franz ferdinand
Interview des stars venues d’écosse
tryo
Rencontre du groupe à la main verte
muse & metallica
Retour sur leurs projections privées
le magazine des musiques actuelles en lorraine et au luxembourg
d o s si
# 6
Hiver 2014 GRATUIT
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fusion la difrtistes des a live en
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Directeur de la rédaction et de la publication : Ugo Schimizzi Directeur artistique, maquette et mise en page : Guillaume Hann Rédacteurs : Nathalie Barbosa Manuella Binet Thibaut Clement Rémi Flag Guillaume Hann Matthieu Henkinet Dom Panetta Marine Pellarin Adeline Pusceddu Ugo Schimizzi Illustrateurs : Guillaume Hann Pierre Schuster Photographes : Manuella Binet Juliette Delvienne Matthieu Henkinet Pierre Hennequin Cédric Mathias Ugo Schimizzi Correcteurs : Lauriane Bieber Juliette Delvienne Mickaël Fromeyer Nicolas Hann Adeline Pusceddu Ioanna Schimizzi
édito # 6 Quel plaisir de savoir que vous tenez entre vos mains ce Karma #6 ! Il s’agit pour le magazine de sa huitième publication, sortie quelques semaines à peine après le premier hors-série consacré au festival Nancy Jazz Pulsations. Nous sommes ravis de vous annoncer également le soutien de la Région Lorraine, tout d’abord avec l’obtention de la bourse Défilor, mais aussi d’une médaille dans la catégorie communication-médias, aux Alérions de la Jeunesse. Une occasion de réaffirmer notre point de vue selon lequel la Lorraine et le Luxembourg aiment la musique et le montrent bien ! Vous pourrez découvrir dans ce numéro différents articles thématiques consacrés à la Grande Région (projet Multipistes, dossier spécial musique live, FML) et également faire connaissance avec les musiciens de
Édité par : Association Son’Art Lorraine 40 Avenue de Nancy 57 000 METZ Le numéro 6 du Magazine Karma est tiré à 2 500 exemplaires sur papier Satimat Green, contenant 60% de fibres recyclées. La diffusion du magazine est assurée par l’équipe et par Julien Siffert, diffuseur : julien.siffert@gmail.com 07 87 77 79 47 IMPRIMÉ PAR L’HUILLIER, IMPRIMERIE VERTE 57 190 FLORANGE ISSN : 2259-356X Dépôt légal : à parution
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Le Magazine Karma bénéficie du soutien du programme Envie d’Agir, de la DDCS Moselle, de la Ville de Metz et de la Région Lorraine.
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Seed to Tree. Nos amis luxembourgeois, après nous avoir fait le plaisir de donner leur premier concert en France pour notre soirée anniversaire, reviennent se présenter dans ce numéro. Cette année 2013 s’achève avec un bilan très positif pour le magazine, qui a vu paraître sa première compilation en vinyle et a développé son réseau de diffusion et de partenaires. Une nouvelle compilation est déjà à l’étude pour 2014, ainsi que d’autres soirées événements. En attendant, passez de bonnes fêtes et à très bientôt ! Ugo Schimizzi Rédacteur en chef Guillaume Hann Directeur artistique
sommaire 2 édito 4 le local : seed to tree
Les jeunes Luxembourgeois arrivent en France.
6 made in lorraine : FML 8 made in grande région : multipistes 10 portfolio 14 dossier : ça part en live ! étude de l'industrie du live.
20 Interview : editors Le groupe change de ton.
22 Interview : franz ferdinand Rencontre avec les rockeurs écossais.
26 Interview : trivium Du metal et des chats.
28 Interview : tryo
Entretien avec le groupe à la main verte.
30 Interview : volbeat
Entre hard rock et rockabilly.
32 Interview : sophie hunger Une voix de velours.
34 influences : l'art du sampling 36 cinéma : CBGB 38 museek : deus ex 40 exclusif : muse & metallica Séances avec les superstars au cinéma.
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Photos : couverture, Cédric Mathias / édito, Ugo Schimizzi
le local
Silence ça pousse
par Matthieu Henkinet
Nos voisins luxembourgeois de Seed to Tree sont officiellement apparus scéniquement parlant sur le sol français en septembre 2013. Il s’agissait de la soirée anniversaire du Magazine Karma, lors de laquelle les spectateurs présents ont eu la chance de découvrir un jeune groupe motivé, entraînant, plein de bonne humeur et de projets. Plongée en rythme dans une canopée enthousiaste ! partie de la serre. On retrouve Georges à la guitare rythmique et au chant, Benjamin à la guitare et à la mandoline et enfin Michi à la batterie. Depuis, Seed to Tree a étoffé ses racines et accueilli Jean-Marc et Benni, respectivement au piano/orgue et à la basse. Leur intégration, voulue initialement pour leurs lives - afin de soutenir le trio sur scène - est à présent devenue permanente, ouvrant ainsi la voie à des choix de compositions et de créations plus poussés.
Seed To Tree est un groupe luxembourgeois formé en 2010, dont le nom trouve son origine entre une chanson de Blind Melon et la métaphore poétique de la petite graine, devenue au fil des années un
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arbre majestueux. Un véritable symbole de l’inspiration et de la motivation de ses membres. à la création, alors que le groupe cultive amoureusement ses premières compositions, seules trois personnes font
Il est d’ailleurs intéressant de souligner que la formation ne se limite pas à un schéma traditionnel axé sur la sainte trinité guitarebasse-batterie - parfois enrichie de piano. Chez Seed to Tree, on s’aventure sur certains morceaux à glisser des notes d’orgue et même de mandoline, un instrument choisi spontanément mais qui devrait se faire de plus en plus présent dans l’écriture des nouvelles compositions.
et la marque
En tant que Luxembourgeois, le choix de la langue chantée aurait pu être un calvaire, puisque l’on sait que le pays compte pas moins de trois langues officielles. Pourtant, les musiciens nous ont confié avoir eu une préférence pour l’anglais assez instinctive et correspondant à leur style musical, leurs inf luences, mais surtout à la « norme » actuelle. La seconde raison invoquée est celle du message, l’anglais rendant les paroles plus vagues et permettant plus d’interprétations. On imagine effectivement difficilement un groupe s’exporter grâce à une chanson au rythme entêtant… en Luxembourgeois ! Mais voilà le défi cependant lancé ! Au rang des influences, chez Seed to Tree, on joue ce que l’on aime. De la folk, un peu de rock à l’image de Bon Iver, The Tallest Man on Earth, Of Monsters and Men, Arcade Fire, Frightened Rabbit, Ben Howard, Foals, Sigur Rόs ou encore Mumford and Sons. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à reprendre une
Photos : Matthieu Henkinet
chanson de ces derniers sur scène. Les jeunes musiciens s’inspirent et voient grand, mais ils n’en gardent pas moins les idées claires. Ils l’avouent volontiers, chaque chose en son temps. Le quintet, aux alentours de la vingtaine, préfère se laisser surprendre par les événements. L’avantage de la jeunesse. « Nous avons encore beaucoup de temps pour répéter avant le Rock am Ring et Glastonbury » nous confiaient, goguenards, les artistes. Le succès pourrait arriver plus vite que prévu. Seed to Tree a foulé en juin dernier les planches du festival Rock A Field et est, depuis septembre, lauréat du dispositif Multipistes. Deux éléments solides à inscrire sur les branches de leur prometteuse carrière. < Seed to Tree, Seed to Tree - EP, 2012, Indépendant
mettent en avant les talents régionaux Le groupe Seed to Tree a été habillé par le magasin Freeman T. Porter à Metz, 19 Rue des Clercs www.freemantporter.com facebook.com/freemantporter
Made in Lorraine
F M L #15 inscriptions ouvertes !
par Dom Panetta
Le Festival de Musique des Lycéens et des apprentis fait son grand retour pour sa promotion 2014 et le Magazine Karma est en première ligne pour vous faire découvrir ou redécouvrir ce projet majeur de notre région. (voix d'animateur radio au saut du lit) Tu es lycéen ou apprenti en Lorraine ? La musique est plus que ta passion, c’est ta vie ? Tu as un groupe ou tu te produis seul sur scène ? Tu en as assez de galérer à programmer des concerts dans des caves où personne ne t’écoute ? Lis bien ce qui va suivre, il semble que tu aies le profil parfait pour intégrer le projet FML.
comme un très bon moyen pour les jeunes groupes et artistes de se faire connaître. Proposant une diversité musicale rare dans ce genre de concours, il offre également une occasion pour les talents en herbe de montrer de quoi ils sont capables dans des conditions 100% professionnelles et sans distinction d’âge, de sexe, mais surtout de genre musical.
Le FML qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’un projet régional, qui vise à promouvoir la scène musicale émergente en Lorraine. Le principe est simple : sur la base d’une présélection, vingt formations se verront offrir le droit de participer aux showcases devant un jury en février 2014. Ces microconcerts auront pour but de retenir les dix finalistes qui joueront, en avril, lors d’un show unique et gratuit dans une grande salle lorraine ( Galaxie, Zénith… ) devant près de 4 000 spectateurs. Des bus gratuits seront, d’ailleurs, mis à disposition des jeunes souhaitant assister au concert au départ de leurs lycées. À une époque où la musique n’a jamais été aussi accessible et la scène inaccessible, le Festival de Musique des Lycéens et des apprentis se présente
Les présélections sont déjà ouvertes pour celles et ceux d’entre vous qui souhaiteraient suivre les traces de Noahidy, Alpha Project, ou encore NH24, ou plus récemment de President in a Box et Dakota. Pour cela il vous suffit de vous rendre sur le site du festival et de renvoyer, avant le 31 janvier 2014, le bulletin d’inscription et une maquette CD contenant trois de vos compositions, les paroles des chansons et une photo de votre groupe, si possible sobres et souriants. D’ailleurs, Karma fera figurer un morceau des gagnants sur sa prochaine compilation. C’est l’heure de réaccorder vos guitares et de brancher les amplis !
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Plus d’informations sur Facebook : page LE-FML ou sur www.lefml-lorraine.eu
tente votrez chan ce !
Photo : Conseil RĂŠgional de Lorraine
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Made in grande région
Place aux nouveaux talents
par Dom Panetta
Méconnu du grand public, le projet Multipistes aide depuis plusieurs années les artistes les plus talentueux de la Grande Région à percer. Remontons ensemble la piste de cet ambitieux projet. Réunissant les mêmes partenaires francophones, le nouveau dispositif se veut plus généraliste. Plus question de se contenter du live, c’est désormais toute la carrière des artistes qui est prise en main par les partenaires du dispositif. Forts de leur expérience passée au sein de EROS, les « opérateurs » (nom donné aux différents partenaires de Multipistes) ont immédiatement mis en place un plan d’action, n’hésitant pas à écarter dès le début les pistes les moins intéressantes. La machine est en route, plus rien ne l’arrêtera.
Début de piste 2003. Alors que le monde s’interroge sur la présence ou non d’armes de destruction massive en Irak et que George W. Bush est encore sous le choc de sa rencontre avec un célèbre biscuit apéritif salé - dont nous tairons le nom - en Europe, des hommes et des femmes se réunissent en secret avec un seul et unique but : changer le monde de la musique.
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Le projet EROS – Europe Réseau et Outils pour la Scène – réunit de nombreux acteurs de l’univers musical européen, afin de promouvoir et de faciliter l’accès à la scène aux multiples talents peuplant le continent. Pilotée par l’AC2M jusqu’en 2008, l’initiative aura pour effet secondaire de poser les bases d’un nouveau projet qui verra le jour un an plus tard : Multipistes.
