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DOSSIER GASTRONOMIE
LES COULISSES DU TEMPLE DE LA GASTROMIE LYONNAISE
IL EST 5H…
LES HALLES S’ÉVEILLENT !
À l’image de Cerise et Potiron, les Halles Paul Bocuse sont bien silencieuses au petit matin
La réception des commandes, un instant toujours crucial pour les commerçants.

Alors que Lyon berce paisiblement dans le silence, les Halles Paul Bocuse laissent entrevoir au petit matin, toute une organisation invisible du grand public. De la réception des marchandises jusqu’à la mise en place des stands, chaque commerçant tient une routine bien à lui, que nous avons eu la chance d’observer.
Texte : Morgan Couturier – Photos © Alexandre Moulard
Jacques Dutronc avait beau ne plus avoir sommeil, percer l’obscurité est un défi bien compliqué à relever, lorsque que l’horloge affiche péniblement cinq heures à son chronomètre. Pour beaucoup d’ailleurs, les paupières y sont encore lourdes, sans qu’aucun hypnotiseur ne nous ait invités à les fermer. Mais qu’importe, le métier ne laisse guère le choix. Il faut trouver sa route. Celle menant aux Halles de Lyon Paul Bocuse. Une première escapade, alors que le site revêt une robe noire. Sombre. Pire, alors que la devanture se lit péniblement, un premier piège se dresse au moment de tracer son chemin et de trouver l’entrée. Pour une simple raison : seules les portes de la rue Garibaldi daignent s’ouvrir à partir de 4h30 ! Une fois entré, les allées se présentent alors comme rarement, à savoir silencieuses et inéclairées. On y décèle aucune silhouette, sinon quelques bruits, indéfinissables. Puis vint le temps des premières arrivées. 5h05 : une heure miroir pour de premières voix. Celle d’Éric Giraud (Chez Antonin) en l’occurrence, débarqué en trottinette en même temps que son chef Kaïs Tersim. Et cette première question, sitôt le rituel de l’installation des deux chaises pour le café, effectué : « Les huîtres sont-elles arrivées ? ». « Pas encore », répond rapidement le gastronome, une fois les sous-sols examinés. Une bizarrerie, alors qu’en temps normal, les premières palettes de produits arrivent dès l’ouverture des portes. « Il suffit que vous veniez pour qu’ils soient en retard. Vous portez la poisse », en rigole Eric Giraud, rompu à l’exercice depuis 32 ans. De quoi lui donner le temps d’expliquer toute la routine. Son rituel. « Là, j’ai commandé hier matin (le mardi pour le jeudi, avant un gros arrivage le samedi, nldr). Généralement, on sait ce que l’on veut, même si de temps en temps, le grossiste me dit : ‘‘j’ai cela, est-ce que cela t’intéresse’’ », raconte l’une

Pour Éric Giraud et son chef Kaïs Tersim (Chez Antonin), c’est l’opportunité de faire découvrir de somptueuses langoustes à notre reporter Morgan.

Chez Durand, la fraîcheur des produits est primordiale. L’aménagement d’un imposant bac à glaçons en est la preuve.

des figures de ce lieu emblématique, alors que la réception des crevettes, huîtres et autres oursins, se fait désirer. Les Halles, elles, ne patienteront pas. 5h30 pétantes : de nouveaux engins à roulettes percent la nuit pour remplir les allées. Les commerces s’illuminent enfin. Les remue-ménages souterrains se font de plus perçants. Il est temps de descendre. De plonger dans le « ventre de Lyon » pour découvrir son for intérieur. Et là, surprise ! Des allées aussi grandes que la partie émergée de l’iceberg, le côté accueillant en moins, chaque enseigne détenant son box, désigné par une pancarte digne d’une porte de prison.
MONSIEUR PAUL, EN SON TEMPS, VENAIT Y FAIRE SON MARCHÉ ET BOIRE SON CAFÉ

