ART FASHI ON CULT URE - N°3
SÉRIE NOIRE
Écrire avec ses tripes Parler avec son cœur Photographier avec passion Écouter, pour ne pas seulement entendre Communiquer sans compromis… Write with your guts Speak with your heart Photograph with passion Listen, not only to hear Communicate without compromise…
OU LA CONTINUITÉ DE L’ESPOIR BY MARIE JUNCKER-COTTEN
ZEBULE c’est comme un roman d’amour convulsif : depuis plusieurs mois et bientôt plusieurs années, des rencontres nous amènent chaque fois un peu plus loin. Initialement magazine web, il pouvait faire penser à une petite idylle sans lendemain… Finalement, grâce au soutien des photographes, rédacteurs, stylistes, attachés de presse, peintres, acteurs, producteurs, coiffeurs, maquilleurs, musiciens, amis et lecteurs, nous voici prêts et fers de vous dévoiler notre premier magazine papier distribué dans le monde entier ! A l’instar de Pierre Soulages, célèbre peintre du noir, de l’outrenoir et de la lumière, nous brûlons de désir que ZEBULE soit pour vous le magazine de l’ombre et de la lumière. Car comme le disait si justement May Sarton “Sans obscurité, rien ne naît, sans lumière rien ne s’épanouit…” Alors ouvrez ce numéro “Série noire” pour y découvrir notre palette de couleurs, de reliefs et de refets. Bienvenue dans la bulle de ZEBULE ! Champaaaagne !!! ZEBULE is like a convulsive love story: for several months and soon several years, our encounters take us a little further each time. Initially a web magazine, which might bring to mind a brief affair without a future... But at last, thanks to the support of photographers, writers, stylists, press attachés, painters, actors, producers, hair stylists, makeup artists, musicians, friends and readers, here we are, ready and proud to unveil our frst paper magazine distributed around the world! Like Pierre Soulages, the famous painter of black, of “Outrenoir” and of light, we burn with the desire that ZEBULE be your magazine of the shadow and the light. Because as May Sarton so aptly put it, “Without darkness, nothing comes to birth, as without light, nothing fowers.” So open this Série Noire issue to discover our palette of colours, our landscapes and refections. Welcome to the world of ZEBULE! Champaaaagne !!!
Thibault Grabherr
Sophie Faucillion
Fondateur de ZEBULE Magazine, Directeur de la Publication
Conseillère Editoriale
contact@zebulemagazine.com Maria Levant Marie Juncker-Cotten
Traductrice
Rédactrice en Chef et Directrice Photo mjuncker@zebulemagazine.com
Simone McKenzie Développement et communication aux Etats-Unis
Sébastien Kosinski
simonem@zebulemagazine.com
Directeur Artistique Print / Web Benoit Cotten David Turmine
Responsable pré-presse
Directeur Artistique Print Claudine Tzoanis Adelheid Blankestijn
Administratif
Rédactrice en chef Adjointe Ont collaboré : Kittiya Anjimakorn, Alexis Barbera, Jovei Blink, Pauline Bocquentin, Melissa Boucher, Vincent Bousserez, Thibault Breton, Cyril Burget, Diane Cazelles, Cécile Chatel, Toontham Chancholsamhut, Jonathan Cobb, Dima Dionesov, Adeline Gauvain, Boris Gayrard, Jocelyn Guillon, Yulia Lukashova, Daniel Meiner, Amélie Moutia, Sylvie Neves, Florent Petitfrere, Pichayasuda Pinyovitayawong, Raja, Marie Revelut, Juan Romero, Flavien Rousé, Marion Soyer, Jirat Subpisankul, ChoHang Siu, Jacques Uzzardi, Anouchka de Williencourt, Wil Wu, Yusuke, Gilles-Marie Zimmermann.
ZEBULE est une publication Trimestrielle édité par la société Le Pub des Créateurs N°3 de Juillet, Août, Septembre 2013 Société par actions simplifée au capital de 31 200 € Adresse du siège social : 18 rue Villeneuve, 92110 CLICHY RCS NANTERRE sous le numéro B 529 327 322 Numéro de TVA intracommunautaire : FR 06 444549349 E-mail : contact@zebulemagazine.com Gestion de la diffusion Internationale NUMERO0 Tel : + 33 9 82 42 63 09 marie@numero0.fr Export Pineapple Media All rights reserved. ISSN en cours Commission paritaire : en cours ISBN : 978-2-9545356-0-9 Dépôt légal à parution.
