Paperjam juin 2021

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1 Interview

Cela fait un peu plus d’un an que le Luxembourg a été le premier pays au monde à introduire la gratuité des transports en commun. Quel premier bilan en tirez-vous ? Le bilan est positif, malgré le fait qu’avec le confinement et le télétravail, tout ne tourne pas encore à 100 %. Juste avant le confinement de mars, les chiffres sont montés en flèche, on a eu des records au niveau de la fréquentation du tram entre le 1er mars et le 10 mars, à 32.000 passagers par jour. Ensuite, cela a chuté à 2.000 par jour pendant le confinement, et puis c’est remonté petit à petit, avec des chiffres aux alentours de 30.000 usagers en septembre. Maintenant, nous sommes à des pics journaliers de 45.000 passagers. Évidemment, l’ouverture du prolongement vers la gare (le 13 décembre, ndlr) a joué un rôle. Monsieur Von der Marck (le directeur de Luxtram, ndlr) m’a dit qu’il estime que, dès que le télétravail sera à nouveau terminé – disons à l’automne –, on arrivera à la fin de l’année à 80.000 passagers par jour. Vous tirez un bilan positif. Mais, selon le Statec, six résidents sur dix utilisent la voiture pour se rendre au travail. C’est trois fois plus que ceux qui utilisent les transports en commun…

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Oui, mais c’est justement le but de notre stratégie : arriver à un split modal plus élevé, avec 20 % de personnes en plus dans les transports publics en 2025. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’on avait un retard énorme : pendant des décennies, le Luxembourg était fixé sur la voiture individuelle, avec le plus grand parc automobile individuel au monde, à côté du Qatar. On est dans un pays où la règle d’or était, comme Robert Goebbels (LSAP) le disait dans le temps : « La voiture est l’enfant chéri des Luxembourgeois ». On a prêché cela pendant des dizaines d’années. Il ne faut dès lors pas s’étonner qu’on soit seulement à 20 %. Mais on constate une tendance croissante. Quand vous regardez les chiffres des CFL – +75 % de voyageurs en 15 ans –, c’est énorme ! On a la plus forte croissance de toute l’UE pour l’utilisation des trains. Et, avec les investissements que l’on fait, je suis confiant quant au fait que ça continue. Avez-vous une ville ou un pays modèle en matière de mobilité ? Certaines villes agissent très bien depuis longtemps : Zurich est le bon élève, vous avez le bon modal split inversé, avec 60 % de mobilité douce et 40 % seulement de voitures. C’est la Suisse qui est vraiment championne dans ce domaine. Je pense aussi à Vienne, Copenhague, des villes outre-Atlantique, comme Vancouver ou M ­ ontréal,

En tant que capitale, Luxembourg semble être à la traîne en matière d’offre de mobilité alternative, comme les trottinettes en libre-service et les véhicules Uber. Pourquoi ? D’abord, quand vous voulez introduire quelque chose comme les trottinettes, il faut éviter les conflits avec les piétons. Actuellement, l’infrastructure cycliste n’est pas encore à la hauteur au Luxembourg en général, mais

RÉPARTITION DES INFRASTRUCTURES DE MOBILITÉ AU LUXEMBOURG Données exprimées en kilomètres.

Autres routes 5.900

6.000

5.000

4.000

3.000

2.000

1.000

0

Réseau tram en service 8

Réseau cyclable national 632 Chemins repris 1.891 Nationales 839

Autoroutes 165

Voies ferrées 271

Ministère de la Mobilité / Portail Transports

François Bausch, ministre déi Gréng de la Mobilité, admet les retards du Lux­embourg en matière de mobilité douce mais se montre confiant : en offrant davantage de solutions aux usagers, le mix multimodal devrait gagner du terrain.

Pourrait-on imaginer un péage urbain à Luxembourg-ville ? Ça dépend. Comme je le dis toujours, le système du bâton et de la carotte, c’est bien, mais il faut d’abord qu’il y ait une carotte. Je suis contre le fait de pénaliser les gens sans proposer d’alternative. Si, un jour, au Luxembourg, on a accompli tous ces investissements et que l’on a un système de transports en commun hypermoderne, hyperperformant, avec de superbes pistes cyclables, et que l’on constate qu’il y a trop de gens qui n’utilisent pas le système, alors, oui, peut-être qu’il faudra introduire aussi un système de péage. Mais il faut d’abord créer des alternatives. Je ne peux pas conseiller à quelqu’un de prendre moins la voiture s’il n’a pas d’alternative. Je ne peux pas dire à quelqu’un de prendre le vélo s’il y a un danger mortel de circuler à vélo.

Source

« Je ne suis pas un fétichiste du tram ou du train »

qui fait beaucoup de choses pour les pistes cyclables et les transports en commun. Ou même en Asie, une ville comme Singapour, qui a un service de mobilité hyperperformant. Il n’y a pas d’embouteillages, parce qu’il y a un système de péage qui fait que ça coûte très cher d’entrer en ville. Et, surtout, ils ont des pistes cyclables géniales, des transports en commun hypermodernes.


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