rock, folk, métal, Hip-hop, classique, jazz, électro & bandes originales
mar-avr-mai 2012
THe
off spring
THE Punks are alright ! Greenwich Cavern, Rock Lorrain Sauce Américaine / daft punk sous influences funk / alex turner s’attaque à la B.O. de submarine / Metal Gear, quand le son sublime l’image / casey, la bête est lâchée ! / Découpez et habillez votre Freddie Mercury !
Photos cahier de couverture: Ugo Schimizzi
édito
Quelle joie d’écrire ces lignes ! Un édito sous forme d’engagement, de lancement, d’essai, mais aussi de mise en bouche. Une version condensée pour donner à vous tous premiers lecteurs l’envie d’en lire davantage, de voir se développer le Karma dans son format définitif : deux fois plus d’illustrations, de reportages, d’analyses et de découvertes. Une vingtaine de pages pour ce numéro zéro afin de vous présenter notre équipe, nos motivations et notre moteur : la musique. Celle-là même qui pulse dans toute la Lorraine et le Luxembourg, dans les temples des décibels comme les salles intimistes. La musique, qui vous conduit aussi au travail, qui vous berce chez vous et qui vous lie d’amitié entre musiciens, techniciens et passionnés. Concerts, mp3, jams, répétitions, vinyles, quel que soit le format, venez célébrer avec nous cette terre de son, partager vos envies et vos coups de cœur ! à très bientôt pour le numéro un !
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magazine
Schimizzi Directeur de la rédaction : Ugo e Pellarin Marin , Illustrateurs : Juliette Delvienne e Schuster Laure Fatus, Guillaume Hann, Pierr ne Pusceddu Chargée de communication : Adeli
Hann Directeur Artistique : Guillaume ume Hann Maquette et mise en page : Guilla Crédit photos ; Ugo Schimizzi
Flag, Marine Pellarin Rédacteurs : Thibaut Clément, Rémi Hann, Ioanna Schimizzi Nicolas Correcteurs : Mickaël Fromeyer, ie verte 57 190 Florange Imprimé par L’huillier, imprimer issn : en cours d’attribution Dépôt légal : à parution
ine édité par : Association Son’Art Lorra 40 Avenue de Nancy 57 000 METZ Schimizzi Directeur de la publication : Ugo
Ugo Schimizzi, Rédacteur en chef
SOmmaire 2 édito 4 interview : greenwich cavern
Rencontre avec le bassiste et le chanteur du groupe, nouveau-né du rock’n’roll lorrain.
6 dossier : the offspring
Retour sur près de 30 ans de punk Californien, entre bières, revendications et live survitaminés.
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10 influences : daft punk
Magie des samples ou art du recyclage, le phénomène Daft Punk décrypté.
12 cinéma : submarine
Quand les Arctic Monkeys laissent échapper leur leader Alex Turner le temps d’une B.O.
14 museek : metal gear
Découvrez l’accord parfait entre musique et image, au travers d’une saga majeure du jeu vidéo.
16 jeux 17 découpage 18 chronique : casey
Chronique de Libérez la bête l’album sans concessions de la rappeuse Casey.