Commande en ligne : http://www.kdpresse.com/ZEBULEMAGAZINE/
SÉR IE N OIR E
SOMMAIRE COUVERTURE
Wakanda par Anouchka de Williencourt
RENCONTRES
Julien Fournié, de Z à A Octavio Pizarro : son pays et Paris
008
Wakanda Fashion Radiation Dark Silent Fallen Angels
022
Piquante Poésie L’Aigle Noir
072
F.S, confdentiel ou pure fction ! Le parfum : une hégémonie mystérieusement invicible La Petite Robe Noire : un symbole emblématique Le Dalhia noir, part d’ombre ou feur réminiscente
086
L’illuminatrice Diane Cazelles Les gisants s’abandonnant dans l’intensité des nuances La ronde de nuit de Melissa Boucher
104
69.13° N 51.06° 69.13° N
120
MODE
BEAUTÉ ATTRAPE-CŒUR
ART
VOYAGE
RE N
CONTR ES
de
É I N R U O F N E I JUL
à
BY MARIE JUNCKER-COTTEN PORTRAIT BY GILLES-MARIE ZIMMERMANN FASHION PHOTOGRAPHS BY THIBAULT GRABHERR
“
Singin about a revolution because were talking about a change its more than just evolution well you know you got to clean your brain the only way that we can stand in fact is when you get your foot of our back
”
NINA SIMONE
Voyages : “J’en ai plusieurs en prévision en Russie et en Amérique
Voyages: “I anticipate several to Russia and South America for
du Sud, pour la nouvelle campagne de publicité avec Dassault
the new public relations campaign with Dassault Systèmes. The
Systèmes. Le projet s’expatrie pendant trois ans : nous verrons du
project is emigrating for three years: we will see “Fournié Fashion
“Fournié Fashion Lab” dans le monde entier ! Ce sont des process
Lab” around the world! They are very complicated processes
très lourds mais qui me permettent de développer mon univers via
but which allow me to develop my universe via new
les nouvelles technologies. C’est très enrichissant de pouvoir
technologies. It is very enriching to be able to collaborate with
collaborer avec une telle équipe. Un jour, j’aimerais aussi organiser
such a team. Some day I’d like to organize fashion shows in
des déflés dans d’autres contrées, là où nous ne le faisons pas
other countries, where we don’t do them yet, to see how my
encore, pour voir comment y serait compris mon travail.”
work would be understood.”
Premiers Gênes : “J’ai enlevé tout ce qui était superfétatoire, tout
Early Hindrances: “I took out everything that was superfuous,
ce qui pouvait enlever la lisibilité de mes lignes, un peu à la
anything that could interfere with the legibility of my lines, a bit
manière d’un calligraphe japonais : en allant à l’essentiel et pour
in the way of Japanese calligraphy: by going to the essential,
être dans la justesse du trait, il faut un niveau de fnitions extrême,
and to be in the aptness of the line, you need an extremely high
réduire les couleurs, penser au graphisme et à la pureté. C’est
level of fnishing touches, to reduce colours, think of graphics
ma première collection avec aussi peu de couleurs.
and purity. This is my frst collection with so few colours.
09
CTAVI PIZARR SON PAYS ET PARIS.
BY SIMONE MCKENZIE & SOPHIE FAUCILLION PHOTOGRAPHY BY THIBAULT GRABHERR
Né à Vida del Mar, près de Santiago, Octavio a été élevé dans une famille de juristes qui, en tout état de cause, appropriait à l’art, au design et à la mode une déférence absolue. Ses souvenirs d’enfance sont heureux et teintés de bleu, fuchsia et jaune citron. La lumière de l’été, la Cordillera de los Andes, l’océan et l’attention raffnée de sa grand-mère se sont progressivement répandus en étoffes galbant ses amours enfantins. Son obnubilation : conquérir Paris ! La ville incontournable pour assouvir l’envie de se réaliser dans la mode. Successivement assistant couture de la Maison Scherrer, directeur artistique chez Jacques Fath (avec toute la liberté que délivre une carte blanche), chargé du prêt-à-porter chez Guy Laroche, il acquiert l’indiscipliné dédale du fonctionnement d’une société, celui des studios de création et bien sûr, l’instinct stylistique. Mais laissons le parler… Born in Vida del Mar, not far from Santiago, Octavio was raised in a family of legal practitioners. This family valued art, design, and fashion above anything else. His childhood memories are fond ones, tinged with blue, fuchsia, and lemon yellow. The summer light, the Cordillera de los Andes, the ocean, and the refned attention his grandmother blessed him with slowly merged into the fabrics that draped his childlike delight. His obsessive ambition: to conquer Paris, the unavoidable city for those yearning to make it in fashion. Successively, he was assistant designer at Scherrer’s, art director at Jacques Fath fashion house (where he was given free rein), and head of ready-to-wear at Guy Laroche. This greatly contributed to his understanding of a company’s intricate functioning, as well as how creative workstations perform. It’s also how he acquired stylistic instinct. Let’s listen to what he has to say.
