Paperjam Plus Private Banking

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J U I L L E T / AO Û T 2020

PRIVATE BANKING

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Investir après le coronavirus 12

Une guerre digitale de retard

Luxembourg Suisse : je t’aime, moi non plus

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62


ACTIF Oui, vous pouvez imaginer l’avenir avec sérénité : innovant, audacieux même, ou simplement confiant. Oui, vous pouvez oser aller toujours plus loin ; au bout de vos projets et de vos rêves parce que vous êtes parfaitement bien accompagné par nos équipes d’experts. Des équipes dédiées qui prennent activement soin de votre patrimoine pour que demain vous appartienne. Vous souhaitez en savoir plus ? www.degroofpetercam.lu ou prenez rendez-vous au +352 45 35 45 42 19

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Banque Degroof Petercam Luxembourg S.A., 12, rue Eugène Ruppert - L-2453 Luxembourg, R.C.S. B25459.

Et vous, comment IMAGINEZVOUS l’avenir ?


ÉDITO

SOMMAIRE

Un rôle en or

«  Le Covid a renforcé les forts et affaibli les faibles »

Cartes blanches

12

16

Le transfert du siècle

P

assé le moment de stupeur et de mise en place d’une nouvelle organisation à distance, le secteur financier a plutôt bien résisté à la crise sanitaire. Elle a pourtant fortement ébranlé nos certitudes et habitudes bien ancrées après trois quarts de siècle qui ont vu la richesse mondiale croître de manière constante, à l’exception des ponctuations marquées par les différentes crises économiques. Plus en retrait par rapport aux difficultés que peuvent connaître les ménages et entreprises suite à la mise à l’arrêt volontaire de l’activité économique, le secteur de la banque privée ne sortira pourtant pas indemne de ce séisme planétaire. La clientèle des ultra-riches n’aura bien entendu pas disparu. Mais le choc subi leur aura sans doute fait prendre conscience, comme à beaucoup d’autres investisseurs, que les priorités doivent être revues et qu’il ne sert à rien de maximiser le rendement de son argent s’il ne peut plus, à lui seul, garantir des jours meilleurs. Les personnes disposant d’une fortune personnelle, notamment ces jeunes générations héritières des baby-­ boomers, sont de plus en plus convaincues que l’arme financière dont elles disposent peut peser très lourd dans le combat urgent pour retrouver un meilleur équilibre entre la nature et l’humanité. À ce titre, les banquiers privés, en tant qu’intermédiaires et conseillers, ont un rôle essentiel à jouer. Qui n’est d’ailleurs pas très compliqué : les investissements durables sont aussi devenus les plus rentables. 

Le plus grand transfert de richesse de l’histoire

«  L’écosystème

La chasse aux ultrariches

22

28

32

Portrait-robot de l’investisseur millennial

«  Aux côtés du client à chaque étape de sa vie »

Bien préparer sa succession

38

42

44

luxembourgeois est bien équipé pour relever de tels défis »

Cette réglementation qui pèse sur les marges

Une guerre digitale de retard

46

52

Les produits stars de la banque privée

Luxembourg-Suisse : je t’aime, moi non plus

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62

Jean-Michel Lalieu

PHOTOS Maison Moderne / Shutterstock

journaliste, Paperjam

La conversation continue en ligne :  @paperjam_lu

Paperjam

Paperjam

@paperjam_lu

Des salaires en hausse constante

Maison Moderne ™ www.maisonmoderne.com, téléphone (+352) 20 70 70, e-mail publishing@maisonmoderne.com, courrier BP 728, L-2017 Luxembourg, bureaux 10, rue des Gaulois, Luxembourg-Bonnevoie, fondateur Mike Koedinger, CEO Richard Karacian, directeur administratif et financier Etienne Velasti, RÉDACTION téléphone (+352) 20 70 70-100, fax (+352) 29 66 19, e-mail press@paperjam.lu, courrier BP 728, L-2017 Luxembourg, directeur de la publication Mike Koedinger, directeur éditorial Matthieu Croissandeau (M. C.), rédacteur en chef Thierry Raizer (T. R.), rédacteur en chef adjoint Nicolas Léonard (N. L.), secrétaire de rédaction Jennifer Graglia (J. G.), journalistes Laura Fort (L. F.), Jean-Michel Lalieu (J.-M. L .) free-lances Alex Barras (A. B .), Quentin Deuxant (Q. D.), Sébastien Lambotte (S. L .), Michaël Peiffer (M. P.), Jeanne Renauld (J. R .), photographes Romain Gamba (Maison Moderne), Nader Ghavami, correction Pauline Berg, Lisa Cacciatore, Sarah Lambolez, Manon Méral, Elena Sebastiani, AGENCE GRAPHIQUE directeur de l’agence Mathieu Mathelin , directeur de la création Jeremy Leslie, head of production Stéphanie Poras-Schwickerath, head of art direction Vinzenz Hölzl, graphisme / layout Maison Moderne, directeur artistique Eva Pontini, head of production assistant Myriam Morbé, mise en page Elina Luzerne, Oriane Pawlisiak, RÉGIE PUBLICITAIRE téléphone (+352) 20 70 70-300, fax (+352) 26 29 66 20, e-mail regie@maisonmoderne.com, courrier BP 728, L-2017 Luxembourg, directeur associé Francis Gasparotto, chargé de clientèle senior Mélanie Juredieu

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Please recycle. Vous avez fini de lire ce magazine ? Archivez-le, transmettez-le ou bien faites-le recycler ! Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxem­b ourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619

Juillet / Août 2020 — Private banking —

­—3


PUBLI-RÉDACTIONNEL

Profitez de vos acquis pour concevoir le futur.

à disposition de crédits. La mission du Private Banker est de réunir autour du client des spécialistes de tous les domaines de la gestion financière pour l’aider à réaliser ses projets à plus ou moins long terme en tenant compte de sa situation actuelle et de ses revenus potentiels futurs.

INTERVIEW

Qu’est-ce qui distingue vos services de la concurrence ?

Comment faites-vous pour prodiguer à vos clients des conseils avisés et personnalisés ?

Ils sont très accessibles. Chez nous, le seuil pour en bénéficier est nettement inférieur à celui d’autres banques. Tout client qui possède des actifs financiers équivalents ou supérieurs à 500.000 euros peut avoir accès à nos services de Private Banking. Cette accessibilité se traduit également par la disponibilité et la flexibilité du responsable de relation dédié à chacun de nos clients. Il est facilement joignable, assure un suivi régulier, anticipe les besoins du client, répond rapidement à chacune de ses demandes et se déplace

Lors de l’entrée en relation avec le client, nous sommes vraiment à son écoute et lui posons un maximum de questions sur sa situation financière, familiale et patrimoniale. Quelle est son histoire ? Quelles sont ses attentes et ses contraintes ? Quelles sont ses préférences en matière d’investissement ? Quel est son niveau de connaissance des marchés financiers ? Nous ne négligeons aucun détail et abordons avec lui tous les aspects de sa vie. Le but de cet entretien préliminaire est de bien connaître le client

Raoul Stefanetti de la BIL

Comment bien gérer son patrimoine, le faire fructifier et le transmettre aux générations futures. Il n’existe pas de réponses toutes faites à cette question, tant chaque situation est unique et exige une connaissance approfondie. Les bonnes solutions ne peuvent se trouver que dans l’échange et le dialogue et c’est précisément le rôle du Private Banking, comme nous l’explique Raoul Stefanetti.

En quoi consiste exactement le Private Banking ? Le Private Banking, également connu sous le nom de Wealth Management, englobe plusieurs services comme le conseil en investissements ou la gestion discrétionnaire d’un portefeuille, la structuration du patrimoine, la planification successorale et la mise

Notre longue expérience en corporate finance nous permet d’accompagner tout patron d’entreprise dans tous ses projets, que ceux-ci soient professionnels ou privés. Nous pouvons également l’aider dans l’acquisition ou la transmission d’une entreprise.

« Nous avons pour ambition d’accompagner nos clients sur le long terme et cet accompagnement se transmet souvent de génération en génération. Je compte ainsi parmi mes clients trois générations d’une même famille que je connais tous personnellement. » dans l’agence la plus proche du client et peut le cas échéant aussi se déplacer à son domicile. Le fait que nous soyons une banque universelle et innovante constitue un autre atout important. Nous sommes capables de répondre à toutes les demandes de nos clients, aussi diverses soient-elles. Ainsi, en tant qu’institution de crédit, nous pouvons proposer à notre clientèle diverses formules de prêt pour acquérir des biens résidentiels ou commerciaux à Luxembourg ou à l’étranger.

et d’avoir une vue globale, pas seulement financière, de son patrimoine de manière à pouvoir lui prodiguer par la suite des conseils personnalisés qui lui conviennent parfaitement. Pour établir cette relation privilégiée avec le client, celui-ci doit se sentir à l’aise car il nous confie des éléments qu’il souhaite voir traités avec discrétion. La confiance du client est un élément indispensable dans l’exercice de notre métier. C’est pourquoi nous disposons d’une équipe composée de différentes personnalités, plurilingue

Banque Internationale à Luxembourg SA, 69 route d’Esch, L-2953 Luxembourg, RCS Luxembourg B-6307 – 2459-5900 www.bil.com/private-banking


et multiculturelle. Nous sommes non seulement capables d’accueillir nos clients dans pratiquement toutes les langues mais aussi de leur trouver l’interlocuteur le plus adapté à leur caractère et à leur profil socioculturel. Nous exigeons également de nos collaborateurs des qualités primordiales comme la rigueur, la performance, la capacité d’écoute, l’empathie, l’intégrité et la franchise.

Cette relation privilégiée traverse-t-elle les générations ? Absolument. Nous avons pour ambition d’accompagner nos clients sur le long terme et cet accompagnement se transmet souvent de génération en génération.

Je compte ainsi parmi mes clients trois générations d’une même famille que je connais tous personnellement. Je suis en quelque sorte devenu pour eux le confident familial sur lequel ils peuvent compter pour tout ce qui concerne les finances et le patrimoine. Cette continuité à travers les générations est aussi en grande partie due au fait que nous faisons évoluer sans cesse notre métier. Dans un monde de plus en plus interconnecté, les clients sont devenus plus informés et plus exigeants. Nous nous sommes adaptés à cette nouvelle donne : nous sommes non seulement très présents sur le Net où nous délivrons un maximum d’informations pertinentes

(notamment via notre site my-life.lu), mais nous avons également étendu le champ d’action de nos Responsables de relation. Ceux-ci sont entourés de spécialistes internationaux, très pointus dans leur domaine et sont à même d’interpréter toutes les informations – pas toujours fiables – qui circulent sur la Toile. Nous en sommes convaincus : nos clients auront toujours besoin d’être conseillés et soutenus et rien, pas même un robot, ne pourra remplacer les solutions sur mesure que nous leur proposons. Pour nous, à la BIL, l’humain primera toujours.

Raoul Stefanetti, Responsable Private Banking Luxembourg

Vous avant tout Profitez de vos acquis pour concevoir le futur. Parce que vous avez façonné votre patrimoine à votre image, vous attendez de votre banque des solutions uniques, qui vous ressemblent. BIL Private Banking est avec vous, pour que vous puissiez être aux côtés de ceux qui vous sont chers.

Nos centres Private Banking au Luxembourg Esch-sur-Alzette Ettelbruck Luxembourg-Ville (Siège) juin 2020


EN BREF

TOP 10

Les services qui recrutent le plus

Birdee accueille les investisseurs à partir de 50 euros

Dans quel département allez-vous embaucher en priorité ? (question posée à 60 banques au Luxembourg)

2 3 4 5 6 7 8 9 10

Customer advisor à 43 %

Risk management à 40 %

La plupart des candidats investisseurs peuvent désormais avoir accès au robot-conseiller de Birdee qui investit dans des ETF, des fonds qui répliquent les principaux indices grâce à un algorithme destiné à remplacer l’intervention d’un conseiller particulier. Et à ce niveau, la jeune société insiste aussi sur son virage vers les produits durables et responsables. Ils représentent désormais 60 % à 80 % des produits des ETF dans lesquels elle investit pour ses clients. Et visiblement, ça marche : sur les mois de mars et avril 2020, soit en pleine crise sanitaire, Birdee a doublé ses scores par rapport aux mêmes mois de 2019.

3 QUESTIONS À DENIS COSTERMANS

IT à 30 %

Lead advisor banking & financial institutions Arendt Business Advisory Operations à 20 %

Loan servicing/ Credit & project management office à 18 % ccounting A à 13 %

Asset servicing à 12 %

Internal audit, legal & transformation office à 10 %

Digital office à 7 %

Source Banking in Luxembourg: Trends & Figures 2019 de PwC

Comment se porte le secteur de la banque privée au Luxembourg ? Bien, si l’on considère l’évolution du secteur durant ces 10 dernières années : croissance des actifs, réinvention vers un modèle onshore, repositionnement sur une clientèle (U)HNWI, sophistication de l’offre. Quel chemin ! Moins bien, si l’on re­garde les difficultés actuelles. La croissance reste lente et bénéficie d’effets de marché, la concurrence est forte, la chasse aux équipes est ouverte, les coûts grimpent, la règlementation pèse lourd, et il faut faire face au digital. Ce n’est pas nouveau, cela fait plus de 5 ans que les difficultés s’accumulent. Et la crise du Covid-19 les a exacerbées.

Quels sont les principaux défis à relever aujourd’hui ? Le principal défi reste probablement la rentabilité. On voit qu’elle se dégrade et que des banques peinent à dégager un bénéfice, ce qui laisse peu de marge de manœuvre. C’est encore davantage le cas avec la crise du Covid-19. Cela implique à court terme des mesures d’optimisation, et à moyen terme de trouver ou retrouver un modèle rentable pour pouvoir fonctionner sur un marché aux marges plus réduites. C’est un gros défi. Comment y parvenir ? Quels sont les remèdes à envisager ? En principe, il faudrait commen­ cer par poser un cadre : que voudra faire la banque, dans 5 ans ? Mais le Covid-19

« Cela fait ns plus de 5 a cultés que les diffi nt » s’accumule a aussi imposé ses urgences : sauver 2020 et replanifier 2021. Globalement, il faut se simplifier : fonctionnement, processus, offre commerciale, clients cibles, marchés. Des remises à plat sont nécessaires, en considérant aussi le digital. Enfin, ne perdons pas de vue le client. Que recherche-t-il in fine ? La performance de ses placements et une qualité de relation, qui peut prendre plusieurs définitions. Cela doit rester la base de tout programme.

Les brèves du secteur  La banque Pictet Luxembourg installera une partie de son personnel dans le nouveau bâtiment OBH au Kirchberg. Elle occupera quatre des sept étages réservés aux bureaux et une surface totale de 6.000 m2. En raison de la crise sanitaire, Claude Marx, directeur général de la CSSF, le plan de déménagement, qui ne concerne qu’une partie du personnel, n’a pas encore été finalisé.   a annoncé dans un Live Chat du Paperjam Club qu’une circulaire était en préparation pour réglementer le télétravail dans les entités surveillées par Quintet Private Bank a fait son retour en Suisse, cinq ans après avoir quitté ce marché. l’institution. Elle devrait arriver dans le courant de l’été.   Basée à Zurich, Quintet Switzerland est dirigée par Emmanuel Servais, ex-directeur de la filiale luxembourgeoise.  Frank Wagener a été nommé président du conseil d’administration de la banque Degroof Petercam Luxembourg. Il remplace Alain Schockert, atteint par la limite d’âge. 6—

­— Private banking— Juillet / Août 2020

TEXTE Jean-Michel Lalieu et Michaël Peiffer PHOTO Arendt

1

Compliance à 55 %

La société luxembourgeoise d’investissement en ligne Birdee frappe un grand coup pour attirer le plus grand nombre d’épargnants investisseurs. Depuis le 12 juin, son seuil d’accès a été abaissé à 50 euros contre 1.000 euros auparavant. « Nous pensions que 1.000 euros permettrait à tout le monde d’investir, mais une enquête nous a prouvé que ce montant restait une des barrières principales », explique Gael Minon, directeur de l’opérateur en ligne. Pour assurer sa rentabilité malgré un seuil aussi bas, Birdee a automatisé l’ensemble des procédures réglementaires (KYC) liées à l’entrée en relation avec un nouveau client.


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LE JOUR OÙ...

… Ma banque est passée au télétravail

«

orsque Xavier Bettel, notre Premier ministre, a annoncé, mi-mars, qu’il falL lait privilégier le télétravail, cela n’a pas été

physiquement leur conseiller. D’autres, au contraire, ont apprécié les nouvelles formes de communication à distance proposées par la BIL. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela n’a rien à voir avec l’âge. Nous avons des clients d’un certain âge qui sont très ouverts sur la question et qui ont particulièrement aimé cette nouvelle forme de contact. Comme dans bon nombre de domaines, je pense qu’il y aura un après-­Covid-19 dans le monde de la banque privée. Pendant la période de confinement, le régulateur a assoupli les règles encadrant le télétravail dans le secteur financier. Il est probable que les choses changent pour s’adapter au monde de demain. Au sein de la banque, nous avons aussi réalisé un sondage auprès de nos collaborateurs pour avoir leur ressenti sur ces quelques mois en télétravail et voir comment faire évoluer notre organisation. Des décisions seront prises en fonction de cela.

une réelle surprise. Le contexte était tel que la décision était inéluctable. Quelques-uns de nos collaborateurs, de retour de vacances ou de voyages d’affaires dans une zone à risque, travaillaient déjà depuis leur domicile. Rapidement, quand le télétravail s’est généralisé, nous savions que nous allions devoir faire face à un challenge de taille : trouver des alternatives pour communiquer avec nos collaborateurs et nos clients. On le sait, le secteur de la banque privée cultive un rapport de proximité avec les clients, peut-être au détriment des solutions digitales. Comme tout le monde, nous avons donc dû nous adapter : il était important pour nos collaborateurs et nos clients de garder le contact, que ce soit par e-mail, par téléphone, sous forme de webinaire ou de visioconférence. La relation qui lie le banquier privé à son client est TRIBUTAIRES DU RYTHME GLOBAL extrêmement forte et importante. À l’heure actuelle, nous avons organisé un UN APRÈS-COVID-19 DANS LA BANQUE PRIVÉE retour au bureau progressif, avec un sysCette nouvelle façon de communiquer a tème d’alternance entre périodes au bureau eu un impact assez varié sur nos clients en et périodes de télétravail, pour n’avoir au banque privée. Certains, pour qui le contact maximum que 50 % de nos équipes sur avec le banquier est capital, ont eu quelques place en même temps. Cela facilite le resdifficultés à s’adapter et ont hâte que la situa- pect des mesures barrières sur le lieu de tration revienne à la normale pour retrouver vail : contrôle de la température à l’entrée,

8—

­— Private banking — Juillet / Août 2020

distanciation sociale, port du masque… À quand un retour à la normale ? Cela est difficile à dire tant il y a de facteurs à prendre en compte : l’évolution de la pandémie, les règles fixées par le régulateur, mais aussi le rythme global de l’économie, ainsi que les règles concernant le télétravail pour les nombreux frontaliers parmi nos collaborateurs. Certains employés se plaisent bien à travailler depuis leur domicile. D’autres, souvent les parents, ont par contre hâte de retrouver le bureau. Pour prendre mon cas personnel, j’ai deux enfants en bas âge et un fils, universitaire, à la maison pour le moment. Entre les cours par visioconférence, les réunions et le changement des couches, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a de l’animation à la maison ! De manière générale, je pense que nous sommes impatients de nous revoir entre collègues et de retrouver la situation d’avant-crise. »  A. B.

PHOTO Maison Moderne (archives) ILLUSTRATION Ellen Withersova

Raoul Stefanetti, head of private banking pour le marché luxembourgeois à la BIL, raconte comment, du jour au lendemain, les employés de la banque ont dû passer au télétravail, et les nombreux défis auxquels ses équipes ont dû faire face durant cette période.

ver ns dû trou « Nous avo atives des altern uniquer pour comm urs ollaborate avec nos c nts. » et nos clie


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SUR LE RADAR

LA BANQUE PRIVÉE EN TENDANCES LES SECTEURS AU PLUS GRAND POTENTIEL DE CROISSANCE durant les trois prochaines années, selon 48 banques luxembourgeoises Private banking & wealth management

Corporate banking

15 %

Credit / loan business

42 %

Retail banking

15 %

2 %

8 %

15 %

Asset management Depositary banking

(Banking in Luxembourg: Trends & Figures - PwC)

QUELLES TENDANCES IMPACTERONT LA CROISSANCE DES BANQUES ? 46 % 46 %

16 %

2,6 %

Finance durable

Obligations hypothécaires

9 %

10,3 %

Banque de détail

Centre de services

(Banking in Luxembourg: Trends & Figures - PwC)

COMBIEN DE TEMPS LES GÉNÉRATIONS LAISSENT-ELLES LEURS INVESTISSEMENTS ?

OÙ LES GÉNÉRATIONS ONT-ELLES VRAIMENT PLACÉ DE L’ARGENT? Crowdfunding

Cryptomonnaies

en nombre d’années durant lesquelles elles ont réellement placé de l’argent, sauf pensions et investissements immobiliers Millennials (18-37)

1,9

Génération X (38-50)

2,7

23 % 19 % 12 % 9 % Millennials (18-37)

10 —

Baby-boomers (51-70)

5 % Génération X (38-50)

8 %

Baby-boomers (51-70)

­— Private banking — Juillet / Août 2020

2 %

3,7

2 %

Silent generation (71+)

Silent generation (71+)

4

SOURCES Banking in Luxembourg: Trends & Figures 2018 and 2019 PwC / Global Investor Study 2019 - Schroders

Data & analytics

17 %

Service des fonds d’investissement

Trésorerie

20 % IA / machine learning

3 %

9 %

17 % Cloud technology

3 %

0

19,2 % Private banking

7,7 % Partenariat (p. ex. fintech)

10

Custody

Blockchain

20

20,5 % Banque d’entreprise

14,7 %

Cryptomonnaies

30

Nouveaux compétiteurs (p. ex. Google, Amazon)

50

40

LES DOMAINES D’ACTIVITÉ DES BANQUES AU LUXEMBOURG EN 2018



ENTRETIEN

PHOTO PwC Luxembourg

« Dans une société qui a pour vocation de reventiler les richesses, la déconnexion entre les détenteurs de capitaux et le reste de l’économie peut déclencher de vrais problèmes. » Olivier Carré Partner, financial services market leader, PwC.

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­— Private banking — Juillet / Août 2020


« Le Covid a renforcé les forts et affaibli les faibles » Pour Olivier Carré (PwC), les conséquences de la crise sanitaire se mesurent davantage sur l’économie réelle que sur les marchés financiers.

La pandémie est encore loin d’être terminée, le nombre de malades progresse chaque jour dans le monde… Et pourtant, cela n’a pas empêché les marchés financiers de rebondir. Comment l’expliquez-vous ?

OLIVIER CARRÉ Les indicateurs de la pandémie sont encore dans le rouge et cela reste une tragédie humaine, c’est vrai. Il n’y a toujours pas de solution médicale ni de vaccin. Les confinements mis en œuvre ont eu un très lourd impact sur l’économie. Certains pays n’en sont d’ailleurs toujours pas sortis. Mais les marchés financiers, eux, ont rebondi très fort depuis leur effondrement à la mi-mars. Certains indices, comme le CAC 40 français, ont moins récupéré que d’autres, comme le DAX. Mais globalement, la correction entraînée par la crise du coronavirus semble aujourd’hui limitée entre 5 et 10 %. Ce n’est rien, comparé à la hausse que ces mêmes marchés financiers ont enregistrée depuis la crise financière de 2008. Certains indices, comme le Nasdaq, franchissent même de nouveaux records…

Oui, tout à fait. Mais si on regarde les choses de manière structurelle, sur le long terme, ces évolutions confirment un phénomène que nous constatons depuis déjà longtemps : les marchés financiers sont largement décorrélés de l’économie réelle, que ce soit en valeur ou en tendance. Les fortes corrections surviennent lorsque les marchés se sentent surpris, que ce soit par un événement ou par son envergure. Ils n’avaient pas mesuré l’ampleur inédite des conséquences du Covid. Jamais dans l’Histoire, on n’avait connu de correction d’une telle envergure dans un laps de temps aussi court.

les banques en s’endettant. Dans un premier temps, les marchés ont évidemment bien Les marchés ont intégré le Covid dans leur pri- accueilli ce geste. Mais ensuite, ils ont choisi cing. Le nombre de malades ou de morts ne de punir ces mêmes États qui les avaient sauconstitue plus une « surprise ». Ce n’est pas cela vés en déclenchant une crise de la dette… qui les préoccupe. Ce qui les préoccupe, c’est avant tout le rebond de l’économie. Leurs indi- Vous voulez dire qu’on pourrait craindre cateurs-clés ne concernent donc pas le progrès un scénario à la grecque… médical contre le coronavirus, mais plutôt les Oui, c’est ça. Les marchés pourraient être programmes de soutien des banques centrales tentés de spéculer à la baisse contre les États ou des gouvernements, ainsi que tous les pac- les plus faibles d’un point de vue éconokages d’incitants conjoncturels qui ont été mis mique, avec des niveaux de dette trop élevés. en place après la crise. Et il faut bien le recon- Je pense que c’est d’ailleurs pour cette rainaître : aujourd’hui encore, la plupart de ces son qu’­Emmanuel Macron et Angela Merkel programmes-là travaillent d’abord en faveur des ont aussitôt essayé de fédérer les Européens marchés financiers. Le fait que les banques cen- autour d’un programme structurel à l’échelle trales ne cessent de racheter les dettes ou d’in- de l’UE et non plus au niveau de chaque État jecter des liquidités profite parfois d’abord aux membre, afin d’éviter la punition des marchés. marchés et seulement dans un deuxième temps à l’économie réelle. De la même manière, un La décorrélation entre les marchés grand nombre d’initiatives gouvernementales, et l’économie réelle n’est-elle pas due des banques centrales ou d’incitations fiscales aussi à l’omniprésence des algorithmes profitent d’abord aux détenteurs de capitaux chez les traders ? avant les employeurs et les employés. L’ensemble Non, c’est un élément qui y contribue, mais ce de ces éléments font que nous pensons, à moins n’est pas l’essentiel. Les algorithmes accentuent d’un nouveau confinement, que les marchés des basculements de façon très mécanique et resteront à ce niveau-là. La grande question qui très rapide sur les marchés, à la hausse comme demeure en revanche, c’est de savoir si les élé- à la baisse. On l’a bien vu avec le Covid : l’imments qui ont permis le rebond des marchés et pact est d’autant plus direct que ce sont des la reconstruction après la crise, financés par un machines qui exécutent les ordres immédiateendettement substantiel, ne se retourneront pas ment. Mais la décorrélation elle-même est un au final contre les États qui les ont mis en place, phénomène plus large et plus ancien. Initiacomme après la crise financière. lement, l’économie monétaire et des marchés était au service de l’économie réelle pour finanC’est-à-dire ? cer les biens de production. Dans l’économie Après la crise de 2008, les gouvernements financière aujourd’hui, les marchés servent les ont sauvé le système financier, notamment marchés, le capital sert le capital. Ceux qui en Aujourd’hui, cet effet de surprise est-il passé ?