Là n’est pas l’essentiel. On se laisserait volontiers enfermer. On peut y boire un verre avec les employés de la maison Massot, ou voir défiler une sublime carcasse de viande de chez Trolliet. Plus loin, les poissonneries Pupier et Durand lèvent ses premiers filets. Du saumon et du bar sont déjà arrivés. Mais le reste se fait désirer (lire par ailleurs). Jusqu’à la libération : l’arrivée des premiers camions. Alors qu’à l’étage, la mère Renée Richard et son équipe s’attèlent au déballage des fameux Saint-Marcellin et à la préparation d’une commande de fromage à raclette, les sous-sols s’activent alors enfin. On voit débarquer le logo de Marguin Marée. Le grossiste vient livrer la maison Merle. Puis Éric Giraud, content comme un enfant à Noël, au moment de découvrir sa commande. Ce jour, quinze caisses de deux kilos de crevettes de Madagascar (cuites à Marseille ou à Nantes puis transportées à Corbas) ont fait le déplacement. Tout autant de bulots. Puis vint un autre camion, bien plus chargé. Pour Chez Antonin, c’est la découverte de somptueuses langoustes, ô combien remuantes, malgré l’horaire prématuré et un périple de plusieurs kilomètres depuis le Finistère. « Elles sont belles ! Là, c’est Rosalie. Elle, c’est Gertrude, et ici, Eva », s’amuse l’écailler. Avant de poursuivre, et de reprendre son sérieux devant le ballet de transpalettes présenté devant lui : « On a 5 ostréiculteurs dans tout l’Atlantique pour les huîtres et trois fournisseurs pour les coquillages ». Le « village de Gaulois » révèle enfin toute sa grandeur. Les étals se remplissent, se décorent. On parfait la présentation chez Durand. Chez Trolliet, on bichonne les commandes déjà enregistrées. Las, l’heure tourne. « À l’époque, à cette heure, Monsieur Paul venait boire son café », raconte-t-on. Un instant de répit impossible pour la maison Rousseau, tant le retard pris dans les livraisons pousse à la hâte ce jour-là. Il faut ouvrir les huîtres avant l’arrivée des premiers clients, tout en réceptionnant les derniers colis. À commencer par les crevettes, fournies par la maison Durand, en guise d’accord gagnantgagnant de non-concurrence. Tout est fin prêt. À 7h, les Halles de Lyon Paul Bocuse s’ouvrent en grand. Chez Baba la Grenouille, le signal est lancé. Place aux premières cuissons. Des... calamars pour commencer. Les amphibiens tant convoités attendront leur tour et les premières commandes. On débute par un café. Un petit mot pour les habitués. Chez Antonin, les langoustes ont fini de bronzer. Les voilà cuites, prêtes à être exposées. Il en va de même des poissons chez Durand. Ou des « fruits de la mer » pour la Maison Rousseau. Le temps passe vite quand on s’amuse. Entre-temps, le jour s’est levé sur une nouvelle journée. Longue et harassante à n’en pas douter, mais diablement passionnante. Sortez les couverts, place aux dégustations !
Rituel du matin de la Mère Richard : le déballage des Saint-Marcellin et autres fromages. Comme ici, avec un Saint-Nectaire fermier entier.


LES ALLÉES SOUTERRAINES OFFRENT QUELQUES SURPRISES,
dont la suspension d’une carcasse de viande de chez Trolliet.
Réception des homards et des tourteaux par Michael de la Maison Rousseau. Huîtres de Camargue, coquillages, tout est prêt pour régaler les clients.
Une star sur le banc de la maison Pupier
Sur la commune d’Ambierle, la fromagerie Mons emprunte un tunnel souterrain de 200 mètres de long pour choyer ses produits.
CHEZ LA MAISON MONS,

LE FROMAGE EST ROI
Histoire d’une passion familiale. Immersion à Roanne où, depuis 50 ans, s’illustre la fromagerie Mons. Fondée en 1954 par Hubert Mons et son épouse Rolande, celle-ci s’impose désormais comme une référence internationale. Sous la coupe de leur fils Hervé, cette institution affine aujourd’hui plus de 190 fromages et confectionne les siens au sein de leurs caves historiques.
Texte : Eva Bourgin – Photos © Alexandre Moulard

