Numéro 7 - Magazine Karma

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fauve

Interview fleuve avec le phénomène

pixies

Rencontre avec le groupe mythique

Smac en lorraine Place aux nouvelles scènes !

le magazine des musiques actuelles en lorraine et au luxembourg

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# 7

Printemps 2014 GRATUIT

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EILLES CES VI ES de GLOIR sique l a mu

facebook.com/MagazineKarma

www.magazine-karma.fr


Directeurs de la publication : Guillaume Hann & Ugo Schimizzi Directeur de la rédaction : Ugo Schimizzi Directeur artistique : Guillaume Hann Rédacteurs : Lauriane Bieber Thibaut Clement Rémi Flag Guillaume Hann Matthieu Henkinet Dom Panetta Ugo Schimizzi Illustrateurs et graphistes : Sylvain Calvez Quentin Crumbach Guillaume Hann Pierre Schuster Photographes : Yvan Cauvez Juliette Delvienne Margaux Gatti Matthieu Henkinet Pierre Hennequin Cédric Mathias Ugo Schimizzi Correcteurs : Juliette Delvienne Mickaël Fromeyer Nicolas Hann Barbara Jouves Ioanna Schimizzi

édito # 7 Aller de l’avant. C’est ce que chacun attend de vous, de nous, dans toutes les situations : politique, économique, sentimentale, familiale. La culture et la musique ne font pas exception, milieux dans lesquels nous nous inscrivons, toujours avec cette volonté de proposer des projets aboutis et riches. Aller de l’avant, ce sera donc notre mot d’ordre pour 2014, en doublant notre tirage. 5 000 exemplaires à retrouver partout en Lorraine et au Luxembourg, notre grand terrain de découvertes. Découvertes que nous souhaitons cette année encore sonores, en réalisant à nouveau un vinyle pour vos oreilles averties.   Aller de l’avant signifie également pour nous se remettre en question, faire évoluer le magazine, explorer plus loin les territoires de la musique, leur implantation dans une

Édité par : Association Son’Art Lorraine 40 Avenue de Nancy 57 000 METZ Contact : redaction.karma@gmail.com Le numéro 7 du Magazine Karma est tiré à 5 000 exemplaires sur papier Satimat Green, contenant 60% de fibres recyclées. La diffusion du magazine est assurée par l’équipe et par Julien Siffert, diffuseur 07 87 77 79 47

IMPRIMÉ PAR L’HUILLIER, IMPRIMERIE VERTE 57 190 FLORANGE ISSN : 2259-356X Dépôt légal : à parution

< Flashez ce QR code pour retrouver la liste de nos points de diffusion ou rendez vous sur magazine-karma.fr Le Magazine Karma bénéficie du soutien de la Ville de Metz et de la Région Lorraine, dans le cadre du programme Défilor.

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région en mouvement, pleine de talents… et de nouveaux lieux culturels, les fameuses SMAC. Pour cela, nous continuons de suivre les nombreux groupes révélés en 2013 et partons à la rencontre des artistes de 2014.   Au niveau national, nous sommes fiers de vous faire découvrir dans ce nouveau numéro une interview des groupes As Animals et Fauve. Parmi les talents locaux, nous suivons avec attention le parcours de Mad Max, grand gagnant de la finale régionale du tremplin Buzz Booster. Bonne lecture et gardez un bon Karma !  Ugo Schimizzi Rédacteur en chef Guillaume Hann Directeur artistique


Sommaire Printemps 2014

2 édito 4 le local : Mad max

Focus sur le gagnant régional du Buzz Booster.

6 Made in Lorraine : Place aux nouvelles scènes

Tour d’horizon des nouvelles SMAC en 2014.

8 live report : Festival Freeeeze

Une semaine de concerts dans toute la région.

10 portfolio 12 Dossier : ces vieilles gloires de la musique étude de ces groupes éternels… ou presque !

18 Infographie : Clothes to me...

Retour sur les tenues marquantes des musiciens.

2O Interview : As animals

Une révélation française de cette année 2014.

22 Interview : fauve

Le phénomène se livre dans ce numéro.

28 Interview : Pixies

Entretien avec un monstre sacré du rock.

32 Interview : lee ranaldo

Rencontre avec le guitariste de Sonic Youth.

36 Influences : Au nirvana du plagiat Quand le rock se répète.

38 cinéma : Inside Llewyn Davis

Les frères Coen abordent la musique folk.

40 museek : Okami

Une bande originale d’une grande poésie.

42 découpage : eminem

Photo couverture : Pierre Hennequin / Photo édito : Ugo Schimizzi

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le local

mad max Texte et photos : Matthieu Henkinet  Le rappeur messin qui s’est fait connaître dans des battles du Rap Contenders est bien décidé à sortir des cases pour faire valoir son talent musical et scénique. Sa récente victoire lors de la sélection régionale Buzz Booster lui a offert un ticket pour la future finale nationale qui se déroulera à Marseille cet été. Retour sur un parcours atypique.

admax, alias Maxime Cuttitta, trouve son blaze dans sa propre folie, celle de son flow, mais aussi dans celle du film de 1979. Cependant, le rap n’est pas une évidence pour lui. Plus jeune, il est porté sur des sonorités plus sages, telles que le jazz ou la soul, parfois arrosées de rock. Le hip-hop, il le découvre au collège, comme beaucoup, grâce à des sons américains, avec en guise de révélation une de ses futures influences : le WuTang Clan. Côté français, le choc se fait plus tard avec des titres du Saïan Supa Crew et leur originalité non cloisonnée.

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C’est en 2003 qu’il se lance pour la première fois dans le milieu. Pourtant, il ne se retrouve vraiment sous les projecteurs qu’en 2011, lors de sa première participation au Rap Contenders, ligue française de combats verbaux. Découvert côté fan, il bascule ensuite côté scène, au hasard d’un casting sur les réseaux sociaux. Un passage en ligue régionale plus tard, le voilà propulsé dans la cour des grands, au Rap Contenders 3, organisé à Paris et dont il bénéficiera rapidement de l’engouement. Madmax garde la tête froide et qualifie cette attention soudaine d’illusoire. Ses réseaux de contacts – élargis grâce au Rap Contenders - s’activent, mais ne permettent pas pour autant de faire reconnaître ses compositions. Il s’acharne donc à approcher au mieux le grand public, par l’intermédiaire de la scène.

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Mad Max

L’occasion de démontrer ses qualités arrivera ensuite rapidement. à quelques pas des battles, mais toujours sous forme de compétition : le Messin se qualifie pour la Rap Académie, un concours québécois proposant aux rappeurs un thème autour duquel composer un morceau, dont le rendu est attendu toutes les deux semaines. Il se plonge dans l’expérience avec fougue, invoquant une occasion rêvée de se faire entendre hors du territoire, grâce à un challenge de qualité. L’envie ne manque pas et le succès suit. Dans son délire et le clip qui l’accompagne lui octroient le titre de favori lors du tour préliminaire. Sa lancée le pousse jusqu’en finale, le voyant au passage réaliser sept chansons et quatre clips (signés JNVX). Il n’obtient pas la victoire, mais riche de l’enseignement et du rythme imposé par la compétition, il compile ses titres sur une mixtape, accompagnée de trois exclusivités. Le tout est diffusé sur la toile gratuitement. Cette réalisation s’ajoute à son autre mixtape, datée de 2012 et intitulée Madmax & Friends, mettant en avant des acteurs locaux de la scène hip-hop.   La même année, il rejoint Godié, un camarade rencontré au Rap Contenders dans son projet de ligue luxembourgeoise : la Punch Ligue. Projet ambitieux, qu’il présente sur scène et dans lequel il s’investit dès qu'il le peut. Loin des audiences

de ses aînées, la ligue trouve tout de même son public rapidement et acquiert une réputation de tremplin de qualité attirant des compétiteurs pleins d’espoir de tous horizons.   Le MC, qui a terminé l’année 2013 en partageant la scène avec Dope D.O.D, poursuit sa route avec un menu 2014 des plus riches. à commencer par la finale du Buzz booster pour laquelle il se produira à Marseille, face au reste de la relève nationale. Une finale qu’il aborde comme un bonus tant l’exercice a dépassé ses espérances. Le compétiteur n’est, cela dit, pas du genre à partir les mains vides. Stages de perfectionnement, expériences en public et premières parties de pointures lui permettront d’appréhender l’événement avec sérénité.   Du côté des disques, Madmax prépare un nouvel EP, qui devrait voir le jour à la rentrée 2014, accompagné de quelques clips. Cet album se voudra plus personnel et laissera moins de place aux featurings. Peut-être celui de la reconnaissance pour un compétiteur acharné qui a su s’imposer dans de nombreux contests mais qui peine encore à être reconnu. 

Mad Max cherche l'inspiration chez nos amis de La Face Cachée.

Séance photo dès la sortie de la cabine d'essayage.

Mad Max est habillé par notre partenaire

Madmax, Rap Academie, 2013, Madmax.

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made in lorraine

Place aux nouvelles scènes ! Musiques actuelles en Lorraine Texte et photo : Lauriane Bieber  La présence des musiques actuelles en Lorraine ne cesse de s’amplifier, mise en avant par des complexes de plus en plus spécialisés. Il paraissait important de revenir sur l’émergence de ces salles, baptisées SMAC (Scènes de Musiques Actuelles), disséminées dans nos belles contrées pour offrir à nos oreilles toujours plus de plaisir.

omme nous l’expliquions dans notre précédent numéro, la fréquentation des salles en Lorraine est une fois et demie supérieure à celle des autres régions, faisant de cette contrée une terre musicale à part entière. En effet, quel Lorrain n’a jamais entendu parler, ne serait-ce que de nom, de l’Autre Canal ou des Trinitaires, qui accompagnent les artistes émergeants, autant que les grands noms de la scène actuelle ?

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Depuis 2007, l’Autre Canal d’ailleurs, appartenant au projet SMAC, est devenu une salle phare de la représentation de ces activités en Lorraine. Il n’est plus étonnant de la voir afficher complet lors de nombreux concerts ou de piloter des projets tels le dispositif Multipistes (voir l’article consacré au sujet dans notre numéro 6). Cet intérêt croissant pour les musiques actuelles dans notre région a donc amené certaines collectivités territoriales à désirer, elles aussi, avoir leur propre équipement SMAC dès 2014.

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Qu’est-ce que le label SMAC ?

Plus que de simples scènes où artistes vont et viennent au fil de leurs tournées, les salles de concerts tendent à devenir de véritables espaces culturels, offrant l’opportunité aux professionnels et aux amateurs de mettre en avant leurs travaux et leurs savoirs. Depuis 1998, le Ministère de la Culture délivre le label SMAC aux salles fournissant aux musiciens un lieu d’expression de leur travail à des fins de création et de professionnalisation.   Les priorités de ce projet « Scènes de Musique Actuelle » sont la progression artistique, la diffusion et une ouverture à la fois culturelle et artistique sur la sphère musicale, ayant pour but l’affirmation de l’implantation de ce médium sur le territoire national. Elles proposent aux artistes la possibilité de se produire en live, mais aussi un accès à des formations, avec accompagnement dans des lieux de répétition. Le label introduit

donc une réelle volonté pédagogique, y compris sur des sujets administratifs, parfois complexes.   Outre le soutien de projets artistiques, ce programme porte une réelle ambition sociale autour de chacune des salles, se voulant lieux de vie permanents et porteurs de convivialité. En plus des concerts en soirée, elles sont ouvertes au public pendant la journée, et proposent des visites et animations artistiques autour de la musique, des stages et des conférences. L’enjeu capital est de réussir à réunir et fidéliser une audience variée et intergénérationnelle, autour des problématiques du milieu. Mais où sont passées les SMAC ?