015
Quelle est l’influence de vos racines et éducation chiliennes
How have your Chilean roots and background influenced
sur votre savoir-faire ?
your design?
Pour concevoir mes collections, une partie de mon inspiration
My collections are inspired in part by my DNA, my country, and
me vient de mon ADN, de mon pays et du continent latino-
the Latin American continent. I’m always astonished by the
américain. Je suis toujours étonné par la puissance du “fait-main”
power of South America’s ’handmade’: no two products are the
de l’Amérique du Sud. Rien ne s’équivaut, c’est comme une
same. It’s all about perfect imperfections and learning to work
imperfection parfaite, où l’on apprend à connaitre des matériaux
new materials such as alpaca, which is still relatively unknown
tels que l’alpaga, peu connu en Europe. Des matières d’une
in Europe. There is an incredible modernity to these fabrics when
modernité improbable lorsqu’elles s’appliquent à la mode ! Pour
they are used in fashion! To me, it’s bringing together two worlds,
moi, c’est un mélange de deux mondes, deux façons de voir la
two ways of seeing reality, beauty, and life. To separate the two
réalité, la beauté et la vie. En les dissociant, on perd de la
weakens the outcome. That’s why my collections are modern
puissance : d’où ces collections modernes et insolites dans un
and unusual, they are written in my own language.
langage qui m’est propre. What inspired you to work in fashion? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la mode ?
I’ve always loved fashion, the energy in this line of work and
J’ai toujours aimé la mode, l’énergie présente dans ce travail,
that of the artists, photographers, designs and trends. To me, art,
celle des différents artistes et photographes, modèles et
design, and decoration are essential: when I start off on a
tendances. Pour moi, l’art, le design et la décoration sont
collection, I spontaneously draw the shape that I’ve had in mind
essentiels : lorsque je commence une collection, je dessine
and then substantiate it through lines, proportions and volumes.
spontanément la forme qui m’obnubile et je la personnalise à travers la ligne, la proportion et le volume. Quels grands créateurs ont été pour vous une inspiration et pourquoi ?
Who were some of the designers you were inspired by and why? Yves Saint Laurent, for the way he beheld women. His modernity, his chic tracing that is so French. Alexander McQueen for his volumes and technique, his torment and his enthusiasm in using
Yves Saint Laurent, sa façon de voir la femme, sa modernité, sa
innovative fabrics for his collections.
ligne chic tellement française. Alexander McQueen pour ses
Mrs Vionnet, for the way she constructs her pieces, the timeless
volumes, sa technique, son âme torturée et son enthousiasme
modernity she has, up until this day!
pour l’utilisation de nouveaux matériaux dans ses collections. Mme Vionnet, pour la construction de ses pièces, sa modernité
After working for Jean Louis Scherrer, Jacques Fath and Guy
surpassant le temps... jusqu’à ce jour !
Laroche, what key lessons did you learn from each fashion house?
Après avoir travaillé avec Louis Scherrer, Jacques Fath et Guy Laroche, quelles leçons essentielles avez-vous apprises dans ces maisons ?