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interview
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magazine
texte de guillaume hann
greenwich cavern
C’est la passion pour la musique en général et pour le rock en particulier, qui a conduit éric Revel à la direction d’une grande salle de concerts. C’est cette même passion qui, il y a trois ans, lui dicte de tout arrêter pour, à son tour, brancher les amplis et laisser parler les guitares. Rock’n’roll attitude Greenwich Cavern naît en 2009, à l’initiative d’éric Revel, bassiste et compositeur de la formation. Un premier album, Otherside, sort rapidement et Greenwich enchaîne une vingtaine de concerts sans accrocs jusqu’à fin 2010, inscrivant notamment sur son cv les premières parties de grands noms tel Scorpions. Pourtant, le groupe décide de se séparer suite à la Rock Party de décembre 2010 au Galaxie d'Amnéville. « Incompatibilité d’humeur », lâche le bassiste, sans plus d’explications. Bien décidé à ne pas laisser cette histoire s’arrêter là, le fondateur du groupe est rapidement recontacté par l’harmoniciste Marko Balland, pour remettre le combo sur pieds. Le bassiste contacte son ami Dom Colmé, qui lui conseille de nouveaux musiciens : Mathieu Bonaddio à la batterie et Olivier Sosin au chant et à la guitare. Entre temps, Thomas Tiberi, l’ancien guitariste, reprend contact avec éric Revel et se joint aux nouveaux membres. La deuxième version de Greenwich Cavern est née, et en trois semaines les musiciens sont prêts à Photos : Ugo Schimizzi
monter sur scène. Difficile de croire que l’on est face à une toute jeune formation lorsque l’on constate à la fois l’harmonie qui règne entre les musiciens et la formidable énergie scénique qu’ils dégagent. Le charisme d’Olivier Sosin et sa voix grungy sont d’une efficacité imparable, tandis que les mélodies mêlent habilement un son rock des seventies à des accents blues. L’espace d’un instant, on s’imagine à New York, au bar The Cavern, où Bob Dylan donna son premier concert, inspiration revendiquée par le groupe concernant son nom. D’ailleurs, lorsque l’on aborde la question des influences, ce sont immédiatement les mastodontes du rock qui sont évoqués, Led Zep et Deep Purple en tête. Dans le cas d’Olivier Sosin, forte présence également de la chanson française. Le chanteur ne cache pas son admiration pour des artistes tels que Brel, Brassens, ou Thiéfaine. « Et Christophe Maé, intervient le bassiste avec humour, le Mozart du XXIe siècle. » Le groupe choisit pourtant d’écrire en anglais, pour les sonorités et la facilité d’écriture, mais surtout parce que « le rock c’est en anglais, merde ! », lâche éric Revel, qui a
décidément la rock’n’roll attitude. Mais le groupe ne se contente pas de singer ses aînés. Greenwich Cavern se démarque notamment par l’utilisation astucieuse de l’harmonica. Branché sur des pédales de guitares, l’harmoniciste Marko Balland parvient à créer un son unique qui ajoute une richesse indéniable à l’ensemble. Ces lignes mélodiques viennent compléter les solos de guitares efficaces. On assiste en live, à un dialogue inspiré entre les deux instruments. Si l’harmonica n’était pas aussi présent sur le premier album, le groupe a décidé de retravailler les morceaux au moment où s’est faite la seconde formation, pour mettre en avant ce petit plus non négligeable. Je glisse à éric Revel que son ancien boulot à la tête d’une salle de concert a dû l’aider à trouver des contacts. Il sourit. « C’est un avantage et un inconvénient. Si on faisait de la merde, ça n’aiderait pas, je pense ! » Difficile de le contredire. Greenwich Cavern, Otherside, disponible Nouvel album, Texas Blood, sorti en février 2012
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dossier
Les années 1990 ont beau avoir consacré les modes les plus ignobles en terme de relicats vestimentaires, elles n’en sont pas moins une période bénie pour le grunge, le rock et le punk. Recueillant des perles comme l’excellent « fear of the dark » d’Iron Maiden, la sortie de l’archi-célèbre « Nevermind » de Nirvana, c’est aussi la décennie qui verra exploser The Offspring avec l’album « Smash ».
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magazine
Disco
1989 - The Offspring 1992 - Ignition 1994 - Smash 1997 - Ixnay on the Hombre
1998 - Americana 2000 - Conspiracy of One 2003 - Splinter 2008 - Rise & Fall, Rage & Grace
texte de ugo schimizzi Formé en 1984 en Californie autour de Dexter Holland (chanteur ayant appris le métier sur le tas) et Greg K (bassiste), le groupe a eu la bonne idée d’intégrer un certain Noodles au poste de guitariste, un an après sa création. Seul majeur du combo, le nouveau bretteur a vu son recrutement favorisé par un talent spécifique : le pouvoir d’acheter de la bière. La magie opérant, Manic Subsidal (!) devient alors The Offspring. 1994 : l’album de la consécration, soit 14 millions d’exemplaires vendus, mais aussi la mort de Cobain, la sortie de l’album éponyme de Korn et celle du Dookie de Green Day et surtout l’abandon de la thèse en biologie moléculaire du chanteur. Bref, on s’éclatait bien aussi dans les années 1990. Comme tout groupe mythique débutant avec un gros succès sur un label indépendant, en 1997 la bande à Bon... Dexter se retrouve fortuitement obligée de signer chez Columbia/Sony Music. Et par la même occasion, de quitter Epitath Records, tenu par le guitariste de Bad Religion, avec qui le divorce ne se fera pas dans la douceur. évidemment, ce changement est loin d’être une trahison, les gars en profitent juste pour s’épanouir et créer les chansons les moins revendicatrices du monde : sea, sex & fun.
