Paperjam plus - Private Banking

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Private banking

SANDRINE DE VUYST ET EMILIE SERRURIER-HOËL

NICOLAS MACKEL

« Convaincre de l’attrait du Luxembourg »

KRIS DE SOUTER

« Une jeune génération davantage engagée sur la voie de la durabilité »

GEOFFREY DEZOPPY

« Les clients attendent une expérience numérique homogène »

JACQUES GRAAS

« C’est principalement la relation client et ses actifs qui sont valorisés »

AVRIL 2023
« Le réglementaire reste au cœur de nos préoccupations »
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Édito #Intempéries

Un sentiment de déjà-vu

Même les banques centrales, avec leurs pluies de hausse des taux d’intérêt, ne peuvent pas éteindre tous les incendies… L’inflation se maintient à des sphères encore éthérées et le voile d’une récession en Europe n’est pas encore dissipé. Il ne faudrait en revanche pas que ces pluies se transforment en tempête tropicale. Le marché plat de l’immobilier dans plusieurs zones européennes et la faillite de Silicon Valley Bank (SVB) aux États-Unis, qui sont en partie des dommages collatéraux des taux hauts, nous rappellent que l’action monétaire s’avère une arme à double tranchant, à manier avec précision et intelligence.

Dans un environnement planétaire caractérisé par un enchaînement de polycrises, le système bancaire s’ajoute à la longue liste des systèmes complexes à surveiller de près. Aux États-Unis, le spectre d’un scénario de faillites bancaires en cascade ressurgit. En témoigne la volonté des 11 plus importantes banques américaines de sauver First Republic, la 14e plus grosse banque du pays, dont la valeur en bourse a chuté d’environ 80 % dans la foulée de la faillite de SVB. Côté européen, le regard outrecuidant porté outreAtlantique s’est rapidement dissipé au moment où UBS a annoncé absorber Credit Suisse pour 3 milliards de francs suisses. L’argument selon lequel les banques européennes de petite taille appliquent mieux les règles de Bâle que leurs consœurs américaines ne tient plus. Les banques de grande taille sont, elles aussi, vulnérables. Cette fois-ci, les retours d’expérience nous montreront si les réglementations ont manqué d’efficacité ou si la gouvernance a échoué en raison d’une approche « tick the box » de la conformité. En attendant, les banques de la Place se consolident, dans un contexte où la rentabilité d’une banque sur cinq reste encore à démontrer…

Auteur BENOÎT THEUNISSEN
Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxembourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619 natureO f ce com DE-261- YACEBD Please recycle. Vous avez fini de lire ce magazine ? Archivez-le, transmettez-le ou bien faites-le recycler !
AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 3
INNOVATIVE BANKING olympicbankingsystem.com

10 CLAUDE MEURISSE

« L’open banking, un levier d’innovation pour les banques privées »

14 EMILIE SERRURIER-HOËL ET SANDRINE DE VUYST

« Le réglementaire reste au cœur de nos préoccupations »

22 RADIOSCOPIE Le paysage de la banque privée au Luxembourg

56 LE BANQUIER PRIVÉ D’AUJOURD’HUI ?

Un développeur d’affaires chevronné

60 FABIO MANDORINO

« Le métier de banquier doit être mieux valorisé »

66 HISTOIRE

La success-story de la banque privée au Luxembourg –

68 FAMILY OFFICE Acteurs

Photos Romain Gamba p. 44 Geoffrey Dezoppy, managing director d’Avaloq Luxembourg, évoque la nécessité du passage au digital pour que les banques privées puissent optimiser leurs coûts. p. 14 Sandrine De Vuyst et Emilie Serrurier-Hoël, vice-présidentes du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL, abordent les enjeux chauds du moment du segment de la banque privée.
de la gestion de fortune : une concurrence saine
70 LUC RODESCH
« Private banking ou wealth management ? »
en banque privée sont trop souvent statiques » –
jeune génération davantage engagée sur la voie de la durabilité » 26 LA LISTE Les banques privées du Luxembourg membres du PBGL –
FRÉDÉRIC VONNER ET DIRK KRUSE
la thématique ESG plus tangible » –
PARTENARIAT Coopérer pour mieux lutter contre le blanchiment –
NICOLAS MACKEL
de l’attrait du Luxembourg » –
GEOFFREY DEZOPPY
clients attendent une expérience numérique homogène » –
JACQUES GRAAS
principalement la relation client et ses actifs qui sont valorisés » AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 5 Private banking Avril 2023
74 ANTHONY WOLF « Les apps
80 KRIS DE SOUTER « Une
30
« Rendre
34
36
« Convaincre
44
« Les
50
« C’est

Une croissance ininterrompue

Les actifs sous gestion dans la banque privée au Luxembourg connaissent une croissance ininterrompue depuis 2008, pour atteindre 599 milliards d’euros à la fin de l’année 2021 – soit une hausse de 12 % par an. Entre 2020 et 2021, la forte augmentation s’explique notamment par la très bonne performance des marchés en 2021.

Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE 600 2007 En milliards d’euros 500 400 300 200 100 0 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 271 225 262 303 351 395 508 * Sur 48 banques privées, seules 45 ont répondu. 599* 47,9 28 15,1 Source
Performance du marché Afflux net de nouveaux capitaux Non communiqué Évolution des actifs sous gestion dans la banque privée au Luxembourg Composantes de la croissance des actifs de 2020 à 2021 Private banking 6 PRIVATE BANKING AVRIL 2023 RADAR
Clarity on performance of Luxembourg private banks (ABBL-KPMG 2022)

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John O’Neill, managing director et global head of digital assets strategy, HSBC Global Banking & Markets chez HSBC, s’exprimait dans les colonnes de Delano en janvier 2023, après le lancement de l’obligation de la Banque européenne d’investissement (BEI), détenue sur la plateforme Orion de HSBC.

2 FAMILY OFFICE

Fondateur du bureau luxembourgeois de CBRE, Laurent Cooreman occupe le poste de directeur général de Belair House, la filiale de family office de la BIL, depuis le 13 mars.

3

Pour Hervé Thiard, directeur général de Pictet AM France, la gestion thématique puise son succès dans des changements structurels au-delà du cycle économique, déclarait-il en novembre dans Le Revenu

Fred Giuliani, responsable des technologies de l’information de Spuerkeess, partageait sa vision de l’open banking, le 21 février, dans Delano.

5 ÉTUDE

Le 17 janvier 2023, Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance (LFF), commentait l’étude L’état du secteur financier au Luxembourg: chiffres clés 2011-2021, réalisée par Deloitte à la demande de LFF. On y apprend que le segment de la banque privée a connu des marges de revenus en baisse de -2,9 % par an en l’espace de 10 ans.

Sélectionné par MARIE JACQUEMIN

Ristretto #Citations
Romain Gamba (archives), Simon Verjus (archives) et HSBC
« C’est une formidable opportunité de réunir capitaux, dettes, connaissance du secteur immobilier, réseau et expérience au sein d’une plateforme destinée à la préservation et à la croissance du patrimoine des clients. »
« La société luxembourgeoise bénéficie d’un certain nombre d’avantages découlant de la présence significative de nombreuses sociétés de services financiers. »
1 ACTIFS NUMÉRIQUES
« C’est passionnant de construire une activité digitale au Luxembourg. »
TENDANCES THÉMATIQUES
« Bien plus qu’une mode, la gestion thématique est une vague de fond. »
4 NOUVELLES PERSPECTIVES
« L’open banking va se développer. Et il ira au-delà de ce qui est imposé par la législation. »
8 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

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« L’open banking, un levier d’innovation pour les banques privées »

En s’inscrivant dans une approche ouverte de partage de leurs données avec des partenaires-clés, les banques privées peuvent explorer de nouvelles possibilités de création de valeur, comme nous l’explique Claude Meurisse, COO de LuxHub.

La deuxième directive européenne sur les services de paiement (PSD2), en 2015, facilitant l’accès aux données de comptes de paiement, a constitué une grande avancée en faveur de l’open banking. Dans quelle mesure les banques privées étaient-elles concernées par cela ?

Il est vrai que l’activité de banque privée n’apparaît pas comme la première concernée par la directive PSD2. Toutefois, ses acteurs, parce qu’ils mettent à disposition des comptes de paiement, ont dû se mettre en conformité. Ils ont notamment adapté leurs systèmes pour permettre l’échange d’informations avec des acteurs tiers autorisés grâce à des interfaces de programmation d’application (API). Certaines banques ont souhaité tirer un avantage de ce nouveau contexte, en offrant notamment la possibilité d’agréger les informations des divers comptes de paiement de leurs clients, pour leur offrir une vue complète sur leurs avoirs.

Les avoirs des clients ne se limitent cependant pas à ceux détenus sur les comptes de paiement… Oui, il y aurait un intérêt à élargir le périmètre d’accès aux données pour aller plus loin. Des projets réglementaires à venir, si l’on évoque par exemple l’open finance framework, vont dans ce sens. Cependant, certaines banques privées, dès aujourd’hui, envisagent la possibilité de partager les données et de les monétiser, sans attendre d’y être contraintes. Simplement car cela leur permet de répondre aux attentes désormais exprimées par une nouvelle génération de clients.

Ne sont-elles pas rétives au partage d’informations précieuses avec des concurrents ? Dans un contexte d’open banking, elles peuvent s’ouvrir en choisissant les partenaires avec

lesquels elles souhaitent travailler, en définissant clairement les données qu’elles désirent partager et, le cas échéant, les monétiser. Il y a, par exemple, une réelle opportunité pour elles à se rapprocher d’acteurs de la wealthtech, dans l’optique d’élargir leur offre de services. Ces acteurs spécialisés, dans une logique de partenariat, peuvent proposer des solutions innovantes de conseil en investissement, d’agrégation de comptes ou encore des outils de scoring ESG. Enfin, certains clients, notamment ceux s’appuyant sur des family offices, souhaitent pouvoir échanger l’information via des API.

Comment soutenez-vous les acteurs de la banque privée à travers leur démarche d’ouverture ?

PARTENARIAT

Il y a déjà plusieurs années de cela, a été conclu un partenariat avec le groupe suisse SIX. Celui-ci consiste à déployer une plateforme d’open banking, avec un premier use case OpenWealth, destiné à la communauté internationale de gestion de patrimoine.

Notre cœur de métier, au départ de notre plateforme, réside dans la gestion des API pour le compte de banques. Nous leur permettons d’exposer les données avec des tiers, selon leurs souhaits. Nous travaillons avec les banques privées pour identifier de nouveaux cas d’usage et envisager comment les mettre en œuvre. Dans cette optique, nous avons aussi développé une place de marché rassemblant des acteurs proposant des solutions innovantes qui répondent aux besoins des acteurs de la banque privée afin de faciliter la mise en relation.

10 PRIVATE BANKING AVRIL 2023 Ristretto #OpenBanking
Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE Photo ROMAIN GAMBA

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« Le réglementaire reste au cœur de nos préoccupations »

Emilie Serrurier-Hoël et Sandrine De Vuyst, vice-présidentes du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL, évoquent les enjeux du secteur, dans un contexte marqué par une hausse constante des coûts.

Interview QUENTIN DEUXANT
Photo ROMAIN GAMBA
14 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Sandrine De Vuyst, à gauche, et Emilie Serrurier-Hoël, à droite.

Conversation Emilie Serrurier-Hoël et Sandrine De Vuyst

Nous sortons d’une année difficile, marquée par des crises majeures. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine auront-elles un impact durable sur le secteur de la banque privée ?

Emilie Serrurier-Hoël (E. S.-H.) Au Luxembourg comme ailleurs, la crise économique consécutive à la guerre a eu un réel impact sur le marché, les actifs, et donc également la banque privée. Les conséquences pour les portefeuilles des clients ont toutefois varié en fonction de différents paramètres, notamment de leur appétence au risque. Les clients à la stratégie plus défensive ont ainsi peut-être souffert plus que d’autres, dans la mesure où le marché obligataire dans lequel ces clients étaient historiquement plus investis a également souffert en 2022 à cause de la hausse des taux d’intérêt, et ce de manière assez inédite. Sur l’ensemble des actifs-clés du marché, au niveau mondial, on peut chiffrer les pertes à hauteur de 8 à 10 %.

Comment la banque privée s’adapte-t-elle à cette situation ?

Comment conseiller correctement les clients dans ce contexte ?

Sandrine De Vuyst (S. D. V.) Le rôle du banquier privé, dans les moments de crise comme en période plus calme, est d’éduquer le client et de faire preuve de pédagogie à son égard. Si certains d’entre eux sont très bien entourés pour tout ce qui concerne la gestion financière de leurs avoirs, ce n’est pas une généralité. Certains clients ont vraiment besoin qu’on leur explique ce qui se passe et ce qui peut être fait pour limiter la casse.

E. S.-H. Les clients ont notamment montré un intérêt pour des produits de niche, qui peuvent servir de barrage contre l’inflation, comme des opportunités d’investissement dans l’infrastructure, ou des produits à capital garanti pour envisager les rendements futurs avec un peu plus de sérénité. Ceci étant dit, il s’agit d’actifs qui ne sont pas forcément accessibles à tout le monde non plus. Chaque situation est unique et demande une réponse personnalisée.

Au-delà de cette crise, la banque privée, comme l’ensemble du secteur

financier, est également confrontée à des évolutions réglementaires incessantes depuis plusieurs années. Quels sont les défis liés à cette réalité ?

S. D. V. Le réglementaire reste au cœur de nos préoccupations. Actuellement, l’agenda est surtout occupé par les réglementations de type ESG, comme SFDR et la dernière évolution de Mifid. Celles-ci requièrent la mise en place de nombreuses nouvelles procédures ; nous devons donc y consacrer un temps considérable et cela fait évidemment grimper les coûts liés à la compliance.

E. S.-H. Ces réglementations sont certes vertueuses, mais leur complexité peut finir par causer l’effet contraire de ce qui était recherché. En effet, alors que leur but premier est de protéger le consommateur, les réglementations finissent par rendre certains documents et certaines procédures difficilement lisibles et compréhensibles, même pour les professionnels. L’interprétation des réglementations prend en outre une importance considérable, et le rôle de l’ABBL, dans ce contexte, est de définir une ligne claire pour l’ensemble des acteurs de l’industrie afin de les aider à savoir ce qu’ils peuvent faire ou non, de leur recommander les bonnes pratiques.

En raison de la pression induite par les coûts de la compliance, les mouvements de consolidation auxquels nous assistons depuis plusieurs années au Luxembourg risquent-ils de se poursuivre ?

E. S.-H. Même si l’évolution des actifs sous gestion dans les banques privées luxembourgeoises est en hausse constante depuis la crise financière de 2008 (599 milliards d’euros en 2021 contre 225 milliards d’euros en 2008), le nombre d’acteurs a beaucoup diminué. Et, selon les dernières statistiques de l’ABBL, une banque sur cinq n’est pas profitable. La consolidation va se poursuivre, ou prendre d’autres formes, comme une limitation des embauches. Il faut ajouter aux coûts de la compliance la pression qui pèse sur les marges, les clients étant de plus en plus attentifs à ce qu’ils paient pour les services d’une banque privée.

S. D. V. La tendance à la consolidation n’est toutefois pas aussi rapide que prévu,

CROISSANCE

Les actifs sous gestion des banques privées présentes au Luxembourg ont grimpé de près de 18 % entre 2020 et 2021, ressort-il de l’analyse menée par l’ABBL et KPMG, sur la base de données de la CSSF. Rien qu’entre 2007 et 2021, le volume d’actifs sous gestion est passé de 271 milliards d’euros à 599 milliards d’euros. Soit une croissance discontinue pendant 13 ans qui s’est accélérée au cours des quatre dernières années, fortement influencée par le Brexit.

« Une banque sur cinq n’est pas profitable. »
EMILIE SERRURIER-HOËL Vice-présidente du Private Banking Group ABBL
16 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

OUTLOOK 2023

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et elle dépend d’un certain nombre de paramètres, dont le type de business dans lequel chaque structure est active. En 2021, selon l’étude menée conjointement par l’ABBL et KPMG (Private Banking Report), ce sont six banques privées qui ont été acquises, qui ont fusionné ou ont été liquidées. Alors que Luxembourg comptait encore 66 banques privées en 2015, on n’en compte désormais plus que 48. Les choix stratégiques effectués peuvent avoir un impact sur ce phénomène, tout comme la taille de chaque société : une certaine masse critique est indispensable pour faire face à ces coûts, à moins que le business model soit très simple, concentré sur un certain type d’investissement ou de marché. On voit toutefois que c’est le développement de la réglementation qui est majoritairement responsable de ce phénomène de consolidation, car il touche aussi les autres sociétés soumises à la réglementation, comme les ManCo ou les external asset managers, par exemple.

La digitalisation est aussi un enjeu-clé pour les acteurs du secteur financier. À ce niveau, la banque privée semble parfois avoir eu un temps de retard. Qu’en est-il aujourd’hui ?

E. S.-H. Tout le secteur va vers une digitalisation accrue, que ce soit au niveau de ce que l’on voit – la relation avec le client –ou de ce que l’on ne voit pas – le backoffice. Par contre, il est clair que la demande de notre clientèle pour des solutions digitales, bien que réelle, reste toutefois moins élevée que celle qui s’exprime au niveau des banques de détail, où à peu près tout peut se faire désormais en ligne. Cela se traduit de façon très simple : les clients de la banque privée accordent encore une importance prépondérante à la relation humaine, aux interactions avec leur banquier. On voit toutefois se développer l’utilisation d’outils d’aide à la décision ou de solutions permettant de faciliter certaines procédures simples (signature électronique, échanges sécurisés de documents…). Au-delà des évolutions au niveau de l’interaction avec le client, il est également essentiel d’automatiser une série de tâches au niveau du middle-office et du back-office, afin de gagner en compétitivité.

N’y a-t-il pas un risque de voir certains pure players, qui proposent d’investir facilement en ligne, capter une partie de la clientèle des banques privées ? La banque privée doit-elle également permettre d’investir dans des actifs plus controversés mais proposés par ces plateformes, comme les cryptomonnaies ?

S. D. V. À ce stade, nous ne considérons pas ces plateformes de placement en ligne comme de véritables concurrents. Certains autres développements digitaux qui existent depuis longtemps et étaient considérés comme l’avenir de nos métiers –je pense par exemple aux robo-advisors –n’ont pas toujours eu le succès espéré. Beaucoup de ces acteurs ont d’ailleurs aujourd’hui disparu. Il y a certainement des choses intéressantes à intégrer, mais il ne faut pas aller, dès à présent, vers le tout-digital. Les clients de la banque privée valorisent toujours les relations humaines plutôt que le digital.

E. S.-H. Quant aux cryptomonnaies, je pense qu’il est indispensable d’attendre une réglementation sur le sujet, afin de

« Le Luxembourg apporte une réelle plus-value au niveau de l’expertise pour appréhender les problématiques transfrontalières.
»
SANDRINE DE VUYST Vice-présidente du Private Banking Group ABBL NOMBRE DE BANQUES PRIVÉES AU LUXEMBOURG
2015
Source Clarity on performance of Luxembourg private banks (ABBL-KPMG 2022)
Conversation Emilie Serrurier-Hoël et Sandrine De Vuyst
18 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
2016 2017 2018 2019 2020 2021 0 10 20 30 40 50 60 70 Large (> 20 milliards
Petit (< 5
Triées
45 16 5 5 5 19 39 38 21 31 29 29 21 6 8 8 8 20 17 17 19
d’euros)
Moyen (entre 5 milliards d’euros et 20 milliards d’euros)
milliards d’euros)
par taille des actifs sous gestion
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Conversation Emilie Serrurier-Hoël et Sandrine De Vuyst

donner plus de garanties à nos clients. L’arrivée prochaine de réglementations européennes comme celle des Markets in Crypto-Assets (Mica) devrait permettre de mieux sécuriser les investissements dans ces actifs. Par ailleurs, la mise au point d’une cryptomonnaie européenne régulée devrait aussi rendre plus attractif l’investissement dans les cryptos.