En terres vosgiennes, l’originalité de la Souris Verte – structure dont l’ouverture est prévue en avril 2014 – se situe non pas dans le choix de son nom, pourtant décidé parmi trente propositions, mais dans sa configuration. Elle est séparée en deux salles, l’une installée à Thaonles-Vosges et accueillant 150 personnes, l’autre à épinal pouvant, quant à elle, recevoir 350 à 500 personnes. Cette seconde réalisation propose également un équipement de six studios de répétition. Les 81 000 habitants du secteur pourront ainsi disposer, d’ici quelques mois, d’un complexe unique et novateur, contribuant à la structuration logistique en terme de programmation du secteur vosgien, peu développée auparavant.   Du côté de Nilvange, la métamorphose de l’ancienne piscine donne naissance au Gueulard +, d’une capacité de 400 personnes et doté de trois studios


La BAM : © Rudy Riccioti.

Nouvelles scènes

Un aperçu du chantier du Gueulard+, à Nilvange.

de répétition. Le bâtiment comprend, comme la Souris Verte, un centre de ressources multimédia mis à disposition du public. D’un point de vue architectural, la rénovation reste en adéquation avec le sujet, en mettant en place un aspect extérieur semblable à celui d’un equalizer se soulevant au niveau des entrées. Un pôle associatif est également prévu, ainsi qu’un bar, répondant à la notion de vie permanente, souhaitée pour devenir une réelle SMAC. Le label devrait être validé par le Ministère de la Culture courant 2014.   Thionville, de son côté, s’offre son Troisième Lieu, après avoir développé ses espaces d ’ habitation et de travail. L’endroit se veut un terrain d’échange culturel et social, enrichi de diverses ressources numériques. En effet, à la fois bibliothèque, vidéothèque, médiathèque avec accès Internet et salle de concerts, le 3 e Lieu devrait pousser le projet encore plus loin, en se posant en réel moteur de la ville, centralisant la culture sous toutes ses formes, dans un souci d’accessibilité.

La Boîte à Musique

Déjà affirmée en tant que cité culturelle, Metz s’enrichit, elle aussi, d’une SMAC : la Boîte à Musique. Située dans le quartier de Borny, cette nouvelle pièce du puzzle s’ajoute aux Trinitaires et à l’Arsenal, accroissant encore l’offre de services en direction des passionnés. Géré par l’EPCC Metz En Scènes, ce nouveau lieu est une expérience inédite pour la métropole, appuyant le développement de projets novateurs. D’une surface totale de 2 200m², la Boîte à Musique a une capacité d’accueil de 1 200 places debout, dans sa grande salle et de 120 places dans le studio-scène, faisant partie des quatre salles de répétition du complexe. Elle sera intimement liée aux Trinitaires, qui continuent d’assurer leur fonction d’espace-club. à elles deux, l’ambition affichée est de réunir 50 000 spectateurs au travers de 140 manifestations annuelles. Bien évidemment, la priorité est de donner la parole à la scène locale émergente, la situation géographique de la BAM s’inscrivant également dans une motivation sociale, comme ses consœurs. Sa construction dans le quartier de Borny se veut une « main

Vue d'architecte de l'intérieur de la future BAM, à Metz.

tendue à un quartier longtemps considéré en difficulté » comme le souligne Rudy Ricciotti, architecte de l’édifice. Afin d’assurer sa mission de diffusion et d’accompagnement des artistes, la BAM compte s’appuyer sur des réalisations d’acteurs régionaux déjà bien ancrés, tels le programme Multipistes ou les nombreuses associations lorraines, nous confie Jérome Pham, médiateur culturel du lieu.   Une véritable tendance semble donc émerger dans notre région, comme du reste, en France, portée par l’engouement certain pour la musique live et le développement de scènes locales. Reste à savoir si la profusion de salles en Lorraine sera à l’origine d’une démultiplication de l’offre, ou si à l’inverse elle risque de porter préjudice aux différents lieux. Tendez l’oreille !  Voir aussi : Karma #6 : article “live” et Multipistes. Sources : http://bam-metz.fr/ http://www.3el-thionville.fr/ http://www.legueulardplus.fr/ http://www.lasourisverte-epinal.fr/ http://www.lorraine-musiques-actuelles.fr/

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live report

festival freeeeze Un événement "on the rocks" ! Texte et photos : Lauriane Bieber / Matthieu Henkinet  L’association thionvilloise Boumchaka est revenue pour la troisième année consécutive avec son festival hivernal du 15 au 22 février. Axée sur l’électro et le hip-hop, cette nouvelle édition, se déroulant pour la première fois dans toute la Lorraine, a pour têtes d’affiches Breakbot ou encore Foreign Beggars. Une semaine riche en musique et découvertes pour le festival Freeeeze !

oins longue que l’an passé, puisque « seulement » programmée sur une semaine, l’édition 2014 n’en est pas moins pleine de nouveautés, notamment géographiques. L’activité prévue s’étire en effet cette fois jusqu’à la cité nancéienne au sein de L’Autre Canal, en posant également ses valises dans la capitale de la Lorraine, accueillie par les Trinitaires. Outre ces changements de localités, Freeeeze en profite pour investir des salles de plus grande envergure, faisant d’ailleurs la part belle à l’une des SMAC dont l’ouverture est annoncée ces prochains mois : le 3e lieu à Thionville. Boumchaka n’oublie pourtant pas d’être accessible, avec des tarifs toujours bas et des concerts gratuits dans des lieux de moindre importance. De quoi ravir toutes les oreilles.

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L’organisation n’a pas oublié les ateliers artistiques et les a même développés de manière à réduire toujours plus la distance entre musiciens

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et public. écriture, danse, battles et scratch sont ainsi mis en place par l’association qui apporte richesse et ouverture culturelle à un auditoire éclectique.   Notre aventure dans cette troisième édition débute donc à Thionville. Le rendez-vous est donné au 3e lieu, encore en construction. Le live se déroule dans une salle, certes en travaux, mais aménagée pour l’occasion. La programmation, quant à elle, a tout pour réchauffer les orteils : au menu, les têtes d’affiches The Toxic Avenger, DJ français aux multiples facettes et le phénomène du hip-hop anglais, Foreign Beggars.   La soirée, sold out, lance le festival de la plus belle des manières pour nous porter quelques jours plus tard au 7(7) café à l’occasion du show gratuit de The Procussions. Le groupe est accompagné de la première partie assurée par Ben l’Oncle Rap, où l’on réussit presque à oublier

le nom du festival tant l’ambiance est chaude. Les Américains de The Procussions, qui avaient raccroché en 2007, offrent une prestation scénique impeccable à un public déjà plongé dans un univers porté sur le hip-hop. Le bar messin, adepte depuis plusieurs mois des concerts dans son antre intimiste, se souviendra sûrement de cette soirée !   Notre périple se poursuit en contrée messine toujours, dans la chapelle des Trinitaires, pour une soirée, une fois encore, multiculturelle. 10vers et Pand’or assurent la première partie de la pointure française Jeff Le Nerf – compagnon de route des stars NTM, précédant la jeune Gavlyn au flow incroyable, tout droit venue de Los Angeles.   étape suivante, en Meurthe-et-Moselle, où Freeeeze nous dévoile son versant plus électro avec une soirée à la Buvette de Nancy, en


Freeeeze

Gavlyn est venue de Los Angeles pour enflammer les Trinitaires. Cadillac aux commandes de ses pads au 7(7) café.

compagnie de Sun Glitters. Sa chillwave en poche, ce dernier entreprend de faire planer les esprits vers d’autres songes, qui nous restent dans la tête alors que nous nous dirigeons vers le concert, un temps estampillé « surprise », des Français d’Alesia au Nimby de Thionville.   Et, si vite déjà, la dernière escale se fait à l’Autre Canal, pour une soirée qui devient nuit musicale. Un long au revoir d’un festival, qui restera une nouvelle fois dans les annales (et ça rime, tout ça !). Au programme, une affiche chargée avec Artemus Gordon et son électro spatiale, DatA venu défendre son nouvel EP, le multitâches Irfane, la frappe sonore de Rocky et une fin en apothéose avec Breakbot, propulsé par le label Ed Banger et programmé aux Solidays l’an passé.   Cette nouvelle édition de Freeeeze à l’iniative de Boumchaka, nous aura donc non seulement offert un petit rayon de soleil en cet hiver, mais doit surtout être saluée pour sa volonté de faire bouger l’ensemble de la Lorraine aux sons d’artistes de talent. Une preuve, s’il en fallait encore, que les lieux et les événements de qualité ne manquent pas dans la région !

Le public en phase avec The Toxic Avenger au 3e Lieu.

Du hip-hop américain avec The Procussions, au 7(7) café.

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portfolio

portfolio

Joey Starr Au festival Solidays Photo : Ugo Schimizzi

Ces vieilles gloires...  Pour compléter notre dossier sur les vieilles gloires de la musique page suivante, voici une petite galerie de photos de ces artistes toujours sur la route, réalisée par notre équipe, elle aussi en perpétuel mouvement.

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Guns N'Roses

B. Lavilliers

Palais Omnisport de Paris Bercy / Photo : Pierre Hennequin Festival Hellfest / Photo : Ugo Schimizzi

Parvis du Trocadéro Photos : Ugo Schimizzi


Ces vieilles gloires...

Rancid

Alice Cooper

Au festival Léz'Arts Scéniques Photo : Juliette Delvienne

Au Zénith de Paris / Photo : Pierre Hennequin >> à voir au JDM festival en juin 2014

Parabellum

Placebo

Au festival Nancy Jazz Pulsations / Photo : Juliette Delvienne

Au festival Rock en Seine Photo : Ugo Schimizzi

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dossier

ces vieilles gloires de la musique ça s'en va et ça revient... Par Dom Panetta  Des rumeurs insistantes font état d’une reformation possible de Téléphone, le groupe français des années 1980, ce qui nous a soufflé la thématique de ce dossier. Entre rumeurs de reformations, carrières solos et départs en retraite, nombreuses sont les formations phares à avoir pris des tournants inattendus. Petit coup d’oeil dans le rétroviseur.

Alors que la scène musicale internationale déborde de talents, bien que perdus au milieu des starlettes éclair et de leur soupe insipide, les groupes les plus anciens ont la côte ces dernières années, malgré des parcours parfois compliqués. Qu’il s’agisse d’une reformation de légende - du temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître - ou de la poursuite de carrière d’un frontman charismatique, le retour à la « vie normale » semble en rebuter beaucoup. Petit tour d’horizon des réapparitions et changements de voies les plus marquants de ces dernières années.