Tracer la piste Une fois trouvée, l’idée se devait d’être creusée et, su r tout, por tée pa r u n organisme qualifié et compétent. Nous sommes alors en 2010 et c’est à la salle nancéienne l’Autre Canal qu’incombe cette tâche lourde, mais passionnante. Première étape importante : sa dénomination. Devant l’ampleur du chantier, il fallait lui trouver un nom qui marque les esprits tout en rappelant son but, ainsi que sa mise en œuvre. « Multipistes », comme nous l’explique Jean-Christophe Gérard, chargé
> Ci-dessus : Mutiny on the Bounty / à droite : Mell
de projet à l’Autre Canal, est un nom qui « illustre assez bien la notion de multiplicité des sites d’accueil et, par extrapolation, la circulation des artistes en Grande Région. Le terme fait aussi partie du ja rgon te ch n ique de l’enregistrement en studio. »
donc la tournée - avec une multiplication des opportunités à mettre en regard d’un bassin de population décuplé. » explique Jean-Christophe Gérard. « Et ça ne fonctionne pas à sens unique,
recrutés les bases d’une carrière musicale. Formations techniques, méthodes de travail ou encore rencontres avec des professionnels du secteur, tout est mis en œuvre pour permettre aux jeunes talents de se faire plus facilement repérer par les diffuseurs. La Pépinière, quant à elle, est essentiellement centrée sur la performance scénique. Une mise en résidence - période préparatoire pendant laquelle un artiste ou groupe répète son set dans les conditions d ’u n c o n c e r t l i v e - e s t notamment proposée afin de préparer la tournée et le spectacle qui vont suivre, dans les meilleures conditions possibles.
“ Multipistes illustre la circulation des artistes en Grande Région ”
Si le fer de lance du projet reste avant tout la protection de la diversité musicale, l’aspect économique ne peut évidemment pas être négligé. L’un des premiers challenges rencontrés au lancement n’était pas le moindre : s’assurer que tous les acteurs impliqués, des artistes aux opérateurs, disposent de moyens suffisants pour produire des œuvres de qualité dans des conditions adéquates.
Piste transfrontalière Si les opérateurs francophones du projet avaient eu l’occasion d’apprendre à se connaître et à travailler ensemble au temps d’EROS, il était important pour Multipistes que ses acteurs ne se limitent pas seulement à la France, la Belgique et le Luxembourg. Essentiellement tournée à son origine vers la France et la Wallonie (région belge francophone), il est rapidement devenu clair pour les pisteurs que la Grande Région se concentrait, géographiquement parlant, sur le Luxembourg et que, par conséquent, nos voisins allemands se devaient d’intégrer cette initiative, disposant de frontières communes avec deux de ses principaux acteurs. Souvent mise de côté, l’Allemagne offre pourtant des perspectives nouvelles. « Avec nos partenaires allemands, le projet prend pied sur quatre nations, ce qui constitue une zone de chalandise potentielle – c’est le terme approprié quand on parle d’une professionnalisation des artistes s’appuyant sur la performance scénique,
Photos fournies par Multipistes
évidemment, car la structuration et les pratiques du secteur en Allemagne sont foncièrement différentes et les pouvoirs publics ne sont pas aussi sensibles à ces problématiques de soutien aux artistes. De leur côté, ils nous coachent sur le mécénat et nous informent sur les arcanes de leur marché domestique. » Les pistes de travail Multipistes s’articule autour de plusieurs axes principaux de travail parmi lesquels la mise en réseau des différents acteurs d’un projet par le biais de temps d’échanges, d’un espace collaboratif privé, d’une base de données commune et d’un portail internet permettant de suivre l’évolution et l’actualité dudit projet dans sa globalité.
La piste à suivre Il est compliqué de faire un compte-rendu exhaustif d’une telle organisation, c’est pourquoi Karma ne peut que vous inviter, pour conclure, à poursuivre votre lecture en allant faire un tour sur le site du programme, afin d’y découvrir la liste des partenaires et artistes impliqués au sein de l’initiative. La piste est encore fraîche, il est temps de la suivre ! www.multipistes.eu
On trouve également l’accompagnement d’artistes qui se divise en deux sections majeu re s appelé e s la C ouveu s e , que viennent d’intégrer en septembre 2013 les Luxembourgeois de Seed to Tree (voir p. 4) et la Pépinière, où l’on retrouve notamment Mell, Fergessen ou Alex Toucourt. Dans un premier temps, la Couveuse se veut plus académique. Il s’agit d’inculquer aux groupes
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portfolio
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portfolio hiver 2014 karma #6
Vieilles Charrues, le 19.07 Photo : Pierre Hennequin page de droite / haut
THE HIVES
Vieilles Charrues, le 18.07 Photo : Pierre Hennequin page de droite / bas gauche
lou doillon
Vieilles Charrues, le 21.07 Photo : Pierre Hennequin page de droite / bas droite
Nine inch nails Rock en Seine, le 24.08 Photo : Ugo Schimizzi
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indochine
Le Galaxie, le 11.10 Photo : CĂŠdric Mathias page de gauche / bas gauche
black rebel motorcycle club Rock en Seine, le 24.08 Photo : Ugo Schimizzi
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neil young
Vieilles Charrues, le 20.07 Photo : Pierre Hennequin page de droite / haut
PHOENX
Rock en Seine, le 24.08 Photo : Ugo Schimizzi page de droite / bas
Santana
Vieilles Charrues, le 21.07 Photo : Pierre Hennequin magazine
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dossier
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a fameuse crise du disque semble difficilement tourner la page, mais elle est toutefois contrebalancée par le nouveau pouvoir des artistes en live. L’importance des prestations scéniques, que ce soit sous forme de concerts en salle, d’un plein air ou au cours d’un festival, a pris une nouvelle dimension pour les musiciens. étude de cas. par Ugo Schimizzi Une question revient régulièrement, lors de conférences de presse auprès des artistes. En festival, ladite question a même une probabilité supérieure de s’échapper de la bouche d’un journaliste peu inspiré : « alors, quelle différence pour vous entre un festival et votre propre concert ? Lequel préférez-vous ? ». Et les musiciens de répondre, un brin agacés, une variante de ces quelques lignes : « ce sont deux choses différentes pour nous. Lors d’un festival, on a la possibilité de toucher des gens qui ne viendraient pas nous voir autrement. Lors de nos concerts, on est un peu à la maison, face à des passionnés de nos chansons à contenter ! » Les passionnés, justement, constituent une cible privilégiée pour les artistes, prêts à se déplacer aux quatre coins de l’Europe pour apercevoir leur idôle interpréter leur morceau préféré. Et les chiffres dans tout cela ? En France, plusieurs organismes s’occupent de collecter des données concernant le spectacle vivant, mais aussi de récupérer des fonds destinés aux artistes. D’une part la SACEM, chargée de gérer les droits d’auteur et d’autre part, le CNV, Centre National de la chanson des Variétés et du jazz, dont la mission est de soutenir le spectacle vivant de musiques actuelles et de variétés, grâce aux fonds collectés par la taxe sur les spectacles et par leur redistribution sous forme d’aides financières. Jusqu’ici, pas grand chose à voir avec notre problème, me direz-vous. Sauf que la SACEM nous apprend que nous sommes visiblement 80% de français à considérer la musique comme une passion ou un plaisir et même 84% à écouter de la musique chaque jour, sans distinction de style. Ces statistiques sont jusqu’ici peu étonnantes, mais constituent logiquement une donnée importante pour tout organisateur de concert ou de festival qui se respecte. D’ailleurs, le secteur est en tel essor, que les marques s’y intéressent également de très près. C’est ainsi que Digitick, pionnier de la billetterie dématérialisée en France - fondé en 2004 - a également fait appel a un cabinet d’études pour recueillir récemment des données sur les festivals de musique. Résultat : le secteur de la scène représente une réelle manne, tant pour les artistes que pour les labels, tourneurs et même pour les marques.
Photo : Ugo Schimizzi
Un secteur complexe En 2012, on dénombre plus de de 55 000 déclarations auprès du CNV, soit autant de spectacles, au sens le plus large du terme, dans notre beau pays. Ce chiffre inclut, bien sûr, des concerts, des festivals, mais aussi des manifestations se déroulant dans des endroits plus incongrus : parc d’attractions, équipements sportifs ou religieux (comme un concert de black metal dans une église gothique). On notera également que le spectacle vivant regroupe tout à la fois : la musique, les comiques ou encore le bal musette, même si ce dernier se fait plus rare, au grand dam de ma tante Fernande (et quand j’y pense... air connu). Plus sérieusement, les recettes de ce secteur se chiffrent à un peu plus de 650 millions d’euros pour la seule année 2012, soit à peu près autant que l’année précédente. Cette information cache néanmoins une baisse de fréquentation d’une année à l’autre, compensée par une augmentation des prix des billets. Vous n’êtes pas à 10 euros près de toute façon, non ? Il est cependant intéressant de noter que sur ces nombreuses entrées, la moitié a été effectuée dans une salle de spectacles vivants spécialisée musiques actuelles et variétés (c’est la dénomination exacte). Ce qui explique les nombreuses constructions récentes disséminées actuellement dans toute la Lorraine (La Boîte à Musique à Metz, le Gueulard + à Nilvange, le troisième lieu de Thionville pour ne citer qu’eux). En comparaison, les pleins airs, dont les festivals, ne représentent que 8% des entrées, malgré des audiences parfois immenses. En salles, le réseau des Zéniths (au nombre de 17 en 2012), a concentré un dizième de la fréquentation a lui seul. Les représentations de variétés et de musiques actuelles qui ont eu lieu dans lesdits Zéniths ont rassemblé environ 3 500 spectateurs chaque soir, pour un prix moyen hors taxe du billet de 40 euros. étonnament, si l’offre de spectacles est constante tout au long de l’année, on remarque un pic de programmation au cours des mois de mars et octobre/novembre, alors que l’été est une période plus creuse, les salles étant majoritairement fermées. Exception faite bien évidemment des plein airs.
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On peut également s’arrêter un instant sur les chiffres suivants : 60% des représentations comptent moins de 200 entrées. à l’inverse, les spectacles totalisant plus de 1 500 entrées représentent à eux seuls la moitié de la fréquentation globale. Sans surprise, les concerts en stades, lors de pleins airs ou festivals, moins nombreux, attirent donc près de la moitié des audiences. La fréquentation se chiffre alors rapidement a près de 25 000 personnes dans le cas d’un plein air (Rammstein - Zénith de Nancy) ou dix fois plus dans le cas du plus gros festival français : la festival des Vieilles Charrues. Le Stade de France, quant a lui, devient presque aussi coutûmier des concerts que des matchs. En 2012, pas moins de 8 concerts y ont pris place : Madonna, Lady Gaga, Coldplay, Metallica, Red Hot Chili Peppers et 3 dates pour Johnny Hallyday soit près de 500 000 personnes au total, pour 36,7 millions d’euros de recette.
“ Les recettes
des live se chiffrent à plus de 650 millions d’euros ”
Le nombre de concerts programmés par genres, est notamment trusté dans l’hexagone par notre bonne vieille chanson française à hauteur de 20% des représentations totales (Alain Souchon, Hubert-Félix Thiéfaine, Arthur H...), suivi par le jazz (Ibrahim Maalouf en tête, dernièrement programmé au Nancy Jazz Pulsations ou encore Katie Melua et Norah
Jones... ). Dernier à clotûrer le podium, le genre pop-rock et assimilés (à hauteur de 13% Muse et Metallica en tête – à retrouver dans ce numéro – mais aussi Shaka Ponk, Skip the Use, Gossip...). Toutefois, en terme de fréquentation, il est intéressant de noter que les styles « chansons » et « pop-rock » font la course en tête, avec chacun plus de 4 millions d’entrées revendiquées. La musique hip-hop, avec 1,66 millions arrive en troisième place, devançant le jazz (1,62 millions) et la musique électronique (1,14 millions), cette dernière étant en forte progression, là où la chanson est en forte baisse. Regard sur la Lorraine Concernant notre région Lorraine, le CNV nous indique que « après la forte hausse de la billetterie déclarée en 2011, cette région recule fortement en 2012, la deuxième édition du festival Sonisphere à Amnéville, en très forte baisse, y étant pour beaucoup. Mais la baisse est aussi imputable à la réduction de la fréquentation et de la billetterie déclarées au Zénith de Nancy, aux Arènes de Metz ou encore à l’Autre Canal à Nancy ». Il y a fort à parier qu’en 2013, les chiffres remontent, entre les 55 000 entrées du Sonisphere France, les 35 000 personnes totalisées sur les deux pleins airs du Zénith de Nancy ou encore les différents concerts ayant affiché « complets » cette année à l’Autre Canal ! Sans surprise, les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle regroupent plus de 90% du nombre d’entrées réalisées dans la région, la Meuse étant le département le plus à la traîne. Au total, la Lorraine a enregistré 422 500 entrées, soit l’équivalent de 5,2 fois le Stade de France, en somme. // Audience record en 2013 pour le festival Rock en Seine avec 118 000 festivaliers
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// David Guetta est un habitué des plein airs, comme ici au Zénith de Nancy, cet été.