Au-delà de la concurrence des acteurs digitaux, quels sont aujourd’hui les principaux pays concurrents du Luxembourg en matière de banque privée ? Comment le pays se distingue-t-il encore vis-à-vis de ces places ?

E. S.-H. Les concurrents les plus sérieux du Luxembourg en matière de banque privée restent la Suisse, pour tout ce qui concerne l’asset management, et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni. Le Luxembourg a toutefois ses spécificités qui font du pays un incontournable, particulièrement pour les clients européens. Selon l’étude annuelle ABBL/ KPMG 2021, 86 % de l’ensemble des actifs sous gestion dans des banques privées européennes sont issus d’Europe. Malgré leurs atouts, la Suisse et le Royaume-Uni ne font en effet pas partie de l’Union européenne et ne peuvent donc pas accéder à ce marché via le régime de la libre prestation de services.

S. D. V. Là où le Luxembourg apporte une réelle plus-value, c’est au niveau de l’expertise pour appréhender les problématiques transfrontalières. Nous concentrons, dans le pays, un écosystème très riche pour aborder ces questions souvent très complexes. Et puis, il faut rappeler l’image très positive dont bénéficie le pays à l’étranger, avec sa stabilité politique, son triple A… Pour les personnes fortunées extérieures au pays, le Luxembourg reste dès lors un endroit idéal pour diversifier ses placements en toute sécurité.

Quels défis devront être relevés dans les prochaines années pour faire en sorte que le pays reste compétitif par rapport à ses concurrents ?

S. D. V. Notre principal souci, actuel et à venir, est de continuer à attirer des talents. Comme l’indique l’enquête

COMPOSITION DES PORTEFEUILLES DES CLIENTS

annuelle ABBL/KPMG, 60 % des participants affirment désormais rencontrer des difficultés de recrutement, alors qu’ils n’étaient que 45 % en 2017. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une réelle pénurie – ne serait-ce qu’en ce qui concerne les banquiers privés et les fonctions compliance – qui, sur le long terme, peut représenter un vrai danger pour l’industrie de la banque privée au Luxembourg. Plusieurs leviers doivent être utilisés pour parvenir à régler ce problème : la rémunération, la formation, la mobilité, le logement… Ce dernier point est particulièrement critique et nous ne manquons jamais une occasion d’en discuter avec d’autres structures, comme la Chambre de commerce, l’Alfi, l’UEL, etc. En cette année électorale, il y a urgence à mettre ce sujet à l’agenda et à prendre rapidement des mesures concrètes.

E. S.-H. C’est en effet un sujet d’inquiétude. Il y a quelques années, on pouvait encore convaincre des Parisiens de rejoindre Luxembourg en leur offrant un salaire supérieur, en leur garantissant un quotidien plus agréable, en famille. Aujourd’hui, ces arguments sont moins valables, notamment en raison des difficultés à se loger dans le pays. Soit ils devront consacrer une grande partie de leur salaire au logement, soit ils seront contraints de résider en dehors du pays et devront dès lors passer beaucoup de temps sur la route chaque jour, tout en étant pénalisés par les contraintes limitant le recours au télétravail. C’est un autre aspect qui fait qu’il est difficile d’attirer des travailleurs étrangers dans le monde post-Covid : un Français qui habite Bordeaux pourra travailler à distance pour une banque parisienne, en s’y rendant physiquement seulement une fois par semaine, en train. Il devient difficile pour nous de rivaliser avec de telles propositions.

Source Clarity on performance of Luxembourg private banks (ABBL-KPMG 2022) Par type d’actifs (tous types de services confondus)
20 PRIVATE BANKING AVRIL 2023 OFFRE DE SERVICES D’INVESTISSEMENT En pourcentage des actifs sous gestion 2019 Autre (exécution seule / espèces) Service de conseil sur base d’honoraires (sous mandat) Gestion discrétionnaire de portefeuille Gestion de portefeuille par un tiers 2015 0 % 100 % 2021 2020 2021 0 % 100 % Fonds d’investissement Actions Liquidités (dépôts à terme / comptes d’épargne / comptes courants) Obligations Autres (matières premières, produits dérivés, produits structurés, etc.)

La Banque Privée au défi des nouvelles générations

Comment servir la Next Gen ?

En alliant innovation, convictions d’investissement fortes et préservation du patrimoine à long terme.

La clientèle Next Gen bouscule les habitudes de la banque privée. Cela concerne tout d’abord sa relation avec son banquier ou sa banquière, comme l’a montré une récente étude de Lombard Odier sur la clientèle Millenials. Cette génération adepte du fact-checking, que le décorum d’un salon de banque privée laisse de marbre, possède des valeurs propres, notamment la recherche de transparence, qu’elle doit retrouver auprès de son interlocuteur vis-à-vis des convictions d’investissement proposées et des frais prélevés. Sans pour autant laisser tomber cravate et costume, un banquier doit donc être capable d’intégrer l’écosystème de son client, de parler son «langage» pour mieux cerner ses attentes et ainsi gagner durablement sa confiance.

Education financière et outils digitaux

Ayant parfois des conceptions erronées de certaines catégories de placement, les nouvelles générations souhaitent mieux comprendre leurs investissements. L’accompagnement peut se concrétiser sous forme de

formations personnalisées, p. ex. sur les placements durables ou les actifs non cotés. Ces générations hyperconnectées ont également un besoin accru d’interactions et d’informations. Il est donc indispensable de bénéficier d’outils digitaux intuitifs et performants.

Impliquer tôt les nouvelles générations

Au sein des familles fortunées, l’implication progressive des Next Gen dans la gestion du patrimoine familial est clé. Ils pourront ainsi se familiariser avec l’environnement bancaire, ainsi que les opportunités, risques et responsabilités liés à leur patrimoine. La mise en place d’une gouvernance familiale est très utile. Avec l’expertise de spécialistes en planification patrimoniale, elle peut conduire à la création d’une charte familiale, permettant de mettre noir sur blanc les valeurs cardinales d’une famille, le processus de prise de décision et les objectifs poursuivis pour les générations futures.

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Jean-Benoît Mesnil, responsable du bureau de Lombard Odier à Luxembourg, et son équipe, accompagnent la clientèle privée dans la gestion et la transmission de leur patrimoine. Crédits Lombard Odier

Le paysage de la banque privée au Luxembourg

Des clients toujours plus fortunés

La proportion des UHNWI est passée de 41 % du total des actifs sous gestion en 2011 à 61 % en 2021, tandis que la proportion des clients aisés a diminué de 24 % à 6 % au cours de la même période. La proportion de HNWI évolue peu, tandis que celle des clients qui ont les plus petites fortunes s’amenuise petit à petit.

22 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
0 %
100 % 20 % 40 % 60 % 80 % 41 8 8 19 24 22 19 8 8 43 47 8 8 18 19 61 58 10 10 9 9 14 6 16 7 58 9 9 56 9 9 16 16 10 8 51 54 54 52 8 8 18 15 8 8 17 13 8 8 17 13 12 18 9 9 RADIOSCOPIE 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
< 1 million d’euros Entre 1 et 5 millions Entre 5 et 10 millions Entre 10 et 20 millions > 20 millions d’euros

L’emploi reste stable

L’emploi n’a pas connu d’évolution de manière significative au cours de l’année 2021. On dénombre environ 5.700 travailleurs si l’on ne tient compte que du personnel basé au Luxembourg.

Opérations/IT

Gestionnaires responsables

Spécialistes de l’investissement

Portfolio managers

Des activités principalement opérées en interne

En 2021, la majorité des banques privées (62 %) ont continué à maintenir et opérer leurs activités principalement en interne. Une proportion significative des activités est effectuée en mode hybride (29 %), c’est-à-dire avec un mélange d’internalisation et d’externalisation au sein du groupe ou vers un tiers.

Évolution des actifs sous gestion par taille de banques

L’impressionnant taux de croissance des actifs sous gestion entre 2020 et 2021 s’explique surtout par les très bonnes performances des marchés en 2021.

86 % de la clientèle est européenne

La répartition des origines des clients a peu évolué en 2021 par rapport à l’année précédente. 19 % des clients sont originaires des pays voisins (contre 17 % en 2020) et 48 % des clients d’autres pays européens (contre 47 % l’an dernier).

19 % : Luxembourg

19 % : Pays

48 % : Autres pays de l’Europe

La transition ESG est en marche

Le total des actifs durables sous gestion a augmenté de 140 % en 2021 par rapport à 2020.

AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 23
Private banking
La dernière étude Clarity on performance of Luxembourg private banks, menée par KPMG pour le Private Banking Cluster de l’ABBL, nous offre un bon aperçu de l’évolution de l’activité de la banque privée au Luxembourg.
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
voisins
Total des actifs durables Total des autres actifs 0 2020 2021 300 Afflux net de nouveaux capitaux Performance du marché Actifs sous gestion en milliards d’euros Composantes de la croissance des actifs de 2020 à 2021 0 350 2020 2021 Principalement en interne au Luxembourg Principalement externalisées au sein du groupe Principalement confiées à des tiers Hybrides 1.750 0 2021 2020 344,7
+ 140 % en milliards d’euros 2020 2021 2020 2021 62 % 29 % 2 % 7 %
Source Clarity on performance of Luxembourg private banks KPMG-ABBL
Négociation/échange + 4,3 % + 8,9 % + 14,6 % - 16,7 % + 5,8 %
Planification patrimoniale/ingénierie
44,4 209,3 20,9 Petites banques (< 5 Mrds €) Grandes banques (> 20 Mrds) Banques moyennes (entre 5 et 20 Mrds €) 3,2 5,3 175,8 9,4 24,1 295,9 36 27,9 + 4,2 % Mrds €

The rise of advisory services

Private banks generally offers three types of asset management services: execution-only, in which the clients manage their own investments; discretionary management, in which the clients entrust their private banker with the complete management of investments within the agreed risk profile mandate;

and advisory, in which the private banker works in collaboration with the client, either passively or actively. Due to a variety of factors including the growth of electronic trading platforms, banks have started to pull back from execution-only services. The demand for advisory services has raised, largely a result

of higher “Asset Management” education on Client’s side. Consequently, client’s commitment/involvement in their assets management is more active with a strong wish to be more on the driver seat. As such as advisory solutions have emerged as the way for private banks to offer clients an interactive

24 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Photo Marie Russillo (Maison Moderne) Olivier Beghin, Head of Private Banking, introduces the approach of Banque Havilland through its advisory services.
In the wake of crises and market uncertainty, advisory services in private banking have emerged as the preferred choice for many investors.
A client-centric focus
BRAND VOICE

relationship and real added value.

A Luxembourg private bank with advisory at its core

The jump in interest in advisory services comes as good news for Luxembourg-based Banque Havilland. Advisory services have been one of its core offerings since it was founded many years ago by an entrepreneur who had grown discontent with private banks on the market. A client-centric focus is at the heart of Banque Havilland. Marc Arand, Group CEO of Banque Havilland, has affirmed this commitment with the company’s “Excellence 2024” strategy, a central tenet of which is to precisely improve these services – such as advisory – favored by its customers.

Advisory services fall under two umbrellas: passive and active. Under the passive approach, the client compiles a selection of equities, bonds, and other investments, and he or she asks for feedback

which will help to confirm or refute those choices. Under the active umbrella, the private banker takes the lead by making suggestions for buying and selling.

“Our Clients have access to both passive and active approach under frameworks that all fit with their personalized profile.”

Offering advisory services requires commitment Advisory is an area that has been largely neglected by banks. Such services are costly to build and maintain. First, you need a team with enough experience to remain objective and take the best decisions, especially during critical times. An advisory should be composed of specialists in different fields. Last, and perhaps most difficult, is that you must invest the time, attention, and a great deal of honesty to build professional intimacy, which is at the heart of private banking.

“The advisory team at Banque Havilland includes specialists in equities and bonds who work in asset/ private banker pairs to transmit intelligence and knowledge.”

Obviously, you also need the right infrastructure, including a professional trading platform. Banque Havilland offers a digital platform with private access, allowing clients to obtain personalized recommendations. Also, it is essential to have access to an in-house trading venue.

“Banque Havilland has a trading room directly

accessible to clients under condition, and we go beyond MiDIF II certification by offering modules to improve and enhance performance.”

The value of objectivity

What is also important when choosing an advisory is making sure that it has open architecture –and that there is no conflict of interest. What you find, particularly with the discretionary model of large banks, is that more often than not, the vast majority of their recommendations are bonds and funds from their own bank, which can be troubling for clients, and rightly so.

As a private bank, Banque Havilland benefits from open architecture and a lack of internal pressure to promote its own products. Ingrained in the company is an appreciation for the fact that clients pay for a service – objective financial expertise and insight into the market – and they deserve the best service possible.

“With Banque Havilland, clients know that we strive to find the best products on the market at the lowest price. We look at the client’s investment profile, and if we see that a major bank has a good product, we’ll recommend it. If we see that another bank has a better product, we’ll recommend that one. We’re only driven by what’s in the best interest of our clients.”

WHAT TO LOOK FOR WHEN SEEKING A PRIVATE BANKING ADVISORY SOLUTION: The right people

You need an advisory team composed of not only highly educated members but those who also have the experience and character to make smart decisions, even during challenging periods.

Objectivity

It is important to go with an advisory that does not have an inherent bias to certain in-house products. This way, they are able to suggest the best products at the lowest prices.

Commitment

Many private banks offer similar services, but the ones that stand out create professional intimacy and trust with clients. They do this by demonstrating honesty and commitment at every level.

Learn more about the advisory strategy: www.banquehavilland.com

PRIVATE BANKING AVRIL 2023 25
“ A private bank must be there for clients in the good as well as the difficult times.”
Olivier Beghin Head of private banking Banque Havilland SA

Les banques privées du Luxembourg membres du PBGL

Avec une place financière ancrée dans le temps et une réputation mondiale, le Luxembourg regorge de banques privées de tous pays pour une clientèle éclectique et multijuridictionnelle. 49 d’entre elles échangent et discutent au sein du Private Banking Group Luxembourg (PBGL) de l’ABBL.

LA LISTE NOM ÉTABLIE EN ADRESSE Andbank Luxembourg 2009 4, rue Jean Monnet, L-2180 Luxembourg Banca March, Luxembourg Branch 2012 21-25, allée Scheffer, L-2520 Luxembourg Bank Julius Baer Europe 1989 25, rue Edward Steichen, L-2540 Luxembourg Bank of China (Luxembourg) SA & Bank of China Limited, Luxembourg Branch 1979 55, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg Bankinter Luxembourg 1965 37, avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg Banque de Commerce et de Placements – BCP 1982 140, boulevard de la Pétrusse, L-2330 Luxembourg Banque de Luxembourg 1920 14, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg Banque de Patrimoines Privés 2010 30, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg Banque Degroof Petercam Luxembourg 1987 12, rue Eugène Ruppert, L-2453 Luxembourg Banque et Caisse d’Épargne de l’État, Luxembourg 1856 1, place de Metz, L-2954 Luxembourg Banque Havilland 2009 35A, avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg Banque Internationale à Luxembourg 1856 69, route d’Esch, L-2953 Luxembourg Banque J. Safra Sarasin (Luxembourg) 1985 17-21, boulevard Joseph II, L-1840 Luxembourg Banque Raiffeisen 1926 4, rue Léon Laval, L-3372 Leudelange Banque Transatlantique Luxembourg 1989 17, côte d’Eich, L-1450 Luxembourg Bemo Europe Banque Privée 1984 26, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg BGL BNP Paribas Banque Privée 1919 10A, boulevard Royal, L-2093 Luxembourg 26 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Nasir Zubairi, Lhoft
NOM
CA Indosuez Wealth (Europe) 1920 39, allée Scheffer, L-2520 Luxembourg CaixaBank Wealth Management Luxembourg 2020 46B, avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg Citibank Europe PLC (Luxembourg Branch) N.C. 31, zone d’activité Bourmich, L-8070 Bertrange Credit Suisse (Luxembourg) 1974 5, rue Jean Monnet, L-2180 Luxembourg DekaBank Deutsche Girozentrale Luxembourg 1971 6, rue Lou Hemmer, L-1748 Luxembourg Delen Private Bank 1987 287, route d’Arlon, L-1150 Luxembourg Deutsche Bank Luxembourg 1970 2, boulevard Konrad Adenauer, L-1115 Luxembourg DNB Luxembourg 1985 13, rue Goethe, L-1637 Luxembourg DZ Privatbank 1977 4, rue Thomas Edison, L-1445 Luxembourg East-West United Bank 1974 Villa Foch – 10, boulevard Joseph II, L-1840 Luxembourg Edmond de Rothschild (Europe) 1969 4, rue Robert Stumper, L-2557 Luxembourg EFG Bank (Luxembourg) 2006 56, Grand-Rue, L-1660 Luxembourg Eurobank Private Bank Luxembourg 1986 534, rue de Neudorf, L-2220 Luxembourg FIS Privatbank 2001 53, rue Gabriel Lippmann, L-6947 Niederanven Goldman Sachs Bank Europe SE, Luxembourg Branch 2020 53, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg Hauck & Aufhäuser Banquiers Luxembourg 1973 1C, rue Gabriel Lippmann, L-5365 Munsbach HSBC Private Bank (Luxembourg) 1985 16, boulevard d’Avranches, L-1160 Luxembourg ICBC, Industrial and Commercial Bank of China (Europe) 2006 32, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg ING Luxembourg 1960 26, place de la Garde, L-1616 Luxembourg Intesa Sanpaolo Wealth Management 2023 48, rue Charles Martel, L-2134 Luxembourg J.P. Morgan Bank Luxembourg 1973 6C, route de Trèves, L-2633 Senningerberg Lombard Odier (Europe) 2010 291, route d’Arlon, L-1150 Luxembourg Mirabaud & Cie (Europe) 2011 25, avenue de la Liberté, L-1931 Luxembourg Natixis Wealth Management 1989 51, avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg Pictet & Cie (Europe) 1989 15A, avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg Quintet Private Bank 1949 43, boulevard Royal, L-2955 Luxembourg Société Générale Luxembourg 1893 11, avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg Svenska Handelsbanken AB (Publ), Stockholm (Suède), succursale de Luxembourg 1992 15, rue Bender, L-1229 Luxembourg UBS Europe SE, Luxembourg Branch 1973 33A, avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg UniCredit Luxembourg 1987 8-10, rue Jean Monnet, L-2180 Luxembourg Union Bancaire Privée (Europe) 1971 287-289, route d’Arlon, L-1150 Luxembourg VP Bank (Luxembourg) 1988 2, rue Edward Steichen, L-2958 Luxembourg Private banking 28 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
ÉTABLIE EN ADRESSE

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« Rendre la thématique ESG plus tangible »

Pour la banque privée, comme pour le reste du secteur financier, appréhender le tournant de la finance durable est un enjeu-clé. S’il y a une opportunité réelle à approfondir la relation avec le client autour de ces enjeux, la thématique est complexe et l’offre de produits de qualité encore insuffisante. Évocation de ces enjeux avec Frédéric Vonner, partner, et Dirk Kruse, director Banking regulatory & Compliance advisory services au sein de PwC.

Photo MATIC ZORMAN Interview SÉBASTIEN
30 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

Les acteurs de la banque privée ne constatent pas encore de hausse massive de la demande ESG. Une considération qui devrait être davantage prise en compte par les générations plus jeunes lors du transfert de patrimoine.

Conversation Frédéric Vonner et Dirk Kruse

Aujourd’hui, la finance durable est un sujet majeur pour l’ensemble des acteurs du secteur financier. Comment est-elle appréhendée au niveau de la banque privée ?