Dexter Holland déclarait en 1997 : « On ne voit pas Columbia comme un tyran. On a vu comment Rage Against The Machine et Pearl Jam ont dicté leur loi là-bas, donc on y arrivera forcément ». En studio, The Offspring se décide à nommer son 6e opus Chinese Democrazy en référence à l’interminable création de l’album des Guns n’ Roses, Chinese Democracy, prouvant que l’humour fait bien partie intégrante du groupe. Les punks renoncent finalement à cette idée face au procès annoncé. En concert, The Offspring révèle tout son potentiel, Noodles passant son temps à sauter et parcourir la scène et Holland assurant des lignes de chant relativement justes, malgré les années. Pas énormément de grands dialogues mais une certaine interaction avec le public, qui n’en attend pas moins pour faire la fête et se montrer présent. Noodles confessait d’ailleurs il y a quelques années à propos du live : « Jouer dans un concert, ce n’est pas juste jouer correctement, mais il faut aussi ressentir l’énergie du public. Ce qui arrive à Warren Fitzgerald des Vandals est génial, c’est un guitariste phénoménal et il n’hésite pas à se jeter dans la foule au milieu d’un solo afin de s’éclater avec le public. » magazine |7
dossier
The Offspring, non content d’être un groupe aux rythmiques énormes a bien apporté sa bière à l’édifice du punk ! L’auditoire d’Offspring, composé de jeunes pousses en devenir et de vieux ados bien heureux de renouer avec leur passé, est plutôt enjoué à chaque retour du groupe dans l’hexagone. Il y a de quoi, malgré la durée du set bien inférieure à 1h30 (« ouais, mais c’est punk » me direz-vous !). En 2003, les punks se retrouvent en première partie d’AC/DC au Stade de France. Mélange étrange entre deux poids lourds de leur catégorie. Fait rare, le quatuor bénéficie toujours du même trio, la place de batteur étant la seule à avoir évolué au cours des années, reprise par Pete Parada depuis 2007. On retrouve donc 8|
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Dexter Holland au chant et à la guitare, Noodles et ses cheveux peroxydés à la gratte solo et le très discret Greg K à la basse, qui se verra dédicacer lors du concert à Amnéville en 2011, une chanson par sa femme via un télégramme plutôt sympa, afin de fêter à distance leurs quatorze ans de mariage. Qui a dit que le punk n’était pas mignon et romantique ?
The Offspring, non content d’être un groupe aux rythmiques énormes a bien apporté sa bière à l’édifice du punk en empruntant des voies engagées, du moins au début de leur carrière. Ainsi, leur 1er album, sobrement intitulé The Offspring et pressé à 1 000 exemplaires, revient de manière récurrente sur le thème de la guerre, un sujet régulier de discorde aux états-Unis (Jennifer Lost the War, Out On Patrol, Tehran, Kill the President). Plus tard, la chanson Americana, sur l’album du même nom sorti en 1998, marquera le retour à des paroles au sens plus marqué, peignant alors un portrait grinçant de l’Amérique. L’engagement est aussi physique, puisque Noodles se fera poignarder en 1990 lors d’un concert anti-nucléaire à Hollywood, ce qui ne l’empêchera pas de reprendre le chemin de la scène.