Juillet / Août 2020 — Private banking —

­ — 13


ENTRETIEN ont en profitent, sans nécessairement le réin- substantiels et suffisants pour être rentables. vestir ou le réinjecter dans l’économie réelle. Celles qui ont plus de transactionnel ont eu des revenus importants qui ont compensé la perte Une partie l’est, mais pas la totalité. de revenus sur les actifs. Ça leur a permis Quels sont les dangers d’une telle d’équilibrer, voire d’être un peu positives. En revanche, celles qui étaient assises décorrélation ? Dans une société qui a pour vocation de reven- sur une clientèle ou un business model tiler les richesses, la déconnexion entre les pas suffisamment porteur ont soufdétenteurs de capitaux et le reste de l’éco- fert. Nous avons aujourd’hui un schisme nomie peut déclencher de vrais problèmes. de marché entre les bien positionnés et On l’a vu plusieurs fois dans l’Histoire, cela ceux qui ont des problèmes. Le Covid ne peut pas durer éternellement. Pour l’ins- a renforcé les forts et affaibli les faibles. tant, la hausse boursière et le niveau très bas des taux d’intérêt ont bénéficié à une relative Qu’en est-il pour le private equity ? grande partie de la population, que ce soit Le Covid a-t-il permis de dégonfler pour l’achat de logements ou pour soutenir la des valorisations que certains jugeaient consommation. Mais dans le même temps, les excessives avant la crise ? personnes qui avaient du capital ont assemblé Le secteur l’espérait, mais cela n’a pas été le encore plus de capital dans des proportions cas. Nous avons connu un ralentissement, voire rarement atteintes. Il est bien sûr très difficile un arrêt complet, des marchés de M&A. Mais, de prévoir les conséquences majeures d’un aujourd’hui, pour les firmes impliquées dans ces tel phénomène, mais le sujet préoccupe la transactions, sur des IPO ou des placements de nouvelle Commission européenne. titres obligataires, l’activité reprend. Les marchés ont « digéré » le Covid relativement vite. Qu’est-ce que le Covid a changé pour Dans notre clientèle, un nombre important de la place financière ? private equiters recommencent à lancer de nouOn a découvert un scénario de stress qu’on n’avait veaux produits. Le secteur s’est montré robuste. jamais envisagé. Dans les entreprises, la plupart Et le fait que certaines sociétés dans l’éconodes business continuity plans anticipaient une mie réelle connaissent de vrais problèmes et se crise ponctuelle ou locale, comme l’impossibi- mettent en quête de nouveaux investisseurs va lité d’accéder à un bâtiment, par exemple. Mais créer d’autres opportunités que le private equity personne n’avait imaginé jusque-là que tout n’aurait pas eu sans la crise. Il y a de bonnes sociépouvait être bloqué en même temps. La crise a tés affaiblies, voire au bord de la faillite, qui vont permis aux acteurs de la place financière d’ac- intéresser les private equiters. célérer la digitalisation et de mettre en œuvre un remote access aux données et au back-office Et pour le real estate ? à grande échelle, avec tous les challenges que C’est plus compliqué. Il y a une vraie intercela implique en termes de sécurité. Ce phéno- rogation sur le besoin d’espaces physiques mène ne va pas disparaître. La Commission de aujourd’hui. Plusieurs grandes enseignes surveillance du secteur financier l’a bien com- commerciales vont commencer à réduire pris et travaille d’ailleurs sur une circulaire pour leurs surfaces parce qu’elles ont découencadrer ces nouveaux usages. vert pendant le confinement que la vente en ligne a très bien marché. La même quesLe Covid s’est-il traduit par davantage tion se pose pour l’immobilier de bureaux. de business pour les banques ? Les sociétés vont-elles être tentées de Mécaniquement, oui. Deux phénomènes ont réduire leurs surfaces de bureaux, maintejoué. Primo, la volatilité des marchés a fait qu’il nant qu’elles ont adopté des manières de y a eu plus de transactions. Du coup, beaucoup travailler plus flexibles ? Il est encore trop de banques ont enregistré des résultats records tôt pour le dire, mais nous sommes peuten termes de revenus transactionnels. Secundo, être à la veille d’un basculement structurel. la crise a boosté tout un nombre d’activités de crédit, de refinancement, de prolongation… Quelles sont les conditions d’un rebond Cela ne fait pas toujours du résultat pur ni un rapide et durable pour la place financière ? résultat net amélioré, mais, globalement, il y On a d’abord bien géré la crise, tout court. a des secteurs qui ont été bénéficiaires, alors Il n’y a pas eu de rupture de services, de proque d’autres ont subi et souffert. blèmes manifestes avec des prestataires. On a pu fonctionner. C’est la condition de base pour La baisse des marchés a généré une baisse rebondir. Le deuxième critère sera de tirer les bonnes leçons sur les nouvelles façons de trades commissions dans la banque privée. vailler. C’est important que le Luxembourg Cela peut-il accélérer la concentration à l’œuvre depuis quelques années ? adopte ça. C’est un effort conjoint à fournir, Non, pas pour les banques qui ont un por- de la part du gouvernement, des autorités tefeuille de clients avec des niveaux d’avoirs de surveillance et du secteur tout entier. 14 —

­— Private banking — Juillet / Août 2020

Certains ont cru qu’avec le Covid, l’agenda climatique serait reporté ou mis au second plan. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le pilote de ce programme-là, c’est surtout l’Union européenne, qui s’est montrée très active sur le sujet. L’année 2019 a éclipsé toutes les années précédentes en nombre de textes sur le sujet. Les premiers entreront en vigueur à partir de mars 2021. La Commission a rappelé à plusieurs reprises que le Covid ne ralentirait, ni ne changerait en rien la mise en œuvre du Green Book et, plus largement, de la Climate Law ou de la sustainable finance. Son objectif est de rendre le financement plus cher, voire inaccessible, pour les activités nocives pour l’environnement. C’est une mesure prudentielle structurelle qu’elle est en train de prendre.

Ça devient normatif. Il n’est plus question de changement de mentalité…

Absolument. Et cela va changer la face de la place financière. La Commission joue une carte assez forte. Elle a imposé une obligation de transparence aux acteurs financiers, mais aussi aux produits financiers et même aux gros investisseurs. Les groupes d’assurances, les fonds de pension vont quelque part être contraints de respecter ces normeslà ou d’en tenir compte dans leurs allocations de capitaux. Le cycle vertueux commence à se mettre en route. Tout le monde répète que le Luxembourg est très bien placé dans le domaine de la green finance. Est-ce un argument marketing ou disposons-nous de vrais avantages compétitifs ?

Ce n’est pas gagné d’avance. Mais trois éléments jouent en notre faveur. Primo, on est une place financière extrêmement dominante sur ces produits. On a déjà une expérience en la matière. Secundo, on a eu la sagesse d’investir dans des éléments très importants, comme le Luxembourg Green Exchange, qui est aujourd’hui rodé et assure déjà une grosse part de marché des émissions de green bonds. Enfin, le Luxembourg a toujours su s’approprier ces nouveaux sujets et en faire quelque chose relativement vite. Pourquoi ne réussirait-on pas à le faire à nouveau ? Vous avez pourtant commencé votre réponse en disant : « Ce n’est pas gagné d’avance… »

Oui, car il faut coordonner tout cela. Il faut que le ministère des Finances et, plus globalement, le gouvernement jouent leur rôle. Il faut, en tant que pays, que nous soyons crédibles. On ne peut pas répéter partout que nous sommes les meilleurs pour la finance durable, alors que, par exemple, notre CO2 footprint n’est pas en ligne avec les objectifs du pacte climatique de Paris… Il en va de notre crédibilité collective !  M. C. & L. F.


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CARTE BLANCHE

Après la crise, s’adapter pour mieux évoluer ? Cette crise historique conduira-t-elle à des modifications profondes de notre métier de banquier privé ? Il est encore tôt pour le dire, mais il est déjà possible de tirer plusieurs enseignements de cette situation extraordinaire.

ou encore le renforcement des liens entre les équipes à distance. Cette situation exceptionnelle a donc servi de catalyseur pour accéléune clientèle d’entrepreneurs et de grandes rer notre transformation. familles avec des enjeux internationaux. Pour Aujourd’hui, plusieurs pistes s’ouvrent à continuer à les accompagner dans cet envi- nous pour capitaliser de manière pérenne sur ronnement inédit, nous avons déployé notre les solutions qui ont bien fonctionné durant dispositif de travail à distance, déjà en place la crise. Une première piste de réflexion passe depuis 2017, pour la quasi-totalité de nos par l’innovation et la mise en place d’outils équipes. En quelques jours, nos collaborateurs digitaux toujours plus performants. Mainteont pu retrouver un niveau d’activité proche nir la proximité avec nos clients, à distance, de la normale, tout en maintenant la qualité de dialogue nécessaire avec nos clients et partenaires. Leurs retours très positifs ont confirmé que les mesures mises en place répondaient à leurs attentes. Bien entendu, les contraintes liées au travail à distance nous obligent plus que jamais à être davantage efficaces et pertinents dans l’accompagnement de nos clients. L’accélération de notre transformation digitale, avec le déploiement progressif d’outils tels que la signature électronique qualifiée, est une avancée majeure. J’ajoute que notre modèle de par Olivier Lecler banque relationnelle s’est révélé essentiel penDirecteur des activités de banque privée dant cette période, durant laquelle nous avons Société Générale Luxembourg énormément interagi avec nos clients et partenaires. La proximité, la pédagogie et la dis- sera bien évidemment un enjeu pour notre ponibilité de nos banquiers et de nos experts modèle relationnel. Nos efforts en matière de ont été la clé pour rassurer et conseiller au gré digitalisation de l’expérience client doivent des situations individuelles. Grâce à l’engage- être poursuivis de manière soutenue, pour ment de nos équipes, nous avons pu maintenir nous adapter aux besoins des nouvelles génénos services à leurs meilleurs niveaux, tout en rations (next gen et millennials). nous appuyant sur un modèle de gestion des Une organisation plus agile permettra égarisques qui a démontré toute sa rigueur. lement de mener à bien, dans les meilleures conditions, les projets d’innovation et d’acUN QUOTIDIEN 100% DIGITAL célération de la digitalisation. Pour ce faire, il Une fois notre dispositif de continuité d’acti- faudra repenser certains processus de décivité mis en place, il a été possible de retrouver sion, de manière plus flexible et plus sécurisée un quotidien quasi ordinaire malgré des pro- à la fois. Cela permettra de pouvoir anticiper cessus 100 % digitaux. Source d’interrogations, et s’adapter davantage aux évolutions à venir. notamment pour les managers, cette période La crise du Covid-19 a par ailleurs renforcé a finalement révélé des évolutions positives la demande d’une économie plus responsable. pour nos méthodes de travail, comme, par Dans le cadre de la transition écologique à exemple, des circuits de décision plus courts, venir, il est facile d’imaginer que les critères

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environnementaux, sociaux et de gouvernance seront de plus en plus valorisés par la clientèle privée dans ses investissements. C’est aux acteurs du secteur d’aller plus loin pour valoriser les investissements responsables. Notre société de gestion (Société Générale Private Wealth Management) propose déjà des fonds labellisés Luxflag (assurance donnée aux investisseurs que les fonds qui portent ce label intègrent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à chaque étape de leur processus d’investissement). Ces efforts se poursuivront afin que nos clients aient accès d’ici quelques mois à une gamme complète de fonds gérés de façon responsable.

DES DÉLAIS RACCOURCIS

On peut également imaginer une évolution des profils recherchés par les ressources humaines. Le raccourcissement des délais de mise en place de projets a démontré l’importance de valoriser certaines compétences. L’autonomie, la proactivité, la collaboration ou encore un état d’esprit quasi entrepreneurial ont permis de développer un surplus d’agilité. Ces enjeux seront d’autant plus importants dans le cadre des réflexions et tentatives de pérennisation du télétravail. Une question centrale qui se pose concerne l’adaptation des réglementations sur cette thématique. Il est certain que ce sujet sera crucial pour de nombreux travailleurs frontaliers. Un point important à intégrer dans les réflexions sera le bon équilibre entre travail à distance et en présentiel. Il faudra également intégrer, dans les projets de transformation, les outils digitaux nécessaires à cette pérennisation. Je conclurai en remerciant l’ensemble des équipes pour leur grande capacité d’adaptation et leur résilience dans cette situation inédite. Je ne peux que les encourager à cultiver leur agilité et leurs idées afin de toujours mieux répondre aux attentes de nos clients. De nombreuses pistes de réflexion s’ouvrent à nous. 

PHOTO Société Générale Luxembourg

ntégrée au sein de Société Générale LuxemIenbourg, notre activité de banque privée opère Europe continentale, principalement pour


CARTE BLANCHE

La banque privée post-Covid ira plus loin Les économies du monde entier et leurs acteurs ont été touchés de plein fouet par l’épidémie de coronavirus. La banque privée, comme on pouvait s’en douter, n’a pas été épargnée. Le secteur déjà éprouvé par les pressions réglementaires devra miser sur la digitalisation, l’investissement durable et l’expérience client pour rester attractif.

une nouvelle ère. Les nouvelles manières de travailler incluant le digital prendront encore plus d’ampleur avec le temps et amélioreront entreprises ont temporairement fermé leurs l’efficacité de l’organisation interne. Du temps portes, tandis que d’autres ont pu ou su s’adap- épargné, c’est de l’argent gagné. ter, inventant par la même occasion une autre ’

UN CONSEIL NETTEMENT PLUS PERSONNALISÉ

Les visioconférences avec les clients deviendront monnaie courante. Si le digital devient le canal d’échange privilégié entre le banquier privé et son client pour des opérations courantes, il faut que le professionnel ait à sa disposition les outils adéquats. Des outils de gestion de la relation client centralisant le suivi des échanges, ainsi que des simulateurs de portefeuille servant à la fois à mieux conseiller et à répondre aux exigences réglementaires, seront indispensables. Tout comme des outils d’automatisation d’invespar Jean-François Jacquet tissements et de signature numérique. Cette Chief investment officer Quintet Luxembourg dernière permettra non seulement de gagner du temps, mais aussi d’améliorer la fiabilité juridique et – ce n’est pas accessoire – d’archiver manière de fonctionner pour ne pas baisser électroniquement tous les documents. définitivement le rideau. Les sacro-saints « documents papier » laisComme d’autres secteurs, la banque pri- seront donc une place encore plus large à vée n’a pas été épargnée. Pour des questions leur version numérique. Une fois de plus, la de sécurité, la plupart des établissements sécurité et le respect du RGPD devront être ont demandé à leurs salariés de rester chez au rendez-vous pour assurer une sauvegarde eux. Le télétravail, autrefois marginal, est infaillible et illimitée dans le temps. devenu une nouvelle norme. Désormais, les réunions se tiennent à distance, via des plates- L’INVESTISSEMENT DURABLE DEVIENT formes telles que l’application vidéo Teams INCONTOURNABLE de Microsoft. Les machines à café des étages Mais ce que la crise du Covid a également se retrouvent bien seules depuis que l’on fait magistralement démontré, c’est que la duraune « pause-café virtuelle » avec ses collègues bilité n’est pas un vain mot. Que le monde de via écrans interposés depuis sa propre table demain, et la banque privée avec lui, sera plus de cuisine. En réalité, la crise a démontré que durable ou ne sera pas. Il a ainsi fallu un virus l’on pouvait très bien gérer les affaires à dis- microscopique pour rappeler à l’humanité tance et maintenir une certaine discipline. tout entière sa vulnérabilité, lui rappeler comParadoxalement, cette crise du coronavirus bien son environnement est précieux et doit a accéléré l’entrée de la banque privée dans être préservé. L’humain, trop ­souvent négligé

ou considéré comme un simple ­facteur de ­ roduction, a également été remis au centre p de toutes les préoccupations : qu’aurions-nous fait sans nos infirmiers, caissiers et tous ces héros malgré eux ? Les investisseurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. En pleine tempête boursière, l’investissement durable a enregistré des afflux records, alors même que pas moins de 100 milliards de dollars étaient sortis des fonds d’actions traditionnels. Car les entreprises attentives à la durabilité de leur modèle de développement sont simplement celles qui se donnent les moyens de relever les défis de demain et de les transformer en opportunités.

L’EXPÉRIENCE CLIENT AVANT TOUT

La banque privée de demain sera donc à la fois plus durable et plus digitale. Mais, comme tout concept, la digitalisation a ses limites. Il faudra donc trouver le bon équilibre entre le digital et l’humain, entre un rendez-vous virtuel et une discussion dans un salon réservé à la clientèle. Un robot, quel que soit son degré de perfection, ne répondra jamais aussi bien qu’un être en chair et en os aux besoins des clients, et ne pourra pas instaurer cette relation de confiance nécessaire à notre activité. D’ailleurs, la qualité du service et l’expérience client sont les éléments majeurs en matière de recommandation et de fidélisation. Avec les tendances qui se dessinent et dont nous voyons déjà les prémices, la qualité des services devient plus que jamais ­primordiale, et certains établissements seront contraints d’innover dans leur proposition de produits et services. La disparition des banques privées n’est donc pas à l’ordre du jour, mais elles devront être vigilantes et s’adapter rapidement aux changements technologiques et sociétaux pour rester dans la course. 

Juillet / Août 2020 — Private banking —

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PHOTO Quintet Luxembourg

épidémie de coronavirus a mis le monde Lsonnes sens dessus dessous. Des milliards de peront changé leur rythme de vie, des


CARTE BLANCHE

La banque privée une nouvelle fois en transition La banque privée est une fois de plus en transition, alors que le métier était déjà en transformation structurelle ces dernières années en raison de l’inflation réglementaire (entraînant une nette augmentation des coûts humains et matériels, notamment de conformité), ainsi que de la pression sur les marges (avec la transparence accrue sur les revenus et les taux d’intérêt bas, voire négatifs).

dire The Economist), même si nous sommes pour le moment encore entre les deux et que les effets se feront sentir pendant de ­nombreux mois encore. Confrontées à une situation jusqu’alors inconnue, les banques privées – mais pas seulement – ont dû, de manière quasi immédiate, prendre des mesures urgentes de gestion de crise, notamment en : • assurant la continuité de leur fonctionnement tout en étant soucieuses de la santé de leurs collaborateurs, par le déploiement massif, à très court terme, du travail à distance à travers tous les domaines, et par l’octroi d’accès sécurisés aux systèmes et services en ligne (avec les contraintes matérielles qui en découlent) ; • intensifiant les interactions avec la clientèle par le biais de tous les canaux digitaux de communication possibles, et ce dans un contexte de turbulences des marchés : exécution d’ordres, rééquilibrage des portefeuilles, appels de marge, besoins en financement ; • révisant, à brève échéance, un nombre important de processus, temporairement inadaptés à cette nouvelle donne : gestion des risques (surtout les business recovery and continuity plans), documentation à distance des contrats et des ordres, acquisition de nouveaux clients (video onboarding, remote KYC, e-signatures), etc.

en personne, ou encore le plaisir du partage d’un bon repas ou un événement culturel ou sportif ? Ce paradoxe n’a cependant rien de fondamentalement nouveau pour le banquier privé au Luxembourg puisque l’essentiel de ses activités se fait avec des clients non résidents.

par Alain Hondequin Directeur, BRP Bizzozero & Partners Lux

Les banquiers privés seraient pourtant bien avisés de mettre à profit cette période exceptionnellement propice au changement pour : • intégrer, tant dans les processus internes que dans l’offre de produits et services, le changement de comportement des clients plus disposés qu’auparavant à adopter des modes d’interaction digitaux, bien que toujours demandeurs de conseils personnalisés adaptés ; • faire de la digitalisation non seulement un accélérateur, mais également un pilier de la stratégie de la banque, visant le développement ou la mise à niveau des infrastructures informatiques et l’intégration d’outils digitaux (notamment via API) ; Ainsi, en l’espace d’un peu plus de deux • optimiser et accélérer les processus opémois, la banque privée a dû gérer de manière rationnels (organisation et gestion des risques) et revoir les modèles d’affaires plus aiguë et extrême ce fameux paradoxe qui consiste à pouvoir, de manière efficace et sécuexistants, voire développer de nouveaux risée, concilier la proximité avec le client tout modèles sur base d’une gestion plus pousen gardant (forcément) ses distances. Mais sée et dynamique des données – internes une vidéoconférence, aussi bien organisée et comme externes –, notamment en exploiefficace soit-elle, remplacera-t-elle la spontant au mieux les possibilités offertes par tanéité ou l’intuitu personae d’un entretien les algorithmes et l’intelligence artificielle ;

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• acquérir de nouveaux clients en voyageant peut-être moins, mais en étant surtout mieux préparés, en maîtrisant ex ante toutes les contraintes réglementaires ou fiscales, tant celles de la banque que des clients (entre autres par le biais d’outils intégrés) ; • investir dans leurs ressources humaines en formant les collaborateurs aux outils ­digitaux et aux plates-formes d’e-learning, ainsi qu’en acquérant les talents nécessaires au développement de la banque. Pour être concurrentiels dans ce « nouveau monde », les banquiers privés devront trouver le juste équilibre entre la value proposition de services personnalisés délivrés en personne et l’impérative nécessité de digitaliser et automatiser tous les processus. Encore faudra-t-il que ces banques disposent des capacités (financières et humaines) pour investir de manière sélective et accélérée dans les développements technologiques, alors que toutes ne sont pas sur un pied d’égalité, comme l’ont montré de récentes études ABBL/EY sur le coût de la conformité. Le fait que la hausse des revenus de trading après rééquilibrage des portefeuilles ne compensera probablement pas l’érosion ou le tassement des revenus liés à la taille des actifs ne viendra pas arranger les choses. Les risques préexistants de consolidation dans le secteur ne sont donc pas à écarter. Personnellement, je persiste à croire que des systèmes informatiques ou des services digitaux, aussi performants ou « personnalisés » soient-ils, ne remplaceront jamais ­l’humain. Ils resteront à son service. Sortiront ainsi gagnantes de cette crise les banques privées qui auront su intégrer de manière équilibrée l’excellence dans ­l’expérience client, tant par voie digitale qu’humaine, car le conseil et la relation humaine resteront toujours au centre des métiers de la gestion patrimoniale. 

PHOTO Mike Zenari (archives)

y aura cependant clairement un avant et I« alaprès (ou BC « before coronavirus » et AD fter domestication », comme s’amusait à le


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CARTE BLANCHE

Le recours à la planche à billets est-il dangereux ? Le coût du choc économique lié au Covid-19 pour les États sera bien plus conséquent que celui de la crise de 2008-2009. En zone euro, le creusement du déficit budgétaire de cette année devrait être deux fois plus important qu’en 2009. Une telle augmentation du déficit est le reflet des différentes mesures prises par les gouvernements pour aider les ménages et entreprises à traverser ce choc. La dette publique va donc croître brusquement non seulement en zone euro, mais également dans la plupart des pays.

dement supplémentaire, sous forme de taux d’intérêt plus généreux, afin de compenser le risque lié à la hausse de l’endettement. Lors de cette crise, les banques centrales ont lancé des opérations de création monétaire inédites en vue de racheter des dettes publiques, ce qui facilite le financement du déficit budgétaire et limite toute hausse des taux d’intérêt sur les emprunts des gouvernements. La Banque centrale européenne (BCE), qui avait initialement fixé en mars la taille de son programme d’achat pandémique à 750 milliards d’euros, l’a augmentée de 650 milliards lors de sa réunion monétaire du mois de juin. Cela signifie qu’au travers de ce programme, la BCE va absorber les nouvelles émissions obligataires de cette année des États membres de la zone euro. Le surcroît d’endettement public, qui est l’héritage de la crise actuelle, sera donc détenu par la BCE. Cette action des banques centrales est, pour certains, une source d’inquiétude, car certains épisodes de monétisation des déficits budgétaires ont conduit à des périodes d’hyperinflation dans le passé, et donc à une baisse rapide du pouvoir d’achat de la monnaie.

POURQUOI N’A-T-ON PAS OBSERVÉ UN PHÉNOMÈNE DE HAUSSE DES PRIX SUITE AUX INTERVENTIONS MONÉTAIRES D’APRÈS LA CRISE FINANCIÈRE ?

à la crise financière ne s’est pas traduite en augmentation du niveau des prix des biens et services, en raison de la baisse de la vélocité de la monnaie. Ce dernier paramètre dépend principalement de la confiance des agents économiques. La fréquence moyenne des transactions pour une unité de monnaie augmente lorsque l’envie de thésaurisation diminue. Toutefois, à défaut de générer de l’inflation, ces programmes d’achat des banques centrales ont supporté le prix de certains actifs financiers en exerçant une pression sur les taux longs et en gonflant leurs valorisations. L’inflation n’est pas seulement un phénomène monétaire, d’autres forces l’influencent également. Parmi celles-ci, notons la différence entre le niveau d’activité économique et le potentiel de production de l’économie. Comme la crise de 2009 avait créé des surcapacités importantes dans nos économies, il était illusoire de penser que la création monétaire à elle seule allait raviver les prix des biens et services. De même, la crise actuelle laissera des traces à moyen terme sur le niveau d’activité économique, que ce soit sous forme d’une hausse du taux de chômage ou d’une perte de revenus pour une frange de la population. Il est donc peu probable que l’on assiste à une envolée des prix à court et moyen terme.

CRÉATION MONÉTAIRE PERMANENTE OU TEMPORELLE ?

La situation de plein emploi et le caractère répétitif du financement direct des déficits budLa théorie quantitative de la monnaie permet gétaires par les banques centrales étaient des d’expliquer la relation entre l’offre de monnaie conditions nécessaires aux périodes d’hyper­ et le niveau des prix. Cette dernière stipule que inflation passées. Ces conditions ne sont pas toutes choses étant égales, lorsque la quan- réunies aujourd’hui. Premièrement, malgré les tité de monnaie augmente, le niveau général efforts des États pour sauver au maximum l’emdes prix à la consommation doit s’adapter à ploi, le taux de chômage augmente, et deuxièla hausse. Or, en économie, le statu quo est mement, le recours à la planche à billets dans rarement la norme. La hausse de la quantité cette ampleur par les banques centrales répond de monnaie des banques centrales en réponse à une situation exceptionnelle et ne sera sans 20 —

­— Private banking — Juillet / Août 2020

doute pas répété ad vitam æternam. Rappelons également que le statut des banques centrales du 21e siècle leur confère une indépendance vis-à-vis des gouvernements. Or, les situations d’hyperinflation du passé provenaient bien

par Alexandre Gauthy Macroeconomist, Degroof Petercam

souvent de ce manque d’indépendance qui incitait les gouvernements à créer de la monnaie pour financer des déficits budgétaires croissants. De plus, la forme permanente de la création monétaire actuelle n’est pas acquise. En effet, les banques centrales pourront, a posteriori, décider de réduire l’offre de monnaie en ne réinvestissant pas les échéances des dettes gouvernementales qu’elles détiennent si elles le jugent nécessaire, ce qui de facto réduirait la quantité de monnaie émise. De ce fait, la création monétaire actuelle ne serait donc in fine qu’un phénomène temporaire et réversible. La réponse forte des banques centrales à la crise actuelle est exemplaire. Elles ont appris les leçons du passé. Étant donné la sévérité inédite du choc sur l’activité, le manque d’interventionnisme des autorités monétaires aurait sans aucun doute accentué la crise. Le financement indirect des nouveaux déficits budgétaires par la création monétaire était souhaitable et ne doit pas être craint dans la situation présente de hausse du taux de chômage et de faiblesse de l’inflation. 

PHOTO Maison Moderne (archives)

n temps normal, face à une telle progresE sion du besoin de financement des États, les marchés financiers requerraient un ren-


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EN COUVERTURE FORTUNE

Le plus grand transfert de richesse de l’histoire D’ici 30 ans, les baby-boomers auront transmis leur patrimoine aux générations ­suivantes. Ce transfert, et le partage des actifs qui en découle, n’a rien d’anodin. Comment doit-il être appréhendé ?

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­— Private banking — Juillet / Août 2020


’est le transfert de richesse du siècle ! C D’ici une vingtaine d’années, une très grande partie de la richesse actuellement

possédée par les baby-boomers, les personnes nées entre 1945 et 1964, passera entre les mains des générations suivantes. Cette transmission n’a rien d’anodin. Elle est appréhendée avec sérieux par les familles fortunées et peut-être plus encore par les acteurs occidentaux de la gestion patrimoniale. C’est en effet aux États-Unis et en Europe que s’est principalement créée la richesse au cours des décennies passées. La génération des individus nés après la Deuxième Guerre mondiale, participant à une explosion démographique dans nos contrées, a connu des années particulièrement prospères. Tout au long de leur vie, les baby-boomers ont accumulé de la richesse comme personne avant eux. Et si l’on en croit diverses études menées sur la répartition actuelle des richesses selon les âges, cette génération contrôlerait encore environ 70 % des actifs financiers et non financiers disponibles à travers le monde, soit environ 360.000 milliards de dollars ou 360 billions de dollars. « On constate que c’est aux États-Unis et en Europe que se concentre l’essentiel de la richesse mondiale. De manière générale, c’est aussi chez nous que les personnes fortunées sont les plus âgées, commente Alain Meunier, tax partner, wealth management leader au sein de PwC Luxembourg. Dès lors, c’est ici que les enjeux relatifs à la transmission du patrimoine se font le plus ressentir. Et ceux-ci doivent rendre particulièrement attentifs les acteurs de la gestion du patrimoine. »

PHOTO Shutterstock

UNE RICHESSE COLOSSALE

Les estimations sur le montant de ce transfert divergent fortement selon les études. Rien qu’aux États-Unis, l’une d’elles estime que les baby-boomers devraient transférer 30 billions de dollars de richesse aux générations futures au cours des prochaines années. À l’échelle globale, une autre source évoque un montant de 68 billions de dollars. On estime à 15,4 billions de dollars la somme des transferts de fonds mondiaux d’ici 2030, dont 3,2 billions uniquement en Europe. Ces chiffres ne relateraient que les actifs contrôlés par les familles les plus importantes, autrement dit les high net worth individuals, dont la fortune est supérieure à 5 millions d’euros. Au Luxembourg, par exemple, les services de conseil en gestion discrétionnaire sont le plus souvent accessibles à partir d’un million d’euros d’actifs. Certains acteurs peuvent néanmoins proposer une offre de gestion à partir de 500.000 euros. « Considérant cela, on peut se dire que l’enjeu du transfert, pour les acteurs du wealth management

en Europe, correspond à un volume de richesse au moins deux fois supérieur à cette estimation de 3,2 billions », estime Alain Meunier. C’est dire la hauteur de l’enjeu. « Cette transition ne survient pas de manière soudaine, relativise toutefois Pierre Etienne, président du Private Banking Group Luxembourg (PBGL), regroupement des acteurs de la banque privée au sein de l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL). Elle va s’étaler sur les 20 à 30 prochaines années. Les baby-boomers les plus âgés ont aujourd’hui 75 ans, et on peut encore leur souhaiter quelques années de vie heureuse. Les plus jeunes n’ont que 55 ans. En outre, leurs héritiers en ligne directe, à savoir leurs enfants, sont les plus souvent déjà bien installés dans la vie, avec déjà une réelle culture financière. Dès lors, quand vient le moment d’appréhender ce transfert, on parle plus d’évolution que de révolution. Dans beaucoup de cas, cette transmission est déjà à l’œuvre. » Le transfert de la richesse va donc, indéniablement, profiter aux générations suivantes, faisant de celle qui hérite la plus riche que le monde n’ait jamais connue. Souvent, comme l’évoque Pierre Etienne, ces héritiers sont déjà millionnaires. Cette transmission ne profite pas encore aux membres de la génération des millennials qui s’apprêtent à se lancer dans la vie active. Mais ceux-ci pourront néanmoins espérer hériter de leurs parents, d’ici quelques années, pour devenir à leur tour les plus riches de l’histoire… pour peu que la richesse familiale n’ait pas été dilapidée entre-temps.

