limp bizkit
L’interview exclusive au Sonisphere
IAM
Le retour des samouraïs du hip hop
sebastien tellier Tête-à-tête avec le gourou bleu
le magazine des musiques actuelles en lorraine et au luxembourg
facebook.com/MagazineKarma
# 5
Automne 2013 GRATUIT
www.magazine-karma.fr
Directeur de la rédaction et de la publication : Ugo Schimizzi Directeur artistique : Guillaume Hann Maquette et mise en page : Guillaume Hann Rédacteurs : Manuella Binet Margaux Gatti Guillaume Hann Nicolas Hann Matthieu Henkinet Ugo Schimizzi Illustrateurs : Laure Fatus Pierre Schuster Photographe : Juliette Delvienne Margaux Gatti Matthieu Henkinet Pierre Hennequin Frédéric Macieri Ugo Schimizzi Chargées de Communication : Sophie Grivel Adeline Pusceddu Correcteurs : Lauriane Bieber Juliette Delvienne Nicolas Hann Marine Pellarin Enrica Picuezzu Adeline Pusceddu Ioanna Schimizzi
édito # 5 Toute l’histoire commence en Allemagne, il y a trois ans, dans la nuit bruyante d’un festival, où survient l’envie de monter un magazine. Aujourd’hui, plus de quarante bénévoles sont engagés dans l’aventure du trimestriel gratuit consacré à la musique. Quoi de plus normal alors de souffler notre première bougie avec un numéro spécial festival ? Interviews inédites, live reports d’événements prestigieux, le magazine des musiques actuelles en Lorraine et au Luxembourg a réussi à trouver sa place dans la presse régionale. Mais nous n’oublions pas le public qui a porté notre média durant tout ce temps, comme il pousse artistes, musiciens et institutions à aller de l’avant. Ensemble, voilà un an que nous faisons et voyons évoluer l’univers passionnant de la musique, des artistes et
Édité par : Association Son’Art Lorraine 40 Avenue de Nancy 57 000 METZ Le numéro 5 du Magazine Karma est tiré à 2 500 exemplaires sur papier Satimat Green, contenant 60% de fibres recyclées. La diffusion du magazine est assurée par l’équipe et par Julien Siffert, diffuseur : julien.siffert@gmail.com 07 87 77 79 47 IMPRIMÉ PAR L’HUILLIER, IMPRIMERIE VERTE 57 190 FLORANGE ISSN : 2259-356X Dépôt légal : à parution
< Flashez ce QR code pour retrouver la liste de nos points de diffusion ou rendez vous sur magazine-karma.fr Le Magazine Karma bénéficie du soutien du programme Envie d’Agir, de la DDCS Moselle et de la Ville de Metz.
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des thématiques qui leurs sont liées. Alors, une nouvelle fois, merci pour vos lectures, vos idées, votre présence à nos soirées, sur le site et les réseaux sociaux. En guise de cadeau, un édito écrit à quatre mains et deux claviers. Surtout, la première compilation Karma, un vinyle regroupant nos coups de cœurs régionaux et une nouvelle maquette, plus sobre, plus élégante, moins axée sur l’expérimentation. Bonne rentrée, puisqu’elle est synonyme de renouveau mais aussi de continuité dans notre intensité à vouloir vous parler de musique tous azimuts ! Ugo Schimizzi Rédacteur en chef Guillaume Hann Directeur artistique
sommaire 2 édito 4 Flashback
Retour sur une année de Karma !
6 Live Report : Festival Hors-Format 8 Interview : Sebastien Tellier Tête-à-tête avec le gourou bleu.
10 Dossier Sonisphere 11 Live Report : Sonisphere 14 Interview : Limp Bizkit
Rencontre avec un géant du nu metal !
16 Interview : Korn
Entretien avec Head, de retour dans le groupe.
20 Interview : Stone Sour
Josh Rand, force tranquille du groupe.
22 Interview : Children Of Bodom
Interview hallucinée avec le batteur de la formation.
24 Live Report : Solidays 26 Interview : Wax Tailor
On l’avait manqué à Nancy, mais pas aux Solidays.
28 Live Report : Rock a Field 32 Live Report : Eurockéennes 36 Live Report : Jardin du Michel 38 Interview : IAM 40 Live Report : Le Bal des Petits Hommes Verts 42 découpage
Photos : couverture, Pierre Hennequin / édito, Ugo Schimizzi
Flashback Ce numéro 5 marque le premier anniversaire du Magazine Karma. L'occasion pour la rédaction de revenir sur une première saison journalistique et musicale riche en soirées, live reports, interviews, photos et illustrations.
12 900 magazines imprimés du numéro 0 au numéro 5
soirées concerts organisées
pour la sortie des différents numéros
contributeurs bénévoles pour la plupart professionnels de la communication ou des médias plus de 1 000 spectateurs Plus de 1 000 likes sur facebook plus de 70 interviews 1 vinyle édité Depuis plus d'un an, le Magazine Karma s'attache également à développer des partenariats avec les associations et organismes régionaux, tout en assurant la promotion des groupes et artistes lorrains et luxembourgeois à travers son magazine, son site internet, son premier vinyle et ses soirées.
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“ Le dessin est-il à “ Avec Photoshop, la musique ce que le sous-bock est à la bière ? ”
je pourrais me retrouver en photo avec un alien. ”
Jochen Gerner - Karma Numéro 3
Steve Lukather / Toto - Karma Numéro 4
“ J'aime les
“ On a encore
Ian Anderson / Jethro Tull - Karma Numéro 1
Mario / Triggerfinger - Karma Numéro 2
seins et les jolies filles, surtout ma femme ! ”
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plus de punch que des psychopathes ! ”
points de diffusion
en Lorraine et au Luxembourg Un grand merci à tous ceux qui nous permettent d'avancer, ainsi qu'à tous nos lecteurs ! Infographie : Guillaume Hann / Pierre Schuster
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live report
Date : du 21 au 30 juin 2013 / Lieu : Metz / Nombre de spectateurs : environ 30 000 / Météo : B /0
essai transformé !
par Matthieu Henkinet
Au mois de juin avait lieu à Metz la nouvelle édition du Festival Musiques Hors Format, deuxième du nom, organisée par Metz en Scènes et la Ville de Metz. Le but ? Promouvoir la musique partout dans la ville. Un objectif ambitieux que l'organisation marathon a su atteindre. Trente concerts gratuits en dix jours, pendant lesquels tous les lieux musicaux ou non du secteur ont été sollicités. On se souviendra notamment de la soirée de reprises qui a fait office de coup d’envoi aux Trinitaires, le soir de la fête de la musique. Du piano aux sons virevoltants de Cascadeur au sein de l’église Saint Maximin. Du tournoi de foot en musique non loin du chantier de la BAM. La série de showcases au café 7(7) en a ravi plus d’un, des chaussettes dépareillées sur les pédales d’effets de Dustin Wong aux doigts de fée de Sun Glitters sur les pads. De leur côté, The Yokel ont su enivrer de leur folk la terrasse du Café Rubis pour la sortie de notre numéro 4, alors que, quelques centaines de mètres plus loin, résonnait la world orientale de Cheikh Yerbouti,
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terrasse Rabelais. Les Français de Bengale ont rugi de plaisir en compagnie des déjantés de Meridian Brothers face à une chapelle des Trinitaires pleine à craquer, alors que Chapelier Fou les suivait de près pour clore la saison de la salle avec un DJ set casse-tête. Le disquaire La Face Cachée a pour sa part accueilli un showcase d’un groupe aussi en vogue que son nom est porteur d’une promesse de voyage : Portland. Pourtant, toute cette belle programmation n'était qu’un avant-goût, annonçant l’arrivée d’événements de plus grande envergure. Le dernier week-end du festival, du 28 au 30 juin, faisait office de
grand rendez-vous populaire, apprécié des habitants. Sur la place de la République à Metz, une imposante scène et un village associatif attendaient patiemment d’être pris d’assaut. Un assaut qui ne tarda guère, puisque près de 15 000 personnes ont été séduites par le chant des sirènes d’Orelsan, dès le vendredi. Les prestations de Portland et Skeud en Vrac en ouverture n’ont pas été étrangères au phénomène et ont offert une digne ouverture à la soirée. Le lendemain, c’est Cold Gravity et Capture qui ont pris les oreilles du public en otage en ouvrant la voie pour Sebastien Tellier, auréolé de lumière bleue.
Le provocateur a livré un show aussi relevé que ses inspirations célestes. Malgré ces belles envolées et l’enthousiasme populaire non négligeable, le dernier jour de festivités arriva sans que personne n’ait pu s’en rendre compte, si ce n'est Driss Malek et son Genius Band, impatients de dévoiler leurs fraîches compositions. C’est ensuite le doyen Manu Dibango qui a eu l’honneur de cloturer ce festival, armé de son saxophone et entouré de son fidèle Soul Makossa Gang. Véritable portail vers les diverses festivités de l’été, cette seconde édition de Hors Format aura su transformer l’essai de 2012 en satisfaisant des publics variés à l’aide d’une programmation éclectique. Le beau temps quasi-constant, associé à de solides têtes d’affiche a renforcé cette impression. Le festival, s’adossant à des artistes reconnus de la scène française et internationale, tout en ménageant une place de choix à de nombreuses formations émergeantes, a su s’offrir une belle crédibilité et garder une totale gratuité. Autant d’atouts qui permettent de patienter jusqu’à la prochaine ouverture de la BAM, future salle de musiques actuelles messine. > De haut en bas : Orelsan / Portland / Manu Dibango
Photos : Mathieu Henkinet
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interview
sebastien tellier Gourou philosophe
propos recueillis par Matthieu Henkinet
Après un concert mémorable sur la Place de la République de Metz, Sebastien Tellier nous a laissé entrer dans sa loge pour nous permettre de lui poser quelques questions. Il n'a pas hésité à écorner son image de chef spirituel pour répondre avec sa désormais célèbre verve, teintée de philosophie. bleue, puisque ça sera toujours une sorte de club, un faux, ésotérique. Mais je ne pourrai plus m’en occuper, je déteste l’administratif et l’administration, donc je me tiens loin de tout ça, même pour le parc d’attractions, le permis de construire. C’est tout sauf moi finalement, j’espérais pouvoir devenir un chef de secte mais c'est trop compliqué.