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Partis pourquoi ?

Comme pour monsieur Tout-Le-Monde décidant de changer d’entreprise, les raisons qui poussent un artiste à préférer la porte de sortie sont nombreuses et en faire une liste exhaustive relève de l’impossible (même si ce mot n’est pas français !). Il est néanmoins important de comprendre les éléments qui font qu’une formation vienne à s’arrêter, pour essayer de découvrir ce qui la ramène sous le feu des projecteurs. L’une des causes les plus répandues est tout simplement le départ de membres. Parmi eux : les Guns N’ Roses.


Lemmy Kilmister, bassiste légendaire de Motörhead, a récemment souffert de problèmes de santé, forçant le groupe à annuler plusieurs concerts.

Photo : Pierre Hennequin

Ces vieilles gloires...

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dossier De nombreux exemples sont autant de sources de séparation : l’arrivée d’un conjoint (Yoko Ono, considérée par beaucoup comme étant la principale cause de séparation des Beatles, parmi de nombreuses autres), le décès d’un membre (Led Zeppelin, Nirvana) ou les problèmes de santé (Texas), les disputes (Oasis)… Vous aurez compris l’idée ! On dénombre une infinité de logiques liées à ces ruptures ou disparitions, on en compte pourtant nettement moins dans les reformations. Après les départs consécutifs de Slash et Duff McKagan, au milieu des années 1990, le combo a connu une véritable traversée du désert. Si aucune annonce officielle n’est venue confirmer la dissolution des Guns, les changements incessants de line-up (parfois même avant d’avoir produit la moindre chanson ou prestation) amèneront la formation à un silence radio complet jusqu’en 2006.   Très fréquente également, l’envie de faire autre chose est aussi un point amenant à l’extinction d’une aventure. Serj Tankian et Daron Malakian de System of a Down, Tom DeLonge de Blink-182, Wyclef Jean des Fugees ou encore Justin Timberlake des N-Sync. Tous ont décidé, à un moment ou à un autre, qu’il était temps de passer la seconde. Carrières solo, nouveaux partenaires, réorientations ou tout simplement besoin de repos et de s’offrir du temps en famille, de nombreux artistes invoquent ce besoin pour quitter leur groupe, amenant ainsi l’ensemble à stopper ses activités, pour un temps ou pour toujours (même si dans la musique, « toujours » trouve régulièrement un moyen de devenir « plus tard »).

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" Depuis 54 ans, les pierres ne s’arrêtent pas de rouler "

monde (les chiffres font état de plusieurs dizaines de millions de recherches et de demandes sur les réseaux de ventes physiques et numériques). Ce live à l’O2 Arena de Londres demeure donc le seul concert comprenant un set conséquent réalisé par Led Zeppelin depuis sa séparation.   également disparus des ondes radios pendant plusieurs années, des noms comme Limp Bizkit, Rage Against The Machine ou System of a Down continuent de faire des apparitions remarquées ici et là, le plus souvent au hasard de festivals. Régulièrement sold-out, les quelques concerts organisés par ces « survivants » constituent de véritables phénomènes pour leurs millions de fans à travers le monde et certains n’hésitent pas à se déplacer pour avoir la chance de voir une probable dernière fois leurs favoris. Ce système d’apparitions épisodiques semble néanmoins être l’apanage de carrières « récentes » (comprenez dont la vie musicale a débuté dans les années 1990 voire 2000).

Ils sont revenus !

Pour une nuit ou une vie, nombreux sont ceux que l’on pensait perdus à jamais à s’être reformés ces dernières années. Précurseur du mouvement, Led Zeppelin offrait, en 1988, une prestation unique un peu plus de sept ans après la tragique disparition de leur batteur, John Bonham. Accueillant le fils de Bonham, Jason, derrière les fûts, cet événement retransmis à la télévision se révéla être une déception. Plombé, le dirigeable ne retenta pas l’expérience… jusqu’en 2007, où l’annonce du premier véritable concert complet du groupe est faite. Aujourd ’hui encore considéré comme le show le plus attendu au

Exceptions à cette règle, The Police et Genesis. Noms emblématiques des années 1970-80, ces deux formations ont d’ailleurs vu leur histoire « post-groupe » prendre plus ou moins le même tournant. En effet, Sting (bassiste / chanteur de The Police) et Phil Collins (batteur / chanteur de Genesis), ont tous deux eu la chance d’accéder une nouvelle fois au succès dans leurs carrières solos et de rejoindre, par la suite, leurs formations d’origines pour une tournée de réunion. Coïncidence, les deux tournées se sont déroulées en 2007, année riche en émotions pour les plus nostalgiques d’entre nous. En France, le batteur Richard Kolinka et les guitaristes Aubert et Bertignac, membres


Ces vieilles gloires...

" Les icônes mondiales ne sont pas décidées à quitter leurs postes " fondateurs de Téléphone, ont également continué leur bonhomme de chemin en solo et se réunissent périodiquement pour un bœuf, notamment lors de la Pop Rock Party, organisée depuis 7 ans par ledit batteur en Lorraine. Cependant, d’après notre interview de ce dernier (à retrouver sur notre site), la reformation complète de Téléphone n’est pas vraiment à l’ordre du jour.   Enfin, au rayon des retours apparemment définitifs, on peut noter Blink-182, Guns N’Roses (et son nouveau line-up), ou encore Take That, le groupe de Robbie Williams, (dans un genre complètement différent, il faut bien l’admettre). Côté hip-hop, IAM, malgré un dernier album discutable, continue à forger le rap français, alors que le décoloré Eminem (à découper en fin de magazine), après être passé de l’ombre à la lumière plusieurs fois ces dernières années, semble décidé à s’accrocher au devant de la scène.

Axl Rose, leader de Guns N’Roses, a un peu perdu de sa superbe.

Ils sont revenus seuls

Lorsque l’on se penche sur les anciennes g loires de la musique, à savoir les membres de ces ensembles ayant évolué sur scène avant 1990, on trouve un très grand nombre d’artistes ayant pris la route d’une carrière solo. À la manière de Sting et Phil Collins précédemment cités, on retrouve des artistes aux noms tout aussi connus, voire même plus !   L’exemple LE plus connu de la planète : Michael Jackson. Si la fin de sa vie a été plus marquée par les scandales divers et variés que par sa musique, il n’en reste pas moins que Jackson était un artiste, un vrai. Poussé par un père sévère et violent, le jeune Michael intègre les Jackson Five alors qu’il n’a que 6 ans et se retrouve vite propulsé de musicien de fond de scène à chanteur principal. Si la critique est unanime sur son talent, nul n’imagine que ce gamin à la magni-

fique coupe afro établira le record du plus grand nombre d’albums vendus pour Thriller (1982, Epic Records, vendu à plus de 60 millions d’exemplaires à travers le monde, encore que ce chiffre soit controversé). Le groupe poursuivra tout de même sa carrière en parallèle de celle de Michael jusqu’à ce que celuici quitte définitivement l’aventure en 1984, signant le début d’une période peu fructueuse pour les membres restants et menant inexorablement à la fin des Jacksons, comme ils se faisaient alors appeler. Michael aura, lui, le succès que l’on connaît.   Au pavillon des légendes de la pop, on trouve Paul McCartney et Richard Starkley alias Ringo Starr, tous deux rescapés d’un petit band anglais venu tout droit de Liverpool : The Beatles. Inutile de les présenter, les plus assidus d’entre vous entendent parler d’eux à

Photo : ZZ Top, Ugo Schimizzi - Guns N’Roses, Pierre Hennequin

Les deux texans barbus du fameux groupe ZZ Top.

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dossier

" Sting et Phil Collins ont tous deux eu la chance de connaître le succès en solo " Sting, lors de son passage au Galaxie, au début de l'année 2013.

la fin de toutes nos interviews. Si chaque membre de la formation a eu, après la séparation, une carrière solo, les deux plus longues sont évidemment celles de McCartney et Starr, uniques survivants de l’aventure (Lennon ayant été tué par balle à New York en 1980 et Harrison ayant perdu la vie en 2001, suite à un cancer). Si l ’on parle assez régulièrement de McCartney, on oublie souvent que Ringo est, lui aussi, toujours en activité. À 73 ans, l’ex-batteur des Fab Four continue à produire des albums et à monter sur scène. Sa plus récente prestation ? Un duo lors de la 56e cérémonie des Grammy Awards en janvier dernier avec… Paul McCartney !   Aut re gen re , aut re é p o que , lorsque les Fugees, inscrits dans l’histoire du hip-hop américain, se séparent en 1997, après deux albums seulement. Lauryn Hill et

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Wyclef Jean démarrent alors chacun une aventure en solitaire. Si la première n’aura été qu’éphémère, celle de Wyclef perdure encore aujourd’hui. Musicien, chanteur, producteur… Jean n’hésite pas à alterner les casquettes et affiche sur son CV de nombreux albums et plus encore de collaborations avec divers artistes (Ludacris, Will.I.Am, Lil Wayne ou encore Timbaland). À noter tout de même, une brève reformation des Fugees entre 2004 et 2006 qui, au sortir d’une tournée européenne, se sépareront, définitivement cette fois. Ils sont revenus en force

Outre les retours « comme avant » et les échappées solitaires, une troisième catégorie est notable : les super-groupes. Pour ceux d’entres vous qui ne voient pas du tout de quoi je parle, une petite explication s’impose. Un super-groupe se

forme lorsque différents membres de formations renommées se réunissent pour monter un projet en parallèle (ou non) de leur activité habituelle. Et en effet, si vous vous posez la question, ça marche aussi avec les artistes solos. Le meilleur exemple et, probablement, le premier historiquement parlant : Million Dollar Quartet, combo réunissant – excusez-moi du peu – Elvis Presley, Johnny Cash, Carl Perkins et Jerry Lee Lewis.   Très répandu dans le monde du rock et du métal, ce phénomène a été plus récemment porté par de nombreux artistes aux influences aussi diverses que variées. Mélangeant les genres, les âges et les origines, ces combos offrent à nos ex-superstars des occasions parfaites pour redorer leur blason et surtout changer de registre. Par exemple, lorsque les ex-Rage Against the Machine que sont Morello, Commerford et Wilk se mettent à envoyer quelques notes à Chris Cornell, chanteur de Soundgarden, c’est Audioslave qui naît et fait vibrer les foules. Assez proche du son auquel nous a habitués Cornell et sa voix si particulière au fil des années, on s’éloigne tout de même complètement du style metal rap, si cher aux ex-RATM.