En terme de structures, les salles lorraines se taillent la part du lion avec près de deux tiers des entrées. Pour les styles, concernant uniquement les événements payants, la chanson représente un tiers du total des entrées, suivi par le style pop-rock à et la musique hip-hop. En 2012, la musique électronique ne représentait dans la région que 6% des entrées. Il est certain que ce chiffre a aussi dû bondir en 2013. Le prix du billet par genre est cependant assez intéressant : il vous en coûtera, en moyenne, 37€ pour écouter de la chanson, là où le pop-rock est facturé 28€, le hip-hop 25€ et le jazz 20€. Les prix sont sensiblement les mêmes que dans les autres lieux de France. Par contre, la fréquentation moyenne en Lorraine est une fois et demi supérieure à celle des autres régions de France. La Lorraine est avide de musique. Cocorico ! L’importance des festivals Le poids des festivals varie fortement selon les différents genres. Le jazz et les musiques improvisées ainsi que les musiques du monde ont respectivement 17% et 16% de leurs repré-
sentations qui se sont déroulées dans le cadre d’un festival, ce qui représente globalement un tiers de leurs recettes. Une manne financière certaine pour les artistes. La pop-rock, le hip-hop, le reggae, la chanson et les musiques électroniques, ont une présence en festivals similaire voire inférieure. Ceci étant, la part des recettes dans ce contexte reste faible comparée aux nombreuses programmations de ces styles en salles. Niveau fréquentation, 2012 a vu se réunir près de deux millions de festivaliers, chiffre légèrement en baisse par rapport à 2011. Les Vieilles Charrues ( 244 000 festivaliers ), les Solidays ( 161 000 ) et le Hellfest ( 112 000 ) réalisent les plus grosses audiences, mais connaissent des variations de fréquentation diverses, dues entre autres au choix des têtes d’affiches. à titre d’exemple, les variations de fréquentations du Sonisphere France sur trois ans s’expliquent notamment par le fait que peu de groupes suscitent autant d’intérêt que Metallica, programmé la première année de l’événement dans nos vertes contrées.
Photo : Ugo Schimizzi (page de gauche) / Cédric Mathias (page de droite)
En terme de styles justement, près de 3/4 des festivaliers écoutent de la musique poprock, 75% uniquement pour le rock et 72,% pour l’électro. Les musiques reggae/ragga/dub, hip-hop et funk émergent aussi largement, avec des résultats compris entre 44 et 51%, bien que leurs apparitions en termes de programmation soient bien plus confidentielles, tous événements confondus. À noter que la country n’est écoutée que par 6,6% des festivaliers français (dont mon oncle Roger, adepte du Stetson). Comme le confirme la tendance actuelle, les festivaliers – et certainement les spectateurs en général – écoutent à 85% de la musique sur une plateforme de streaming type Deezer, Spotify, Soundcloud ou Grooveshark et la plupart possède de la musique au format numérique. Le festivalier a une forte propension à chercher deux types d’informations : la programmation et les infos pratiques. Au petit jeu de la programmation, justement, tour d’horizon des artistes les plus souvent présents en festivals pendant l’année 2013. On ne s’étonnera pas de trouver en tête les français de Tryo (voir p.28 ). Avec 27 programmations au compteur, ils devancent de loin deux autres frenchies (Olivia Ruiz - 20 festivals et Woodkid - 19). Derrière : Cali, Wax Tailor et BB Brunes, ex æquo avec Lou Doillon, Lescop et Benjamin Biolay, à raison de 17 programmations. Le premier étranger est Asaf Avidan, avec, lui aussi, 17 festivals au compteur. Qu’en déduire, si ce n’est qu’en France, on aime avant tout programmer nos compatriotes, peut-être aussi pour des questions de coûts en plus d’un intérêt franco-français. Monsieur Montebourg appréciera. Surtout que les vingt premiers artistes de ce classement représentent à eux seuls pas moins de 340 concerts dans les festivals 2013 de l’hexagone. Un chiffre effarant, posant de réelles questions quant à la programmation actuelle et la nécessité de faire venir des artistes permettant aux organisations
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“ La musique
pop-rock a attiré plus de 4 millions de spectateurs en 2012 ”
* Sources
• Chiffre de la diffusion 2012, Centre National de la Chanson des Variétés et du Jazz, septembre 2013, Source CNV - Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz - www.cnv.fr • Chiffre de la diffusion 2012, Eléments clés pour 2012 Lorraine, Centre National de la Chanson des Variétés et du Jazz, septembre 2013, Source CNV - Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz - www.cnv.fr • Etude des Festivals Français, Nielsen - CGA Strategy, octobre 2013, source CGA-Nielsen, en partenariat avec la société Halloween et Digitick. • Les Français et la Musique, SACEM, 2013, source sondage réalisé par Opinion Way pour la SACEM • Odile de P., avec Béguin A. et Bécard T., Infographie : le bilan des festivals d' été 2012 in Telerama.fr, 31 aout 2012, consulté le 10 novembre 2013 • Infoconcert, Festivals 2013 : quels sont les artistes les plus programmés ? in Infoconcert.com, 01 mai 2013, consulté le 8 novembre 2013
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d’atteindre l’équilibre en fin d’exercice. à contrario, il est intéressant de voir que les festivaliers semblent avoir une image bien précise des principaux événements français. Ainsi, là où le festival Solidays est avant tout vu comme « hétéroclite » et « fédérateur », le Hellfest est lui jugé « trop spécialisé » et « pointu » par les amateurs. Pour l’aspect notoriété, les festivals les plus connus restent Rock En Seine, les Eurockéennes et les Solidays, cités par plus de 90% de la population festivalière. Les Vieilles Charrues et le Printemps de Bourges passent également de justesse la barre des 90%, alors que des événements plus ciblés, tels que le Pitchfork ou même le Cabaret Vert restent plus flous pour les afficionados. Stades et pleins airs : place aux privilégiés Si l’on en revient à notre question initiale, force est de constater que les concerts en stades ou en plein air sont rarement évoqués par les artistes. Cette catégorie est en effet réservée à des groupes au succès capable de remplir de telles jauges. Il convient d’ailleurs de souligner la part importante de fréquentation de ce type de représentations, comme on a pu le voir précédemment avec l’exemple du Stade de France. Cette donnée est également mise en avant par Nicolas Marsicano, le directeur du Zénith de Nancy au sujet des plein airs : « Les retombées sont avant tout en terme de fréquentation : le nombre de spectateurs accueillis est maximal sur une date en plein air. à cela s’ajoute des retombées en termes d’image et de notoriété pour la salle, surtout quand l’artiste accueilli est de renommée internationale. » Autres équipements polyvalents d’envergure, les parcs des expositions et palais des congrès jouent également un rôle dans le paysage des lieux de représentation des artistes. à noter que ce type d’événement permet aussi de réunir autour d’une date unique un nombre conséquent de personnes et d’accroître la notoriété d’une salle. « C’est très fédérateur : le rayonnement de la salle prend alors une ampleur nationale, voire internationale. Il ne faut pas oublier que les retours sont également économiques pour le tissu local : les hôtels et restaurants ont un intérêt direct dans de tels événements » précise également monsieur Marsicano. Au petit jeu de savoir si la Lorraine pourra apprécier de nouveaux plein airs du côté de Nancy l’an prochain, le travail semble entamé mais rien ne peut être confirmé à l’heure actuelle. En terme de festivals, l’organisation du Sonisphere France vient tout juste d’annoncer que la petite sauterie n’aura pas lieu en 2014, laissant ainsi les amateurs de metal se rabattre sur un Hellfest qui s’annonce sous les meilleures auspices. Qu’à cela ne tienne, 2014 est déjà bien chargée pour les salles de concerts, que ce soit en Lorraine ou dans le reste de la France. Certaines dates affichent complet depuis plusieurs semaines et les gros noms, tels que Stromae ou Shaka Ponk se taillent encore la part du lion. Quand on vous dit que les lorrains ont un réel amour pour la musique et ont tendance à remplir les salles de concert plus vite qu’ailleurs !
focus sur les festivaliers L’espèce en voie de développement qu’est le festivalier vit dans un milieu hostile. Raison pour laquelle il ne se déplace jamais sans quelques accessoires indispensables. Revue de détail.
le festivalier en quelques chiffres...
65 %
des festivaliers se disent exigeants musicalement
budget moyen d'un festivalier par jour
2,60
est son prix idéal d'une bière en festival
+ kit de survie idéal du festivalier +
73,2% emportent une
74,8% emportent un
64,6%
16,1%
bouteille d'eau
emportent un programme des différents concerts
Infographie : Guillaume Hann
sandwich
emportent un accessoire décalé
65.2% emportent de la bière
1,8 %
emportent de quoi réaliser une jolie banderole
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angleterrre
interview
editors nouvelle formule
propos recueillis par Manuella Binet
Passé tout près de l'implosion alors qu'il perdait l'un de ses membres fondateurs en 2012, le groupe britannique Editors est revenu en juin dernier, avec deux nouveaux musiciens, mais surtout un quatrième album, The Weight of Your Love. En pleine tournée européenne et juste avant leur date à la Rockhal le 22 octobre, Russell Leetch, le bassiste de la formation de Birmingham a répondu à nos questions. > Comment peut-on définir la musique du groupe ? On aime le côté dramatique de notre musique, cette densité qui donne une couleur un peu sombre. Nous écrivons des chansons en mettant l’accent sur les mélodies, sans jamais aller trop loin dans le bruit, le grandiloquent. Il faut que la chanson respire, qu’elle dégage quelque chose, sans la surcharger. C’est finalement ce que nous apprécions : que cela reste simple.
un son plus rock. Mais oui, peut-être qu’on reviendra à ce qu’on a pu faire auparavant. Je ne sais pas quand on se mettra à travailler sur notre prochain disque, ça ne se fera sans doute que dans quelques années... C’est vrai qu’on aimerait retravailler certaines sonorités électro.
