCHE
À DROITE Dans un vieux canoë en bois à travers les mangroves sur le fleuve Gambie.
EN BAS En Mauritanie, être poussée hors du sable... la personne devant ne voulait pas s’écarter du chemin.
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Le « pont dansant » au Ghana, composé de planches de bois flotté liées ensemble, au-dessus d’une embouchure de rivière. Il porte ce nom parce que l’ensemble du pont bouge dès que l’on s’y engage.
Mes recherches sur l’égalité des sexes ont révélé que s’il existe bien une action à mener pour améliorer la situation au Zimbabwe et sur l’ensemble du continent africain, c’est la promotion de l’éducation des filles. Dans les pays où l’égalité est plus présente, les communautés bénéficient d’une meilleure santé et sécurité. Les femmes apportent une contribution positive à l’économie, la violence au sein des familles et à l’encontre des femmes diminue, une plus grande importance est accordée aux enfants et à leur éducation. Avant mon départ, j’ai donc créé une petite association à but non lucratif au Luxembourg, qui me permet de récolter des dons de particuliers. J’utilise ces fonds pour payer les frais de scolarité des filles dans la région rurale où je vis désormais. Quels sont vos projets pour l’avenir ? Après avoir voyagé en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Sud et au Zimbabwe, je peux dire que j’adore être
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sur la route, découvrir de nouveaux endroits, redécouvrir des lieux que je connais et rencontrer des personnes très différentes. Mais en ce moment, j’apprécie aussi de me poser et de pouvoir terminer ma maison. J’aime travailler avec la communauté rurale, participer à des projets d’autonomisation, consolider le chemin vers l’autosuffisance. Mais je suis quelqu’un qui ne tient pas en place et j’ai dans l’idée, si j’ai assez d’argent, de parcourir l’Afrique de l’Est et de découvrir les merveilles de cette région. L’Afrique est un continent tellement immense. Il y a tant de choses à découvrir que je ne m’ennuie jamais. Mais bien sûr, cette fois-ci, je retournerai chez moi, au Zimbabwe. Comment vos expériences, que vous avez partagées via votre blog, les réseaux sociaux et le livre « Going Home to Africa », ont-elles été accueillies ? Au début, je n’avais qu’une page Facebook, Going Home to Africa, pour
partager mes expériences avec mes amis. À ma grande surprise, le nombre de lecteurs ne cessait d’augmenter. Cette page est une sorte de journal intime. Je continue à la faire vivre, car beaucoup de gens aiment mes histoires et ma nouvelle vie un peu folle dans la brousse. Suite à mon voyage, on m’a encouragée à publier mon expérience dans un livre. Comme je ne pensais pas qu’un éditeur pourrait s’y intéresser, je l’ai publié moi-même. Il est disponible sur Amazon dans la plupart des pays. En Afrique, on le trouve dans quelques boutiques indépendantes. Le livre a connu un certain succès, même si cela aurait pu être mieux. Mais mon temps et mon réseau sont actuellement très limités. Je travaille également sur deux nouveaux ouvrages : l’un raconte ce que j’ai ressenti en retournant au Zimbabwe après 38 ans, tandis que l’autre explique les raisons pour lesquelles j’ai décidé de vivre dans une communauté rurale entièrement autosuffisante en Afrique.
VACANCES SANS SOUCIS moskito.lu
NOUS SOMMES LÀ.
L’assistance médicale mondiale 24h/24 et 7j/7 est incluse automatiquement dans notre package de base. De plus, en cas d’un incident à l’étranger, vous pouvez en profiter dès le premier jour de votre adhésion CMCM. Envie de devenir membre? Rendez-vous sur www.cmcm.lu
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A N TA R CT I Q U E
Le « voyage d’une vie » en Antarctique Texte Bernard Pichon
Très exclusives, les croisières polaires séduisent de plus en plus les voyageurs. Ces aventures aux confins de la planète seraient-elles le dernier recours face au tourisme de masse ?