> Pour commencer, une question importante : après plus d’un an d’existence, comment se porte l’alliance bleue ? Très mal, elle n’existe plus. Au début c'était très amusant, il y avait peut-être 500 ou 1 000 fidèles et on se donnait rendez-vous dans Paris. On a fait des événements dans les galeries d’art, ça se passait bien parce que c’était bon enfant. Après, quand on a commencé à avoir 100 000 personnes,
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tout est devenu très technique, notamment concernant le site internet, pour gérer les abonnés. Ensuite, le côté financier n’a pas aidé. Je souhaitais que les gens me donnent de l’argent. J’ai été considéré par le gouvernement français comme une secte probable. Je n’ai donc pas pu faire l’appel au don que je voulais, ni construire le parc d’attractions pour adultes que j’imaginais. Ce n’est pas vraiment la fin de l’alliance
> Vous n’avez pas réussi à passer outre ces soucis « techniques » ? Moi je suis un musicien, le but de ma vie c’est de ne jamais être forcé à faire quelque chose. C’est ça, d’une certaine façon, le bonheur. Après bon, il y a aussi l’amour, mais professionnellement, c’est de ne jamais être forcé. Dès que je suis forcé à quelque chose, c’est fini. Et là, j’étais obligé de faire de l’administratif. à partir de ce moment, j’ai décidé d’arrêter. > Ce soir, justement, c’était la dernière date de la tournée « bleue ». Au-delà du déclin de l’alliance, qu’est-ce que vous retiendrez de cette tournée ? J’ai bien aimé cette tournée dans le sens où j’ai fait des salles qui m’enchantaient.
Ça fait longtemps que je fais de la musique. J'ai commencé dans de toutes petites salles. Enfin non. J’ai débuté par les premières parties de Air, quand ils étaient au sommet. Des grosses salles, donc. Mais pour mes dates seul, c’était bien de toutes petites salles. Sur cette tournée, je suis content d’avoir joué devant beaucoup de gens, ça me réconforte. En studio, on ne voit personne. Comme n’importe quel artiste, j'ai besoin d’amour et le nombre de visages face à moi, c’est ma seule jauge pour voir l’amour qui m'est porté.
de valeurs inversées, qui sont courantes dans le fond que j’essaie de mettre en lumière. Malgré le fait que je passe pour une sorte de barjot drogué, dans ma tête je suis un grand philosophe qui sait démontrer, malgré ses dires et sa musique que, justement, le superficiel est le fondement du profond, ce que les gens ne peuvent pas accepter.
enfant. Les enfants, il faut leur faire écouter de la musique très douce. Donc j’ai acheté toute la panoplie, Duran Duran joué pour bébé, les Beatles joués pour bébé, les Stones joués pour bébé. En écoutant, quand le mec joue les chansons au xylophone, j’ai découvert des morceaux dans leur version la plus simple finalement. La compo pure. Je me suis rendu compte que chez les Stones, la compo était mieux. Seulement, il y a eu un seul problème à mon sens, bien que leurs compositions soient fantastiques. Ils arrangent tout de manière rock, alors qu’en écoutant leurs mélodies brutes, on se dit qu’elles pourraient devenir totalement autre chose et peut-être plus fabuleuses encore. Je trouve que Keith Richards est meilleur que les Beatles, mais les Beatles, eux, ont été expérimentaux. Les Stones se sont bornés au rock pur, ce qui est quand même dommage. Mais dans le fond du fond, les Stones sont mieux en fait. La matière première de la musique, c’est la compo. Et sur ce terrain, les Stones sont meilleurs.
“ J’espérais pouvoir devenir un chef de secte mais c'est trop compliqué ”
> Justement, est-ce que l’on peut envisager un retour sur scène prochainement, un nouveau concept ? Je vais donner un concert le 12 octobre à la Cigale, avec un orchestre philharmonique pour un side project. J’ai fait beaucoup de musiques de films ces derniers temps, mais ça n’a pas toujours fonctionné. Les réalisateurs français sont frileux. Les américains ont compris que la musique est un personnage à part entière. J’ai eu des flashs de chefs-d’œuvre pour ces films, ils n’ont pas voulu de ma musique alors j’en ai fait un disque qui sort mi-octobre.
> Dans votre musique, on a beaucoup entendu parler des thèmes que sont la famille, la politique, le sexe, la religion, ce qui chapeaute un peu tout ce qu’on est. Selon vous, qu’est-ce qui régit le plus nos vies ? Tout simplement, le seul sens que j'ai trouvé de la vie, c’est la vie. La reproduction, donc la sexualité, la séduction, le paraître. Tous ces trucs superficiels au service d’un vrai fond. Rien n’est plus important que la vie, c'est ça le résumé de mon parcours. C’est que le faux peut être au service du vrai. Le faux n’est pas forcément moins bien. Ce sont toutes ces sortes
Photos : Mathieu Henkinet
> Vous évoquez cette image de barjot drogué. On disait de Jim Morrison qu’il était le dernier des chamans. Pensez-vous que vous auriez pu le côtoyer, travailler avec lui ? Je ne sais pas. Il avait une personnalité tellement forte qu’il m'aurait écrasé. à côté de lui, j’aurais été rampant, il m’aurait impressionné. Ça ne l’aurait pas fait du tout. J’aurais pu être danseur dans le fond d’un clip à la rigueur. Morrison, c’est lui qui a rendu pop tout ce délire que j’essaie de remuer en ce moment. Une sorte de faux chamanisme, comme si la musique était reliée au ciel, ce qui est vrai d’ailleurs. Mais je ne peux pas toucher ce gars, qui est 100 fois plus fort que moi. Il est mythique, je chantonne à côté de lui. > Pour finir, notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? C’est très intéressant, je me pose cette question depuis 25 ans. Je suis passionné par cette question. Et j’ai eu la réponse il y a peu de temps. Il y a deux mois et demi, j’ai eu un
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dossier / live report
Dossier retrouvez en ligne d'autres interviews du sonisphere !
Le Sonisphere France posait pour la troisième fois ses valises en Lorraine. L’occasion d’assister à la réunion de milliers de metalleux, de profiter de groupes venus du monde entier et surtout la chance pour le Magazine Karma de réaliser un marathon de huit interviews en deux jours. Malheureusement, Iron Maiden ne fait pas partie de ce tir groupé, mais nous avons malgré tout pu rencontrer des musiciens passionnants au succès planétaire. à retrouver dans ces pages ou sur notre site internet ! Date : 8 et 9 juin 2013 Lieu : Amnéville (Moselle) Nombre de spectateurs : 55 000 Météo : B/0
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live report la vraie seconde édition
par Nicolas Hann
Et si, pour une fois, on sautait une année ? Et si les bonnes choses ne figuraient au calendrier qu'une année sur deux plutôt que chaque année ? Et si 2013 égalait 2011 ? Alors certes, l’édition 2012 du Sonisphere France était réussie, plus intimiste, « entre copains » dirons-nous. Surtout, l’événement a permis au Sonisphere de garder la tête hors de l’eau, pour offrir aux spectateurs une édition 2013 d’un niveau aussi élevé que le cru de l’inauguration. Si l’affluence de cette année est en baisse par rapport à 2011 (55 000 contre 70 000 il y a deux ans), le site du Galaxie d’Amnéville version plein air était de retour et offrait une organisation presque identique à ce que purent connaître les festivaliers présents lors du premier round, moyennant quelques petites améliorations bienvenues. Même la chaleur fut de la partie, le soleil du samedi nous permettant d’observer différentes nuances de rouge parmi la garde-robe très noire de nos amis metalleux. Musicalement, le programme se voulait riche, sans être encombré. L’alternance des deux scènes face à face permettait de ne rater aucune des 24 formations présentes et de ne pas attendre plus de 5 minutes entre les prestations. Au moins, pas la peine de faire un choix parmi les groupes, vous pouviez tout voir et ça fait plaisir ! Bien que les semaines se soient écoulées depuis le festival, de nombreuses images sont restées figées dans nos têtes.
Du samedi, on se souvient d’abord de la température, qui nous faisait rapidement nous rappeler que la bière était à un prix abordable ( 13€ pour 1,5 L ). On se souvient ensuite des Polonais de Behemoth et de leur black metal violent à souhait qui, même si ce n’est guère ma tasse de thé (ou ma pinte de bière), nous rappelle que la France reste mal-
Limp Bizkit concluant le spectacle de bien belle manière, de la barbe de Fred Durst, d’un Rollin’ qui nous aura tous fait sauter et fait office de mis en bouche avant la journée que beaucoup attendaient avec une impatience non dissimulée : le dimanche 9 juin et sa tête d’affiche, Iron Maiden. Et de ce dimanche, donc, on se souvient avant tout d’une petite claque en arrivant – tôt le matin, vers 14h30 – sans même un verre à la main et les yeux pas vraiment ouverts : Hacktivist, du hip hop / metal qui envoie du très lourd, avec des musicos motivés qui réveillent du festivalier, pour lequel on peut jurer que la nuit ne fut pas vraiment bien longue. Des flashs nous reviennent : de vagues souvenirs des goules de Ghost qui ont bien compris que l’image est au moins aussi importante que la musique. Une tentative de chant réussie et une motivation extrême de Corey Taylor, malgré une belle extinction de voix. Un Megadeth et un Children Of Bodom très propres malgré le « je-m’en-foutisme » apparent. Une image, ou plutôt un son, nous reste du passage de Dragonforce en Lorraine : le « aaahhhaaaaahhhaaaaaaaaaaaaaaahhh » d’entrée sur Fury Of The Storm qui aura
“ Iron Maiden restera LE souvenir du week-end ” gré tout un monde libre, une terre d’expression et que même les amoureux du black metal ont le droit d’être représentés sur un festival metal « ouvert à tous ». Si on sait que - comme d’habitude - Motörhead a fait le job, In Flames et Sabaton ont mis le feu, on se remémore nettement moins bien Korn, qui nous a fait l’effet d’un vin quelque peu bouchonné, avec un arrièregoût de « c’est-plus-comme-avant » pour certains. On se rappellera, par contre, de
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dossier / live report
eu le mérite de nous faire rire. C’est par contre une pensée assez vague qui s’impose à nous lorsqu’on essaye de retracer les concerts de Mastodon et d’Epica, moins marquants que leurs compagnons de scène ce jour-là. Bien évidemment, chacun aura encore en mémoire le bouquet final : le passage des Anglais de Iron Maiden restera certainement LE souvenir du week-end. Les papes du heavy metal connaissent la chanson, leur show rodé au millimètre étant capable de faire mouche à chaque fois, au fil des ans et des concerts gargantuesques. On a encore en tête les nombreuses apparitions de la mascotte Eddie, grimée selon les chansons. On revoit avec plaisir les bretteurs habiles et les appels au chant de Bruce Dickinson, s’essayant au français dans une métaphore entre « les six rosbifs et les vingt mille grenouilles ». On a retenu enfin qu’Airbourne était chargé de nous finir, comme ils savent le faire, à grand coups de rock’n’roll. Concert quasi-identique à celui de 2011, mais procurant la même satisfaction. Très peu de fausses notes pour cette troisième édition du Sonisphere France, qui nous pousse à faire le bilan de ce premier trio de week-ends forts en musiques extrêmes. En 3 ans, le festival aura fait venir les plus grands groupes de metal en Lorraine, acclamés par plus de 100 000 chevelus. Toujours dans la bonne humeur et la fraternité, grâce à ses belles affiches successives, le festival est déjà devenu un rendez-vous de l’été à ne pas manquer en Moselle. Cependant, des rumeurs parlent d’un possible déménagement pour le quatrième round. La récente annonce du redressement judiciaire du Galaxie d’Amnéville semble attiser les inquiétudes. Concernant les prochains nominés, on se souvient de bruits de couloirs fous, Pantera et AC/DC en tête. Gageons que les prochains mois apporteront rapidement leur lot de réponses. > à gauche : Iron Maiden à droite, de haut en bas : Bring Me The Horizon / Motörhead
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Photos : Ugo Schimizzi
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dossier / interview
limp bizkit my G-G-G Generation !