“ Nous avons
voulait vraiment le finir. Nous avons donc plutôt cherché des solutions dans ce sens, qui ont conduit à l’arrivée de Justin Lockey à la guitare et Elliot Williams aux claviers. > Est-ce que vous avez pensé à changer de nom et créer un nouveau groupe quand Chris est parti ? Oui. En nous rejoignant, les deux nouveaux membres d’Editors ont en quelque sorte transformé la formation en un nouveau groupe. Mais on a souhaité garder notre nom. On y tenait vraiment.
demandé à Chris de partir ”
> Après le succès de vos deux premiers albums, y a-t-il une forme de pression quand vous sortez un nouvel opus ? Pas tant que ça. C’est vrai que les deux premiers albums ont bien marché, on a été un groupe populaire à un moment, mais les choses ont changé. Nos chansons ne sont plus très jouées en radio, sans doute parce qu’on est là depuis plusieurs années. > Vous avez essayé des sons plus électro sur In this Light and on this Evening. Est-ce que c’est un style que vous avez toujours envie de travailler ? Sur le dernier album, on s’est justement éloigné de l’électro, on est revenu à
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> Avant de réaliser The Weight of Your Love, Chris Urbanowicz (guitariste de la formation depuis ses débuts) a quitté le groupe. Est-ce que ce départ a remis en cause l’existence même de Editors ? Nous lui avons demandé de partir. Ce n’était pas une décision facile. Cependant pour que le groupe puisse continuer à exister et qu’on puisse continuer à faire de la musique, il fallait faire quelque chose. On n’a pas vraiment pensé à tout arrêter, notamment parce qu’on avait commencé à travailler sur notre nouvel album et on
> Ce nouvel album a surtout été enregistré aux Blackburn Studios de Nashville. Pourquoi ce choix ? On a toujours voulu enregistrer aux étatsUnis. Quand on a su que Jacquire King ( producteur des Kings of Leon, ndlr ) voulait bosser avec nous, on a décidé d’y aller. Il travaille là-bas et c’est un super endroit pour écrire de la musique. On s’est dit que ce serait une bonne idée. > Y a-t-il eu des changements depuis l’arrivée de Justin et Elliot ? Ils sont nouveaux donc ils apportent leurs propres idées, particulièrement sur les
chansons. Ils jouent à leur façon et c’est assez différent de ce que Chris pouvait faire. ça donne un coup de frais à ce que nous avions l’habitude de proposer. > Il y a quelques années, vous avez assuré les premières parties de Franz Ferdinand ( en interview p.22) sur leur tournée européenne. Qu’avez-vous appris à leurs côtés ? Franz Ferdinand est un super groupe ! Ils sont très bons sur scène et savent vraiment faire bouger les foules. Je pense qu’on a pas mal appris avec eux. Nous n’avions jamais fait de premières parties avant ces dates. On y a pris beaucoup de plaisir. > On peut noter quelques similitudes entre Franz Ferdinand et Editors. Outre vos dates de création proches, vous avez tous les deux sorti votre quatrième album il y a quelques mois. D’autres points de comparaison ? En fait, je pense qu’on est deux groupes assez différents. Par exemple, ils prennent plus de temps entre leurs productions et ils ont un leader. Sur un plan comptable, on a effectivement sorti quatre albums et eux aussi. C’est toujours bien, même si c'est assez rare, que des groupes durent comme ça. > Il y a un réel univers visuel autour d'Editors, notamment au niveau des pochettes. Quel est votre rapport aux arts graphiques en général ? Nous avons beaucoup d’intérêt pour l’art. On aime prendre le temps de contempler des œuvres. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui sont reliées à la musique, comme l’art, le design ou encore la mode... Tous ces domaines nous intéressent forcément et nous inspirent dans notre travail. > Pour finir, notre question rituelle : plutôt Beatles ou Rolling Stones ? Les Beatles ! Parce que leur son est plus reconnaissable et qu’ils ont vraiment expérimenté beaucoup de choses musicalement. Même si j'aime beaucoup les Rolling Stones, qu’on a eu la chance de voir sur scène à Glastonbury cette année. < Editors, The Weight of Your Love, 2013, [PIAS] Recordings
Photo : Ugo Schimizzi
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ĂŠcosse
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franz ferdinand quatre garçons dans le vent
propos recueillis par Manuella Binet
Après quatre ans d'absence, Franz Ferdinand est revenu en force à la rentrée avec un quatrième album, Right Thoughts, Right Words, Right Action, enthousiaste et entraînant. Alors que le groupe originaire de Glasgow sera en tournée et de passage en France en mars prochain, Bob Hardy, le bassiste du groupe, a répondu à nos questions, tout en bonne humeur. > Avez-vous ressenti l’attente des fans avant la sortie de votre nouvel album, Right Thoughts, Right Words, Right Action, quatre années après le dernier en date ? Bob Hardy : Pas vraiment en fait ! Enfin, je pense qu’on a eu moins de pression pour cet album qu’on a pu en avoir par le passé. On l’a enregistré dans de très bonnes conditions, sa réalisation a été très agréable, mais le fait que les gens soient enthousiastes à l’idée de l’écouter n'a pas changé quoi que ce soit pour nous. On remarque cependant son succès en live.
ils peuvent dire quelque chose qui peut te déranger. Ça peut t’affecter si tu crois à ces critiques. Pour éviter cela, on préfère ne pas s’en préoccuper et faire confiance à notre propre jugement.
> Les critiques ont été très bonnes concernant cet opus alors qu’elles avaient été très dures avec Tonight, il y a 4 ans. Faites-vous attention à ce genre de détails ? Non pas tellement. Les gens ont toujours quelque chose à dire sur ce que tu fais de toute façon. Je pense que si tu commences à faire attention aux critiques, tu deviens un peu paralysé. Tu as peur de faire quoi que ce soit. Pour n’importe quelle raison,
> Vous avez dit que le groupe avait frôlé la séparation avant de réaliser ce quatrième album. Vous y pensez toujours ? On n’a jamais... Enfin, on n’a pas vraiment parlé de dissoudre le groupe. C’est surtout qu’on était toujours dans l’urgence de faire un album. à ce moment-là, on ne prenait plus vraiment de plaisir à jouer l’album en live. Mais, je le répète, on n’a pas vraiment voulu s’arrêter complètement.
> Il semble y avoir une vraie complicité entre vous quatre. Notamment sur les photos que vous postez sur les réseaux sociaux... Tu as raison et c’est d'ailleurs pour ça qu’on a fondé Franz Ferdinand, parce qu’on était amis ! Il n'y avait pas vraiment d’autres raisons. Nous sommes très proches, oui. On joue ensemble, donc on passe beaucoup de temps ensemble, forcément.
“ C'est vraiment
agréable d'avoir son propre show ”
Photo : Ugo Schimizzi
> Vous répondez beaucoup aux questions des fans sur twitter. Est-ce pour vous un moyen de rester proches d'eux ? Oui ! C’est super, j’adore ça ! C’est une connexion directe avec les amoureux de musique du monde entier. C’est tellement instantané, j’aime beaucoup y passer du temps. J’espère d’ailleurs qu’ils apprécient cela autant que nous. Twitter nous donne un petit aperçu de ce que les gens pensent. Parfois, certains nous demandent de jouer des chansons, posent des questions à propos des concerts ou des choses comme ça. C’est sympa. (suite p.24)
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> Pourquoi avez-vous accepté que certaines de vos chansons, comme Evil Eye, soient utilisées dans des spots de pub ? Je trouve que ce n’est pas vraiment différent d’un passage en radio, finalement. Les façons d’écouter la musique ont changé. Tout le monde peut écouter des chansons
> Avez-vous noté des particularités chez vos fans français ? Les fans français sont supers, même fantastiques ! C’est l’un de nos publics préférés, vraiment. Je pense que c’est parce que les Français, enfin la France en général, a pris une énorme part dans
importe la fatigue qu’on peut ressentir ce jour-là, elle ne doit pas se voir. Ce serait vraiment difficile d’être tous présents sur scène, face à une foule de spectateurs motivés et venus pour nous voir et de se retrouver sans aucune énergie à partager avec eux.
“ On ne prenait plus vraiment de plaisir à jouer l'album en live ”
sur des supports variés, plus seulement à la radio. Il y a internet, les plateformes musicales, les blogs et tout ça. Je pense que la télévision n’est qu’un moyen de plus de toucher les gens. > Jouerez-vous dans des festivals français l’été prochain ? Je suis sûr qu’on en fera, oui ! Je ne sais pas encore lesquels, mais on en fait quelquesuns chaque année et on aime ça. Notre public aussi je pense. > Jouer en festival, cela vous semble-t-il vraiment différent d’un concert en salle ? Ce ne sont pas les mêmes sensations. Généralement, au début de l’été, c’est plutôt « noble » de faire des festivals et tu te dis : « Oh c’est cool, on joue dans tel ou tel festival ! ». Une fois cette saison terminée, quand tu t’apprêtes à jouer tes propres concerts, que ça commence, tu te rends compte que c’est vraiment agréable aussi d’avoir ton propre show. Les sensations ont tendance à changer et c’est plutôt jouissif de pouvoir vivre les deux. Moi, en tout cas, j’aime vraiment ces deux formats, mais pour des raisons différentes.
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la culture au cours des siècles. J’ai souvent l’impression que tout le monde en France a un intérêt pour la culture, et ça, tu ne le retrouves pas dans tous les pays du monde. On dirait que les gens gardent toujours un œil sur ce qui se passe d’un point de vue artistique, bien plus que dans d’autres pays.
> Justement, vous êtes considérés comme un très bon groupe de scène, pourtant vous n’avez jamais sorti d’album live. Est-ce qu'il pourrait y en avoir un prochainement ? Sur une des deux versions de l’album Right Thoughts, Right Words, Right Action, il y a un deuxième CD avec des versions live des chansons !
> Vous jouerez au Zénith de Nancy en mars prochain. Alex (le chanteur du groupe) et Nick (le guitariste/clavieriste) parlent français je crois... Oui un peu (rires). En tout cas, bien mieux que moi !
> C’est vrai, mais ces chansons n’ont pas été enregistrées en public, ni lors d’un concert... C’est juste. Je ne sais pas en fait, on n’y a jamais vraiment pensé. Et puis, on peut déjà trouver des vidéos de nos titres que les gens ont filmé lors de nos concerts sur internet... Ça pourrait se faire. Ce n’est pas prévu pour l’instant, mais il ne faut jamais dire jamais. > Pourquoi êtes-vous le seul membre du groupe à ne pas chanter les chœurs ? En fait, je le faisais auparavant et puis notre ingénieur du son m’a dit qu’il y avait trop de micros sur scène (rires). D’accord, je ne suis pas un très bon chanteur, je dois bien l’admettre. Je pense que ça doit être la raison principale.
> … mais connaissez-vous un peu l’est de la France et Nancy en particulier ? Je ne crois pas qu’on ait déjà joué à Nancy, donc ce sera une première pour nous, c’est plutôt excitant. On a déjà fait des concerts dans pas mal d’endroits en France, donc c’est motivant d’aller dans de nouveaux lieux. > Vous êtes très énergiques sur scène. Estce que vous vous sentez fatigués parfois ? Non ! Je pense que, quand on est en concert, et qu’on a le public en face de nous, peu
Photo : Ugo Schimizzi
> Quels groupes écoutes-tu en ce moment ? En ce moment, j’aime beaucoup un groupe qui s’appelle Parquet Courts. C'est une formation américaine, qui vient de Brooklyn, je crois. Et sinon... Ah oui Savages ! Je suis un grand fan de Savages. > Et dernière question... Plutôt Beatles ou Rolling Stones ? Je suis un « Beatlesman ». Je crois que c’est parce qu’ils viennent du nord de l’Angleterre, comme moi. Comme ils ont arrêté d’écrire de la musique dès 1969, ils ne pourront jamais me décevoir, puisque j’aime absolument tout ce qu’ils ont produit avant. <
> Tous les quatre, vous venez du monde artistique de Glasgow, puisque vous vous êtes rencontrés à l’école des Beaux-Arts de la ville. Quelle est votre relation aux arts aujourd’hui ? On s’intéresse tous les quatre à des domaines artistiques différents : culture, peinture, art pictural, théâtre et j’en passe. On aime tous ce genre de choses.
> Justement, il y a des références artistiques dans certains de vos clips. Est-ce votre façon de promouvoir l’art ? Je pense que ce sont surtout des références ou des clins d’œil à nos centres d’intérêt. On s’inspire plus ou moins de tout ce qui nous entoure pour nos clips, de l’art visuel, de films... Rien ne vient vraiment de nous, mais on prend des idées d’un peu partout.
Franz Ferdinand, Right Thoughts, Right Words, Right Action, 2013, Domino Records
états-unis
metal
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trivium L’album de la vengeance
propos recueillis par Guillaume Hann & par Ugo Schimizzi
Déjà annoncé pour 2014 sur la mainstage du festival-qui-fait-peur-à-Christine-Boutin, Trivium vient tout juste de sortir un nouvel opus, Vengeance Falls, après le très bon album In Waves. Interview avec Paolo Gregoletto, bassiste de la formation et amoureux des chats, qui nous parle de cet album et de la tournée à venir. suivant. On l’a effectivement ressenti avec In Waves, nous allons voir si Vengeance Falls saura le leur faire oublier.