Photos : Ugo Schimizzi / Illustration : Pierre Schuster
« Savoir si je suis vraiment punk ? Je m’en fous complètement ! » Noodles, www.ultimate-guitar.com, 09/2008.
Concernant le décorum des pochettes des albums, il est aussi aléatoire qu’anecdotique. Globalement, on comprendra d’ailleurs mieux leur attrait pour le téléchargement. Le quatuor, comme tout groupe punk depuis trente ans, participe activement à cet éternel revival du « punk’s not dead » aux côtés de leurs influences - Dead Kennedys, NOFX, Bad Religion - et des jeunots inspirés par les californiens - Sum 41, Linkin Park, Paramore. éloigné des courants revendicatifs propres au punk français - Béruriers Noirs, Sales Majestés, Parabellum - ou anglais - Sex Pistols, The Clash - le groupe se révèle le plus efficace dans l’enchainement de productions tubesques et carrées, tempo rapide, refrains « woohoo ! » et temps moyen de 3 minutes dessert et café compris. Chacun sa vision du punk après tout ! The Offspring, Rise & Fall, Rage & Grace, 2008 / Columbia
« Nous utilisons tous les deux nos guitares Ibanez » dit Noodles. « Dexter a sa collection de RG et j’ai 4 Talman. » Mais les guitares de Noodles doivent toutes avoir ses micros préférés, des DiMarzio Tone Zone. Tous les instruments à 6 cordes utilisés par Noodles lors de l’enregistrement d’Americana passent à travers un ampli Mesa
Boogie MkIV et un AC30 alors que Holland privilégie une tête Bognor Ecstasy pour son MkIV. « On arrive à avoir des sons différents de ceux de base parce que notre producteur Dave Jerden modifie certaines de nos chansons grâce à un programme Pro Tools qui s’appelle Amp Farms, qui permet d’ajouter divers effets aux sons. » magazine |9
influences
texte de Rémi flag
En quelques années, les Daft Punk se sont imposés comme les leaders de l’électro français. Les versaillais sont-ils des virtuoses de la composition ou de simples arrangeurs de samples bien inspirés ? Les états-Unis s’affichent fièrement avec R2D2. Quant aux Japonais, ils narguent la planète cybernétique depuis des décennies avec quantités de boîtes de conserves à piles (comme ce petit sagouin d’AstroBoy). La France n’est pour autant pas en reste ! Elle a produit, il y a plus de 15 ans, deux spécimens qui sont, depuis, connus dans le monde entier. Les Daft Punk, formés des deux androïdes Thomas et GuyManuel, constituent actuellement le (plus ?) célèbre duo de musique électronique. Les rumeurs enflent d’ailleurs sur la sortie prochaine d’un nouvel opus. Si les Punk Crétins (sic) ont plus que jamais une influence sur les artistes maniant le synthétiseur (et sur Kanye West qui s’est fait greffer une glotte électronique pour économiser du temps en studio), ils sont aussi sujets à 10 |
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débat en raison de leur manière de composer. En effet, la majorité des titres qui les ont rendus célèbres utilisent des samples d’artistes, pour la plupart peu connus. Certains crient donc au scandale et accusent nos deux parisiens d’avoir vendu leur âme aux circuits imprimés de leurs échantillonneurs. Les français sont-ils donc de médiocres usur pateurs ou de complets génies ? Difficile de répondre de manière directe, tant c’est inégal selon les albums et les musiques. Seul point commun entre les morceaux : la technique de sampling. Tout droit importée du hip-hop, elle consacre l’expression selon laquelle « c’est dans les vieilles soupes que l’on fait les meilleurs tubes. » Le problème qui se pose ici,
Breakwater n’a jamais porté plainte pour plagiat, ils pensent que c’est leur morceau qui passe en radio ! tant d’un point de vue créatif que légal, est le côté novateur dudit morceau. Homework, leur premier album, est le moins samplé. Quasiment pas pour tout dire. Le vrai débat se trouve sur les albums Discovery (2001) et Human After All (2005). Par exemple, One More Time, un de leurs morceaux les plus célèbres sur Discovery, est en fait basé sur un sample d’Eddie Johns, un artiste funk des années 70 qui a caressé la célébrité avant de sombrer dans l’oubli. S’ils ne sont pas les premiers à utiliser cette technique, force est d’admettre qu’ils ont su extirper la substantifique moelle de bien des échantillons. One More Time ou encore Something About Us sont de vrais bijoux de « tritures » sonores. Seulement voilà, les
Illustration : Guillaume Hann
Daft sont parfois victimes de coups de fatigue devant la table de mixage, voire carrément de narcolepsie. Robot Rock, de l’album Human After All, pourrait être le prototype du scandale.