My frst job as an assistant at Scherrer’s taught me how a fashion house is properly operated. For instance, I’ve learned about internal policy, the way people work. I was initiated to Lesage embroidery and to the different fabrics: a useful knowledge to
Mon premier emploi en tant qu’assistant auprès de la Maison
acquire since I still use it today. My second work experience
Scherrer m’a appris le bon fonctionnement d’un maison de
was with Jacques Fath, where I was the art director for four
couture : sa politique interne, sa façon de travailler. Je me suis
years. It was an excellent opportunity, since I had free rein in
initié à la broderie de Lesage, aux différentes étoffes : un
the creative process. I was also confronted to internal issues as
apprentissage utile représentant la base de mon travail. Ma
a designer and a sales executive. I’ve learned to honour the
seconde expérience est celle des quatre années en tant que
image of an institution such as Jacques Fath. The third fashion
directeur artistique chez Jacques Fath. Une excellente opportunité,
house was Guy Laroche! This was also an essential experience
MO D E
PHOTOGRAPHER: ANOUCHKA DE WILLIENCOURT REALIZATION: MARIE JUNCKER-COTTEN & MARIE REVELUT Dress: Bernhard Willhelm - Necklace: Césarée - Bracelet: Vincent Richard de Latour
023
Dark PHOTOGRAPHER: FLORENT PETITFRERE REALIZATION: JOVEI BLINK
Windbreaker: Sailor - Skinny jeans: Cheap Monday - Boots: Jeremy Scott
PHOTOGRAPHER : THIBAULT GRABHERR REALIZATION : JIRAT SUBPISANKUL WITH MARIE JUNCKER-COTTEN
Dress and shoes: Sanshai
059
Total look Phinitnan Kanghae
BEAU
T
ƒ
PHOTOGRAPHER: THIBAULT BRETON - MAKE-UP ARTIST: JACQUES UZZARDI
AT TRAPE
CÎU R
FRANCK SORBIER
Confdentiel pure ou
BY SOPHIE FAUCILLION ILLUSTRATIONS BY PAULINE BOCQUENTIN@ABEL14 PORTRAIT BY ALEXIS BARBERA
Un matin du brumeux mois de mars, je rencontrais Franck Sorbier, le plus confdentiel prisme de la planète Couture. 1942, “La Chanson du Vitrier” noircit le Moleskine de Prévert. 2000, FS présente ses manipulations de froissements d'étofes aux sombres mouvements d'ourlets dans les jardins de la Fondation Cartier. L'homme, c'est certain, est un alchimiste du noir ! Posséderait-il le ténébreux romantisme de Roméo ? “J'ai le manteau de la nuit pour me soustraire à leur vue.”(1) One morning of a foggy March, I met Franck Sorbier, the best kept secret prism on Planet High Fashion. In 1942, “La chanson du vitrier” (“Te Song of the Glazier”) blackened Jacques Prévert’s notebook. In 2000, FS presented his crumpled fabrics with sombre hemline movements in the gardens of the Cartier Foundation. Te man, it is certain, is an alchemist of black! Does he possess Romeo’s mysterious romanticism? “I have night’s cloak to hide me from their eyes.”(1)
fction ! Intérieur nuit : un café rue du Faubourg Saint-Denis
Night interior: a café on the rue du Faubourg Saint-Denis.
FS est assis seul à une table de quatre, quatre verres de whisky
FS sits alone at a table for four, four whisky glasses having
abusés de ses lèvres. Son regard divague, il pense à cette flle
fed on his lips. His glance roams, he thinks of the girl who
disparue, celle qu'il avait aperçue un soir il y a dix ans. Son œil
disappeared, the one he’d caught a glimpse of ten years
se discipline et replonge dans “Le Grand Sommeil”, un collector
ago. His eye catches itself and returns to The Big Sleep,
de la “Série noire” de la grande époque de Marcel Duhamel :
Raymond Chandler’s classic from the great epoch of
“Elle se leva lentement, et s'approcha en ondulant dans sa robe
hardboiled detective thrillers: “She got up slowly and swayed
noire collante de tissu mat. Elle avait de longues cuisses, et elle
towards me in a tight black dress that didn't reflect any light.
marchait avec un certain petit air que j'avais rarement remarqué
She had long thighs and she walked with a certain something
chez les libraires. Elle était blond cendré, les yeux gris, les cils
I hadn't often seen in bookstores. She was an ash blonde with
faits, et ses cheveux en vagues arrondies découvraient des
greenish eyes, beaded lashes, hair waved smoothly back
oreilles où brillaient de gros boutons de jais. Ses ongles étaient
from ears in which large jet buttons glittered. Her fingernails
argentés. Malgré son attirail, elle devait être beaucoup mieux
were silvered. In spite of her get-up she looked as if she
sur le dos. Elle s'approcha de moi en déployant un sex-appeal
would have a hall bedroom accent.She approached me with
capable d'obliger un homme d'affaires à restituer son déjeuner,
enough sex appeal to stampede a business men's lunch and
et, secouant sa tête, remit en place une boucle de cheveux doux
tilted her head to finger a stray, but not very stray, tendril of
et brillants... pas très dérangée d'ailleurs. Elle eut un sourire
softly glowing hair. Her smile was tentative, but could be
hésitant qu'on n'aurait pas eu de mal à rendre aimable.”(2)
persuaded to be nice.”(2)
Fondu au noir
Fade to black.