PRÉSERVER L’UNITÉ DU PATRIMOINE

Et c’est tout l’enjeu de cette problématique de transfert pour les plus âgés : s’organiser pour garantir la préservation de ce patrimoine accumulé au fil des années. En la matière, les enjeux de succession ne sont pas forcément simples à appréhender. « Et c’est justement le rôle du banquier privé d’aider les familles à mieux envisager la gestion de leur patrimoine au-delà de la succession, poursuit Pierre Etienne. Cela implique de l’anticipation, une planification tenant compte de l’ensemble de la famille, une préparation des futurs détenteurs de ce patrimoine. » Les difficultés, dans le cadre de ce transfert générationnel, résident dans la complexité des familles et la diversité des actifs, les uns et les autres étant désormais ancrés sur un large territoire transfrontalier. L’ensemble implique notamment de tenir compte d’éléments légaux et fiscaux, comme les droits de succession, dépendant tantôt du pays de résidence des parents, tantôt de celui des enfants. « Pour bien appréhender ces enjeux, il faut donc, le plus souvent, recourir à une boîte à

outils qui soit bien étoffée et bien maîtrisée, poursuit Pierre Etienne. Le Luxembourg, en l’occurrence, a pu développer une réelle expertise en gestion de ces enjeux crossborder, pour nous permettre de mieux accompagner les clients dans la transmission de leur patrimoine. » Quand les actifs sont essentiellement financiers, sous forme d’actions ou d’obligations, la transmission peut être relativement simple. Un des enjeux sera de limiter les droits sur la succession. Dans beaucoup de cas, cependant, il y aura une volonté exprimée par les détenteurs du patrimoine d’inscrire la succession au cœur d’une démarche familiale, de rassembler les membres et de mettre en place une action commune. Cela implique de p ­ ouvoir entreprendre, bien avant la succession, une réelle réflexion mobilisant les représentants des diverses branches de la famille et de parvenir à les réunir autour d’une charte ou d’une gouvernance commune.

APPRÉHENDER LES ACTIFS DANS LEUR COMPLEXITÉ

D’autres actifs sont autrement plus complexes à transmettre, comme une entreprise familiale toujours opérationnelle. « Pour un

REDISTRIBUTION À qui profitera le plus grand transfert de richesse de l’histoire ? Selon une étude menée par Coldwell Banker, aux millennials… Rien qu’aux États-Unis, on dénombre déjà 618.000 personnes jouissant d’un patrimoine supérieur au million de dollars. Cela signifie qu’environ 2 % des millionnaires aux États-Unis sont des personnes nées entre 1981 et 1996. Le grand transfert de richesse laisse penser que, d’ici 2030, les millennials détiendront cinq fois plus de richesses qu’aujourd’hui. Les millennials déjà millionnaires devraient voir leur patrimoine se renforcer. À côté d’eux, d’autres personnes de la génération Y devraient profiter de cette succession et rejoindre ce club de personnes fortunées qui, au final, se fait de moins en moins fermé.

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EN COUVERTURE FORTUNE entrepreneur toujours à la tête d’une activité opérationnelle, cet enjeu de transmission doit prendre en compte de nombreuses problématiques d’ordre fiscal, juridique ou encore civil, comme des situations d’indivision par exemple, commente Pierre Le Pahun, estate planner chez Degroof Petercam Luxembourg. Plus qu’un patrimoine, le patriarche sera soucieux de garantir la pérennité de l’entreprise, en cherchant par exemple à en confier les rênes à ses héritiers. » Maintenir un actif opérationnel implique de faire monter les héritiers à bord du projet de société, qu’ils aient à la fois la volonté et la capacité de prendre le relais. « À l’échelle d’une famille, cependant, certains vont souhaiter prendre une part active dans la gestion de l’entreprise familiale alors que d’autres non. En matière de succession, en vue d’éviter notamment des complications juridiques, mais aussi des dissensions, il est important de bien identifier les attentes des héritiers et de trouver des solutions, autour d’une gouvernance bien établie, pour que chacun y trouve son compte. » Quand certains désireront prendre une part active au développement de l’entreprise, d’autres se contenteront d’être des actionnaires dormants. Les uns et les autres n’auront pas les mêmes prérogatives et les mêmes attentes. Il est possible aussi que des héritiers ne souhaitent pas prendre part à un tel projet. Il convient alors d’anticiper leur retrait, ce qui peut impliquer des cessions de patrimoine

tion ou plusieurs résidences secondaires aux quatre coins de la planète, ou encore une collection d’œuvres d’art. » L’enjeu, pour beaucoup de familles, sera de veiller à conserver une unité sur ce patrimoine tout en anticipant le comportement de la génération suivante vis-à-vis de ces actifs plus ou moins liquides.

CHANGEMENT D’ÉPOQUE

Quel rapport entretient la génération des héritiers vis-à-vis de la richesse ? La manière de la gérer est-elle forcément alignée avec celle de leurs aïeuls ? En la matière, la situation peut fortement varier d’une famille à l’autre. « Nous constatons que, dans le cas d’un entrepreneur qui a créé l’entreprise et l’a fait prospérer, accumulant de la richesse, la dynamique est le plus souvent reconduite à travers la génération suivante. C’est moins souvent le cas à la troisième ou quatrième génération, avec des membres qui se contentent davantage de recueillir le fruit du patrimoine sans forcément prendre part à la démarche entrepreneuriale », explique le conseiller de la Banque Degroof Petercam. En matière d’investissements, les exigences des nouvelles générations sont sensiblement différentes. Quand ceux qui ont connu la guerre ont avant tout été animés par la volonté de protéger leur patrimoine, leurs enfants ont cherché à le faire prospérer, suivant des logiques de rentabilité et de rendement financier. Aujourd’hui, évoluant dans un monde plus incertain et étant confrontée à des enjeux sociétaux et environnementaux forts, la génération qui va profiter de ce transfert d’argent s’oriente plus volontiers vers des investissements responsables. « Les actifs classiques représentent toujours la part la plus importante du patrimoine, assure Pierre Etienne. Mais on constate un mouvement, d’une part, vers des investissements plus tangibles, comme le private equity et l’immobilier, et d’autre part vers tout ce qui est susceptible de contribuer à un monde plus durable. Il y a une véritable recherche d’une dimension éthique Alain Meunier à travers les investissements voulus par Tax partner, wealth management leader PwC Luxembourg nos clients fortunés aujourd’hui. Le mouvement, cependant, n’est pas propre à une génération, mais anime aujourd’hui toute la ou la nécessité de trouver des financements, clientèle. Notre rôle, en tant que banquiers ces actifs étant au final très peu liquides. privés, est d’être en mesure d’accompagner « Le champ des possibilités est très impor- le client dans la réalisation de ces objectifs, tant. Selon la nature des actifs, l’enjeu quels que soient les actifs dans lesquels il sera de mettre en place les bons outils et les souhaite investir. » bonnes structures permettant de respecter à la fois les volontés du patriarche et UN DÉFI AUSSI POUR LES BANQUIERS les attentes des héritiers, commente Pierre Le risque de dilution du patrimoine à travers Le Pahun. Une telle réflexion s’impose éga- cette transmission ne préoccupe pas uniquelement pour d’autres types d’actifs peu ment les familles. Les banquiers privés, qui liquides par nature, tels que l’immobilier, veillent sur tous ces actifs, y prêtent par exemple une propriété familiale d’excep- aussi attention au premier chef. Si, à

« Pour la Place, le défi sera d’éviter que les actifs sous gestion au Luxembourg soient relocalisés ailleurs. »

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l’avenir, ils veulent avoir un rôle à jouer dans la gestion de ces actifs au-delà de la transmission, un des grands défis est de parvenir à prolonger avec la génération suivante la relation de confiance qui les lie à leurs clients. « Pour les acteurs de la Place, le défi vise à éviter que les actifs sous gestion au Luxembourg soient relocalisés ailleurs, dans le pays où réside l’héritier par exemple », commente Alain Meunier. Quand vient le moment de la succession, si la transmission n’a pas été correctement anticipée, l’héritier sera forcément amené à se poser la question de la gestion du patrimoine hérité. « De manière générale, certaines études tendent à prouver que plus de 50 % des conjoints qui héritent d’un patrimoine vont changer de gestionnaire endéans quelques années après le décès du propriétaire initial des actifs financiers, explique Alain Meunier. Si l’on parle d’un transfert vers les enfants, dans plus de deux cas sur trois, le banquier risque de voir les actifs lui échapper rapidement à terme. » La banque privée luxembourgeoise pèse 400 milliards d’actifs sous gestion. On comprend rapidement l’enjeu que peut représenter ce risque de migration pour chaque acteur, mais aussi pour l’activité de gestion patrimoniale luxembourgeoise dans son ensemble.

RELOCALISATION DES ACTIFS

Sans forcément connaître l’historique de la relation qui liait ses parents à son banquier ni avoir été impliqué dans la gestion du patrimoine, quelles bonnes raisons le bénéficiaire de l’héritage aurait-il de maintenir son patrimoine au Luxembourg ? « Tout dépendra de sa situation personnelle. Le Luxembourg a une véritable expertise à faire valoir dans la gestion d’un patrimoine transfrontalier. D’ailleurs, environ 80 % de la clientèle de la banque privée luxembourgeoise est étrangère et ne nourrit pas forcément de lien naturel avec le pays, assure Alain Meunier. Si cette expertise transfrontalière est un atout pour des clients internationaux, cette situation expose aussi les acteurs de la Place à un risque accru de relocalisation des actifs à l’issue d’un héritage, surtout si la situation du bénéficiaire ne requiert pas ou plus forcément les compétences luxembourgeoises de gestion du patrimoine. » Un héritier vivant dans le sud de la France, par exemple, sans forcément posséder d’autres actifs à l’étranger, sera peut-être tenté de rapatrier son patrimoine auprès d’un acteur de proximité. « Le risque d’éparpillement existe bel et bien, même s’il est relativement maîtrisé, commente Pierre Etienne. Si nous jouons notre rôle, en parvenant à préparer l’ensemble des parties prenantes à une succession, en l’anticipant suffisamment, nous


pouvons nouer un lien avec les héritiers et prolonger la relation. En rassemblant les membres de la famille autour d’un projet commun, nous pouvons œuvrer à la préservation d’un patrimoine familial. Il n’est cependant pas impossible que des choix nouveaux s’opèrent vis-à-vis du gestionnaire. Mais, dans l’ensemble, si l’on parvient à maintenir le patrimoine dans la sphère financière, chacun pourra s’y retrouver. »

PHOTO Shutterstock

PARTAGE ET DILUTION

contexte familial de chaque client, pouvoir discuter avec son client des enjeux de préservation du patrimoine familial global dans le contexte de la succession. »

NE RIEN LAISSER À SES ENFANTS

Un autre risque réside dans la volonté de certaines personnes jouissant d’un patrimoine constitué à la sueur de leur front de ne pas transmettre leurs actifs à leurs enfants. Parce qu’ils les jugent non aptes à gérer une telle fortune, ou encore parce qu’ils souhaitent, d’une manière ou d’une autre, rendre à la société une partie de la richesse accumulée. Une grande partie de cette richesse pourrait être dépensée dans un large éventail de domaines, notamment les vacances, les loisirs, les dépenses quotidiennes, les frais médicaux et les services de santé, avant la succession. Une étude menée par gransnet.com a révélé qu’environ 19 % des baby-boomers prévoient de ne laisser aucun héritage à leurs enfants. « Des personnes fortunées pourraient, par exemple, placer une partie de leur fortune au sein d’une fondation et décider de ne transmettre directement à leurs enfants que le nécessaire pour subvenir à leurs besoins, explique Pierre Etienne. Que 20 % des personnes fortunées prévoient de mettre leur patrimoine au service de projets qui leur font envie n’est pas choquant. D’autre part, un projet de fondation peut s’avérer mobilisateur pour les membres d’une famille, dans le cadre d’une succession qui permet, au-delà des actifs, de transmettre et de prolonger certaines valeurs. »

De manière générale, les grandes familles anticipent mieux ces enjeux de transmission que les plus petits clients de la banque privée. Or, c’est le patrimoine de ces derniers qui risque le plus rapidement de sortir de la sphère de la banque privée. En raison d’un partage, il se peut aussi que le recours à des services de gestion discrétionnaire soit moins justifié. « Dans le cas d’un client qui dispose de deux à trois millions d’euros, un partage entre quatre héritiers aura pour conséquence que, après le retrait d’une partie pour dépenses personnelles et le paiement des droits de succession, le patrimoine individuel de chacun ne justifiera peut-être plus de recourir au service d’une banque privée », précise Alain Meunier. C’est un enjeu dont il faut tenir compte. « C’est crucial pour les structures gérant des clients dont la surface financière est plus restreinte, poursuit l’associé de PwC. Plus la clientèle est petite et fragmentée, plus il sera difficile de maintenir le patrimoine dans le giron de la banque privée. Plus le patrimoine est limité, moins le recours à l’expertise luxembour- DE NOUVEAUX ACTIFS À ALLER CHERCHER geoise semble justifié. » La transmission du patrimoine est un enjeu pour la banque privée luxembourgeoise, avec son lot d’opportunités et de risques. METTRE EN PLACE Cela dit, les acteurs locaux ont aussi beauDES APPROCHES SYSTÉMATIQUES Pour toutes les structures, l’enjeu est avant coup d’atouts à faire valoir et sont en mesure tout d’établir un lien avec les héritiers. de bien a­ ppréhender les risques pour De cette manière, la confiance donnée par un mieux les mitiger. Cela passe par la préclient à son gestionnaire de fortune pourrait servation du patrimoine existant, évidemêtre transmise avec le patrimoine au niveau de ment, mais aussi par l’acquisition de nouveaux la génération suivante. Or, si les acteurs de la clients, des héritiers ou encore des entreprebanque privée affirment avoir pris conscience neurs qui se retrouvent à la tête d’un patride la problématique, selon Alain Meunier, seu- moine désormais conséquent. lement 15 % des héritiers concernés ont déveÀ ce titre, il faut regarder où se trouve la loppé une relation avec le conseiller financier richesse aujourd’hui mais, au-delà, pouvoir avant la succession. « Dans le contexte de ce développer une présence là où elle se crée. transfert intergénérationnel, qui est désor- Or, si l’on regarde les endroits du monde mais à l’œuvre, il est important que chaque où l’on a généré le plus de richesse ces acteur de la gestion de fortune au Luxem- dix dernières années, on se rend compte bourg prenne les mesures qui s’imposent, que c’est davantage en Asie qu’en Europe. précise Alain Meunier. Chaque banque pri- Les États-Unis ont toujours le vent en poupe. vée devrait mettre en œuvre une approche « Au-delà de l’enjeu que représente le mainactive, systématique et sur le long terme tien du patrimoine existant dans le giron afin de construire, du temps du vivant de des services financiers que nous proposons, ses clients, une relation avec la génération un autre défi réside dans le développement future. Bien en amont de la succession, il de notre capacité à accompagner la création faut pouvoir disposer d’une visibilité sur le de richesse là où elle se fait. Souvent, d’ailleurs,

DONNER AVANT DE MOURIR Il n’est pas nécessaire d’attendre le trépas pour transmettre son patrimoine. Certains choisissent de donner une part plus ou moins importante de leur patrimoine de leur vivant. Cependant, c’est loin d’être la majorité. Le recours au don est plus courant dans les pays où les droits de succession sont importants. D’autre part, le don doit être envisagé en tenant compte des enjeux réglementaires, qui permettent de garantir un respect d’équité vis-à-vis des héritiers. Dans beaucoup de pays européens, en effet, il n’est pas possible de déshériter un enfant. Chacun des héritiers, dans un contexte de succession, pourra faire valoir des droits, même vis-à-vis d’actifs ayant étant donnés du vivant des patriarches. Le don, dans tous les cas de figure, peut cependant être envisagé comme un bon moyen de transmettre son patrimoine de son vivant.

les héritiers développent des activités dans ces zones géographiques porteuses, précise Pierre Etienne. Luxembourg reste une Place de choix pour toute famille fortunée qui cherche à mieux gérer ses risques en localisant une partie de son patrimoine en Europe. C’est une Place stable, sûre, offrant une réelle prévisibilité, avec une offre unique pour répondre aux besoins d’une clientèle internationale, notamment en matière d’expertise juridique et fiscale transfrontalière. Ces atouts, au regard de la capacité des acteurs à relever les défis qui se présentent à eux, font que je reste très optimiste pour l’avenir. » Le plus grand transfert de richesse de l’histoire va donc s’opérer en douceur. Les gagnants seront ceux qui parviendront à bien anticiper ces enjeux de succession. Les perdants seront ceux qui ne se seront pas suffisamment préparés. Mieux vaut prévenir… S. L.

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BRAND VOICE

INSURANCE

Wealth and life insurance, reaching for the cloud At nearly €200Bn, wealth insurance now makes up a substantial part of the international private wealth segment of Luxembourg. While the banking sector pronounces “Private banking needs to digitise or die”, wealth insurance faces the same dilemma... but insurers are now embracing the challenge. CONTENU SPONSORISÉ PwC

The 6 Challenges of Digitalisation for the Insurance Industry

he same two factors strongly impacting T everyone across the globe — the rise of technology and a tougher economic environ-

ment — have sped up concerns for the insurance industry. “The lifeboat for life insurance lies with precisely the same innovation and technology that is currently causing so much disruption,” says Matt Moran, Insurance Lead at PwC Luxembourg. “The financial crisis led the banking sector to invest in disrupting their own businesses, but insurance hasn’t had that heart-attack moment,” as Mr Moran puts it. Insurance performed reasonably well over the crisis, but then suffered gradually over time due to continuous low-interest rates, reducing ROI and the avalanche of regulation and it’s even more pronounced given the COVID-19. “If you asked the CEO or sales director of a wealth insurer 5 to 7 years ago about the need to digitise, the reply may have been mixed,” according to Mr Moran. “Wealth insurance was a hand crafted, often perceived as complex, solution. However, the needs of both clients and distributors, mainly private banks and IFAs, have changed dramatically. They want the personal touch but delivered around the clock in real time, where the control is in the palm of their hands. All private banking and wealth insurance segments — mass affluent, high and ultra-high net worth — are being Amazonised.”  26 —

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CROSS-BORDER TECHNOLOGIES

Similarly, most insurance platforms were not designed with the cross-border wealth sector in mind. “What has changed is the ability of new technologies to handle the complexity of cross-border wealth insurance,” says Mr Moran. Lifeware, with whom PwC Luxembourg launched a Joint Business Relationship in 2016, is the preeminent player that can capture the “handcrafted” solution aspects, provide a rich customer-experience whilst still lowering the cost to serve”.

CONVERTING INDUSTRY CULTURE

Wealth insurance was traditionally a hightouch handcrafted industry offering tailored solutions. Converting that ethos and culture into a digital business is not easy. From a “paper and quill” culture to end-to-end digitisation is a challenge.

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GETTING EVERYONE ONBOARD

Another challenge is the shift required to get businesses onboard and engaged to change their delivery and distribution models. Insurers are risk managers first and foremost. Any decision to transform must be grounded in risk mitigation. “Perhaps, some might say ironically, successful digital transformation is all about people,” insists Mr Moran. “Strong, inspiring leadership is needed to take people on that journey. Those that will win will have demonstrated the ability to get people fully onboard.”

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BRAND VOICE

OVERCOMING REGULATORY BURDEN

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Insurers have been impacted by the dramatic increase in regulatory requirements. “These came a little later than in the banking sector” explains Mr Moran. The ever-increasing burden of and reporting related to taxation, distribution, solvency, etc, drive the need to digitise. “Digitisation is the solution, not only to enhance customer experience but also to handle the changing regulatory landscape and ensure compliance. It is also the key to unlock the sector and transform from €20Bn per annum to €100Bn. Imagine that!”

STAYING IN THE GAME

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THE NATURE OF THE BUSINESS

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Many insurers used to develop technologies in-house. It was seen as an advantage, but this is no longer the case. “Unless your in-house system provides the GAFA experience to your distributors and clients, chances are such platforms are a detractor rather than an advantage” according to Mr Moran. The right solution offers a mutualisation of investment benefit but also much greater speed and agility.

Typically, wealth insurance is a high-value low-volume business. Historically, that didn’t seem to lend itself to driving efficiency from technology investment. It was too costly. The business was caught in a kind of trap; low volume, low return, low investment. Consolidation and growth achieved in recent years provides some players the scale needed to make a difference.

“The right digitisation and private cloud strategy enhances customer experience, enables new business growth while also facilitating efficiently the regulatory agenda.” Matt Moran, Insurance Lead PwC

Testimonials

Luc Rasschaert, Deputy CEO Wealins SA

Wealins, the leading wealth insurance arm of Groupe Foyer, is already adopting a different approach : “Digital solutions are a must-have for wealth insurance clients. A lot of insurance companies are however more concerned by managing a complex and outdated IT infrastructure. By taking a radical decision to go for a state of the art SaaS solution, Wealins can focus fully on tailormade solutions and excellent customer and partner services.”

Loic Le Foll, Chief Executive Officer La Mondiale Europartner

“In our field, digital is a transformative lever that changes the expectations of our customers and commits us to new standards of service and relationships. This obviously involves revisiting our internal operating methods, but it will allow us to offer new services and invent new economic models.”

ut re abo o m n Lear rance on Insu lu .pwc. www

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EN COUVERTURE TRANSMISSION

« L’écosystème luxembourgeois est bien équipé pour relever de tels défis » À la Banque de Luxembourg, la volonté est d’accompagner au mieux la transmission du patrimoine, en impliquant les héritiers dans la préparation et dans le respect des attentes de chacun.

Comment sont appréhendés les enjeux de transmission intergénérationnelle du patrimoine à la Banque de Luxembourg ?

LUC RODESCH Si l’on parle du transfert des richesses aujourd’hui détenues par les baby-boomers, que vous décrivez comme le plus important jamais connu, je pense qu’il faut apporter certaines nuances. D’abord, cette transmission sera très étalée dans le temps. Le plus âgé des baby-boomers a aujourd’hui 75 ans. Le plus jeune n’a que 55 ans. Compte tenu de l’espérance de vie actuelle, le patrimoine que ces individus ont accumulé mettra au moins 30 ans à changer de main. Sur les montants évoqués, malgré la somme régulièrement évoquée de 30.000 milliards de dollars qui devrait changer de main rien qu’au niveau du marché américain, il est difficile d’évaluer l’enjeu. La transmission va être très progressive et donc peu ressentie. CLAUDE MEDERNACH En outre, cette fortune n’ira pas directement aux jeunes générations comme on a tendance à le penser, mais d’abord au conjoint des personnes décédées, si celui-ci est

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toujours en vie, avant d’être transmis à leurs enfants. Mais là encore, ces derniers ne font pas partie de la génération Y, des millennials, mais sont les membres de la génération X. Ils sont nés entre 66 et la fin des années 70. Ils sont donc eux-mêmes quinquagénaires, ne sont plus dépendants de leurs parents, disposent déjà d’un patrimoine établi et peuvent faire valoir une culture financière avancée. S’il faut donc le relativiser, cet enjeu de transmission est cependant important et doit être bien appréhendé à l’échelle de la banque. Notre volonté, en tant que conseiller financier, est que la génération suivante reste dans le giron de la banque et que l’accompagnement que nous offrons aux familles s’inscrive dans la durée. Gérer des situations multijuridictionnelles et transgénérationnelles est au cœur de notre savoir-faire.

en effet, sera libre de disposer des actifs hérités. Beaucoup, d’ailleurs, ont souvent développé une relation bancaire ailleurs. L’enjeu, pour nous, est de pouvoir prolonger la relation de confiance qui existe entre la banque et chacun de nos clients avec les membres de la génération suivante. Une des réponses, face à cet enjeu, est d’engager la discussion avec les futurs héritiers, de pouvoir disposer d’une compréhension globale du patrimoine et de ses futurs bénéficiaires afin de pouvoir mieux en accompagner la gestion. C. M. Si l’on parle de succession, des questions de préservation globale du patrimoine se posent. S’il s’agit d’actifs financiers, le partage ou la dilution du patrimoine n’est pas un problème important en soi. La situation est beaucoup plus complexe quand d’autres actifs, non financiers, entrent en jeu, comme une entreprise familiale par exemple. Le souci Quels sont les risques et les opportunités de notre client, dans ce contexte, sera avant tout de garantir la pérennité de l’entreprise, identifiés dans le cadre de cette d’éviter par exemple une situation de vente transmission ? L. R. La dilution du patrimoine à travers de l’activité en raison d’un litige entre les hérile partage est une réalité. Chaque héritier, tiers. Ce ne sont pas des questions anodines.

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Il faut pouvoir les évoquer suffisamment tôt. des objectifs patrimoniaux du détenteur Cela peut exiger une importante préparation, de la richesse. On pourra mieux planifier impliquant les générations appelées à prendre la succession et, éventuellement, mettre en une part active dans la gestion du patrimoine œuvre un projet philanthropique. du vivant du fondateur ou de l’entrepreneur. Comment la banque privée peut-elle accompagner cette transmission ?

Comment, concrètement, cette transmission peut-elle être préparée ?

Y a-t-il des clients plus attentifs que d’autres à ces enjeux ?

C. M. De manière générale, les clients ont tendance à penser qu’ils ont encore du temps devant eux pour penser à ces questions. J’ai un client de 80 ans qui me répond encore, quand j’évoque cet enjeu, qu’il regardera à cela quand il sera vieux. On constate que les grands clients familiaux s’inscrivent plus naturellement dans une telle démarche. Ceux qui ont déjà hérité de leurs parents et qui, dans cette transmission, ont dû faire face à des tensions pensent souvent à mieux préparer leur succession. Pouvoir en parler le plus tôt possible, l’appréhender de manière factuelle, au départ des besoins et des attentes des familles, permet de sortir de l’émotionnel et de mieux préparer l’avenir. L. R. Préparer la transmission de la fortune est surtout une opportunité de construire un projet familial et de veiller à transmettre, plus que des actifs, des valeurs auxquelles on tient et qui pourront nous survivre. Rassembler autour de convictions partagées est un réel enjeu pour les banquiers privés que nous sommes. La démarche exige de notre part de pouvoir faire preuve d’une grande écoute, d’une réelle empathie, nécessaire pour aligner les attentes de chaque partie concernée par cette transmission.