Frédéric Vonner (F. V.) D’une part, il y a l’évolution de la demande des clients à l’égard des produits d’investissement durables. Désormais, avec l’entrée en application de Mifid II en août dernier, les banquiers et conseillers en investissement ont pour obligation de s’enquérir des préférences ESG de leurs clients en matière d’investissement. L’autre aspect concerne l’offre, la disponibilité des produits répondant à ces préférences, et la manière avec laquelle les acteurs de la banque privée peuvent répondre à ces enjeux de durabilité.

Si l’on se concentre sur la demande, dans un premier temps, a-t-on assisté à une hausse des attentes suite à l’entrée en application de Mifid II ? F. V. Depuis août dernier, malgré tous les discours entendus autour des investissements ESG, les acteurs de la banque privée n’ont pas constaté de déferlante de la demande pour ces produits durables. Il ne faut pas non plus négliger un aspect générationnel. Les clients de la banque privée présentent souvent un certain âge. Ces thématiques ESG ne font pas partie de leurs priorités en matière d’investissement. Ces considérations nouvelles seront sans doute davantage au cœur des préoccupations de leurs héritiers ou des nouvelles générations de personnes fortunées. Dirk Kruse (D. K.) La situation des marchés en 2022 fait que la période n’est pas forcément la plus propice pour changer son approche d’investissement. D’autre part, la dimension ESG n’est pas simple à appréhender, et les investisseurs peuvent nourrir une certaine crainte à l’égard des risques de greenwashing, dont on parle beaucoup actuellement. Selon une enquête menée pour le compte de la CSSF, de l’ABBL et de la Luxembourg Sustainable Finance Initiative par Ilres, 74 % des sondés pensent que la finance joue un rôle important dans la transition durable de l’économie, et 71 % pensent que les individus peuvent contribuer à un monde plus durable par leurs décisions financières.

Le bémol réside dans le fait que 47 % ne savent pas ou ont du mal à cerner ce qu’est la finance durable.

Comment les banquiers s’enquièrent-ils des préférences des clients ?

D. K. La réglementation, à travers Mifid, qui entend être un catalyseur du changement en faveur de la finance durable, ne contribue pas forcément à la clarté des échanges entre un banquier privé et un client. Dans le chef du banquier privé, il y a des efforts à faire pour rendre ces enjeux directement compréhensibles pour le client. Il y a une opportunité à investir dans la formation des conseillers, pour justement utiliser ce levier.

L’autre enjeu réside dans l’offre. Si le banquier doit prendre en considération les attentes du client en matière de durabilité, dispose-t-il des produits nécessaires pour y répondre ?

F. V. La grande difficulté, à ce niveau, réside dans le nombre limité de produits de qualité. On souffre notamment d’un manque de données relatives à ces enjeux environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. À l’heure actuelle, c’est autour des enjeux environnementaux, essentiellement climatiques, que l’offre se développe. Enfin, plus que proposer le produit, il faut aussi être en mesure de rendre compte de la contribution d’un investissement ou d’un portefeuille à des enjeux ESG spécifiques.

D. K. Il y a un enjeu, pour le banquier, à rendre l’investissement durable le plus tangible possible. Si les clients n’investissent pas encore massivement dans ces produits financiers, cela ne veut pas dire qu’ils ne se soucient pas de ces enjeux. Toutefois, ils considèrent encore souvent d’autres leviers d’action que leur portefeuille d’investissement pour y contribuer. Dans une approche philanthropique, ils mettent en place des projets créateurs de valeur pour la société, financent des projets caritatifs ou environnementaux. Le fait est qu’actuellement, cette volonté de contribuer à un monde plus durable ne se traduit pas forcément dans la stratégie d’investissement. À ce niveau aussi, la banque privée a une expertise à apporter.

UN LABEL ESG

DÉDIÉ AUX MANDATS DISCRÉTIONNAIRES

Parmi la palette d’outils visant à reconnaître l’engagement ESG des acteurs financiers, le septième label mis en place par LuxFlag est orienté vers les mandats discrétionnaires. Développé en étroite collaboration avec le secteur bancaire luxembourgeois et lancé en septembre dernier, il s’applique aux mandats de gestion standards pour les clients à valeur nette élevée, autrement dit ceux qui relèvent de la banque privée. Pour être éligible, le mandat doit concerner un produit financier Article 8 ou 9 au sens de la classification SFDR. 100 % du portefeuille, y compris les actifs sous-jacents, doit être sélectionné sur la base d’un examen ESG. Enfin, le mandat doit respecter la politique d’exclusion ESG de LuxFlag, qui exclut des secteurs controversés spécifiques.

« Les clients de la banque privée considèrent d’autres leviers d’action que leur portefeuille d’investissement pour contribuer aux enjeux ESG. »
32 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
FRÉDÉRIC VONNER Partner PwC

Coopérer pour mieux lutter contre le blanchiment

Au mois de septembre 2022, l’ABBL, la CRF, ainsi que la CSSF ont signé un partenariat public-privé visant à renforcer leur collaboration dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le but ?

Mieux évaluer les risques dans un monde qui évolue.

La quatrième directive européenne AML / CFT (Anti-Money Laundering / Countering the Financing of Terrorism) exige des États membres de l’Union européenne, mais aussi des différents établissements bancaires soumis aux lois nationales, qu’ils réalisent une évaluation des risques en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Cette obligation s’applique évidemment aussi au secteur de la banque privée. « Il faut commencer par rappeler qu’on distingue à ce titre le risque inhérent du risque résiduel, explique Catherine Bourin, membre du management board de l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL). Le risque inhérent est tout simplement lié à l’activité du domaine visé et se base sur les vulnérabilités propres à celui-ci : la banque privée, étant à l’intersection de flux financiers internationaux d’envergure, est considérée comme présentant un risque inhérent élevé. »

Chaque institution est invitée à mettre en place des mesures de mitigation variées pour réduire ce risque – KYC, outils permettant de filtrer les transactions suspectes, etc. « En considérant l’ensemble

des mesures mises en place, on peut évaluer le risque résiduel présenté par le secteur de la banque privée au Luxembourg. Dans son dernier risk assessment, en 2019, la CSSF a estimé que celui-ci était ‘mediumhigh’, du fait des mesures de mitigation mises en place par les banques privées luxembourgeoises », résume Catherine Bourin.

Prôné par la Commission et le Gafi

En septembre dernier, l’ABBL a signé un partenariat public-privé (PPP) avec la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) et la Cellule de renseignement financier (CRF) afin de faciliter ces évaluations périodiques des risques et d’améliorer la réponse globale du secteur par rapport aux risques auxquels il fait face. Ce genre d’initiative n’est pas rare dans le reste de l’Europe. « La Commission européenne et le Groupe d’action financière (Gafi) prônent la mise en place de telles collaborations. Elles permettent en effet d’éviter de travailler en silo, de mieux partager les données en la possession de chaque institution. Ce partenariat permet d’approfondir, d’enrichir l’analyse qui est faite des risques », ajoute Catherine Bourin.

« Il est positif de constater que personne ne conserve ses données pour lui seul, tout le monde joue le jeu. »
CATHERINE BOURIN Membre du management board ABBL
QUENTIN DEUXANT
Auteur
PARTENARIAT
34 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Photo Guy Wolff (archives)

Les premières discussions visant à mettre en place ce PPP ont débuté en 2019. Alors qu’une nouvelle évaluation des risques en matière d’AML / CFT pour la banque privée a débuté ce mois de mars, ce partenariat doit permettre aux différents acteurs du secteur de gagner en efficacité. « Le monde évolue vite et les risques également, poursuit Catherine Bourin. La cybermenace, par exemple, n’a jamais été aussi importante et nous devons la prendre en compte. »

La poursuite d’une démarche ancienne

Ceci étant dit, la collaboration entre la CRF, l’ABBL et la CSSF n’a pas débuté avec la mise en place de ce partenariat. Les discussions entre ces institutions sont en effet constantes, et ce dans l’intérêt de la place financière luxembourgeoise. « Nous avons entamé, depuis un certain temps déjà, un travail de fond avec les différents membres de l’ABBL par rapport aux bonnes pratiques anti-blanchiment, relève la membre du management board de l’ABBL. Nous nous réunissons régulièrement pour discuter ensemble des sujets qu’ils veulent explorer en la matière, nous partageons nos connaissances… Il est positif de constater que personne ne conserve ses données pour lui seul, tout le monde joue le jeu. La volonté des acteurs est de collaborer, car, en cas de problème,

le risque réputationnel pour l’ensemble de la Place serait beaucoup trop important. » Ces différents échanges ont permis de mettre au point un AML handbook, partagé sur l’extranet (membernet) de l’ABBL, qui permet d’offrir une guidance bien utile aux compliance officers des banques privées luxembourgeoises. Celui-ci est mis à jour régulièrement. Quand on évoque ces nouvelles réalités, difficile de passer à côté des sanctions européennes qui ont frappé une série de citoyens et d’entreprises russes depuis le début du conflit en Ukraine.

« La clientèle des banques privées luxembourgeoises est à 85 % issue de l’Union européenne. Nous ne sommes donc pas tellement exposés aux risques liés aux citoyens russes, rappelle Catherine Bourin. Ceci dit, il est clair que nous avons suivi avec attention la mise au point des paquets de sanctions de l’UE en établissant des notes de synthèse à l’attention de nos membres. La problématique des oligarques russes n’est de toute façon pas neuve, et les banques ont toujours exercé une vigilance particulière envers les investisseurs issus de Russie, sans attendre la guerre… »

Les discussions pour la création d’un partenariat public-privé entre l’ABBL, la CRF et la CSSF ont débuté en 2019, année au cours de laquelle les résultats du premier risk assessment pour le Luxembourg ont été publiés par la CSSF.

Si la banque privée doit s’avérer particulièrement vigilante par rapport au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, c’est pour une série de raisons liées, comme nous l’avons évoqué ci-avant, à la nature de son activité. Dans son dernier risk assessment, la CSSF rappelle qu’au-delà du caractère international des flux financiers qui transitent par les banques privées, l’importance des montants transférés et la fréquence de ces transferts, la complexité de certains produits proposés par les banques privées ou encore

la difficulté d’identifier certains propriétaires font également partie des éléments qui doivent inciter ce secteur à la prudence.

DÉLITS FISCAUX

Dans ce même rapport, la CSSF évoque également les menaces les plus tangibles pour la banque privée luxembourgeoise, en particulier. Pour la CSSF, ce sont les auteurs de délits fiscaux, de fraude et de corruption qui pourraient être les plus tentés d’utiliser des banques privées luxembourgeoises pour blanchir

leur argent. Ici aussi, c’est la nature internationale du travail des banques privées luxembourgeoises qui les expose particulièrement à ce risque. Le rapport d’activité de la CRF de 2020 indique que les banques privées ont effectué 857 déclarations d’opérations / activités suspectes en 2020.

Dans ses conclusions, la CSSF signale que des mesures significatives ont été mises en place pour mitiger ce risque inhérent particulièrement élevé, « même si des points d’amélioration ont été

identifiés ». Le risque résiduel présenté par le secteur de la banque privée luxembourgeoise est donc qualifié de « medium-high ».

DE PREMIERS RÉSULTATS

Les conclusions du prochain risk assessment de la CSSF, dont nous n’avons pas encore les résultats à l’heure où nous écrivons ces lignes, devraient permettre de voir si les efforts réalisés depuis 2019 par les banques privées portent leurs fruits. Et aussi d’évaluer l’impact de la collaboration entre la CSSF, l’ABBL et la CRF.

2019
Private banking AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 35
La banque privée, à risque par nature

« Convaincre de l’attrait du Luxembourg »

Ces dernières années, le Luxembourg a su renforcer sa position de hub européen dans le domaine de la banque privée en parvenant à attirer de nouveaux acteurs du métier. Si l’ambition est de poursuivre dans cette voie, explique le CEO de Luxembourg for Finance, Nicolas Mackel, le pays doit veiller à rester compétitif vis-à-vis d’autres places-clés, comme Genève ou Singapour.

Photo
Conversation Nicolas Mackel 36 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

Le renforcement de l’expertise financière, un levier sur lequel le Luxembourg doit encore poursuivre ses efforts, commente Nicolas Mackel.

Conversation Nicolas Mackel

Aujourd’hui, si l’on considère l’activité de banque privée, quelle place occupe le Luxembourg en Europe et dans le monde ?

Si l’on parle de banque privée et d’activités liées à la gestion de fortune, le principal centre à l’échelle globale reste la Suisse, où le volume d’actifs sous gestion représente un multiple de celui dont peut se prévaloir le Luxembourg. Singapour est un autre centre important, qui se développe depuis plusieurs années en Asie. Le rôle du Luxembourg, au niveau de ces activités, est principalement orienté vers l’UE. Quand on regarde l’origine des clients qui confient la gestion de leurs avoirs à des acteurs positionnés au Grand-Duché, il s’agit pour la vaste majorité de ressortissants européens. Si nous sommes parvenus à diversifier la clientèle, en investissant sur d’autres zones géographiques du globe, 85 % de la clientèle provient de l’Union européenne. Il s’agit, en outre, surtout de clients qui, au niveau de leur portefeuille ou de leur situation familiale, ont une dimension internationale, dont l’empreinte patrimoniale dépasse le cadre de leur marché domestique.

Dans le domaine de la banque privée, quels atouts permettent au Luxembourg de se distinguer et de rester attractif ?

Notre premier avantage, c’est de faire partie de l’Union européenne. Le Luxembourg a développé un écosystème de banque privée bien outillé pour répondre aux attentes du marché. Au-delà de l’expertise en gestion de fortune adossée à une réelle maîtrise des enjeux multijuridictionnels, nous disposons aussi d’une vaste gamme de produits dans le domaine des fonds et pouvons proposer de nombreuses possibilités de structurations qui intéressent particulièrement la clientèle cible. C’est ce qui permet au Luxembourg de jouer un rôle important dans le domaine de la banque privée. C’est grâce à cela que nous sommes parvenus à doubler le volume d’actifs de l’activité de banque privée en moins de 10 ans.

La stabilité et l’expertise financière sont des atouts que le Luxembourg partage avec la Suisse. Qu’est-ce qui

justifie la présence de ces acteurs suisses au Grand-Duché ?

Cette présence leur permet de mieux servir la clientèle européenne, en capitalisant sur l’expertise présente au Luxembourg tout en s’appuyant sur le savoir-faire qu’ils ont développé en Suisse. Pour pouvoir travailler avec des clients de l’Union européenne, engager des démarches commerciales vis-à-vis d’eux, les acteurs doivent développer une présence au sein du marché unique, déployer des équipes dans l’UE. Les grandes banques suisses que sont, par exemple, Pictet, UBS ou Credit Suisse, et d’autres émanant de pays situés en dehors de l’UE, s’implantent aussi au Luxembourg pour développer une activité dans le domaine des fonds.

La Place a-t-elle l’ambition d’attirer de nouveaux acteurs bancaires sur ce segment ? Y parvient-elle ?

Oui, toujours. Nous avons notamment eu beaucoup de succès dans le cadre du Brexit, en parvenant à attirer l’activité de banque privée de quelques grandes banques mondiales présentes à Londres et qui devaient développer une activité dans l’UE pour continuer à servir leurs clients européens. On peut citer J.P. Morgan, Goldman Sachs, Citi ou encore HSBC. Bien qu’elles aient décidé d’établir leur quartier général à Francfort ou Paris, ces institutions financières ont fait le choix de positionner leur activité de banque privée au Luxembourg. Nous avons aussi eu beaucoup de succès ces dernières années auprès de banques espagnoles, qui ont aussi choisi le Luxembourg pour développer une activité internationale.

Que viennent-elles chercher ici ? Qu’est-ce qui justifie ce choix ?

Le Luxembourg est aujourd’hui perçu comme un centre d’excellence en ce qui concerne l’activité de banque privée internationale. Ces acteurs se positionnent au Grand-Duché pour profiter de l’expertise et des compétences disponibles localement, d’un cadre réglementaire favorable – offrant notamment des possibilités intéressantes en matière de structuration au service d’enjeux patrimoniaux – et de la stabilité du pays. Ces trois éléments principaux permettent d’expliquer le succès

« Il y a une marque Luxembourg qui rayonne à l’international et qui, vis-à-vis des clients, rassure. »
38 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

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du Luxembourg, dans beaucoup de domaines d’ailleurs, mais particulièrement en ce qui concerne la banque privée. On le voit : ces arguments jouent beaucoup lorsqu’il s’agit notamment de convaincre un client de se faire accompagner par une structure luxembourgeoise. Il y a une marque Luxembourg qui rayonne à l’international et qui, vis-à-vis des clients, rassure.

Il y a donc toujours un potentiel d’attraction ?

Toujours. On peut aller chercher des banques sur d’autres marchés, convaincre de nouveaux acteurs de positionner leur activité ici. Cependant, on ne va pas multiplier le nombre de banques par 10. L’autre enjeu réside dans le développement de l’activité des banques privées qui sont déjà positionnées au Luxembourg. Il y a aussi un potentiel d’attraction ou de développement de notre activité de gestion patrimoniale au niveau des family offices, qui apprécient justement notre stabilité et les possibilités de structurations sophistiquées que nous offrons.

Sur quels leviers faut-il travailler pour renforcer l’attractivité de la banque privée au Luxembourg et son positionnement de premier hub européen ? Ces leviers sont directement liés à nos atouts. Le premier d’entre eux réside dans la formation, dans le renforcement de l’expertise financière, afin de pouvoir donner à chaque client le meilleur conseil au regard de sa situation. La formation concerne également les enjeux de digitalisation, pour soutenir l’évolution du métier. En matière de finance durable aussi, il y a beaucoup à faire pour rester à la pointe. La clientèle de la banque privée cherche du conseil autour de ces évolutions. Si les acteurs présents au Luxembourg ne sont pas en mesure de le lui donner, le client n’hésitera pas à aller voir ailleurs.

Quels sont les autres enjeux en la matière ?

Il faut, en permanence, considérer les opportunités de faire évoluer le cadre réglementaire. Il est aussi important de veiller à garantir la compétitivité du Luxembourg. Il n’y a pas que les clients

D’AUTRES ATOUTS À FAIRE VALOIR

Au-delà de sa stabilité, le pays a d’autres arguments à avancer pour attirer des acteurs. Le Luxembourg est notamment le pays le plus multilingue d’Europe. Les résidents parlent en moyenne 3,6 langues, et 84 % parlent au moins deux langues, ce qui permet au personnel basé au Luxembourg de communiquer facilement avec les clients du monde entier, selon l’étude Eurobaromètre Le Luxembourg compte plus de 180 nationalités. 47,2 % de la population est née en dehors du Luxembourg, d’après les chiffres du Statec. Selon l’étude Expat Insider 2021, Le Luxembourg figure à la quatrième position des pays les plus attractifs au monde pour travailler à l’étranger.

qu’il faut considérer si l’on veut maintenir et développer l’activité de gestion de fortune au Luxembourg ou encore attirer de nouveaux acteurs. Il faut que le cadre soit aussi intéressant pour le banquier et pour la banque elle-même. Une masse salariale évoluant de 7,5 % sur une année, à raison de trois sauts d’index, ne manque pas de soulever des interrogations au niveau des quartiers généraux de certaines banques, tenues de maintenir leur niveau de coûts. Un autre enjeu réside aussi dans l’attraction des compétences. Dans un marché en pénurie, il faut aller chercher les talents de plus en plus loin et les convaincre de rejoindre le Luxembourg.

Jusque-là, cela semble bien se passer… Oui, mais cela se passe très bien ailleurs aussi.

Où se situe la concurrence ?

Sur ce créneau, aujourd’hui, principalement à Singapour et à Genève, qui parviennent à faire valoir un environnement très attractif, ou encore au Moyen-Orient, à Dubaï.

Pour un client européen, toutefois, cela ne passe-t-il pas forcément par le Luxembourg ?