Certaines réussites trouvent leur origine dans une simplicité qu’on ne saurait guère oublier. Mieux encore, sur un air de campagne où commerçants et clients se confondent le temps d’un échange. Un retour aux sources qu’Hubert Mons connaissait sur le bout des doigts. « Avec sa femme Rolande, ils ont commencé à vendre des fromages sur les marchés comme le Saint-Nectaire. Ils étaient originaires d’Auvergne », confie Laure Dubouloz, responsable marketing, anciennement chargée commerciale des fromages Mons aux États-Unis. Mais avant d’atterrir sur les terres américaines, l’histoire débuta plus simplement sur la côte roannaise, au sein de leur première fromagerie, transformée depuis 2016, en atelier de fabrication. Avec en guise d’accueil, le parfum envoûtant de leurs produits. Dont les fromages blancs, rituel du mardi matin.



maisoncellerier.fr



« On a pasteurisé le lait hier matin, on a mis les ferments puis on l’a laissé cailler toute la nuit », affirme le fromager Fabien Frajoux, muni de sa louche. Un coup de main unique pour former une boule blanche presque parfaite, soit 4000 au total, fabriquées au lait de vache. La Maison Mons collabore avec des producteurs situés à moins de 40 kilomètres. « Ça marche aussi pour le lait de brebis et de chèvre. Hervé voulait aider les producteurs à passer en bio », affirme-t-elle. À quelques mètres, se tiennent des tommes tressées et des fromages de chèvre nommés barriquets, confectionnés eux aussi à l’aube. « Ils s’égouttent seuls mais les tommes ont besoin d’une toile. Ensuite il y a le saumurage : on les sale pour stopper la courbe d’acidité et les aider à créer leur croûte avant de les disposer dans les caves. L’affinage durera 2 mois et quelques semaines pour les barriquets », explique Nicolas Trotot, responsable de la laiterie. traçabilité. Les fromages débutent leur affinage sur leur site de production et terminent dans nos caves », précise-t-il. Ici ou au sein du tunnel de la Collonge, situé à Ambierle, à quelques kilomètres à vol d’oiseau des ateliers de production. Une ancienne voie ferrée souterraine de 200 mètres de long, remodelée en temple de l’affinage de ces précieux produits laitiers. À l’intérieur, le spectacle est alors somptueux. Les allées dévoilent une à une des meules gigantesques : du Cantal ou Comté notamment, dont les pièces pèsent chacune, une trentaine de kilos, surveillées et poncées quand il le faut. Un travail de qualité bercé dans des valeurs familiales que l’institution Mons souhaite préserver. Sans en faire tout un fromage. Mais plusieurs tant qu’à faire.

L’affinage des fromages, toute une histoire contée par la responsable marketing, Laure Dubouloz.
CHAQUE SEMAINE, ENTRE 800 KILOS ET 1 TONNE DE FROMAGES SONT ENVOYÉS AUX HALLES PAUL BOCUSE
Si les fromages possèdent le même ingrédient mère, chacun d’entre eux détient sa propre recette que seuls les adeptes saisissent pour trouver l’équilibre parfait. Une notion qui ne s’apprend pas dans les livres, mais bien sur le terrain, comme ici, dans l’une des 9 caves d’affinage, présentée par Jules Mons, neveu d’Hervé. « Les caves sont inspirées de modèles naturels, il fait entre 8 et 11 degrés. On peut voir ici l’évolution de la raclette, elles vont rester 12 semaines environ », explique ce dernier, à la tête des opérations. Pour satisfaire la centaine de collaborateurs et les 14 magasins Mons, les équipes se doivent d’être assidues, notamment à l’approche de fêtes. « On reçoit tous les fromages à l’entrée, la plupart sont des AOP. On vérifie la qualité et on commence la

CHAQUE JOUR, LES MEULES SONT NETTOYÉES ET PONCÉES POUR BONIFIER L’AFFINAGE.