C. M. D’abord en instaurant un dialogue ouvert avec le client sur ces questions. Ce n’est pas cession. Quand on parle d’héritage, comme forcément évident. La fin de vie reste un le précise l’expression « le mort saisit le vif ». sujet sensible par excellence. La plupart Au moment du décès, le patrimoine passe de nos clients attendent trop longtemps automatiquement entre les mains des héri- pour aborder le sujet. Pouvoir en parler le tiers vivants. Si cela n’a pas été préparé, cela plus tôt possible, l’appréhender de manière peut conduire à des pertes importantes ou factuelle, au départ des besoins et des à une dilution regrettable du patrimoine attentes des familles, permet de sortir de constitué au fil des années. En la matière, l’émotionnel et de mieux préparer l’avenir. pour éviter à ses héritiers de devoir compo- L. R. Nous envisageons les solutions à mettre ser avec un patrimoine dont ils ne connaissent en place, en fonction des enjeux et des pas forcément l’ensemble du périmètre et les attentes communiquées par nos clients. divers aspects, la transmission peut être orga- De nombreux outils existent pour bien prénisée de son vivant ou, tout du moins, pré- parer cette succession. Du vivant du client, parée du mieux possible. Le banquier privé, on peut rassembler les membres de la famille, qui entretient une relation de confiance avec mobiliser les parties autour d’un projet parson client, a un rôle important à jouer dans tagé, en phase avec les valeurs de notre client. ce contexte. Il est bien placé pour l’aider Une charte ou encore une gouvernance à organiser sa succession et profiter de cette familiale peut par exemple être instaurée. préparation pour nouer une relation avec Le patrimoine peut aussi être placé dans la génération suivante. une société en commandite, à laquelle sont C. M. : En s’y prenant suffisamment tôt, on associées les générations futures et qui perpeut mieux aborder toutes les questions met de gérer les diverses catégories d’actifs. essentielles et y apporter des réponses. De telles solutions permettent de s’assurer Dans un contexte de transmission, On pourra prendre le temps d’analyser la que le patrimoine familial pourra être pré- à quoi vos clients sont-ils particulièrement situation familiale, patrimoniale, fiscale servé ou mis au service d’un projet rassem- attentifs ? et juridique afin d’envisager les meilleures blant les membres de la famille et qui peut L. R. C’est avant tout la recherche de l’équité qui solutions. Celles-ci pourront tenir compte transcender les générations. préoccupe nos clients au moment de préparer la transmission. Ensuite, beaucoup veulent s’assurer que la génération suivante est suffisamment préparée pour continuer à gérer ce patrimoine. La crainte est que certains, avec de tels montants, dilapident la fortune. D’autres pourront s’interroger sur la capacité ou non d’un enfant à reprendre l’entreprise familiale, sur la manière d’organiser le partage si un enfant se retrouve à la tête du business et pas les autres. Dans certaines familles qui comptent un membre en situation de faiblesse, peut aussi s’exprimer une volonté de mettre le patrimoine à son service pour lui assurer qu’il ne manquera Luc Rodesch de rien une fois que ses parents, qui veillent Membre du comité exécutif, sur lui, auront disparu. responsable private banking C. M. Face à cette diversité d’inquiétudes de la Banque de Luxembourg légitimes, nous prenons diverses initiatives. Notre Académie d’été, par exemple, s’adresse aux filles et fils d’entrepreneurs familiaux luxembourgeois, belges et français âgés de 18 à 30 ans qui, à l’issue de leur scolarité, se posent la question de savoir s’ils souhaitent ou non rejoindre un jour l’entreprise familiale et s’interrogent sur le rôle qu’ils pourraient y avoir. L’idée est de pouvoir les aider à se projeter et d’initier une discussion L. R. Il n’est jamais trop tôt pour penser à sa suc-

PHOTO Romain Gamba (Maison Moderne)

« L’enjeu est de pouvoir prolonger la relation de confiance qui existe entre la banque et ses clients avec les membres de la génération suivante. »

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EN COUVERTURE TRANSMISSION

Claude Medernach Conseillère family office au sein de la Banque de Luxembourg

constructive autour du passage de flambeau. Des programmes d’éducation financière, avec des coaches et même des psychologues, peuvent être mis en place pour préparer la génération future. Ces démarches sont souvent rassurantes à la fois pour les parents et les enfants. D’une génération à l’autre, est-ce que l’on constate des différences dans le rapport que l’on entretient à l’argent ?

L. R. On constate une différence importante entre la génération des personnes qui ont connu la guerre et celle des baby-boomers. Les premiers avaient tendance à beaucoup plus accumuler les richesses. Leur principale préoccupation était de sécuriser le patrimoine, plus que de le faire fructifier. Leurs enfants, qui ont grandi dans un monde davantage apaisé, profitaient davantage de la vie, consommaient beaucoup plus. Une part de cette population fortunée cherche aussi à rendre une partie du patrimoine qu’ils ont accumulé à la communauté, en soutenant des causes, en mettant en place des fondations, à travers la philanthropie. Quel rapport les membres de la jeune génération entretiennent-ils avec la richesse ?

C. M. Alors qu’on aurait tendance à penser qu’une personne qui hérite a tendance à prendre des risques plus importants dans la manière de gérer ses actifs, et ce afin d’aller chercher davantage de rendement, on se rend compte que cela ne se vérifie pas toujours. Chacun, selon sa personnalité, son tempérament, va développer une

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approche singulière. Le contexte actuel est bien différent de celui qu’ont connu leurs parents. Il est beaucoup plus complexe, et les possibilités d’investir sont plus nombreuses. Le rôle de la banque privée est, encore une fois, de bien les accompagner, de les aider à faire les bons choix au regard de leurs attentes. L. R. Je constate que la génération Y, face à un monde plus incertain, se pose moins de questions sur l’avenir lointain. Elle exprime moins ce besoin de planifier et est beaucoup plus préoccupée par la nécessité d’agir maintenant. Elle ne fait pas des plans sur 30 ans et s’adapte beaucoup plus rapidement dans un monde qui évolue toujours plus vite. C’est aussi un enjeu pour nous, en tant que conseiller, de pouvoir les suivre et répondre à leurs attentes. En outre, cette génération compare plus facilement et challenge plus volontiers ses partenaires sur les services qu’ils proposent, sur les prix qu’ils pratiquent. Elle n’est pas forcément moins fidèle mais certainement plus exigeante.

Face à cet enjeu de transmission, et face au risque de dilution du patrimoine, quels atouts la banque privée luxembourgeoise peut-elle faire valoir ?

L. R. Nous avons une grande légitimité en matière de gestion patrimoniale, avec une expertise forte et de nombreux outils qui nous permettent d’accompagner les clients dans la durée. La situation des familles, qui s’établissent sur diverses juridictions, nous sert. Nous avons appris, depuis le Luxembourg, à gérer cette complexité pour mieux servir chaque client. Nous pouvons mieux gérer la fiscalité propre à chacun, les aider à mieux structurer leur patrimoine. Les structures des familles ont aussi considérablement évolué, avec des divorces, des remariages, des enfants issus d’une première union, d’autres d’une seconde, parfois d’une troisième…, chacun d’eux vivant dans des pays différents. Pouvoir accompagner la transmission dans un tel contexte s’apparente souvent à la résolution d’un Rubik’s Cube. Peut-on identifier de grandes tendances C. M. C’est cependant ce qui fait la richesse dans la manière dont évoluent les attentes de notre métier. Il y a une réelle opportunité d’accompagner ces familles, en des jeunes générations vis-à-vis de recourant à notre expertise interne leur conseiller financier ? L. R. La relation évolue. Une chose est sûre, ou en faisant appel à des ressources externes les clients ont de moins en moins envie de si cela est nécessaire. L’écosystème luxemse déplacer pour rencontrer leur banquier. bourgeois est aujourd’hui très riche, bien Ils souhaitent cependant mieux interagir équipé pour relever de tels défis. Le princiavec leur conseiller. La volonté est de placer pal enjeu est d’inviter les clients à se pencher les outils digitaux aujourd’hui disponibles très tôt sur ces problématiques de succession, au service de la relation, afin que le client afin de mieux les conseiller et de préparer puisse facilement interagir avec sa banque, la succession.  S. L.

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PHOTO Maison Moderne / Archives

« Chacun, selon sa personnalité, son tempérament, va développer une approche singulière. »

en toute sécurité, où qu’il soit, quel que soit le moment. L’utilisation des outils digitaux, si l’on considère les statistiques d’utilisation de nos solutions mobiles, n’est pas uniquement l’apanage des jeunes. Tous nos clients y ont recours. L’autre grande tendance réside dans la volonté des jeunes générations de procéder à des investissements responsables. Leur choix ne dépend plus uniquement des rendements espérés. De plus en plus, la finalité des projets dans lesquels ils investissent est considérée, avec la volonté de générer un impact positif au niveau social et environnemental. C. M. Une autre évolution, qui est un corollaire des deux premières tendances évoquées, réside dans l’exigence d’une transparence accrue vis-à-vis du conseiller financier. Si elle est imposée par le régulateur, elle répond aussi à une demande forte des clients, qui veulent plus que jamais comprendre pourquoi ils paient, souhaitent pouvoir accéder à des rapports clairs et détaillés, savoir comment sont placés les actifs, disposer d’un détail des commissions. Le banquier privé, à l’avenir, doit pouvoir rendre des comptes et faire valoir son expertise au service du client.


Publireportage

Le numérique transforme la banque privée de demain La digitalisation a également fait son entrée dans les banques privées établies de longue date. Les innovations techniques ouvrent de nouvelles possibilités et augmentent la pression en faveur du changement. La digitalisation, l’une des mégatendances du 21e siècle, est source de changements économiques et sociaux. Le rythme des changements s’accélère à une vitesse fulgurante, et les banques privées doivent elles aussi faire face à de nouveaux défis. L’avenir de la banque privée sera résolument numérique Les attentes des futurs clients de la banque privée sont élevées: adeptes des réseaux et hyperconnectés, ils souhaitent obtenir des informations, des services et des conseils en temps réel. En cette ère de transition numérique, il s’agit surtout d’accorder la priorité à l’avantage client, à l’expérience client (ou «customer journey») et à la valeur ajoutée pour le client. La satisfaction des besoins en constante évolution de la clientèle doit être au cœur de tous les efforts. Dans ce cadre, une grande importance est attribuée à une utilisation ciblée des données, dont les maîtres mots sont l’analyse de données et l’intelligence artificielle. L’acquisition anticipée d’informations précises sur les souhaits et les besoins des clients afin de leur offrir des services et des produits sur mesure ouvre de nouvelles possibilités. Grâce aux technologies innovantes, les banques privées pourront proposer des

Claus Jørgensen, CEO a.i. de VP Bank (Luxembourg) SA

La digitalisation au sein de la banque privée doit mettre le client au centre des préoccupations

services encore plus personnalisés. Ce faisant, la qualité et la valeur du conseil aux clients continueront à progresser. VP Bank saisit les opportunités liées à la transition numérique Les clients privés et intermédiaires recherchent l’intuitivité et un niveau de confort élevé lors de l’utilisation des services numériques. Nous accordons donc une attention particulière aux processus et aux systèmes les plus pertinents et présentant la plus grande valeur ajoutée pour nos clients. La stratégie de digitalisation du Groupe VP Bank se concentre sur la modernisation des canaux de communication entre les clients et les conseillers, ainsi que sur le développement des services en ligne. À cet effet, VP Bank vise un modèle de conseil hybride qui combine le conseil personnalisé éprouvé avec des technologies modernes et des services numériques, axé principalement sur des outils d’assistance pour les conseillers et les segments clients. Face à la digitalisation des processus, des données et des voies de communication, de nombreuses mesures ont été initiées et successivement mises en œuvre au cours des dernières années. Une composante

VP Bank (Luxembourg) SA · 2, rue Edward Steichen · L-2540 Luxembourg T 770-1 · F +352 VP+352 Bank404 (Luxembourg) SA481 117 · info.lu@vpbank.com · www.vpbank.com VP Bank GroupSteichen is based· in Liechtenstein and has offices in770-1 Vaduz,· info.lu@vpbank.com Zurich, 2, rue Edward L-2540 Luxembourg · T +352 404 · www.vpbank.com Luxembourg, Tortola/BVI, Singapore and Hong Kong.

essentielle de la stratégie de digitalisation est le nouveau portail client offrant un accès aisé et professionnel aux informations de la Banque et permettant d’effectuer des transactions. Cette plateforme en ligne a servi de base aux étapes ultérieures de numérisation de l’interface client. Dans le cadre du développement continu de notre stratégie de digitalisation, notre objectif est de proposer, outre les contacts personnels, un processus de conseil numérique offrant le même niveau de qualité qu’un entretien personnel, et ce, du premier contact à la conclusion du contrat. Malgré la digitalisation, l’humain reste le principal facteur de réussite Les contacts humains et les relations personnelles revêtent encore et toujours une importance cruciale. Si d’un côté, la digitalisation en évolution ultrarapide a pour avantage de faciliter le déroulement des processus, d’un autre côté, elle accroît la complexité de notre environnement. En dépit d’un recours accru aux nouvelles possibilités technologiques, le conseiller à la clientèle comme premier interlocuteur fiable et compétent reste le référent par excellence du client de la banque privée.


EN COUVERTURE GRANDES FORTUNES

la chasse aux ultra-riches

a banque privée a toujours eu pour vocaL tion, tout au long de son histoire, de servir des clients fortunés. Le développement

exponentiel, au niveau mondial, du segment des « super-fortunés » ou des « ultra-riches » a donc attiré l’attention de toutes les banques privées de la planète, qui se rémunèrent sur les produits financiers vendus, ainsi que sur les conseils donnés aux clients. Pour rejoindre le club des UHNWI (ultra high net worth individuals), il faut disposer d’actifs s’élevant au moins à 30 millions de dollars. Si cette somme peut sembler faramineuse aux yeux du grand public, elle est pourtant une réalité dans le portefeuille d’un nombre de plus en plus important de personnes fortunées. Ainsi, depuis 1995, la population mondiale d’UHNWI a triplé, rassemblant à elle seule un patrimoine de plus de 31.000 milliards de dollars !

QUELLE DENSITÉ D’UHNWI AU LUXEMBOURG ?

Si l’augmentation est notable, la répartition de cette population d’ultra-riches dans le monde est assez déséquilibrée. Selon le World Ultra 32 —

­— Private banking — Juillet / Août 2020

Wealth Report 2019 publié par Wealth-X, les États-Unis constituent toujours le premier réservoir d’UHNWI au monde. Toutefois, c’est en Chine que cette population s’est le plus développée au cours des dernières années : entre 2018 et 2023, elle devrait ainsi augmenter de 62 %, passant de 3.480.000 à 5.647.000. La densité d’UHNWI est également la plus élevée dans une ville d’Asie, à savoir Hong Kong. On y trouve 1,364 UHNWI pour un million d’adultes, un chiffre largement supérieur à celui des pays ou villes qui suivent dans le classement, à savoir la Suisse, Singapour, Monaco et… le Luxembourg. On comprend pourquoi les banques privées luxembourgeoises ont fait de cette population une des cibles privilégiées de leur activité. « Chaque année, les différentes études réalisées le montrent : les ultra-riches sont de plus en plus nombreux, ici comme dans d’autres régions du monde. La plupart des banques cherchent donc à développer leur offre pour mieux servir cette catégorie de personnes, explique Raoul Stefanetti, head of private banking de la BIL (Banque internationale

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Capter les ultra-riches est un enjeu majeur pour la banque privée. Ce segment connaît en effet une forte évolution au niveau mondial et constitue une source de revenus importante pour le secteur.


à Luxembourg). Dans notre propre clientèle, on constate que les petits comptes ont été remplacés par de plus gros portefeuilles. Au final, nous avons peut-être un peu moins de clients, mais plus d’actifs sous gestion. »

dédiée à ce public. « Il s’agit en effet d’une catégorie de clients qui est très exigeante, poursuit Christophe Deltomme. C’est très positif, car cela nous pousse à nous améliorer constamment. Les UHNWI, de la même façon que certains clients institutionnels, ont bien UN SEGMENT COMPLEXE souvent des compétences qui leur sont propres C’est peu dire que les banques se plient en pour la gestion de leur patrimoine. Quand quatre pour attirer les UHNWI. Partout ils font appel à un banquier privé, c’est bien dans le monde, les institutions financières souvent pour le mandater comme un chef reconfigurent leur organisation pour mieux d’orchestre qui gère un ensemble de problécapter leur attention, pour mieux les servir. matiques et peut apporter une réelle valeur Ainsi, le géant bancaire suisse UBS a annoncé ajoutée, au-delà de la seule gestion opérationdernièrement la séparation de certaines de nelle. » « Plus elle est riche, plus cette clienses activités en trois entités distinctes. Cette tèle présente des besoins variés, renchérit décision, qui pourrait conduire à la suppres- Raoul Stefanetti. Ces profils recherchent plus sion de 500 postes, a un objectif avoué : se qu’un gestionnaire de patrimoine : ils veulent concentrer sur la clientèle des ultra-riches, pouvoir compter sur un véritable partenaire, qui offre le plus grand potentiel de croissance capable d’avoir une vision et des compétences au cours des prochaines années. Pictet Wealth très larges. » Management, autre banque suisse installée à Luxembourg, n’en est pas arrivée à cette extré- DES COMPÉTENCES, MAIS PAS SEULEMENT mité. Il faut dire qu’elle peut déjà compter Il est donc évident que la première cartouche sur une clientèle majoritairement composée dont disposent les banques privées pour chasd’UHNWI. « En 2018, 63 % de l’ensemble des ser les ultra-riches, ce sont les compétences actifs sous gestion chez Pictet Wealth Mana- dont elles disposent en interne. « La BIL existe gement étaient amenés par des clients pesant depuis 1856 et a donc acquis une expertise plus de 100 millions de dollars et 19 % de ces importante par rapport à cette clientèle. actifs venaient d’UHNWI comptant entre 120 Nous sommes particulièrement compétents et 160 millions d’euros de patrimoine. Deux dans le domaine des deals cross-borders. Or, tiers de nos fonds sont consacrés à ce seg- la connaissance de l’environnement légal et ment, détaille Christophe Deltomme, head fiscal dans différents pays est un véritable of wealth management chez Pictet Wealth atout aux yeux des UHNWI, qui investissent Management Luxembourg. Cet important souvent de façon internationale et possèdent volume nous permet de développer une offre un patrimoine réparti sur plusieurs pays », diversifiée, spécialement destinée à la clien- indique Raoul Stefanetti. Pictet peut égatèle UHNW, notamment dans le private equity, lement faire valoir une longue expérience les hedge funds, etc. » dans le secteur. Mais l’institution pointe aussi d’autres éléments essentiels dans l’optique de se démarquer auprès de cette clientèle particulièrement exigeante. « La flexibilité, la disponibilité et le savoir-faire des équipes sont évidemment des critères fondamentaux si l’on souhaite convaincre de très grandes fortunes, admet Christophe Deltomme. Mais nous constatons aussi que nos clients UHNW sont sensibles aux valeurs d’un groupe pluriséculaire comme le nôtre, notamment à son indépendance, sa stabilité et sa solidité. C’est particulièrement le cas des jeunes entrepreneurs qui ont fait fortune, et qui sont assez nombreux à être accompagnés par notre institution. » Si les compétences sont indispensables pour répondre aux demandes variées des UHNWI, Raoul Stefanetti c’est aussi parce qu’ils sont de plus en plus Head of private banking, BIL nombreux à s’intéresser à des produits alternatifs, qui demandent des connaissances élargies. « C’est très bien de vouloir investir dans Le segment des UHNWI, s’il constitue une d’autres domaines, mais encore faut-il avoir importante source de revenus pour les banques l’expertise permettant de le faire, en tenant privées, est aussi particulièrement com- également compte de l’appétence au risque plexe. Il demande une expertise particulière, du client, complète Christophe Deltomme.

« La connaissance de l’environnement légal et fiscal dans différents pays est un véritable atout aux yeux des UHNWI. »

403 ULTRA-RICHES LUXEMBOURGEOIS Les UHNWI constituent visiblement un objet d’étude intarissable. Ainsi, une autre enquête réalisée par la société britannique Knight Frank fournit des chiffres plus précis par rapport aux ultrariches résidant au Luxembourg. Selon cette étude, un résident luxembourgeois sur 877 possède ainsi un patrimoine supérieur à 30 millions d’euros et rentre donc dans cette catégorie d’ultra high net worth individuals. Au total, 403 ultra-riches résident au Grand-Duché, pour une population totale d’un peu plus de 600.000 habitants. Ces chiffres expliquent que le Luxembourg est le pays le plus densément peuplé d’UHNWI, derrière Monaco.

Pour les UHNWI, c’est dans la mise en place de ces stratégies diversifiées que l’importance du recours à une banque privée devient plus claire. »

QUELS PRODUITS POUR LES UHNWI ?

Suivant en cela un mouvement qui s’avère global, les ultra-riches s’intéressent en effet également à de nouvelles formes de placements, notamment des investissements non cotés comme le private equity. « Les UHNWI sont certainement suffisamment bien placés pour savoir que les rendements des placements traditionnels sont moins élevés que ce qu’on a pu connaître par le passé, poursuit Christophe Deltomme. Il y a donc une évolution vers des placements plus tangibles, comme l’immobilier ou le private equity. Mais ce n’est pas la seule tendance. Les grandes fortunes d’aujourd’hui font partie d’une nouvelle génération qui, bien plus que les précédentes, se soucie beaucoup de l’avenir de la planète. La durabilité est donc un critère essentiel dans le choix de leurs différents investissements. » Même s’il est d’abord le résultat d’une réelle prise de conscience, ce souci d’investir de manière durable rejoint également un impératif de rentabilité. « Les sociétés qui

Juillet / Août 2020 — Private banking —

­ — 33


EN COUVERTURE GRANDES FORTUNES banque elle-même. L’intelligence artificielle permet, par exemple, d’optimiser la gestion des données ou la gestion des risques. » Ces outils permettront donc de rendre les stratégies d’investissement plus sûres, mais aussi de mieux connaître les clients et, donc, de pouvoir leur proposer les meilleurs services et produits en fonction de leurs habitudes. « En outre, une banque qui a pleinement embrassé la transformation digitale sera aussi toujours mieux perçue par les jeunes talents qui pourraient la rejoindre. Il s’agit donc également d’un enjeu de recrutement », ajoute Christophe Deltomme. Pour de nombreuses banques, c’est toutefois sur l’expérience client que se concentrent les efforts de digitalisation, dans le but de rendre l’institution plus attractive aux yeux de cette clientèle très recherchée. « Nous travaillons constamment à l’amélioration du parcours client, indique Raoul Stefanetti. Nous avons donc veillé, en premier lieu, à mettre au point une application qui fonctionne bien et un site offrant de nombreuses possibilités à nos clients. Depuis peu, nous cherchons aussi, entre autres choses, à digitaliser la présentation de nos différents fonds. C’est un travail qui ne s’arrête jamais. » Au-delà de son intérêt pour les clients et les banquiers eux-mêmes, le recours aux outils digitaux est également nécessaire pour se conformer à certaines réglementations comme Mifid II. « Il est clair que le régulateur s’attend aussi à ce que chaque banque propose des solutions adaptées pour répondre à ces exigences réglementaires. En matière de cybersécurité, les technologies

DIGITALISER POUR LE CLIENT… ET LA BANQUE

Portion la plus sophistiquée de la clientèle des banques privées, la catégorie des ultrariches est particulièrement exigeante. Cette exigence s’applique aux compétences des équipes auxquelles cette clientèle fait appel, aux produits qui lui sont proposés, mais aussi à l’ensemble de ses interactions avec la banque. En ce qui concerne ce dernier point, on ne peut que constater le rajeunissement de la population d’UHNWI et sa plus grande familiarité avec les outils digitaux. « La révolution digitale est là, et on ne peut pas se permettre de l’ignorer, commente Christophe Deltomme. Notre clientèle ultra high net worth s’attend elle aussi à se voir proposer des outils qui lui permettent d’interagir plus facilement avec la banque. Mais, au-delà de cet aspect, il ne faut pas perdre de vue que la transformation digitale est aussi une opportunité pour la

Le top 10 des ultra-riches dans le monde Nombre d’UHNWI (>30 millions USD) par pays (fin 2019) 250

240.575

200

150

100

61.587

50 23.078

18.776

17.013

14.367

10.701

9.325

8.924

8.395

403

34 —

­— Private banking — Juillet / Août 2020

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numériques peuvent également constituer un atout précieux pour les institutions bancaires », ajoute Christophe Deltomme.

ET L’HUMAIN, DANS TOUT ÇA ?

Le fait que la transformation digitale soit à l’œuvre au sein des banques privées, comme dans l’ensemble des secteurs d’activité, n’est pas une surprise en soi. Une étude publiée par KPMG et l’ABBL, il y a environ un an, a permis d’objectiver l’état de la digitalisation dans ce secteur très important pour l’économie luxembourgeoise (voir page 52). Si on y apprenait que près de la moitié des banques privées interrogées se sentent larguées par leur propre concurrence en ce qui concerne la digitalisation, elle permettait aussi de se rendre compte des nombreux efforts déjà réalisés par le secteur. Au sein des banques privées, il semble que les initiatives liées à la digitalisation se concentrent surtout sur l’amélioration de l’efficacité des processus internes (89 %). Cet objectif est suivi de près par l’optimisation de l’expérience client (83 %) et le fait de libérer l’emploi du temps des chargés de clientèle (28 %). Ce temps gagné doit, en toute logique, permettre aux équipes commerciales d’être plus proches des clients, de renforcer une relation dans laquelle la confiance est primordiale. Ces chiffres montrent donc que la relation humaine conserve une importance considérable au sein de la banque privée. Il ressortait d’ailleurs de cette même étude que seuls 15 % des banques privées donnent la possibilité à leurs clients de faire appel à un robo-advisor, c’est-à-dire une intelligence artificielle à même de délivrer des conseils financiers et de gérer automatiquement un portefeuille d’actifs. La majorité de ces institutions pensent en effet que les clients recherchent avant tout une relation durable avec un chargé de clientèle. Et, selon nos intervenants, ce serait aussi le cas des UHNWI. « On parlerait plutôt aujourd’hui d’augmentation du digital au niveau de l’accompagnement offert par le banquier, estime Christophe Deltomme. Le conseil d’un chargé de clientèle et la personnalisation de sa relation avec chaque client restent des éléments essentiels aux yeux des UHNWI comme des autres personnes qui font appel à une banque privée. » Raoul Stefanetti abonde dans ce sens. « Quand il s’agit d’un crédit ou d’un placement particulier, il est toujours nécessaire d’obtenir un conseil personnalisé, une explication. La machine n’est pas capable de le faire. »

OÙ SONT LES RICHES ?

Si tout est mis en place pour attirer les UHNWI au sein des banques privées luxembourgeoises, encore faut-il savoir où les trouver. Traditionnellement, les institutions grand-ducales ont

SOURCE Knight Frank

ne sont pas soucieuses des questions environnementales, notamment, ont de plus en plus de difficultés à obtenir des financements. Et ce phénomène devrait se confirmer dans les prochaines années. Il ne s’agit donc plus réellement de placements d’avenir pour les investisseurs », complète Christophe Deltomme. Raoul Stefanetti confirme cet attrait des UHNWI pour les investissements orientés ESG (environnement, social, gouvernance) et l’importance, pour une banque comme la BIL, de pouvoir proposer ce type de placements. « C’est surtout le cas pour une clientèle jeune. Et par ‘jeune’, j’entends des personnes âgées de moins de 60 ans », précise-t-il.