C’est plus subtil que cela. Une banque établie à Genève ne peut pas aller vers le client basé en Europe. Rien n’empêche toutefois un ressortissant européen d’aller vers une institution genevoise. Les détenteurs d’un patrimoine important, à partir d’un certain niveau, sont mobiles. Il ne faut pas croire que notre clientèle est captive parce qu’elle n’a pas d’autres choix. Un nombre croissant de family offices développent des activités à Singapour, attirés par le régime fiscal et les produits qui y sont proposés, ainsi que par les possibilités de structurations qui y sont offertes. Je ne veux pas faire ici la promotion de Singapour. Pour le moment, le Luxembourg a de nombreux atouts à faire valoir. Mais la concurrence ne dort pas.

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Quelles réglementations pour 2023 ?

DLT – Distributed Ledger Technology

Le régime pilote DLT est entré en application le 23 mars 2023, pour une durée de trois ans. Il permet de déroger à certaines règles existantes lorsqu’il s’agit de proposer des crypto-actifs. Il fournit ainsi un cadre juridique pour la négociation et le règlement des transactions sur cette classe d’actifs, considérés comme des instruments financiers au sens de Mifid II. Les entreprises d’investissement et les opérateurs de marché agréés devront désormais demander une autorisation afin d’être présents sur un système multilatéral de négociation DLT, ou registre distribué.

SFDR niveau 2 – Sustainable Finance Disclosure Regulation

Le niveau 2 du règlement SFDR est entré en vigueur au 1er janvier 2023. L’objectif est d’offrir une plus grande transparence par rapport au degré de durabilité des fonds proposés aux investisseurs. Le niveau 1 de la réglementation a obligé les acteurs concernés à communiquer clairement le degré de durabilité éventuelle des fonds qu’ils proposent. La deuxième étape du règlement contraint ces mêmes acteurs à communiquer chaque année une série d’éléments : résumé de leur politique de durabilité, description des incidences négatives en la matière, références aux standards internationaux, etc.

Dora – Digital Operational Resilience Act

Les technologies de l’information et de la communication sont de plus en plus utilisées dans le secteur financier, qui connaît sa transformation numérique. C’est pour mitiger les risques liés à cette transition qu’a été mis au point le règlement Dora,

entré en vigueur le 1er janvier 2023. Les acteurs du secteur financier ont deux ans pour se préparer avant sa mise en application. Concrètement, les entités financières devront s’assurer qu’elles sont capables de résister à toutes perturbations opérationnelles liées aux technologies de l’information, telles que les cyberattaques ou les fuites de données.

Mica – Markets in Crypto-Assets

Jusqu’à présent, le marché des crypto-actifs n’était encadré par aucune réglementation. L’entrée en vigueur de Mica au sein de l’Union européenne, dans le courant de l’année 2023, va changer la donne. Tout nouvel acteur actif dans le domaine des cryptos souhaitant entrer sur le marché européen devra notamment obtenir une licence du régulateur européen. L’objectif de cette réglementation est de protéger les acteurs du marché et de garantir la transparence, tant du produit que de l’émetteur.

CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive

Arrivée de la directive CSRD, qui entrera progressivement en vigueur le 1er janvier 2024. Elle remplacera la norme NFRD (Non-Financial Reporting Directive). Les PME cotées sur le marché européen sont concernées lorsqu’elles répondent à au moins deux des critères suivants : employer au moins 50 salariés, générer au minimum 8 millions d’euros de chiffre d’affaires ou avoir un bilan d’au moins 4 millions d’euros. Les entreprises concernées devront établir un rapport annuel listant l’ensemble de leurs démarches en matière de durabilité.

42 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
L’agenda réglementaire évolue continuellement. Cette année, ce sont les nouvelles technologies et la finance durable qui seront les plus concernées par l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations.
AGENDA
Private banking
Corinne Lamesch, Alfi

« Les clients attendent une expérience numérique homogène »

Selon Geoffrey Dezoppy, managing director d’Avaloq Luxembourg, la banque privée doit dès à présent mettre les bouchées doubles pour digitaliser son activité, et ainsi parvenir à optimiser ses coûts tout en répondant mieux aux attentes des clients.

Interview QUENTIN
Photo ROMAIN GAMBA
DEUXANT
44 PRIVATE BANKING AVRIL 2023 Conversation Geoffrey Dezoppy
Geoffrey Dezoppy pointe du doigt le délicat équilibre entre les enjeux réglementaires et les outils digitaux.

La banque privée n’a pas été la plus rapide à digitaliser son activité au cours des dernières années. Pourquoi est-ce désormais un impératif ?

La première raison pour laquelle la digitalisation est désormais essentielle dans le secteur de la banque privée réside tout simplement dans l’évolution des attentes des clients de cette industrie. Nous nous trouvons aujourd’hui au cœur d’un transfert de richesse d’envergure sur le marché bancaire privé. Une génération plus ancienne est en train de s’effacer doucement au profit d’une autre, plus jeune, qui reprend les commandes de la fortune familiale. Cette transition concerne à peu près tous les segments de clientèle, y compris celui des mass affluent (les clients aisés émergents qui représentent le haut de gamme du marché de masse, ndlr). Cette nouvelle clientèle n’a pas les mêmes besoins et attentes que la génération précédente : elle est notamment plus intéressée par les investissements ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), ainsi que par le commerce d’actifs numériques. Ce changement a des implications importantes pour la banque privée, et notamment pour le système informatique qui soutient son activité. Les banques privées ont désormais besoin d’un core banking system spécialisé, capable de gérer des produits et services de tout niveau de complexité et de traiter sans accroc d’importants volumes d’opérations et de données. Si les clients de la banque privée continuent à vouloir bénéficier d’un service personnalisé, les jeunes investisseurs attendent aussi de leur banque privée une expérience numérique homogène, de l’onboarding jusqu’au contrôle de leurs actifs grâce à une application intuitive. En digitalisant ainsi son activité, la banque privée disposera également d’outils permettant de personnaliser le service qu’elle offre à ses clients.

La pression sur les marges, souvent mise en avant par les acteurs du secteur, est-elle un élément supplémentaire qui doit pousser la banque privée à se digitaliser ?

Il s’agit effectivement d’une deuxième raison majeure qui rend la digitalisation essentielle dans ce secteur. Cette pression

est notamment due à une concurrence accrue, avec une série de nouveaux entrants qui convoitent une partie du portefeuille des clients de la banque privée. Il est donc essentiel que les acteurs du secteur optimisent leurs coûts, et la digitalisation est une manière efficace d’y parvenir. Au niveau du back et du middle-office, il est notamment possible d’automatiser et de standardiser toute une série d’opérations (comptabilité, règlement des transactions, reporting). La mise en place d’un core banking system solide peut ainsi permettre d’atteindre un degré de STP – straight-through processing, autrement dit d’automatisation du traitement des ordres, du reporting, de l’exécution… – allant jusqu’à 99 %. Cela permet de réduire les coûts, mais aussi de limiter le risque d’erreurs humaines. Par ailleurs, au niveau du front-office, le recours à des outils de CRM peut soulager les chargés de relation et leur permettre ainsi de prospecter davantage et plus efficacement afin d’élargir la base de clientèle de la banque, notamment dans le segment – en plein essor – des mass affluent.

Quels sont les défis spécifiques liés à la digitalisation dans le secteur de la banque privée ?

Le principal défi réside dans la mise en conformité par rapport aux nombreuses réglementations qui concernent le secteur et sont en évolution constante. C’est notamment un point à prendre en compte lorsqu’on déploie des produits novateurs. L’enjeu est de parvenir à intégrer cet aspect conformité au core banking system – que l’on parle de procédure KYC ou de lutte contre le blanchiment, par exemple – tout en évitant que cela constitue une charge trop importante pour les services concernés au sein des banques privées, surtout quand il s’agit de structures de petite ou moyenne taille. Il peut être intéressant, pour cette catégorie de banques privées, de mettre en place un core banking system sur base d’un modèle Software as a Service (SaaS). Dans cette configuration, il est possible de demander au fournisseur de solution de surveiller les évolutions réglementaires pour le compte de la banque et de les intégrer directement

« Des préoccupations demeurent quant à la dépendance excessive de l’ensemble des acteurs par rapport à une poignée de fournisseurs de services cloud. »
Conversation Geoffrey Dezoppy 46 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

au core banking system. Cela permet de faire gagner un temps précieux aux équipes et d’optimiser les coûts de l’ensemble de la structure. Il faut aussi pointer d’autres défis liés à l’évolution de la façon dont communiquent le banquier privé et son client. Aujourd’hui, WhatsApp est par exemple un canal régulièrement utilisé. Or, les banquiers privés doivent tenir des registres de ces conversations et s’assurer que les instructions données ou les conseils prodigués soient conformes aux réglementations, sous peine de se voir infliger des amendes par les régulateurs. C’est particulièrement chronophage et assez risqué au niveau réglementaire, si bien que de nombreuses banques privées interdisent l’usage de ces outils ou développent leur propre solution pour faciliter la communication, tout en disposant de plus de garde-fous.

Dans quelle mesure l’héritage technologique au sein de la banque privée est-il un frein quand il s’agit de développer de nouveaux projets digitaux ?

On constate en tout cas que de nombreuses banques privées hésitent à retirer ou remplacer d’anciennes technologies qui ne sont plus optimales. Celles-ci peuvent pourtant constituer des obstacles considérables lorsque ces banques privées veulent migrer vers de nouveaux systèmes, fusionner leur système avec une société récemment acquise, lancer de nouveaux produits ou étendre leur activité vers d’autres marchés ou segments de clientèle.

Quels ont été les principaux chantiers numériques dans lesquels se sont lancées les banques privées au cours des dernières années ?  Nous venons de fêter les 15 ans d’Avaloq Luxembourg et, tout au long de ces années, le plus grand changement que nous avons constaté est le passage d’un modèle de déploiement traditionnel sur site à un environnement cloud. Cette généralisation du cloud s’explique par la volonté d’accroître la rentabilité et l’efficacité opérationnelle, dans le contexte tendu que nous avons évoqué. Les tarifications flexibles que proposent les fournisseurs de cloud permettent en effet de ne payer que pour ce que l’on utilise, de lancer de

ADOPTÉ, MAIS PEU UTILISÉ

En juillet 2022, l’ABBL et KPMG ont publié leur dernier rapport sur l’adoption du cloud au sein des institutions financières de la Place. Pour objectiver la situation, 50 banques ont été interrogées sur leur utilisation du cloud, et notamment sur la proportion des flux de travail ou applications hébergés dans le cloud. L’une des conclusions de l’étude est que la plupart des répondants ont déjà déployé un certain nombre de flux ou d’applications dans le cloud. Mais moins de 10 % d’entre eux l’utilisent massivement, avec 65 % des applications hébergées dans le cloud.

nouveaux produits et de conquérir de nouveaux marchés sans devoir forcément investir énormément dans une infrastructure et une équipe de développement. La crise du Covid a évidemment joué un rôle important dans cette évolution. Nous avons vraiment vu s’accélérer de façon conséquente l’adoption du cloud en banque privée depuis cette crise.

La notion de cloud recouvre plusieurs réalités. Quel type de cloud est privilégié dans le secteur de la banque privée ?  Il n’y a pas vraiment de règle générale en matière de migration sur le cloud, chacun optant pour la solution qui lui convient le mieux. On voit toutefois que sur nos 12 clients du secteur de la banque privée au Luxembourg, les quatre derniers ont opté pour une solution SaaS, alors que les huit premiers avaient choisi une solution on premises. Il y a donc clairement une évolution des mentalités concernant le cloud public au Luxembourg.

Y a-t-il encore des freins, au sein des banques privées luxembourgeoises, par rapport à la migration vers le cloud ?

Traditionnellement, la principale inquiétude des acteurs de la banque privée concerne la sécurisation du stockage des données dans le cloud. Aujourd’hui encore, un certain nombre d’idées fausses circulent à ce sujet, notamment concernant un supposé manque de sécurisation et de confidentialité de ces environnements cloud. Pourtant, les plus importants fournisseurs de cloud au monde, qu’on appelle les hyperscalers, disposent de moyens considérablement supérieurs à ceux de n’importe quelle banque privée pour protéger les données et les infrastructures, et ils savent que garantir la sécurité de leur solution est indispensable pour continuer à attirer des clients. Ce poste constitue donc pour eux une priorité, et ils y investissent des montants très importants. Là où des préoccupations demeurent, c’est sur la dépendance excessive de l’ensemble des acteurs par rapport à une poignée de fournisseurs de services cloud. Une plus grande diversification dans cette industrie serait sans doute souhaitable.

AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 47

Parlez-vous private banking ?

Private banking

Commençons par les bases. Souvent confondu avec le wealth management, le private banking s’en différencie à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il est important de préciser que les services d’un banquier privé ne seront accessibles qu’à partir d’un certain capital. En général, ce dernier s’élève à 500.000 € minimum. À la différence de ceux offerts par un gestionnaire de fortune, les services du banquier privé se limiteront à ceux proposés par l’établissement dans lequel il travaille et ne sont pas toujours aussi personnalisables.

Family office

Ces structures sont, dans la majorité des cas, complémentaires aux banques privées. Un family office est un bureau de gestion de grande fortune. Sa mission est de mettre en place des stratégies d’investissement afin de faire fructifier le capital de sa clientèle. Il peut s’agir d’un single family office, travaillant pour une seule famille, ou d’un multi-family office Dans ce dernier cas, plusieurs familles bénéficient des conseils de la société. Banques privées et family offices travaillent donc ensemble afin de garantir des services de qualité. Les banques sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à former des employés pour conseiller les collaborateurs des family offices.

Produit structuré

Alternative aux placements financiers traditionnels, un produit financier est dit « structuré » une fois qu’il est composé de deux actifs financiers, au minimum. Cet instrument financier permet d’obtenir un rendement variant selon la réalisation d’un scénario de marché prédéterminé. Plusieurs types de produits structurés existent et seront proposés en fonction du profil de risque de l’investisseur. Ce type d’investissement facilite la diversification et permet, parfois, d’avoir accès à des produits qui sont moins accessibles dans les banques traditionnelles.

Mifid III

La réforme Mifid III, troisième version de la directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers, entrera prochainement en application. Lors de sa première application, l’impact a été important pour les banquiers privés. L’objectif de cette directive est de protéger les investisseurs en garantissant plus de transparence sur les produits. Cette troisième version intégrera les composantes ESG et, par conséquent, les préférences des clients en termes de durabilité des produits.

HNWI – high net worth individuals

Clientèle privilégiée des banques privées, les high net worth individuals sont des personnes disposant d’un capital élevé, qu’il soit financier ou patrimonial. Le terme « HNWI » est utilisé, de manière générale, par les banques et autres prestataires de services financiers. Pour être considérée comme faisant partie de cette catégorie, la personne dispose en général de liquidités d’un montant supérieur à 5 millions d’euros. Dans le monde, cela concerne un peu plus de 4 millions de personnes. Les UHNWI (pour ultra high net worth individuals) constituent une autre catégorie cible pour la banque privée. Leur fortune est estimée à plus de 30 millions d’euros.

48 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Le domaine bancaire et ses subtilités ne sont pas toujours aisés à comprendre. Aujourd’hui, découvrons le vocabulaire du private banking.
LEXIQUE
Private banking

TABLE RONDE

Plus grande commune du Luxembourg avec ses quelque 130.000 habitants, et qui voit sa population doubler les jours ouvrables, la capitale est le poumon économique du pays. Quelle personnalité pour diriger ce flagship communal ? Comptant plus de 70 % de résidents étrangers

en provenance de plus de 170 pays, ce patchwork culturel et social représente un défi politique quasi-unique au monde.

Logement, mobilité et vélos en ville, qualité de vie et sécurité, cohésion sociale : quelles sont les priorités des partis ?

A  B  C  E  F  D
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REAL-TIME TRANSLATION Élections communales 2023 04 mai 2023 18:30 21:30 Chambre de Commerce 7, rue Alcide de Gasperi L-1615 Luxembourg E LYDIE POLFER (DP) C FRANÇOIS BENOY (déi Gréng) A PASCAL CLEMENT (Piratepartei) B ALEX PENNING (ADR) F GABRIEL BOISANTE (LSAP) D SERGE WILMES (CSV)
ÉLECTIONS COMMUNALES : QUELLES SONT LES PRIORITÉS DES PARTIS ?

« C’est principalement la relation client et ses actifs qui sont valorisés »

Depuis plusieurs années, l’activité de banque privée connaît un mouvement de consolidation. Évocation de ces enjeux avec Jacques Graas, partner au sein du cabinet Allen & Overy, spécialiste des opérations de fusion et acquisition.

50 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

En cas de fusion de deux banques privées, Jacques Graas souligne qu’il est important que les employés-clés, tels que les relationship managers, adhèrent au projet. Il en va, au final, de la fidélisation de la clientèle.

Comment se traduit le mouvement de consolidation de l’activité de banque privée au Luxembourg ?

Le mouvement de consolidation constaté actuellement sur le marché de la banque privée en Europe n’est pas nouveau. Si l’on évoque l’activité au Luxembourg, on constate en effet que le nombre d’acteurs bancaires proposant des services de gestion de fortune tend à diminuer. Cependant, le volume d’actifs sous gestion continue, lui, d’augmenter, confirmant l’attrait de la place financière dans le domaine de la gestion de fortune. La sophistication des services proposés répond aux attentes d’une clientèle dont l’empreinte financière est plus importante et qui vient chercher au Luxembourg une expertise poussée. Si l’on regarde les opérations de fusion et acquisition qui ont eu lieu ces dernières années, il est toutefois difficile de faire des généralités. On a notamment vu des acteurs nordiques quitter le Luxembourg pour se recentrer sur leur marché. D’autres institutions étrangères ont eu tendance à renforcer leurs activités localement, comme UBS, Julius Baer ou UBP. Tandis que certains, dans le cadre du Brexit, ont cherché à acquérir une structure à Luxembourg afin d’y implanter leur activité et la développer. Avec la fusion de Credit Suisse et UBS, nous observons une nouvelle forme de consolidation sur la Place, car les activités de banque privée au Luxembourg devraient logiquement être combinées.

Quels sont les principaux facteurs qui conduisent à des opérations de fusion et acquisition dans le domaine de la banque privée ?

Le principal facteur, en la matière, est certainement le coût réglementaire associé à la conduite d’une activité bancaire, qui a tendance à augmenter année après année. Les exigences en matière de lutte anti-blanchiment (AML), de protection des investisseurs (Mifid) ou celles relatives au niveau de capitalisation des acteurs ne font que croître. Tout cela entraîne des coûts fixes de plus en plus élevés. Cette tendance, malgré un principe de proportionnalité liée à la taille et à l’activité de chaque acteur, a un impact plus important chez les petits acteurs. Pour justifier de tels coûts, il faut donc atteindre une certaine taille critique.

MOINS DE « PETITES » BANQUES

Selon la dernière étude menée par KPMG à la demande du Private Banking Cluster de l’ABBL sur la performance des acteurs de la banque privée au Luxembourg, ce processus de consolidation a surtout concerné les petits acteurs – c’est-à-dire les banques dont les actifs sous gestion sont inférieurs à 5 milliards d’euros –, dont le nombre a plus que diminué de moitié depuis 2015, passant de 45 à 21, tandis que le nombre de banques moyennes et grandes est resté relativement stable ou a augmenté, probablement aussi parce que certaines d’entre elles ont acquis des entités plus petites.

Les raisons de ce mouvement ?

Selon l’étude, c’est une réponse à la hausse continue des coûts de fonctionnement d’une banque privée au cours des dernières années et aux défis auxquels les banques sont confrontées, plus onéreux que simplement exigeants : la pression réglementaire continue, la course à l’amélioration des systèmes informatiques existants pour les adapter à l’ère numérique, la guerre des talents sur un marché du travail extrêmement tendu, la concurrence introduite par de nouveaux entrants, peut-être plus agiles, dans le secteur bancaire et non bancaire – pour n’en citer que quelques-uns.