propos recueillis par Guillaume Hann & Ugo Schimizzi
Membre incontournable de la mouvance nu metal venue des états-Unis au milieu des années 1990, Limp Bizkit était en tête d’affiche du Sonisphere Festival France 2013. Rencontre avec son chanteur et fondateur, Fred Durst, accompagné du guitariste Wes Borland. Attention, interview légèrement barrée ! Nous rejoignons Fred Durst dans sa loge. Wes Borland, qui ne souhaitait pas intervenir, prendra finalement part à la discussion. > Ça ne vous agace pas, à force, que tout le monde vous demande ce week-end si c’est bien de jouer au Sonisphere ? Fred Durst : Non, en fait, ce n’est pas ça que tout le monde demande. Tout le monde nous demande « à quoi peut-on s’attendre ce soir ? » (l’interview a lieu avant le concert ndlr). Généralement, on leur répond qu’il y aura des instruments électriques, probablement des guitares, une basse, peutêtre même une batterie. Je pense qu’on va se pointer et brancher les instruments. Qui sait, même, jouer ! > C’est incroyable (rires) ! Votre nouvel album, Stampede of the Disco Elephants, est-il toujours prévu pour septembre ? Fred Durst : Initialement, c’est ce qu’on comptait faire. Mais, ce qui risque de se passer, c’est qu’on va probablement sortir un single à cette période-là. Si le label est prêt pour la sortie, ça nous convient. Si ce n’est pas le cas, on dévoilera les chansons au
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fur et à mesure jusqu’à la sortie complète de l’album en début d’année prochaine. Dans tous les cas, nous sommes prêts, le reste dépend de notre label. > Au niveau de la composition, le départ du groupe de Dj Lethal a-t-il changé quelque chose ? Fred Durst : Non, rien n’a changé, puisque la composition s’est toujours faite à quatre, sans lui. En vérité, même à trois, puisque personnellement, je n’intervenais que plus tard. De toute façon, les parties de claviers sont intégrées aux morceaux une fois le processus de composition terminé. Dans le cadre de cet album, Scott, le frère de Wes (Borland, guitariste du groupe ndlr) s’est chargé de ces parties. C’est un peu notre cerise sur le gâteau. > Vous étiez un géant du nu metal dans les années 1990-2000. Vous sentez-vous toujours aussi influent 10 ans après ? Fred Durst : Ce serait fou de le penser. évidemment, les tendances et les goûts évoluent. Ce genre de choses est cyclique et on ne peut forcément pas conserver la même
aura qu’à l’époque. Les temps changent et les modes reviennent parfois, mais je pense qu’il y a la nostalgie d’une époque dans le style de Limp Bizkit. Wes Borland (coupant la musique qu’il écoutait sur son téléphone) : Il faut ajouter que rien n’a remplacé le nu metal. Depuis, nous avons eu droit à une sorte de mouvance « post hardcore émo » au début des années 2000. Maintenant, on nous sert une soupe folk-rock ennuyeuse, comme tous ces groupes tels que Mumford & Sons. En ce qui concerne le metal, il n’a pas évolué du tout. Personne n’a pu prendre la place qu’occupait Limp Bizkit ! Fred Durst : Oui, clairement, Limp Bizkit est le seul groupe à sonner de cette manière ! > Quand vous composez, vous ne vous attachez donc pas aux tendances et aux modes ? Fred Durst : Non, on reste fidèle à ce que l’on fait. On serait probablement bien plus populaire aujourd’hui si on s’adaptait aux tendances ! Beaucoup de gens suivent les modes musicales. On aurait pu facilement orienter nos chansons pour séduire un
> J’ai l’impression qu’il y a une sorte de private joke entre vous deux ! Fred Durst : Non, pas de private joke, mais c’est vrai qu’on a un sens de l’humour un peu particulier. J’ai du mal à imaginer comment l’interview sera retranscrite. Je ne connais pas le français, mais je sais chanter votre hymne ( il s’exécute alors et débute La Marseillaise, qu’il reprendra plus tard sur scène, ndlr) !
plus large public. Au départ, quand on a commencé à composer, on ne se doutait forcément pas de l’impact qu’aurait notre travail sur d’éventuels fans. > Bien sûr, mais vous êtes tout de même la tête d’affiche d’un grand festival metal cette année ! Wes Borland : C’est vrai. On est conscient de notre chance ! Fred Durst : Je pense que l’énergie que nous mettons dans nos prestations live convainc les spectateurs de nous suivre. Aujourd’hui, notre public doit être composé à 50% de fans des débuts, l’autre moitié regroupant des auditeurs récents. Sauf lors des festivals, où le public est bien plus diversifié. Il y aura probablement des gens qui viendront nous découvrir ce soir. à l’inverse, des metalleux se demanderont certainement ce que fait un groupe de hip hop sur la grande scène !
Photo : Ugo Schimizzi
> à quand la suite de la trilogie commencée par The Unquestionable Truth (Part 1), sortie en 2005 ? Fred Durst : Ce sera lors d’un jour très précis ! Ce jour est une part de réponse au premier problème, puisque tout est écrit très précisément. La définition du mot « évangile » est The Unquestionable Truth (la vérité incontestable ndlr ). > Vous savez donc exactement où vous voulez aller avec cette partie 2 ? Wes Borland : Si tu regardes en détail les paroles des chansons de Johnny Cash, tout te semblera clair !
> J’ai une question spécifiquement pour Wes. Vous avez eu l’occasion de jouer avec X Japan. Comment est-ce arrivé ? Wes Borland : En fait, je connaissais Yoshiki. Il était venu me voir lors d’un concert. Il m’a ensuite demandé de venir avec lui au Japon. à ce moment, j’avais entendu parler de X Japan, mais je n’avais jamais écouté leur musique. C’est très différent de mon registre. J’avais bien sûr entendu parler d’Hide, puisque sa mort avait été très médiatisée. Au moment où Yoshiki m’avait fait cette proposition, je ne l’avais pas pris au sérieux. Mais ça a fini par se faire et j’avoue que c’était une expérience plutôt bizarre (Dans l ’ inter valle, Fred Durst a sor ti son smartphone et s’en sert pour caresser langoureusement notre enregistreur avec un sourire appuyé... ). > Enfin, plutôt Beatles ou Rolling Stones ? Fred Durst et Wes Borland, d’une même voix : Beatles ! Fred Durst : Ils ont apporté beaucoup plus à la musique sur une période très courte. Je pense que l’influence des Stones est moins importante.
> Genre Ring of Fire, ce genre de choses ? Wes Borland : Non, plus ancien ! Mais on ne peut pas en dire plus pour le moment. Fred Durst : Il y a un message dans la folie et la partie deux de l’album sera la réponse.
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Dossier / interview
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KORN Back to the Classics
propos recueillis par Guillaume Hann & Ugo Schimizzi
Autre géant du nu metal à l'américaine, Korn travaille actuellement sur son nouvel album, réintégrant dans ses rangs leur fameux guitariste, Head, parti un temps en quête de spiritualité. Rencontre avec l'intéressé, visiblement ravi de son retour. > Head de retour dans Korn, c’est quand même un événement ! Oui, merci, ce genre de réaction me fait réellement plaisir ! C’est vrai qu’au moment de la séparation (en 2005 ndlr) ça a été un coup dur pour l’ensemble des fans de Korn. Mais, à l’époque, la « famille Korn » était dysfonctionnelle. J’avais besoin de prendre du recul. Aujourd’hui, il n’y a pas de rancœur, rien de négatif, on est tous à nouveau très bien ensemble. > Vous cherchiez un mode de vie plus sain ? Oui, je n’étais plus en phase avec cette vie. Évidemment, je suis super heureux d’être une rockstar, mais j’avais aussi d’autres choses en tête. J’ai pris soin de moi, j’ai essayé d’avoir un mode de vie plus sain. Je voulais notamment faire attention à ma fille, pouvoir l’élever. Aujourd’hui, elle a presque quinze ans, elle est autonome, ça me permet de pouvoir reprendre la route. > Et concernant toutes ces questions qui vous préoccupaient, avez-vous pu trouver leurs réponses durant cette pause ? Vous avez l’air en tout cas… Tout à fait ! J’ai trouvé la foi et la spiritualité. Désormais, je me sens vraiment bien. Je ne crois pas m’être senti aussi bien de toute ma
Photo : Ugo Schimizzi
vie. Je fais des choses normales, comme accompagner ma fille à l’école. Même si ça a parfois provoqué des réactions un peu étranges. Je me souviens qu’un parent d’élève s’était plaint auprès de la proviseur
“ J’ai trouvé
la foi et la spiritualité ” d’un « type bizarre avec des dreadlocks et des tatouages qui avait l’air méchant ». Elle a dû leur expliquer que j’étais aussi parent d’élève et que j’étais quelqu’un d ’adorable malgré mon look (rires). > Les informations sur internet sont contradictoires quant à votre retour. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ? Il y a quelques mois, quand j’ai rejoint le groupe pour la première fois, on a simplement fait des essais en studio. On voulait voir comment ça allait se passer. Puisqu’on n’était pas vraiment sûr de la tournure des événements, on a préféré ne pas communiquer dessus. Comme tout se
passait très bien, on a décidé que j’allais être impliqué dans le processus de création du nouvel album. Mais même à ce moment-là, on souhaitait ne rien dire et en faire une vraie surprise pour les fans du groupe. > Est-ce qu’à un moment, vous avez arrêté de jouer de la musique ? Oui, pendant presque trois ans, je n’ai pratiquement pas joué. Il m’arrivait de prendre la guitare quelques temps et de ne plus la toucher ensuite pendant plusieurs mois. Il y a deux ans, j’ai fondé mon autre groupe – Love & Death – mais malgré ça, je dois avouer que Korn me manquait. On a tellement d’histoires et de souvenirs en commun, ça reste quelque chose de très particulier pour moi. Korn représente vraiment une famille. Aujourd’hui, je peux concilier les deux groupes. Mais retourner avec Korn, ça reste unique. Quand on s’est remis à jouer ensemble les premiers jours, ça m’a fait un choc, c’était incroyable ! > Comment arrivez-vous à concilier deux groupes et votre vie de famille ? C’est sûr, ce n’est pas évident. Hier, j’ai donné deux concerts dans la même journée au Rock Am Ring avec les deux groupes. Demain je refais la même chose. Honnêtement, je suis épuisé. Après, il n’y
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dossier / interview
a pas vraiment de secret. Quand je suis crevé comme ça, je me dis qu’il faut y aller, que je suis là pour ça. Sincèrement, ce n’est pas si difficile, ça reste de la fatigue physique, mais c’est tout de même très plaisant à faire. Même quand ce n’est pas évident, je ne vais pas m’en plaindre ! > Vous avez écrit un livre (Save Me from Myself) à propos de votre départ de Korn et votre vie ces dernières années. était-ce une explication pour les fans ou un moyen pour vous de faire le point ? Le livre parle beaucoup de mon expérience dans Korn au départ. Environ deux tiers y sont consacrés. Le reste explique un peu mon ressenti à cette période. à la base, je l’ai fait uniquement pour expliquer aux fans les raisons de mon départ, mais je me suis rendu compte que ça m’a aussi aidé à faire ressortir des choses personnelles. En ce sens, ça a été libérateur. Ça m’a aidé et ça a également aidé les personnes qui nous suivent, puisque beaucoup sont venus me dire que s’ils me détestaient au moment de mon départ, le livre leur avait apporté suffisamment d’explications pour comprendre mes choix et me soutenir. > Envisagez-vous un deuxième livre, maintenant que vous êtes à nouveau dans le monde du rock ? Non, je ne crois pas… Maintenant que tu le dis, je me rends compte qu’il y a un nouveau chapitre qui commence. Il y aurait certainement des choses à raconter ! Mais si je décide de le faire, ce sera probablement quand j’aurais soixante-dix ans (rires) ! > On parle d’un retour aux sources pour votre nouvel album. Est-ce vrai ? Je pense que l’album s’inscrit vraiment dans la continuité du Korn des débuts.