Rituel du mardi matin : la confection de fromages blancs.

EXCURSION DANS LE CHAROLAIS DIDIER MASSOT

ET LES VACHES QUI RIENT
Installée aux Halles de Lyon Paul Bocuse depuis juillet 2018, la boucherie Massot s’est rapidement fait remarquer pour la qualité de ses viandes. Une excellence que la maison doit en partie au traitement des bêtes. Comme ici à Charolles, où Didier Massot profite de l’exploitation agricole d’Adrien Pautonnier pour se procurer du bœuf charolais élevé à point.
Texte : Morgan Couturier - Photos © Alexandre Moulard
La passion prend bien des formes, au point qu’il en soit parfois difficile de la décrire. Parce qu’on ne veut pas se louper et trouver le terme parfait pour conter ce que l’on a sur le cœur. Puis d’un coup d’un seul, une image vaut mille mots. Silence radio, on admire la scène. À l’instar de ce sourire comblé dessiné sur le faciès de Didier Massot, les pieds figés sur les vertes étendues du Charolais. Devant lui, quelques belles vaches du pays. Une viande de choix, susceptible de lui inspirer cette phrase pleine d’à-propos : « J’ai trouvé mon cadeau de Noël ». À ses côtés, l’homme en rouge prend une apparence atypique. Celle d’un éleveur prévenant, près de ses bêtes, nommé Adrien Pautonnier. Un patronyme bien connu dans la sous-préfecture de Saône-et-Loire, au point d’être gravé noir sur blanc sur la carte du chef étoilé Frédéric Doucet. Un cadre somptueux pour initier les retrouvailles entre le champion du Monde de la boucherie et son producteur.

« C’est lui qui fait tout. Moi, je ne fais rien, je ne fais que découper sa viande », s’amuse d’ailleurs Didier Massot, épris de nouveau pour ces nobles vaches. « Adrien m’a réconcilié avec la race charolaise. On a tenté de les déplacer, de les élever un peu n’importe où. Mais un coup, c’était bien, un coup, non. Je ne voulais plus entendre parler de cette race », raconte le natif du Jura. Mais alors que ce dernier compte déjà une trentaine d’éleveurs de bovins (en plus des volailles, du porc et des agneaux, ndlr) parmi ses fournisseurs, Didier Massot a fini par renouer avec le passé. « Ce ne fut pas simple », livre d’ailleurs Adrien Pautonnier, à l’heure de conter leur rencontre, construite dans les allées du SIRHA, à Eurexpo, par l’intermédiaire de son frère Marius, lui aussi boucher de métier. « La qualité dépend de ce que les vaches ont mangé. Avec Adrien, on est sur des produits atypiques, faits par un passionné. Ça se ressent. Moi, je veux faire du bon et du beau », enchaîne Didier Massot.