D’autre part, d’un point de vue plus macroéconomique, en raison de l’environnement de taux d’intérêt bas dans lequel évoluaient les acteurs de la banque privée ces dernières années, le faible niveau de marge a aussi poussé les acteurs à chercher à réaliser des économies d’échelle. Évidemment, cela change actuellement avec l’augmentation des taux d’intérêt.

Y a-t-il des particularités luxembourgeoises si l’on évoque ce mouvement de consolidation du marché ?

Au Luxembourg, ce mouvement de consolidation a aussi été induit par une évolution des modèles d’affaires, suite à la modulation du secret bancaire. La clientèle et ses attentes ont changé. Pour rester pertinent sur le segment de la banque privée, il faut pouvoir apporter un niveau de sophistication, développer une offre à valeur ajoutée, ce qui implique des investissements parfois conséquents ou l’adoption de nouvelles plateformes. Tout cela ne se justifie que si l’on atteint une certaine taille critique.

Ce mouvement de consolidation, déjà significatif ces dernières années, est-il appelé à se poursuivre ?

Oui. Même si, il faut le reconnaître, le nombre d’acteurs est déjà, à ce jour, limité. Toutefois, les banques privées qui souhaitent continuer à se développer cherchent à étendre le volume d’actifs sous gestion en saisissant les opportunités d’acquisition qui se présentent. Ce qui intéresse ces acteurs, à travers de telles opérations c’est avant tout les relations clients qu’ils peuvent aller chercher et les actifs qui sont associés à chacune d’elles. Plus qu’un transfert d’actions, ils visent avant tout l’acquisition de nouveaux actifs à gérer.

Autrement dit, ce que l’on valorise dans le cadre d’une opération de consolidation, ce sont avant tout le client et ses actifs ?

Oui, même s’il ne faut pas non plus faire de généralités, car chaque transaction a ses particularités. Ainsi, pour des acteurs qui n’ont pas encore de structure juridique avec une licence bancaire au Luxembourg ou qui sont avant tout des investisseurs financiers, l’acquisition d’une entité pleinement opérationnelle est essentielle.

52 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

À quels éléments faut-il être attentif pour les mener à bien ?

L’un des premiers enjeux est de déterminer la nature de la transaction. L’opération se traduit-elle par l’acquisition d’actions, auquel cas c’est toute la structure bancaire qui passe dans le giron de l’acquéreur, ou se limite-t-elle à un transfert d’actifs ? Un autre aspect particulièrement critique a trait à la responsabilité vis-à-vis des risques du passé. À cet égard, si certains risques sont connus et font, le cas échéant, l’objet d’un litige en cours, d’autres pourraient survenir au-delà de la transaction. On peut évoquer le cas d’une promesse de rendement non tenue et qui peut donner lieu à une demande d’indemnité de la part d’un client. Il peut aussi s’agir de sanctions infligées par la CSSF pour des manquements qui ont parfois eu lieu il y a trois ou quatre ans. Dans le cadre d’acquisitions, il est important de tenir compte de ces risques.

Dans la mesure où c’est le portefeuille de clients qui est principalement valorisé dans le cadre de telles transactions, comment s’assurer que ceux-ci feront le choix de rester fidèles à l’acquéreur?

C’est un autre enjeu dont il faut tenir compte. Dans le domaine de la banque privée, les clients fortunés sont avant tout attachés à la relation qu’ils entretiennent avec leur relationship manager. Dans le cadre de la négociation, il faut veiller à ce que les employés, du moins les personnes-clés, adhèrent au projet et disposent de perspectives attrayantes dans le nouvel environnement qui leur est proposé. Il faut s’assurer que les personnes restent.

Qu’en est-il des aspects techniques ? La migration des données ou l’intégration des systèmes d’information constituent à chaque fois un chantier particulièrement complexe qu’il ne faut pas sousestimer. Les banques s’appuient sur des plateformes technologiques différentes. Si l’enjeu est d’accéder à des économies d’échelle, à travers une rationalisation des systèmes, il faut pouvoir évaluer les implications techniques d’un tel projet et les coûts associés. Enfin, il ne faut pas négliger le volet réglementaire lié à un projet de fusion ou d’acquisition.

Combien de temps faut-il pour mener de telles opérations ? Il faut considérer plusieurs temps. D’abord, il y a celui de la réflexion dans le chef du cédant. Celui-ci peut s’étendre sur plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années. La décision de vendre une activité s’inscrit dans une vision stratégique globale, à long terme. Au-delà, il y a le temps du lancement de la transaction. Il s’agit alors de préparer le dossier, de rassembler les documents, de définir une stratégie de vente. Cette étape peut prendre plusieurs semaines. Elle doit permettre d’entamer la discussion avec les potentielles parties intéressées. La négociation, à ce niveau, s’étend sur trois ou quatre mois avant de pouvoir signer un engagement. Enfin, il y a le temps de l’autorisation réglementaire, qui dure généralement environ 6 mois. De telles opérations, vous l’aurez compris, s’envisagent sur une période de 9 à 12 mois.

Si l’on regarde vers l’avenir, quelles tendances du marché pourraient avoir des impacts sur ce mouvement de consolidation ? Le métier change, notamment avec l’intégration de la technologie au cœur de la relation client. Le modèle actuel de la banque privée pourrait évoluer, même si, à l’heure actuelle, les acteurs de ce segment ne semblent pas miser beaucoup sur les technologies de robo-advising ou encore sur l’intelligence artificielle. La relation humaine reste au cœur du modèle. C’est à ce niveau, dans la confiance que le client place dans sa banque, que la valeur du banquier demeure. Il reste cependant difficile de dire comment le numérique pourrait bousculer ces codes. L’automatisation pourrait notamment faciliter l’accès à des services de gestion de fortune, réduisant le spectre de ce qui relève effectivement de la banque privée. Le souhait des clients d’accéder à des actifs alternatifs, d’autre part, est une autre tendance-clé, dont il faut tenir compte. Au Luxembourg, où l’industrie des fonds développe une expertise poussée dans ce domaine, il est intéressant d’envisager le renforcement des synergies entre les gestionnaires d’actifs alternatifs et le monde de la banque privée.

54 PRIVATE BANKING AVRIL 2023 Conversation Jacques Graas
« Dans le domaine de la banque privée, les clients fortunés sont avant tout attachés à la relation qu’ils entretiennent avec leur relationship manager. »
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Un développeur d’affaires chevronné

Confrontées à des enjeux de renouvellement de leurs talents, les banques privées recherchent des développeurs commerciaux capables de compenser les coûts réglementaires. Gwladys Costant, fondatrice et partner de GoToFreedom, et Jérôme Carbonnelle, partner, décrivent l’état du marché.

Le secteur bancaire luxembourgeois fait face à une pénurie de talents, exacerbée par une demande croissante de professionnels capables de développer les activités commerciales. Au niveau des banques privées, Jérôme Carbonnelle, partner de GoToFreedom, un cabinet de recrutement, relève « la spécificité du marché luxembourgeois, où la plupart des banquiers développeurs sont déjà actifs localement ». Ce qui n’est pas sans rendre la situation « encore plus difficile » pour les acteurs du secteur.

Pour sa part, la fondatrice et partner du cabinet, Gwladys Costant, constate que « depuis ces dernières années, la tendance est de privilégier les profils en mesure de mener un véritable développement commercial ». Auparavant, les banques privées étaient plutôt intéressées par des banquiers capables de changer d’employeur accompagnés de leur portefeuille de clients. Entre-temps, les règles de conformité se sont renforcées, et les clients préfèrent désormais ouvrir un compte

Positions pour lesquelles les participants du secteur financier ont éprouvé des difficultés de recrutement

bancaire dans leur pays d’origine pour préserver leur vie privée. « La concurrence s’intensifie entre les banques locales et internationales, ces dernières ayant établi des succursales locales afin d’offrir une approche transfrontalière et multiculturelle. Cette situation complique davantage la recherche de développeurs commerciaux compétents dans un marché déjà tendu », commente Jérôme Carbonnelle. Le recrutement de candidats qualifiés s’avère donc ardu, car, souvent, ils préfèrent rester près de leur marché d’origine.

Des spécificités propres à chaque banque

Les besoins en business development de chaque institution de la Place – des banques européennes, des banques se développant à l’international depuis le Luxembourg et des multi-family offices – varient. Jérôme Carbonnelle explique : « Les banquiers des banques européennes sont souvent envoyés dans leur marché d’origine pour être au plus près de celui-ci ; ceux des banques ciblant l’international depuis le Grand-Duché doivent composer avec le fait qu’ils ont besoin de rester au Luxembourg pour gérer leurs activités locales ; et ceux des multi-family offices fonctionnent sur un modèle intrapreneurial où les gérants apportent les clients, et la société de gestion se connecte aux banques dépositaires. » Chaque type

Auteur BENOÎT THEUNISSEN Source Clarity on performance of Luxembourg private banks – KPMG ABBL
25 % 20 % 45 % 20 % 0 % 50 % Comptabilité financière Gestion de portefeuille Compliance Comptabilité des fonds Marchés des capitaux Services juridiques et fiscaux 20 % 35 % 56 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

de banque fait donc face à des défis propres et des pressions distinctes pour générer des revenus. Tant les banques européennes que celles cherchant à développer des activités à l’étranger depuis le Grand-Duché connaissent des coûts réglementaires élevés et des contraintes spécifiques aux organisations de grande taille. Elles sont ainsi obligées de générer des revenus conséquents pour préserver leur rentabilité. Les sociétés de gestion indépendantes, quant à elles, partagent généralement la rémunération totale à parts égales. Un aspect qui n’échappe pas aux candidats.

Un large spectre de compétences S’il y a une pression sur les revenus, ce n’est pas pour autant le seul enjeu. « Les développeurs commerciaux sont peu nombreux, leur essor n’ayant pas toujours été soutenu dans le passé », observe Jérôme Carbonnelle. La relève se fait rare, notamment chez les 30-35 ans possédant un solide réseau professionnel. En outre, Gwladys Costant pointe la difficulté d’attirer de nouveaux talents. « Les compétences requises évoluent et il existe un décalage entre les attentes des clients et la réalité du marché, analyse-t-elle. Les employeurs sous-estiment souvent le temps nécessaire pour attirer des clients de qualité, exigeant parfois des résultats à court terme. » La

fondatrice de GoToFreedom perçoit également un autre problème, attribuable aux attentes salariales élevées des jeunes. En revanche, « il y a une réelle place pour les jeunes dans ce domaine s’ils ont une crédibilité technique et peuvent rassurer leurs clients », poursuit-elle, dans la mesure où un transfert patrimonial intergénérationnel va s’opérer au cours des années à venir et qu’une clientèle jeune génère, à son tour, des revenus importants sur des plateformes digitales. « Cela pourrait séduire une clientèle nouvelle ou plus âgée, qui apprécierait un regard frais et audacieux, contrastant avec l’approche parfois moins créative de certains banquiers seniors. Cela n’empêche pas qu’un banquier privé est quelqu’un au service de ses clients pour répondre à leurs besoins en tout temps », souligne Jérôme Carbonnelle. Ce qui requiert un minimum de compétences techniques essentielles, telles que la connaissance des marchés financiers, de la corporate finance, ainsi qu’une expertise juridique. « La maîtrise de la gestion d’actifs reste tout de même une compétence minimale », indique le partner. Autant d’aptitudes qui, comme le rappelle Gwladys Costant, sont la clé des banques privées, dont « la mission est de transformer une expérience de vente ordinaire en une expérience mémorable ».

Des embûches à l’attractivité

L’industrie de la banque privée au Luxembourg est confrontée à un défi majeur : attirer, motiver, former et fidéliser les bons talents. Ce constat s’applique à l’ensemble du secteur financier, et il est urgent de trouver des solutions innovantes et durables, note l’étude Clarity on performance of Luxembourg private banks 2022 – 2nd edition, réalisée par KPMG à la demande de l’ABBL.

Citant l’une de ses enquêtes sur les rémunérations de la Place en 2021, KPMG indique que les difficultés à recruter des profils appropriés augmentent considérablement : en 2017, 45 % des participants

à l’enquête ont rencontré des difficultés de recrutement. Ce chiffre a ensuite grimpé pour atteindre 60 % en 2021. Les niveaux les plus difficiles à recruter étaient le personnel (62 % des participants ont rencontré des difficultés), la gestion intermédiaire (45 %) et la direction (37 %). Selon les participants à cette enquête, le secteur financier se trouve confronté à des difficultés de recrutement principalement dues à un manque de candidats qualifiés (41 %), à un manque de compétitivité des packages (18 %) et aux langues requises (11 %). En outre, il en ressort que les banques peuvent offrir de

nouveaux modèles de travail, tels que le travail à distance ou hybride, mais que leur mise en œuvre reste difficile en raison de la présence des frontières entre le lieu de travail et le domicile. Par ailleurs, KPMG conclut que les banques doivent également travailler sur leur marque employeur afin d’attirer davantage de candidats potentiels.

Pour sa part, l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem) a confirmé les tendances et les résultats observés par KPMG au sein du secteur financier. À cet égard, elle explique que les analystes know your customer (KYC) et les chargés

de conformité ont été les fonctions les plus recherchées en 2021, avec 240 postes vacants qui lui ont été déclarés. Il y a également une demande croissante pour des chargés de clientèle, que ce soit des directeurs de comptes, des relationship managers, des développeurs d’affaires ou des gestionnaires de patrimoine. Les banques, bien qu’elles aient beaucoup d’offres innovantes et créatives, ne sont probablement pas suffisamment commercialisées et connues des candidats potentiels au Luxembourg et à l’étranger, selon le rapport de KPMG.

GWLADYS COSTANT Fondatrice et partner de GoToFreedom
« Depuis plusieurs années, la tendance est de privilégier les profils en mesure de mener un véritable développement commercial. »
Photo Guy Wolff (archives)
AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 57 Private banking

Quels métiers dans une banque privée ?

Les métiers de la banque privée ne se limitent pas à la seule fonction de banquier privé. De nombreux métiers se complètent afin de garantir un service de qualité à une clientèle fortunée. Tour d’horizon des métiers du private banking

Auteur MARIE JACQUEMIN

1

Banquier privé

Parfois aussi appelé relationship manager, il est bien entendu essentiel au bon fonctionnement de la banque. Chaque client a son propre interlocuteur privilégié et peut construire avec lui une relation de confiance. Ce banquier pourra rapidement comprendre les besoins de ses clients et, selon la question, les diriger vers des experts. Sa mission première est donc d’accompagner sa clientèle tout au long de son parcours de vie.

3

Ingénieur patrimonial

Tout au long d’une vie, il est nécessaire de faire des choix afin de bien gérer son patrimoine. Pour prendre les bonnes décisions, il est préférable d’être bien accompagné. L’ingénieur patrimonial est là pour ça. Il gère différents aspects du patrimoine, tant financiers qu’immobiliers, et apporte ses conseils. Il dispose d’une expertise juridique ou encore fiscale. Son objectif est de permettre au patrimoine de sa clientèle d’être préservé et de fructifier.

5

2Planificateur successoral

Le patrimoine des clients des banques privées est souvent complexe. La transmission ne s’improvise pas et se prépare des années en amont. Les experts en planification successorale conseillent les clients pour préparer leur succession, tant au niveau du patrimoine financier qu’immobilier. Celui-ci étant souvent réparti dans plusieurs pays, le planificateur successoral dispose de connaissances approfondies en droit national et étranger.

4

Conseiller en philanthropie

Cette fonction n’est pas la plus connue, mais elle est toutefois primordiale. En effet, nombreuses sont les personnes disposant de fonds importants qui souhaitent s’engager au service de la communauté. Les conseillers en philanthropie sont à l’écoute de ces clients afin de cerner exactement les domaines dans lesquels ils souhaitent agir. De plus, ils mettent en contact des philanthropes de tous les horizons afin qu’ils puissent échanger leurs bonnes pratiques afin de contribuer aux enjeux sociétaux.

Gestionnaire de fonds

Au sein des banques privées, le gestionnaire de fonds est à l’écoute de sa clientèle afin de lui proposer des produits en accord avec ses valeurs. En collaboration avec son client, il établira une stratégie d’investissement tout en prenant en compte le profil de risque et le rendement souhaité. Deux options seront proposées au client. Le gestionnaire pourra agir de manière discrétionnaire – signifiant que le client confie entièrement la gestion à l’expert – ou alors il sera simplement là pour conseiller son client, et ce dernier prendra les décisions d’investissement.

58 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
.
PROFESSIONS
Private banking

« Le métier de banquier doit être mieux valorisé »

Former plus de banquiers privés est une priorité pour un secteur en pénurie de talents. Selon Fabio Mandorino, senior adviser au sein de l’ABBL, il faut, pour cela, redonner ses lettres de noblesse à ce métier.

Interview
Photo ROMAIN GAMBA
QUENTIN DEUXANT
Conversation Fabio Mandorino 60 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

Pour Fabio Mandorino, « les bons banquiers privés sont devenus une denrée rare ».

S’il est devenu urgent de former plus de personnes aux métiers de la banque privée, c’est parce qu’on peine aujourd’hui à trouver les profils nécessaires. Quelle est l’étendue du problème ?

Tout d’abord, il faut préciser que ce problème est national et qu’il concerne tous les secteurs : la finance, bien sûr, mais aussi la restauration, la construction, etc. Au niveau de la banque privée, le secteur est confronté à d’importantes difficultés pour trouver les collaborateurs dont les banques ont besoin. Nous n’en sommes pas encore au point de ne plus pouvoir servir certains clients par manque de moyens, mais cela pourrait être la prochaine étape. Ce qui est clair, c’est que cette situation impacte la compétitivité actuelle et future du Luxembourg.

Au-delà du manque de personnel, il faut aussi souligner l’évolution de l’environnement dans lequel travaillent les banquiers. Quel est l’impact sur le métier de banquier privé ?

Nos sociétés se trouvent actuellement dans une période de transition importante – au niveau digital, mais aussi en matière environnementale. Cela induit une série de nouvelles obligations pour le banquier privé, en matière de reporting notamment, tout en exigeant de lui qu’il s’adapte à de nouvelles façons d’interagir avec le client. Le métier doit donc clairement évoluer, tant au niveau du front-office que du back-office. En ce qui concerne le front-office, tout d’abord, les habitudes du client ayant changé, ses exigences ont également évolué et vont continuer à le faire au cours des prochaines années. Il sera bientôt normal, pour chaque client de la banque privée, d’avoir accès à son portefeuille à tout moment et de pouvoir participer à la prise de décision de façon simple et rapide. On va également avoir de plus en plus affaire à des personnes qui sont très sensibles à la durabilité de leurs investissements. Il faudra pouvoir les informer correctement sur ces questions, de façon précise et rigoureuse. Par rapport au back-office, un travail de plus en plus lourd doit être effectué par les compliance officers. Des outils comme les KYC utilities vont permettre d’alléger quelque peu

leurs tâches quotidiennes. Mais pour gérer cette digitalisation de la compliance, d’autres profils seront bientôt nécessaires au sein des banques privées, comme les IT compliance officers. Former les banquiers pour qu’ils s’adaptent à ces nouveautés est une chose, mais il semble évident que la pénurie actuelle sera renforcée par la nécessité d’engager de nouveaux talents spécialisés dans ces domaines.