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EN COUVERTURE GRANDES FORTUNES of private banking de la BIL, il n’est pas forcément nécessaire d’être un acteur majeur au niveau mondial pour tirer son épingle du jeu sur ce marché au fort potentiel. « Une banque comme la BIL se positionne en Chine comme un acteur de niche, qui capitalise sur son service haut de gamme. Nous pensons que ce positionnement peut séduire dans cette région du monde. »

LE CAPITAL SÉDUCTION DU LUXEMBOURG

Si les banques privées installées au Luxembourg font des appels du pied à la clientèle chinoise, qu’est-ce qui pourrait inciter cette dernière à leur confier la gestion de son important patrimoine ? « Je pense que le Luxembourg jouit d’une bonne image en Chine, poursuit Raoul Stefanetti. Cela est dû notamment aux efforts consentis par le gouvernement grand-ducal pour y faire connaître le pays et son secteur bancaire. Luxembourg for Finance a notamment beaucoup investi en Chine. En conséquence, de nombreuses banques chinoises ont fait du Luxembourg leur hub européen. Il s’agit déjà là d’une réalisation très importante. » Il faut dire que, sur le papier, le Luxembourg ne manque pas d’atouts : localisation centrale en Europe, notation triple A, grande stabilité politique, cadre réglementaire clair et solide, organisme régulateur qui privilégie la bonne collaboration avec les institutions financières… « Le Luxembourg est également parvenu à rassembler dans un seul lieu tout un écosystème dédié aux besoins des UHNWI, complète Christophe Deltomme. Consultants, manCo, fiscalistes, spécialistes en investissement d’art… Il est rare de retrouver une telle concentration de talents en un seul lieu, ce Christophe Deltomme qui facilite les choses pour les personnes qui Head of wealth management doivent faire appel à ces différents services. Pictet Wealth Management Luxembourg Et puis, le multilinguisme est également généralisé dans le pays. Ce n’est pas le cas partout, et c’est un vrai plus pour beaucoup de clients L’Amérique du Nord est certes toujours, au UHNW. » La présence de tous ces acteurs sur niveau mondial, le territoire où l’on trouve le le territoire provoque donc un effet multipliplus d’ultra-riches, suivi par l’Europe et l’Asie. cateur, qui permet d’attirer des clients et de Mais la croissance de la clientèle chinoise n’a nouvelles structures qui leur sont consacrées. échappé à personne. « Quand on évoquait la « Dernièrement, un master en wealth manaclientèle de la banque privée en Chine par le gement a également été créé à l’Université passé, on parlait souvent de Hong Kong. Or, du Luxembourg. Cela ajoute une nouvelle ce sont aujourd’hui des villes comme Pékin et pierre à cet édifice déjà très complet. » Shanghai qui voient leur nombre d’UHNWI progresser très fortement, détaille Raoul ENCORE DES DÉFIS À RELEVER Stefanetti. Nous avons inauguré dernière- Cela signifie-t-il que la banque privée luxemment un bureau de représentation en Chine, bourgeoise et le pays dans son ensemble ont à Pékin. Notre ambition est évidemment de toutes les cartes en main pour tirer profit tirer parti de la croissance du marché chinois de la croissance mondiale de la population pour nous développer dans ce secteur géogra- d’UHNWI ? « Le Luxembourg est déjà inconphique. Au Luxembourg et en Suisse, nous tournable pour les UHNWI qui veulent avoir avons également engagé des relationship un pied en Europe. Cela dit, on peut toumanagers qui parlent chinois, afin de faciliter jours améliorer certaines choses, explique les contacts avec cette clientèle. » Pour le head Christophe Deltomme. Si je devais souligner

« Le conseil d’un chargé de clientèle et la personnalisation de sa relation avec chaque client restent des éléments essentiels aux yeux des UHNWI. »

36 —

­— Private banking — Juillet / Août 2020

UN ENJEU DE RECRUTEMENT On peut facilement se rendre compte de l’importance, pour les banques privées luxembourgeoises, de cette chasse aux UHNWI en parcourant les offres d’emploi qu’elles publient à intervalles réguliers. Aujourd’hui, les banques recherchent des talents particuliers, destinés à rejoindre des équipes estampillées « UHNWI ». Les profils recherchés doivent maîtriser la gestion de portefeuilles diversifiés, pratiquer plusieurs langues, avoir une bonne connaissance des principaux supports d’investissement, mais aussi des aptitudes relationnelles poussées. Un autre signe qui indique combien la relation humaine reste importante pour les UHNWI…

un point sur lequel on peut encore travailler, ce serait l’accès à l’immobilier. Vu les habitudes de cette clientèle, il est en effet clair que le Luxembourg souffre d’un déficit d’immobilier exclusif et d’exception. Si on veut attirer plus d’UHNWI dans le pays, il faudrait leur donner accès à une offre plus fournie en la matière. » Loué pour son cadre légal particulièrement adapté, le Grand-Duché pourrait par ailleurs se doter d’autres outils à même de rendre le pays plus attractif. Pour Raoul Stefanetti, « la fondation patrimoniale privée serait une addition précieuse à la boîte à outils déjà en place au sein des structures luxembourgeoises. Ce projet, qui a été présenté en 2013 et abandonné depuis, pourrait, selon nous, être réanimé. Il permettrait d’équiper le Luxembourg avec une entité compétitive en matière de structuration et planification patrimoniales. Cet outil pourrait notamment être une solution adaptée pour les résidents qui souhaitent administrer et transmettre un patrimoine à leurs enfants. » Une nouvelle flèche, en somme, dans le carquois du chasseur d’ultra-riches qu’est le Luxembourg.  Q. D.

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plutôt développé une clientèle européenne. Mais cela sera-t-il suffisant à l’avenir ? « Les grandes fortunes partagent souvent leur vie entre plusieurs régions du monde, entre différentes juridictions. Le Luxembourg, en plus de la clientèle européenne, attire également d’autres importantes surfaces financières, notamment en provenance d’Amérique du Sud, explique le head of wealth management de Pictet. Il est toutefois clair pour tout le monde que la plus forte croissance de cette clientèle est constatée en Asie et que des efforts doivent être déployés afin d’être présent auprès de ce nouveau public. De notre côté, nous avons sans cesse renforcé notre présence en Asie, avec des banques à Hong Kong, où nous sommes présents depuis 1986, et Singapour, où nous nous sommes installés en 1995. C’est important d’être physiquement présent sur place pour offrir un service de qualité adéquate à nos clients. »


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EN COUVERTURE NOUVELLE GÉNÉRATION

Portrait-robot de l’investisseur millennial Les millennials, nés entre le début des années 80 et l’an 2000, sont en passe de prendre le contrôle de la colossale fortune accumulée par la génération qui les précède. Pour la banque privée, il est urgent d’apprendre à mieux connaître ces nouveaux clients, dont les attentes sont très différentes de celles de leurs aînés.

ration suivante, née entre 1980 et l’an 2000. Actuellement, on estime que plus de la moitié des actifs à investir est déjà détenue par cette « nouvelle génération ». D’ici 2025, 75 % de ces actifs seront passés dans leurs mains. Pour la banque privée, il est donc primordial de parvenir à retenir les héritiers des clients actuels, mais aussi d’en attirer de nouveaux, qui auront quitté leur banque pour voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. En effet, si l’on en croit une étude menée par PwC (A revolution both quiet and loud), ces nouveaux clients de la banque privée n’hésiteront pas à se mettre en quête d’une nouvelle banque : 50 % des membres de cette nouvelle génération seraient ainsi prêts à changer de conseiller bancaire. Soucieux de leur autonomie, certains ne seraient même pas contre l’idée de se passer complètement de la banque privée pour la gestion de leurs actifs. Voilà de quoi faire réfléchir les têtes pensantes de ce secteur, au Luxembourg comme ailleurs.

SÉCURISER LES CAPITAUX DANS LE TEMPS

Si la situation peut sembler aussi préoccupante, c’est parce que, comme on peut s’en 38 —

rendre compte à la lecture de ces quelques éléments, les millennials n’ont plus les mêmes priorités, les mêmes besoins, ni les mêmes tabous que leurs aînés. Comme la plupart des industries, la banque privée doit donc rapidement se remettre en question. « Pour nous, ce transfert majeur de fortune transgénérationnel constitue un enjeu commercial fort, explique Stéphane Pardini, deputy CEO et head of private banking Europe chez la Banque Privée Edmond de Rothschild. Il s’agit en effet de sécuriser les capitaux que nous avons sous gestion, et ce de manière durable. À cet effet, nous avons mis en place toute une organisation d’accompagnement de la génération future. Il faut non seulement parvenir à améliorer l’entrée en relation, notamment à travers la mise en place d’outils digitaux, mais aussi diversifier nos offres d’investissements, renforcer le développement de nos équipes commerciales, etc. » La première caractéristique des millennials, selon le directeur général adjoint de la Banque Privée Edmond de Rothschild, serait leur meilleure connaissance du secteur de l’investissement. La disponibilité de l’information n’ayant jamais été aussi grande, ils sont en effet habitués à trouver par euxmêmes les réponses à leurs questions, avant même de s’adresser à leur banquier. « Alors

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que les baby-boomers se demandaient comment ils devaient agir pour faire fructifier leurs avoirs et nous consultaient pour obtenir un conseil à ce sujet, les millennials sont mieux informés et arrivent avec une idée assez précise de ce qu’ils souhaitent », indique ­Stéphane Pardini. Conséquence : les conseillers bancaires doivent être particulièrement bien formés pour ne pas être surclassés par le client qu’ils ont en face d’eux, et qui a déjà bien fait ses devoirs avant de consulter son banquier. « Nous avons renforcé la formation de nos équipes afin d’éviter cet écueil : le banquier privé doit être de plus en plus sophistiqué pour traiter avec cette nouvelle clientèle. »

DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX

S’ils doivent donc veiller à conserver suffisamment de crédit aux yeux de leur clientèle, les banquiers privés ont aussi parfois un rôle de pédagogues, pour expliquer à ces nouveaux clients que ce qui a pu être lu en ligne, par exemple, n’est pas parole d’évangile. « Il s’agit en effet de l’une de nos missions, confirme Serge Cammaert, directeur de Delen Private Bank Luxembourg, une banque privée belge installée depuis plus de 30 ans au Luxembourg. Selon nous, le banquier privé doit toujours conserver suffisamment de

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ans les prochaines années, une fortune D comme jamais il ne s’en était accumulé sera progressivement transmise à la géné-


recul, ne pas succomber aux modes et à tout ce qui fait le buzz, pour délivrer le bon conseil à cette clientèle jeune, et parfois impétueuse. » D’ailleurs, le directeur de Delen Private Bank pointe également les contradictions que revêt la catégorisation générationnelle, particulièrement alimentée par les médias. « Je pense que le changement de mentalité n’est pas forcément propre à cette génération des millennials, qu’il est d’ailleurs difficile de catégoriser. Personnellement, je me situe entre les millennials et les baby-boomers, et je suis adepte, depuis de nombreuses années, des nouvelles technologies pour la gestion de mes actifs. Je pense qu’il en va de même de l’intérêt pour les investissements durables, qui n’est pas proprement le fait des personnes nées entre 1980 et 2000. D’ailleurs, certaines de ces personnes y sont moins sensibles que d’autres. Si une transformation est bien à l’œuvre, il faut donc plutôt parler d’un changement sociétal profond, qui s’étale sur plusieurs décennies, plutôt que d’une transition générationnelle. » Anticipant ce changement, Delen a lancé il y a déjà quelques années une app extrêmement complète, grâce à laquelle le client peut à la fois avoir une vue sur l’entièreté de son patrimoine – immobilier, portefeuilles

niales. L’utilisation de robo-advisors pour la gestion financière, par exemple, n’est pas du tout un objectif au sein de notre institution », précise Stéphane Pardini.

DES SERVICES QUI DÉPASSENT LE FINANCIER

Il est clair qu’un public plus jeune sera sensible aux facilités qu’offrent les technologies numériques. Il semble même difficile, aujourd’hui, de se passer de ces outils qui facilitent considérablement la vie des clients. Mais ce qui semble vraiment faire la différence aux yeux des millennials, c’est le fait de se voir offrir un accompagnement qui dépasse le conseil strictement financier. « Bien entendu, le rendement reste un élément important pour les nouvelles générations, comme pour celles qui les ont précédées. Mais pas à n’importe quel prix. On constate ainsi clairement que d’autres éléments sont aujourd’hui autant pris en considération que le critère financier, estime Serge ­Cammaert. Au-delà de la nécessité de leur offrir des outils digitaux pour toute une série de services, les millennials souhaitent surtout que l’institution à laquelle ils confient leur patrimoine soit socialement responsable. En outre, et il s’agit là d’une règle qui n’est pas neuve, cette génération accorde toujours beaucoup d’importance à la relation personnelle avec le banquier. Celui-ci doit pouvoir les conseiller sur un nombre important de sujets, et pas seulement sur un investissement. » Les banquiers privés de Delen jouent par exemple un rôle actif dans la préparation de la succession, en capitalisant sur la relation de confiance instaurée depuis des générations avec certaines familles. « Il n’est pas rare qu’une famille nous demande d’organiser une réunion avec les enfants ou les ayants droit, afin de mieux planifier la succession et d’expliquer aux enfants, parStéphane Pardini fois béotiens en la matière, tout ce qu’il faut Deputy CEO et head of private banking Europe, savoir sur la gestion de patrimoine, comEdmond de Rothschild plète Serge Cammaert. L’importance de cette relation continue donc à être bien perçue par les nouvelles générations. De notre d’investissement, assurances, participations côté, nous devons impérativement veiller dans des sociétés, objets d’art, etc. –, placer à garantir une certaine forme de stabilité ses documents importants dans un coffre-fort dans nos équipes : nos clients s’attendent digital, et créer un plan patrimonial person- à traiter avec la même personne durant de nalisé, permettant notamment de planifier sa longues années. » succession de façon optimale. Chez Edmond de Rothschild aussi, on a pris conscience de ÊTRE RESPONSABLE, PLUTÔT QUE FAIRE l’importance du numérique pour la nouvelle DU RESPONSABLE génération, notamment au niveau de l’entrée Pointée du côté de Delen, l’importance de en relation, ou encore pour répondre à des proposer à la nouvelle génération des invescontraintes réglementaires. « Mais nous ne tissements durables n’est pas un mythe. croyons pas à la digitalisation à outrance, « La question était peut-être évoquée il comme elle est visée par certaines institu- y a quelques années, mais aujourd’hui, tions. La machine ne pourra pas rempla- il y a une demande quasiment systématique, cer l’Homme pour tout, notamment pour les de la part des millennials, de donner du sens questions concernant les stratégies patrimo- à leur investissement, explique Stéphane

« Les millennials souhaitent surtout que l’institution à laquelle ils confient leur patrimoine soit socialement responsable.  »

Pardini. Le respect des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance, ndlr) est donc devenu essentiel. Cela dit, il s’agit d’un élément qui est dans l’ADN d’Edmond de Rothschild depuis déjà très longtemps. L’environnement de cette classe d’actifs est beaucoup plus profond, et permet de construire des allocations d’actifs d’investissements durables permettant d’obtenir des rendements très compétitifs. » Pour répondre à cette demande devenue plus prégnante dans le chef des millennials, toutes les banques offrent donc une gamme d’investissements plus durables. Certaines souhaitent toutefois aller plus loin pour séduire cette clientèle. « Finalement, cela fait longtemps qu’on parle d’ESG, indique Serge Cammaert. Mais les nouvelles générations posent peut-être des conditions plus précises à leurs investissements, elles veillent à ne pas financer la fabrication d’armes, par exemple,

UNE BANQUE PRIVÉE 100 % EN LIGNE ? La génération des millennials est-elle prête à gérer entièrement son patrimoine en ligne ? Si aucune offre de ce type n’est disponible au Luxembourg, il en existe par contre en France. Yomoni permet par exemple d’ouvrir un compte en ligne et de gérer ses placements grâce à des robo-advisors. Son fondateur, Sébastien d’Ornano, expliquait en 2018, dans le journal Le Monde, que les millennials « appliquent à l’épargne les codes de la consommation (…) Ils sont prêts à déléguer, à condition d’avoir la possibilité de suivre en temps réel l’évolution de leurs placements et de pouvoir moduler instantanément leur niveau de risque. » De quoi donner des idées aux banques luxembourgeoises ?

Juillet / Août 2020 — Private banking —

­ — 39


EN COUVERTURE NOUVELLE GÉNÉRATION à ne pas bafouer les droits de l’Homme ou à ne pas nuire à l’environnement. Cela dit, chez Delen, nous souhaitons offrir les mêmes garanties de durabilité à tous nos clients, pas seulement à ceux qui l’exigent. Il nous semble en effet plus intéressant d’être globalement durable, en tant qu’institution, plutôt que de se contenter de proposer des investissements durables. » En agissant de la sorte, Delen compte attirer un nouveau public, pour qui l’éthique est un critère fondamental.

Les priorités et aspirations des millennials et de la génération Z ont évolué Pourcentage en fonction des ambitions : % pour les millennials (nés entre 1983 et 1997) % pour la génération Z (nés entre 1995 et 2002) 80

60

57 %

57 %

UN ATTRAIT MARQUÉ POUR LE NON-COTÉ

52 % 49 % 46 %

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47 %

45 % 39 %

20

0 s an r d nde e o g ya m Vo le

re lai e sa ich un e r er tr gn nt / ê a G rta po m i

if s / sa sit s nt lle o er on a t é p t i f he ais ct au té en am Ac e m pa un cié es ne f d m o r m i r ru m as n op oi r u co ou l pr Av nde oi les o v f A ur s

gestion patrimoniale, est un autre élément qui les caractérise. Autrement dit, si l’offre ne répond pas à leurs desiderata, pourquoi ne géreraient-ils par leurs différents placements eux-mêmes, avec les nombreux outils aujourd’hui à leur disposition ? « Je ne pense pas que ce besoin d’autonomie soit généralisé, répond Serge Cammaert. Si de jeunes clients passionnés par les marchés semblent intéressés par une reprise en main de la gestion de leur patrimoine, nous n’avons aucune difficulté à leur dire de le faire, ou de confier leur patrimoine à d’autres institutions. Nous avons d’ailleurs toujours opéré de la sorte. Je trouve toutefois que l’autonomie est déjà bien plus importante aujourd’hui que par le passé. Grâce aux outils digitaux que nous mettons à disMENACE OU OPPORTUNITÉ POUR position, chaque client peut avoir une vue LA BANQUE PRIVÉE ? instantanée de ses différents actifs et inteDES BANQUIERS MOINS GÉNÉRALISTES Grâce à ces nouveaux profils, la banque ragir facilement avec la banque. » Stéphane Si certains phénomènes semblent passagers, privée peut aujourd’hui offrir des services Pardini, lui aussi, préfère voir le verre à moitié il est incontestable que la prise en main de la complémentaires à ceux qui relèvent stric- plein en soulignant les opportunités qu’offre fortune des baby-boomers par les millennials tement du champ financier. Mais finalement, la transformation digitale. « Grâce aux outils introduit un profond changement dans le sec- le développement de cette offre diversifiée digitaux et à l’évolution de la réglementateur de la banque privée. Celui-ci se traduit n’était-il pas une condition de la survie même tion, nous avons aujourd’hui une manne notamment par une transformation du métier des banques privées ? En effet, face à une de données très qualitatives sur nos clients, de banquier privé, amené à perfectionner ses clientèle mieux informée, plus exigeante sur explique-t-il. Grâce à ces données, nous avons connaissances et à porter plusieurs casquettes. la durabilité et demandant des placements l’opportunité de bien mieux connaître nos « Nous souhaitons que nos banquiers agissent plus diversifiés, la banque privée avait-elle clients et d’être chirurgicaux dans notre comme des ‘family businesses’ en prenant en un autre choix ? On peut raisonnablement approche commerciale en poussant la bonne compte l’ensemble des classes d’actifs, ainsi penser que non, d’autant que le besoin d’au- offre au bon moment. Au final, le service au que le passif, illustre Stéphane Pardini. Pour tonomie des millennials, jusque dans leur client ne peut qu’en être amélioré. »  Q. D. 40 —

y parvenir, nous les formons à plusieurs métiers connexes : celui du crédit, de l’immobilier, du private equity, etc. Au-delà de la formation que nous assurons en interne, nous cherchons à renforcer régulièrement nos équipes existantes par de nouveaux profils complémentaires. » Cette diversification des métiers est aussi marquée par la transformation digitale. « Chez Delen Belux, nous avons une petite centaine d’informaticiens sur un total de 350 collaborateurs, indique Serge Cammaert. Cela montre bien l’importance que nous accordons au sujet. » Et cela constitue un défi de plus pour la banque privée, amenée à chasser sur un territoire où les profils IT se font de plus en plus rares…

­— Private banking — Juillet / Août 2020

SOURCE The Deloitte Global Millennial Survey 2019

Au-delà de la durabilité, il faut également souligner l’intérêt des nouvelles générations pour d’autres formes d’investissement, non cotées, ou marquées par une plus grande illiquidité. C’est le cas notamment de l’immobilier, ou du private equity. « L’attrait marqué des millennials pour ce type d’investissement est l’une des conséquences des crises de 2008 et 2011, analyse Stéphane Pardini. Il y a en effet eu une certaine forme de déception de la part des investisseurs. Certains estiment aujourd’hui que les marchés financiers sont trop volatils et souhaitent donc intégrer des actifs tangibles dans leur allocation globale d’actifs. Nous répondons bien entendu à cette nouvelle tendance en consacrant une partie de notre offre à des investissements illiquides. Cela dit, notre rôle est également de remettre l’église au milieu du village en expliquant précisément les contraintes de cette classe d’actifs, comme par exemple la durée de blocage des fonds. C’est la raison pour laquelle il convient d’associer systématiquement cette classe d’actifs illiquides à des investissements financiers liquides. » Serge Cammaert qualifie quant à lui cette tendance de « mode ». « Certes, le private equity gagne aujourd’hui du terrain, mais il y a toujours eu ce genre de phénomènes ponctuels, explique-t-il. Selon moi, les fondamentaux restent les mêmes : notre rôle est toujours d’offrir une assurance par rapport au patrimoine qui nous est confié, quelles que soient les formes d’investissement à la mode. »

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EN COUVERTURE SUCCESSION

« Aux côtés du client à chaque étape de sa vie » Me Cosita Delvaux, secrétaire de la Chambre des notaires du Grand-Duché de Luxembourg, évoque l’évolution de son métier, appelé à se digitaliser et à répondre aux attentes d’une clientèle aux ramifications de plus en plus internationales. Avec la volonté de jouer un véritable rôle de conseil dans toutes les grandes décisions à prendre au cours d’une vie.

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­— Private banking — Juillet / Août 2020

Comment évolue le métier de notaire aujourd’hui au Luxembourg ?

COSITA DELVAUX Notre mission de base est d’apporter une sécurité juridique à nos clients. Nos actes authentiques ont une valeur probante, qui s’accompagne souvent d’une force exécutoire, ce qui veut dire qu’un jugement n’est pas nécessaire pour poursuivre les obligations qui découlent d’un acte authentique. Sur ces aspects, le métier ne change pas. Nous voulons continuer d’être ce point d’ancrage, cette personne de confiance qui est là pour donner un conseil sincère, de façon désintéressée et impartiale. La grande évolution du métier se traduit par une nécessité d’être davantage présent aux différentes étapes de la vie d’une personne. Répondre à une demande par rapport à l’achat d’un bien ou à un petit souci de parcours n’est plus suffisant pour offrir une sécurité dans le temps à nos clients. Tout comme la banque privée vous dira qu’être consultée pour une simple ouverture d’un compte n’est pas forcément le plus judicieux dans une perspective de planification patrimoniale, le notaire doit, lui aussi, disposer d’une vue globale du patrimoine de son client pour le conseiller au mieux et le protéger.

PHOTO Romain Gamba (Maison Moderne)

Cosita Delvaux Secrétaire de la Chambre des notaires du Grand-Duché de Luxembourg.


Quelle est la situation conjugale ? Quels sont les biens dont on dispose ? Dans quels pays ? Quel avenir envisage-t-on ? Veut-on se lancer dans l’entrepreneuriat et y impliquer la famille, ou pas ? Voici quelques discussions d’ordre privé que l’on peut mener avec son notaire. Le public est-il suffisamment conscient de ce rôle de conseil qui est le vôtre ?

La situation évolue. Les familles s’internationalisent, et notre rôle est de plus en plus orienté sur l’analyse des effets que peut produire un acte au Luxembourg, mais aussi à l’extérieur du pays. Les règlements des successions internationales, de plus en plus nombreux, nous ont rapprochés de nos collègues européens. Aujourd’hui, la règle veut que, en Europe, on applique un seul droit national au règlement d’une succession. C’est au notaire, lorsque le cas qui l’occupe contient un élément d’extranéité, de déterminer la loi applicable. En principe, c’est celle de l’État de la résidence habituelle du défunt, à moins que celui-ci n’ait

« Dans certains dossiers, on nous consulte parfois trop tard. » opté pour la loi de l’État de sa nationalité. À l’image du banquier privé, nous pouvons discuter et conseiller nos clients dans ce choix préalable, qui aura un impact dans le futur. Cela veut dire que nous avons la nécessité de nous ouvrir vers l’extérieur et de ne plus réfléchir uniquement en droit luxembourgeois. Pour donner un exemple, lorsque l’on s’apprête à rédiger un contrat de mariage, il peut être utile pour un Belge résidant au Luxembourg d’opter pour un contrat établi selon le droit belge, pays où le droit successoral a fortement évolué récemment. Chaque cas est particulier et demande une analyse poussée. Autre point important, les étrangers n’hésitent plus à venir consulter un notaire local, là où auparavant ils retournaient dans leur pays d’origine. Pour accompagner toutes ces évolutions, il faut pouvoir compter sur un tiers de confiance, indépendant et impartial, capable de renseigner sans être intéressé. Quelles sont les bonnes questions à se poser ?

Quand on pense planification successorale ou transmission d’entreprise, il est important de définir clairement ses volontés, de voir ce que l’on veut transmettre, à qui, et quelles sont

les valeurs que l’on y attache. Nous sommes à l’écoute des attentes de nos clients. Nous sommes là pour aider à dresser un état des lieux avant d’envisager des pistes d’amélioration. Si mon fils habite à Londres, comment faut-il s’organiser pour éviter les mauvaises surprises ? Si je dispose d’une résidence à Knokke, cela aurat-il un impact sur ma succession ? Aujourd’hui, les dossiers aux ramifications internationales sont de plus en plus nombreux. Nos clients ont des nationalités différentes, ils ont un ou plusieurs biens immobiliers à l’étranger, ils ont peutêtre la volonté de s’installer à l’étranger dans le futur. Si nous réglons quelque chose ici au Luxembourg, nous devons disposer de toutes les informations nécessaires quant aux implications possibles dans l’autre pays, que ce soit en termes de formalités supplémentaires ou de coûts. Nous ne sommes pas des fiscalistes, mais il est important de s’intéresser aux avantages et aux inconvénients en fonction de la transaction envisagée. De la même manière, nous assistons à des changements de valeur importants dans la société. Beaucoup de familles recomposées veulent traiter chaque enfant de manière égalitaire. Or, cela n’est pas possible dans l’état du droit actuel. Il n’y a donc pas de réponse toute faite, même si on arrive à trouver des solutions avec beaucoup d’efforts.

d’allers-retours avec les administrations. Le défi est d’optimiser ces échanges. Si l’objectif est bon, la manière est encore à peaufiner. Les communes ont, par exemple, deux mois pour exercer leur droit de préemption, et tout cela vient empiéter sur la réalisation future d’une transaction. À nous de voir, en bonne entente avec les communes, comment on veut appréhender ces évolutions, de manière efficiente et transparente. Avec l’apparition de constructions en hauteur, avec des éléments de propriété qui se chevauchent et s’imbriquent les uns dans les autres, nous sommes confrontés à d’autres défis d’ordre cadastral. Imaginez une construction Lego où chaque brique de couleur appartient à un propriétaire différent. Cela dit, le notaire a toujours réussi à s’adapter aux besoins de son temps et à trouver des solutions juridiques adaptées. Pour répondre à tous ces enjeux, n’est-il pas nécessaire de spécialiser le métier ?

Nous nous considérons toujours comme des généralistes, présents à toutes les étapes importantes de la vie. Cela n’empêche pas chaque notaire, au sein de son étude, de s’appuyer sur des collaborateurs qui disposent d’une expertise plus précise dans certains domaines, comme le droit de la famille au niveau international. La possible arrivée Quels sont les grands défis à relever d’un notaire associé dans nos études pourrait, pour la profession ? elle aussi, nous donner plus de moyens pour La digitalisation en est un. Le projet de digitali- servir au mieux la population.  M.P. sation du notariat se trouve dans l’accord de coalition. Nous avons déjà bien avancé sur ce point. Nous vivons dans un monde connecté, et il est nécessaire d’optimiser les flux, la préparation et les échanges de documents. Ce projet concerne de nombreux intervenants, et notamment des administrations. On ne se rend pas toujours compte des formalités qu’un notaire assure pour qu’un acte ait toute la force probante et que la sécurité juridique soit garantie. Le digital procure de nombreux avantages. Il a aussi un Déposé le 28 mai 2018, le projet grand désavantage, qui, dans certains cas, vient de loi portant réforme du notade sa rapidité. Aujourd’hui, tout le monde fait riat prévoit la possibilité pour les notaires de s’associer ou de des achats en ligne en quelques clics, en acceptant les conditions générales sans réfléchir. Les collaborer avec un autre notaire. décisions se prennent très rapidement, elles Autre nouveauté, comme pour aussi, sans toujours tenir compte de leur impact les fonctionnaires, les notaires réel. Dans certains cas, il est bon d’être éclairé, ne devront plus être obligatoiet cela doit rester le rôle du notaire. Un peu de rement Luxembourgeois. Des compétences linguistiques recul et de bon sens sont parfois nécessaires. Dans certains dossiers, on nous consulte pardans les trois langues du pays fois trop tard. sont néanmoins requises.