> Pour commencer, pouvez-vous nous parler de votre nouvel album, Vengeance Falls, sorti en octobre 2013 ? Vengeance Falls est un peu un ensemble de tout ce qu’on a pu faire durant ces différentes années de carrière. Nous avons puisé dans toutes les influences de chacun des membres du groupe, pour les transformer en nos propres compositions. Mais on a également essayé d’aller plus loin. C’est aussi une espèce de compilation réfléchie de tout ce qu’on avait fait au cours de nos différents albums qui a abouti à la création de ce nouvel opus.
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> Vis à vis des fans, n’avez-vous pas eu une sorte de pression, surtout après la sortie du très bon In Waves ? En fait, je dois dire que c’est le cas pour chaque album. On s’était posés le même genre de question lors de la sortie en 2005 de Ascendancy. Le problème est le même à chaque fois. Il s’agit de s’affranchir du précédent, ce qui est particulièrement difficile. Une fois que les fans ont décidé qu’un disque était très bon, ce n’est pas évident de les faire s’en détacher et de leur montrer que l’on peut faire mieux avec le
> à part une date au Hellfest, il n’y a pas encore de concert de Trivium prévu en France pour 2014. Cela va-t-il changer dans les prochaines semaines ? On a commencé à booker notre tournée européenne autour de la période des festivals. On va faire de nouveaux shows, dont au moins une date à Paris. Mais on aimerait pouvoir se déplacer en France. Ça fait longtemps qu’on y pense, vu qu’on n’a pas vraiment eu l’occasion de le faire récemment. On a envie de tourner dans le reste du pays. Il y aura donc, peut-être, une date dans une autre ville. On cherche vraiment à monter un plan de ce genre. > Pour en revenir à l’album, pourquoi avoir choisi cette thématique de la vengeance ? A vrai dire, c’est surtout Matt (Heafy, chanteur et guitariste du groupe ndlr) qui s’occupe des paroles. Il avait en tête de parler de ces gens qui s’en sortent toujours, quelle que soit leur vision du monde. Ce n’est donc pas un album directement centré sur la vengeance, mais plus sur les luttes intérieures que chacun peut ressentir entre ses convictions et ses choix pour s’en sortir.
> Qu’en est-il du choix de la pochette, très futuriste ? Le visuel nous a particulièrement étonnés, mais dans le bon sens. Brent White, le designer qui s’occupait également auparavant du graphisme de nos t-shirts, a été en possession assez rapidement des démos et des paroles. Il a travaillé dans son coin pendant tout le processus de composition et d’enregistrement de l’album. En définitive, on ne savait pas vraiment où il allait. On a été très surpris, mais en même temps on a trouvé ça cool qu’il nous propose ce visuel de science-fiction. Ça correspondait finalement assez bien à ce qu’on voulait. > David Draiman, chanteur de Disturbed (groupe de metal majeur des années 2000), s’est chargé de la production de cet album. Quels apports pour Trivium ? David a vraiment fixé son attention sur les chansons. Il a notamment beaucoup travaillé avec Matt, à la fois sur l’écriture mais aussi d’un point de vue vocal. Il a pu lui expliquer et développer des techniques de chant spécifiques à sa voix. Je sais que Matt a, par exemple, pu améliorer ses façons de crier. David est un très bon pédagogue. On travaillait de 10h du matin à 10h du soir. On voulait essayer différentes choses, mettre le chant en avant tout en créant un réel équilibre avec les instruments. > Quand on analyse la richesse musicale de Trivium, on sent des influences plus larges que le metal. Est-ce bien le cas ? « Oh yeah ! ». J’aime particulièrement le rock. Pour moi, les groupes d’avant, ceux de l’ancienne génération, jouaient simplement du blues de manière plus heavy. Dans la nouvelle génération, dont Trivium fait partie, il y a un maximum d’influences mixées, ce qui est encore plus cool. Les groupes de metal et hardcore devraient énormément s’inspirer des vieux groupes. Iron Maiden et d’autres formations de cette époque ont tous encore des choses à nous apprendre. Mais pas besoin de se cantonner à un style. > Vous êtes particulièrement productifs, enchaînant la sortie d’un album puis d’une tournée depuis plusieurs années. N’avez-vous pas besoin de faire une pause à un moment donné ? Nous devons tourner pour rendre tout ça possible. Bien sûr, il y a beaucoup de choses qui se superposent dans la vie d’un groupe. Pour Vengeance Falls, on avait vraiment besoin d’écrire cet album sur la route, de travailler juste après avoir fait un concert. Je pense que ce sera différent sur le prochain, mais là on avait besoin de faire ça de cette manière. On l’a fait parce que c’était compliqué de s’organiser pour enregistrer. Cela ne s’est pas passé ainsi parce qu’on était spécialement inspirés à ce moment-là, mais plutôt parce qu’on savait que le planning allait être assez compliqué sur cette période.
Photo : Ugo Schimizzi
> On a pu voir de nombreuses photos de chats sur votre compte Twitter. Quel est votre rapport aux réseaux sociaux d’un point de vue personnel et pour la promo du groupe ? Aujourd’hui, il y a une vraie attente de la part des fans à ce niveau. On ne peut pas se contenter d’utiliser les réseaux sociaux pour vendre des t-shirts et annoncer des dates de concert. Il doit y avoir plus que ça. Ça touche évidemment un minimum à la vie privée des membres du groupe. Notamment concernant mon chat, qui de toute manière est plus populaire que moi (rires) ! Je choisis ce que je veux montrer, pour qu’il y ait une interaction et aller au-delà d’un échange marchand, mais c’est à chacun de fixer ses limites. > Vous dites être très fans de groupes comme Iron Maiden ou Metallica. Vous vous voyez accéder à leur popularité dans 20 ans ? Ce qui est incroyable avec de pareils groupes, c’est qu’ils avaient une vision à long terme de leur carrière. Ils savaient ce qu’ils voulaient et n’en démordaient pas. C’est le seul moyen d’arriver à ce niveau-là. évidemment, pouvoir continuer à faire vivre et développer Trivium sur la durée, c’est ce qui nous intéresse. Nous cherchons à atteindre ce but. Le niveau de Iron Maiden ou Metallica, mais aussi la connexion de leur musique avec leur public. Ce processus est vraiment dur. Ils étaient certains de ce qu’ils voulaient et faisaient, c’est pour ça qu’ils durent depuis si longtemps. > Certains des lecteurs du magazine n’écoutent pas particulièrement de metal. Que leur diriez-vous pour les inciter à écouter le groupe ? Donnez-nous une chance et gardez un esprit ouvert. Beaucoup de gens aiment d’autres styles de musique, il ne faut pas s’arrêter à ce qu’on pense d’un groupe. En live, on est vraiment des gens funs à voir. En tant que fan de musique, j’ai toujours accroché aux artistes capables de faire ce genre de choses en concert, indépendamment de leur style. > Enfin, notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Beatles ! Sans hésiter ! Ils ont eu un succès si fulgurant auprès du public et ont accompli de grandes choses. Surtout, même si la reconnaissance est arrivée très vite, ils ne se sont pas cantonnés à leur simple pop de départ. Ils ont cultivé leur musique jusqu’à devenir un groupe progressif et parvenir à une réelle maturité. Il y a eu une évolution jusqu’au bout. < Trivium, Vengeance Falls, 2013, Roadrunner Records
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France
reggae
interview
tryo C’est du roots man !
propos recueillis par Ugo Schimizzi
Tryo est multi-générationnel. Tryo est proche de Greenpeace et de la terre. Tryo a un public fervent et des valeurs à défendre. Tryo était au Bal des Petits Hommes Verts en Alsace en juillet 2013. Guizmo – chanteur et guitariste – et Danielito – percussionniste – n’ont pas été avares en paroles ! Dans un style bien particulier, Tryo, dont l’aventure commençait en banlieue parisienne à trois en 1995, a su imposer des rythmes dansants avec des paroles engagées et une vision du monde bien à lui. Le quatuor, rejoint par Daniel Bravo – dit Danielito – un an après sa création, a connu tous les formats de concerts en près de vingt ans de carrière. Tournée des zéniths, têtes d’affiches de festivals comme le Paléo en Suisse, la formation jouit d’un fort succès de la part du public francophone comme on a pu le constater cette année lors de leur venue aux Solidays, rameutant toute la population festivalière de la plaine de Longchamp. Alors forcément, quand l’équipe du Bal des Petits Hommes Verts – feu le festival Lez’Arts Scéniques à Sélestat – propose aux journalistes présents une conférence de presse avec deux des membres du groupe, tout le monde accourt. Cette conférence est aussi l’occasion de voir refleurir certaines questions dont le petit journal se délecterait. Faciles, incongrues ou aux réponses sans appel, certaines des interrogations de nos collègues ont bien fait marrer Tryo… Petit medley, à l’image de celui proposé par la formation
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en live et basé sur leur premier album, Mamagubida. Concernant le choix de la date à Sélestat, la tristesse fut grande d’apprendre que « non, nous ne sommes pas venus pour la rivière, on nous a simplement invités ». Difficile aussi de croire que le groupe n’est pas fichu de trouver son « meilleur souvenir en 18 ans
“ Le Japon ? On y va à la nage ! ”
de carrière ». Danielito en profitera tout de même pour citer, en guise de souvenir, sa soirée de la veille : la grande scène du Paléo Festival, juste après Carlos Santana. Excusez du peu. L’éternelle question des inspirations des artistes – que nous nous plaisons aussi à poser parfois, aucun rédacteur n’est parfait – a surtout recueilli une information relative aux avantages de la bouteille, de la part d’un Danielito, « extrêmiste chilien émigré » (de sa propre définition) peu avare en blagues diverses. On est également, une éternelle nouvelle
fois, revenus sur le titre de leur album, Ladilafé, en référence à la découvreuse de talents Patricia Bonneteaud et de son label. Une grande dame, « fée protectrice » du groupe, malheureusement décédée trop tôt d’un cancer, lors de l’écriture de cet opus, début 2012. Sur ce point, hommage réussi, Tryo emmène, à chaque étape de son voyage, son amie de toujours et avec elle son combat et tout son amour pour la musique. Les quelques minutes lui étant dédiées durant le concert grâce à la chanson éponyme, ont été belles, tout simplement. Bien sûr, avec Tryo, on aborde les sujets écolos. Le groupe clame, depuis ses débuts, son intérêt pour cette cause, comme dans L’hymne de nos Campagnes. Guizmo précise : « on était babacools, on habitait dans des tipis, on faisait notre fromage nous-même ». Mais la gravité les rattrape à mesure que les albums défilent, comme dans la chanson Greenwashing. Sur ce grand sujet, le combat commence à peine et ils ne manquent pas d’y revenir longuement, avec passion. Toujours en guerre contre Total, Guizmo nous parle aussi d’Areva également appelé Cogema il y a encore quelques années – et de ses entreprises
Photo : Juliette Delvienne
d’exploitation d’uranium au Niger. Les mots ne sont évidemment pas tendres. C’est aussi le cas concernant le nucléaire français. « C’est un des grands combats de Greenpeace et de Tryo. Je pense qu’il faut passer à autre chose. » Parler de musique, avec ces quatre-là, c’est forcément parler d’engagement. à ce sujet, les concernant, lesdits babacools ont réf léchi à la question. Réalisation d’un bilan carbone de leurs tournées, réduction des émissions à tous les niveaux possibles, mise en place de gobelets recyclables, notamment lors de leur imposant tour à travers les grandes salles de France et meilleur calcul de leur roading pour éviter les kilomètres superflus. Tryo assure faire son maximum, sans se faire récupérer ni promouvoir aucune marque, en dehors de leur aide à Greenpeace. On ne peut s’empêcher de les narguer sur leur tournée au Japon réalisée fin novembre 2013 en compagnie de Tété. « On y va à la nage ! » se marre Danielito. Plus sérieusement, un label a voulu sortir leur nouvel album dans le pays. Le percussionniste y voit d’ailleurs une bonne opportunité pour embrayer encore sur leur sujet de prédilection : « l’écologie, c’est un vrai dilemme. Quelque part, les Japonais comptaient aussi sur nous durant les interviews pour faire passer des messages, parce qu’ils n’ont pas la possibilité de dire tout ce qu’ils pensent. » Guizmo nous précise d’ailleurs que le groupe ne serait pas rentré aussi facilement dans ce pays quelques années auparavant, justement à cause de leurs engagements militants pour l’écologie. Avides de découvertes et de rencontres, moteurs de leur motivation, les musiciens espèrent encore pouvoir jouer sur de nombreuses nouvelles scènes, histoire de développer, à leur niveau, une liberté d’expression en berne dans de nombreux endroits du globe. < Tryo, Ladilafé, 2012, Columbia Records
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Danemark
hard rock
interview
volbeat Une gorgée de rockabilly
propos recueillis par Nathalie Barbosa
Originaire de Copenhague (Danemark), Volbeat a sorti son premier album en 2005 et a connu un succès fulgurant en Scandinavie puis dans toute l’Europe, notamment en Allemagne où le groupe est régulièrement disque de platine. Depuis leur tournée US de 2009 en première partie de Metallica, le quatuor connaît aussi un succès croissant en Amérique du Nord. Après avoir rempli en novembre 2011 la salle parisienne du Bataclan plusieurs semaines à l’avance et fait la une du magazine Rock Hard en mars 2013, le gang de Michael Poulsen est bel et bien décidé à s’imposer en France. à l’image de leur prestation exemplaire au Hellfest et aussi au Rock a Field (Luxembourg) en 2013, c’est donc sur scène que Volbeat sait faire parler la poudre ! Jon Larsen, le batteur du groupe, nous a accordé quelques minutes de son temps.