Quelle est aujourd’hui l’offre de formation aux métiers de la banque privée disponible au Luxembourg ? Elle s’étale sur plusieurs niveaux, formant une sorte de pyramide. Avec la Fondation ABBL pour l’éducation financière, nous veillons à éveiller les élèves à la finance dès l’école secondaire, en évoquant différents aspects de ces métiers. Ensuite, nous avons énormément travaillé pour mettre au point, en collaboration avec l’Université du Luxembourg, le master en wealth management. Nos membres accueillent également ces étudiants pour leur stage et, souvent, ils finissent par décrocher directement un emploi dans le secteur. À côté de la formation initiale, nous avons aussi développé une série d’initiatives au niveau de la formation continue, à commencer par le certificat de Certified Private Banker mis au point avec la House of Training. Cette offre est plutôt destinée aux professionnels déjà actifs dans le milieu bancaire et qui souhaitent exercer la fonction de banquier privé. Dans la même optique, l’European Financial Planner Association Luxembourg (EFPA) propose aussi des formations à destination de personnes qui souhaitent approfondir leurs connaissances du métier de banquier privé. Enfin, l’Institut luxembourgeois des administrateurs forme quant à lui les personnes amenées à siéger dans les conseils d’administration des institutions bancaires. Il existe donc déjà une offre de formation relativement étoffée au Luxembourg, quels que soient son âge et l’avancement de sa carrière. À cela, il faut ajouter les partenariats qui sont régulièrement noués avec des universités dans les pays limitrophes pour attirer les étudiants en finance au Luxembourg, ainsi que le travail de promotion mené par Luxembourg for Finance à l’étranger.

UNE OFFRE PRIVÉE AUSSI

Notons qu’au-delà des offres de formation organisées par des acteurs publics, auxquelles on peut rajouter celles du Luxembourg Lifelong Learning Center de la Chambre des salariés, une série d’organismes privés se sont lancés dans cette niche, proposant des formations diverses, notamment en matière de finance. C’est le cas d’Abilways Luxembourg, dont les modules semblent particulièrement adaptés aux défis actuels (digitalisation de la fonction compliance, lutte contre le blanchiment dans l’industrie des fonds, etc.), ou encore du MSLux Institute.

« Il existe déjà une offre de formation relativement étoffée au Luxembourg, quels que soient son âge et l’avancement de sa carrière. »
62 PRIVATE BANKING AVRIL 2023 Conversation Fabio Mandorino

Tout au long de 2023, année de ses ans, Maison Moderne tient à réaffirmer sa politique Anti-Gaspi.

Le Paperjam + Delano Business Club invite donc les % de personnes qui constituent le « no-show » à ses événements à effectuer un virement de € ou plus à SOS Faim qui célèbre également son e anniversaire cette année.

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Un étudiant ou un candidat qui se fait approcher par le Luxembourg sera peut-être plus tenté par des villes plus trépidantes, comme Paris ou Londres. Faut-il avant tout renforcer l’image de marque du pays pour donner envie aux étudiants et candidats de se former et de travailler ici ?

Il est vrai que la concurrence pour les talents, et même pour attirer des étudiants, est internationale et dépasse aujourd’hui le territoire de la Grande Région. Dès lors, particulièrement pour des jeunes, il est vrai que Londres ou Paris peuvent sembler être des villes plus intéressantes pour débuter sa carrière. Toutefois, la plupart des personnes qui choisissent Luxembourg sont souvent séduites, une fois qu’elles sont installées, par la grande qualité de vie qu’on y trouve. Il faut donc sans doute insister sur ce point quand on communique sur la place financière luxembourgeoise. Mais il est clair que des efforts peuvent encore être faits, tout d’abord au niveau des banques elles-mêmes, par exemple pour offrir un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle à leurs employés, plus de flexibilité. En outre, il serait possible de rendre le Luxembourg plus attractif d’un point de vue fiscal pour ces travailleurs étrangers. Cela a été le cas en France, après le Brexit, où la fiscalité a été revue pour attirer des travailleurs du secteur financier, mais aussi en Italie, où l’on bénéficie d’un régime fiscal plus intéressant quand on rentre au pays après quelques années à l’étranger. Enfin, le problème du logement est devenu un écueil majeur pour attirer étudiants, professeurs et professionnels du secteur financier. C’est bien de proposer des formations de haut niveau et des emplois de qualité, mais s’il est impossible de se loger dans le pays, tous ces efforts ne servent à rien.

Quels sont aujourd’hui les profils les plus recherchés dans la banque privée ?

La pénurie est généralisée, toutes les fonctions sont donc aujourd’hui recherchées. Mais les résultats de l’étude menée en 2021 par l’Adem, l’Aca, l’ABBL et l’Alfi montrent que les fonctions de chargé de clientèle, gestionnaire de fonds, analyste KYC, analyste financier, risk manager, juriste, responsable de la sécurité infor-

LA JEUNESSE, NERF DE LA GUERRE

Comment sont perçues ces professions aux yeux de la jeunesse ? Est-ce que le fait d’inciter beaucoup plus de jeunes à se tourner vers ces métiers serait une solution face à la pénurie de talents ?

Fabio Mandorino explique :

« Il est clair que les métiers de la banque ont souffert d’un déficit d’image suite à la crise financière de 2008. Il y a donc un vrai travail à faire sur la réputation de ces professions. Selon moi, elles seront pourtant amenées, dans les prochaines années, à jouer un rôle social important. Dans le cadre de la transition écologique en cours, les banquiers vont avoir un rôle d’intermédiaire important entre leurs clients et les projets qui permettront de rendre nos sociétés plus durables. L’attractivité de la fonction de banquier privé devrait donc se renforcer dans les années à venir. »

matique, développeur ou encore architecte IT sont parmi les plus concernées par cette pénurie. Les bons banquiers privés sont devenus une denrée rare, qui est arrachée à prix d’or par la concurrence, ce qui contribue à une forme de surenchère salariale. Il y a urgence à trouver des solutions à ce phénomène très problématique pour l’ensemble des banques privées de la Place.

On a déjà évoqué le rôle de l’ABBL face à cette problématique. Quels sont ses autres projets permettant de renforcer la formation des banquiers privés au Luxembourg ?

Notre rôle est de continuer à cartographier les besoins des banques, mais aussi de nos autres membres, des entreprises d’investissement, des Big Four, des avocats, des PSF – ce qui représente tout de même 51.000 employés – et d’envisager la meilleure façon d’y répondre. Au-delà des initiatives que j’ai citées, on peut aussi évoquer les modules de formation que nous avons mis en place avec la House of Training, notamment par rapport à la directive AML, ou à la fonction de digital wealth manager. Ces différents modules, qui sont déjà accessibles aux personnes actives dans ce secteur, ont été mis au point après avoir mené une large consultation avec les 1.500 collaborateurs parmi nos membres actifs dans nos différentes communautés. Beaucoup de grands groupes proposent déjà à leurs employés un ensemble de formations sur les sujets qu’il sera indispensable de maîtriser demain. C’est également un bon réflexe, qu’on aimerait voir élargi aux plus petits acteurs.

64 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Conversation Fabio Mandorino
Guy Hoffmann, ABBL

La success-story de la banque privée au Luxembourg

Pays longtemps rural, le Luxembourg a su tirer son épingle du jeu, d’abord à travers le formidable essor de son industrie sidérurgique, puis dans les services financiers, et notamment de banque privée.

05.11.2014

Lors d’un vote quasi unanime de son Parlement, le Luxembourg abolit le secret bancaire. La loi introduisant l’échange automatique d’informations bancaires scelle ainsi le sort des contribuables étrangers cherchant à dissimuler leurs avoirs aux autorités fiscales de leur pays de résidence. Après presque 20 ans de négociations intenses, une telle mesure est censée redorer le blason du Grand-Duché et de sa place financière, et réhabiliter le Luxembourg auprès de tous ceux qui l’ont accusé d’être un paradis fiscal.

Au début des années 1980, alors que la place financière a déjà atteint un certain niveau de maturité, plusieurs difficultés vont l’inciter à se diversifier, notamment en direction du private banking. À l’époque, la croissance mondiale ralentit en raison de l’inflation et en particulier d’une nouvelle hausse des prix du pétrole, due à la guerre entre l’Irak et l’Iran. Mais la situation dérape véritablement en 1982, lorsque le Mexique annonce unilatéralement le gel du paiement de sa dette. La situation d’insolvabilité des pays d’Amérique latine, principaux clients du Luxembourg sur le marché des eurocrédits, frappe durement la Place, qui doit réagir, et vite.

En matière de banque privée, le pays ne part pas de zéro. Sa participation aux euromarchés l’a, dès les années 60, familiarisé avec une clientèle internationale, des produits d’investissement en différentes devises ainsi que l’élaboration de montages complexes. L’évolution du cadre réglementaire et l’instauration du secret bancaire feront pencher la balance en sa faveur.

L’importance du secret bancaire

Le secret bancaire luxembourgeois doit son origine à l’article 458 du Code pénal.

Cet article impose le secret à certaines professions dépositaires de confidences qu’on leur livre dans le cadre de l’exercice de leur métier. Ce texte s’appliquait alors aux médecins, aux pharmaciens ou encore aux sages-femmes. Son extension au monde bancaire repose sur une interprétation jurisprudentielle, sans que l’on sache vraiment si sa portée était spécifique ou générale. La loi du 23 avril 1981 sur le secteur bancaire consacre son extension formelle aux métiers de la banque.

Le secret bancaire n’explique pas à lui seul le succès de la banque privée. Deux adjoints précieux vont assurer son envol, à savoir le principe de la non-imposition de l’épargne des non-résidents et le principe de la double incrimination en matière de délit fiscal. Concrètement, si l’échange d’informations avec des administrations fiscales étrangères était possible dans le cas d’une procédure pénale, il fallait que la définition de l’infraction suspectée soit similaire à celle existant dans le droit grand-ducal. Qui avait une conception limitée du délit de fraude fiscale…

Le secret bancaire, s’il va assurer le développement de la banque privée, n’ira pas sans quelques grincements de dents de la part des États voisins, dont

HISTOIRE
66 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Auteur MICHAËL PEIFFER

les ressortissants étaient les principaux clients de la Place. C’était l’époque du « dentiste belge ». En conséquence, l’image de la Place va se dégrader, au grand dam des professionnels de l’assurance et des fonds d’investissement qui n’avaient que faire du secret bancaire.

Un événement dramatique va être à l’origine de la fin du secret bancaire : le 11 septembre 2001 et les attentats contre les tours du World Trade Center. Du jour au lendemain, la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme s’inscrit en bonne place dans l’agenda des autorités américaines. Le secret bancaire n’est, dès lors, plus tolérable. De concession en concession, il va disparaître. Une disparition très progressive qui sera actée le 5 novembre 2014 par le vote, à la Chambre des députés, de son abolition et de l’introduction de l’échange automatique d’informations bancaires. 14 années que les professionnels du secteur vont mettre à profit pour repenser leur modèle. Avec succès.

Place à la transparence Avec la fin du secret bancaire, certains prédisaient un avenir morose pour le secteur de la banque privée au Luxembourg. Force est de constater que l’industrie est parvenue à se réinventer en s’adressant à

une nouvelle clientèle, beaucoup plus fortunée que par le passé.  Au fil du temps, l’offre s’est transformée en un écosystème complet de gestion de patrimoine, regroupant le conseil en investissement, la gestion d’actifs, la planification patrimoniale, la gestion immobilière, la planification de la succession et la philanthropie. Le Luxembourg fait aujourd’hui office de centre d’excellence pour la gestion multi­juridictionnelle de patrimoine. De nombreux groupes bancaires ont établi leur centre de compétences intra­groupe au Luxembourg afin de répondre aux besoins de leurs clients. Ce rôle particulier dans la chaîne de valeur de la gestion de patrimoine internationale a été considérablement renforcé par la décision de grandes institutions financières d’établir leurs opérations de gestion de patrimoine post­Brexit dans l’UE au Luxembourg.

La transition vers un centre de gestion de patrimoine transfrontalier fiscalement transparent au lendemain de la crise financière avait déjà renforcé la position du Luxembourg en tant que pôle européen onshore pour les banques privées, les gestionnaires de patrimoine et leurs clients. Le secteur a continué à se diversifier dans les segments de clientèle ultra fortunée. Toujours avec le même succès.

Près d’un siècle d’histoire

Si l’essor de la banque privée doit beaucoup au coup de génie de l’ancrage du secret bancaire dans la législation en 1981, de nombreux autres jalons posés au cours de ces (presque) 100 dernières années expliquent son succès.

Dès 1929, le Luxembourg crée un premier cadre favorable aux activités financières offshore. Il s’agit de la Holding 1929 et de la Bourse de Luxembourg, deux outils sur lesquels le pays va bâtir son ascension. Concrètement, ces holdings, ou sociétés mères, ne pouvaient pas avoir d’activité commerciale ou industrielle dans le pays. Leur utilité était de permettre à de grandes sociétés

françaises, belges, allemandes, voire britanniques ou américaines, de rassembler leur capital au Luxembourg en l’exonérant d’impôt. Avec le krach boursier, puis la guerre, il faudra toutefois attendre la fin des années 50 pour connaître l’âge d’or des H29 et de la bourse.

À cette époque, l’explosion des eurodollars accélère la naissance de la Place. Alors que les activités bancaires sont strictement encadrées, les besoins de financement pour la reconstruction d’après-guerre sont gigantesques. C’est dans ce but qu’apparaissent les eurodollars qui, grâce au plan Marshall, s’accumulent dans les livres des banques européennes et vont

être utilisés dans des opérations de prêts internationaux. Ensuite, dès 1963, les euro-obligations ouvrent de nouvelles perspectives pour la Place : les banques locales débordent de leur marché domestique pour devenir des banques d’affaires internationales et les banques étrangères prennent pied au Grand-Duché. Elles sont encouragées par la création, en 1965, de la holding de financement, une organisation permettant à des groupes internationaux de structurer leurs emprunts obligataires dans un cadre fiscal attrayant. Les titres de ces emprunts étaient exemptés de retenue à la source. Les années 70 sont celles des pétrodollars. Cet afflux de liquidités

lance un nouveau marché, celui des eurocrédits. Ces prêts sont destinés au financement des États qui, à la suite de la fin des accords de Bretton Woods en 1971, ouvrent les vannes de l’endettement. Un nouveau marché s’ouvre pour la Place, qui attire encore plus d’acteurs et de services. Les banques saisissent les nouvelles opportunités qui se présentent et développent des services (agents payeurs, agents de cotation, dépositaires). La Place a besoin d’avocats pour rédiger les prospectus et les contrats d’émissions, de notaires, mais aussi d’auditeurs. Le cadre est en place pour soutenir l’essor de la banque privée.

AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 67 Private banking

Acteurs de la gestion de fortune : une concurrence saine

Un nombre croissant d’acteurs du secteur financier choisissent aujourd’hui de développer une activité de family office. Une situation qui entraîne une concurrence accrue vis-à-vis des banques et autres gestionnaires de fortune, mais qui reste aujourd’hui soutenable.

C’est le 21 décembre 2012 qu’a été votée la première loi sur les multi-family offices au Luxembourg, faisant du pays l’un des seuls à encadrer cette activité. Cette initiative a permis de déterminer les conditions permettant d’exercer ce métier, notamment à travers l’obtention d’un agrément de la CSSF. « Cet agrément ne permet pas aux multi-family offices de faire de la gestion d’actifs au sens strict. Ceux-ci s’attachent à fournir un conseil sur la structuration d’opérations d’investissement complexes, de co-invest ou autres club deals, ainsi que sur l’allocation d’actifs, la consolidation ou encore le reporting par rapport à toute classe d’actifs, rappelle Pascal Rapallino, président de la LAFO (Luxembourg Association of Family Offices). En ce sens, un family office ne va donc jamais venir concurrencer directement le travail des banques ou des gestionnaires d’actifs. »

Cette mise au point ne vaut toutefois que pour les pure players, c’est-à-dire les family offices qui n’exercent que cette seule activité. « Sur la base de la loi de 2012, les avocats, notaires, banques, expertscomptables ou certains PSF peuvent aussi

étendre leurs activités aux services de family office sur simple demande à la CSSF, poursuit Pascal Rapallino. On se retrouve alors dans une situation où ces autres professionnels du secteur financier peuvent en effet concurrencer le travail des family offices. Cela dit, il y a encore de la place pour tout le monde sur le marché luxembourgeois, et la concurrence s’avère plutôt saine et créatrice de valeur pour le client. »

Où trouver la croissance ?

Cette concurrence incite les sociétés bénéficiant de l’agrément de multi-family office à se distinguer pour sortir du lot et maintenir leur croissance. Pour y parvenir, différentes stratégies sont déployées. « On peut développer de nouveaux services afin d’accroître ses revenus. On peut, par ailleurs, réaliser des acquisitions qui permettent de récupérer à la fois les forces vives et la clientèle de la société qui a été achetée. Enfin, il est possible d’explorer des marchés de niche –private equity, club deal, investissements verts, etc. – pour obtenir une vraie croissance organique. Mais grandir à travers l’acquisition de nouveaux clients est clairement l’option la plus délicate aujourd’hui », estime

PASCAL RAPALLINO président de la LAFO Photo Romain Gamba (archives)
FAMILY OFFICE
Auteur QUENTIN DEUXANT
68 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
« Diminuer les frais pour attirer les clients est délicat dans ce contexte de hausse des coûts, car il faut veiller à assurer la pérennité de l’entreprise. »

le président de la LAFO. Or, avec le retour de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, certaines familles sont plus précautionneuses dans leurs investissements. Cela les incite-t-il à chercher aussi, en plus d’un service de haute qualité, des prix plus attractifs? S’agit-il là d’un autre élément de différenciation? « Je pense que les clients font peut-être plus attention aux frais qui leur sont facturés aujourd’hui, mais je crois aussi que lorsqu’ils ont trouvé le partenaire qui leur offre toute la confiance souhaitée, ce n’est pas là l’élément principal », commente Pascal Rapallino. D’ailleurs, encore faudrait-il pouvoir offrir des honoraires réduits, considérant que les coûts des multifamily offices, comme ceux de l’ensemble des acteurs régulés du monde financier, ont considérablement augmenté en raison des nouvelles réglementations mises en place au cours des dernières années. « Diminuer les frais pour attirer les clients est délicat dans ce contexte, car il faut veiller à assurer la pérennité de l’entreprise. Il y a une vraie pression sur les marges, qui entraîne un phénomène de consolidation comparable à celui que l’on connaît au niveau des banques », ajoute Pascal Rapallino.

Plus ou moins de family offices grâce à la loi ?

Selon le président de la LAFO, la loi de 2012 contribue au développement de cette activité. Elle rassure des clients

étrangers qui, sans cela, hésiteraient peutêtre à positionner la gestion de leurs affaires familiales dans un pays qu’ils ne connaissent pas forcément, comme le Luxembourg. « Cela dit, il reste difficile d’évaluer la contribution de cette loi à l’attraction des family offices au Luxembourg, explique-t-il. Si elle fixe un cadre apprécié, elle engendre aussi des coûts importants pour les sociétés qui veulent s’installer au Luxembourg, ce qui en rebute certaines.» Pascal Rapallino fait référence au coût significatif – plusieurs centaines de milliers d’euros – qu’impliquent la demande d’agrément auprès de la CSSF et la gestion de l’entité régulée, une fois celui-ci obtenu. « Le Luxembourg reste toutefois compétitif, car l’écosystème local est très riche pour les familles qui ont besoin d’une base en Europe. La seule chose qui mériterait d’être améliorée est la difficulté à ouvrir un compte bancaire pour créer une société au Luxembourg. Mais je pense que le problème est désormais bien connu du monde politique. Espérons que les choses changent rapidement à ce niveau », conclut le président de la LAFO.

La loi sur les family offices a été votée le 21 décembre 2012. Elle fixe les conditions pour mener une telle activité et établit notamment la nécessité d’obtenir un agrément auprès de la CSSF.