« Est-ce que tout cela est bien réel ? J’ai l’impression de vivre un rêve… » Sophie n’en croit pas ses yeux. De sa chaise roulante, elle assiste au plus extravagant des défilés : un interminable cortège d’icebergs dérivant lentement de part et d’autre du bateau. Rien ne ressemble moins à un bloc de glace qu’un autre bloc de glace. Ce défilé de sculptures voit se succéder des pyramides, des arches, des gratte-ciel, des cathédrales à l’architecture torturée. On peine à saisir la dimension réelle de ce théâtre, à moins qu’une otarie ou quelques manchots — minuscules figurants — n’en donnent l’échelle. « Pour moi, c’est vraiment le voyage d’une vie », confie la jeune femme, fière de défier sa sclérose aux confins du plus vaste désert glacé de la planète. Cette
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bravade n’aurait pas été possible sans l’appui de son dévoué compagnon. « Habitués à de courtes escapades avant la pandémie, nous avons ressenti comme tout le monde le besoin d’un rattrapage, si possible loin du tourisme de masse. Les économies accumulées durant la Covid nous ont permis d’envisager cette folie, car les croisières au pôle Sud, accessibles à partir de 10 000 € environ pour une dizaine de jours, sont évidemment onéreuses ». Il leur faut également reconnaître que Sophie ne pourra pas vivre toutes les péripéties de cette aventure, notamment les excursions à terre, effectuées uniquement à bord d’un Zodiac. En revanche, elle ne perdra rien des échanges organisés à bord par une pléiade de scientifiques — géologue, glaciologue et
A N TA R CT I Q U E La rencontre des premiers mammifères marins sur la banquise est toujours une émotion.
EN HAUT
© Vincent Eschmann
EN BAS La navigation polaire bénéficie aujourd’hui de toute la technologie permettant de louvoyer sans danger parmi les icebergs.
© Antoine Merlet
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A N TA R CT I Q U E
Parfaitement adaptés à leur biotope, les manchots ont colonisé ces territoires inhospitaliers.
À GAUCHE
© Jean-Felix Fayolle
À DROITE Navire à taille humaine, Exploris One est conçu pour affronter les conditions extrêmes des pôles.
© Vincent Eschmann
EN BAS La nature offre ici la plus extravagante exposition de sculptures glacées.
© Bernard Pichon
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A N TA R CT I Q U E autre ornithologue — engagés comme guides-conférenciers. Si la croisière promet l’exotisme, elle se veut aussi convivialement didactique, sans concession ni au confort ni à la nourriture, qui n’ont rien de spartiate. Terra incognita Les pôles distillent un irrésistible parfum de territoire vierge ; surtout l’Antarctique qui se distingue de son correspondant nordique par sa taille — deux fois l’Australie — et par l’absence de toute présence humaine, mis à part une poignée de chercheurs internationaux invisibles, dispersés dans une quarantaine de confinements, en tout et pour tout. La faune, aussi, diffère entre Arctique et Antarctique : ours polaires et pingouins « en haut », manchots (nommés pingüinos en espagnol et penguins en anglais) « en bas ». De part et d’autre : un florilège de mammifères marins peu farouches. Parmi les invités, un historien évoque l’épopée des découvreurs William Smith, Roald Amundsen, Jean-Baptiste Charcot, déjà fascinés par la très photogénique lumière estivale et la permanente noirceur hivernale de ces latitudes. On a vite compris pourquoi les croisières polaires n’ont lieu que durant l’été austral (de novembre à février en Antarctique), et dès la fin de notre printemps en Arctique. La température ? Ce n’est pas un véritable problème. Si le temps est couvert et venteux, l’équipement fourni par le croisiériste permet d’affronter la froidure. Dès que le soleil apparaît, la technique de l’oignon (retirer des couches) s’impose. Capricieuse, la météo peut changer d’une minute à l’autre, contraignant capitaine et chef d’expédition à une extrême souplesse dans l’agencement du parcours et des escales.