> Pourrais-tu nous expliquer l’histoire de cette couverture et de ce titre un peu énigmatique ? Vous vouliez rendre hommage aux westerns ? Oui et non. Je pense que l’idée d’un personnage un peu sombre est celle de Michael Poulsen, car il a toujours des idées
enthousiastes à l’idée d’enregistrer un clip vidéo et on avait déjà fait un clip plutôt conventionnel pour le premier single de cet album, appelé Cape of our Hero. Pour moi, c’est vraiment le truc le plus ennuyeux du monde. Je ne comprendrai vraiment jamais les acteurs qui aiment être dirigés. Quand on nous l’a proposé, on s’est dit « pourquoi pas ? », comme on vou lait essayer quelque chose de nouveau, ça tombait bien.
“ Faire un clip
vidéo est le truc le plus ennuyeux au monde ”
> J’ai votre dernier album sous les yeux qui s’appelle Outlaw Gentlemen & Shady Ladies. Je vois effectivement le « Outlaw Gentleman » sur la couverture, mais où sont les « Shady Ladies » (dames louches ndlr) ? Elles sont dans le livret qui accompagne le CD. Dans mes souvenirs, je sais qu’il y a au moins une « Shady Lady » dans le booklet. Elles sont aussi dans nos chansons. Je pense notamment à la chanson Lola Montez, qui parle d’une femme tentatrice représentant le péché à elle toute seule et dansant pour attirer les hommes dans sa toile.
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un peu sombres. Il doit lui-même vivre dans un monde un peu sombre, en fait (rires) ! Ensuite, la couverture va bien avec nos titres et avec nos personnages dans les chansons comme dans Room 24 ou Doc Holliday. > Le titre The Hangman's Body Count a bénéficié d’un très beau travail de dessins animés pour son clip. Pourquoi ce choix ? C’était une idée de notre maison de disques. Et puis on n’était pas vraiment
> Sur votre album, il y a des titres calibrés pour la radio, mais aussi d’autres plus hard avec des riffs accrocheurs. Avez-vous voulu capter le public le plus large possible ? Je pense qu’on peut dire qu’on l’a fait volontairement. Mais pas vraiment avec cette idée de vouloir ratisser large. Notre envie était plutôt de rester fidèles à la musique que nous avons toujours faite. Cela fait partie de notre façon d’écrire, d’ailleurs. Nous composons parfois des chansons plutôt mélodiques et d’autres plus péchues. En somme, cette volonté répond avant tout à l’esprit du groupe, cela fait partie de notre identité.
> Vous avez joué récemment au Rock A Field au Luxembourg, mais aussi au Hellfest fin juin. Une expérience à réitérer ? Absolument ! Le Hellfest était vraiment incroyable. On était d’autant plus surpris car on était en tête d’affiche le dernier jour du festival. Donc, oui, c’était vraiment très cool. > Est-ce que le Hellfest était un coup stratégique pour conquérir la France ? Vos titres ne sont pas encore montés très hauts dans nos classements… Je pense que oui. Les festivals sont de très bons moyens pour implanter des groupes pas très connus dans différents pays. D’autant que la France est, à mon sens, un pays très dur à conquérir pour un groupe de rock danois comme nous, qui en plus chante en anglais (rires) ! > Quels sont vos habitudes avant de monter sur scène ? On a quelques petites habitudes, mais je pense que c’est plus de l’ordre de l’inconscient en fait. On s’échauffe, on s’étire, on parle du show et de la setlist, notamment afin d’évoquer des changements au niveau de l’ordre des chansons. Puis, on se souhaite à tous de passer un bon moment sur scène. Je ne suis pas superstitieux et je ne m’habille pas dans un ordre bien précis. En résumé, je ne suis pas du style à tomber en syncope si je mets ma chaussure gauche avant la chaussure droite au lieu de l’inverse ! > Enfin pour terminer, la question rituelle de Karma : préfères-tu les Beatles ou les Rolling Stones ? Cette question est très très dure ! J’aime beaucoup les deux, car c’est mon père qui me les a fait découvrir au moment où je commençais à aimer la musique. Si je dois faire un choix, je pense que je prendrais les Beatles. C’est le plus grand groupe au monde. Tout comme Elvis est, pour moi, le plus grand showman et il n’y en aura jamais d’autre. < Volbeat, Outlaw Gentlemen & Shady Ladies, 2013, Mercury records
Photo : Ugo Schimizzi
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suisse
chanson
interview
sophie hunger Suisse romantique
propos recueillis par Ugo Schimizzi
Sophie Hunger était pour la seconde fois en concert au Nancy Jazz Pulsations, après une prestation remarquée en 2009 à la Salle Poirel, en ouverture de Brigitte Fontaine. Rencontre avec une jeune trentenaire venue de Suisse, l’esprit dédié à la musique, avec déjà quatre albums à son actif. > Bonjour Sophie, vous faites actuellement lors de cette tournée la promotion de votre quatrième album, sorti l’an passé. Peut-on en parler un peu ? C’est un peu difficile pour moi de revenir sur l’écriture de cet album. J’ai, depuis, joué presque 150 dates. Je ne sais plus très bien comment sonnent les chansons sur les enregistrements. Il a été réalisé entre la France, la Suisse, Montréal et les états-Unis, avec beaucoup de musiciens. Cela m’a donné la possibilité de jouer avec des personnes différentes, de varier les points de vue et surtout d’acquérir de l’expérience, d’autres manières de faire. Je suis encore jeune, je voulais essayer autre chose. Cela m’a aussi aidé pour chanter et jouer mieux, pour écrire de meilleurs textes. > Vous dites que les chansons ont évolué au fil des concerts. Dans quel sens ? Cela tient à notre philosophie, en tant que musiciens. Nous ne faisons pas du jazz, mais nous avons un état d’esprit similaire à ce style, dans le sens où chaque soirée est composée de morceaux, dont certaines parties sont écrites et d’autres totalement
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libres. Les choses changent naturellement au cœur des chansons avec cette part d’improvisation. Il y a des soirs où émergent des moments magnifiques, c’est ce que nous cherchons. Je n’aime pas vraiment les répétitions, je leur préfère l’instantanéité des concerts ! > Vous préférez donc le live aux répétitions. Comment se passent vos phases de création de nouvelles chansons ? J’ai pour le moment une approche assez classique de l’écriture de mes morceaux pour chaque album. Mais, il est vrai que j’aimerais inverser ce système d’écriture. Pour moi, il faudrait écrire des ébauches de compositions, simplement la trame, une maquette, pour que les gens puissent se préparer à les entendre en concert, peut-être apprendre les paroles. Puis, il faudrait jouer 150 dates en faisant évoluer chaque titre. Après, seulement, viendrait le moment de réaliser l’album ! Ce serait l’idéal. Aujourd’hui, les modèles établis font que nous devons faire l’inverse, c’est ainsi. Dans 10 ans, je pense que plus personne ne voudra travailler de cette manière. Dans
quelques mois, je vais ressortir mon disque, mais en version live. Pour moi, il s’agit d’une nouvelle création. > Vos musiques ont également eu l’occasion d’apparaître dans les B.O. de plusieurs films, comme Der Freund ou Zimmer 202 avec votre groupe Fisher. Est-ce un type d’écriture que vous souhaiteriez développer ? La plupart de ces apparitions sont en fait des morceaux déjà écrits au préalable par le groupe. Je n’ai pas le droit de dire que je fais de la musique pour des films. Ce n’est pas mon métier. Ce n’est pas vraiment un mensonge, mais c’est un peu tricher tout de même, je ne me sens pas légitime. Surtout, ça ne m’intéresse pas de composer pour le cinéma. Dans ma liste de priorités, je place vraiment cette idée tout à la fin. écrire la B.O. d’un film, c’est avant tout réaliser une commande, pour quelqu’un qui est en général insatisfait et qui ne sait pas forcément ce qu’il veut de précis. Quand, en plus, il n’y connait rien en musique, c’est pire ! Bon, sauf pour Ennio Morricone. Quand il écrit de la musique pour un longmétrage, on ne peut tout simplement rien
> Comment s'est fait votre choix de la chanson Le Vent Nous Portera de Noir Désir ? C’est une chanson que j’ai beaucoup écoutée avec mes amis à Zurich. Mais on ne comprenait pas les mots. On a toujours écouté ça dans la voiture, dès qu’on a eu le permis. C’était la seule chanson française que je connaissais. Quand j’ai commencé à tourner en France, j’ai voulu partager un moment avec les gens, dans la même langue, j’en avais besoin. J’ai pensé à ce morceau. On a commencé à le jouer et on a vite trouvé notre propre façon de faire. Je voulais proposer une version où la musique puisse être aussi grande que les paroles. Une musique dramatique, plus imposante. Je crois que c’est vraiment cette idée qui primait. Un morceau encore plus grand, plus universel, audelà des mots.
lui dire ! Il met la musique où il veut, quand il veut. C’est presque la caméra qui va agir en fonction des morceaux.
reste de côté pour en faire. C’est ma première et dernière priorité. Je crois que je ne sais pas faire autre chose. Je consacre ma vie à la musique.
> écrire des B.O. ne fait pas partie de vos priorités musicales. Quelles sont-elles alors ? Réécrire l’hymne national de la Suisse ! Je peux faire celui de la France aussi, si vous voulez, mais je dois commencer par la Suisse, ils vont être jaloux (rires) ! La prochaine fois que je vais faire un disque, je vais faire un clip dans lequel je vais danser. Je veux développer ça dans le futur.
> Avez-vous des découvertes culturelles récentes à nous faire partager ? J’aime beaucoup la culture. Découvrir des choses, je vois vraiment cela comme une partie de mon travail. Pour les livres, j’ai lu un livre d’un écrivain russe, Der Schneesturm (La tempête de neige) de Vladimir Sorokine. Christian Kracht, un écrivain suisse contemporain d’environ 40 ans, qui écrit de très bons livres. J’ai également découvert le travail de Miranda July, une réalisatrice vraiment très drôle. Pour la musique, j’écoute plutôt des vieilles choses. Récemment, j’ai tout de même découvert 1975 (« un neuf septente cinq »), des anglais qui ont sorti un disque en octobre. C’est drôle et bizarre. Entre reggae et britpop. Mais c’est vrai qu’en ce moment, je suis plutôt à l’écoute de musiciens comme Franck Zappa et Neil Young.