DE 36 À 72

NOTAIRES

Avez-vous d’autres grands dossiers sur la table ?

Un deuxième défi est d’ordre plus technique. En immobilier, la loi Pacte logement a introduit le droit de préemption, instrument moins intrusif que l’expropriation, au profit des pouvoirs publics. Cela entraîne énormément

Concrètement, les 36 études actuellement en place ne vont pas bouger, mais chacune pourra se doter d’un deuxième notaire, cela permettant à ces dernières de proposer un éventail plus large de spécialités.

Juillet / Août 2020 — Private banking —

­ — 43


EN COUVERTURE HÉRITAGE

bien préparer sa succession  Préparer sa succession, c’est d’abord analyser la situation familiale et patrimoniale pour mettre en place les bonnes mesures et faire respecter au mieux sa volonté.

a situation familiale a un grand impact Lcouple en matière successorale. Que l’on vive en ou non, que l’on soit marié, pacsé ou

civil prévoit beaucoup de choses et permet de régler la plupart des situations rencontrées, mais il ne répond plus aux besoins des simplement en concubinage, le moment est familles recomposées qui souhaitent une venu de se poser quelques instants. Y a-t-il répartition égalitaire entre tous les enfants, un contrat de mariage ? S’agit-il d’une famille poursuit le notaire. La société évolue plus vite recomposée ? En fonction des réponses que que la loi. Heureusement, nous trouvons des vous donnerez à ces questions, votre notaire solutions afin d’offrir, d’atteindre au plus pourra vous conseiller quant aux bonnes déci- près cet équilibre tout en garantissant cette sions à prendre. « La première étape est sans sécurité juridique recherchée. » Le lieu de résidoute de régler les droits de l’autre conjoint dence des héritiers pourra, quant à lui, avoir en cas d’éventuel décès. Grâce à un contrat une influence sur l’organisation de la sucde mariage, on peut notamment définir ce cession. Par exemple, si un héritier réside en qui revient à chaque membre du couple et ce France, il sera imposé, sous certaines condiqui va être laissé dans la masse successorale, tions, sur tout ce qu’il reçoit. explique Me Cosita Delvaux, notaire et secrétaire de la Chambre des notaires du Grand- LE CONJOINT SURVIVANT Duché de Luxembourg. Le grand principe est de En droit français, le conjoint a le droit de resprotéger les personnes que l’on veut protéger. » ter gratuitement dans le logement qui constitue la résidence principale pendant une année IDENTIFICATION DES HÉRITIERS après le décès et ne peut pas être privé de ET DES ATTENTES ce droit, même par testament. Tel n’est pas le Qui sont les héritiers légaux et quels sont leurs cas au Luxembourg, où le conjoint peut, le cas droits ? Est-ce que la répartition telle qu’elle échéant, être privé de ses droits par testament. est prévue convient aux attentes ? « Le Code Dans certains cas, il peut être intéressant de choisir comme loi applicable sa loi nationale. La réserve d’usufruit est plus importante en Belgique qu’au Luxembourg. CAS PRATIQUE Mais attention, il est important de ne pas Pierre et Catherine sont mariés confondre le règlement de la succession au plan fiscal et civil. La loi fiscale ne peut en communauté légale et ont pas être choisie. Elle s’applique en fonction 4 enfants. Pierre a fait un testament stipulant que son fils du lieu d’ouverture de la succession, à savoir la résidence habituelle et le lieu de situation Paul a droit à 100.000 € en plus que ses frères et sœurs. La part des biens immobiliers ainsi que, le cas échéant, la résidence de ceux qui recueillent des biens que Paul reçoit en plus de ses dans le cadre d’une succession. frères et sœurs sera soumise aux droits de succession, soit 100.000 € × (2,5 %+(2,5 % × 7/10) = 4.250 € .

44 —

QUEL EST LE PATRIMOINE À TRANSMETTRE ?

Pour travailler au mieux, le notaire doit disposer d’une vue la plus large possible du

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patrimoine existant. Il est donc important de réaliser un inventaire de ce patrimoine, dans les grandes lignes du moins. Il s’agit des biens immobiliers, ici et à l’étranger, des comptes bancaires, du mobilier, d’éventuelles parts de société, etc. « Lorsque ce patrimoine atteint une certaine taille, la volonté peut être d’en conserver une partie en tant que patrimoine familial que l’on ne souhaite pas voir s’éparpiller. Dans ce cas, il faudra plutôt, le cas échéant, le mettre dans une société civile », conseille Me Cosita Delvaux. Dans le cas d’une entreprise familiale, toute une série de questions est également à aborder avec le notaire, mais aussi avec d’autres intervenants, comme le banquier privé, les avocats et autres personnes concernées, souvent très présentes dans les étapes de transmission d’entreprise.

FAUT-IL RÉDIGER UN TESTAMENT ?

Si vous pensez rédiger un testament, le mieux est encore une fois d’en discuter au préalable avec votre notaire. « Au Luxembourg, la règle générale veut qu’il n’y ait pas de droits de succession en ligne directe. Mais si un testament vient modifier les droits des héritiers et crée un déséquilibre entre eux, alors une fiscalité va s’appliquer, et nous devrons établir un inventaire complet et fastidieux du patrimoine pour régler la succession, explique Me Delvaux. Notre but est d’éviter au maximum les traitements inégalitaires qui pourraient de surcroît entraîner une fiscalité désavantageuse. » Dès lors, dans de nombreux cas, les dispositions du Code civil offrent la meilleure solution. Les enfants partagent les biens existants entre eux. La succession est dite simplifiée et évite bien des soucis entre les héritiers tant du point de vue familial qu’administratif.  M. P.


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À LA UNE

étude

Le Luxembourg, 2e économie la plus productive

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Le Luxembourg fait partie des pays les plus productifs parmi les économies matures, selon une étude publiée le 15 avril par The Conference Board. La tendance globale est cependant à la baisse.

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Laura Fort • 06:37

banques

Degroof Petercam suscite des convoitises Fanny Jacques • 12:56

Immobilier

Immobel double son chiffre d’affaires en 2018 Céline Coubray • 11:47

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COMPLIANCE

Cette réglementation qui pèse sur les marges De plus en plus affectées par le poids des réglementations et de la mise en conformité, les banques privées voient leurs marges se réduire. Pour y faire face, elles n’ont pas d’autre choix que de se réinventer.

epuis une dizaine d’années, les régleD mentations qui touchent le secteur des banques privées sont de plus en plus nom-

breuses et strictes. Trouvant son origine dans les attentats du 11 septembre 2001, la réglementation visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terro­risme constitue certainement l’une des plus importantes d’entre elles en termes d’impact sur les banques privées. « Cette réglementation les oblige à connaître leurs clients, mais également à intégrer les sujets liés à la compliance tax. Aujourd’hui, il ne s’agit donc plus seulement de vérifier que les clients ne font pas de blanchiment d’argent et ne financent pas le terrorisme, mais aussi de s’assurer de leur conformité avec les bonnes pratiques fiscales. Une démarche qui a un impact sur le risque pour les banques privées et leurs processus », souligne Olivier Maréchal, partner, financial services advisory leader au sein d’EY Luxembourg. Avec la réglementation DAC 6 / MDR, les banques privées sont désormais aussi dans l’obligation de documenter les pratiques fiscales qui pourraient potentiellement être agressives. « Après la lutte anti-blanchiment et la transparence fiscale, le réglementateur va maintenant un cran plus loin puisqu’il exige de réaliser un reporting spécifique sur ces sujets », précise Olivier Maréchal.

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­— Private banking — Juillet /Août 2020


ouvrir un compte, une partie importante du ­rendez-vous est consacrée à la documentation, à la lecture de plusieurs articles et à l’apposition d’un grand nombre de signatures. » Ces différentes évolutions doivent être expliquées aux prospects et aux clients, ce qui n’est pas toujours évident. « Cela exige un certain flair commercial et un accompagnement rigoureux de la part des banquiers privés chargés de relation », poursuit-il. Parallè­ lement, la banque privée doit, elle aussi, modifier ses procédures et adapter son système informatique pour le faire concorder avec Patrick Wagenaar Ex-head of private banking les réglementations, ce qui représente une Degroof Petercam Luxembourg charge administrative conséquente. « Nous restons une banque de petite / moyenne taille, avec des lignes de décision assez courtes, et c’est une grande chance pour notre maison, concède Patrick Wagenaar. Nous pouvons Outre la connaissance de son client, la banque mais où la banque est en conformité avec ainsi évoluer de manière plus flexible dans privée doit aujourd’hui connaître ses transac- un ensemble de règles qui ont été écrites de cet environnement changeant. Néanmoins, tions. « Chaque fois qu’un client réalise une façon centrale par l’Union européenne, dans la mise en place de toutes ces réglementatransaction, c’est-à-dire une entrée ou une un souci tout à fait légitime de protection tions et des contrôles à opérer afin de vérifier sortie d’argent, le banquier doit être capable de l’investisseur ». que nous les respectons bien demande donc de la comprendre, de l’expliquer, de l’analydes investissements importants de la part ser et de conclure que celle-ci fait sens, pour- CHANGER SA FAÇON DE TRAVAILLER de la banque privée, tant en matière de ressuit Bernard Lhoest, partner, FSO assurance Car ces grandes réglementations poursuivent sources humaines que financières. Or, seule leader, banking and capital markets leader deux objectifs majeurs : protéger le consom- une partie de ces coûts peut être répercutée d’EY Luxembourg. Or, quand on sait qu’une mateur – à savoir l’investisseur – et offrir une sur le client. » banque privée peut compter des milliers de plus grande transparence vis-à-vis des autoriclients, qui peuvent potentiellement exécuter tés financières des différents pays. « Ces nou- SE RECENTRER OU OUTSOURCER ? des milliers de transactions, ces démarches velles lois présentent l’avantage de permettre Face aux réglementations de plus en plus peuvent rapidement devenir très lourdes. » désormais à chaque acteur de travailler dans nombreuses et complexes, et aux coûts Autre réglementation qui affecte la le même cadre, souligne Patrick Wagenaar, importants qu’elles engendrent, la banque banque privée de façon significative : Mifid, ex-head of private banking au sein de Degroof privée ne peut plus prendre en charge l’endans ses versions I puis II. Celle-ci impose Petercam Luxembourg. Mais ce qui est per- semble des tâches que ces réglementations à la banque privée de classifier le client, turbant et difficile, aussi bien pour les colla- impliquent. Pour réduire les frais et assurer sa pour s’assurer qu’elle ne lui vend pas des borateurs de la banque que pour les clients, rentabilité, elle doit faire évoluer son modèle. ­produits ­inadaptés. Cette situation n’est c’est le rythme soutenu avec lequel sont arri- Les banques privées sont de plus en plus nomtoutefois pas sans répercussion sur les pro- vées ces réglementations au cours des 15 der- breuses à se recentrer sur leur cœur de métier, cessus de la banque. « Elle doit en effet être nières années, et continuent d’ailleurs encore à savoir le conseil et l’accompagnement capable d’évaluer le risque opérationnel d’arriver – DAC 6 et Beps frappent à notre du client ainsi que la sélection de produits. lié à ce profiling du client, une démarche porte, tout cela à la veille de la visite du Gafi à C’est ce que Degroof Petercam a choisi de sur laquelle les banques privées ne sont pas Luxembourg. Les autorités du pays regardent faire. « Nous avons décidé de nous concentrer encore tout à fait au point aujourd’hui », d’ailleurs avec beaucoup d’attention la mise sur la valeur ajoutée que nous pouvons offrir souligne Olivier Maréchal. « Dans un souci en place et le respect de ces réglementations, à notre clientèle, explique Patrick Wagenaar. de transparence, avant toute transac- car les enjeux pour la réputation du Luxem- Nos gestionnaires de portefeuille historiques tion, le banquier privé doit communi- bourg sont très importants. Le Grand-Duché évoluent vers des fonctions de wealth manaquer avec son client pour lui expliquer le souhaite en effet maintenir son label de qua- gers, agissent en chefs d’orchestre entre les produit qu’il lui recommande, pourquoi, lité et préserver son leadership, au niveau asset managers et les real estate planners. » comment et à quel prix. Il doit ensuite européen, en matière de private banking sur D’autres banques font le choix de diminuer justifier, via un reporting annuel, tout ce le marché transfrontalier. » leurs coûts en recourant à l’outsourcing. L’acqu’il a fait pour ce client et tous les risques Chaque nouvelle réglementation implique ceptation et le reporting des clients ainsi que qu’il a pris », ajoute Bernard Lhoest. Toutes en effet des évolutions importantes en matière le back-office des opérations, par exemple, ces règles obligent le banquier privé à suivre de processus, de tarification, de contact peuvent alors être confiés à des partenaires, un cahier des charges précis et standardisé, avec la clientèle. « Chaque rapport de ges- qui traitent un plus grand volume et sont qui n’apporte pas toujours la valeur que le tion que l’on doit fournir au client, dans une mieux équipés en la matière. « Si l’on exterclient recherche, à savoir du rendement et un optique de transparence, exige par exemple nalise, cela ne veut pas pour autant dire que service. Comme le souligne Bernard Lhoest, un niveau de détails beaucoup plus élevé l’on n’est pas responsable. La banque privée « on pourrait donc se retrouver dans des qu’auparavant, ce qui demande énormé- doit donc mettre en place les indicateurs de situations où le client n’a ni performance ment de travail et d’investissement de la pilotage de l’outsourcing et les processus de ni bon service, où il n’obtient pas une meil- part de nos équipes, commente Patrick Wage- contrôle nécessaires pour s’assurer que le leure compréhension de ce qu’on lui propose, naar. De la même manière, si un client veut cahier des charges est respecté, que les opé-

ILLUSTRATION Ellen Withersova

« Ces nouvelles lois présentent l’avantage de permettre désormais à chaque acteur de travailler dans le même cadre. »

Avril 2020 — Private banking —

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COMPLIANCE rations ont été réalisées comme si la banque privée les avait réalisées elle-même », met en garde Bernard Lhoest. « L’outsourcing apparaît donc comme l’une des réponses possibles à la complexité réglementaire, mais il est lui-même porteur d’une complexité réglementaire supplémentaire », ajoute Olivier Maréchal. De plus, dans une architecture de plus en plus ouverte, l’outsourcing implique pour la banque privée de parvenir à gérer cet écosystème de partenaires avec lequel elle travaille et qui lui permet de disposer d’un modèle opérationnel un peu plus léger. « Cette gestion de l’écosystème, c’est une vraie compétence que les banques doivent développer et qu’elles ne connaissent pas encore. Pendant des décennies, elles ont en effet fonctionné avec un mode d’intégration vertical, dans

« Deux tiers de l’augmentation des effectifs de la banque privée au Luxembourg sont liés à la mise en conformité.» Olivier Maréchal Partner, financial services advisory leader EY Luxembourg

lequel elles prenaient tout en charge. Petit à petit, à la manière du secteur industriel, le monde des services devient un secteur ‘ d’assemblage ’, au sein duquel il faut être capable de contrôler la chaîne logistique, avec les risques supplémentaires que cela comprend », analyse le financial services advisory leader d’EY Luxembourg.

DIGITALISER POUR ÉCONOMISER

Pour répondre à cette vague réglementaire et tenter de minimiser les frais qu’elle implique, la banque privée, à côté de l’out48 —

sourcing, fait également appel aux solutions digitales. « Dans un contexte où les marges se réduisent, où les taux d’intérêt sont négatifs, les banques privées doivent être capables d’opérer avec une structure de coûts inférieure à celle qui était en place auparavant, commente Olivier Maréchal. Cette démarche ne peut pas se faire en s’appuyant uniquement sur l’humain. Elle passe nécessairement par la mise en œuvre de nouvelles technologies et d’outils innovants. » « Les réglementations sont là. Les banques privées ne peuvent les remettre en cause, elles doivent vivre avec. Par contre, c’est à elles de rendre leur impact sur la clientèle le moins désagréable possible, notamment à travers des éléments de digitalisation qui permettent de répondre à ces exigences réglementaires et d’éviter un alourdissement bureaucratique conséquent », affirme Bernard Lhoest. Pour définir le profil de risque d’un client, par exemple, certaines banques lui soumettent un questionnaire de plusieurs pages, tandis que d’autres déploient des outils beaucoup plus interactifs basés sur la gamification, qui mettent le client face à différents scénarios possibles, de manière intuitive. « Nous avons initié de grands projets de digitalisation de l’information vers nos clients, assure ainsi le ex-head of private banking de Degroof Petercam Luxembourg. Ces derniers peuvent consulter leurs comptes et les rapports que nous leur envoyons à distance, depuis notre système. Chaque client peut, de cette façon, visualiser son portefeuille et les différents mouvements opérés. De la même manière, en ce qui concerne l’onboarding des clients, nous essayons au maximum de limiter le travail administratif qu’il implique, en faisant appel à des solutions technologiques et digitales, dont l’automatisation. »

OUVRIR DE NOUVELLES PERSPECTIVES

Si les évolutions réglementaires impliquent pour les banques privées de repenser leur modèle, de supporter des coûts supplémentaires et d’implémenter de nouvelles solutions ou procédures, celles-ci peuvent également être source d’opportunités. En permettant une interconnexion entre toutes les banques en matière de comptes de paiement, la directive PSD2, par exemple, ouvre la voie à de nouvelles possibilités business pour les banques privées. « Il existe un vrai enjeu pour les banques privées autour de PSD2 et de l’interconnexion. Ces matières ne touchent pas que les banques de détail, affirme Bernard Lhoest. La plupart des banques privées ne se sont toutefois pas senties concernées par PSD2, et ont eu tendance à regarder cette réglementation de loin, affirmant qu’elles ne disposaient pas de comptes de paiement. Si, pour l’instant,

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LA CONCENTRATION SE POURSUIT Initié suite à la levée du secret bancaire, le processus de concentration des banques privées continue. Le coût de la réglementation, les taux négatifs et la pression sur les marges poussent en effet les acteurs du private banking à se rapprocher, par des fusions ou des acquisitions, recomposant le paysage de la banque privée en Europe. Cette concentration leur permet de limiter les coûts structurels et ainsi d’espérer accroître leur rentabilité. Quand certaines banques ou filiales sont absorbées par de plus grands groupes, d’autres disparaissent tout simplement. Pour les acteurs de plus petite taille, qui ne peuvent s’appuyer sur des actifs suffisants ou investir des marchés de niche, il peut devenir difficile de s’en sortir. Ainsi, bien que les actifs sous gestion dans les banques privées au Luxembourg soient en hausse ces dernières années, le nombre d’acteurs présents dans le pays s’est quant à lui réduit.


il est vrai que PSD2 ne concerne que les comptes de paiement, à terme, dans un environnement avec une architecture de plus en plus ouverte, la disposition devrait certainement s’étendre aux autres actifs. » En ayant une vue sur tous les actifs d’un client, sur les informations de ses différents comptes, on peut lui proposer une stratégie d’investissement encore mieux adaptée à ses besoins et à son patrimoine. « C’est là une manière pour les banques privées de Bernard Lhoest proposer à leurs clients d’autres produits Partner, FSO assurance leader, banking and capital markets leader et d’augmenter la part de leur portefeuille, EY Luxembourg ce qu’elles recherchent toutes », indique Olivier Maréchal. Pour les banques privées qui ont bien anticipé ce mouvement, PSD2 peut donc être un moyen de gagner de nouvelles secteur, est d’avoir une efficience opération- intérêts négatifs. « Malgré le fait que les nouparts de marché, d’étendre leurs services nelle au niveau de la compliance, notam- velles réglementations nous permettent de et ainsi de se consolider. ment en équipant les collaborateurs de ces facturer des services qui ne l’étaient pas par départements en outils technologiques adap- le passé, nous devons faire face à un manque LE CAS PARTICULIER DU LUXEMBOURG tés, recommande Olivier Maréchal. La com- de rentabilité et de revenus dans certaines La complexité liée aux réglementations est pliance ne peut s’abstraire des contraintes activités, eu égard aux frais qu’engendre la encore plus grande pour les banques privées budgétaires et de productivité. Les banques mise en conformité. À cela viennent s’ajouau Luxembourg. « L’écosystème grand-ducal privées ne peuvent plus se permettre de recru- ter des taux d’intérêt proches de zéro, ou est vraiment particulier, le marché domes- ter des experts fiscaux et réglementaires sur même négatifs, qui pèsent eux aussi assutique est très faible. Les seuls cas similaires tous les pays sans limites pour répondre à la rément sur la rentabilité des banques prine se trouvent pas au sein de l’Union euro- mise en conformité. » vées », confie Patrick Wagenaar. « Pour un péenne, mais à Singapour et en Suisse. Nous Au-delà des ressources humaines supplé- banquier, cette situation est catastrophique, faisons partie de l’Europe, mais nos clients mentaires, la mise en conformité pèse éga- poursuit Bernard Lhoest. Tous les acteurs en banque privée vivent pour la plupart à lement sur les ressources financières des de la banque privée se basent en effet sur l’étranger. Ils ont souvent plusieurs domiciles banques. Toujours selon cette étude, « ce un modèle avec des taux d’intérêt positifs. et différentes sources de fortune », mentionne sont 382 millions d’euros qui ont été dépen- Or, aujourd’hui, avec des marges d’intérêt Bernard Lhoest. « Cet exercice international sés par les banques en 2013 pour faire face négatives, chaque client qui vient déposer de nous est familier depuis de longues années aux différentes réglementations […]. Ce l’argent à la banque coûte de l’argent à cette et représente aujourd’hui une vraie valeur chiffre représente un peu moins de 1 % du dernière. Et la situation ne semble pas près ajoutée, dans un monde tous les jours un peu PIB du Luxembourg et 3,6 % du PNB total de la de s’améliorer, les scénarios économiques plus mobile », ajoute Patrick Wagenaar. Place. En moyenne, la réglementation repré- prévoyant des intérêts négatifs au moins Si les banques possèdent des clients dans sente 41 % des investissements effectués par jusqu’en 2026. » En outre, la concurrence dans d’autres pays, elles se doivent néanmoins d’être les banques. La proportion atteint même le secteur est devenue féroce, réduisant les conformes aux réglementations de leur lieu 67 % des investissements pour les établisse- commissions facturées pour certains serde résidence. L’implémentation des règles et ments de plus petite taille, ce qui laisse peu vices au cours de ces dix dernières années. le travail quotidien qu’elles engendrent pour de place pour investir dans le développement Confrontées à une augmentation de leurs les banquiers luxembourgeois sont donc des affaires et l’amélioration des services. frais et à une compression importante de beaucoup plus compliqués et astreignants En tendance, les coûts réglementaires ont leurs revenus, la situation n’est pas évidente que pour un banquier qui opère sur son mar- progressé de 20 % par an entre 2013 et 2017. » pour les banques privées. ché domestique. Par conséquent, les départe- Si ces chiffres datent désormais de quelques Mais ont-elles finalement besoin de disposer ments de conformité dans les banques privées années, ils sont néanmoins révélateurs de d’une licence bancaire pour être actives dans la se sont fortement professionnalisés et élar- la situation dans laquelle se trouve le sec- gestion de fortune ? La Bank of ­Singapore, par gis ces dernières années. Selon l’étude sur le teur bancaire. Pour se mettre en conformité, exemple, s’est récemment installée à Luxemcoût de la réglementation et son impact sur les banques privées doivent donc pouvoir, bourg pour y proposer du wealth management, la place financière à Luxembourg réalisée outre leurs ressources humaines internes, et ce sans avoir pris le statut de banque. « Bien par EY Luxembourg et l’ABBL en 2017, 9 % s’appuyer sur d’autres moyens afin de traiter sûr, ce statut crée de la confiance envers les des ressources humaines du secteur bancaire les réglementations et les règles fiscales des clients, permet de faire du crédit et de gérer des étaient ainsi dédiées entièrement au respect différents pays, par exemple en externalisant moyens de paiement en direct, explique Olivier de la réglementation en 2013. Pour les banques des reportings fiscaux. « On en revient au fait Maréchal. Mais il y a aujourd’hui un vrai défi de petite taille, cette proportion montait à que le modèle de la banque privée doit, sans à opérer une licence bancaire, avec tous les 20 %, ce qui explique les nombreuses fusions conteste, évoluer », poursuit Olivier Maréchal. coûts réglementaires et opérationnels que cela et acquisitions de plus petites structures par de implique. Un établissement qui fait de la gesgrands groupes ces dernières années. « Parallè- FAUT-IL RESTER BANQUE ? tion de fortune ne doit-il donc pas aujourd’hui lement, deux tiers de l’augmentation des effec- En plus des coûts liés à la réglementation, penser à passer un cap et ne plus être une tifs de la banque privée au Luxembourg sont qui réduisent leurs marges et leurs capacités banque ? Le fait que certains acteurs se posent liés à la mise en conformité. Dans ce contexte, d’investissement, les banques privées doivent cette question est tout simplement révélateur tout l’enjeu aujourd’hui, pour les acteurs du aussi, depuis plusieurs années, supporter des de la situation qui les préoccupe. »   J. R.

« Les réglementations sont là. Les banques privées ne peuvent les remettre en cause, elles doivent vivre avec. »

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LE NOUVEAU VISAGE DE L’ASSURANCE-VIE, PLACEMENT PRIVILÉGIÉ DE L’ÉPARGNE HAUT DE GAMME En matière d’assurance-vie, compagnies d’assurances et banques sont amenées à collaborer. Les services de courtage et de gestion privée (private banking) des banques figurent en effet parmi les principaux interlocuteurs des assureurs et vendent l’assurance-vie comme une solution de planification patrimoniale à leurs clients.

E

PHOTO CNP

nveloppe juridique et fiscale permettant de placer son épargne sur différents types d’actifs, l’assurance-vie reste dans certains pays européens, comme la France et l’Italie, un placement privilégié de manière historique. Au Luxembourg, elle est également considérée comme un produit phare que l’on souscrit par l’intermédiaire de son conseiller financier auprès d’une compagnie d’assurances, mais elle n’a pas toujours été bien vue par les acteurs financiers. Au début des années 2000, l’assurance-vie était en effet perçue comme une solution concurrentielle à la gestion patrimoniale proposée par les banques. Grâce aux fonds Euro à rendements garantis, les compagnies d’assurances attiraient les clients à la recherche de ce type de supports considérés

comme défensifs. De peur de perdre leur clientèle, les institutions bancaires ont revu leur gestion patrimoniale en lien avec les compagnies d’assurances. L’évolution du contexte économique a conduit les banques à se rendre compte que les compagnies n’étaient pas des concurrents. L’assurance-vie a alors été plutôt vue comme un instrument complémentaire aux solutions bancaires et un élément ayant toute sa place dans la gestion patrimoniale de leurs clients. Ces banques se sont alors rapprochées des compagnies afin de se doter d’une offre en assurance-vie. Depuis 2013, nous assistons donc au développement de synergies entre ces deux acteurs, ce qui a contribué à faire de l’assurance-vie un outil incontournable de la gestion privée.   

té ie a alors é -v e c n a r u s « L’as comme un plutôt vue e plémentair m o c t n e m instru bancaires. » s n o ti lu o s aux

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ujourd’hui, l’assurance-vie  apparaît comme un placement privilégié de l’épargne haut de gamme. « Dans le cadre de la relation avec leurs clients, les banques proposent des solutions de planification successorale. Parmi ces solutions, le contrat d’assurance-vie a toute sa place. Ce type d’instrument est très recherché car il permet aux clients d’organiser leur succession tout en permettant aux banques de continuer à assurer la gestion patrimoniale. C’est l’instrument idéal car il combine la possibilité d’accéder à toute une panoplie d’investissements mais également d’effectuer des donations et de planifier la succession », explique Antonio Valente, responsable commercial pour la compagnie CNP Luxembourg.

LA FRANCE, LEADER DU MARCHÉ DE L’ASSURANCE-VIE

Le Luxembourg continue à développer des solutions dans le domaine en travaillant en synergie avec ses voisins européens. « La France est le pays qui a la plus grande culture en matière d’assurance-vie. Les compagnies d’assurances françaises offrent des fonds euros qui sont de très bonne qualité. » Les souscripteurs d’autres pays, comme l’Italie, dans une optique de diversification des investissements, se tournent vers ces fonds euros grâce aux contrats luxembourgeois distribués via la libre prestation de services. Cette modalité de distribution renforce le caractère international de la Place luxembourgeoise. « Nous avons par exemple la possibilité d’offrir depuis le Luxembourg des solutions à des résidents français parce que nous avons un produit conforme aux réglementations fiscales et juridiques de ces pays. »

LES UNITÉS DE COMPTE PRIVILÉGIÉES PAR LES SOUSCRIPTEURS

Ces deux dernières années, le marché de l’assurance-vie a néanmoins été bouleversé.