Petite expérience à réaliser chez vous, aidés par « VotreTuyau » : écoutez Release The Beast de Breakwater puis Robot Rock. Vous ne remarquez rien ? C’est normal, c’est identique au silence près. Vous pouvez même faire un autre jeu : lancez les morceaux à l’aveugle et essayez de dire qui a composé quoi. C’est tellement ressemblant que Breakwater n’a jamais porté plainte pour plagiat, ils pensent que c’est leur morceau qui passe en radio ! Tout ça pour vingt euros l’album. C’est à se demander si, en ces temps de crise, il n’est pas plus efficace de fouiner dans une bonne vieille brocante pour dénicher l’original à un euro. Sur Discovery, leur album le plus connu (mais si, souvenez-vous, le cross-over entre Albator et les Schtroumpfs), les titres Digital Love, Harder Better Faster Stronger ou encore Crescendolls sont tous basés sur des bribes de morceaux piqués à d’autres. Je laisse le soin à chacun de se faire sa propre idée, vous vous apercevrez que le riff principal de chacun de ces titres est systématiquement repris. Parfois, vous serez impressionnés par le travail sur l’échantillon et par les nouveaux éléments qui viennent le sublimer. Pour d’autres morceaux, vous laisserez probablement échapper un laconique « Oh les b*t*rds ! ». Dans ce cas, doit-on parler d’originalité, de reprise, d’hommage ou de traquenard ?
quand bien même ils seraient proches des originaux. Leur force est d’avoir réussi en 2 albums (les 2 premiers) à réunir la musique des 30 dernières années, d’une manière diablement efficace, profonde et ludique. Cette dimension temporelle se retrouve d’ailleurs dans le visuel de leurs incroyables live, où les images sur les écrans représentent l’Histoire de l’Humanité. Sans barrière, sans frontière et déchirant les étiquettes si chères à l’esprit humain, ils ont réussi tels des robots mixeurs à mélanger méthode hip-hop, esprit funky, rythmiques électro et solos de rock bien rétro. Certains disent « sans gêne » ? Oui et heureusement. Cela leur a évité de tomber dans l’électro « discothèque » et leur a conféré un réel statut de créatifs aux yeux d’autres artistes. Si Jean-Michel Jarre, les Bee-Gees, Barry White et Jimi Hendrix jouaient ensemble dans un bar galactique en 2050, drogués aux amphétamines, ils pourraient pondre un morceau comme Digital Love. En véritables chrononautes du son, jonglant avec les styles et les techniques de différentes époques, les Daft Punk nous livrent rien de moins qu’un voyage dans le temps musical hyperactif. Comme si la boîte noire de la capsule temporelle avait parfaitement conservé et mélangé des ingrédients que rien ne pouvait réunir, sauf le talent. Daft Punk, Tron Legacy O.S.T., 2011 / Walt Disney Records
En vérité, le génie des Daft Punk ne se trouve pas dans leurs mélodies à proprement parler, et donc dans leurs samples, magazine |11
cinéma
texte de Marine Pellarin
Enfin ! Alex Turner, leader d’Arctic Monkeys et parolier émérite se lance dans l’aventure solo. Après The Last Shadow Puppets, une excursion symphonique particulièrement intéressante avec son ami Miles Kane, le chanteur de la bande de Sheffield s’essaie à un EP plus personnel, « Submarine ». Alex Turner en mode O.S.T. Exit le gros rock du dernier album des Monkeys, sorti en juin dernier. Alex tout seul, c’est surtout des paroles étudiées, touchantes et drôles, servies par des mélodies faisant voguer la tête de gauche à droite. Les six chansons de l’EP servent également de bande originale pour le film Submarine de Richard Ayoade, l’acteur/réalisateur le plus déjanté d’Angleterre. Celui-ci n’en est d’ailleurs pas à sa première collaboration avec Alex Turner : il a réalisé nombre de clips pour Arctic Monkeys et The Last Shadow Puppets, dont le