> Quel est votre rapport aux tournées et plus largement à la musique ? J’aime beaucoup la route. Je trouve que c’est très honnête, cette partie de mon travail. J’ai un peu le sentiment d’être dans un cirque, de donner une partie de ma vie à la rue. Je peux le dire, je donne ma vie à ce métier, à la scène. J’aime ça, car la musique, c’est tout ce que je fais, ce que j’ai. Je n’ai rien à côté. J’en fais tout le temps, je mets tout le
Photo : Cédric Mathias
> Enfin notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Je crois que je préfère les Beatles. à cause de la masse de morceaux incroyables qu’ils ont écrit, mais aussi pour la qualité de leurs chansons. Ils ont vraiment inventé et proposé certains changements d’accords géniaux, avec une grande légèreté. Si vous parlez du style, les Beatles sont perçus comme le groupe soft tandis que les Rolling Stones sont perçus comme les mauvais garçons. Ce qui est assez drôle quand on sait que ces derniers étaient des bourgeois et que les Beatles étaient, eux, issus de la classe ouvrière. ça me fait rire quand les gens sont persuadés que c’est l’inverse ! < Sophie Hunger, The Danger of Light, 2012, Two Gentlemen / Universal
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influences
quand la France envahit l’Amérique
par Rémi Flag
Une baguette de pain, un béret et une touche de tendre mauvaise foi. Voici, en substance, la genèse de bien des chefs-d'œuvre de hip-hop. Nos artistes bleu-blanc-rouge ont en effet été samplés par de nombreux producteurs de talents. Petite liste non exhaustive. Les gangsters du quartier de South Central ont vieilli, mais ils savent toujours s’entourer. Il y a quelques années, je me baladais dans ce coin inoffensif de Los Angeles, un magnum 357 à la main pour me peigner les cheveux, quand soudain, j’aperçus ce monstrueux lowrider au feu rouge. Les basses caverneuses qui en émergeaient trahissaient le vernis d’une rythmique hip-hop calibrée au millimètre, accompagnant parfaitement la moue menaçante du dealer de drogue au volant et de son passager, étonnamment rabougri, ridé et grisonnant. Interloqué par ces signes de longévité, bien extraordinaires pour un gangster, je m’approchais et constatais que le gentil papy en train de tirer sur le bang avec Dr.Dre était en fait Charles Aznavour ! Cela expliquerait pourquoi What’s the Difference, sortie sur l’album 20011 du docteur, fait à ce point penser à Parce que tu Crois de notre crooner national, sortie en 19662 . André et Charles
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s’étaient donc rencontrés à la foire au vin de Montluçon, le Français acceptant que sa mélodie soit utilisée dans un mélange aussi impromptu qu’efficace. Certainement amadoué par un excellent stand de camemberts tricolores, Masta Ace, l’un des MC’s les plus influents de la côte Est des états-Unis, a lui aussi potassé en profondeur le répertoire de Charles. On peut ainsi reconnaître le titre Tu étais trop Jolie3 sur son morceau Travelocity4. M. Montebourg peut se réjouir, la France attire des talents venus d’Outre-Atlantique : de Nas à 50 cent, en passant par Mobb Deep, nombreuses sont les visites de courtoisie virtuelles ou effectives. Ainsi, on ne calcule plus les hordes d’artistes traditionnels français ayant eu la chance de résonner dans les halls d’immeubles de Détroit, hantant ces hangars chargés d’accueillir les concours de freestyle. Paradoxale ironie lorsqu’on sait qu’ils
étaient parfois considérés comme ringards par leurs contemporains compatriotes. Par exemple, difficile d’imaginer que les fans d’Eminem et de Mike Brant partagent les même passions. Pourtant, tel Michael Bay remasterisant un Godard, Marshal Mathers a brillamment utilisé Mais dans la Lumière5 pour son titre Crack a Bottle6. De même, JayZ, l’ancien patron du célèbre label Def Jam Records, s’est pour sa part largement inspiré de Véronique Sanson. Cette dernière n’a donc pas eu besoin de se trémousser en bikini sur des voitures de luxes pour s’octroyer un duo avec le légendaire producteur. Il suffit pour cela d’écouter History7 pour reconnaître Une Nuit sur ton épaule8. La particularité cette fois-ci étant que le chant de Véro est carrément réinterprété, au lieu d’être simplement utilisé comme un sample. Pour certains, on atteindrait presque la reprise pure et simple. Pour preuve, Robin Thicke a récemment pioché dans l’air de Moi je Joue de Brigitte Bardot9 pour composer
Illustration : Guillaume Hann
Meiple10, mais également dans le nom du titre (Me I Play). The Beatnuts, rendu célèbre par Watch out Now11, fait partie de ces groupes underground de rap des années 1990, fossoyeurs de sons, qui renflouèrent les vieilles galettes avec leur jeunesse passée. On devine les yeux plissés et le hochement de tête contenté du DJ, écoutant Melody de Serge Gainsourg12 et comprenant sa chance d’avoir trouvé une perle pour l’instrumentale de Superbad13. Le riff de basse de Gainsbarre démontre à quel point le poinçonneur est autant à l’aise avec les lilas qu’avec les plants de chichon. Même les artistes français avant-gardistes, comme Jean-Michel Jarre14, ont attisé la convoitise de postillonneurs talentueux, tel Aceyalone15. Mais comment passe-t-on d’une ambiance urbaine cimentée et propice aux dommages collatéraux, à la vie en rose sur fond d’apéros pastis ? Le hip-hop est né dans cette jungle bétonnée, où rares sont ceux qui peuvent apprendre à jouer d’un véritable instrument. Le sampling devient alors l’équivalent de la gamme, du legato et de l’échelle diatonique. Le virtuose local, à l’instar du génie derrière son piano, est celui qui allie technicité et émotions. Commence, à cet instant, cette recherche méticuleuse, cette quête du sample parfait, insoupçonné, qui pousse à se tourner vers les artistes inconnus. Quoi de plus anonyme, donc, que ce chanteur d’un pays lointain à l’accent charmeur, perdu chez ce disquaire de Brooklyn ? Les allées parfumées d’une odeur rance de pochettes cartonnées prennent alors des airs de cimetière musical… prêt à exhumer des armées de talents oubliés. 1. Dr Dre Feat. Eminem, What’s The Difference/2001/Aftermath - 2001 2. Charles Aznavour, Parce que Tu Crois/La Bohême/Barclay - 1966 3. Charles Aznavour, Tu étais si jolie/Ducretet - Thomson - 1966 4. Masta Ace, Travelocity/A Long Hot Summer/M3 Macmil Music - 2004 5. Mike Brant, Mais dans la Lumière/CBS - 1970 6. Eminem Feat. Dr. Dre, Crack a Bottle/Relapse/Shady - 2009 7. Jay-Z Feat. Tony Williams, History/Interscope - 2009 8. Veronique Sanson, Une Nuit sur ton épaule/De L’autre Côté de mon Rêve/ WEA - 1972 9. Brigitte Bardot, Moi je Joue/B.B/Philips - 1964 10. Robin Thicke, Meiple/Sex Therapy/Star Trak - 2009 11. The Beatnuts, Watch Out Now/A Musical Massacre/Relativity - 1999 12. Serge Gainsbourg, Melody/Histoire de Melody Nelson/Philips - 1971 13. The Beatnuts, Superbad/Street Level/Relativity - 1994 14. Jean-Michel Jarre, Equinoxe Part 4/Equinoxe/Disques Dreyfus - 1978 15. Aceyalone, Takeoff/Love & Hate/Project Blowed - 2003
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cinéma
Hey ho, let’s go ?!
par Marine Pellarin
Randall Miller a fait le pari risqué de raconter l’histoire du CBGB, bar iconique des débuts du punk et du rock underground, où les groupes a succès éprouvèrent soir après soir un public converti d’accros. Alors, quid de cette adaptation qui fleure bon le punk ? Bilan mitigé. de l ’ histoire de la musique et Hilly le parrain de tous les punks. Le film raconte les premiers concerts du bar et l’émergence des Ramones, des Dead Boys et de nombreux groupes désabusés.
Hilly Kristal (Alan Rickman) est un gars excentrique, un peu cradingue et surtout fauché : bien qu’il se rêve gérant de bar, il en a déjà fermé deux pour cause de faillite. On ne peut pas dire qu’il soit très doué, mais il s’obstine. Nous sommes
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en 1973 et Hilly ouvre son troisième établissement : le CBGB, pour « country, bluegrass and blues ». C’est là que la génération no future va faire ses premiers pas. Rapidement, le lieu dev iendra l’un des endroits les plus mythiques
Copains keupons Randall Miller avait le choix : faire un film sur le CBGB, c’était soit suivre la piste tracée par The Runaways de Floria Sigismondi et respecter un certain réalisme, sombre et malsain, soit pondre un film tout public, une sorte de docudivertissement qui évite soigneusement l’indicatif limitatif « interdit aux moins de ». Sans surprise, B, la réponse B. Le film est moralement lisse, plein de bons sentiments et d ’humour. C’est une belle aventure humaine, l’histoire de l’obstination du gérant et du soutien de ses amis et ils vécurent heureux et eurent de jolies crêtes. Bref, je m’égare. Le réalisateur s’obstine à coller des cafards et des crottes de chiens partout, les gens sont crades et se bastonnent, mais le
CBGB est, finalement, aussi punk que le marais de Shrek. Passée la déception de ne rien voir de déstabilisant ou novateur, on accepte le trash bon enfant et le sentiment de nager en plein Disney*. Les punks ont bien le droit d’être sympas après tout. La question à mille balles Pour ceux qui ne suivent pas dans le fond, le CBGB a bien existé. Il s’agit donc d’un film basé sur des faits réels dont nous parlons ici. Comme souvent lorsqu’un réalisateur décide de pondre un film « historique », nombreuses peuvent être les personnes allant squatter Wikipédia pour vérifier la véracité historique du moindre sniff de colle. Je vous épargne cette peine : le long-métrage est très documenté et assume les éventuelles gamelles dès le début avec un « This story is mostly true ». On notera quelques ratés ça et là, mais rien de très grave. Il y a bien une incohérence grosse comme une baleine – Iggy Pop n’a jamais slammé dans le public du CBGB – mais elle est justifiée en fin de générique : «We know Iggy Pop never performed at CBGB. Just deal with it. »… Ok. Passons au contexte, alors. No future ? Autant être clairs : le film n’aborde pas la portée sociétale du punk. No future, on ne sait pas trop pourquoi et le réalisateur non plus. Randall nous offre trois fils rouges : l’histoire du très têtu Hilly Kristal, la création du magazine Punk, symbole du mouvement et la naissance difficile et bordélique de la musique du même nom. Si on suit Hilly et l’émergence de ce style révolté de façon continue, on perd vite le journal : ses créateurs intellectualisent brièvement le punk à grands cris dans la rue, réalisent maladroitement une interview de Lou Reed (Kyle Gallner, qui a tout sauf la tête de Lou Reed) et finalement on se demande bien ce qu’ils viennent foutre là. Dommage, le magazine aurait pu expliquer le fond de la révolte, qui paraît parfois assez creuse et injustifiée dans le film.