« Le débat a porté sur le rendement des fonds euros et sur le fait qu’ils ne devaient pas constituer le support principal des contrats d’assurance-vie. Les compagnies devaient également travailler les supports en unités de compte (UC). » La baisse du rendement de ces fonds a amené une compagnie comme CNP Luxembourg à innover afin de rendre le placement en assurance-vie toujours intéressant pour les souscripteurs. Les souscripteurs ont quant à eux commencé à montrer davantage d’intérêt pour les UC que pour les fonds euros dans leur contrat. « Une compagnie comme la nôtre a fait ces derniers mois plus de 80% de sa collecte dans des unités de compte alors que nous étions à 45% il y a un an. Nous avons su nous adapter au changement. » Si le taux d’unité de compte a crû fortement, il est difficile de prévoir si la tendance actuelle va se maintenir. « Cela va dépendre de la direction que vont prendre les marchés mais aussi de la sensibilité des clients. Les banques et les compagnies vont devoir davantage développer leurs synergies dans un objectif commun de satisfaction de la clientèle. » 

Antonio Valente Responsable Commercial CNP Luxembourg

POUR EN SAVOIR PLUS : WWW.CNPLUXEMBOURG.LU

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TRANSFORMATION

Une guerre digitale de retard

ILLUSTRATIONS Ellen Withersova

Afin de répondre aux nouvelles attentes des utilisateurs, et face à la crise sanitaire qui a frappé la planète, les banques privées ont compris l’urgence d’investir dans le numérique. La mue est en marche… mais il reste encore du travail.

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ransformation par-ci, numérisation par-là… T Depuis plusieurs années, aucun domaine d’activité n’échappe à la vague numérique. Pendant longtemps, la banque privée ne s’est toutefois pas sentie directement concernée. Elle réalise aujourd’hui, sans doute un peu tard, d’ailleurs, qu’il lui faut désormais bien négocier ce virage numérique. La technologie s’immisce en effet jusque dans la relation de confiance, l’hyper-proximité qui lie le banquier à son client fortuné, le fondement de l’activité de conseiller en gestion de fortune. « Il y avait une réelle demande du Private Banking Group Luxembourg (PBGL), l’un des groupes de travail de l’Association des banques et banquiers Luxembourg, d’approfondir la question de la digitalisation dans le secteur », avoue Fabio Mandorino, senior advisor – Member relations, au sein de l’ABBL. Dès ce moment, une étude intitulée Beyond the buzzword: Digitalisation and Luxembourg private banks a été menée par KPMG et l’ABBL. Le cabinet de conseil a sondé les 20 plus grandes banques privées de la Place, afin d’évaluer leur rapport aux enjeux numériques. « Digitalisation. Ce mot, on l’entend une fois par heure. Et pourtant, malgré nos recherches, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas réellement d’étude qui avait été menée autour de cet enjeu au niveau de la banque privée, explique Jean-Pascal Nepper, partner chez KPMG. Notre démarche visait les véritables acteurs du secteur, les dirigeants des banques privées. Nous ne souhaitions pas aborder cet enjeu avec les responsables

LES LEADERS DE LA DIGITALISATION La banque privée est consciente que son futur passera par la digitalisation. Mais se donne-t-elle les moyens d’aborder sereinement ce virage ? Seulement 38 % des banques privées luxembourgeoises, selon l’étude, se sont dotées de ressources spécifiques au développement digital. Un chiffre qui sera inévitablement plus important dans les années à venir. Dans 75 % des cas, le leader en charge de la digitalisation reporte directement au CEO ou au directeur du département Private banking. Dans 12,5 % des cas, il reporte au COO ou au CIO.

« Aujourd’hui, les gens ne comparent plus les banques entre elles, ils comparent une expérience vécue. » Jean-Pascal Nepper Partner KPMG

de l’IT, mais bien l’évaluer du point de vue du business. Nous voulions avoir une discussion sur le métier, pas sur la technologie. »

43 % DES BANQUES PRIVÉES ESTIMENT ÊTRE EN RETARD

L’étude entendait, d’une part, évaluer la maturité digitale de la banque privée au Luxembourg, et, d’autre part, définir ses ambitions vis-à-vis des enjeux numériques. Au terme de l’enquête, il est ressorti que 43 % des banquiers privés de la Place partageaient le sentiment d’avoir accumulé du retard par rapport à la concurrence en matière de transformation numérique. Pour Jean-Pascal Nepper, ce retard est parfois subi, parfois voulu. « Se transformer en s’appuyant sur les possibilités offertes par la technologie implique avant tout la définition d’une stratégie et d’objectifs. Or, cet enjeu stratégique relève de la maison mère, avant d’être décliné au niveau de ses filiales. », relève l’associé du cabinet de conseil. Et si la volonté de se transformer est là, la numérisation revêt bien des réalités. Chaque acteur développe une perception singulière des enjeux. Certains vont vouloir privilégier à tout prix la relation humaine, estimant que c’est ce pour quoi le client paie, et choisir de ne pas modifier en profondeur leurs processus front. D’autres vont chercher à lui offrir la plus grande flexibilité et investissent de manière conséquente dans le numérique, n’hésitant pas à remettre en question le modèle d’affaires. « Entre ces deux stratégies extrêmes, beaucoup de banques privées optent pour une position intermédiaire, combinant déploiement de nouveaux outils numériques et préservation de la relation humaine. Le paysage grand-ducal est ainsi extrêmement hétérogène, commente Jean-Pascal Nepper. Cela dit, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise stratégie. L’enjeu est de définir une vision claire au départ d’une bonne compréhension de l’environnement dans lequel elles évoluent, en considérant

les forces en présence, leur permettant de s’engager sur la voie de la numérisation. Ce n’est qu’une fois cette stratégie définie, au-delà de toute impression de retard, que la banque pourra effectivement évaluer son niveau de maturité vis-à-vis des autres. »

LES DIFFICULTÉS DE DIGITALISER LA BANQUE PRIVÉE

En matière de transformation numérique, l’activité de gestion de fortune a été le parent pauvre du secteur bancaire ces dernières années. Depuis le début des années 2010, c’est avant tout l’activité de banque de détail, mise sous pression par l’émergence d’acteurs fintech, qui a principalement bénéficié des investissements dans le numérique. Mais comment justifier une telle latence ? Premièrement, ces dernières années, les banques privées ont été confrontées à une érosion de leurs marges et à une réduction significative de la base de leurs revenus. En cause, un environnement financier avec des taux faibles et une vague réglementaire « post-crise de 2008 » exigeant des investissements conséquents de mise en conformité. Pour ces raisons, nombre d’entre elles ont tardé à investir de manière significative dans les technologies numériques. « On remarque tout de même que les banques universelles qui possèdent une branche ‘banque privée’ sont plus en avance que les banques privées traditionnelles, qui n’offrent que ce service. Ces dernières doivent en effet développer de A à Z leur stratégie de digitalisation. Les banques universelles, elles, ont le plus souvent déjà opéré une transformation de leur système d’information, qui profite à l’activité de banque privée », explique M. Nepper. Enfin, de l’aveu même des professionnels du secteur, la numérisation du métier relève d’une complexité toute particulière. « L’inter­ action entre le client et le banquier privé est la clé du métier. Plus le patrimoine est important et complexe à gérer, plus cette relation

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TRANSFORMATION mais aussi qu’elle est adepte du smartphone et de la tablette. Elle devient de plus en plus demandeuse de ces nouvelles technologies. »

L’EXPÉRIENCE CLIENT AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS

Dans cet environnement devenu de plus en plus complexe, la technologie constitue un levier d’amélioration de l’efficience opérationnelle et d’optimisation des coûts. Et cela, la banque privée l’a bien compris. L’étude réalisée par KPMG et l’ABBL révèle en effet que 86 % des banques interrogées estiment que la digitalisation sera l’une des clés du développement du secteur. Parmi les objectifs poursuivis par les banquiers privés au travers du numérique, on en notera deux principaux : l’amélioration des processus (89 %) et l’amélioration de l’expérience client (83 %). Loin derrière, on retrouve d’autres enjeux : libérer du temps au manager pour la relation client (28 %), vendre plus de services (22 %), créer une offre multicanale (22 %), ou encore offrir de nouveaux moyens de communication (11 %). Les acteurs de la banque privée ne voient pas l’interaction numérique se substituer à la relation humaine. « Le métier de banquier privé est vraiment spécial, confirme Fabio Mandorino. La présence d’une personne physique et l’interaction humaine restent, à nos yeux, nécessaires. DES UTILISATEURS DEMANDEURS Par rapport à l’offre de services d’une banque DE NOUVELLES TECHNOLOGIES retail, celle de la banque privée est beaucoup À l’heure actuelle, malgré les investissements plus complexe et sophistiquée. Une applicaréalisés et les efforts fournis ces dernières tion n’est, à l’heure actuelle, pas suffisante années, l’offre digitale de la Place est encore pour gérer toutes les implications liées à la trop souvent limitée à quelques services de base, gestion du patrimoine. » comme la consultation de son portefeuille (91 % des banques interrogées offrent ce service ou VERS UN BANQUIER PRIVÉ AUGMENTÉ comptent le faire) ou l’exécution de virements En raison de ses spécificités, la banque privée (71 %). Comparativement aux services proposés n’est pas confrontée à un grand risque de disruppar les banques de détail, cette offre semble pour tion. Elle devra tout de même évoluer et adaple moins désuète, pour ne pas dire archaïque. ter ses modèles pour parvenir à proposer une Selon l’étude, si l’on considère les attentes offre qui allie les qualités humaines du banquier des clients, la banque privée devrait davantage et les possibilités offertes par les outils technoinvestir dans la numérisation des documents logiques. « On parle aujourd’hui de banquier et la gestion des données, dans une relation privé augmenté. En s’appuyant sur des outils paperless (une attente exprimée auprès de 76 % technologiques renforçant sa performance, lui des banques), dans les nouveaux canaux de permettant d’accéder à une meilleure comprécommunication (65 %), au niveau des fonctions hension du client », explique Jean-Pascal Nepper. transactionnelles (59 %) et du contenu digital, Le numérique l’aidera à mieux digérer la comme des analyses du marché, des stratégies charge administrative, liée à la déferlante régled’investissement, des avis d’experts… (47 %). mentaire, à appréhender plus facilement une Contrairement aux idées reçues, l’intérêt sophistication croissante et à répondre aux exipour les nouvelles technologies ne se mani- gences toujours plus élevées des clients. « Les feste pas uniquement au niveau des jeunes besoins ont évolué en 10 ans. Les problémagénérations. Les seniors, qui représentent la tiques sont beaucoup plus complexes. Le patrigrande majorité de la clientèle des banques moine des clients est beaucoup plus diversifié, privées, ont eux aussi développé une certaine avec, au-delà des actifs financiers, de l’immoappétence pour le digital. « Ils sont poussés bilier, des structures sophistiquées, etc. 55 % par leurs enfants à utiliser ces nouveaux des actifs sous gestion dans la banque privée outils et n’échappent pas à la pression de la au Luxembourg s’inscrivent dans des portesociété, toujours plus tournée vers la tech- feuilles de plus de 20 millions d’euros. Ce sont nologie, explique Jean-Pascal Nepper. La des patrimoines conséquents qui ne connaissent banque privée sait que sa clientèle est âgée, pas les frontières. Or, d’un pays à l’autre, les 54 —

­— Private banking — Juillet / Août 2020

AXES STRATÉGIQUES DE LA DIGITALISATION POUR LE SECTEUR BANCAIRE

76 % Gestion d’investissement Des outils dynamiques pour la consultation des portefeuilles et rapports. Des transactions sécurisées sur de multiples marchés.

71 % Expérience client Définition de l’expérience client. Numérisation du questionnaire Mifid II.

29 % Distribution et ventes Développement / amélioration des outils de gestion de la relation client. Renforcement des capacités de renseignement sur les clients.

18 % Communication digitale Marque numérique. Augmenter la présence digitale.

18 % Autres Principalement la qualité et la gestion des données.

SOURCE Beyond the buzzword 2018

est importante. Les clients de la banque privée sont particulièrement demandeurs en conseils, qui, jusqu’à aujourd’hui, ne peuvent pas être proposés par une machine, explique Fabio Mandorino. En outre, cette clientèle s’inscrit dans une perspective à long terme. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas forcément eu une demande massive et directe du client en faveur d’une digitalisation du service. » Ces dernières années, cependant, on a constaté une importante évolution des attentes de la clientèle de la banque privée. De plus en plus, les personnes fortunées souhaitent pouvoir accéder à l’état de leur patrimoine et à des services numériques liés à la gestion de ce dernier. « Les gens ne comparent pas forcément l’offre numérique de leur banque privée avec celle des autres. Ils comparent davantage une expérience vécue. Ils s’attendent à ce que leur gestionnaire de fortune soit en mesure de leur proposer une expérience correspondant à celles offertes aujourd’hui par de nombreuses plates-formes numériques, comme Netflix. Pourquoi, en tant que client, ne pourrais-je pas envoyer un ordre directement par Whatsapp, par exemple ? C’est le type de demande qu’un client d’une banque privée est susceptible d’amener aujourd’hui », raconte le partner de KPMG.


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TRANSFORMATION

LE COVID-19 COMME ACCÉLÉRATEUR DE LA DIGITALISATION

Comme pour bon nombre d’autres domaines, la crise du Covid-19 aura sans aucun doute un impact durable sur ce secteur. « Nous pouvons parler d’un monde avant et après le Covid-19, confirme Fabio Mandorino. On sait que la relation client est un vecteur essentiel de la profession. Or, du jour au lendemain, les réunions en face à face ont été stoppées. Si beaucoup de banques privées ont mis en place des services online, de nombreux clients se sont retrouvés ‘coincés’ chez eux, sans accès direct à des informations sur leur portefeuille. » Les gestionnaires de patrimoine ont donc dû apprendre à travailler différemment. « C’était d’autant plus important que, suite à la très grosse nervosité des marchés financiers en mars, la capacité à maintenir un contact régulier avec les clients était essentielle. Dans un premier temps, et paradoxalement, cette crise a d’abord, à mon sens, mis en lumière l’importance de l’humain »,

LA BANQUE PRIVÉE, 100 % DIGITALE ? Plusieurs banques privées 100 % online ont déjà vu le jour et attirent une clientèle très jeune, qui juge la banque privée traditionnelle trop old school. « On a du mal à concevoir que ce système soit l’avenir, explique Fabio Mandorino, de l’ABBL. La force du banquier, c’est son feeling et sa capacité à créer du sur-mesure pour son client. La machine, elle, standardise les processus et les offres de la banque privée. C’est une antithèse dans notre métier. »

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explique Jean-Pascal Nepper. Cette crise a indubitablement accéléré la mutation digitale de la banque privée. C’est le cas, par exemple, de la BIL, qui a annoncé, fin mai, la mise en place effective de la signature électronique pour un certain nombre de transactions. « Cette urgence amènera certainement plus d’une banque à revoir certains projets digitaux. Ceux-ci, considérés comme secondaires il y a quelques mois, pourraient bien se retrouver désormais en haut de la liste… », assure le partner de KPMG. « Le coronavirus pourrait vraiment représenter le déclic attendu pour le changement de paradigme nécessaire à l’industrie de la banque privée en matière de digitalisation », explique quant à lui le senior advisor de l’ABBL. Un changement de paradigme qui semble avoir touché tous les domaines : méthodes de travail, relations avec le client, positionnement stratégique… « Le monde est désormais différent de ce qu’il était il y a quelques mois à peine. Et comme toujours, cette situation représente, pour les banques privées les plus innovantes, une opportunité historique à saisir. »

LA CONCURRENCE DES FINTECH

Face à certains acteurs fintech qui, de plus en plus, empiètent sur les plates-bandes de la banque privée, l’enjeu, pour cette dernière, est de défendre son offre de valeur. L’apparition sur le marché de plates-formes de conseil financier automatisées semble séduire une certaine frange de la clientèle de la banque privée, principalement sur le marché anglo-saxon. Ces robo-advisors, s’appuyant sur de savants algorithmes, opèrent une gestion automatisée des actifs financiers d’un client en tenant compte de son profil de risque et de ses objectifs. Cette technologie séduit par des coûts de gestion réduits et une transparence accrue. Pourtant, seulement 15 % du panel luxembourgeois sondé dans l’étude de KPMG estiment que les robots-conseillers représentent une solution crédible au métier. « Quand on rencontre un problème avec une de nos commandes sur Amazon, on est tout de même content de pouvoir expliquer la situation à un interlocuteur au bout du fil et d’obtenir des explications, commente Jean-Pascal Nepper. On en revient à cette dimension humaine que nous jugeons centrale pour le métier. » D’autres structures sont élaborées afin de réinventer la relation client, comme les platesformes peer-to-peer, ces forums où les clients peuvent discuter entre eux de leurs expériences. Une nouvelle fois, les banques de la Place se montrent plutôt réticentes face à ces modèles innovants. Seulement 10 % des banques interrogées ont mis en place de tels systèmes, ou sont en train de le faire. « Sur le papier, ce sont des solutions intéressantes. Mais dans les faits, il ne faut pas perdre de vue que leur mise en œuvre est chronophage, coûteuse et sans garantie de réussite », estime l’associé du cabinet de conseil.

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LA BANQUE PRIVÉE PLUS À L’ÉCOUTE

Et l’enquête révèle que, même à ce niveau, la banque privée a encore des efforts à fournir. En effet, près d’un tiers des établissements de la Place ne récoltent pas de feed-back structurés de leurs clients. « Comme les gestionnaires doivent gérer 100 ou 200 clients, on imagine qu’ils ont un contact régulier avec eux, et donc un retour de leur part. Toutefois, n’étant pas formalisé, ce feed-back est difficile à analyser. Mon client semble satisfait, mais lui ai-je posé les bonnes questions ? Sans cette évaluation systématique des besoins du client, il est difficile de faire remonter des indicateurs vers la direction de la banque, le Marketing, ou encore les personnes en charge de l’amélioration de l’expérience client, explique l’associé de KPMG, qui voit tout de même des changements s’opérer au sein de la banque privée. Tout doucement, la banque privée est en train de revoir ses process à ce niveau. Elle commence à mettre en place des feed-back formalisés, avec une analyse sémantique qui identifie les mots utilisés dans ces retours. Elle ne se contente plus de la note sur 10 que son client lui a attribuée. »

« PAS DE PÉRIL EN LA DEMEURE »

La révolution est donc en marche au sein de la banque privée luxembourgeoise, qui a majoritairement décidé de franchir le pas du numérique en développant notamment de nouveaux canaux de communication. Cependant, la transition digitale dans le milieu n’en est encore qu’à ses balbutiements. Le fossé à combler reste béant, même si la crise a forcé le secteur à accélérer sa mutation. Luxembourg est-elle réellement larguée par la concurrence de Genève, Hong Kong ou Londres ? « Pas du tout, affirme Jean-Pascal Nepper. Il y a un réel débat sur ce qu’on souhaite vraiment faire avec le digital. C’est une question de positionnement, à laquelle les banques de la Place sont encore confrontées aujourd’hui. Je suis confiant quant à la capacité des acteurs à bien appréhender cette transformation et les défis du numérique. Nous avons comparé la situation du Grand-Duché avec celle d’autres pays. Je peux vous assurer qu’on est, par exemple, plutôt en avance par rapport au marché suisse. Le marché luxembourgeois est plus mature et plus hétérogène. L’écosystème de la Place et sa diversité amènent une certaine richesse dans le secteur de la banque privée luxembourgeoise. Tout cela pour dire qu’il n’y a pas péril en la demeure. Le secteur de la banque privée au Grand-Duché a bien pris conscience des enjeux de la transformation numérique. Si certains ont décidé de franchir le pas en investissant en masse dans le digital, d’autres, au contraire, ont décidé de se montrer plus modérés à ce sujet. C’est cela aussi, le patchwork luxembourgeois… » A . B.

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réglementations varient, et il faut pouvoir en tenir compte », assure le représentant de l’ABBL. « Le métier est de plus en plus compliqué. Les outils technologiques peuvent aider le banquier à alléger la gestion des aspects réglementaires et administratifs », affirme Jean-Pascal Nepper. L’utilisation de ces outils technologiques doit avant tout lui permettre de déléguer à la machine les opérations ingrates du quotidien, pour ainsi se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Tout en étant valorisé dans la pratique de son métier, le banquier peut de cette manière trouver un levier de réduction des coûts opérationnels.


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PLACEMENTS

Les produits stars de la banque privée Actions, obligations, private equity, métaux précieux… Petit tour d’horizon des produits qui séduisent actuellement les clients de la banque privée.

ême si 2020 a radicalement changé la M donne en raison de la crise du coronavirus, 2019 restera dans les livres d’histoire

comme étant l’une des années les plus prospères pour les marchés financiers. Sur l’ensemble de l’année, les principaux indices boursiers affichent des croissances supérieures à 20 %. De quoi permettre aux acteurs de la banque privée (et surtout à leurs clients) d’afficher un large sourire au moment de dresser le bilan. « Pour faire une analogie avec le vin, on dira que l’année 2019 restera dans l’histoire comme l’un des meilleurs millésimes, sourit Fred Kutten, chef de service adjoint Banque privée à la BCEE. Les marchés ont vraiment été exceptionnels ! Si je prends le cas de la Spuerkeess, ce contexte favorable nous a permis de répondre à tous les défis qui se présentaient à nous, nous aidant à élargir notre base de clients. Du côté de ceux-ci, l’évolution du marché des actions aura offert le même sentiment de satisfaction. » Après une telle année, tout le monde a de quoi se réjouir. Cependant, avec de tels résultats, beaucoup pourraient s’attendre, si ce n’est à apercevoir le revers de la médaille, à être déçus par des marchés plus moroses. Qu’en est-il ? Au 1er janvier 2020, les compteurs ont été remis à zéro, laissant la possibilité aux acteurs de la banque privée de faire de nouveaux pronostics. Si, de manière générale, ils s’attendent à vivre une année 2020 positive, ils n’envisagent toutefois pas des rendements à deux chiffres une deuxième année consécutive.

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La prudence n’est-elle pas la mère de toutes les vertus ? « 2020 ne sera certainement pas aussi exceptionnelle que 2019, mais les prévisions sont plutôt réjouissantes, poursuit William Telkes, head of private banking à la BCEE. L’important, cependant, n’est pas de considérer les performances sur une année, mais bien en considérant un horizon de placement plus éloigné, à 3, 5, 10 ans. C’est sur les performances réalisées à long terme que la banque privée peut faire valoir son savoir-faire. » Actions, obligations, fonds structurés… Les produits de placement de la banque privée sont nombreux, chacun ayant leurs spécificités. Mais qu’est-ce qui les différencie de ceux de la banque de détail ? « Les produits de la banque commerciale sont très standardisés alors qu’en banque privée, on est sur du sur-mesure, rappelle Laurent Simeoni, head of portfolio management chez ING. On va pouvoir investir beaucoup plus dans des lignes individuelles en termes d’actions et d’obligations, en profitant de l’accompagnement du banquier privé, qui pourra expliquer les risques et les gains possibles liés à chaque placement. On peut donc développer des stratégies d’investissement adaptées à chaque client et les faire évoluer beaucoup plus facilement. »

a également connu une évolution positive, principalement grâce à l’intervention des banquiers centraux qui ont maintenu une politique monétaire relativement accommodante et donc favorable à l’obligataire », explique le head of private banking de la Spuerkeess. De manière générale, toutes les classes d’actifs financiers se sont montrées exceptionnellement performantes l’an passé. « Cette avancée massive sur toutes les classes, c’est vraiment ce qui rend cette année si extraordinaire », assure Fred Kutten.

LA RUÉE VERS L’OR

On notera également que l’or, après quelques années plus difficiles, semble briller à nouveau aux yeux des clients de la banque privée. « L’or, c’est comme une assurance auto. Cela ne rapporte rien, mais le jour où il y a un problème, on est content de l’avoir », sourit Laurent Simeoni. Ce retour au premier plan de l’or amorcé par les banquiers centraux est, en effet, bien suivi par les investisseurs qui consacrent une petite poche de leur portefeuille au précieux métal. « Les discussions houleuses entre la Chine et les États-Unis et les incertitudes liées au Brexit ont également été profitables à l’or, qui fait toujours office de valeur refuge. La crise sanitaire et LES ACTIONS AU TOP économique liée au Covid-19 a confirmé ce Dans le contexte actuel, le marché des actions, statut. Avec Donald Trump au pouvoir, en avec des rendements inespérés, se porte tout cas, les banques privées ont pris l’hatoujours très bien. « Le marché obligataire bitude de rapidement devoir changer de cap.

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Le bateau des marchés financiers tangue très souvent au gré de ses humeurs, sourit Fred Kutten. Gérer ces situations imprévisibles fait partie du travail complexe du banquier. À nous d’agir avec professionnalisme afin que nos clients puissent aborder l’avenir, malgré l’incertitude, le plus sereinement possible. »

LE PRIVATE EQUITY GAGNE DU TERRAIN

Autre produit qui séduit particulièrement depuis quelques années : le private equity. Cet attrait pour le capital-investissement émane principalement des high net worth et des ultra high net worth individuals, les clients les plus fortunés. « On le voit au niveau de la Place luxembourgeoise, les fonds en private equity ont véritablement explosé ces derniers temps, assure le head of portfolio management chez ING. Comment l’expliquer ? S’il s’agit de produits très peu liquides, impliquant une immobilisation du capital investi sur des périodes de 8 à 10 ans, ils offrent des perspectives de rendement souvent meilleures que des actifs financiers classiques. Les performances des actions et des obligations, en effet, ont eu tendance à se tarir avant cette excellente année 2019. Les clients se sont donc tournés plus massivement vers les fonds private equity pour diversifier leur portefeuille et aller chercher du rendement. De plus, il y a cette volonté croissante, dans le chef des clients, de se tourner vers des actifs plus tangibles, comme des entreprises bien précises. »

Même constat au sein de la Spuerkeess qui a vu, elle aussi, la demande pour ces actifs non cotés exploser depuis un an et demi. En plus de diversifier le portefeuille d’investissement, ces produits séduisent aussi par le fait que leurs performances sont décorrélées de l’évolution du marché des actions. Ils sont donc théoriquement moins volatiles.

LES TAUX BAS FAVORISENT LES CRÉDITS

Les taux historiquement bas, voire négatifs, font que les clients préfèrent financer certaines acquisitions en recourant au crédit bancaire. « Au niveau de la banque privée, cela se traduit au travers d’avances sur titre ou encore de crédits hypothécaires à l’étranger, avance Sandrine De Vuyst, head of private banking au sein de la banque ING. Auparavant, lorsqu’un client voulait acquérir un appartement ou une résidence secondaire, il avait tendance à sortir de l’argent de ses placements. Aujourd’hui, il n’hésite pas à souscrire un crédit. »

DES CLIENTS PLUS EXIGEANTS

À la faveur des avancées technologiques et réglementaires, la demande de la clientèle banque privée a fortement évolué ces dernières années. Le client est aujourd’hui plus exigeant dans le choix de ses produits et aborde différemment sa relation avec son conseiller. Ce changement de comportement se traduit par une meilleure « éducation »

Affectation des actifs des UHNWI Proportion du portefeuille d’investissement moyen des UHNWI investie dans chaque classe d’actifs. Sur base de réponses de 620 banquiers privés et conseillers en gestion de patrimoine gérant plus de 3,3 billions de dollars US de richesse pour les clients UHNW.

vis-à-vis des services et des produits qui lui sont proposés. « Le client d’aujourd’hui est, en effet, bien plus informé qu’auparavant. Il vient désormais consulter son banquier avec une idée bien précise du produit qu’il désire », explique Laurent Simeoni. « Il est également plus sophistiqué, plus exigeant. Cela ne veut pas forcément dire qu’il exige des produits plus complexes, mais plutôt qu’il demande plus d’informations, de transparence et de rapports. En résumé, il demande un encadrement plus complet, encore plus personnalisé », ajoute Fred Kutten. Malgré une clientèle toujours plus exigeante et une multiplication des produits et services, les stratégies d’investissement proposées par la banque privée ne devraient pas être profondément bouleversées dans les prochaines années. « La clientèle banque privée souhaite garder une certaine stabilité. Malgré l’émergence de nouveaux produits, de plus en plus tournés vers le socialement responsable, je pense que nos clients vont majoritairement rester sur des classes d’actifs qui ont pleinement donné satisfaction par le passé », assure le chef de service adjoint Banque privée à la BCEE.