UNE INDUSTRIE EN PLEIN DÉVELOPPEMENT

Au niveau global, l’essor des family offices est relativement récent. Ainsi, à en croire les chiffres fournis par UBS dans son rapport Global Family Office 2021, 30 % de l’ensemble des family offices recensés à l’échelle mondiale ont été créés entre 2000 et 2010. Et 40 % d’entre eux ont vu le jour au cours de la décennie suivante. Ce chiffre illustre bien l’importante croissance de cette activité au cours des dernières années, qui va de pair avec la naissance de fortunes considérables dans un temps très limité, un phénomène que l’on doit

aux nouvelles technologies et aux « licornes » qui ont su en tirer profit.

Cela dit, toutes les familles fortunées ne peuvent pas se permettre de recourir aux services d’un family office, en raison des frais souvent élevés qui sont généralement demandés par ces prestataires. Au niveau européen, selon la LAFO, le montant moyen des actifs sous gestion via des family offices en Europe s’élève ainsi à 861 millions de dollars. Il existe en effet un seuil critique pour pouvoir bénéficier, de façon économiquement viable, des services d’un family office. Le Global Family Office Report 2021 d’UBS montre d’ailleurs que 40 % des familles

interrogées disposent d’actifs s’élevant à plus d’un milliard de dollars, et 50 % à plus de 500 millions de dollars.

UNE CENTAINE D’AGRÉMENTS EN 2017

Et au Luxembourg ? En 2017, la CSSF avait déjà distribué une centaine d’agréments à des professionnels souhaitant exercer l’activité de family office. Toutefois, il faut signaler que les single family offices ne sont pas soumis à la réglementation de 2012 et peuvent donc s’installer sans devoir faire une demande d’agrément. Ceux-ci ne sont donc pas repris dans ces chiffres. Au-delà de ce nombre, très peu d’autres

informations filtrent sur l’activité de family office au Luxembourg. En Europe, par contre, on sait un peu plus précisément comment sont répartis les actifs à travers ces family offices. La LAFO nous apprend en effet qu’en 2019, ils étaient placés à 32 % dans des actions, 20 % dans le private equity, 23 % dans d’autres actifs alternatifs, 15 % en obligations, 7,7 % en cash, 2,6 % en matières premières. Quant aux industries dans lesquelles investissent ces familles, elles sont très diversifiées : finance et assurance (21 %), manufacture (16 %), immobilier et location / leasing (14 %), gestion de sociétés (8,8 %) et technologie (6,3 %).

2012
Private banking AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 69

« Private banking ou wealth management ?»

Pour Luc Rodesch, responsable Banque privée et membre du comité exécutif de la Banque de Luxembourg, quelle que soit la terminologie employée – private banking, wealth management ou encore gestion de fortune –, l’accompagnement patrimonial de la clientèle privée requiert une expertise globale et personnalisée.

Conversation Luc Rodesch
Photo MATIC ZORMAN Interview MICHAËL PEIFFER
70 PRIVATE BANKING
2023
AVRIL

À la Banque de Luxembourg, Luc Rodesch indique qu’il n’y a pas de seuil pour devenir client de la banque privée. Le projet d’épargne reste un critère plus important.

En tant que responsable Banque privée et membre du comité exécutif de la Banque de Luxembourg, quelle serait votre définition du private banking ? Est-elle différente de celle du wealth management ?

Selon moi, les termes de private banking, de wealth management ou encore de gestion de fortune sont trois appellations différentes pour une même offre : proposer un ensemble de prestations de services à destination de clients privés fortunés. Il s’agit là d’une question purement terminologique. Aucune distinction n’est réellement nécessaire. Ma définition du private banking tourne autour d’un terme important qui est celui de private. Il s’agit donc de services dédiés à un client privé, par opposition au patrimoine professionnel qu’un client peut détenir au niveau de sa société, par exemple. La banque privée est ainsi au service de l’accompagnement patrimonial de personnes ou de familles.

Qu’entendez-vous par « clientèle fortunée » ? Existe-t-il une segmentation au sein de votre clientèle ?

C’est une notion très relative, et chaque banque dispose de sa propre politique en la matière. À la Banque de Luxembourg, nous n’avons pas réellement défini de seuil minimum pour faire partie de notre clientèle de banque privée. À partir de quelques dizaines de milliers d’euros, tout investisseur résidant au Luxembourg et ayant un projet d’épargne est le bienvenu chez nous. Par exemple, un jeune médecin qui n’a pas encore constitué d’épargne et qui souhaite financer l’installation de son cabinet. Nous pourrons lui proposer des solutions de financement ainsi qu’un plan d’investissement qui correspondent à ses projets actuels et futurs. Toutefois, tous les services ne sont pas offerts à tous. Par exemple, la classe d’actifs du private equity intéresse une large partie de notre clientèle. Composée d’actifs hautement illiquides, cette dernière n’est pas accessible à tous : en effet, le ticket d’entrée minimum est généralement de 250.000 euros.

Comment s’articule l’offre d’une banque privée comme la vôtre aujourd’hui ?

Le cœur de métier de la banque privée reste le conseil en investissement, la

gestion d’actifs. L’offre se décline différemment selon le profil de décision de chaque client. Le premier cas est celui du client sans connaissance ou appétence particulière des marchés financiers. Nous gérons son portefeuille sur base d’un mandat de gestion discrétionnaire. La majorité de nos clients optent aujourd’hui pour ce type de mandat. Le deuxième cas est celui des clients qui souhaitent être conseillés, tout en gardant la main sur les décisions de gestion. Il s’agit alors d’une offre de conseil en investissement au sein d’un univers d’investissement très large. Enfin, nous avons des clients, dits en execution only, qui souhaitent prendre eux-mêmes les décisions pour la gestion de leur patrimoine. Ils recherchent principalement une banque dépositaire.

Quels sont les autres sujets sur lesquels vous pouvez accompagner les familles fortunées ? On estime, souvent à tort, qu’une personne fortunée n’a pas besoin de crédit. Or, très souvent, nos clients, même les plus fortunés, font appel à nos services de financement. Il ne s’agit pas seulement d’un prêt que l’on accorde pour acheter un portefeuille, une résidence secondaire ou une entreprise, mais d’un accompagnement complet dans la façon de mettre en place ou de structurer ce crédit. C’est un volet important de notre activité que nos concurrents, notamment certains acteurs suisses, ne proposent pas. Pour terminer, au-delà de notre métier historique de banquier privé, nous accompagnons également les entreprises et entrepreneurs dans leurs projets, en les aidant à gérer, développer, pérenniser et transmettre leur patrimoine professionnel et privé. Enfin, nous sommes également en mesure d’aider les gestionnaires d’actifs et promoteurs de fonds à créer et à développer leurs fonds d’investissement, sur toute la chaîne de valeur.

BIO EXPRESS

Né en 1967, Luc Rodesch est titulaire d’une licence en sciences économiques appliquées de l’Université de Louvain. Il rejoint la Banque Générale du Luxembourg en 1990 en tant qu’analyste financier. En 2000, il est nommé directeur Private banking de la Banque Générale du Luxembourg. Depuis 2005, Luc Rodesch est membre du comité exécutif de la Banque de Luxembourg et responsable du département de la banque privée pour l’ensemble des marchés. Entre 2010 et 2015, il a également présidé le Private Banking Group, Luxembourg de l’ABBL.

« La banque privée est au service de l’accompagnement patrimonial de personnes ou de familles. »
Conversation Luc Rodesch 72 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

SAVE THE DATE!

CATEGORIES

Visionary

Banking Personality

Insurance Personality

Funds Personality

ESG Champion

Private Equity Executive

Fintech Entrepreneur

Capital Markets — Leading M&A Expert

The Luxembourg financial centre

Driver of the Luxembourg economy, the financial centre has developed since the 1950s to become a leading European platform for international financial institutions:

— 123 international banks from 26 countries

— 57% global market share in cross-border investment

funds (PwC Global Fund Distribution 2022)

— International portability and a unique level of protection in life insurance

— European leader in international securities listings (39,000 + listed and tradable securities)

— Largest market share of

Recognising outstanding contribution to the financial sector

P aperjam  + Delano and Luxembourg for Finance are delighted to announce their first Finance Awards – another chance for us to give recognition to those in the finance industry who continued to show excellence and outstanding expertise during the year.

This awards ceremony also rewards those who were instrumental in the creation

of the financial centre, its development and the structuring of its products, and those who represent it internationally.

In total, over 150 recognised and influential experts across Luxembourg’s finance sector will be nominated in one of the seven categories and shortlisted by a panel of peerto-peer, high-profile experts.

listed green bonds in the world

— A comprehensive fintech ecosystem and strong start-up support

— EU continental hub for 7 Chinese banks

— 1st Islamic fund centre in the EU, 4th in the world

SOURCE: Luxembourg For Finance

VENUE Casino 2000, Mondorf-les-Bains

DATE & TIME

Tuesday

21 November 2023 from 18:00 to 22:00

Cocktail — International keynote speaker — Awards ceremony — Seated dinner

« Les apps en banque privée sont trop souvent statiques »

Selon Anthony Wolf, partner et head of financial services au sein de Sia Partners, la banque privée doit pouvoir proposer des applications plus interactives à ses clients. Sans quoi elle risque de voir une partie de sa clientèle lui échapper.

Interview QUENTIN DEUXANT
Photo MATIC ZORMAN
74 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

Anthony Wolf note que des concurrents de la banque privée bénéficient du peu d’offres digitalisées proposées aux clients plus fortunés.

Conversation Anthony Wolf

Si tous les clients des banques retail sont désormais habitués à gérer l’ensemble de leurs opérations à partir de leur smartphone, qu’en est-il au niveau de la banque privée ?

La plupart des banques privées proposent également une application à leurs clients. Toutefois, bien souvent, il s’agit de solutions relativement statiques, qui permettent de consulter son compte, d’avoir un aperçu des performances de son portefeuille ou encore de recevoir des messages de la banque. Il s’agit donc d’applications aux possibilités assez limitées et, surtout, qui ne vont que dans un sens, c’est-à-dire de la banque vers le client. Cela manque cruellement d’interactivité.

Qu’est-ce qui explique cette différence entre ce que proposent les banques de détail et les banques privées ?

Les banques de détail ont investi dans leurs applications depuis 10 ans, et ce dans un but très clair : limiter leurs coûts, d’une part, et rendre les choses plus simples pour leurs clients, d’autre part. Nous nous plaignons parfois des excès de la digitalisation, mais en ce qui concerne notre gestion bancaire quotidienne, il faut reconnaître qu’elle a grandement contribué à l’amélioration de la qualité de service. Il est bien plus simple et rapide d’effectuer un virement aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Si les banques privées ne se sont pas lancées aussi rapidement dans cette transformation et ne proposent finalement que des applications aux fonctionnalités limitées, c’est d’abord en raison de leur clientèle. Celle-ci est globalement encore assez âgée et apprécie le contact humain, interpersonnel, les atmosphères feutrées et confortables des salons des banques privées. Pour beaucoup d’acteurs de la banque privée, il est essentiel de préserver cet aspect, ce qui n’est certainement pas une mauvaise idée. Toutefois, une clientèle plus jeune arrive aux commandes de ces fortunes, et celle-ci est habituée à disposer d’outils technologiques performants. Certains sont, dès lors, parfois étonnés de constater à quel point les solutions proposées par leur banque privée manquent d’interactivité.

Ce désintérêt pour le développement d’applications performantes risque-t-il de détourner certains clients de la banque privée traditionnelle ?

À l’échelle du marché, certains concurrents des acteurs de la banque privée, plus avancés en matière de digitalisation, bénéficient déjà de cette situation. C’est d’abord le cas des banques de détail, qui sont de plus en plus nombreuses à proposer des services de banque privée. Celles-ci ont déjà investi massivement dans leur application et peuvent, dès lors, proposer des fonctionnalités performantes, éventuellement adaptées, à leurs clients de la banque privée. Par ailleurs, les fintech attirent de plus en plus de clients de la banque privée, surtout les plus jeunes. La plupart d’entre eux utilisent déjà les apps proposées par ces pure players pour suivre les marchés ou investir directement.

Cela signifie-t-il que la banque privée doit proposer le même type d’applications que celles offertes dans la banque de détail, avec les mêmes fonctionnalités ?

Il me semble qu’il serait malvenu de proposer certaines fonctionnalités, comme un chatbot contrôlé par une intelligence artificielle pour répondre à toutes les questions des clients. Une telle solution pourrait être offerte pour répondre à des questions très basiques, mais il faut parvenir à conserver la marque de fabrique de la banque privée, en donnant la possibilité aux clients d’avoir un accès direct et rapide à un banquier en cas de question plus complexe. Un autre aspect que les banques privées gagneraient à aborder réside dans l’exploitation des données qu’on peut récolter facilement à travers l’application. Par exemple, si un client fait une recherche sur le bitcoin dans son app, son banquier privé devrait pouvoir le recontacter pour lui expliquer que la banque ne propose pas d’investir directement dans les cryptomonnaies, mais bien dans des fonds qui intègrent de tels actifs. De cette façon, on exploite la technologie tout en conservant ce rapport humain fondamental.

Peut-on imaginer que, grâce à leurs outils performants, les nouveaux acteurs technologiques finissent

« Les fintech attirent de plus en plus de clients de la banque privée, surtout les plus jeunes. »
76 PRIVATE BANKING AVRIL 2023

par prendre le dessus, à un moment, sur la banque privée traditionnelle ?

Le CEO de KBC, Johan Thijs, a déclaré il y a quelques années, par rapport aux évolutions technologiques en cours, que «  personne ne veut être le Nokia de la banque ». Il y a en effet un risque, si les banques privées n’investissent pas assez dès aujourd’hui dans leur digitalisation, de voir les fintech grappiller des parts de marché. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas attendu pour développer leur offre. Un acteur comme Revolut a annoncé dernièrement qu’il pensait à développer des services de banque privée, de la conciergerie, etc. Le jour où de nombreuses banques en ligne ou fintech investiront sérieusement ce marché, il y a un risque pour que les banques privées soient dépassées. À mon sens, il serait dommage d’attendre pour agir…

Dans une banque privée plus digitale, que restera-t-il de la sacro-sainte relation interpersonnelle ?

Il ne faut pas mettre de côté cet aspect. Il y aura sans doute moins de contacts entre le banquier privé et son client à l’avenir, mais des contacts plus qualitatifs. Le client devra être plus valorisé, par exemple en étant invité à des événements prestigieux, mais de façon ponctuelle.

Au-delà de la production d’applications dédiées à la relation client, quelle est la maturité de la banque privée par rapport à la digitalisation de son back-office ?

De nombreux chantiers ont déjà été réalisés à ce niveau, notamment en s’appuyant sur des technologies comme l’intelligence artificielle (IA) ou la robotic process automation (RPA). Cela permet d’accélérer le traitement des données – les ordres passés, par exemple –, mais aussi de garantir leur exactitude. Cela se traduit in fine par une amélioration du service au client.

Dans un secteur qui, finalement, se porte assez bien, comment convaincre les banques privées de la nécessité de se digitaliser ?

C’est effectivement l’un des problèmes fondamentaux : il est toujours plus difficile de changer quand tout va bien, quand

SEUL OU ACCOMPAGNÉ ?

Le développement d’applications ne fait pas partie des compétences de base dans la banque privée. Faut-il, dès lors, embaucher pour mettre au point ces outils ou compter sur les services d’acteurs spécialisés ? « De nombreux acteurs proposent aujourd’hui des applications bancaires clés en main aux banques privées. Pour les plus petites d’entre elles, il s’agit d’une solution simple et relativement économique. Les banques qui font partie de plus grands groupes, elles, tireront souvent profit des développements réalisés au niveau d’autres entités du groupe », précise Anthony Wolf.

la profitabilité est toujours au rendez-vous. Mais pour éviter le « phénomène Nokia » que nous évoquions tout à l’heure, il est important de se remettre dès aujourd’hui en question, en anticipant le changement à venir. Le plus difficile est de prendre la mesure de l’ampleur des chantiers à mettre en œuvre. Certains acteurs ont déjà investi dans la digitalisation, mais il s’agit souvent d’adaptations en surface. Ces derniers vont, dès lors, tomber des nues en réalisant qu’ils sont dépassés, alors qu’ils pensaient avoir fait le nécessaire. Pour éviter de se retrouver dans cette situation, des moyens massifs doivent être investis dans la digitalisation, dès aujourd’hui. L’aspect technique n’est toutefois pas le seul à prendre en compte. Il y a aussi du changement à apporter au niveau de l’organisation, en rajeunissant et en diversifiant les cadres, par exemple. À ce propos, il est assez frappant de constater que les banques privées les plus performantes aujourd’hui, d’un point de vue digital, sont celles qui ont fait confiance à de jeunes dirigeants, mais aussi à des femmes ou des profils issus de la diversité. Il y a une vraie corrélation à ce niveau-là.

Comment les applications bancaires peuvent-elles soutenir un autre enjeu majeur qu’est la transition vers une finance durable ?

Elles peuvent aussi s’avérer essentielles à ce niveau, notamment en facilitant le reporting, en fournissant des informations pertinentes, en donnant accès aux performances de produits verts. Il y a aujourd’hui un certain nombre de fintech qui se sont déjà spécialisées dans ce domaine, et qui connaissent un certain succès. On peut, par exemple, citer Greenly, qui permet de calculer notre empreinte carbone en fonction de nos dépenses. Les banques privées le savent : les personnes fortunées, et notamment les plus jeunes, sont sensibles à la durabilité. 65 % d’entre elles seraient même prêtes à obtenir un profit légèrement moindre si elles ont la certitude que leur argent aura un impact positif. Sur ce point aussi, il y a donc urgence à agir en intégrant ces aspects « durables » au cœur de solutions digitales qui sont mises au point par les banques privées.

AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 77

ÉVÉNEMENTS

À vos agendas

1

Où se rassembleront les professionnels de la gestion de fortune et d’actifs dans les prochains mois ? Où se rendre pour développer son réseau et se tenir au courant dernières tendances du secteur ? Sélection de manifestations qui vous attendent dans les mois à venir.

Sustainable Wealth Forum

23 mai 2023

Hôtel Le Royal, Luxembourg

Le 23 mai prochain, Hubfinance proposera la seconde édition du Sustainable Wealth Forum. Rendez-vous luxembourgeois des leaders de l’investissement durable, cet événement accueille les grands acteurs en sélection et distribution de fonds, mais aussi l’écosystème wealth management de la Place, véritablement engagé dans cette nouvelle voie. Ce forum prend la forme d’une matinée de conférences et d’ateliers de travail.

4

Wealth Management Summit 2023

8-9 novembre 2023, Londres

Professional Wealth Management et FT Live proposent la 6e édition de leur sommet annuel dédié à la gestion patrimoniale. Cet événement abordera, pendant deux jours, les opportunités et les défis de la gestion des patrimoines transfrontaliers, dans un contexte macroéconomique incertain.

2

IMpower FundForum

27-28 juin 2023

Grimaldi Forum Monaco

L’IMpower FundForum est un rendezvous incontournable des gestionnaires d’actifs et de fortune les plus influents au monde. Chaque année, l’événement rassemble plus de 1.400 décideurs, plus de 150 CEO de sociétés d’investissement et quelque 250 conférenciers et experts pendant deux journées intenses, propices au réseautage et au développement d’affaires.

5

Innovation in Wealth Management Summit

8 juin 2023, Londres

Cette année, le sommet sur l’innovation dans le wealth management réunira des gestionnaires de patrimoine, des investisseurs et des experts en technologie de renommée mondiale. Au programme : une journée de discussion et de réseautage au cours de laquelle seront proposés de nombreux débats autour des opportunités et des défis pour les gestionnaires de patrimoine.

3

Money 20/20

6-8 juin 2023

Amsterdam Événement européen incontournable en matière de fintech et de wealthtech, Money 20/20 doit permettre aux acteurs de se mettre à la page et de découvrir les dernières évolutions technologiques permettant de soutenir leur transformation et de les aider à relever de nouveaux défis. Les chiffres de cet événement parlent pour lui : 7.500 visiteurs, plus de 2.300 sociétés représentées venues de 90 pays, et 350 speakers.