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Mais avec cette touche caractéristique des productions actuelles. Cela reste malgré tout des compositions mettant en avant les guitares et surtout des émotions, que ce soit dans les couplets comme dans les refrains. Les fans devraient s’y retrouver. En ce qui me concerne, c’est vraiment mon album préféré et je ne dis pas ça uniquement pour la promotion. Même s’il ne se vendait pas, je continuerais à le penser ! > Imaginez-vous le renouveau du succès de Korn aujourd’hui, alors que la mode nu metal des années 1990 est apparemment passée ? Honnêtement, à cette période, on se disait qu’une fois cette mode dissipée, on arrêterait le groupe, contraints de se séparer. On ne pensait pas faire de la musique au-delà de nos trente-cinq ans. Finalement, le succès de Korn est devenu tel qu’on a pu continuer à jouer au-delà des modes. à mon avis, cela tient en partie à la sincérité que l’on met dans nos lives. Korn se donne vraiment à 110% et le public le ressent ! C’est aussi une question de style, on a un son qui nous est propre, tout comme Limp Bizkit avec qui on partage la scène ce soir ! Personne ne sonne comme eux ! > Beatles ou Rolling Stones ? Beatles ! Les Rolling Stones m’ennuient. J’ai un grand respect pour eux et ce qu’ils ont fait pour le rock’n’roll. Mais ça s’arrête là ! Je dois dire, c’est vrai, j’aime bien Start me up. C’est la seule chanson qui me parle. Le reste, je n’arrive pas à rentrer dedans. Les Beatles ont plus de mélodies. > Fred Durst nous a répondu quasiment la même chose ! Vraiment ? Woaw ! En tout cas, c’est une bonne question !
Photo : Ugo Schimizzi
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dossier / interview
Stone SOur force tranquille
propos recueillis par Guillaume Hann & Ugo Schimizzi
Stone Sour, groupe fondé par Corey Taylor en marge de son expérience au sein de Slipknot, continue de faire vibrer les passions dans le monde du metal. Josh Rand a évoqué en notre compagnie différents projets avant de nous parler de son approche de la guitare. > Quelle origine pour ce concept album et pourquoi l’avoir fait en deux parties ? Initialement, on enregistrait un album de reprises. Corey a eu l’idée de ce concept album après avoir écrit une nouvelle. Par la suite, on s’est tous retrouvé à Des Moines (Iowa), au QG du groupe, pour commencer à bosser sur le projet. à ce moment-là, on a fait la démo de l’ensemble de l’album avant de partir en studio. Une fois en studio, on s’est rendu compte qu’on avait trop de matériel pour un unique disque. Avec cette nouvelle comme base, le principe du concept album nous est apparu comme assez évident. Par exemple avec l’idée qu’en deux parties, on avait la possibilité de laisser l’auditeur sur un cliffhanger (type de fin ouverte visant à créer un fort suspense) à la fin de la première partie. Ce qui était aussi intéressant, c’est qu’on pouvait prévoir une tournée pour chacune des partie. > Le fait d’avoir sorti un album en deux parties est donc de votre propre fait plutôt que de votre label Roadrunner ? Sincèrement, Roadrunner avait un peu peur de l’idée du concept album à la base. Dès
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qu’on a mentionné cette idée, je pense qu’ils se sont immédiatement référés aux groupes de prog’ en général, tels que Genesis, King Crimson ou plus récemment Dream Theater. Bien sûr, nous savions que nous allions garder notre propre identité, même si on développait un concept un petit peu différent. Ce n’était pas forcément clair du point de vue des producteurs, donc il a fallu travailler pour les convaincre. > En dehors de Stone Sour, c’est le genre de choses que vous écoutez et travaillez, d’un point de vue technique ? Oui bien sûr ! D’ailleurs, cette année est la première où je commence à faire des choses qui sortent du cadre de Stone Sour. Je suis notamment en train de préparer un dvd de cours de guitare. Ce dvd sera évidemment réparti entre des exercices techniques et ma méthode d’entraînement. Il y aura également une partie bio, où je raconterai un peu mon chemin jusqu’à l’arrivée au sein du groupe. C’est le genre de choses dont je parle difficilement, étant assez réservé. J’y ai vu une bonne occasion de m’exprimer !
> Pouvez-vous nous parler du concept de comic book du même nom que l’album ? Il y a bien eu une mini-série de comic books en quatre volumes, adaptée de l’album House of Gold & Bones. Ce n’est ni plus ni moins qu’une transcription visuelle de la nouvelle écrite initialement par Corey. C’est un complément à l’album. Les deux premiers volumes représentent la partie 1, les deux suivants, la seconde. Par contre, le groupe n’a pas vraiment été impliqué dans la réalisation de ce roman graphique. C’est surtout le projet de Corey, qui est un peu un geek de ce genre de choses (rires). Il avait l’opportunité de réaliser un rêve de gosse avec ce projet ! Je lui fais totalement confiance dans le choix des illustrateurs, j’avoue ne rien connaître en la matière ! > Est-ce que vous avez personnellement un rêve similaire à réaliser, peut-être même en dehors de la musique ? Non, pour moi la musique représente absolument tout ! Bien évidemment, dans ce domaine, il y a beaucoup de choses qui me feraient rêver. Par exemple un travail avec Steve Vaï. J’adorerais expérimenter des
choses plus heavy que son jeu habituel et voir de quelle manière il l’adapterait à mes compositions. écrire avec quelqu’un comme Satriani me plairait également. > Est-ce que tu te références à beaucoup de guitar heroes ? Oui, je viens juste d’acheter le dernier Satriani, à peine sorti. Il est excellent ! En ce qui concerne Vaï, je suis de plus en plus épaté par le degré de précision qu’il a au niveau des arrangements et de toutes les choses qu’il fait en plus de son seul jeu de guitare. Je crois que je le considère plus comme un véritable compositeur que comme un guitariste. > Au vu de la configuration de votre dernier album, n’est-il pas compliqué de constituer les setlists pour les concerts ? Effectivement ! Il y a beaucoup de choses à prendre en compte. La durée du set, celle des morceaux, les attentes du public. Beaucoup ont envie d’entendre des morceaux plus anciens. Le rêve serait de pouvoir jouer les deux parties de l’album à la suite. Pour le moment, ce n’est pas possible du point de vue des producteurs. Je pense même que ce serait compliqué pour nous de jouer l’ensemble des deux albums en une soirée. Corey devrait chanter vingt-quatre chansons, ce qui est énorme. Si on devait séparer sur deux jours, ce serait techniquement très compliqué. Mais je ne désespère pas de pouvoir réaliser ce projet un jour. > Comment arrivez-vous à concilier le fait d’avoir deux membres de Slipknot dans le groupe compte tenu de vos emplois du temps respectifs ? Ce n’est pas si compliqué. On a l’habitude de faire en fonction de cette donnée. Je considère cela comme une chance plutôt qu’une contrainte. C’est même une source d’inspiration pour les deux groupes. > Beatles ou Rolling Stones ? Les Beatles sans hésitation ! J’ai un immense respect pour les Stones, mais ce n’est pas comparable. Le songwriting est largement plus inspiré chez les Beatles. Si l’on se réfère à la durée de leur carrière, c’est incroyable ce qu’ils ont réussi à accomplir en si peu de temps. Prends Sergent Pepper... par exemple – qui est d’ailleurs un concept album – c’est un véritable chef-d’œuvre de la musique rock. Même si on n’aime pas les Beatles, on ne peut pas nier que c’est grâce à eux que tout a commencé. Ils ne voyaient pas les choses d’un point de vue marketing mais ils ont mis en place les bases de toute l’industrie de la musique rock actuelle !