Le chef Vincent Auroux, de la brasserie Le Bistrot du Quai, propriété de Frédéric Doucet, devant les carcasses de porc maturées de Didier Massot
50 MOIS DE TRANQUILLITÉ POUR OBTENIR UNE VIANDE IMPECCABLE
Conclusion, la Charolaise ne peut être prophète qu’en son pays. Dans ce terroir bien à elle, où l’herbe grasse des prés voisins nourrit la renommée de ces viandes. Cela tombe bien, Adrien Pautonnier en compte 55 hectares. Une surface repartie entre Parayle-Monial et Vendenesse-lès-Charolles, sur lesquels paissent 50 bêtes. Des Charolaises pures et dures, des croisées Aubrac, pour un total de dix races. « Je promène mes vaches sans arrêt. Ici, on est à moins d’un animal par hectare, quand la moyenne est à 1,5/2 animaux par hectare. J’essaye de ne jamais les contraindre et de les laisser en plein air », présente l’éleveur, dont chaque bête a héritée d’un sobriquet. Et donc sa dose de déchirement, à l’heure d’abandonner celle-ci à son triste sort aux abattoirs de l’entreprise Gesler (à Haut Valromey dans l’Ain), après quelque 50 mois de vie paisible. « J’achète les vaches à 9-10 mois au moment du sevrage. On fait connaissance. Alors l’animal, je veux le voir partir. Je pleure », assure-t-il encore. Un crève-cœur renouvelé une douzaine de fois chaque année. Dont la moitié au profit de Didier Massot. « On laisse le temps au temps », garantit toutefois celuici, réfutant au passage l’idée d’un élevage intensif. Le goût avant toute chose, quitte à patienter. « Celle-ci est peut-être prête pour Noël. Sinon, on attendra janvier », suggère-til d’ailleurs, pointant du doigt le ruminant de son choix. Mais comment savoir ? L’expert a l’œil. La technique, surtout. « Le cuir (la peau, ndlr) vers les fesses, s’il se détache bien, c’est que la vache est prête », décrit-il. Une belle bête d’une tonne, sur laquelle Didier Massot récupéra une viande riche et tendre, dont les meilleurs morceaux seront dispatchés en boutique et dans 50 restaurants de la région. La boucherie envoie du steak. De qualité !


Dans l’assiette du chef étoilé Frédéric Doucet (Maison Doucet) : « ma pièce d’exception de bœuf cularde, élevage Adrien Pautonnier, jus de nos prairies ».
Lyon People, (BO)BOSSE

DE LA CONFECTION D’ANDOUILLETTES
À quelques semaines du rush des fêtes de fin d’année, la charcuterie lyonnaise Bobosse nous a exceptionnellement ouvert les portes de ses ateliers de fabrication, campés autour des vertes pelouses de Belleville-en-Beaujolais. Une exploitation de 1 600 m2, à l’intérieur de laquelle, une centaine de produits sont réalisés de manière artisanale. À commencer par la célèbre andouillette, distribuée chez près de 1 000 restaurateurs français, que nous avons eu la chance de façonner de nos propres mains. En voici les étapes.
Testeurs : Morgan Couturier et Eva Bourgin - Photos © Alexandre Moulard
DIRECTION LE LABORATOIRE ANDOUILLETTE
Le « geste de lasso » est plus complexe que prévu. ..


Chez Bobosse, les andouillettes sont faites au poussoir, ce qui veut dire que la fraise de veau, marinée 48h, est incorporée directement dans le boyau Muni de trois doigts, la première étape consiste à « embosser » le boyau en saisissant la fraise de veau, moins amère que certains produits tels que le porc ou le canard.

Ouf ! Première étape réussie !


Mais comment font-ils ?

La viande, originaire de l’Ain, est insérée. Il convient alors de la disséminer dans tout le boyau puis de l’aplatir pour chasser l’air.
Là, tu pinces à l’intérieur pour refermer ton andouillette


À l’instar d’une chaussette, il convient de saisir les parties extérieures pour recouvrir la partie centrale. Une fois prête, les andouillettes sont placées dans un bac de cuisson à 82°C. Puis piquées pour faire évacuer le surplus d’air.

En effet, tout produit imparfait est mis de côté.


Après 3h15 de cuisson, il est temps de les sortir de leur piscine chauffée.



Dominique, celle-ci s’est ouverte, on la garde ou pas ?

UN PEU PLUS TARD, DANS L’ATELIER SAUCISSON
Du nerf Eva ! on doit sortir deux tonnes de produits tous les jours
À peine les andouillettes tiédies, Dominique, 35 ans de service chez Bobosse, nous explique comment les trier…
Nouvelle tournée du chef, il faut accélérer ! Toutes celles qui ont un défaut, sont transformées en gratin...
Sur chaque plateau reposent près de 80 andouillettes, lesquelles sont ensuite placées en cellule de refroidissement pour faire descendre la température et pour une meilleure conservation.


Cadeau bonus : la réalisation de saucissons à cuire pistachés… Ici, « on raisonne en mêlée », soit 80 kilos de viande pour la préparation de saucissons.