Ces vieilles gloires...   Exemples encore plus parlants de super-groupes, Neurotic Outsiders et Them Crooked Vultures. Les premiers, composés de Steve Jones des Sex Pistols, John Taylor de Duran Duran et enfin Duff McKagan et Matt Sorum des Guns N’Roses se sont adonnés, le temps d’un album et de quelques concerts, à un punk californien assez simple mais néanmoins efficace. Les seconds, quant à eux, se sont orientés vers un rock alternatif porté par des sons blues-rock assez péchus. Quoi de plus normal lorsque l’on s’appelle John Paul Jones (Led Zeppelin), Josh Homme (Queens of the Stone Age) ou encore Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters) ? Ils ne sont jamais partis

Les inépuisables Rolling Stones, par exemple. Depuis 54 ans, les pierres ne s’arrêtent pas de rouler. 24 albums à leur actif, quelques-uns des morceaux les plus emblématiques de l’histoire du rock, une réputation sulfureuse et des prestations scéniques aux quatre coins de l’univers. Et pourtant, même si leur dernier album en date fêtera ses huit ans en septembre, le phénomène n’a de cesse d’écumer les scènes de la planète, en s’appuyant surtout sur leurs titres les plus marquants, composés pour la plupart il y a de cela 25 ans déjà.

Shurik'n, l'un des derniers samouraïs du rap français, au sein de IAM.

" IAM continue de forger le rap "   Pas en reste, AC/DC, fêtera cette année ses 40 ans d’existence. Après avoir essuyé le décès de leur premier chanteur (Bon Scott, retrouvé mort en février 1980), le départ de Phil Rudd en 1983 et diverses périodes d’incertitudes et de difficultés, le groupe s’offre aujourd’hui le luxe de ne jouer que dans des stades et d’énormes festivals. Proposant des shows d’une qualité impressionnante, les Australiens semblent encore être au sommet de leur gloire, malgré les rides apparentes.   Motörhead, par contre accuse le coup. Début 2014, le régime alcoolisé de l’icône Lemmy commence doucement à venir à bout de son enveloppe charnelle. De nombreuses dates de concert ont dû être annulées en raison d’une santé en dents

de scie. Espérons que l’invincible bassiste saura trouver au fond de son verre de Jack le moyen de vivre encore quelques décennies. Pour la légende.   Souvent motivés par les lois du business, nombreux sont les artistes à prolonger le frisson des tournées, seul ou à plusieurs, en créant parfois des attentes sans précédent. Tout comme la majorité des noms mentionnés dans cet article, ils ont en tout cas marqué de leur trace la route de la musique moderne et resteront, pour beaucoup, gravés dans les mémoires, bien plus longtemps que les sillons dans les vinyles. 

Photo : Sting, Cédric Mathias- IAM, Margaux Gatti

Comment rédiger un dossier sur tous ces excellents compositeurs, sans évoquer ces légendes musicales qui nous font secouer la tête depuis des décennies sans sembler se fatiguer le moins du monde ? Traversant les épreuves, les coups durs et les époques, ces icônes mondiales n’ont toujours pas fini de nous étonner et n’ont pas l’air décidés à quitter leur poste.

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infographie

Clothes to me...

Petite timeline des costumes marquants de l'histoire de la musique. Par Quentin Crumbach. 

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Clothes to me...

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interview

as animals artistes caméléons

Propos recueillis par Nathalie Barbosa / photo : Ugo Schimizzi

As Animals est le duo le plus énigmatique de ce début d’année, formé par Zara et Fred. Aussi envoûtant qu’onirique, le titre I See Ghost (Ghost Gunfighters) irradie l’écran. D’où une certaine impatience à découvrir sur scène les deux acolytes, qui cultivent le goût du secret et dont le premier album, éponyme, est sorti le 27 janvier dernier. Karma : Pouvez-vous nous parler du prochain album. Est-il dans la continuité de I See Ghost? Zara : I See Ghost n’est effectivement pas une exception sur cet album. Nous avons enregistré les morceaux à Malmö en Suède. Je pense que ce disque représente bien toutes nos influences musicales, qui sont vraiment très variées, éclectiques. Cela va de la pop à un rock très profond.

Lorsqu’on a vu les idées proposées, on a tout de suite compris que c’était vraiment le miroir de la chanson. Sa vision était la même que la nôtre. Le clip vidéo est très métaphorique. Les gens qui y figurent sont dans la lutte, mais il y a un message d’espoir quand même. Nous ne voulions pas apparaître dedans car nous pensions que la musique parle d’elle-même. Q uelles influences ont eu les pays nordiques sur votre musique, puisque votre

Parlez-nous de vos influences musicales

album a été enregistré en Suède par Tore

justement.

Johansson ?

Zara : On écoute pas mal de choses récentes

Zara : Ils ont forcément une influence et cela a fait partie du processus de production. Les pays nordiques sont intrigants. Ils ont une vision de la musique et de sa pratique qui est totalement différente de la nôtre. Je pense qu’ils sont en avance sur la France, notamment en ce qui concerne les opportunités musicales et les aides.

comme les Franz Ferdinand, par exemple, mais moi j’adore le rock des années 1990. J’aime Cindy Lauper et aussi la new wave de The Cure ou encore Björk. J’ai découvert la musique nordique plus tard. Comment s’est passé votre travail avec Maxime Bruneel, le réalisateur du clip de I See Ghost ?

Pourquoi le nom « As Animals » ?

Zara : Très bien. Maxime nous a envoyé le

Zara : Il n’y a pas vraiment d’explication. On a mis plusieurs mois à trouver un nom

synopsis et nous avons pu créer le clip avec lui.

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As Animals

as animals sera en concert le 22 avril 2014 aux Trinitaires, à Metz

de groupe. Puis, quand on l’a choisi, cela a été évident. C’était un vrai soulagement. Nous fonctionnons de manière très instinctive tous les deux. Et si je vous demandais de choisir un

As Animals sur la scène du Café de la Danse, le 12 février dernier.

animal pour vous représenter, vous seriez quoi ? Zara : En fait, notre nom n’est pas à prendre à la lettre. Ce n’est pas un terme, mais plutôt une idée qui me représenterait. C’est le côté instinctif de l’animal, le fait d’être en retrait par rapport aux choses. Fred : Je suis déjà un animal en fait. Je suis l’animal Fred (rires).

Vous avez joué entourés de huit musiciens au Nouveau Casino, dont deux batteurs et deux choristes. Une idée à réitérer ? Fred : Si on pouvait, on aimerait bien avoir deux batteurs tout le temps (rires) ! Za ra : Nous voulions vraiment retranscrire l’ambiance de l’album sur scène et je pense que ça nous a bien réussi. Malheureusement, nous ne pouvons pas avoir ce genre de configuration scénique tous les jours. Il faut que ça reste exceptionnel. Fred, tu as rencontré Zara après l’avoir entendue chanter. Comment

Sentez-vous que la reconnaissance

lui as-tu vendu le projet ?

commence à venir, notamment avec

Fred : En fait, il n’y avait pas de projet

votre passage sur Taratata ?

Quand on débute dans la musique, comme nous, c’est vraiment une expérience formidable. C’était un rêve pour moi. Quand j’étais petite, je me disais que j’aimerais bien un jour jouer dans Taratata. Fred : Tous les artistes français connaissent ! Je regardais souvent étant ado. Pour moi, c’est le Graal de la télé. Cette émission est sérieuse et cohérente. Zara :

Qu’est-ce que vous pensez des réseaux sociaux ? C’est sympa ou c’est envahissant pour vous ? Fred : C’est un peu les deux pour moi ! Je n’étais pas trop là-dedans au début mais là je m’y mets tout doucement. Je me rends compte que c’est finalement assez sympa d’être en contact direct avec le public. Au départ les réseaux sociaux me rebutaient totalement.

As Animals au début. Après son concert, je suis allé la féliciter et je lui ai dit que j’aimerais travailler avec elle. Cela ne s’est pas fait tout de suite, on a commencé à composer un an après la rencontre.

Notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?

Alors moi, sans aucune hésitation : les Beatles ! Ils ont apporté la diversité, les sonorités, les paroles. Je les ai découverts sur le tard mais à chaque fois que je les écoute, je retrouve des influences dans les groupes de maintenant. Zara : Moi c’est le contraire ! Fred : Ben voilà, cela résume bien notre groupe en fait ! Zara : Oui, c’est ça As Animals ! Je prends les Rolling Stones pour le côté rock’n’roll, sauvage et sexy ! Et leur musique est chantmé !  Fr e d :

As Animals, As Animals, 2014, label Atmospheriques.

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interview

fauve blizzard ? vous avez dit blizzard ? Propos recueillis par Matthieu Henkinet

Adulé par les uns, raillé par les autres, le collectif français Fauve a sorti en février son premier album Vieux Frères – Partie 1, continuant de remplir aux quatre coins de la France de nombreuses salles de concert (20 dates au Bataclan de février à mai !). Nous avons pu rencontrer Stéphane (basse) et Pierre (guitare), lors de leur venue en octobre dernier pour la Nuit Blanche #6. Karma : Vous êtes un collectif pluridisciplinaire. Que retirez-vous de cette programmation dans le cadre de la Nuit Blanche 2013 à Metz ? Stéphane : La Nuit Blanche ça ne m’a jamais trop parlé. D’habitude, à Paris, les métros sont ouverts toute la nuit, tu peux voir des trucs un peu bizarres dans les rues avec des projections, les gens en profitent pour sortir et tout le monde se fout un peu des créations. Ici à Metz, c’est vachement marrant et très différent. Il y a des installations assez ouf, avec des aquariums dans les cabines téléphoniques, c’est vraiment créatif. Même l’endroit est dingue, un grand hangar avec un camion à l’intérieur (TCRMBlida, ndlr). On s’attendait à faire un concert un peu classique. Mais en fait, on se retrouve dans une véritable manifestation culturelle. On est très agréablement surpris de l’endroit et des réalisations.

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« En un sens, Fauve est une démarche thérapeutique »

Photo : Guillaume Hann


Fauve

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interview

« Fauve, c’est un peu l'équipe de foot amateur qui se retrouve en finale de la coupe de France »

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Pierre : Quand on nous a parlé de Nuit

Blanche Metz, il y a eu cette proposition de plateau en compagnie de Granville et La Femme. On a trouvé ça chantmé et on a tout de suite décidé de le faire. Ça pourrait être une scène de festival à part entière. c’est vraiment cool !