Photo : Ugo Schimizzi
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dossier / interview
children of bodom alea jaska est...
propos recueillis par Guillaume Hann et retranscrits par Ugo Schimizzi
Children of Bodom s’est illustré à ses débuts par ses mélodies travaillées et ses « yaw yaw » gutturaux bien sentis. Pendant le Sonisphere, nous avons eu l’opportunité de rencontrer Jaska, batteur éthéré et pour le moins décalé, présent depuis les origines du groupe en 1993. Compte rendu d’une interview avec quelques années lumières entre nous et réalisée sans trucage. Nous étions installés dans uns des boxes réservés à la presse en compagnie de Mark Jansen d’Epica ( dont l’interview est disponible en ligne ), lorsque l’on nous signala l’heure de notre rendez-vous avec Children Of Bodom. Nous nous précipitons donc dans la fosse du Galaxie d’Amnéville où se tiennent les interviews de ce Sonisphere cru 2013 pour rejoindre un second box. Durant les quelques secondes qu’il nous reste avant cette nouvelle rencontre, nous imaginons déjà le leader Alexi Laiho ( ci-contre ) se présenter à nous, sans connaître l’identité du musicien. C’est finalement un homme fatigué par la vie qui entre à petits pas dans notre espace. Sweat-shirt blanc, capuche sur la tête, la démarche chancelante et le regard hagard. Il se présente sous le nom de Jaska, les cernes bien apparentes. Nous apprenons à travers quelques « yeah ! » sans conviction que le groupe était en Finlande la veille et que le voyage fût mouvementé. Certaines réponses attendant un peu plus de détails se terminent irrémédiablement par ces mêmes « yeah »
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hésitants. Nous commençons à nous inquiéter pour le concert du soir. « Je vais aller faire une sieste ! » tente de nous rassurer Jaska. On fait mine d’y croire et l’on poursuit. On apprendra tout de même sans trop de surprises que le combo a grandi après quinze ans d’existence et qu’il était donc normal que leur son change. Difficile d’en savoir plus sur l’alchimie ayant conduit à ces nouvelles galettes. Mais si l’on en croit le nouveau « yeah ! » déjà plus assuré du batteur, il semblerait que le groupe joue désormais la musique qui lui semble naturelle sur le moment. Il commente d’ailleurs la sortie du nouvel album, Halo of Blood, d’un commentaire lourd de précision : « Je crois qu’on n’a pas trop réfléchi. On a joué naturellement et ça rend l’album plus honnête. Yeah. » Heureusement, la critique est derrière eux et leur public suit avec ferveur, nous dit le musicien : « Yeah. Ils l’aiment ! ». Bien. Quelques titres ont été joués en live. Deux en Finlande, trois de prévus le soir du Sonisphere nous révèle l’intéressé.
Cependant, il nous avait également certifié la présence de leur vieille comptine Silent Night, Bodom Night durant le show. On vous l’avoue, on l’attend toujours. Dommage, Jaska nous disait qu’il aimait beaucoup cette chanson ! Au rayon des autres éléments indispensables, notons que Children Of Bodom aime la musique de films et les reprises ( plutôt rassurant après un album entièrement composé de covers ). Décidément, Jaska ne peut rien nous cacher. Il parait même que le groupe réfléchirait à reprendre Gangnam Style… Visiblement exténué, nous décidons d’achever les souffrances du pauvre batteur avec notre traditionnel Beatles ou Rolling Stones. Réponse la plus construite de l’interview : « Beatles. Les Rolling Stones n’ont fait que reproduire la même chanson, encore et encore. » Heureusement, la sieste fût salvatrice pour l’artiste, qui assura comme à son habitude un jeu carré et énergique, ne laissant en rien penser qu’il était quelque peu diminué quatre heures plus tôt.
Photo : Ugo Schimizzi
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live report
Date : 28 au 30 juin 2013 Lieu : Hippodrome de Longchamp (Paris) Nombre de spectateurs : 170 000 Météo : B/Y
Musique militante
par Ugo Schimizzi
Sur l’hippodrome de Longchamp, tout le monde a couru. D’une scène à l’autre, d’un stand à une association. D’un poste de sécurité aux accréditations. Voilà quinze ans que tout le monde court, toujours, pour le Festival Solidays et bien évidemment pour la bonne cause. Au début, ils étaient si peu à courir. à peine un mouvement, un regard. L’envie en premier lieu d’un cœur, l’envie de battre pour la vie des autres. Quinze ans. On pourrait cumuler les chiffres, multiplier les performances, additionner les résultats. à vrai dire, au sein de Solidarité Sida, on compte surtout les malades, les projets à venir. Non pas par défaitisme, simplement pour regarder là où il y a encore à faire. L’action, toujours. Durant trois jours, ce sont des mois entiers qui viennent s’entrechoquer sur la ligne de départ. Une organisation qui se veut sans faille. Autour de la musique, ce moteur de rapprochement, bien sûr, mais au service d’une cause. LA cause. Lutter contre le sida. Cette maladie, gangrène parmi les gangrènes, qui conti-
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nue de prendre corps chez trop d’entre nous. Alors, cette année encore, pendant trois journées, il s’agira d’y penser, d’y repenser. De réfléchir à ce qu’il doit être convenu de faire. Se souvenir, de ceux qui sont partis, réf léchir à ce qu’il doit être possible d’éviter, encourager ceux qui luttent. Dépasser les craintes, aller au-delà des peines, des défaites, pour avancer. Ce festival est inspiré de faits réels. Plus qu’ailleurs, le festivalier est invité à faire fonctionner le cortex et le palpitant. La musique y prend alors tout son sens. « Jouer à Solidays est toujours un moment particulier pour les artistes » confiait Luc Barruet, le président de Solidarité Sida, l’association organisatrice, lors de
la conférence de presse pré-festival. On le confirme. Sur toutes les scènes, il flotte un parfum de militantisme, une odeur de mélodies engagées, d’envies partagées. La foule est immense, allongée, pour le dying (action militante de feindre la mort) organisé le dimanche, afin d’inciter notre gouvernement à augmenter la contribution française au fond mondial de lutte contre le sida. Celle-ci restera finalement à 1,08 milliard d’euros. La lutte continue. Au total, 92 groupes ont répondu à l’appel, branché les amplis, saisi les instruments et aiguisé leurs paroles. Simplement festifs à l’image de David Guetta ou profondément marqués dans leur engagement comme HK & les
Saltimbanks, ils auront en tout convaincu 170 472 personnes de se déplacer. Un beau score. Une des meilleures audiences du festival. L’affiche était cependant à la hauteur d’une telle déferlante de spectateurs. Aux premiers rangs des artistes conviés, on se souviendra du concert des Français de Tryo, capables de déplacer la population complète – ou presque – du site devant leur show. Hallucinant. les Gogol Bordello auront eux aussi tenu une nouvelle fois leur réputation. Vivants, endiablés, enragés, les Américains immigrants ont encore frappé fort avec leur punk aux multiples inf luences. Tandis que la classe de Breakbot s’imprimait sur la rétine des spectateurs avides d’électro pop, le dandy Liam Gallagher charmait les foules sur la grande scène avec son nouveau combo Beady Eye. De l’autre côté de la plaine, Saez imposait un spleen persistant, une certaine beauté s’échappant de ses cris déchirés et de ses paroles de poète abattu. On se souvient aussi de - M - débarquant au beau milieu de la nuit pour sa Mojo Party avec de nombreux artistes, du set puissant et envoûtant de Wax Tailor, du rock efficace de The Hives comme de la folie furieuse de Sexy Sushi. Chacun à leur manière, ils ont imposé le rythme de cette quinzième édition du festival Solidays, durant trois jours de solidarité, de partage, d’entente et malgré tout de fête. Le sida recule, le combat continue. > De haut en bas et de gauche à droite : Orelsan / Asaf Avidan / David Guetta Lilly Wood & The Prick / Sexy Sushi / The Hives
Photos : Ugo Schimizzi
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interview
wax tailor Deuxième prise !
propos recueillis par Ugo Schimizzi
Après un rendez-vous manqué en Lorraine et un article sur le monsieur dans notre numéro 2, nous avons sauté sur l’occasion de rencontrer Wax Tailor à la conférence de presse du festival Solidays pour lui poser toutes les questions qui nous brûlaient les lèvres. Rencontre sincère et enrichissante ! participer à Solidays ! » On s’associe à la manifestation, en sachant qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle action. C’est une association que je connais, des gens que je connais et un vrai plaisir d’en faire partie. > D’où vient cette idée de réaliser un concept album ? L’idée du concept album est venue de celle d’avoir un narrateur qui survole tout le disque. C’est une vieille envie. Après, j’ai choisi cette forme de fil en aiguille.
> Merci pour cette interview Wax Tailor ! Qu’est-ce qui vous touche dans la cause des Solidays ? Je pense que c’est la notion même de solidarité. C’est de l’ordre de la conscience collective que l’on peut avoir. Cette solidarité, c’est l’idée de vivre dans une société, d’être tous conscients d’une problématique. La cause de Solidarité Sida est quelque chose qui nous concerne tous. Il y a aussi peut-être le fait que je sois d’une génération qui a grandi avec l’idée qu’on n’avait pas le choix, que c’était un vrai problème et j’ai le sentiment
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que la nouvelle génération qui arrive se focalise plus sur les traitements. Du coup, cette bataille leur paraît moins essentielle. Il est donc important de rester concentré sur le sujet. > Luc Barruet (le président de Solidarité Sida ndlr) pense que c’est une sorte d’action civique de jouer aux Solidays. Vous le ressentez ainsi ? Oui, c’est vrai. Je ne sais pas l’exprimer clairement, mais il ne s’agit pas simplement de faire un concert. On se dit « On va
> Quels thèmes vous ont amené à écrire Dusty Rainbow from the Dark ? Quand j’ai réfléchi à l’histoire, je voulais commencer avec une petite morale, repositionner le rapport entre la mère et l’enfant. Du coup je suis parti de là, ce qui m’a permis aussi de greffer les grandes lignes du scénario. Le titre de l’album est d’ailleurs venu très rapidement. > Comment gérez-vous le passage de l’enregistrement à la scène avec ce projet ? Ce n’est pas simple (rires) ! Ça impose un carcan, mais d’un autre côté ça donne aussi une force narrative et de scénarisation, à partir du moment où tu as trouvé un mécanisme. Chez moi, le mécanisme se traduit par le fait de réaliser une histoire
dans l’histoire. J’ai voulu garder cette trame narrative sans m’enfermer dans les derniers morceaux que j’avais composé, en y injectant d’autres choses. > Le style Wax Tailor évolue au fur et à mesure des albums. Avez-vous cette volonté de garder une ligne directrice ? Ce n’est pas vraiment important, c’est naturel. J’ai mis du temps avant de trouver ce que je souhaitais décliner comme atmosphère et aujourd’hui, pour moi, l’intérêt et l’excitation sont d’ouvrir des portes plutôt que de prendre des virages à 180°. Je ne souhaite pas surprendre pour surprendre mais plutôt me questionner sur des nuances. Certains trouveront qu’il y a beaucoup de changement, d’autres non. Moi, j’ai le sentiment de pouvoir expliquer le travail réalisé d’un opus à un autre. > Il y a également une vraie approche graphique sur vos différents travaux… Pour moi c’est vraiment quelque chose d’important. Le rapport à l’image, le fait de travailler avec des réalisateurs, cette volonté d’apposer une atmosphère à la musique, une ambiance, ça s’inscrit totalement dans ma démarche et c’est un vrai plaisir. > Comment choisissez-vous justement les graphistes et illustrateurs qui vont être amenés à travailler avec vous ? Sur la pochette du dernier album, j’ai presque réalisé un appel d’offre. Très en amont, j’ai écrit un message ressemblant à « amis graphistes, réalisateurs et autres créatifs, contactez-moi ! » Et puis ça c’est fait progressivement, j’ai reçu quelque chose comme 700 mails. C’était devenu massif. ça m’a pris un certain temps pour étudier toutes les propositions, mais finalement, après des tonnes et des tonnes de books, j’ai pu affiner ma sélection jusqu’à une vingtaine de créateurs. > Quelle est la part de samples dans vos réalisations ? Sur ce dernier opus, 100%. Mais il faut bien s’entendre sur la définition du sample. Pour moi, il ne s’agit pas de boucles, mais de sons. Je puise des sons à différents endroits pour refabriquer des instruments. Cet album est un exercice de style. La volonté d’aller chercher dans le vinyle et d’exclure totalement les enregistrements d’instruments, est, à mon sens, le garant de l’atmosphère que je voulais restituer.