Deuxième essai…
Le boyau disposé sur la machine, Clément actionne le poussoir avec son genou pour faire sortir « 480g » de farce.
Oups !



J’en ai peut-être mis un peu trop !

L’astuce : serrer le cylindre, pour permettre au saucisson de prendre sa forme idéale. Victoire ! Enfin un saucisson réussi ! Une fois ficelé, celui-ci part en étuveuse pour une première cuisson de 4h à 30°C. Pour le reste, c’est dans l’assiette que ça se passe !

Gérard Fresselet
PLONGÉE DANS LES FILETS DE LA POISSONNERIE DURAND

Fondée en 1868, la poissonnerie Joanny Durand s’avère être la plus ancienne encore en activité dans l’Hexagone. Fidèle aux Halles depuis leur création, l’enseigne s’efforce de proposer des produits de la mer plus frais que nature.
Texte : Eva Bourgin – Photos © Alexandre Moulard
Exercer un métier avec passion reste une aventure privilégiée. Des gestes répétés avec enthousiasme, avec un savoir-faire qu’on ne saurait détailler. Pourtant, la scène se passe bien là, sous nos yeux, dans les entrailles des Halles de Lyon. Qu’importe l’horaire matinal, la Maison Durand tient sa routine. Une gymnastique quotidienne, sitôt l’arrivage de ses trésors marins. Une organisation portée par la rigueur d’Antoine Gelot, fils de Florent et Nathalie Gelot, garants de cette institution centenaire depuis 2011. « Cela fait un an que je travaille. Je remplace mon père », clame le jeune homme de 17 ans, d’ordinaire placé derrière les bureaux, en qualité d’adjoint de direction. Jeune sur le papier, ce dernier n’en reste pas moins un maillon essentiel de la maison. En surface, en assurant les commandes auprès des mareyeurs, comme en profondeur, où baignent les livraisons. Une véritable chambre froide, où l’austérité de la décoration ne saurait concurrencer la chaleur de l’équipe.
AU BOUT DE LA LIGNE, UNE TRENTAINE DE MAREYEURS FRANÇAIS
À son bord, bacs à glace disposés, tables de travail prêtes à servir n’attendent que l’arrivée des camions Delanchy pour s’occuper des premières fournées, en provenance de Corbas. Des trouvailles, quantifiées entre 500 kilos et « deux-trois tonnes » de poissons, dont la fraîcheur donne l’impression qu’ils sortent tout juste des fonds marins. « Chaque matin, j’appelle une trentaine de mareyeurs pour savoir ce qu’ils ont reçu. Ils savent ce qu’on aime et c’est ce qui fait notre qualité », révèle Antoine Gelot. Dorades rose, bars ou encore langoustes bretonnes, certains « sont tellement frais qu’ils sont encore tous raides ». « Ils sont livrés bruts et c’est ce qui nous plaît. Quand un poisson est frais, il ne sent pas. Il faut que ça respire la marée », confirme Gérard Fresselet, salarié de la Maison Durand depuis 30 ans. Couteau aiguisé à la main, le poissonnier se charge alors des découpes, non sans un savoir-faire particulier. « Ici, j’ouvre le dos, et j’enlève toutes les arêtes du bar, c’est ce que l’on appelle la technique du
À 17 ans, Antoine Gelot incarne l’esprit avenant de la poissonnerie
portefeuille. C’est tout un art le poisson », s’amuse cet Ardéchois de 60 ans, rompu à ces gestes artistiques. Là n’est pas l’essentiel, tant les produits de qualité nourrissent le lieu. Sublimés, ceux-ci ne demandent alors qu’à remonter au rez-de-chaussée. À s’afficher aux yeux du grand public, sur les bancs givrés de l’étalage. Un portant minutieusement préparé. « C’est important de jouer avec les couleurs. Les poissons ne sont jamais disposés de la même façon sur le banc, on joue en fonction des arrivages », assure le maître en la matière, Mathieu Juif. Yeux ronds saisissants, homards et langoustes disposés en bassin, le rêve bleu happe les clients, particuliers et autres restaurateurs. « On livre La Pyramide de Vienne, Bernachon, la Table de Guy ou encore la rue Mercière », précise Antoine Gelot. Une signature reconnue par tous, jusque chez leurs concurrents. « On ne vend plus de crustacés mais nous sommes fournisseurs. On vend, par exemple, les crevettes de Madagascar à la Maison Rousseau. C’est un deal qui remonte à l’époque de mon grand-père », assure-t-il. Car il faut bien l’avouer, même ici aux Halles, les bons comptes font les bons amis... Ce n’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme. Ouverte aux quatre vents, jamais les océans et clients n’oublieront ce nom : Durand !