DAVANTAGE DE GESTION DISCRÉTIONNAIRE

Ces dernières années, les banquiers privés ont aussi vu fortement augmenter la demande pour des services de gestion discrétionnaire, principalement depuis l’application de la

Cautionnements / revenu fixe

27 % Private equity

17 %

Or / Métaux précieux

8 % 3 %

SOURCE The Wealth Report Attitudes Survey

Investissement immobilier

1 %

5 %

11 %

Cryptomonnaies

23 %

Collections Actions Cash / devises

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PLACEMENTS nouvelle réglementation Mifid II, en janvier 2018. Concrètement, le modèle de gestion discrétionnaire permet au banquier privé de gérer de manière plus autonome le portefeuille de son client avec pour objectif principal, évidemment, de le faire fructifier. Il agira en fonction du profil de risque de son client, de ses objectifs et de l’évolution du marché. « F inalement, c’est peut-être ça, le produit star de la banque privée, explique William Telkes. C’est celui qui, en tout cas, permet de recourir à l’ensemble de notre expertise. Le fait que le client choisisse de nous faire entièrement confiance, en nous laissant la possibilité de gérer son patrimoine suivant des stratégies personnalisées, est une preuve que la banque privée a gagné en crédibilité. » De l’avis des experts de la Place, ce modèle de gestion déléguée devrait encore gagner du terrain, par rapport à la gestion-conseil. « Mifid II a considérablement renforcé les exigences vis-à-vis des conseillers en investissement, entraînant par moment une certaine lourdeur procédurale et administrative. Chaque action du banquier doit être parfaitement comprise et validée formellement par son client. Ces exigences pèsent peut-être parfois sur la clientèle qui, de ce fait, peut choisir de donner un mandat plus large à son banquier, pour peu que la relation de confiance soit au rendez-vous », poursuit le head of private banking de la BCEE.

concurrence sur les prix. La banque privée ne peut pas brader son expertise haut de gamme », assure Sandrine De Vuyst.

DES CLIENTS SOCIALEMENT RESPONSABLES

De plus en plus de clients fortunés éprouvent un sentiment de responsabilité vis-à-vis de la société dans laquelle ils vivent. D’ailleurs, cette conscientisation aux enjeux environnementaux ou sociétaux se reflète aujourd’hui dans leur stratégie d’investissement. Le but reste d’obtenir le meilleur rendement possible, certes… mais plus coûte que coûte ! Les statistiques le démontrent : les investissements socialement responsables ne relèvent plus de la stratégie de niche visant uniquement à diversifier le portefeuille des clients fortunés. Ils occupent aujourd’hui une place de plus en plus grande au cœur des stratégies d’investissement. Ils découlent d’une demande de plus en plus forte à laquelle les banques privées ont apporté une réponse concrète. « Au sein de la banque, nous réalisons des investissements socialement responsables depuis 1999. Mais la demande ne décolle vraiment que depuis un an ou deux seulement. Il y a eu une réelle prise de conscience, de la part du client, de la nécessité d’adopter de nouvelles approches, au service d’une société plus durable. Et ce changement sociétal doit être accompagné par les banques, qui doivent mettre en avant ces produits et faire évoluer l’offre existante », souligne LA GESTION PASSIVE GAGNE DU TERRAIN L’avènement de Mifid II instaure aussi une Sandrine De Vuyst. Du côté de la Spuerkeess, même son de transparence accrue dans le cadre de la relation. Le client dispose d’une meilleure cloche. « Inévitablement, la thématique ESG visibilité sur les coûts liés à la gestion et à la va prendre une place de plus en plus grande souscription d’un produit donné, ainsi que dans le futur. Nos clients se posent de plus en sur les montants des rétrocessions de frais plus de questions et sont plus attentifs au versés à son gestionnaire de patrimoine ou caractère durable de leurs investissements. à des intermédiaires. Cela a induit un autre Mais il faut vraiment faire une distinction changement de comportement au sein des entre ESG et écologie. Il y a un amalgame clients de la banque privée. « Ils comparent de qui est fait entre les deux, et c’est notre plus en plus. Ils examinent en effet les coûts rôle d’informer le client sur ce qu’est réelliés aux services des différentes banques, à lement l’ESG », explique le chef du service l’échelle d’une place financière comme celle Private banking. « Il est important de faire de Luxembourg. Ils n’hésitent pas non plus la distinction entre les véritables produits à regarder ce qui se passe ailleurs, du côté qui répondent aux critères ESG et les prodes banques suisses, belges, françaises, etc. », duits purement green. Il ne faut pas hésiexplique Sandrine De Vuyst. Cette sensibilité ter à regarder derrière les labels : ce n’est aux frais a incité certains clients à se détour- pas parce qu’on retrouve la mention ‘green’ ner de fonds d’investissement spécialisés pour que cela l’est toujours », ajoute Fred Kutten. investir dans des produits associés à des trackers (des produits qui répliquent des indices, L’IMPACT INVESTING, LA FUTURE TENDANCE ndlr) beaucoup moins chers. « Cette gestion Et si la réponse à cette problématique de passive gagne vraiment du terrain sur la ges- transparence était l’impact investing ? Pour tion active depuis quelques années, principa- Laurent Simeoni, le head of portfolio manalement auprès des clients plus regardants sur gement chez ING, il s’agit en effet d’une piste la structure des coûts, qui ne cherchent pas concrète. « On parle d’investissement soudes approches personnalisées. Si les banques tenable. L’idée n’est pas d’entrer dans une doivent tenir compte de cette tendance, il est logique exclusive, où il y aurait de bonnes ou essentiel de ne pas tomber dans le piège d’une de mauvaises sociétés, mais de soutenir les

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efforts des uns et des autres en faveur d’une transition, pour générer des impacts positifs pour la société et l’environnement. Dans ce contexte, un organisme indépendant va aller mesurer l’impact réel de l’investissement. Cela demande encore la mise en place d’un cadre réglementaire, de certains contrôles et de certaines mesures, mais c’est l’évolution de l’investissement vert. Et je pense que cela pourrait être l’une des prochaines grandes tendances en matière d’investissement dans la banque privée. » Reste à voir si l’écologie restera un enjeu important aux yeux de la clientèle banque privée au sortir de la crise du coronavirus… Art, immobilier ou encore achat de forêts, les possibilités d’investissement sont de plus en plus nombreuses. Les banquiers privés ont donc la lourde tâche de devoir rester à l’affût des derniers produits qui émergent sur le marché et des meilleures opportunités pour leurs clients. « On arrive à suivre la diversité des produits parce qu’on se fixe des limites, assure Sandrine De Vuyst. Bien que l’équipe soit très polyvalente, nous développons des spécialisations dans des domaines bien particuliers. Certains experts seront axés sur les actions, d’autres sur de l’alternatif ou de l’immobilier. Cela nous permet de faire une certaine veille sur le marché et d’être toujours au fait de l’actualité. » L’une des règles d’or du métier reste que, pour un bon investissement, il faut pouvoir maîtriser les produits que l’on propose.  A. B.

POURQUOI NE PAS INVESTIR DANS L’ART ? Lorsque les marchés financiers vacillent, les particuliers fortunés ont tendance à se tourner vers des actifs alternatifs, comme les métaux précieux ou l’immobilier. Certains optent pour l’art, un secteur qui a littéralement explosé au Luxembourg en 2008, après la crise financière. Plusieurs établissements bancaires de la Place ont lancé des véhicules spécialement dédiés au business des œuvres d’art. Le port franc, ce coffre-fort géant servant à entreposer peintures et autres œuvres d’art précieuses, participe à faire du pays une Place attractive pour le marché. La crise sanitaire de 2020 pourrait, comme il y a 12 ans, accentuer cette tendance dans le futur.


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COMPÉTITION

Luxembourg-Suisse : je t’aime, moi non plus Centres financiers importants à l’échelle du monde, le Luxembourg et la Suisse se positionnent davantage comme complémentaires plutôt que concurrents. Analyse.

laces reconnues, le Luxembourg et P la Suisse attirent un grand nombre de particuliers détenant un patrimoine impor-

de francs suisses (3.477,15 milliards d’euros, ndlr). « S’il est difficile de savoir si ces deux montants englobent exactement le même tant. Si les deux pays accueillent ainsi des périmètre, on voit tout de même qu’on n’est banques privées sur leur territoire, com- pas dans le même ordre de grandeur », comment se positionnent-ils chacun et l’un envers mente Emilie Serrurier-Hoël, head of wealth l’autre sur ce secteur ? management au sein de la Banque internationale à Luxembourg.

PAS ENCORE DANS LA MÊME COUR

Côté ranking, la Suisse, avec Zurich en tête de mire, est encore bien loin devant le Luxembourg. « Selon le dernier rapport du Boston Consulting Group, le montant de la richesse détenue à l’étranger totalisait 8,7 billions de dollars dans le monde en 2018, dont 2,3 billions de dollars en Suisse, ce qui en fait, avec plus d’un quart des parts de marché, le plus grand centre du monde », analyse Heinrich Baer, country head d’UBS au Luxembourg. Avec « seulement » 0,3 billion de dollars et 3,5 % du marché, le Grand-Duché n’est pas près de rattraper le géant helvétique mais pointe ­néanmoins en 7e position de ce classement. De la même manière, les actifs sous gestion sont beaucoup moins importants au Grand-Duché qu’en Suisse. Selon l’ABBL, les actifs gérés par le secteur de la banque privée au Luxembourg atteignaient 395 milliards d’euros au 31 décembre 2018, tandis qu’en Suisse, d’après l’Association suisse des banquiers, ces chiffres grimpaient à 3.700 milliards 62 —

Lorsqu’ils recherchent un service de private banking en Europe, pour diversifier leurs placements et les risques, les clients internationaux se tournent instinctivement vers la Suisse, qui bénéficie d’une renommée mondiale dans ce secteur. Pour autant, le Luxembourg ne fait pas pâle figure et possède aussi des avantages certains pour attirer la clientèle de la banque UN HÉRITAGE DE PLUSIEURS DÉCENNIES privée. « Nous disposons d’une riche boîte à Ce qui explique cette prédominance de outils, estime Emilie Serrurier-Hoël. Grâce la Suisse, c’est sans aucun doute sa longue tra- à notre très bon positionnement dans l’indition dans la banque privée. « La Suisse est dustrie des fonds, nous pouvons offrir à ces le leader mondial. Cette position, le pays l’a clients une structuration patrimoniale intébâtie sur une industrie financière à spectre ressante, ce qui permet de faire la différence complet », souligne Heinrich Baer. Parallè- par rapport à d’autres Places en Europe. » lement, « la qualité du service apporté au client a toujours été très élevée en Suisse, DES PAYS AUX FORTS ATOUTS reconnaît Emilie Serrurier-Hoël. Or, dans Si le Luxembourg et la Suisse se distinguent le métier du private banking, le relationnel sur plusieurs points, ils se rejoignent aussi garde une importance primordiale, et est sur d’autres aspects. « Tous deux servent en valorisé encore aujourd’hui de manière signi- grande partie une clientèle étrangère, plus ficative par les clients. » que locale, constate Emilie Serrurier-Hoël. Dans ce contexte, les deux Places attirent Ces clients veulent positionner leurs avoirs dans une clientèle légèrement différente. « Le des pays sûrs, qui se portent très bien. À cet Luxembourg s’est longtemps focalisé sur égard, les deux États peuvent être comparés. » une clientèle européenne, et c’est toujours Ils jouissent en effet d’une stabilité polile cas aujourd’hui : 84 % des actifs sous ges- tique et économique assez impressionnante tion proviennent d’Europe, analyse la head au regard de l’ensemble du monde, particuof wealth management de la BIL. En Suisse, lièrement recherchée par ces clients fortunés. par contre, la clientèle est plus internationale. » En outre, « Suisse et Luxembourg disposent

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d’une réglementation compétente, proposent des régimes fiscaux concurrentiels et s’appuient sur une main-d’œuvre hautement qualifiée », ajoute le country head d’UBS au Luxembourg. Enfin, ils sont entrelacés dans le tissu financier international et offrent un environnement multiculturel appréciable. « Dans chacun des deux pays, et contrairement à la plupart des autres centres financiers dans le monde, on peut être accueilli dans n’importe quelle langue, ce qui a son importance quand on sert des clients fortunés », poursuit Emilie Serrurier-Hoël.

HISTOIRE DE PÂTISSERIE

CHASSÉ-CROISÉ Des banques privées suisses au Luxembourg Bank Julius Baer Europe SA B anque de commerce et de placements SA Luxembourg Branch Credit Suisse (Luxembourg) SA C redit Suisse AG, Luxembourg Branch Edmond de Rothschild (Europe) EFG Bank (Luxembourg) SA Hapoalim (Switzerland) Ltd. Lombard Odier (Europe) SA Mirabaud & Cie (Europe) SA Pictet & Cie (Europe) SA UBS Europe SE Union bancaire privée (Europe) SA Des banques privées luxembourgeoises en Suisse Banque Havilland (Suisse) SA Banque internationale à Luxembourg (Suisse) SA Quilvest Switzerland Ltd. Quintet Luxembourg Private Bank

ILLUSTRATION Ellen Withersova

Les banques privées n’hésitent pas à mettre un pied dans l’un et l’autre centre financier. La présence de la BIL en Suisse, par exemple, remonte à 1985. « Nous avons vite compris que les deux Places pouvaient très bien f­ onctionner ensemble, confie Emilie ­Serrurier-Hoël. En étant présent en Suisse, notre volonté est de parvenir à diversifier notre clientèle et à attirer davantage de clients provenant du Moyen-Orient, de Chine, de Russie ou des pays de l’Est. C’est pour cette raison que nous accordons à Genève et Zurich un rôle essentiel dans notre stratégie de développement, même si, bien sûr, nous restons un acteur de petite taille en Suisse. »

Pour une banque suisse aussi, le Luxembourg se révèle attractif, essentiellement grâce à l’accès qu’il offre au marché européen. « Les clients ayant des besoins complexes apprécient de pouvoir s’appuyer sur UBS en tant qu’acteur présent dans tous les grands centres financiers du monde, dont le Luxembourg, souligne Heinrich Baer. Le Grand-Duché dispose en effet d’importants privilèges de passeport dans l’Union européenne. En étant sur le sol luxembourgeois, nous pouvons répondre aux besoins de nos clients qui souhaitent réaliser leurs opérations de banque privée ici, dans la zone euro. » Les deux pays travaillent main dans la main, se défient. Les talents vont et viennent d’un à l’autre, les clients apprécient de pouvoir compter sur les deux Places. « Saviez-vous que la pâtisserie traditionnelle de Zurich, appelée le ‘ Luxemburgerli ’, doit son nom à un chef pâtissier luxembourgeois qui travaillait au sein du célèbre établissement Sprüngli de la ville dans les années 1950 ? Si Zurich a adopté la recette de ces délicieux macarons, elle en a donné le crédit au Luxembourg. Comme une métaphore, cette histoire traduit les liens forts et les interactions qui existent entre les deux pays dans le secteur financier », conclut Heinrich Baer.  J. R.

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RÉMUNÉRATIONS

Des salaires en hausse constante La banque privée est réputée pour être un secteur où l’on gagne bien sa vie. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ?

AVANTAGES EN NATURE ET FLEXIBILITÉ

zone géographique précise », poursuit Raphaël Cohen, associate consultant du même cabinet. Les employeurs souhaitent recruter des particulièrement avantageux. banquiers capables de ramener rapidement des contrats. « Ils exigent des garanties, BANQUIER PRIVÉ, UN MÉTIER ATTRACTIF un business plan solide, poursuit Raphaël La fonction la plus intéressante est sans Cohen. Il n’est pas rare que les banques priconteste celle de banquier privé. « Il s’agit vées demandent d’arriver avec un book de de la force commerciale, celle qui est la plus 200 millions d’actifs sous gestion. » génératrice de revenus et qui, donc, est la Un banquier privé disposant de cinq à mieux payée », commente Aurélie Abarnou, six ans d’expérience opérationnelle touche senior associate au sein de Michael Page ainsi entre 100.000 et 110.000 euros brut Luxembourg. « Ces profils sont très diffi- par an, auxquels il faut ajouter la mise à ciles à recruter, car les banques privées sont disposition d’une voiture et des bonus, à aujourd’hui à la recherche de personnes dis- savoir un pourcentage calculé sur les monposant de compétences spécifiques, sur une tants qu’il rapporte à la banque. « P our les

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ILLUSTRATION Ellen Withersova

e secteur bancaire est l’un des mieux rémuLprivée, nérés au Luxembourg. Dans la banque notamment, les salaires se révèlent

Au-delà de la rémunération, la banque privée offre à ses collaborateurs des primes de fidélité, des jours de congé supplémentaires, conformément à la convention bancaire. Dans la plupart des cas, sont aussi octroyés des tickets-­ restaurants ou l’accès à une cantine, une assurance complémentaire, un plan de pension, une participation aux frais de déplacement, un abonnement aux transports en commun ou une voiture de leasing. De plus en plus de banques privées proposent également un service de conciergerie pour faciliter le quotidien de leurs collaborateurs. Enfin, dernier atout, et non le moindre aux yeux des candidats : des horaires souples et la possibilité de faire du télétravail.


personnes qui bénéficient d’une expérience de plus de 10 ans, les salaires peuvent monter très haut, ajoute Aurélie Abarnou. Ça fonctionne au cas par cas, mais en moyenne, ces personnes gagnent entre 160.000 et 250.000 euros de package. » Pour les banquiers privés qui débutent, le salaire tourne autour des 55.000-60.000 euros, mais ces profils juniors sont de moins en moins recherchés au Luxembourg.

DES FONCTIONS EN PASSE DE DÉPASSER LE BANQUIER PRIVÉ

Face au poids réglementaire de plus en plus lourd, les banques privées recrutent tout un arsenal de collaborateurs dans le middle-office. En première ligne de défense, on retrouve les fonctions de compliance. « Ces personnes, qui disposent d’un profil juridique, le plus souvent, s’occupent d’analyser la réglementation et de l’implanter en interne. Elles sont aussi chargées de l’onboarding des clients », explique Aurélie Abarnou. Il s’agit de postes relativement récents, dont l’importance est de plus en plus grande depuis une dizaine d’années. Dans ce domaine, un profil junior, avec une expérience de un à trois ans, gagne déjà entre 45.000 et 55.000 euros par an. « Ces profils prennent en charge le travail opérationnel et administratif lié à leur activité, plus que la mise en place de processus au sein de la banque privée, souligne la senior associate de Michael Page. Les profils plus transversaux, qui peuvent s’appuyer sur une expérience de cinq à huit ans, touchent quant à eux entre 60.000 et 90.000 euros, car la technicité de leur métier et les enjeux de leur travail sont plus importants. » Tout en haut de la pyramide, on retrouve le chief compliance officer (CCO), agréé par la CSSF. Possédant une expérience minimale de 10 ans dans le domaine, le CCO touche entre 110.000 et 160.000 euros brut par an (hors avantages), en fonction de la taille de la banque privée et de l’équipe qu’il est amené à gérer. Autre département du middle-office : le risque. « Ces personnes implémentent des contrôles pour vérifier que la réglementation est bien appliquée en interne. Bien souvent, on retrouve à ces postes des anciens consultants de Big Four », indique Raphaël Cohen. Ici, les profils juniors gagnent entre 45.000 et 55.000 euros, et les profils intermédiaires, entre 60.000 et 85.000 euros. Également agréé par la CSSF, le chief risk officer (CRO) reçoit une enveloppe similaire à celle du CCO : entre 110.000 et 150.000 euros, avec voiture et bonus en sus. Le troisième niveau de contrôle concerne l’audit interne. En charge de contrôler les processus mis en place au sein des différents départements de la banque privée, les auditeurs sont

les garants d’une bonne organisation interne et ils formulent des recommandations pour l’améliorer. Dans ce domaine, les salaires sont équivalents à ceux pratiqués dans le risque, et de la même manière, le chief internal auditor (CIA) est agréé par la CSSF. « En tant que personnes agréées par la CSSF, les CCO, CRO et CIA sont engagés de manière juridique, précise l’associate consultant de Michael Page. Il est donc logique qu’ils reçoivent, à travers une rémunération plus importante, une sorte de prime de risque. »

UN MARCHÉ DE L’EMPLOI QUI SE TEND

On le voit, le niveau de rémunération fixe dans les départements réglementaires se rapproche petit à petit de celui en vigueur pour le banquier privé. Une situation qui s’explique par l’importance grandissante de la mise en conformité. « Les banques privées ont besoin de ces fonctions réglementaires pour fonctionner. Et alors que les marges de la banque privée se sont réduites, la mise en conformité est devenue un enjeu stratégique. Si elle est appliquée correctement, elle peut devenir source de valeur ajoutée et ouvrir de nouvelles opportunités de business, analyse Raphaël Cohen. Dans cette optique, les banquiers privés ne sont plus les seuls à rapporter de l’argent… » Parallèlement, « les banques veulent des candidats polyvalents, qui connaissent la réglementation locale. Or, elles sont de moins en moins nombreuses à former de jeunes collaborateurs », constate Raphaël Cohen. Le marché luxembourgeois se tend, les salaires grimpent très vite. « La rémunération est 15 à 20 % plus élevée que dans les autres pays d’Europe. Elle atteint des niveaux similaires à ceux de Londres et Genève, poursuit-il. Si les banques ne s’adaptent pas aux évolutions salariales, elles prennent le risque de se faire débaucher leurs talents… »

JURIDIQUE ET COMPTABILITÉ NE SONT PAS EN RESTE

Dans une banque privée, on trouve aussi toujours un département juridique qui, dans ce même contexte, prend lui aussi de plus en plus d’importance. « La demande pour ces profils progresse rapidement, et la rémunération peut vite flamber », confie Raphaël Cohen. Dans ce cas, les banques privées sont à la recherche de collaborateurs disposant de quatre à cinq ans d’expérience, capables d’être tout de suite opérationnels. Ceux-là pourront toucher entre 80.000 et 90.000 euros. Les profils seniors peuvent quant à eux compter sur un salaire situé entre 90.000 et 125.000 euros, quand le directeur juridique se verra octroyer de 125.000 à 180.000 euros, une rémunération à la hauteur de celle pratiquée dans les cabinets d’avocats.

PAS D’EFFET CORONAVIRUS La pandémie du coronavirus ne devrait pas affecter les niveaux de salaires dans la banque privée au Luxembourg. Si l’on manque encore de recul pour dire comment ceux-ci vont évoluer dans les prochains mois, il est certain que le marché grand-ducal ne va pas se réinventer et que ses besoins opérationnels ne diminueront pas du jour au lendemain. Face à la situation Covid-19, le secteur bancaire et financier semble avoir très bien résisté. Les cabinets de recrutement le constatent : la période de confinement n’a pas empêché le recrutement de nouveaux colla­ borateurs dans la banque privée, les offres d’emploi continuent à être diffusées, et les candidats à répondre à l’appel. Les banques privées au Luxembourg sont donc toujours à la recherche de profils spécialisés, tandis que la réserve de talents, elle, ne grandit pas. La demande étant plus importante que l’offre, les salaires ne devraient pas faiblir…

De la même manière, les fonctions liées au département comptabilité et finance se voient de mieux en mieux valorisées. Les salaires varient entre 40.000 et 55.000 euros pour un junior, 60.000 et 80.000 euros pour un profil intermédiaire, et 90.000 et 120.000 euros pour un senior. Le chief financial officer (CFO), quant à lui, se voit attribuer entre 110.000 et 150.000 euros, avec voiture et bonus, un salaire qui évolue également selon la taille de la banque privée.

LE BACK-OFFICE, DES DIFFICULTÉS À SE RENOUVELER

Enfin, on trouve le back-office, qui a longtemps fait tourner l’industrie luxembourgeoise. « Dans cette branche, toutefois, les fonctions sont désormais de plus en plus automatisées, digitalisées et souvent délocalisées. Les métiers tendent à disparaître, le volume d’effectifs se réduit. Les recrutements sont donc peu nombreux », estime Aurélie Abarnou. La rémunération pour un profil disposant de quelques années d’expérience oscille entre 50.000 et 55.000 euros par an, un senior pourra quant à lui pousser jusqu’à 65.000 euros. Si ces salaires sont moins élevés que ceux pratiqués dans les autres départements de la banque privée, ils n’en restent pas moins attrayants…  J. R.

Juillet / Août 2020 — Private banking —

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FORECAST

Des affaires à faire après la crise ? Avec une pandémie mondiale qui a touché tous les secteurs, comment investir après cette crise sanitaire ? Reste-t-il des affaires à faire ? Trois experts de la banque privée livrent leurs conseils pour investir intelligemment en cette année.

« L’Asie restera le moteur de la croissance mondiale pour longtemps»

Bertrand Schumacher Discretionary portfolio manager ING Luxembourg

B. S. : La crise sanitaire du coronavirus aura

eu de multiples répercussions dans nos vies quotidiennes, mais également sur les marchés financiers… Entre mi-mars et fin mai, les bourses mondiales ont connu des mouvements d’une violence historique à la baisse et plus récemment à la hausse. La pandémie actuelle va avoir des répercussions durables en matière d’investissements. En effet, les valorisations des différentes classes d’actifs ont été violemment « déformées ». Pour l’investisseur particulier, de la même manière que pour l’investisseur professionnel, il s’agit de prendre un peu de recul et vérifier la diversification de ses investissements, ainsi que les risques associés. Afin de saisir les opportunités, dans les secteurs d’avenir qui bénéficient de tendances structurelles, tout investisseur restera donc vigilant à la valorisation relative des actifs et à la liquidité de ses placements. 66 —

Frédéric Rollin Senior investment adviser Pictet Asset Management

F. R. : Oui, mais la croissance européenne est

engluée pour longtemps. Il faudra chercher ailleurs. L’Asie restera le moteur de la croissance mondiale pour longtemps. Ses succès éclatants dans la 5G et l’intelligence artificielle en attestent. Les performances des actions devraient suivre, d’autant que les valorisations sont encore modestes. Les entreprises mondiales du digital restent attrayantes. Le télétravail se généralise et les géants du cloud vont voir la demande accélérer. Le commerce électronique et les jeux en ligne ont fait de grosses avancées. Enfin, les opérateurs télécoms vont bénéficier d’une augmentation des connexions. Les énergies propres, innovantes et enfin compétitives bénéficieront de coûts de financement peu élevés, de la sympathie du public et du soutien des politiques, désormais avertis des désastres économiques que peut provoquer notre empreinte sur la nature.

­— Private banking — Juillet / Août 2020

« L’immobilier devrait profiter de cette situation » Ilario Attasi Head of group investment research Quintet Private Bank

I. A. : Le remède économique à la crise engen-

drée par l’épidémie de Covid-19 ne sera pas de ressusciter l’économie d’hier, mais de consolider et d’étendre le succès de certains des gagnants d’aujourd’hui ; de redonner des outils aux entreprises en difficulté et de financer les nouveaux venus. Selon nous, les sociétés qui ont été capables de préserver leur position durant la crise sauront consolider leur avantage compétitif et être des moteurs d’innovation. Les segments de la technologie et de la pharmacie nous semblent les mieux positionnés au sein des marchés d’actions. Dans ce contexte de liquidités abondantes, on pourrait imaginer qu’un retour de l’inflation est envisageable. Les obligations liées à l’inflation devraient avoir la faveur des investisseurs dans une période où les attentes restent basses. L’immobilier devrait profiter de cette situation.

PHOTOS ING Luxembourg, Pictet Asset Management et Romain Gamba (Maison Moderne)

« Prendre un peu de recul et vérifier la diversification de ses investissements »


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efginternational.com EFG International’s global private banking network operates in around 40 locations worldwide, including Zurich, Geneva, Lugano, London, Madrid, Milan, Monaco, Luxembourg, Hong Kong, Singapore, Sydney, Miami, Bogotå and Montevideo. In Luxembourg, EFG Bank (Luxembourg) S.A., 56, Grand-Rue P.O. Box 385 - L-2013 Luxembourg, T +352 26 454 1.


DANIELLE GOEDERT

Banque de Luxembourg, société anonyme – 14, boulevard Royal – L-2449 Luxembourg – R.C.S. B5310

RESPONSABLE BANQUE PRIVEE LUXEMBOURG

“ Vos proches, votre histoire, votre patrimoine. Ce qui compte pour vous, compte pour nous.” Pour vivre sereinement et entreprendre votre avenir, la Banque de Luxembourg vous accompagne dans la gestion et la préservation de votre patrimoine, en portant attention à tout ce et ceux qui vous sont chers. Depuis 100 ans, c’est une autre vision du patrimoine que nous faisons prospérer.

Tél. : 48 14 14 • www.banquedeluxembourg.com


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