Photos : Ugo Schimizzi
> Vous parliez auparavant du travail de réalisateur. Vous avez composé notamment pour Klapisch. Est-ce que le milieu du cinéma vous attire en tant que musicien ? Oui, mais ce sont des questions d’opportunités. J’en ai eu à un moment donné. Aujourd’hui, je suis sur la route et question organisation, ce n’est pas simple. Mais dès que l’occasion se représentera, je pense la saisir sans hésiter ! > Le cinéma est également très présent dans vos morceaux sous forme de citations. à quel niveau cet art vous influence-t-il dans votre approche artistique ? Je pense que c’est surtout au niveau du vocabulaire. Pas seulement cet aspect dialogue, mais aussi le rapport à la scénarisation. J’ai l’habitude de dire que je suis « metteur en son », non pas pour employer un bon mot, mais c’est ce qui résume le mieux ma façon de faire de la musique. C’est totalement ancré dans ma manière de composer, j’ai besoin de raconter des histoires. > Vous réalisez de nombreux featurings. La musique semble automatiquement associée à l’idée de partage pour vous ! C’est tout à fait ça ! La musique se fait d’abord tout seul. Il doit y avoir ce partage ensuite. Mais ce sont deux temps différents. Il y a un mécanisme où j’aime être seul en studio pendant longtemps, puis échanger ensuite avec les musiciens. Cette implication ressort d’autant plus en live, où j’ai vraiment du mal à considérer l’idée de jouer seul. J’ai besoin d’avoir du monde autour de moi. > Avez-vous déjà des artistes en tête pour de prochaines réalisations ? Oui, il y en a plein. La vraie problématique, c’est d’aller voir quelqu’un en sachant quoi lui proposer. Je ne peux pas me faire à l’idée de simplement aller voir un artiste ou un musicien sans avoir un projet précis en tête. J’aimerais travailler avec Thom Yorke, avec Damon Albarn, souvent des chanteurs en fait. On verra si l’occasion se présente… > Enfin, notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? J’aime bien les Rolling Stones mais les Beatles sont bibliques. J’y reviens constamment ! J’ai grandi avec leur son, donc je dirais plutôt Beatles !
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live report
Date : 29 & 30 juin 2013 Lieu : Roeser (Luxembourg) Nombre de spectateurs : 36 000 Météo : B
la prairie s'enflamme !
par Manuella Binet
Pour sa huitième édition, la programmation du Rock A Field se voulait, cette année encore, riche et attractive. 36 000 festivaliers se sont retrouvés sur la plaine de Roeser pour applaudir les 23 groupes à l'affiche. Retour, pêle-mêle, sur les grands moments de ces deux jours au Luxembourg. Révélation C’est l’avantage des festivals, ils permettent aux artistes de prouver de quoi ils sont capables sur scène. Au Rock A Field, Jake Bugg a fait sensation. La musique du petit prodige du rock s’inscrit dans la plus pure tradition de ce que l’Angleterre fait de mieux. Avec ses faux airs de Liam Gallagher jeune et une voix qui rappelle un peu celle d’Alex Turner des Arctic Monkeys, Jake Bugg a embarqué avec lui le public dans son univers rock/country. Du haut de ses 19 ans, il a livré à la foule une belle prestation, avec en prime de nouvelles chansons. À découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas encore ! Ovni Heartbeat Parade, ou le mystère de ces deux jours. Deux guitaristes et un batteur qui se font plaisir sur scène... Mais qui oublient leur audience. Et vu le peu de monde debout pour leur prestation, cette dernière
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a eu l’air de les oublier aussi. Dommage, quand on connaît le potentiel de cette formation. D’ailleurs, si vous avez manqué cette occasion de les découvrir, offrezvous une séance de rattrapage dans notre rubrique « le local » sur le site de Karma. Chorégraphies Celles, millimétrées, des trois chanteurs du groupe Seeed, chaque morceau joué sur scène ayant ses propres pas de danse. Les spectateurs ont d’ailleurs joué le jeu et la formation en a bien profité. À la fin de leur set, ils ont proposé un impressionnant Harlem Shake, lors duquel la foule a été invitée à faire tournoyer un vêtement au-dessus de sa tête. Et quand des milliers de personnes se lâchent au même moment... Ça donne un résultat étonnant ! Autre moment très « shake your body », le concert du britannique Example, qui a transformé la plaine en dancefloor géant.
Kodaline Du nom des irlandais qui ont joué en ouverture de la journée du dimanche, sur la petite scène... Quel dommage de les avoir programmés aussi tôt, alors que beaucoup de festivaliers manquaient encore à l’appel ! Les quatre Dublinois, dont la musique partage des sonorités avec celle de leurs compatriotes Snow Patrol, ont réalisé une très jolie performance, qui valait le coup d’œil et d’oreille. Avec un final marqué par leur balade pop All I Want, reprise en chœur par tous . Ambiance Quand des Luxembourgeois, des Belges, des Français et des Allemands se côtoient, tous venus pour apprécier de la bonne musique, l’ambiance est forcément excellente. Grâce à son énergie, le public du Rock A Field a impressionné les artistes présents. Tous ont eu un mot, des sourires, des signes pour le montrer.
Photo : Frédéric Macieri
Plusieurs fois, les musiciens ont affiché leur plaisir de jouer ici et ont profité d’un auditoire suffisamment réactif pour le faire participer. Ambiance survoltée et pogos pour les têtes d’affiche. Cris suraigus et applaudissements nourris pour les groupes du moment. Tous se sont adaptés à chacun des 23 groupes et artistes qui ont fait l’affiche du festival. Le chanteur de Bloc Party en a même fait les frais, puisqu'il a déchiré son pantalon lors du slam qu’il s’est offert. Fans Celles de The Script et de leur pop irlandaise, auront donné de la voix, beaucoup de voix, pour accompagner le chanteur Danny O’Donoghue a cappella sur la chanson The Man who can't be Moved. Et pendant tout le reste du concert. Les tympans ont pris cher, mais les (jeunes) fans ont été récompensées puisque le chanteur s’est permis plusieurs gros et longs bains de foule lors desquels il a donné de sa personne. On lui attribue aussi la mention spéciale pour les remerciements les plus kitschs du festival. Immanquable Cette année, le concert qu’il ne fallait pas louper était celui de The BossHoss, un groupe allemand... Décalé. Les huit musiciens mélangent rock et country dans une ambiance folle. Ils ont enflammé la prairie sous le soleil de la fin d’après-midi du samedi. Et à ceux qui répondent « Oui ! » à « Do you speak french ? » Boss Burns, le chanteur tout en tatouages, réplique : « I can only say : suce ma b*** ! » Classe. Il sautera ensuite de scène pour aller haranguer la foule aux barrières et réussira même à faire s’accroupir toute la prairie pour mieux la faire sauter d’un seul bond en criant « JUMP ! » En guise de remerciements, le guitariste retournera
> Ci-contre : Phoenix
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live report
“Applaudissements et cris suraigus pour les groupes du moment ” sa guitare pour laisser apparaître le gros « THANKS » écrit dessus. Incroyable et déjanté, The BossHoss aura mis un joyeux bordel. (Petite pensée à celui ou celle qui a récupéré le marcel plein de sueur de Boss Burns, lancé dans la foule !) énergie Sans surprise, les têtes d’affiche se sont révélées à la hauteur des attentes. Les Versaillais de Phoenix ont assuré un très bon show de plus d’une heure le samedi soir. Avec, d’entrée de jeu, trois des chansons les plus connues du groupe. Thomas Mars aura, lui aussi, terminé le concert porté par la foule, micro en main. Le lendemain, les amoureux de gros son ont réservé un accueil digne de ce nom aux très attendus Queens of The Stone Age, une bonne partie des spectateurs présents s’étant déplacés rien que pour eux. Les américains ont offert à leurs fans un set d’une heure vingt de bon gros rock. Efficace ! Et il y avait encore un peu de monde, malgré l’heure tardive, pour applaudir les DJs nantais de C2C, qui ont clos cette huitième édition du festival sur une note électro endiablée.
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Liesse Celle qui a accompagné l’arrivée de Macklemore & Ryan Lewis. Chaque titre des nouveaux phénomènes du hip hop a fait un carton plein. De bas en haut de la prairie, tout le monde a bougé, chanté ou hurlé sur les hits des rappeurs. Les fans ont fait monter le niveau de décibels progressivement, emmenés par le flow incessant de Macklemore, qui, quand il ne rappe pas, parle, mais alors, vraiment beaucoup. Même enthousiasme pour Volbeat. Le groupe danois de rockabilly/metal a même fait chanter du Johnny Cash et du Queen aux spectateurs en délire, entre deux riffs ravageurs. Déchets Le petit bémol du festival s’il en est : les déchets qui ont jonché le sol du site luxembourgeois du début à la fin des deux jours. Dommage ! Ceci dit, l’organisation n’est pas à blâmer ici, puisque plusieurs poubelles avaient été mises en place de part et d’autre des scènes. Allez, l’an prochain, si tout le monde s’y met, le festival sera encore plus agréable, d’autant que la prochaine édition est annoncée sur trois jours.