surréaliste Crying Lightning. Le film, sorti l’été dernier dans les salles françaises, narre les égarements existentiels d’un ado anglais décalé. Un sujet idéal pour le parolier, qui travaille ici le thème des amours adolescentes avec plus de maturité que sur ses premières bandes. Le bien-nommé Submarine jouit d’une vraie profondeur. La voix chaude du chanteur porte avec intelligence, délicatesse et humour des émotions dont il a le secret. Parfois cruelles, souvent tendres, les paroles réalistico-absurdes offrent un second degré brillant à des chansons de prime abord un peu trop lisses. L’intro annonce la couleur avec un aperçu acoustique pur de Stuck on the puzzle, la cinquième piste, où la voix du chanteur se suffit à elle-même. Et que celui qui n’a pas senti de frisson lui parcourir la nuque me jette la première pierre. L’écoute plonge d’emblée le spectateur dans un univers musical gageant d’une étonnante complexité. Hiding Tonight se pose tout en douceur, tendre sans être mièvre. Les mélancoliques attendront en vain que la voix de Miles Kane vienne répondre à celle d’Alex Turner ; la ballade rappelle clairement leur
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Illustration : Marine Pellarin
collaboration éclatante et les déclarations suaves de l’album The Age of the Understatement. Même ambiance pour la troisième piste, Glass in the Park, éclairée par des paroles qui soulignent parfaitement la bizarrerie poétique des rencontres adolescentes : There’s glass in the park / Darling, I can’t help but keep making appointments / To sweep beneath the climbing frame (Il y a du verre brisé dans le parc / Chérie, je ne peux pas m’empêcher de prendre encore rendez-vous / Pour qu’on se glisse sous les jeux du parc). It’s hard to get around the wind est un petit bijou dramatique sur la maturité et l’acceptation. Une piste qui multiplie les métaphores pertinentes : But as long as you still keep pepperin’ the pill /You’ll find a way to spit it out, again (Mais tant que tu continueras à pimenter la pilule / Tu trouveras un moyen de la recracher, encore). Les accents folks et intimistes se mêlent naturellement au chant du compositeur, qui installe une identité musicale cohérente et même évidente ; on en oublie complètement ses anciennes influences rock. Mise en place judicieuse, puisque Stuck on the puzzle, la piste suivante qui est le climax de l’album, arrive comme un pavé dans l’onde tranquille. Une explosion mélodique sur fond de percussions illustrant merveilleusement des battements de cœur chaotiques... On sent l’expérience Humbug dans le rythme et le style, et le reste coule avec la voix d’Alex
Turner. Inutile de lutter, après une écoute vous en aurez pour deux jours à chantonner : Fingers dimmed in the lights / Like you’re used to being told that you’re trouble / And I spent all night stuck on the puzzle (Les doigts affaiblis dans les lumières / Comme si tu avais l’habitude d’être vue comme un problème / Et je passais toute la nuit bloqué sur le puzzle). La conclusion arrive avec Piledriver Waltz, une composition amère qui referme l’opus et son univers en dessinant une image existentielle sur fond de guitare sèche : You look like you’ve been for breakfast at the heartbreak hotel / Inside of a back booth by the pamphlets and the literature on how to lose / Your waitress was miserable and so was your food / If you’re gonna try and walk on water make sure you wear your comfortable shoes (Tu as l’air d’avoir petitdéjeuné à l’hôtel des cœurs brisés / Dans le renfoncement à côté des pamphlets et de la littérature sur l’échec / Ta serveuse était exécrable et ton plat aussi / Si tu vas marcher sur l’eau, assure-toi de porter des chaussures confortables).