Comment évoluez-vous par rapport à ce concept de « blizzard », depuis la création de Fauve ? Pierre : Le blizzard, c’est la dépression

tout simplement, c’est un mot pour dire ce qui ne se dit pas. Ce qu’on met derrière ce mot-là, ce n’est pas un homonyme de la dépression mais c’est l’ensemble des agressions que tu vas pouvoir subir quotidiennement. ça regroupe tout autant les agressions de l’extérieur,

comme les gens qui te dérangent dans le métro, le temps de merde, ton boulot qui est pénible, que les agressions intérieures. Tout le monde a ses démons. C’est cette espèce de marasme, de mal-être, de condensé d’angoisses et de frustrations. Comment on se situe par rapport à ça ? C’est le blizzard qui nous a poussés à faire ce qu’on fait, c’est-à-dire que concrètement, ce sont les situations personnelles de chacun qui nous ont encouragés à créer ce projet, qui n’avait d’autre ambition que de nous faire aller mieux en tant qu’individu. Parce qu’à la base, ça nous permettait d’expulser, de vider notre sac, de se retrouver entre potes et de sortir de cette routine qui nous anesthésiait complètement. La naissance de Fauve


Fauve est due au blizzard. Et ça va mieux, parce qu’en un sens, Fauve, c’est une démarche thérapeutique. Ça ouvre un univers vraiment enthousiasmant, un peu plus lumineux, un peu plus beau que si l’on en était resté là il y a un an. C’est une évolution permanente.

en abordant ce qui nous a marqué au début. Le disque va ensuite évoluer vers des choses à la fois nouvelles et plus positives. Nos vies changent, cela impacte inévitablement nos textes et nos musiques. Justement, vous n’avez pas peur que cette

Le blizzard était au centre de vos premières

nouvelle notoriété transforme votre mode

créations. y a-t-il eu une évolution dans

de création, d’inspiration ?

la thématique et l’ambiance de l’album,

Stéphane : Je n’ai pas l’impression que nos

lors de son écriture ? Pierre : En fait ce qu’on s’est dit pour l’album,

c’est qu’il fallait raconter cette histoire de dingue. Il va y avoir un spectre de thèmes abordés, d’interprétations, mais aussi de sentiments. Au final, on ne sait rien faire d’autre que de parler de nos vies. C’est un peu narcissique, d’une certaine manière. On parle de ce qu’on vit et de ce qu’on ressent,

vies aient beaucoup changé. C’est sûr, on vit des choses, on peut moins parler du « métro, boulot, dodo » d’avant, parce qu’on ne le vit plus exactement. Néanmoins, on l’a vécu longtemps. Il y a un an, on y était encore. On a toujours les pieds sur terre. Sérieusement, je ne pense pas que ça puisse aller très loin. Ce n’est pas comme si on allait passer sur toutes les télés dans trois mois et qu’on

allait devenir des stars internationales, ça ne nous arrivera jamais, on ne le souhaite pas et la façon dont on procède fait que ça ne peut pas arriver. Pierre : Il n’y a pas de peur, ni de crainte. On est conscient que des choses vont changer dans nos vies, mais ça ne signifie pas la fin des angoisses et des frustrations. On continuera d’en parler. C’est ainsi que nous sommes, intrinsèquement, avec notre façon d’appréhender les choses, de les ressentir. Le succès est relatif, on vit très mal de Fauve, financièrement. Même si un potentiel succès arrivait et qu’il n’y avait plus ces frustrations, qui sont des sources d’inspiration très importantes, ce serait tout le malheur qu’on puisse nous souhaiter. Fauve n’a pas de but, pas d’ambition en terme de succès, de public et

Le groupe étant peu enclin à se faire photographier, nous avons privilégié des photos qui renvoient à l'ambiance que dégagent leurs morceaux.

photo : Lauriane Bieber

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interview

« On revendique le droit à l'erreur » commercialement. Fauve est un outil pour aller mieux. On a envie de continuer parce que c’est cool, mais si ça s’arrête, ce ne sera pas grave. Vous n’aviez donc jamais pensé à vous lancer dans une carrière artistique avant Fauve ?

Non, v ra i ment ja ma is. Honnêtement, ça fait dix ans qu’on se connaît, qu’on fait de la musique ensemble. On a eu plusieurs groupes avant. Ce projet en particulier est seulement différent dans la démarche et dans le fait qu’il ait réussi à aller plus loin. Pierre : En fait, on en parlait ce matin, on se disait que Fauve, c’est un peu comme au foot, quand les équipes d’amateurs se retrouvent en finale de la coupe de France, tous les trois ans. Les débuts, où l’on se retrouve entre potes pour parler, comme les équipes à l’entraînement le samedi après-midi et sans s’en rendre compte on arrive en finale. Ce n’est pas pour ça que tu vas finir ballon d’or. Même techniquement, on n’est pas bon. Ce que l’on a pour nous, c’est notre ténacité. On travaille beaucoup et très dur. Depuis qu’on Stéphane :

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a commencé, on n’a plus de vie sociale. On est dessus tous les jours, tous les soirs, toutes les nuits. Mais, sur scène, ce que l’on fait, c’est gentiment bancal. On n’a jamais essayé de cacher nos faiblesses et c’est justement cette fragilité qui a été appréciée. On n’est pas dupe, en live, il y a des fausses notes, des imprécisions. On n’avait jamais imaginé que ça pourrait marcher. Par rapport à cela, beaucoup de jeunes s’identifient à vos textes, à ce que vous dites. Ça vous importe la reconnaissance ? Pierre : On n’a pas la prétention de parler pour les autres. On parle pour nous même, en notre nom. Ça me saoulerait qu’il y ait un mec qui dise « regarde, lui, c’est la voix d’une génération » et que je ne me reconnaisse pas dans ce qu’il dit. Il n’y a pas de message, pas de leçon de morale. Mais qu’il y ait des gens qui se reconnaissent nous touche beaucoup. On se sent utile. Stéphane : Ce qui est génial aussi, c’est que ça favorise l’échange, par internet et après les concerts. Se retrouver et être connectés avec ces gens-là, c’est vraiment intéressant. Mais on n’y met pas plus de valeur que quand

on parle à un pote et qu’on donne un avis. On ne se sent pas particulièrement légitime pour porter une voix. Quelle vision ont vos proches vis-à-vis de ce que vous racontez dans vos textes ? Pierre : Au début, ce n’était pas évident à assumer v is-à-v is de nos proches, notamment nos parents. Ça leur a semblé un peu bizarre d’entendre tout ça. Je m’exprime au nom de tout le groupe, mais que ce soit notre entourage, nos familles, nos amis, ils sont fiers parce qu’ils voient qu’on fait ça avec envie, sincérité, enthousiasme, que ça nous plait. C’est un peu comme si on s’était créé une porte de sortie. C’est sûr, ils ont été un peu déstabilisés au début mais certains s’y retrouvent et ça permet d’aborder des sujets avec eux dont on n’aurait pas nécessairement osé discuté au préalable. Vous n’avez jamais regretté certaines choses énoncées dans vos textes ?

C’est vraiment une bonne question… C’est trop frais pour pouvoir juger. Mais c’est vrai qu’on a peut-être dit des conneries.

Stéphane :


Fauve Pierre : Au début on pensait que personne n’allait les écouter, maintenant on commence à voir des gens qui suivent vraiment Fauve. Donc on en vient à se poser la question et à faire attention à la façon dont l’ensemble de nos textes va être perçu. Stéphane : Cela contredit un peu la réponse que l’on vient de donner… Disons que ce n’est pas tant par rapport à ce que vont penser les gens, mais plutôt à la manière dont on va l’assumer que l’on s’interroge. Pierre : Oui, on n’a pas envie d’être rabat-joie, aigri. C’est vraiment ce qui nous fait le plus flipper : être perçu comme quelque chose qu’on n’est pas. On essaye de faire attention à ça. Parfois, on a envie de dire des choses et puis on se rend compte que c’est un coup de sang. Mais il faut aussi qu’on construise notre continuité, que ça reste spontané, pour pouvoir se développer sur du long terme. Aujourd’hui, les propos s’affinent. Kané était la première chanson écrite, 4 000 îles une des premières aussi, elle était un peu naïve, Saint Anne était très sombre. On les aime toujours, mais on les assume un peu moins. En fait, on se cherche réellement. Stéphane : Ce ne sont pas des choses qu’on regrette mais plutôt des tâtonnements. Pierre : On revendique le droit à l’erreur, on a déjà écrit des mauvais textes, fait de mauvaises chansons et heureusement, parce que ce serait trop de pression de se dire qu’on ne peut pas se tromper. On fera probablement encore pire, mais cela nous permettra de faire mieux après. Vos concerts sont joués dans la pénombre,

inscrit dans notre démarche. On voulait que les gens viennent à nos concerts pour écouter les textes et la musique, pas pour nous-mêmes. C’est tout ce qui nous importe. De plus, l’intégralité du collectif n’étant pas représentée sur scène, on ne voulait pas que certains membres soient mis en avant plus que d’autres. Et pour finir, notre question rituelle… Pierre (attrape le numéro de Karma) :

Attends, attends, on cherche, on veut voir ce que Limp Bizkit a répondu. C’est Beatles ou Rolling Stones, c’est ça ? Stéphane : Ah bah il n’y a pas match ! Pierre : Les Beatles évidemment ! On a déjà eu ce genre de débat avec des potes autour d’une table, avec une bière à la main… Et on finit par se battre. Le problème avec les Rolling Stones, c’est qu’à la base… (il hésite) Est-ce que vous savez quelle est la première chanson des Stones qui a été classée numéro 1 ? Au début des années 1960, les Stones n’écrivaient pas encore leurs propres chansons et galéraient à lancer leur carrière. Paul McCartney et John Lennon avaient alors proposé un titre à Ringo Starr. Il s’agissait de I Wanna Be Your Man qu’ils ont finalement refilé aux Stones et qui devint en définitive le premier gros succès de leur histoire. En plus, ce groupe s’est pas mal construit sur l’image, alors que d’un point de vue musical ils font simplement du blues, ils ont des riffs. Les Beatles, musicalement, sont beaucoup plus travaillés. Sans conteste, ils sont vraiment une source d’inspiration pour nous.

vous n’êtes pas vraiment pour afficher vos visages dans la presse. Pourquoi tenez-vous

Fauve, Vieux Frères p.1, 2014, Fauve Corp.

tant à cet anonymat ? Pierre : On tient à cet anonymat non pas par

prétention, ou pour quoi que ce soit d’autre, mais à la fois par pudeur, pour nous-mêmes, ainsi que nos proches et parce qu’on n’aime vraiment pas ça. D’autre part, c’est également

fauve sera en concert le 4 avril 2014 à l'Autre Canal, à Nancy et le 5 avril à la Rockhal, au Luxembourg

Fauve a récemment mis en place une application permettant de "fauver" vos images. En voici quelques exemples.

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interview

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Pixies

pixies

une petite part de magie...

« Je pense que les Européens ont bien meilleur goût que les Américains ! »

Propos recueillis par Guillaume Hann / photos : Yvan Cauvez

Les Pixies, groupe illustre de la fin des années 1980, reprennent la route. Surtout, ils ont enfin décidé d’écrire à nouveau, après plus de vingt ans de silence mélodique. Passé un concert fin 2013 à la Rockhal, nous avons eu l’occasion de discuter avec David Lovering, éternel batteur de la formation, mais aussi magicien durant les années de pause du groupe. Karma : Comment avez-vous décidé de vous reformer en 2004 après 10 ans de pause ? David Lovering : En

fait, tout a simplement débuté par une blague. Charles (alias Black Francis) était en Europe et donnait une interview pour une radio. Au détour d’une question, il a commencé à dériver sur une possible reformation des Pixies. Rapidement, ça a donné des rumeurs. Elles ont pris de l’ampleur, si bien qu’on a réalisé qu’il y avait une attente à ce niveau-là. Honnêtement à ce moment précis, je n’aurais jamais cru ça possible. Mais finalement, Charles a appelé Joey (Santiago, guitariste de la formation ndlr), qui m’a appelé et a appelé Kim. Tout s’est alors mis en route. Depuis qu’on s’était séparé, j’avais continué à jouer un peu de batterie et puis finalement j’avais arrêté progressivement pour me mettre à faire de la magie et préparer mon spectacle. Quand j’ai commencé à

faire de la musique, je pensais que vivre de cette profession était compliqué. Je sais aujourd’hui que vivre de la magie est encore plus dur ! Qu’est-ce qui vous a poussé à ressortir des morceaux, alors qu’au départ il n’en était pas question ?