Photos : Frédéric Macieri
> Ă gauche : The Script / ci-dessus : Queens of the Stone Age / en bas : Kraftklub
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live report
Date : du 4 au 7 juillet 2013 / Lieu : Belfort / Nombre de spectateurs : 127 000 / Météo : B
un 25e anniversaire dignement fêté
par Manuella Binet
Un quart de siècle, déjà. Pour fêter cet anniversaire, les Eurockéennes ont fait les choses en grand : quatre jours de concerts au lieu de trois et un nouveau record de fréquentation. Avec 74 groupes et artistes répartis sur quatre scènes, difficile de tout voir. Petite sélection de concerts du vendredi au dimanche... Sur la grande scène The Smashing Pumpkins, Phoenix, Blur, -M-. Les têtes d'affiche ont toutes foulé la grande scène, avec cependant plus ou moins de succès. les festivaliers ont été mis dans l’ambiance par les Lillois de Skip The Use, en pleine forme. « J’veux tous vous voir péter les plombs ! » s’égosille Mat Bastard avant de faire bouger le public dans tous les sens. Ils laisseront leur place à la tête d'affiche du vendredi, The Smashing Pumpkins. L’entrée sur scène des musiciens est molle et le concert peine à s’emballer. C’est poussif ! Il faudra attendre la toute fin du set pour enfin avoir un mot du frontman Billy Corgan. Et ça se paie : petit à petit, la plaine s’est désemplie. Le groupe auraitVendredi 5 juillet :
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il été légèrement survendu, l’organisation jouant sur la nostalgie de leur premier passage il y a seize ans de cela ? Samedi 6 juillet : changement de registre
avec l’arrivée de Kery James, qui obtient la palme de celui qui aura fait crier ses fans le plus longtemps : 20 secondes nonstop, demandées par le rappeur, qui a su motiver la foule en chambrant : « vous êtes fatigués !! ». Un truc pour réveiller le public qui marche à tous les coups. Gros carton quelques heures plus tard pour les Irlandais de Two Door Cinema Club dont la pop survitaminée, colorée et entraînante a fait danser les 33 000 spectateurs du samedi soir. Probablement l’un des meilleurs concerts du festival (les propos formulés ici n’engagent que la rédactrice - ndlr). Leurs
titres Sun, Something Good Can Work et What You Know (qui n’est autre que la musique de la pub d’Euromillion) ont été de gros succès, repris à l’unisson par une audience survoltée... Qui l’était encore pour Phoenix. Si tout le monde connaît l’air de leurs chansons, peu de gens savent à quoi ressemblent les membres du combo. Et si leurs visages avaient été plus familiers, les festivaliers attentifs auraient pu apercevoir un peu plus tôt dans la journée Christian Mazzalai, l’un des guitaristes, fendant la foule du site de Malsaucy incognito, pour se rendre à une interview. Mais c’est donc sur scène qu’ils le reconnaîtront, entouré des autres musiciens Versaillais, qui ont livré une très belle prestation et ont tenu leur rang d’artiste phare. « On n’a jamais joué devant autant de monde
Photo : Pierre Hennequin
en France », en bafouillera Thomas Mars, en faisant allumer toutes les lumières pour distinguer les nombreux sourires des fans, ivres de bonheur : « j’en perds mon français ! ». Dimanche 7 juillet : Skunk Anansie a fait
sensation, avec un son rock puissant, Skin la chanteuse, n’hésitant pas à se jeter dans la fosse à plusieurs reprises. Un avant-goût de la grosse ambiance qui allait accueillir le groupe de l’édition 2013 : Blur. Pour leur concert exclusif en France, la bande de Damon Albarn a frappé fort d’entrée de jeu, en débutant le show par leur fameux Girls & Boys. Cuivres et choristes sur scène, le groupe a rempli sa mission. En même temps, le jeu en valait la chandelle. Il se chuchote que le cachet perçu par Blur s’élèverait à environ 350 000 euros. Ils ont terminé leur set, et donc clos cette édition des Eurocks, avec Song 2, leur chanson emblématique. Sur la Greenroom Antichambre de la grande scène, la Greenroom a vu défiler les groupes et artistes montants du moment. Peut-être certains se produiront-ils sur ladite grande scène dans quelques années, à l’image des Two Door Cinema Club. Ceux-ci ont d’ailleurs souligné le chemin parcouru entre les trois ans séparant leurs deux prestations. il était sans doute l’un des artistes les plus attendus de cette journée : Woodkid a proposé un set très propre et surtout très rythmé. Certains se lanceront même dans des pogos sur la musique pop-lyrique-épique du frenchie résidant à Brooklyn. Malheureusement pour les plus lointains, le concert ne bénéficiera pas d’une retransmission sur les grands écrans. Difficile donc, pour beaucoup, d’apercevoir Vendredi :
> Ci-contre : Blur
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live report
Woodkid et sa mise en scène qui semblait pourtant particulièrement soignée, entre jeux de lumières et projections en fond de scène. Impressionné par l’accueil qui lui a été réservé, le Français a donné rendezvous au public en février à Amnéville. « Il y aura des surprises ! » a-t-il promis.
“ Il se chuchote
que le cachet perçu par Blur s'élèverait à environ 350 000 € ”
la Greenroom a pris un sacré coup de jeune avec The Strypes. Bel le découver te pour beaucoup, le gros rock un peu vintage de ces quatre très jeunes Irlandais - 17 ans de moyenne d’âge a transporté les Eurocks dans une ambiance Irish pub, le violon en moins. Surtout, le combo s’est révélé efficace pour lancer comme il se doit la journée. Les quatre baby-rockeurs, dans la veine des Arctic Monkeys du début, ont précédé Lou Doillon, dont le principal fait d’armes aura été le massacre de Should I Stay or Should I go des Clash et Valerie June, qui aura livré une prestation folk un peu molle. Samedi :
Dimanche : les amplis se sont à nouveau réveil-
lés, avec les sons rock énergiques et bruyants des Palma Violets, groupe britannique énervé et loufoque. Loufoquerie poussée à son maximum quand, sur le dernier morceau, les musiciens se mettent à pogoter entre eux et danser à leur façon sur scène. Décalage aussi entre le bassiste déchaîné, qui donne tout à s’en casser la voix et à en faire tomber son micro sur Best of Friends et le type au synthé qui a semblé s’ennuyer royalement pendant tout le show, son seul attrait visuel incarné par une chemise à motif au goût douteux. Très en retard
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Photo : Pierre Hennequin
puisque privés de leur matériel, leur camion étant resté bloqué on ne sait où, les Anglais de The Vaccines ont suivi en jouant sur les instruments des Palma Violets. Ces derniers ont d’ailleurs assisté au spectacle depuis le fond de la scène ; au milieu des pogos pour le bassiste du groupe, champion hors catégorie du stage diving. L’attente n’a malgré tout pas découragé les festivaliers, qui ont patienté près d’une heure sous le soleil pour le quatuor londonien, dont les premières parties des Rolling Stones ou encore de Muse servaient à asseoir leur réputation avant le show. Bien qu’écourté de moitié, leur set de qualité les excuse et confirme les prédictions. À la plage Malgré la chaleur ambiante, la plage n’était pas vraiment prise d’assaut en début d’après-midi. Il y avait pourtant de belles choses à y voir et écouter, notamment les Français de Griefjoy qui ont ouvert la journée du samedi par un court mais bon set électro-pop, sous un soleil de plomb. On y a retrouvé, plus tard dans la nuit belfortaine, Kavinsky. Une grosse vague de spectateurs a déferlé sur le sable de la presqu’île pour apercevoir le DJ, qui a joué une heure, mais qui n’aura pas convaincu tout le monde. Au Club Loggia Dernière et plus petite scène du festival, son accès est assez restreint. Dommage, car la programmation du Club Loggia valait le déplacement. Le samedi, Von Pariah, groupe français, y a joué son rock pêchu et entraînant. Un peu plus tard, Fauve y a, pour sa part, créé l’événement. Les abords du Club se sont très vite remplis avant leur arrivée, si bien que beaucoup n’ont pas pu approcher et ont dû se contenter de la musique plutôt que des images. La rançon de la gloire pour le collectif dont la notoriété ne cesse de s’accroître. Le prix à payer pour le public !
> Ci-contre : Woodkid
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live report
Date : du 31 mai au 2 juin 2013 / Lieu : Bulligny (Meurthe-Et-Moselle) Nombre de spectateurs : 18 000 / Météo : R/Y
festival touT terrain
par Margaux Gatti
Le week-end du vendredi 31 mai au dimanche 2 juin, le Jardin du Michel nous accueillait pour célébrer sa 9e édition, sous des trombes d'eau. Le festival ouvrait ses portes aux spectateurs de Lorraine et d'ailleurs à Bulligny, petit village à quelques kilomètres de Toul, en Meurthe-et-Moselle. Il fallait bien du courage pour assister au premier jour de cette édition sous une pluie battante et planter sa tente dans la boue. Nouveauté de l’année 2013, un petit chapiteau habillé de rouge et jaune appelé pour l’occasion « la cabane du Michel » abritait pendant la durée de l’événement de nombreux artistes venus défendre leur passion. Le vendredi, le Michel présentait une quinzaine d’artistes tels que Laura Cahen et ses textes empreints de poésie, Némir et sa fougue ou encore le duo masculin Christine. Nous avons surtout retenu Tricky, l’instigateur du trip-hop. La voix du chanteur n’était cependant pas à son maximum, heureusement sauvée par la présence de la chanteuse du groupe. Un peu plus tard dans la soirée, Wax Tailor et ses nombreux fans nous faisaient
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voyager dans un univers parallèle. Dub Inc poursuivait alors devant des milliers de festivaliers, alternant ses tubes et ses nouveaux morceaux issus de leur prochain album Paradise, dont la sortie est prévue en octobre. Le samedi, la pluie laissait place au soleil et le moral du public était au beau fixe. Le Jardin du Michel nous concoctait une belle programmation grâce, entre autres, à deux découvertes de Lorraine bien connues des lecteurs du Magazine Karma : le Messin Télémaque ainsi que le quatuor nancéien Capture. Les 7 talentueux membres du groupe Art District ont ensuite séduit la foule par leur présence scénique et leur flow venu tout droit de New-York. Se sont succédé
sur la grande scène Groundation et son reggae, mais aussi les très attendues légendes marseillaises d’IAM. Le groupe a interprété ses anciens morceaux Noble Art, Petit Frère ou encore Je Danse le Mia, comme les succès du déjà classique album Arts Martiens, sixième galette du combo. Vitalic VTLZR, clou de la soirée, fermait ce deuxième jour au Jardin du Michel par un show extrêmement bien interprété et magnifiquement mis en lumière. Le champ de Michel s’est métamorphosé le temps du set en boîte de nuit. D i m a nc he d é jà . Su r l a g r a nd e scène, Babylon Circus a fait lever les foules, leur réputation n’étant plus à faire. Sur la scène alternative, l’étrange trio Jésus Christ Fashion Barbe nous
délivrait son rock sombre et vigoureux en toute simplicité, avant que le Michel n’opère un changement de style avec la rappeuse Keny Arkana, qui était attendue de pied ferme. Les spectateurs chantaient les refrains, les pieds sautillaient et les mains se levaient. Pas de doute, la rappeuse marseillaise a su faire l’unanimité. Sur la scène alternative, le jeune Gabriel, venu de Caen, s’est produit sous le pseudonyme de Superpoze. L’aisance du personnage et le rythme de sa musique donnaient irrésistiblement
Photo : Margaux Gatti
envie de se déhancher. Un nom à retenir ! Archive donnait le ton de la fin de soirée tout en douceur, sous ses airs planants et Birdy Nam Nam achevait le festival de bien belle manière. Derrière leurs platines, Crazy B, Pone, Need et Lil’Mike ont mis le feu à la pleine, grâce aussi à une pyrotechnie impeccable. Malgré les conditions difficiles de cette édition, les organisateurs ainsi que les 500 bénévoles et techniciens du Jardin du
Michel ont prouvé leur adaptabilité. Le JDM a tout de même permis aux 18 000 amateurs de musique - fréquentation en baisse par rapport aux 23 000 spectateurs de l’an dernier - de profiter du week-end au gré des sons de qualité, le tout dans une ambiance festive. > Ci-dessus : Vitalic Vtlzr
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interview
iam Samouraïs du son
propos recueillis par Margaux Gatti
Après un premier passage à la Rockhal, IAM a profité de sa seconde venue dans la région à l’occasion du Jardin du Michel pour donner une conférence de presse. Point d’étape à mi-parcours de leur tournée des festivals, avant de revenir en salle dans la région à l’automne.