Et pour ce qui est de marcher sur l’eau, Alex Turner réussit bien son coup et est parfaitement à l’aise dans ses pompes et ses chansons. Sa première création en solo est une réussite ; construite sur l’expérience mêlée d’Humbug et de The Age of the Understatement, Submarine allie la puissance naturelle des paroles et l’efficacité épurée des compositions. Un EP à l’émotion décalée, bien distillée et élégamment construite, qui a le mérite de ne pas laisser sur sa faim grâce à un enchaînement tout en finesse. On peut remercier Ayoade d’avoir demandé une participation solo à Alex Turner au vu du résultat. à tel point que l’on puisse penser que le film se révèle être la bande visuelle de l’EP plutôt que l’inverse. Alex Turner, Submarine O.S.T., 2011 / Domino Records
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museek
L’enfant terrible
texte de thibaut clément
Il est des jeux à l’identité et la longévité telles que la simple évocation de leurs noms suffit à faire soupirer de nostalgie les vieux gamers et à insuffler la fougue aux plus jeunes, adeptes des derniers opus. « Metal Gear », série éponyme apparue en 1987 sur la console Nintendo, en fait partie.
Si la saga Metal Gear (MG) a su rapidement s’imposer comme un gage de qualité, notamment en 1998 avec la sortie écrasante de l’opus Metal Gear Solid sur Playstation qui a profité des nouvelles technologies 3D, c’est en grande partie grâce à une bande son magistrale. Un bon jeu, comme on le dit souvent, est un mélange savamment dosé de gameplay efficace, de graphismes parlants, d’un univers à l’identité propre et riche, mais surtout de musiques, d’ambiances sonores et de sons. MG a su réunir tous 14 |
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ces critères avec brio et en particulier concernant sa bande originale. Thriller sombre mêlant science-fiction et roman d’espionnage à la John le Carré, MG est un précurseur du genre de l’action-infiltration. Style de jeu longtemps contraint et soumis à une ambiance sonore pauvre voire inexistante, l’entreprise de développement japonaise Konami a pris le parti de doter sa série d’une véritable âme musicale. Le ton est donné dès le premier épisode de la série, Metal Gear sur NES et MSX2, où l’on en oublie presque le Illustrations : Guillaume Hann
caractère « oscilloscopique » du 8 bits. Les thèmes sont nerveux et mélodiques, presque orchestraux et d’une qualité musicale très au-dessus de ce qu’on a pu voir sur beaucoup de jeux des générations suivantes. On en est presque à espérer que l’ennemi nous repère, en attendant secrètement le thème d’alerte : une musique pleine d’adrénaline, signe que l’on doit se cacher. Les restrictions techniques imposées par les consoles ne permettaient pourtant pas des miracles et cet aspect musical était souvent négligé par les développeurs de l’époque. N’en déplaise à Hideo Kojima, alors jeune créateur de la série, qui accorde déjà une importance très particulière à la bande originale. La suite Metal Gear 2 : Solid Snake sortie sur MSX2 en 1990 confirme cette ambition qui fera de la série un incontournable des jeux vidéo : les musiques sont magnifiques et déjà presque cinématographiques, à l’image d’un bon vieux film d’action des années 80 sur du Jean-Michel Jarre. La plupart des Occidentaux ne découvriront la série qu’avec l’avènement de Metal Gear Solid sur Playstation en 1998. Le jeu est un succès mondial, consacrant la nouvelle place des jeux d’infiltration sur le marché. La bande originale est au cœur de ce succès. Tantôt nerveux et galvanisants, puis oniriques et mélancoliques, sur fond de techno-thriller contemplatif, les mélodies soulèvent le joueur
et lui ouvrent une nouvelle dimension. Le générique de fin, arrivant après une montée en pression épique et progressive, est un chef-d’œuvre. Relâchant toute tension, la chanteuse irlandaise Aoife nous livre une dernière ballade celtique, alors que Snake, héros de la série, respire un vent d’Alaska. Hideo Kojima ne s’arrête pas là, pensant déjà à la suite. Pour les opus suivants, sur Playstation 2 et Playstation 3 ainsi que sur PSP, cette volonté cinématographique se cristallise et c’est avec un plaisir non dissimulé que les fans ont pu y entendre la patte d’Harry Gregson-Williams, compositeur britannique bien connu pour sa participation à de nombreux blockbusters américains (Armageddon et Prince of Persia entre autres). Le résultat est là : les compositions sont symphoniques et visuels à souhait. Certains pourront peut-être reprocher l’abandon de ce côté ambitieux, jeune et innovant pour des valeurs sûres, avec des airs alors peu différents du grand écran, y perdant par là-même un peu de personnalité. Et pourtant on en redemande, on s’émeut, et on se surprend à vibrer à l’unisson des thèmes orchestraux, se projetant toujours plus dans des univers qu’on pense nous appartenir. Si la série des Metal Gear a bien une force, c’est celle-là. Divers compositeurs, Metal Gear Music Collection, 2007 / Konami Digital Entertainment
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jeux
Punk !