On s’est reformé en 2004, pour faire une tournée qui ne devait durer qu’un an. On reprenait nos morceaux des précédents albums, notamment de Doolittle. La tournée a cartonné et tout ça a pris beaucoup d’importance, si bien que nous sommes restés sur la route pendant près de sept années. On se rendait alors bien compte qu’on était bloqué avec nos éternels mêmes morceau x . De fa it, on s’est m is à discuter de la possibilité d’écrire de nouvelles chansons. à partir de là, il nous a fallu encore trois années avant de s’atteler à cette tâche.

Pourquoi avoir opté pour ce format court, sous forme de deux EP (EP1 – sorti en décembre 2013 // EP2 – sorti en janvier 2014) ?

Il faut savoir qu’on n’a pas de maison de disque à l’heure actuelle. On s’est rapidement dit qu’on n’était pas cantonné au format habituel. Quand je dis « on », c’est surtout notre manager, parce qu’il est bien plus intelligent que nous (rires). En plus, on savait qu’on avait un important noyau de fans et de nombreux inscrits sur notre mailing list. On pouvait donc les contacter et les toucher directement via différents médias. Cette solution nous paraissait plus simple que les canaux traditionnels. Êtes-vous intéressé par les nombreuses évolutions du monde de la musique, notamment du point de vue de la communication ?

Oui, évidemment, on n’est presque plus dans le même monde. Il y a eu des

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interview

« J’ai beaucoup de mal à concevoir l’influence que peuvent avoir les Pixies » changements énormes entre les deux périodes, mais je pense vraiment que les réseaux sociaux et les nouveaux médias dont on dispose constituent une très bonne opportunité, nous permettant de toucher un nombre croissant de fans.

Aujourd’hui, notre noyau de fans est bien plus étendu et va des gamins qui n’étaient même pas nés à nos débuts, jusqu’à des types de mon âge, et ça, ça me semble complètement surréaliste ! Justement, êtes-vous conscient de

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Pensez-vous que la séparation du

toute l’influence qu’ont pu avoir

groupe ait aidé à obtenir le statut

les Pixies sur l’explosion du rock

culte qu'il peut avoir aujourd’hui ?

alternatif ?

C’est une question très intéressante. On ne sait pas ce qui se serait passé si on était resté ensemble à ce moment-là. Ce qui est sûr, c’est qu’on est revenu en étant beaucoup plus populaires qu’au moment de notre séparation. Du coup, oui, ça a dû forcément jouer. Ce qui me semble le plus fou, c’est que quand on jouait fin des années 1980, début des années 1990, tous les auditeurs avaient approximativement le même âge.

Oui… c’est une chose que je sais. Mais c’est très difficile de réagir à ce sujet. Pour moi, c’est avant tout mon job, ce que je fais pour vivre. J’ai beaucoup de mal à prendre du recul sur l’influence que tout ce que l’on a fait peut avoir. J’en ai conscience et on m’en parle assez régulièrement, mais j’essaie de ne pas y réfléchir et je n’ai vraiment pas envie de me considérer comme une personne importante.

Avez-vous pensé à Kim Gordon (bassiste de Sonic Youth) pour remplacer Kim Deal (bassiste des Pixies ayant quitté le groupe en juin 2013) ? Il y aurait eu des facilités au niveau du prénom !

(Rires) Je crois qu’on a pensé à à-peu-près tout le monde. D’ailleurs, on a même recruté Kim Shattuck pendant une petite période, sur une partie de la tournée, mais on avait prévu de ne pas continuer avec elle de manière permanente. Je crois qu’on l’a un peu choisie à la hâte et que ce n’était pas fait pour durer de toute façon. Ensuite est arrivée Paz Lenchantin et elle est vraiment incroyable. C’est un vrai plaisir de travailler avec elle. Vous avez à nouveau fait appel à Vaughan Oliver pour illustrer les deux EPs. était-ce dans une volonté de cohérence visuelle ?

Oui, on travaillait avec lui quand on était encore chez 4AD et on avait envie de conserver l’esthétique qui était propre au groupe. C’est pour ça qu’on a fait appel à Gil Norton, notre ancien producteur, afin de garder


Pixies

aussi une véritable continuité. Je pense que la musique va au-delà des chansons et que l’identité visuelle est aussi importante que les morceaux dans l’ADN d’un groupe.

popularité est actuellement en pleine croissance en Amérique. Je pense que ça s’explique très simplement : les Européens ont bien meilleur goût que les Américains (rires) !

Comment avez-vous décidé de devenir magicien après les Pixies ?

Vous avez déjà envisagé de mixer vos

C’est tout simple ! J’ai vu un tour de magie, une fois, qui m’a v raiment retourné. Je crois que c’était en 1996, après la séparation du groupe. C’est une activité très amusante, mais très difficile, comme je le soulignais tout à l’heure. Aujourd’hui, je le fais encore en backstage, après les concerts. ça amuse les gens qui viennent nous voir. Quand je dis que c’est plus difficile, c’est vraiment de manière financière. Je pense que si je n’étais pas connu en tant que rockstar, je pourrais malgré tout l’être en tant que batteur. Mais vivre de la magie, c’est pratiquement impossible. Il y a énormément de talents dans le monde, mais un tout petit nombre arrive à faire carrière. La plupart doit avoir une autre activité en dehors.

activités de musicien et de magicien

Est-ce que vous pensez que la B.O. de Fight Club a fait connaître les Pixies à un nouveau public ?

Il est possible que le film ait aidé à populariser le groupe. Je pense que ça a pu intéresser des gens qui ne nous avaient jamais entendus auparavant, ma is honnêtement, je ne sa is pas trop. Beaucoup de gens m’en parlent régulièrement, mais je ne m’y intéresse pas vraiment. L’aura du groupe semble être plus grande en Europe qu'en Amérique. Le ressentez-vous ainsi ?

Oui, je crois que ça a toujours été le cas depuis nos débuts, même si notre

sur scène ?

En fait, j’ai déjà fait la première partie des Pixies, avec mon show de magie. Je l’ai également fait pour d’autres groupes de rock. C’est une sensation géniale, parce que même si je suis extrêmement mauvais, je vais forcément être aimé et applaudi. Je le fais en tant que David Lovering, les gens savent qu’il s’agit de moi. Je porte simplement une blouse de chimiste. J'ai entendu dire que vous avez refusé le poste de batteur des Foo Fighters, est-ce vrai ?

C’était vraiment une période de ma vie très compliquée. J’ai de vagues souvenirs que la question s’est posée, mais je ne m’en souviens pas très bien. Je ne crois pas qu’on me l’ait demandé directement, même si je connais bien Dave Grohl (ancien batteur de Nirvana et chanteur/ guitariste des Foo Fighters ndlr) et que j’ai su après coup qu’il avait effectivement pensé à moi pour ce poste. Enfin, notre question rituelle : plutôt Beatles ou Rolling Stones ?

Sans hésitation, les Beatles ! J’aime beaucoup les Stones mais deux de mes chansons préférées sont des Beatles : Michelle et Penny Lane. Rien que pour ça, je suis forcé de les choisir.  Pixies, EP 2, 2014, indépendant.

Black Francis, le bien nommé. Le groupe sur scène à la Rockhal en décembre dernier, avec Paz Lenchantain à la basse.

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interview

« La guitare est un outil, comme un marteau ou un tournevis »

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Lee Ranaldo

lee ranaldo guitariste à la sAgesse sonique

Propos recueillis par Guillaume Hann / photos : Ugo Schimizzi

L’étonnant guitariste Lee Ranaldo, ex-membre fondateur du groupe new-yorkais Sonic Youth était en concert solo en novembre dernier aux Musées de la Cour d’Or à Metz. L’occasion de rencontrer le musicien autour d’une choucroute et d’évoquer sa vision de l’art et du monde. Karma : On dit souvent que votre musique est expérimentale, mais comment vous définiriez-vous ?

Avec l’aimable autorisation de Michel Kirch.

Lee Ranaldo : En fait, je ne vois pas les choses

comme étant expérimentales ou non. Je pense que tout est un peu une expérience, surtout si vous travaillez dans différents domaines. Je me considère comme un musicien, un artiste visuel et un écrivain. Le fait d’être expérimental ou pas, c’est surtout lié au point de vue. Pour certains, une création peut être très loin de ce qu’ils connaissent et pour d’autres très traditionnelle. Cela dépend donc de la relation que vous avez avec l’art et de ce que vous voyez. J’ai commencé en tant que peintre et je fais encore aujourd’hui des œuvres visuelles. J’écris aussi. Je m’intéresse à l’art en général et sous toutes ses formes. La musique en est une, le cinéma, l’écriture ou la littérature en sont d’autres. En fait, vous vous en moquez d’avoir fait partie d’un groupe qui a connu énormément de succès ? Vous vous concentrez essentiellement sur votre art ?

à la base, nous ne voulions pas avoir de succès, mais nous voulions être bons ! Le succès nous

a permis de pouvoir continuer à être bons. La seule relation que nous ayons eue avec cette idée de la réussite, c’était qu’elle nous permettait de pouvoir continuer. Comme ça, nous n’avions pas besoin de nous arrêter, pour aller travailler dans un supermarché par exemple (rires) ! Nous étions bien sûr contents d’être reconnus pour notre travail, mais notre but n’a jamais été de devenir des stars. Quand nous avions déménagé à New York pour être des membres du monde de l’art, que ce soit en matière de musique, de cinéma, de peinture, d’écriture ou autre, la notoriété nous a permis d’explorer des domaines qui nous passionnaient déjà et de rencontrer des personnes qui nous intéressaient. Combinez-vous le fait d’être en tournée avec le dessin ?

Oui et je le fais très bien même. Le fait d’être en tournée m’inspire beaucoup. L’écriture aussi est influencée par mes voyages, sans oublier les dessins et la photo. Je ne peux pas aller sur ma page internet ici, mais tu verras sur mon site, il y a beaucoup de dessins et de travaux que j’ai eu l’occasion de réaliser.

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interview Peut-on parler de votre façon de jouer de la guitare et de l’héritage que vous laissez dans cet univers ? Vous avez légué beaucoup de sons alternatifs comme source d’inspiration.