Johnny, Deedee, Joey, Tommy… Concernant les protagonistes, on ne peut pas dire que le long métrage ait oublié grand monde. On sent l’envie maladive de citer au moins brièvement chaque personne ayant contribué de près ou de loin à écrire l’histoire du club : managers, écrivains, journalistes, artistes. On a même droit à Idaho (Freddy Rodriguez), le clodo junkie chargé de mettre du ketchup dans le chili du CBGB pour le rendre moins ignoble. Exceptées Debbie Harry (Malin Akerman), et Patti Smith, les autres icônes du mouvement ont un comportement assez stéréotypé. Stiv Bators pisse dans les distributeurs de glace, Johnny Ramone pète des câbles pour rien, Cheetah Chrome baisse son froc pour prouver qu’il est bien roux au naturel. C’est caricatural, certes. Mais est-ce vraiment raté pour autant ? Punks just wanna have fun Finalement ce sont bien des ados que la caméra suit : ils veulent jouer leur musique et faire ce qui leur passe par la tête sans penser au lendemain. Exagération après exagération, on finit par se demander si le fait de jouer un punk oblige nécessairement à pousser ainsi dans l’excès. Les Dead Boys et consorts sont dépeints comme des cinglés sans limites, mais sont si attachants qu’on prendrait bien le risque de se faire péter une bouteille sur la tête en allant boire un coup avec eux. En excluant tout aspect « négatif » et sombre ayant conduit à la création du mouvement, le film porte un regard sans prise de tête et finalement assez sympathique sur le punk. Ca se regarde une bière à la main, pour rigoler sans trop réfléchir et surtout écouter de la musique. Comme disent les Ramones, « You wanna be sedated » de toute façon, non ? *We know Shrek never was a Disney movie. Just deal with it.
> CBGB, de Randall Miller, Unclaimed Freight Productions, Rampart Films, 2013.
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museek
électro-révolution
par Thibaut Clement
En 2013, plus de 14 ans après sa sortie, Deus Ex est encore considéré comme un chef-d’œuvre vidéoludique. Amour de jeunesse de nombreux gamers, le jeu est sans conteste un parti pris prémonitoire, sombre et réaliste. La bande-son se veut le reflet d’une époque : synthétiseur et batterie électronique, sur fond de délicieuse ambiance expérimentale de blockbuster américain. Ressortez vos Walkmans et vos DVDs d’X-Files, la nostalgie des années 1990 va vous balayer comme un emballage de Chupa Chups sous une rame de métro. Le scénario de Deus Ex rassemble ce qui se faisait de mieux à cette époque, composé d’un savant mélange d’ambition, de culot… et de génie. En 2052, le monde est au bord de l’apocalypse. Une forme de peste ravage l’humanité, laquelle est prise dans un système au sein duquel les états sont quasi-inexistants. Au milieu, des groupes terroristes se soulèvent contre l’hégémonie fébrile des NationsUnies. Des vaccins existent, mais sont évidemment réservés à l’élite. La révolte gronde. JC Denton est un des premiers hommes modifié par nanotechnologie. Engagé par l’UNATCO, branche antiterroriste des Nations-Unies, JCD va
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très vite réaliser que son univers n’est pas si manichéen et surtout, qu’il va devoir faire des choix. Complot mondial, Illuminatis et bouches de métro fumantes, tous les ingrédients sont là pour un bon polar dystopien. Seul son créateur, l’adulé Warren Spector, était capable de nous offrir pareille histoire. Warren, alors papa du cyberpunk dans le jeu vidéo, n’a jamais caché ses sources : « Call it James Bond meets the X-Files… » s’amusait-il lors d’une interview à la sortie de sa création. Apposée aux images, on retrouve une ambiance électro, intronisant une vision pessimiste et nocturne. Si la totalité du jeu se déroule de nuit, dans des villes telles que NewYork, Hong-Kong ou même Paris, le côté oppressant d’une société au bord du gouffre
est omniprésent. On sent également des inspirations non assumées de films comme New-York 1997, de Carpenter, sorti vingt ans plus tôt. Le héros de ce long-métrage aurait également inspiré le personnage de Solid Snake dans la série Metal Gear. La bande originale de ces trois œuvres gravite d’ailleurs autour d’un même centre : les cordes et le rythme pour l’infiltration, le piano comme échappatoire musicale à la noirceur des titres. Si la soundtrack est incontestablement dirigée par des sons électroniques, le punch des compositions colle, lui, parfaitement à l’adrénaline du jeu. On peut aussi entendre des envolées de piano, dont les accords nous remontent le long de la moelle épinière sans ménagement (Paris Action). Quant au reste, si les souff les
Illustration : Guillaume Hann
épiques restent discrets, les thèmes sont brûlants de cohérence. La musique est active et s’adapte aux aléas de la progression, tandis que les mélodies changent en fonction des situations créées par le joueur. Si cette logique semble évidente en 2013, elle l’était bien moins en 1999. La musique colle au gameplay, comme le seraient deux vieux amis bourrés sortant d’un bar bras dessus bras dessous. Cette cohésion est ici pleinement au service de la réalité virtuelle. Et cette réalité, propre à Deus Ex, n’a aucun mal à devenir crédible.
en vient à se demander comment la bande originale a pu passer inaperçue quand on jette un coup d’œil au duo de compositeurs, tous deux habitués du style : Michiel van den Bos, musicien néerlandais, avait déjà participé aux compositions d’Unreal et d’Age of Wonders tandis que Alexander Brandon avait cosigné Unreal et continue depuis une carrière internationale. Il a même prêté sa voix à quelques personnages de The Elder Scrolls V : Skyrim en 2011 qu’on ne présente plus. Ils n’étaient pas de trop dans l’équipe de Deus Ex.
“ Une ambiance
électro intronise une vision pessimiste et nocturne ”
Le jeu, sorti en 1999, fait d’ailleurs apparaître une ville de New-York sans ses deux tours… détruites par des terroristes. Au hasard d’un néon vacillant, se ref létant dans les flaques de la dernière averse, la vision d’un marché de Hong-Kong accompagné des rythmes d’extrême-Orient vous fera même regretter ces vieux films policiers hongkongais en VHS (The synapse, Hong-Kong Streets ). Plus on progresse dans le jeu, plus l’inspiration, que l’on croyait enfant unique, nous dévoile sa grande famille. Le jazz s’invite à la fête, la techno sonne à la porte et la musique classique ramasse les bouteilles. On
La même année, le genre a vu s’affronter plusieurs concurrents adeptes de la catégorie poids lourd. Malgré leurs objectifs différents, The Nomad Soul des petits français de Quantic Dream avait les mêmes ambitions, le même univers : futur sombre, urbain et robotique. La bande son était composée et interprétée par David Bowie et son guitariste Reeves Gabrel eux-mêmes et l’on pouvait d’ailleurs aller applaudir leurs avatars dans des concerts virtuels tenus dans un bar du jeu. Rien que ça. > Deus Ex : Game Of The Year Edition Soundtrack (2001), Michiel Van Den Bos, Alexander Brandon, Basehead.
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exclusif
live reports au cinéma
par Adeline Pusceddu et Manuella Binet
Nos deux envoyées très spéciales se sont immiscées aux avant-premières de Muse et de Metallica en présence des groupes, pour ramener leurs impressions des créations de ces deux géants actuels de la musique. Décryptage et analyse première : silence, on tourne, action ! (grands) écrans. Outre le live d’Aerosmith, dont les dates en Europe sont d’ores et déjà programmées, retour sur deux autres chefs de file de la musique rock, pour lesquels nous avons eu la chance d’assister aux avant-premières, en présence des groupes. D’un côté, les vétérans de Metallica, proposant un film-concert scénarisé mixant scènes live et histoire rocambolesque à travers les rues de New York. De l’autre, les « jeunots » de Muse, plus classiques, livrant en vidéo, la version imagée de leur show à Rome, visuellement dantesque. Metallica – Through the Never par Adeline Pusceddu
Depuis la fameuse crise du disque, l’ouragan des chutes des bénéfices a forcé les maisons de disques et artistes à trouver de nouvelles solutions pour attirer les porte-monnaie troués de leurs ouailles. Une petite tendance semble se démarquer ces derniers temps avec l’éclosion
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du « film-concert ». Certains cinémas s’étaient déjà fait précurseurs de cette « révolution », proposant – parfois en direct – la retransmission de certains concerts à différents endroits de la planète. Voici venue en cette fin 2013, l’apogée des groupes à succès débarquant sur vos
Il est clair que Metallica a mis les moyens pour produire Through the Never. Un spectacle impressionnant, qu’il s’agisse de la qualité sonore, comme de la qualité graphique. Le son est fort mais très justement calibré, ce qui permet d’apprécier la musique à sa juste valeur, sans
> Ci-dessus : Muse / à droite : Metallica
pour autant souffrir du volume. Les images d’un niveau remarquable et les jeux de couleurs resplendissantes mettent parfaitement en valeur l’ambiance recherchée. La 3D, elle, sait se laisser apprécier. L’enchaînement des morceaux du concert renforce les parties scénarisées, durant lesquelles on re t rouve le jeune Trip, héros malgré lu i, emba rqué dans une course folle. Through the Ne ve r pa s s e constamment d’un instant de live à celui du film, via une transition certes bien amenée, mais qui laisse une étrange sensation de frustration à chaque fois. On regrette le parti pris de Metallica d’avoir mis bien plus en avant les morceaux, que les scènes d’action du film. On en attendait beaucoup plus de cet hybride, surtout que sur le papier, l’histoire semblait posséder beaucoup d’atouts pour amener quelque chose de bien plus imposant dans la longueur. Through the Never n’a donc au final rien de si exceptionnel en soi. L’ambiance au Grand Rex était pourtant digne d’une représentation de Metallica et c’est certainement cela qui a permis au film de prendre plus d’ampleur. Il n’est toutefois pas sûr que l’hybride suscite autant d’enthousiasme en projection au cinéma du coin. Et puis ne parlons pas de la non-fin, frustrante à bien des égards (comme cette fin de paragraphe, remarquez).
été utilisée pour filmer un concert, Muse Live at Rome Olympic Stadium est avant tout un spectacle bien orchestré. On en prend plein les yeux dès que résonnent les premières notes de Supremacy. Les caméras semblent être partout à la fois, on ne rate rien, que ce soit sur scène, dans la foule, dans les gradins, derrière le groupe et même dans les coulisses. La qualité d ’image, 4K, soit ultra-haute définition, est excellente. En plan large, le décor impressionnant de la scène se révèle, grandiose, démesuré, à l’image du show que propose le groupe. Dans la salle parisienne, l’ambiance n'est pas en reste. Les 400 spectateurs de la Géode, allongés dans leur siège, reprennent en cœur les vingt chansons dont les vidéos défilent au-dessus de leurs têtes. Certains bras se lèvent vers l’écran, les pieds tapent le sol, quand arrivent les morceaux qui ont fait la renommée de Muse. Il est parfois bien compliqué de ne pas bouger dans son siège. C'est vrai, on a un peu l'impression d’y être. Les remerciements de Matthew Bellamy, en italien, entre les chansons rappellent qu’il ne s’agit que d’une projection. Le bémol : la setlist du film, axée essentiellement sur les deux derniers albums, The Resistance et The 2nd Law. Certains titres emblématiques, comme Sunburn ou Butterflies & Hurricanes, pourtant joués lors du concert à Rome, ont été coupés au montage ramenant la durée de la projection à une heure et demie syndicale.
“ Through the
Never n’a rien de si exceptionnel en soi ”
Muse – Live at Rome Olympic Stadium par Manuella Binet
Muse a choisi Paris et la salle de la Géode, pour présenter en avant-première le film de sa dernière tournée des stades. Enregistré en 4K, une technologie qui n’avait encore jamais
> Metallica, Through the never, 2013 > Muse, Live at Rome Olympic Stadium, 2013
Photos : Manuella Binet (Muse) et Ugo Schimizzi (Metallica)
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découpage
You Know I'm no Good
Chanteuse toxicomane au succès fulgurant, Amy Winehouse a su réunir tous les codes de la rockstar, y compris le sacre suprême : la mort à 27 ans. Pour ne pas découper cette page, retrouvez le fichier en téléchargement sur notre site. à vos ciseaux !
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Illustration : Pierre Schuster
Photo : Pierre Hennequin
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