Réponses : 1. Arctic Monkeys, 2. Bloody Beetroots, 3. X-Japan, 4. Ten Years After
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magazine
Retrouvez au travers de ces illustrations six groupes qui ont écrit ou continuent d’écrire l’histoire du punk !
A
B
C
D
E
F
1. Bérurier Noir
2. DRopkick murphys
3. Punish yourself
4. Black flag
5. Sex pistols
6. the offspring
Réponses : A5, B4, C6 (c’était facile), D3 (c’était moins facile), E1, F2
Parmi ces photos live, quels groupes saurez-vous reconnaître ?
Photos : Ugo Schimizzi / Illustrations : Juliette Delvienne
découpage
Freddie Mercury, le génial fondateur de Queen s’offre à vous, entouré de ses vêtements fétiches. Pour ne pas sacrifier une page de ce beau magazine, retrouvez le fichier en téléchargement sur notre site ! à vos ciseaux !
Illustration : Laure Fatus
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chronique
le magazine karma vend ses espaces publicitaires ! n’hésitez pas à nous contacter !
Le titre n’aurait pas pu être mieux choisi. Casey, chanteuse de rap d’origine martiniquaise a le beat lourd, l’univers sombre, la voix posée. Franche, directe et percutante, elle balance et envoie, pleine tête. De la France hexagonale à celle d’Outremer, la rage éclate en un flow réfléchi, froid mais surtout au verbe fort et à l’écriture acérée. Entre fissures et cicatrices, suinte cette énergie limpide d’avancer, de progresser. Sa vie, sa famille, ses frères, son monde. Le monde des cités, le monde des inégalités, où le gris et le noir happent petit à petit chaque couleur. Libérez la bête est une plongée au cœur du gouffre. Casey nous capture le temps d’un album, conditionnant notre esprit à son monde à travers son Premier Rugissement. Les samples et quelques notes de synthé atténuent si peu la violence des maux. Face à face, les yeux dans les yeux, Casey ne dit que la vérité. L’entendre ou la refuser, le mes-
redaction.karma@gmail.com Photo : Ugo Schimizzi
sage passe et passera. Entre éclats de verre et éclats de voix, une seule route, un seul but, écrire et encore annoncer et déclamer. Fer de lance d’une révolte qui couve, Casey ne fait ni dans l’artifice ni dans l’édulcoré. La sphère qui l’entoure est lugubre. Violence assumée, reflet de sa vie faite de luttes, ce second album est avant tout une bouffée d’oxygène, une possibilité d’exister et d’agir. Multipliant les expériences (comme avec le projet rock et expérimental Angle Mort du groupe Zone Libre, initié par le guitariste de Noir Désir Serge TeyssotGay) cette fille des îles sait ce qu’elle veut. Nageant dans le béton, brûlant de haine au milieu des lampadaires au teint blafard, elle nous délivre un opus d’une grande maîtrise, aiguisé et coercitif ; on ne sort pas indemne d’un tel voyage… Casey, Libérez la Bête, 2010 /Anfalsh
Sortie du n째1 en septembre 2012
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