> Parlez-nous de ce nouvel album… Shurik’n : L’album reflète ce que l’on est, au moment où il sort. Il s’agit à la fois d’un état d’esprit, d’humeurs. Notre âge et notre maturité entrent aussi en jeu dans le processus de création. Depuis le dernier album, il s’est également passé six ans. Durant ce temps, on a été en permanence sur scène, à raison de deux ou trois concerts par semaine. On a également développé des projets solos, chose qui n’avait jamais existé avant. ça élargit les horizons.
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> Ce nouvel album comporte beaucoup de questions de société ! Shurik’n : L’écriture se fait au jour le jour. On continue à avoir des vies normales et nos préoccupations sont celles de tout le monde. Nous grandissons au sein de la même société que nos auditeurs, nous sommes confrontés au même monde. Les mêmes sujets, les mêmes débordements interpellent forcément. On rappe ce qu’on est, ce qu’on fait, c’est la vie de pères de famille, celle d’adultes mais aussi de musiciens.
Akhenaton : Le rap peut être une forme de psychanalyse qui aide à sortir des choses, mais il ne doit pas servir à régler des comptes. Cela doit se faire d’homme à homme, face à face. Il ne doit pas y avoir d’amertume dans les paroles d’un rappeur. C’est plus un état d’esprit. Je suis inquiet quand je regarde les informations et que je vois que la société, en France notamment, est si divisée. Les gens campent sur leurs positions sur des sujets futiles et descendent dans la rue pour des raisons de moins en moins profondes. Les caricatures qui sont faites à longueur d’années sur les gens des quartiers sont des choses qui, au bout d’un moment, sont critiquables. Concernant la chanson Pain au Chocolat, ce n’est pas la phrase de Jean-François Copé qui nous soûle particulièrement, c’est sa phrase plus les 60 autres qui l’ont précédée ou qui vont suivre. Mais les socialistes sont pareils, ils ont aussi leurs punchlines. C’est un peu plus paternaliste mais ça reste tout aussi minable. Il existe malgré tout une lueur d’espoir pour moi. Shur ik ’n : Un doute et u ne for me d’inquiétude aussi… Akhenaton : Il y a des vis à resserrer, c’est sûr. C’est ça qui est inquiétant. Je pense que lors de prochaines élections on risque d’avoir des surprises. En lisant des
“ Le rap peut
être une forme de psychanalyse ”
magazines, je vois Marine Le Pen dessinée avec une tête normale, avec un bon design graphique, c’est frais, c’est sympa. Après, elle annonce qu’elle a baptisé ses enfants dans l’église où il y a tous les intégristes catholiques qui viennent de la droite et de l’extrême droite. ça ne choque plus vraiment, elle se forge une image de personnage sympathique. > Pensez-vous que votre manière d’écrire a changé depuis la création de IAM en 1989 ? Akhenaton : à l’époque où on a commencé, il n’y avait pas de filtre. On arrivait à mener des combats de manière frontale. Maintenant, il faut se débarrasser de milliards de clichés : islamiste, armé, misogyne, maghrébin, immigré. Le 11 septembre a vraiment été un événement clé pour nous, pour la société française. On a eu l’impression que les tours étaient tombées à Paris. Ce moment a été un réel tournant pour les médias. > Arts Martiens est disque d’or, après 6 mois, est-ce une surprise pour vous ? Akhenaton : C’est toujours une surprise. Surtout, ça a des incidences sur IAM. La manière dont l’album
Photos : Margaux Gatti
est perçu et vendu impacte directement sur le nombre de concerts qu’on va donner. Aujourd’hui, le travail avec les maisons de disques est beaucoup moins facile qu’avant. En fonction des résultats qu’on obtient, on a plus ou moins de possibilités. L’avantage d’IAM, c’est que nous nous produisons b e auc oup, nou s don non s d e nombreux concerts, également à l’étranger et on essaye d’en profiter au maximum, de multiplier les moments de plaisir et de rigolade. Quand on a pu monter sur scène à Hong Kong l’année dernière, c’était un moment mémorable, c’était la victoire d’un groupe. Comme le concert qu’on a donné en 2008 en égypte au pied des pyramides. De la même manière, on a la possibilité de jouer le 21 juin à New-York, c’est quelque chose d ’inimaginable. Kheops et moi, on a sorti nos premiers disques dans cette ville en 1988. En plus, on a l’occasion de travailler avec Rakim qui a été l’artiste qui nous a le plus inf luencé et nous a donné envie de rapper. Je parle au nom de tout le groupe. On est tous très émus par tout ce qui nous arrive. C’est en quelque sor te une boucle bouclée.
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Date : 26 juillet 2013 Lieu : Sélestat (Alsace) Nombre de spectateurs : 7 300 Météo : B
invasion en terre alsacienne
par Ugo Schimizzi
Retour aux affaires pour l'association Zone 51 sur les terres de Sélestat, en Alsace ! La première édition du festival Le Bal des Petits Hommes Verts fut emmenée de main de maître par les Français de Tryo, toujours aussi rassembleurs. Surtout, ce rendez-vous marquait la renaissance des événements estivaux à Sélestat, après l’annonce de la disparition du regretté festival Léz’Arts Scéniques, quelques mois plus tôt.
Le 26 juillet 2013 marquait d’une pierre blanche un rapprochement certain entre les petits hommes verts et l’Alsace. Le tout était placé sous le sceau de la musique, avec Tryo en grand ordonnateur.
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Léz’Arts Scéniques, dont le slogan « Alternative music for alternative people » avait converti des milliers de fans années après années, s’est arrêté après onze éditions tenues avec succès par l’association Zone 51. Plusieurs monstres de la musique, tels Public Enemy, Rancid, Sum 41, Motörhead, Ska-P, IAM ou The Exploited s’étaient succédés sur les terres des Tanzmatten, l’évènement étant devenu open air à partir de 2010. De beaux moments au service du public, unissant, dans tout
l’Est de la France et au-delà, des milliers de fans amoureux de bons sons. Point fort de la manifestiation pour les plus éclectiques : trois journées thématiques, chaque jour faisant la part belle à un vaste style musical. Ainsi, une première journée orientée metal était suivie d’une journée punk/rock forte en émotions, avant que le dimanche n’accueille chaleureusement des artistes plus « familiaux », souvent réunis autour du reggae et de la chanson française. 2013. Exit la réunion des styles sur trois journées. Zone 51 formule un nouveau concept, sorte de Léz’arts coupé en deux. On retrouve ainsi en juillet Le Bal des Petits Hommes Verts avec une dominante très colorée, reggae et chanson
Photos : Juliette Delvienne
française, regroupant autour de Tryo des groupes comme Alborosie, Les Ogres de Barback, ou encore Broussaï. De l’autre côté, deux journées sont prévues en octobre, réunies autour du titre Rock Your Brain, événement composé d ’un Metal Day avec en tête d’affiche les excellents Suicidal Tendencies et un Disorder Day, plutôt consacré à la musique pu n k, qui verra notamment se produire les Ramoneurs de Menhirs et nos fidèles Sales Majestés. Beau succès pour la première partie du programme, qui a permis à beaucoup de faire découvrir des groupes comme les excellents Hilight Tribe où les très pros Claudio Capéo.
du site des Tanzmatten à Sélestat ou du Grillen à Colmar, l’équipée sauvage n’a pas peur des défis, invitant durant ces prochains mois des poids lourds du rap hexagonal comme IAM ou des monstres du death metal comme Dark Tranquillity. Au-delà de la promotion des musiques actuelles, la réduction des impacts environnementaux est éga lement u n enjeu fort de l’association, qui se démène pour proposer des solutions de transport, de nourriture et incite les organisateurs d’événements à penser plus largement en terme de développement durable.
“ L'Association
Zone 51 n'a pas peur des défis ! ”
Loin de se laisser abattre, Zone 51 multiplie donc les projets. Avec plus de quinze années d’existence, une dizaine de salariés et des centaines de bénévoles sur chacun de ses festivals, cette association créée en 1998 s’active également au fil des mois à présenter des artistes du monde entier aux spectateurs d’Alsace et régions avoisinantes. Qu’il s’agisse
Zone 51 semble donc bien repartie, avec plus de 7 000 petits hommes verts accueillis en juillet dernier et déjà une belle affiche pour la première édition du Rock Your Brain Festival. Il reste donc encore beaucoup d’alternative people en attente de cette musique alternative. Keep on rocking ! > à gauche Les Ogres de Barback / ci-dessous : ambiance
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découpage
The ace of Spades
Lemmy Kilmister, créateur de Motörhead et personnage emblématique du monde metal s'invite dans Karma après son passage au Sonisphère 2013. Pour ne pas sacrifier une page, retrouvez le fichier en téléchargement sur notre site. à vos ciseaux !
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Illustration : Laure Fatus
LA LORRAINE, RéGION MUSICALE
Avec les CRéDIT MUTUEL de YUTZ et FLORANGE