6

Paperjam + Delano’s Finance Awards

21 novembre 2023, Mondorf-les-Bains

La place financière luxembourgeoise sera à l’honneur lors d’une cérémonie exceptionnelle proposée par Paperjam et Delano. Elle récompensera les personnes qui ont pensé la Place, qui ont permis sa croissance, qui ont structuré des produits et / ou qui la représentent à l’international –des visionnaires de la première heure aux rising stars

78 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
Private banking

PME: SCALE ME UP!

FR Colonne vertébrale de l’économie luxembourgeoise, les PME font preuve d’inventivité et de pragmatisme pour accélérer et structurer leur croissance de façon échelonnée. Innover, recruter, produire, vendre, lever des fonds : ces dirigeants cumulent les défis. Ils sont à l’honneur lors de ce 10×6. Cette soirée sera ouverte par un mot de bienvenue de M.Lex Delles, ministre des Classes moyennes et ministre du Tourisme.

EN As the backbone of the Luxembourg economy, SMEs are showing inventiveness and pragmatism in order to accelerate and structure their growth in a staggered way. Innovating, recruiting, producing, selling, raising funds: these leaders face many challenges. They will be particularly highlighted during this 10×6 event. The evening will be opened by a welcome speech from Mr Lex Delles, minister for Small and Medium-Sized Entreprises and minister for Tourism.

25 April 2023

18:30 22:30

Athénée de Luxembourg

24, Bd Pierre Dupong

L-1430 Luxembourg

Damien Chasseur Collaboration Betters The World Genna Elvin Tadaweb Myriam Filali Rockids Felix Hemmerling Kodehyve Patrick Kersten Vesperia Vincent Lyonnet Steel Shed Solutions Régis Claudel Blue Wire Carolyn Prestat Fiveoffices Jean-Marc Ueberecken Arendt & Medernach Clémentine Venck Cocottes Registration on paperjam.lu/club
GOLD PARTNER
Welcome address by Lex Delles, minister for Small and Medium-Sized Entreprises and minister for Tourism

« Une jeune génération davantage engagée sur la voie de la durabilité »

Selon Kris De Souter, head of private banking et membre du comité exécutif de Degroof

Petercam Luxembourg, bien comprendre les aspirations de la nouvelle génération de clients et parvenir à y répondre est un enjeu crucial pour la banque privée.

80 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Conversation Kris De Souter

Rien de tel que d’assister à un conseil de famille, selon Kris De Souter, pour observer les différences entre les générations dans le rapport au patrimoine et à l’investissement.

Quel enjeu représente la next gen pour une banque privée ?

Pouvoir appréhender les attentes de nos futurs clients – ceux de la génération suivante – est un enjeu fondamental pour une banque privée comme la nôtre, comme pour tous les acteurs de la gestion de patrimoine en Europe. Nous y sommes directement confrontés lorsque les questions relatives à la transmission de patrimoine sont évoquées dans le cadre d’une famille. À ce niveau, nous avons régulièrement l’occasion de constater que, d’une génération à l’autre, les attentes évoluent, comme la manière d’appréhender la richesse. L’enjeu, pour la banque, est de pouvoir accompagner la transmission du patrimoine au fil des générations. C’est ce que nous faisons depuis plus de 150 ans en accompagnant des familles sur plusieurs générations. D’autre part, si l’on veut continuer à satisfaire nos clients, en attirer de nouveaux, il nous faut appréhender les attentes et tendances, trouver comment faire valoir notre expertise et nos compétences dans un environnement de plus en plus complexe.

Dans quelle mesure le rapport au patrimoine et à l’investissement évolue-t-il avec les générations ?

J’ai récemment eu l’occasion de participer à un conseil de famille qui réunissait des membres issus de trois générations autour de questions liées à la gestion et à la transmission de patrimoine. C’est dans ce genre d’occasion que l’on peut constater les évolutions qu’il peut y avoir d’une génération à l’autre. On trouve les représentants de la première génération – dans ce cas précis, un entrepreneur qui, à force de travail et d’engagement, a construit un patrimoine familial conséquent qu’il souhaite aujourd’hui transmettre. Au-delà de la constitution et du suivi d’un portefeuille diversifié de base, un client, comme dans mon exemple de la première génération, a souvent peu d’exigences et est généralement très attaché au couple rendement-risque, principal critère considéré pour envisager des opportunités d’investissement.

Comment les attentes évoluent-elles au niveau des générations suivantes ? Pour la génération suivante, le rapport

rendement-risque est toujours très important. Cependant, ces clients vont être un peu plus attentifs à la nature des investissements. Ils veilleront par exemple à ce que le patrimoine ne contribue pas à la fabrication d’armes ou exigeront des garanties d’honorabilité. Ils développent une attitude plus responsable dans leur manière d’investir. On va alors exclure certains secteurs du portefeuille d’investissement. Si l’on évoque la troisième génération, cela va beaucoup plus loin. Elle est davantage engagée sur la voie de la durabilité. Sans négliger l’importance du rendement, les plus jeunes vont souhaiter que l’investissement produise des impacts positifs sur la société, qu’il contribue à la transition environnementale que nous devons mener, à plus de justice sociale. On intègre alors les logiques de développement durable ou d’investissement à impact au cœur du portefeuille d’investissements.

Comment la banque appréhende-t-elle ces évolutions ? Chaque génération développe des attentes particulières, entretient un rapport différent à l’investissement, que l’on peut d’ailleurs aujourd’hui mettre en relation avec la classification récemment introduite par la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). Si l’on reprend le cas du pater familias, le représentant de la première génération, son niveau d’exigence correspond aux produits d’investissement aujourd’hui regroupés sous l’appellation Article 6, qui ne font pas la promotion d’un aspect de durabilité. La seconde génération, plus attentive à ces enjeux de responsabilité, souhaitera qu’on lui propose une approche correspondant à la catégorie Article 8, avec des produits ou des portefeuilles qui font la promotion d’un aspect durable. La troisième génération, pour sa part, souhaitera que les investissements répondent à des objectifs de durabilité bien établis, comme c’est le cas des produits dits Article 9, et que l’on puisse rendre compte de la contribution durable du portefeuille construit. Pour le banquier, l’enjeu est donc de parvenir à répondre à ces différentes attentes, selon les souhaits de chacun.

« Les jeunes générations souhaitent pouvoir interagir autrement avec leur banque. »
82 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Conversation Kris De Souter

Aujourd’hui, comment cela se traduit-il au sein de vos offres et conseils en investissement ?

Cet engagement en faveur d’un investissement responsable fait partie de l’ADN de notre banque. Nous pouvons aujourd’hui proposer cela à nos clients dans la mesure où, il y a 20 ans, nous avons commencé à construire une offre et à développer des compétences en matière d’investissement responsable et durable. À notre échelle, ce n’est pas en réponse à une tendance de marché ou en raison de la pression réglementaire que nous nous sommes engagés dans cette voie, mais parce que nous sommes convaincus par la pertinence de cet engagement. Nous avons fait le choix de rendre notre gestion discrétionnaire conforme à l’Article 8 dès la mise en place de la réglementation SFDR, en mars 2021.

En outre, on sait aujourd’hui qu’il est tout à fait possible de concilier investissement à impact positif et rapport rendement-risque acceptable… ?

Oui. Au sein de Degroof Petercam, nous sommes convaincus de l’intérêt d’investir dans des sociétés qui, au niveau de la direction, du management et de leur gouvernance, intègrent ces enjeux de responsabilité et de durabilité. De notre point de vue, une telle approche a pour effet, a minima, de réduire les risques inhérents à l’investissement et, au-delà, contribue bien souvent à garantir un meilleur retour sur investissement. Nous sommes une banque créée par des entrepreneurs en 1871 pour répondre aux attentes des entrepreneurs. Ces derniers, le plus souvent, investissent dans des projets dans l’optique d’obtenir un rendement financier, mais aussi avec la volonté de répondre à des besoins de la société, en faisant preuve de responsabilité à l’égard des parties prenantes qui l’accompagnent et l’entourent. Notre engagement en faveur d’une finance responsable s’inscrit dans cette démarche et fait partie de notre ADN. Ces valeurs se traduisent dans notre approche de gestion. Également, nous aimons travailler avec des gestionnaires tiers qui partagent nos convictions.

Si l’on parle d’investissement à impact positif, les convictions des

CONCILIER LES ATTENTES DE TROIS GÉNÉRATIONS

Comment parvenir à concilier les attentes de trois générations différentes ? Kris De Souter partage son point de vue : « C’est souvent très compliqué. Au sein d’une même famille, d’une génération à l’autre, il peut parfois y avoir de profonds désaccords. Le banquier privé a aussi un rôle à jouer à ce niveau, en accompagnant la famille avec la volonté de rassembler ses membres autour d’un projet et de valeurs communes, qui pourront se traduire au niveau d’une charte familiale et d’une gouvernance encadrant la prise de décision ou établissant les règles de succession. Son rôle peut parfois être celui d’un médiateur ou d’un intermédiaire qui aborde des questions que les familles évitent. Nous soutenons d’ailleurs nos clients dans ces démarches à travers notre département Family office, en étant indépendants et objectifs. »

uns et des autres peuvent varier considérablement. Comment, à travers les stratégies d’investissement mises en œuvre, parvenez-vous à répondre à ces nouvelles attentes ?

La stratégie d’investissement se construit selon les attentes et objectifs de chacun, au départ d’un socle principal, à savoir un portefeuille bien diversifié selon une approche traditionnelle. Cela ne change pas. À côté de celui-ci, toutefois, la génération suivante (la génération Z, par exemple) souhaite procéder à des investissements en ligne avec quelques mégatendances, selon leurs convictions. On peut évoquer certaines grandes thématiques autour du numérique et de la cybersécurité, de l’industrie des semi-conducteurs, de la préservation de l’eau ou encore des villes intelligentes, pour n’en citer que quelques-unes.

À côté de l’approche standard, ils ont donc la possibilité de prendre des positions sur certaines thématiques, notamment pour aller chercher du rendement ou encore personnaliser leur portefeuille en fonction de leurs convictions. Notre rôle est de les accompagner, de les conseiller pour élaborer un portefeuille qui correspond à leur projet. Dans cette perspective, les jeunes générations, constatant qu’il existe des opportunités d’investissement en dehors des sociétés cotées, s’intéressent de plus en plus aux actifs privés, comme le private equity, que nous leur proposons également.

Nos parents ou grands-parents avaient tendance à accumuler des richesses, à constituer un patrimoine toujours plus conséquent. La jeune génération entretient-elle le même rapport avec le capital ?

À ce niveau, on peut évoquer certaines évolutions. Nous recevons par exemple de plus en plus de demandes d’informations relatives à la mise en œuvre de projets philanthropiques. Si la volonté est de préserver le patrimoine familial, nous constatons auprès des jeunes générations un souhait de partager la richesse construite dans le temps, de pouvoir la rendre à la société, à travers la mise en place d’une fondation ou en la plaçant au service de causes qui leur tiennent à cœur. La Fondation Degroof Petercam, créée en 2008, fait désormais partie des

AVRIL 2023 PRIVATE BANKING 83

10 plus grandes fondations belges. Répondant aux souhaits de nos fondateurs et de certains de nos clients, elle entend soutenir une société durable et inclusive, dans laquelle chacun a la possibilité de s’épanouir. Pour cela, elle s’est donné pour mission de sélectionner et de soutenir des solutions innovantes pour l’emploi. Nous avons, au départ de cette fondation, développé une expertise approfondie dans le domaine de la philanthropie, nous permettant d’accompagner les clients qui souhaitent eux aussi mener des projets de cette nature.

Les jeunes générations sont aussi plus connectées. Comment le numérique supporte-t-il l’expérience utilisateur ?

Les jeunes générations, beaucoup plus connectées que les précédentes, souhaitent en effet pouvoir interagir autrement avec leur banque. Cela ne veut pas dire que l’humain s’efface au profit de la technologie. Au contraire, la relation que chacun entretient avec son banquier privé reste très importante aux yeux des clients. La communication s’effectue davantage via des canaux numériques, à travers des fonctionnalités sécurisées de vidéo-conférence ou de messagerie. Il va de soi qu’un client doit pouvoir visualiser son portefeuille et consulter l’évolution de ses performances en ligne à tout moment. Mais quand cela se justifie, pour évoquer des enjeux plus complexes, des projets importants, la rencontre en face à face est toujours importante et appréciée de chacun.

Dans la perspective d’une transmission, comment s’assurer que les générations suivantes seront à même de gérer le patrimoine comme il se doit ?

C’est une des préoccupations de nos clients, des parents – vis-à-vis de leurs enfants –, mais aussi des enfants. Pour y répondre, nous avons notamment mis en place un programme de formation spécifique, en collaboration avec la Solvay Brussels School of Economics & Management. Sur plusieurs mois, les enfants de nos clients qui ont entre 20 et 40 ans sont invités à prendre part à des événements, des conférences et des formations autour de sujets divers liés à la gestion de patrimoine ou à l’in-

vestissement. Au terme du programme, ils reçoivent un certificat émis par cette prestigieuse institution de formation à la gestion. Pour nous, en tant que banquiers, ce programme est essentiel. Il nous permet de rassurer les parents et, très tôt, de développer des relations avec la génération suivante, de mieux comprendre ses attentes. Cela nous permet d’évoluer afin de pouvoir leur offrir un service qui correspond à leurs aspirations.

Vis-à-vis de la jeune génération –qui est plus éduquée et qui dispose d’un panel de solutions lui permettant sans doute de gérer de manière beaucoup plus autonome ses placements –, où se situe la valeur ajoutée du banquier privé ?

Si l’on considère les nouvelles générations de clients fortunés, on constate que leur fortune est plus complexe que celle de leurs aïeux. Il y a 20, 30 ou 40 ans, la richesse s’établissait au niveau du pays de résidence de l’entrepreneur, là où prospérait aussi, le plus souvent, l’entreprise constituée. La situation demeurait belgo-belge ou luxo-luxembourgeoise. Désormais, un client fortuné est presque systématiquement confronté à des enjeux multijuridictionnels, beaucoup plus difficiles à appréhender. Si l’entreprise a été créée au Luxembourg, il n’est pas rare que le dirigeant réside dans un autre pays, dispose d’une résidence secondaire à la côte belge ou dans le sud de la France. Il peut avoir un fils qui mène des études à Paris et une fille qui vit en Espagne, où elle a épousé un ressortissant anglais. En matière de structuration de patrimoine, il faut pouvoir maîtriser toute cette complexité pour prendre les mesures les plus adéquates. C’est dans la gestion de ces dimensions cross-border, pour laquelle nous développons une expertise poussée au départ du Luxembourg, que se révèle aujourd’hui toute la valeur du banquier privé et de ses équipes, notamment d’estate planner. L’expertise et les compétences que nous avons en la matière, le client ne pourra pas les trouver en ligne. Aujourd’hui, c’est autour de notre capacité à accompagner nos clients sur ces enjeux que nous construisons notre valeur ajoutée.

PRÉFÉRENCES ET COMPORTEMENTS DES HNWI TECH-WEALTH* EN LIEN AVEC LES

TECHNOLOGIES

Source Capgemini Research Institute for Financial Services Analysis – 2022 / Capgemini Global HNWI Insights Survey – 2022

76 %

Préfèrent effectuer des transactions par eux-mêmes

71 %

Optent pour des stratégies d’investissement personnalisées à gestion active

Préfèrent un conseiller dont le profil sociodémographique correspond à celui du client

S’attendent à ce que les services consolidés répondent à leurs besoins personnels et professionnels

Souhaitent bénéficier de tous les services financiers au sein d’une seule et même plateforme

Souhaitent des stratégies d’investissement à faible risque, même si le retour sur investissement est moindre

Souhaitent un conseil purement virtuel pour guider leurs décisions d’investissement

*Tech-wealth : qui se sont enrichis grâce à des activités liées à la technologie

Conversation Kris De Souter
66 % 64 % 62 % 57 % 51 % 84 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Denise Voss, Luxflag

La compétitivité des banques privées luxembourgeoises

Le secteur des banques privées fait face à des évolutions. Trois experts expliquent comment le Luxembourg peut rester compétitif sur ce segment.

OLIVIER LECLER

Directeur Private banking Europe (Luxembourg, Suisse, Monaco)

Société Générale

Si la priorité accordée aux clients et le modèle de service sous­jacent représentent toujours les deux principales priorités au niveau macro, je pense que la véritable différenciation dépendra de la capacité des banques privées à fournir des solutions innovantes et personnalisées à une clientèle UHNW de plus en plus exigeante. Concrètement, nous devons satisfaire les besoins des clients des deux côtés de leur bilan, sur une base multi­juridictionnelle et intergénérationnelle, et en tirant parti de capacités transversales. Ces moyens seront essentiels pour que le Luxembourg se démarque d’autres grands centres financiers, comme la Suisse et le Royaume­Uni, par sa capacité à fournir à ses clients une qualité de service et une expérience client inégalées.

L’image du Luxembourg à l’international est un élément­clé de son attractivité pour les investisseurs. Un travail de fond sur le renforcement de cette image a été engagé depuis plusieurs années et est à poursuivre. Pour rester compétitif, le marché luxembourgeois doit participer à la mise en avant des expertises uniques que peut proposer la Place. Les banques privées s’appuient sur un écosystème local axé sur l’organisation patrimoniale internationale, qu’il s’agira de préserver et de renforcer. Il est essentiel de conserver cette agilité permanente par rapport à l’évolution de la réglementation. Enfin, donner du sens au patrimoine de nos clients est une attente de plus en plus forte. Le développement de solutions d’investissement responsable spécifiques est à intensifier.

« Le premier enjeu concerne le fait de défendre et promouvoir l’honorabilité de la Place, prérequis à sa pérennité. »

PASCAL JULLIARD

Directeur général

HSBC Private Bank Luxembourg SA Depuis 2008, les actifs des banques privées luxembourgeoises ont doublé. Célébrer cette performance ne peut cependant pas nous détourner des enjeux à maîtriser afin de la reproduire et d’aller encore plus loin. Trois de ces enjeux méritent une attention particulière. Le premier concerne le fait de défendre et promouvoir l’honorabilité de la Place, prérequis à sa pérennité, et de développer sa reconnaissance à l’étranger. Ensuite, il s’agit de poursuivre la sophistication de l’offre, en symbiose avec nos partenaires naturels : régulateurs, avocats, family offices, auditeurs… Enfin, il est essentiel de préserver l’attractivité de l’emploi. Cela passe par le fait de faciliter le travail à domicile des frontaliers et de déployer un régime favorable aux impatriés.

Propos recueillis par MARIE JACQUEMIN
« Il est essentiel de conserver cette agilité permanente par rapport à l’évolution de la réglementation. »
« La banque privée luxembourgeoise doit tirer parti de ses capacités transversales. »
FORECAST Photos
86 PRIVATE BANKING AVRIL 2023
Deutsche Bank, Société Générale, HSBC Private Bank Luxembourg SA
Putting your assets to work is our priority Alain Uhres, Senior Vice President & Head of Department, Private Banking SPUERKEESS.LU/privatebanking Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg, établissement public autonome, 1, Place de Metz, L-1930 Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B30775

L’AVENIR ÉCONOMIQUE EST INCERTAIN.

NOTRE EXPERTISE NE L’EST PAS.

Dans un environnement économique et financier de plus en plus complexe, prendre les bonnes décisions pour gérer votre patrimoine ne s’improvise pas. Depuis plus de 100 ans, nos experts vous accompagnent dans la préservation, la valorisation et la transmission de votre patrimoine.

www.banquedeluxembourg.com/investir

Banque de Luxembourg, société anonyme –14, boulevard Royal –L-2449 Luxembourg –R.C.S. B5310

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