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A N TA R CT I Q U E
Le mal de mer ? On le redoute surtout durant les deux premiers jours de navigation entre le port de départ (Ushuaïa) et les confins de l’Antarctique. La réputation du cap Horn n’est plus à faire. Même aguerris, certains marins demeurent sensibles à une mer parfois agitée. Des patches à coller derrière l’oreille suffisent généralement à adoucir l’épreuve. Capitaine au long cours Navire de classe Glace à cinq ponts, Exploris One affiche une longueur de 108 mètres pour une largeur de 16 mètres. Sa vitesse moyenne est de 12,5 nœuds. À la passerelle, le Commandant Christophe Colaris, alerte sexagénaire riche d’une longue expérience de navigateur, ne se lasse pas de son métier : « Nous sommes 102 membres d’équipage. C’est un privilège de travailler avec de grands professionnels et de jeunes lieutenants motivés pour se perfectionner. J’apprécie aussi l’ambiance familiale 100 % francophone de la compagnie. La navigation polaire ne requiert pas qu’une bonne maîtrise technique ; elle implique aussi une grande flexibilité sur la vie à bord. S’il faut interrompre le repas parce qu’il y a des baleines en vue, je n’hésite pas à le faire. » Paquebots et navires Les croisières en général connaissent un regain d’intérêt. Ainsi, celles qui sont orientées vers les pôles surfent sur cette vague. Plusieurs intervenants dont Ponant, Silversea, Australis, etc., naviguent en ces eaux. On estime que 100 000 passagers ont tutoyé l’Antarctique en 2023, dont 75 000 ont pu poser pied à terre. Exploris One est le dernier venu parmi les navires affectés aux explorations polaires. Éric Lustman, co-directeur de la compagnie, explique que la plupart des gros paquebots ne sont pas autorisés à
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A N TA R CT I Q U E S’aventurer sur la terre ferme, c’est prendre l’échelle de ces espaces infinis aux allures extraterrestres.
EN HAUT
© Jean-Felix Fayolle
À la passerelle, l’attention du capitaine et de ses acolytes est permanente.
À GAUCHE
© Jean-Felix Fayolle
À DROITE Le confort des cabines supérieures n’a rien à envier à celui d’un Quatre étoiles.
© Bernard Pichon
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A N TA R CT I Q U E
Chaque embarquement sur les Zodiacs observe un sérieux protocole de sécurité. © Vincent Eschmann
Points de vue d’experts
débarquer leurs hôtes. Les voyageurs qui entendent accoster choisissent donc des navires à taille humaine (jusqu’à 120 passagers) habilités à organiser de courtes incursions territoriales, par groupe de 10 personnes très encadrées. Mettre pied à terre impose en effet des précautions drastiques, notamment le dépoussiérage et la désinfection de tout l’équipement. Avant chaque excursion, des responsables vont en éclaireurs baliser un petit parcours dont il sera interdit de s’écarter. Il est évidemment défendu d’y importer ou d’en exporter quoi que ce soit, fût-ce un gravillon. On ne pose pas genou à terre, on respecte le silence et une distance d’au moins 5 mètres par rapport à la faune.
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Invité à bord, le glaciologue Léo Decaux explique : « En fait, la plus grande menace pour ce sanctuaire n’est ni le réchauffement, ni la contamination, ni la pollution… C’est d’en ignorer les enjeux, car ce territoire est menacé par l’exploitation de ses ressources : hydrocarbures, minéraux, eau douce, etc. L’actuel traité antarctique réunit 50 états membres, et il faudra bientôt veiller à sa reconduction. » Dans cette perspective, une découverte in situ devrait transformer chaque touriste en avocat ou ambassadeur des espaces fragiles… Un peu comme la visite des zoos, censée promouvoir la protection des animaux. exploris.co
Le bilan écologique d’une croisière en Antarctique est déjà grevé par les vols d’appoint de l’Europe à l’extrême sud argentin. Pour Michael Bravo, professeur d’histoire et de géographie des sciences à l’Université de Cambridge, « un tourisme durable et responsable est possible, mais il exige une planification et une gestion rigoureuses. » Peter Wilson, directeur du Fonds Mondial pour la Nature (WWF), surenchérit : « Le tourisme polaire doit être considéré comme un privilège, et non comme un droit. Les touristes doivent être conscients de leur impact sur l’environnement et respecter les règles strictes mises en place. » De son côté, l’industrie des croisières affirme investir dans des technologies plus propres, comme les carburants à faible émission et les systèmes de traitement des eaux usées. Des inspecteurs vérifient qu’aucun rejet ne soit effectué en mer. Presque toutes les compagnies ont adhéré à l’IAATO (Association internationale des organisateurs de voyages dans l’Antarctique) qui impose le respect d’un continent jusque-là dédié à la paix et à la science.
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