Extérieur nuit : quartier latin.
Night exterior: Latin Quarter.
FS marche, ombre fantomatique, ne sachant où aller ni que
FS walks, a shadow phantom, not knowing where to go or what
choisir. Sa seule obsession, revoir un sourire rouge sanguin de
to choose. His only obsession to see again the blood-red smile
femme vêtue de noir : l'Arlequin, Action Ecole, le Champo ?
of a woman in black – which cinema: l'Arlequin, Action Ecole,
Fritz Lang, Alfred Hitchcock, Orson Welles ? Non ! Son humeur
le Champo? Fritz Lang, Alfred Hitchcock, Orson Welles? No!
a un arrière-goût trop amer.
The aftertaste of his mood is too bitter.
Fondu au noir.
Fade to black.
087
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AR T
BY ADELHEID BLANKESTIJN
Pas âme qui vive… Dans la ligne de mire de Melissa Boucher personne ne s’aventure, point de masse ne s’y bouscule. D’un côté, ce que cela est apaisant de se noyer dans la solitude de l’image, de n’y voir s’agiter personne. C’est un vaste tableau assourdi, qui inspire à prendre lentement mesure du premier rôle qu’y tient la lumière. Ni homme, ni femme ; pas un chat qui passe là par hasard. Pas même un oiseau ne tente, dans le ciel, de voler la vedette à cette lumière. Elle seule permet à notre regard de prendre possession des lieux. Elle seule illumine les secrets et les peurs de ces endroits esseulés. Dans les cours et les couloirs sombres, elle brille habilement par son absence. Sur une porte de garage, une lueur s’épand à travers de fnes branches ciselées. Discrète, elle s’offre en silencieux spectacle, car nul besoin de trop en faire. L’immensité de la nuit règne alors que la lumière se promène, une invitée d’honneur qui danse seule. Nuls traits humains ne s’illuminent, uniquement des lignes bâties, destinées à abriter et à défendre ses occupants. Mais les constructions, comme le miroite le halo lumineux, ont succombé à la dérive autoritaire. Désormais, les habitants sont prisonniers de ces lieux sévères, et les visites sont strictement interdites. Y compris, faut-il le préciser, celles des forces de l’ordre. Avouez, n’auriez-vous pas gardé le silence et affché une déférence circonspecte si vous aviez pris un instant la place de Melissa Boucher : seule, encerclée par la nuit et la narquoise déréliction ? Ne vaudrait-il pas mieux passer son chemin ? Là justement est le message. Ces constructions tacites et sévères abritent un mystère, l’énigme d’une vacuité qui n’est qu’apparente. Car en effet, la vie est partout, mais elle se cloisonne derrière des portes closes. Dehors, plus libre et plus légère que la vie elle-même, la lumière veille.
113
Not a soul... No one’s standing in Melissa Boucher’s line of sight. Here, there’s no crowd jostling and shoving. In a way, it’s calming to wade into the picture’s loneliness. Just seeing that absolutely no one is about. There is an impression of muffed vastness that inspires us to slowly grasp the importance of light. Not one man, not one woman. Not even a cat on its hurried way. Not a bird fying to distract us from light almighty. Without it, our eyes would not see. Light is what is shed on these lonely place’s secrets and fears. Light skillfully shines by its absence, cornered by the shadowy courts and corridors. On a garage door - fltering through fne branches it rests delicately. It’s a show but it’s discrete, just a silent performance because it needs not show off. The all-encompassing night is queen, and light’s only the guest of honor who dances all alone. No human faces are lit up, only constructed edges and walls built to house and protect. But the halo of light around these buildings lays bare they’ve given in to authoritarian ways. Now, people are trapped in this austere place, and visits are strictly forbidden. Needless to say, this includes law enforcement. Admit it, would you not be silent and behave with cautious deference if, for just a moment, you were in Melissa Boucher’s shoes: alone, surrounded by gloom and dereliction? Would it not be safer to keep walking? That’s where the message lies. Unutterably severe buildings house a mystery, the mystery of emptiness that is not really empty. Life is everywhere, but it’s locked behind closed doors. Outside, forever free and buoyant, light remains on watch.
ZEBULE N°3 - 9,00 Fr€ - 8 £