Ce que nous avons fait a visiblement beaucoup d’importance pour pas mal de monde. Nous voulions aussi que notre musique ait un sens. Il y avait beaucoup de personnes qui faisaient ce genre de sons, mais nous étions peutêtre les premiers à les faire dans un

les domaines. Il y avait pas mal de nouveautés qui apparaissaient aussi en musique, Lou Reed développait son fameux Velvet Underground quelques mois auparava nt. J’ai été confronté la première fois aux open-tunings vers 12 ou 14 ans, avec mon cousin plus âgé qui était guitariste. Il m’a appris les chansons de Joni Mitchell. J’ai commencé très tôt à jouer avec ce genre de sons et j’ai découvert que beaucoup de joueurs de blues les utilisaient. Par la suite, Keith

« La musique de Sonic Youth a marqué les esprits et ouvert la voie » contexte plus rock. Keith Richards, Joni Mitchell, la liste est longue ! Nous avons conscience d’avoir fait quelque chose qui a marqué les esprits et d’avoir ouvert la voie. C’est un vrai compliment et une chose merveilleuse à entendre. D’où vous est venue cette idée d’expérimenter autant avec la guitare électrique ?

Je pense que cela vient du moment où nous avions emménagé à New York. C’était une époque très riche en expérimentations dans cette ville, à ce moment-là et dans tous

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Richards et Joni Mitchell ont développé leur propre musique. Tout s’est beaucoup accéléré en général. Aussi, je trouve ça logique que les instruments à cordes soient accordés de façon différentes. Les guitares sont le plus souvent fabriquées de manière standard, un peu comme les pianos. C’était donc normal pour beaucoup d’artistes de réaliser leurs propres réglages. Mais c’était visiblement étonnant à l’époque dans un contexte rock/ indie, dans lequel nous évoluions. En faisant cela, on se différenciait aussi des autres groupes, car on

était les seuls et donc les meilleurs à le faire (rires) ! Cela nous a permis de nous différencier et d’éviter un certain nombre de clichés. Tous les joueurs de guitare qui savaient faire avec des accordages standards, pouvaient jouer un Clapton tandis que nous ne pouvions pas, en tout cas pas de la même façon. Nous avons dû inventer une nouvelle façon de faire de la musique. Comment se sent-on quand on est considéré comme étant l’un des meilleurs guitaristes de tous les temps ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le magazine Rolling Stone.

(Rires) C’est très flatteur ! C’est probablement n’importe quoi, mais c’est très flatteur ! C’est vraiment sympa de la part de Rolling Stone de nous donner un peu de reconnaissance, car ça reste une chose rare pour Sonic Youth ! En tout cas, je n’y réfléchis pas trop, si je peux m’exprimer ainsi. Vous avez travaillé avec l’artiste et musicien Raymond Pettibon pour Sonic Youth. Pensez-vous que les artworks des albums soient importants dans l’univers d’un groupe ?

Oui, c’est très important. Lorsque je fais un album, j’y réfléchis très sérieusement. Tu travailles tellement dur, tout ça pour te retrouver avec un tout petit truc avec une couverture en plastique dans les mains pour les CDs. J’ai l’impression qu’il n’y a pas vraiment d’émotion ! Alors qu’avec les vinyles, il y a un vrai feeling ! Dans mon esprit, je construis d’abord mon idée de pochette pour le vinyle et l’adaptation se fait ensuite pour le format CD. Souvent, lorsque les journalistes reçoivent l’album pour en écrire une critique, ils ne reçoivent que les différents titres à télécharger et pas l’artwork qui va avec. J’aime lire toutes ces petites choses qui sont inscrites sur le disque, notamment concernant tous les noms mystérieux qui ont fait ceci ou cela sur l’album. C’est un tout : la partie visuelle et la musique ! C’est sûrement dans l’ère du temps de n’envoyer que la musique, car elle arrive et disparait tout aussi vite. Tu écoutes l’album sur ton ordinateur une ou deux fois, sur tes haut-parleurs merdiques et tu passes à autre chose. C’est un monde étrange dans un sens (rires) ! Je pense que la musique a moins d’importance dans notre quotidien aujourd’hui. Enfin, sauf la musique pop, qui est toujours primordiale pour le business. Est-ce que vous pouvez nous parler de votre album solo, Last Night on Earth, dont certaines chansons parlent de l’ouragan Sandy, il me semble ?

Quelques morceaux ont été commencés pendant l’ouragan, c’est vrai. Nous n’avions plus de lumière, ni d’électricité, ni d’eau potable pendant une semaine dans le Lower Manhattan. Il n’y


Lee Ranaldo avait pas grand-chose à faire le soir avec les bougies. Les téléphones et les ordinateurs ne pouvaient pas être chargés, donc ils ne fonctionnaient pas. Il n’y avait rien à faire ! Le plus souvent j’étais avec ma famille et je jouais de la guitare acoustique. J’ai beaucoup joué cette semaine-là et j’ai eu par conséquent pas mal d’idées pour mes chansons, notamment pour les titres Blacked Out et Last Night on Earth. Ce n’est pas un album concept, mais c’est vrai que plusieurs compositions sont nées pendant cette semaine très particulière. Concernant Sonic Youth, vous parlez parfois d’une possible reformation ?

Non, pas du tout. Nous n’en parlons pas et, à vrai dire, on s’en fout, même si on se voit régulièrement. Uli Jon Roth (ex-Scorpions) nous a confié mettre l’accent plus sur les « couleurs des sons » que la technicité. Est-ce une approche que vous pourriez avoir aussi ?

De temps en temps, il y a quelqu’un qui enseigne une approche différente, alors que c’est le même instrument pour tous finalement. La guitare est un outil, comme un marteau ou un tournevis. Les outils ne sont pas précieux. Tu les as car ils ont une utilité et ils servent à faire quelque chose. Pour la guitare c’est le même principe. Si tu as peur de la soulever ou de l’égratigner, tu ne t’en serviras pas correctement. Si tu as un outil, c’est pour l’utiliser. Si tu le casses, tu le fais réparer ou tu en achètes un autre. Enfin, notre question rituelle : plutôt Beatles ou Rolling Stones ?

Lee Ranaldo s'est volontiers prêté à l'exercice de la pose, aux Trinitaires, à Metz, après avoir dégusté sa choucroute.

J’aime les deux, mais je choisis les Beatles. J’ai été influencé par leur musique dès le début. J’étais très jeune, mais j’ai écouté plusieurs albums à ce moment. Ce groupe a tout fait correctement : ils étaient de supers compositeurs, d’excellents musiciens et eux aussi ont fait beaucoup d’expérimentations ! J’aime les Stones mais à choisir : les Beatles. Ils ont pris des graines de Chuck Berry et de Buddy Holly et les ont semées. Tous les musiciens après cela ont toujours été dans leur sillage.  Lee Ranaldo, Last Night on Earth, 2013, Matador.

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influences

Au Nirvana du plagiat... Vieux rocks bien rétro Par Rémi Flag

Scandale ! De bons vieux rocks aux arrière-goûts rétro seraient-ils en définitive de simples reprises ? Enquête sur d’étranges ressemblances, aux côtés de ce cher Marty McFly.

Cobain contemple le chien fou Bowie d'un regard envieux...

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e 5 novembre 1955, Marty McFly quitte le bal de fin d’année du lycée de Hill Valley, non sans avoir enseigné Johnny B. Goode à Chuck Berry, bouclant la boucle temporelle (et sans paradoxe s’il vous plaît). Les suites du film ne sont qu’un tissu de mensonges éhontés, puisque Marty n’est pas reparti en 1985, mais plutôt dans le local de repet’ des Beach Boys, en panne de créativité. C’est en entendant McFly leur jouer un autre morceau de Chuck Berry, Sweet Little Sixteen, que nos Californiens trouvent l’inspiration pour composer Surfin’ U.S.A. Chuck sera crédité en tant que compositeur dès 1966, tout en ayant rappelé aux jeunes imberbes qui était le patron. Et si vous pensiez que Doc Brown était à court de carburant, vous vous méprenez. La DeLorean a enfoncé beaucoup de garages, ce qui aurait pu avoir de lourdes conséquences sur bien des carrières. Elle a parfois d’ailleurs atterri dans des endroits surprenants, comme Abingdon, une ville anglaise près d’Oxford.

L

1992 : Thom, Jonny, Colin, Phil et Ed, qui viennent d’allumer les amplis pour s’échauffer, remarquent qu’un vinyle de The Hollies traine sur la table basse du salon, entre deux cadavres de Gordon (qui est une marque de bière et non pas un duo de domestiques anglais). Creep, le chef-d’œuvre de Radiohead, était né, inspiré de The Air That I Breathe. Tous colères, Albert Hammond et Don Altfeld vont poursuivre Radiohead pour plagiat et gagner. D’ailleurs, sucer de vieilles galettes de manière inassumée est un phénomène plutôt ancré dans le rock anglais. Même les sacro-saints Beatles s’y sont essayés, toujours aux dépends de ce bon vieux Chuck, d’ailleurs, qui aura autant fait vivre Gibson que les cabinets d’avocats. Ecoutez You Can’t Catch Me pour reconnaître Come Together. Récemment, Coldplay s’est fait chatouiller par Joe Satriani, qui supputait que Viva la Vida ressemblait à If I Could Fly (sujet que nous vous avions détaillé dans les pages de notre numéro 3).


Au Nirvana...

Dans le milieu plein de promiscuité de la musicologie rock, certains sont presque aussi célèbres pour leur réputation de calqueurs que pour leurs albums. Led Zeppelin par exemple, est un groupe soupçonné d’une quinzaine de reprises plus ou moins déguisées. Un pourcentage assez faible pour un my t he proche des 50 ans de métier, mais qui interroge toutefois sur la présence de

" sucer de vieilles galettes est ancré dans le rock anglais " photocopieurs dans les studios d’enregistrement. Si le nom de Jake Holmes ne vous dit rien, sachez qu’il fût le premier à interpréter un certain Dazed and Confused en 1967. à l’écoute du titre de Led Zep’ du même nom, c’est bonnet blanc et blanc bonnet (pour 1 million de livres le bonnet). Vous allez dire : « Oui mais, Stairway to Heaven ! ». Précisément. Spirit est un groupe qui en 1968, jouait un titre appelé Taurus, où vous entendrez la célèbre intro de Stairway to Heaven. Pour les accords, c’est du côté d ’un groupe appelé The Chocolate Watch Band et leur chanson And She’s Lonely, qu’il faut se tourner.

étonnement, les Américains, qui ont pourtant une réputation de personnages fins bien entachée, ont souvent réussi le pari des reprises, tout en endossant ouvertement de partager les origines de leurs compositions. Pour preuve Nirvana et The Man Who Sold The World, à l’origine interprétée par David Bowie en 1970 est merveilleusement reprise par Kurt Cobain en 1993. De même que Where Did You Sleep Last Night est une reprise qui apporte beaucoup d’émotions à l’originale, In the Pines de Lead Belly, qui est à la cover rock ce que James Brown est au sampling dans le hip-hop : une poule aux œufs d’or.

Chuck Berry, dont le duckwalk a été emprunté par Angus Young de AC/DC.

Marty McFLy reprenant Johnny B. Goode, et popularisant ainsi le vieux rock auprès de toute une jeunesse des années 80.