M.CHAPOUTIER

LE VIN, LE FRUIT D’UNE PASSION
Reconnue dans le monde entier pour la qualité de ses vins, la maison Chapoutier brille depuis sa création en 1808, par le respect de ses terres. Pour l’enseigne rhodanienne, un « millésime ne se corrige pas », il est l’expression de la qualité d’un terroir, d’un climat et surtout, d’un vrai savoir-faire.
Texte : Morgan Couturier – Photos © DR
Leur nom, ils le signent à la pointe de leurs bouchons, d’un M qui pourrait dire... le meilleur. Qu’importe l’humilité de la maison, consacrée depuis sa création en 1808, Mathieu, Marius, Marc, Mathilde et Maxime entretiennent la tradition. Celle d’un patronyme, Chapoutier, dont les lettres de noblesse en font la « marque de vin française la plus admirée au monde ». Reste qu’un tel pouvoir implique de grandes responsabilités. Une certaine continuité dans la qualité aussi, malgré l’inexorable nécessité d’équilibrer les saveurs de la tradition et de la modernité. Le vin est ainsi fait : rien n’est figé. À l’instar de Michel Chapoutier, figure de l’enseigne éponyme, dont la singularité s’illustre jusque dans ses bouteilles. « C’est un vivant », dit-on, comme un écho aux terres qu’il choie chaque jour. 1242 hectares en propriétés terriennes, que le producteur a trouvé bon de disséminer un peu partout sur la planète. En Vallée du Rhône évidemment, berceau de la maison, mais aussi en Roussillon, au Portugal, en Australie, pour une exposition totale dans plus de 110 pays. 10 DOMAINES
ET 1242 HECTARES
DE PROPRIÉTÉS
TERRIENNES
« Sa quête est celle de la découverte, de la révélation de terroirs à potentiel. L’expression des sols, celle qui donnera sa signature gustative à chaque vin », décrit-on encore. Un portrait élogieux, digne des saveurs recherchées par le vigneron. Non sans quelques impératifs, à commencer cette notion implacable de respect du terroir. Une équation complexe, où la qualité du sol, du climat et du travail de l’homme, convergent vers les crus que l’on connaît. Le tout, sans chaptalisation (ajout de sucre pour augmenter le degré d’alcool, ndlr), ajout de levure et autres acidifiants. « Le millésime est une vérité et non un bluff. Corriger le millésime, c’est un peu mentir. Ou alors, faisons carrément un vin sans millésime, c’est plus honnête », confie Michel Chapoutier, adepte depuis 1991, de ce que les érudits appellent la biodynamie. En d’autres termes : un mode de culture exigeant, où « laisser parler le sol », est la règle, de manière à « proposer la meilleure photo du terroir ». Avec à la clé, des bouteilles d’exception. Des vins à la « longueur en bouche plus importante que la bouche, elle-même plus importante que le nez », décrit Michel Chapoutier. Un nectar complexe et fin à la fois, apprécié pour sa « minéralité, ses saveurs et sa texture ». Preuve qu’une telle renommée ne se construit pas en un jour. La maison M. CHAPOUTIER récolte aujourd’hui le fruit de son travail. De ses efforts. Pour ces raisons, il serait de bon ton d’ouvrir une bonne bouteille. À la santé de Chapoutier !