Mais ne restons pas pour autant dans la critique facile de la perfide nation étoilée. Green Day ou encore Avril Lavigne ont eux aussi connu leurs lots de procès. Finalement, si tout le monde est concerné (y compris notre Johnny national), c’est probablement que nulle œuvre n’est réellement originale tant les groupes se nourrissent de leurs inf luences, ou que la DeLorean continue de cramer des gigawatts. 

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cinéma

Inside Llewyn Davis

Chronique d'un folk-loser Par Ugo Schimizzi  Les frères Coen ont apporté au cinéma un nouvel objet de leur esprit ingénu, pour le moins original. Inside Llewyn Davis est l’odyssée désespérée d’un homme qui voulait réussir à imposer une musique désuète : la folk.

ésuète vraiment ? Pas à en croire l’image finale dévoilant au coin d’un bar un certain Bob Dylan, dont on connait le parcours ensuite. Cependant, dans le monde de Llewyn Davis et dans ses nombreuses rencontres, la folk semble ici être une cause perdue, à l’image de son incarnation cinématographique. De son propre producteur aux pontes du business musical, rencontrés au gré du voyage (notamment Roland Turner, croisé en chemin et joué par l’excellent John Goodman, également présent dans The Big Lebowski), Llewyn Davis fait de sa vie un mélodrame épique, ponctué de déboires. Du quartier de Greenwich Village au cœur de New York jusqu’au bout de ses pérégrinations en direction de Chicago, c’est bien la poisse qui dirige l’œuvre de Llewyn et ses quelques moments de vie, que nous proposent les frères Coen. Malchanceux, désarçonné par le quotidien, en quête d’un chat fuyard et tentant de sauver une histoire d’amour bancale, il essaye en vain de percer dans la musique. En solo d’ailleurs, puisque son compagnon de route lui a fait défaut au détour d’un pont, finissant tristement sa vie par un acte solitaire. Seule sa guitare semble s’accoutumer à sa présence de loser, finalement bien rythmée par une musique folk lancinante et efficace.

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Car oui, le film est bien un prétexte parfait à dérouler une succession de chansons pertinentes, apposant à l’image la dose mélancolique de mélodies nécessaires à faire de cette œuvre un tout précieux et captivant. Une certaine lenteur caractéristique est régulièrement brusquée par les erreurs de Davis, dont l’histoire est visiblement inspirée d’un auteur de folk bien réel : Dave Van Ronk. Mort en 2002, l’homme

" seule sa guitare semble s’accoutumer à sa présence de loser " était un ami proche de Bob Dylan et également son professeur de guitare, ayant connu un certain succès au cœur des sixties, surtout à l’échelle de sa ville, New York. Dylan écrira dans ses chroniques : « J’adorais son style. Il incarnait ce qu’était cette ville. Dans Greenwich Village, Van Ronk était le roi de la rue, il régnait en maître », à défaut d’avoir connu le même succès que son élève. C’est d’ailleurs certaines des chansons de Van Rank qui sont directement jouées à l’écran et chantées par Oscar Isaac, l’acteur incarnant le fameux Llewyn. Ce qui n’est pas sans rappeler la prestation de Joaquin Phoenix dans Walk the Line et son incarnation convaincante du chanteur Johnny Cash. Il est, alors, d’autant plus appréciable de pouvoir entendre les morceaux de bout en bout, berçant d’une langueur persistante des plans visuellement beaux. La ressemblance avec Van Ronk ne s’arrête pas là, puisque la pochette du vinyle Inside Llewyn Davis, présent dans le film, est elle-même largement reprise du visuel de l’album Inside Dave Van Ronk, réel, lui. De même pour sa dénomination qui se retrouve dans le titre du longmétrage. Plutôt que paria, la source d’inspiration des réalisateurs était, elle, un véritable modèle pour bon nombre de guitaristes, qui se relayèrent sur son canapé, afin d’apprendre auprès de l’habile bretteur.


Inside Llewyn Davis

Ainsi, le discret professeur Van Ronk, qui ne cherchait pas le succès, mais plutôt la passation d’un certain savoir, aura réussi son œuvre, laissant au monde un élève interprète génial et un film de qualité sur les débuts de « sa » vie. La phrase qui suit résume à elle seule sa conception de son art : « Il existe un système d’apprentissage [dans la musique]. Ainsi, même si les musiciens ne sont pas spécialement sympa en privé, ils se sentent dans l’obligation d’aider les plus jeunes. » That’s all . .. Folks !  Inside Llewyn Davis, de Ethan et Joel Cohen, Mike Zoss, Scott Rudin & StudioCanal Productions, 2013.

Photo extraite du film.

Plus que la vie d’un homme, c’est bien toute une scène musicale qui est traduite dans ce film par les frangins, le temps de quelques mois. L’apanage de la folk ou l’épopée d’un style en pleine renaissance, succédant à une première mouture apparue dans les années 1940 autour de figures comme Woodie Guthrie. Vingt ans plus tard, au cœur de la côte Ouest, les folksongs fleurissent dans les bars miteux et caressent du regard les rythmiques rock’n’roll, distillant d’une manière plus mélancolique leur courant protestataire et leurs textes d’une poésie toute acoustique. Aux côtés de Bob Dylan, émergèrent Joan Baez, Leonard Cohen et bien d’autres chefs de file. Entre temps, beaucoup d’appartements auront été squattés et des plans hasardeux auront vu le jour, tandis que des calculs d’une semaine à l’autre étaient fiévreusement exécutés pour pouvoir presser un disque fait de sueur et d’envie. Parfois, ce dernier permettait d’accomplir une tournée de salles minuscules à coups de compositions uniques et de reprises burinées par les médiators. Le voyage, la route, l’aventure, mais aussi le ressac perpétuel de l’ouvrier ou du soldat noircissaient les partitions de ces lonesome musicians. Quelques thèmes qui ont forgé de notes les morceaux d’une génération, habituée à rêver au milieu d’un océan de goudron. C’est également la grande période du best-seller Sur la Route de Jack Kerouac, intensifiant le plein emploi dans la culture des mots beatniks et hobos, ces derniers s’inscrivant petit à petit dans le folklore de l’Amérique d’alors. Adeptes de la connaissance sans pour autant s’attacher à la reconnaissance, nombre de musiciens folks méconnus comme Dave Van Ronk auront marqué leur époque d’indépendance et de réflexions.

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museek

Okami Haïku d'automne...

Ōkami est une toile de maître. Jamais des sonorités aussi maîtrisées n’ont autant aidé à porter une œuvre vidéoludique au rang d’objet d’art. Installez-vous confortablement et fermez les yeux.

Par Thibaut Clement / Illustration : Sylvain "C4rrousel" Calvez

harles-Ferdinand Ramuz a dit en son temps : « Allez souvent vous recueillir dans la nature. Alors vous serez en état de comprendre les œuvres des hommes ». Ōkami est bien une œuvre, mais certainement pas celle des hommes. Signifiant « grand dieu » en japonais, le jeu porte le fardeau de cette origine chimérique, faisant de lui un poème méconnu et sauvage. Car s’il a bien la forme d’un jeu, sorti en 2006 sur Playstation 2 et qu’il dispense volontiers du divertissement aux hommes, Ōkami ne devra jamais être considéré en tant que tel. C’est une toile, sur laquelle la profondeur de champ nous permet d’apercevoir le fond de notre propre pensée. Si on lève la tête, on peut même croire apercevoir entre les branches la présence bienveillante de Sakuya, princesse-fleur symbole de la vie terrestre et de la floraison. Ōkami est donc cet étrange fruit de la nature vidéoludique qui apporte un message en courant pour repartir aussitôt, nous laissant avec cette impression désagréable au réveil, d’avoir vécu un rêve fantastique dont les détails nous échappent.

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La déesse, sous sa forme animale, est connue... comme le loup blanc.

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La soundtrack de l’œuvre la porte puissamment. Rarement une bande originale n’a suscité autant d’émotions, n’a accompagné les estampes avec autant de profondeur. Le risque évident pour une création aussi graphique que pouvait l’être Ōkami, était de voir l’ambiance sonore délaissée. Il n’en est rien. Au contraire, la musique est ambitieuse, puissante et d’une très grande technicité.   Vitrine du folklore japonais, tout en onirisme et références mythologiques, le jeu est enraciné dans ses origines insulaires. La bande son est le reflet de cette grande

maîtrise musicale qui accompagne ce perfectionnisme oriental. La majeure partie de la longue et vénérable soundtrack (plus de 220 titres sur pas moins de 5 CD) a donc recours aux piliers de la musique traditionnelle japonaise pour assurer son identité culturelle.   Les sons de shakuhachi, flûte traditionnelle japonaise en bambou, viennent bercer le joueur de mélodies mélancoliques et raffinées, avant de le jeter sans ménagement dans une rivière de taïko, percussions puissantes dont le roulement emporte avec lui le courage et les espoirs du joueur au cœur de la bataille. Les sons de shō (orgue à bouche) et de hichiriki (hautbois à double anche) rappellent volontiers les spectaculaires théâtres épiques kabukis, dont l’inspiration est à peine dissimulée. D’autres titres à l’identité japonaise forte avaient déjà fait ce choix, comme Gambare Goemon, saga de jeux vidéo incontournable au Pays du Soleil Levant, usant et abusant du folklore pour colorer ses titres enjoués.   La musique de cour gagaku est également utilisée comme base solide à des chants ruisselants, langoureux et envoûtants, dont les explosions symphoniques font corps à des barritus guerriers ancestraux. L’utilisation technique et virevoltante du shamisen, luth à trois cordes, vient parfaire le tableau. Si les frères Yoshida ont depuis longtemps brillamment démontré tout le potentiel moderne et polyvalent de l’antique instrument, Ōkami s’attache à lui redonner son rôle historique. Les accords pincés semblent en symbiose avec les pas de Shiranui, le loup blanc personnage principal du jeu.   Ōkami est contemplatif. Si l’univers retranscrit est le chemin de l’évasion, la bande originale en est le cheval. Il n’est pas un instant sans qu’au détour d’un cerisier en fleur, d’un temple ou d’un étang, les mélodies nous rattrapent pour réapprendre à quel point il est bon d’entendre. Et si le sérieux de l’investissement de Capcom dans la B.O. du jeu avait échappé à l’insensible auditeur, la voix d’Ayaka Hirahara au générique de fin, chanteuse très populaire au Japon, se chargera de le lui rappeler, ainsi que le fera le British Academy Video Games Awards décerné à ce chef d’œuvre en 2007. Various artists, Okami OST, 2006, Suleputer.



découpage

The real Slim Shady  Le plus blond des rappeurs s'invite dans les pages de ce nouveau numéro de Karma, pour fêter la sortie de son dernier album, The Marshall Mathers LP 2 et son retour à la scène. à vos ciseaux ! Illustration : Pierre Schuster. 

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EUROBOUCHER FLORANGE dans Aldi Marché Rue de Longwy 57190 Florange EUROBOUCHER AMNÉVILLE dans Aldi Marché Rue de Rombas 57360 Amnéville EUROBOUCHER METZ dans Aldi Marché route de Lorry 57050 Metz EUROBOUCHER MARLY dans Aldi Marché Zac Belle Fontaine 57155 Marly


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